Notes
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[1]
Inscrite sous le numéro (T 12-40.084). Qui a fait l’objet d’un non-lieu à renvoi par arrêt n° 154 du 10 janvier 2013 (la question n’était pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux dès lors que l’article 46 et la portée effective que lui donne la jurisprudence ne privent pas le vendeur de demander réparation sur le fondement de la responsabilité de droit commun.
-
[2]
Civ. 2° Ch. 3 octobre 2002 -au Bulletin- D 2003 somm. P. 1332, note Giverdon.
-
[3]
JCPN 1997, p. 503 note Dagot.
-
[4]
N° 08/02194.
Rapporté par Christophe Sizaire in Construction - Urbanisme n° 3, mars 2012, comm. 54 : « Non application de la loi Carrez et garantie de contenance de droit commun ». -
[5]
N° 05/05159.
Rapporté par Christophe Sizaire in Construction - Urbanisme n° 3, mars 2012, comm. 54 : « Non application de la loi Carrez et garantie de contenance de droit commun ». -
[6]
Constr.-Urb. 2009, comm. 74.
-
[7]
Cour d’appel Versailles, 21 mai 2001, Gaz. Pal., 11 janvier 2002, p. 25.
-
[8]
3° Ch. 11 janvier 2012, n° 10-22.924 au Bulletin.
-
[9]
Civ. 3ème Chambre 28 janvier 2009 publié au Bulletin « la réunion de tous les lots entre les mains d’un même propriétaire avait entraîné de plein droit la disparition de la copropriété ».
-
[10]
Civ. 3° Ch. 28 janvier 2009, n° 06-19.650, au Bulletin.
-
[11]
Nous nous épargnerons ici le débat initié par la Cour de cassation sur la portée de l’état descriptif de division : (document de nature simplement administrative dressé pour les besoins de la publication ou document de nature contractuelle) pour constater simplement que ce document délimite la limite des parties et des parties communes.
-
[12]
Civ., 3° Ch., 13 avril 2005, n° 03-21004 et 03-21015.
-
[13]
Civ. 3° Ch. 6 septembre 2011, n° 994 F-D.
-
[14]
Civ. 3° Ch., 24 mai 2006, n° 05-14038.
-
[15]
Bastia, Ch. B. du 11 janvier 2012, RG 09/00828, inédit.
-
[16]
Sauf réunion de ces deux lots en un nouveau lot avant la vente.
-
[17]
Civ. 3 mai 1990, Inf. Rapides de la Copropriété 1990 p. 281.
-
[18]
Ce qui avait fait dire au professeur Périnet-Marquet lors d’un colloque de la CNEC : « soit tu paies et tu « carrèzes », soit tu ne paies pas mais tu ne « carrèzes » pas ».
-
[19]
Civ. 3° Ch. 7 février 2012, n° V 11-11.608, F-D.
-
[20]
Que les sans-abri nous pardonnent cette évocation !
-
[21]
Civ. 3° Ch. 7 février 2012.
-
[22]
L’arrêt est cassé mais uniquement en ce qui concerne le calcul de la réduction de prix, rappel étant fait qu’en application de la loi Carrez, on doit prendre le prix de vente divisé par le nombre de m² portés à l’acte pour obtenir un prix du m², que l’on multiplie ensuite par le nombre de m² supprimés du décompte pour obtenir le montant des sommes à restituer. Dans le cas d’espèce le vendeur avait vendu 270 m² au prix de 335.387 € alors que la superficie retenue par les juges n’était que de 183,7 m². La Cour avait alloué à l’acheteur : 335.387 * 183,7/270, soit 228.187 €. Elle aurait dû lui allouer : 335.387/270 * (270-183,7) = 108.000 € !
-
[23]
Cet arrêt confirme indirectement la position de la Cour de cassation selon laquelle une partie commune spéciale ne devient pas de plein droit partie privative lorsque tous les lots concernés sont réunis en une seule main.
-
[24]
Civ. 3° Ch. 8 octobre 2008, n° 07-16.540 FS-P-B.
-
[25]
N° 08-20310, publié au bulletin.
-
[26]
Civ. 3° Ch. 5 déc. 2007, n° 06-19.676, FS-P+B.
-
[27]
3ème civ., 21 juin 2006, n° 04-20.660, FS-PB de Quenetain c/Green : juris-Data n° 2006-034145.
-
[28]
Cf. plaquette « La Loi Carrez » Edition 2012, de l’O.G.E. Collection Repères Experts.
1L’application de la loi Carrez résulte essentiellement des dispositions du décret n° 97-532 du 23 mai 1997 inséré au décret du 17 mars 1967 sous les numéros 4-1 à 4-4, et plus particulièrement les deux premiers articles relatifs au mesurage.
2Pour autant les choses ne sont pas toujours évidentes : M. Carrez a affirmé que sa loi était une bonne loi et qu’il souhaitait la voir étendre à toutes les ventes immobilières, y compris aux ventes de terrains. Remarquez cela aurait un avantage pour le mesurage car nous n’aurions pas alors à nous pencher sur les embrasures de portes ou les cages d’escaliers. Est-ce une si bonne loi ? Nous devons nous interroger dès lors qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) se trouve soumise à l’examen de la Cour de cassation à la demande du Tribunal de grande instance de Toulon [1] qui est ainsi rédigée : « l’article 46 de la loi de 1965, compte tenu de la portée que lui confère l’interprétation jurisprudentielle, porte-t-elle atteinte au droit à un recours juridictionnel, à la liberté contractuelle et au droit de la propriété ? ».
3On appréciera la subtilité de la question : la loi n’est pas remise en cause dans sa rédaction même mais du fait de l’application jurisprudentielle qui en est faite !
4Une autre observation doit être faite : la loi Carrez est une loi bien écrite -ce qui ne justifie pas pour autant son insertion dans la loi sur la copropriété, chef-d’œuvre rédactionnel du moins à son origine- dont la vocation est exclusivement la gestion des immeubles communs et aucunement de régler les relations sur le prix de la vente d’un bien immobilier, fusse d’un lot de copropriété, entre vendeur et acquéreur. Pourtant cette loi et son décret d’application ont donné lieu à une jurisprudence abondante.
5Dans ces conditions notre propos sera limité aux points les plus saillants, les plus sensibles selon un plan pragmatique : les ventes soumises à mesurage et celles qui ne le sont pas… (I) ; les lots soumis à mesurage et le mesurage (II) ; la bonne ou mauvaise foi dans la vente d’un lot soumis au mesurage « Carrez » (III).
I – Les ventes soumises à mesurage et celles qui ne le sont pas
6L’article 46 étant inséré dans la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ne peut recevoir application que si l’immeuble dont dépendent les biens vendus sont eux-mêmes soumis au statut de la copropriété, c’est-à-dire que la loi s’appliquera à l’occasion d’une vente (A) d’un immeuble bâti (B) divisé par lots appartenant à plusieurs personnes (C).
A – La vente
1 – La loi ne s’applique pas au congé… préalable à la vente
7Cette question a été réglée par un texte de loi, l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 modifié et qui est ainsi rédigé : « les dispositions de l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont pas applicables au congé fondé sur la décision de vendre le logement ».
8Si la même dispense doit s’appliquer à la vente en bloc (il n’y a pas encore de copropriété), par contre elle ne doit pas bénéficier à l’offre de vente au locataire en cas de première vente après division ou subdivision de l’immeuble, prévue à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975, alors même que la vente sera parfaite du seul fait de l’acceptation du locataire.
2 – La loi ne s’applique pas aux ventes sur adjudication forcée
9La Cour de cassation considère en effet que le jugement d’adjudication ne « constitue pas un contrat constatant une vente » [2].
10Par contre, la doctrine considère de façon unanime que les dispositions de la loi Carrez s’appliquent à une adjudication volontaire ou à une licitation.
B – La loi Carrez ne s’applique que si la loi sur la copropriété s’applique
1 – La vente en VEFA
11La doctrine et la jurisprudence se sont partagées sur ce sujet.
12C’est ainsi par exemple que la Cour d’appel de Pau par un arrêt du 27 novembre 2006 [3] et la Cour d’appel de Caen par un arrêt du 5 janvier 2010 [4], s’étaient prononcées pour l’application de la loi Carrez à la vente en l’état futur d’achèvement, tandis que la Cour d’appel de Versailles dans un arrêt du 24 novembre 2006 [5] et la Cour d’appel de Chambéry dans un arrêt du 16 décembre 2008 [6] s’étaient prononcées en sens contraire.
13S’agissant de la doctrine, la plupart des auteurs étaient hostiles à l’application de la loi Carrez aux ventes en état futur d’achèvement, mais on retiendra par exemple que Daniel Sizaire proposait -autant par prudence que par souci de transparence- que la superficie loi Carrez soit mentionnée dans les actes de vente en l’état futur d’achèvement, créant de la sorte une obligation contractuelle au profit de l’acquéreur [7].
14Le raisonnement est au demeurant très simple : l’article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ne peut s’appliquer que si la loi sur la copropriété s’applique. Or, en application de l’article 1er de la loi, celle-ci ne peut s’appliquer qu’aux immeubles bâtis.
15La question a été finalement tranchée par la Cour de cassation [8], l’acquéreur demandait restitution du prix en invoquant à la fois les dispositions de l’article 46 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 et le bénéfice de l’article 1622 du Code civil sur le défaut de contenance. La Cour de cassation écarte la référence à l’article 46 mais reconnaît valable la demande sur la base de l’article 1622 du Code civil. Il est vrai que les promoteurs écartant la loi Carrez ne pensent pas à insérer la clause dérogatoire aux dispositions de l’article 1622 du Code civil !
16Compte tenu de cette position de la Cour de cassation relatée, il semble préférable désormais d’éviter tout mesurage dans le cadre de la VEFA.
17Par contre, et bien évidemment, il n’y a pas de discussion lorsqu’il s’agit de la vente d’un volume qui par définition n’est pas soumis au statut de la copropriété !
2 – La loi Carrez ne s’applique pas en cas de réunion de tous les lots entre les mains d’un seul propriétaire
18La loi du 10 juillet 1965, et en conséquence son article 46, ne peuvent recevoir d’application que si l’immeuble entre dans le champ de son article 1er, c’est-à-dire si la propriété de l’immeuble est divisée entre plusieurs personnes.
19Nous savons que la copropriété disparaît de plein droit dès lors que tous les lots deviennent la propriété d’une seule et même personne [9].
20La Cour de cassation en tire la conséquence que la loi Carrez ne s’applique plus dans cette hypothèse [10].
II – Les lots soumis à mesurage et le mesurage
21Rappelons tout d’abord les dispositions des articles 4-1 et 4-2 du décret du 17 mars 1967 dans leur rédaction issue du décret du 23 mai 1997 :
Article 4-1
« La superficie de la partie privative d’un lot ou d’une fraction de lot mentionnée à l’article 46 de la loi du 10 juillet 1965 est la superficie des planchers des locaux clos et couverts après déduction des surfaces occupées par les murs, cloisons, marches et cages d’escalier, gaines, embrasures de portes et de fenêtres. Il n’est pas tenu compte des planchers des parties des locaux d’une hauteur inférieure à 1,80 mètre ».
Article 4-2
« Les lots ou fractions de lots d’une superficie inférieure à 8 mètres carrés ne sont pas pris en compte pour le calcul de la superficie mentionnée à l’article 4-1 ».
24Concernant ce dernier article, nous relèverons avec intérêt que des logements non décents au sens du décret n° 2000-120 du 30 janvier 2002 (moins de 9 m² carrés de surface minimum, 20 m³ de volume habitable et 2,20 m. de hauteur sous plafond)… donc inlouables, peuvent entrer dans le mesurage de la loi Carrez. Ces deux textes n’ont pas le même objet.
25Bien que ces dispositions soient claires et précises, la jurisprudence nous démontre la persistance d’un certain nombre de difficultés de mesurage.
26Rappelons une fois encore que la loi Carrez s’inscrit dans le cadre de la copropriété ; or, qui dit copropriété dit nécessairement existence d’un état descriptif de division et d’un règlement de copropriété dont l’objet est à la fois de définir les parties privatives et les parties communes et de définir la destination de ces lots.
27La lecture d’un règlement de copropriété complétée par la lecture de l’état descriptif de division [11] et une visite des lieux doivent permettre assez facilement de déterminer si les surfaces en cause entrent ou non dans le champ de la loi Carrez et de son décret d’application. Pour autant, nombre de problèmes vont se poser du fait de modifications apportées à la consistance du lot d’origine, de son changement d’affectation ou du fait de la volonté expansionniste de certains copropriétaires sur les parties communes.
28Lorsque le technicien fait le mesurage Carrez doit-il tenir compte de la superficie du lot telle qu’elle résulte de sa description à l’état descriptif de division (voire au règlement de copropriété) ou telle qu’elle résulte des modifications apportées ?
29Envisageons les trois hypothèses qui posent principalement problème à l’aide d’exemples donnés par la jurisprudence.
A – Le lot a été modifié dans sa consistance sans extension sur les parties communes
30Dans cette hypothèse, le propriétaire vendeur a modifié la consistance de la partie privative de son lot sans annexion de parties communes.
1 – Création d’une mezzanine à l’intérieur du lot
31Bien évidemment si le copropriétaire s’est contenté de poser une structure en bois sur le plancher d’origine, il n’y a pas de véritable création de plancher et en ce cas le mesureur ne tiendra pas compte de la superficie de cette mezzanine.
32Par contre, si le copropriétaire a créé un véritable plancher supplémentaire, dégageant un niveau d’une hauteur supérieure à 1,80 m, par ancrage d’une structure dans les murs porteurs, il conviendra de tenir compte des mètres carrés supplémentaires réalisés et ceci quand bien même les travaux ont été effectués sans autorisation d’assemblée générale ou quand bien même ne figurait dans la désignation du lot qu’une petite mezzanine agrandie par le copropriétaire [12].
2 – Transformation d’un abri non clos en un local clos et couvert
33Lors de la vente le notaire avait repris la description du lot à savoir « un bâtiment non clos ». Mais antérieurement à la vente -et sans aucune autorisation administrative préalable- le propriétaire avait transformé son lot en local à usage d’habitation clos et couvert.
34L’auteur du mesurage avait retenu la superficie ainsi clôturée et couverte après travaux.
35Les acquéreurs ont engagé une action en réduction de prix dont la Cour d’appel les déboute : « Selon l’article 4-1 du décret n° 97-532 du 23 mai 1997, la superficie privative d’un lot ou d’une partie de lot mentionnée à l’article 46 de la loi est la superficie des planchers des locaux clos et couverts ; pour l’application de ce texte il y a lieu de prendre en compte le bien de tel qu’il se présente matériellement au moment de la vente ».
36La Cour de cassation [13] rejette le pourvoi en affirmant que la Cour d’appel a « exactement (souligné par nos soins) retenu pour l’application de ce texte il y avait lieu de prendre en compte le bien tel qu’il se présentait matériellement au moment de la vente ».
37Ajoutons que l’acquéreur de plus n’est pas à l’abri d’un recours éventuel du syndicat des copropriétaires puisque la transformation réalisée a une incidence sur la SHAB, laquelle constitue un droit accessoire aux parties communes même si elle ne figure pas dans l’énumération de l’alinéa trois de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965, cette énumération n’étant pas limitative [14].
3 – Balcons transformés en loggias
38Il s’agit ici d’une histoire corse : l’acte de vente porte sur un appartement avec un balcon et deux loggias, étant précisé qu’à l’origine il existait seulement trois balcons et que deux de ces balcons ont été transformés en loggias fermées par des baies vitrées. Fallait-il incorporer ces deux loggias dans le décompte de la superficie Carrez ?
39Précisons pour la petite histoire que dans cette affaire il y a eu trois mesurages successifs… dont celui d’un expert judiciaire et… trois calculs de superficies différents, justement du fait de la divergence entre les techniciens quant au sort à réserver aux loggias.
40La Cour d’appel [15] analyse le règlement de copropriété et constate que celui-ci ne prévoit pas de parties communes à jouissance privative ; elle relève ensuite que ces loggias ne sont accessibles que par l’appartement du propriétaire vendeur ; elle relève enfin que la fermeture des loggias par des baies vitrées avait constitué la surface habitable au sens de la loi Carrez.
41En définitive, la Cour de Bastia conclut en des termes un peu surprenants : « (la superficie des loggias) méritait (souligné par nos soins) d’être prise en compte dans le calcul de la surface loi Carrez ».
42Même si la justice ne se rend pas au mérite, il convient de constater qu’ici encore c’est la situation de fait qui est prise en compte par les magistrats.
B – Le lot a été modifié par incorporation de parties communes
43Nous savons que le copropriétaire est pire que la nature : il a horreur du vide ! Et en conséquence il a une propension naturelle à annexer les espaces communs tels les couloirs où les paliers qui ne desservent que son ou ses lots.
44Si cette incorporation a fait l’objet d’une décision d’assemblée générale, cela signifie normalement qu’un lot privatif a été créé à partir de l’ancienne partie commune et que ce lot a été cédé au copropriétaire. Cette situation ne doit donc pas engendrer de difficulté particulière puisque le vendeur propose à la vente non pas un lot mais deux lots distincts [16] : son local d’origine d’une part et l’ancienne partie commune annexée contractuellement d’autre part. La seule difficulté que l’on rencontre dans cette hypothèse est que trop souvent au moment de la revente l’acte authentique de cession du nouveau lot n’a pas encore été signé ou que cet acte, bien que signé n’a pas encore été publié.
45Une seconde hypothèse peut se présenter : la partie d’immeuble prétendument annexée n’est pas mentionnée au règlement de copropriété ou à l’état descriptif de division. Forts d’une tradition remontant à la loi de 1938, les praticiens ont tendance à considérer que les parties d’immeubles qui ne sont pas décrites dans les parties privatives d’un lot (donc à l’état descriptif de division) sont des parties communes par subsidiarité. Ce qui est une erreur au regard de l’article 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 qui -encore une fois- définit comme partie privative toute fraction d’immeuble à usage exclusif d’un copropriétaire. En sorte qu’une partie privative peut très bien ne pas figurer à l’état descriptif de division (cf. la question des combles [17]) ; ce qui peut être le cas d’une partie d’immeuble qui n’est accessible que depuis un lot, ce qui ne peut être normalement le cas pour un bout de couloir desservant un lot privatif.
46Enfin, et le plus souvent, cette incorporation de parties communes a été réalisée « sauvagement » : par exemple, le copropriétaire a posé une porte fermant à clé à l’entrée du couloir dont il veut s’assurer la propriété exclusive.
47Dans ces deux dernières hypothèses, sauf régularisation par l’assemblée générale entraînant la création d’un nouveau lot et paiement des parties communes annexées, il paraît difficile de « carrezer » les surfaces en cause [18].
48Relevons au demeurant que le propriétaire du lot peut avoir fait cette annexion depuis plus de trente ans et avoir ainsi acquis cette partie commune par prescription.
49Pour autant, mais par prudence, le notaire invitera le plus souvent le vendeur à retarder la vente jusqu’à ce qu’une assemblée générale ait régularisé les choses et qu’un nouveau lot ait été créé correspondant à ces anciennes parties communes. A défaut il mentionnera que le vendeur déclare que cette fraction d’immeuble est à son usage exclusif depuis plus de trente ans et se réservera la preuve qu’il a informé les parties des risques encourus quant aux suites éventuelles de cette situation ambiguë.
50Pour clore ce chapitre j’aimerais vous faire part d’une question qui me préoccupe depuis la publication de la loi Carrez : si nonobstant les règles que nous venons d’évoquer, le vendeur produit un mesurage Carrez incluant des parties communes annexées de fait, l’acquéreur -présumé de bonne foi- pourra-t-il, dix ans après son acte d’achat opposer au syndicat la prescription abrégée de ces m² figurant ainsi dans son titre ?
51Dans l’affirmative, notre acquéreur aurait plutôt intérêt à ne pas introduire l’action en réduction du prix.
C – Le mesurage en cas de changement d’affectation d’un lot
52Dans le cas présent nous citerons deux arrêts apparemment contradictoires.
1 – Cave transformée en bureaux
53Voici un bien situé en rez-de-chaussée et en sous-sol (éclairé) de l’immeuble. L’état descriptif de division définissait le bien à l’origine comme comportant une cave surélevée d’un rez-de-chaussée et un premier étage. Il avait été ensuite modifié en sorte que le lot était désormais décrit de la façon suivante : « a) au sous-sol trois pièces et escalier donnant accès au rez-de-chaussée, b) au rez-de-chaussée : un magasin ».
54En fait, le propriétaire affectait son lot à usage de bureaux… sans avoir sollicité aucune autorisation administrative préalable.
55Il vend son lot avec une loi Carrez incorporant le sous-sol. L’acquéreur assigne en réduction de prix de vente en demandant au juge d’exclure bien évidemment les superficies du sous-sol.
56La Cour d’appel constate la modification apportée à l’état descriptif d’origine : il ne s’agit plus d’une cave de trois pièces en sous-sol, avec lumière et aération et une hauteur supérieure à 1,80 m, mais bien d’un local à usage de bureaux. La Cour d’appel constate qu’aucune disposition légale n’écarte l’application des dispositions de la loi Carrez aux locaux situés en sous-sol, sans constituer des caves et rejette en conséquence la demande de l’acquéreur.
57L’acquéreur régularise un pourvoi, en affirmant qu’en se fondant sur l’état descriptif de division modifié pour en déduire que le sous-sol ne constitue plus une cave, la Cour d’appel a violé la loi Carrez.
58La Cour de cassation [19] rejette le pourvoi.
59C’est donc l’affectation effective du lot au moment de la vente qui détermine si celui-ci doit être ou non exclu, totalement ou partiellement, du mesurage de la loi Carrez.
2 – Local d’habitation transformé en garage pour voitures de collection [20]
60La Cour de cassation retient, nonobstant cette transformation, que la surface du lot doit être incluse dans la superficie de la loi Carrez [21] au double motif : de première part que le lot est toujours défini comme un local d’habitation dans le règlement de copropriété, de seconde part que l’acquéreur peut toujours et à tout moment réaffecter ce lot à usage d’habitation.
61Le rapprochement de ces deux décisions nous permet de constater que, sous réserve de la configuration physique du lot, c’est essentiellement sa qualification aux termes de l’état descriptif de division ou du règlement de copropriété, plutôt que son usage effectif au moment de la vente qui va permettre de dire s’il convient ou non de faire application de la loi Carrez.
D – Les parties communes à usage exclusif
62Reste une dernière question concernant le mesurage. Qu’en est-il des parties communes à usage exclusif ?
63À première analyse, nous pourrions penser que les parties communes à jouissance privative ne sont qu’exceptionnellement des parties d’immeubles closes et couvertes : on comprendrait mal que l’auteur de l’état descriptif de division crée un local couvert et fermé dont il réserve la jouissance exclusive à un lot : dans cette hypothèse en effet il fera plutôt de ce local une partie privative.
64Deux cas particuliers doivent cependant retenir notre attention.
1 – Les paliers parties communes « privatisés » par suite de la réunion des lots
65En l’espèce le vendeur avait réuni plusieurs niveaux desservis par un escalier et des paliers parties communes spéciales à ses lots.
66Mais aucune modification du règlement de copropriété (et de l’état descriptif de division) n’était intervenue.
67Le vendeur, considérant qu’il y avait lieu de mesurer une « unité d’habitation », avait donc inclus ces paliers dans la surface loi Carrez. Il avait de plus inclus la surface de la piscine et du jardin privatif !
68La Cour d’appel a considéré que devaient être retirés du mesurage Carrez non seulement la piscine et le jardin (non clos ni couverts) mais également ces paliers qui ne sont qu’à jouissance privative.
69La Cour de cassation rejette le pourvoi sur ces deux questions [22] en relevant que la Cour d’appel a « exactement retenu que si la totalité des lots litigieux avait été réunie et formait un immeuble à usage d’habitation, cette situation factuelle créant une unité d’habitation ne suffisait pas à exclure la chose vendue du régime de la copropriété [23] ».
2 – Constructions sur terrasse à jouissance privative
70Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 octobre 2008 [24], la partie commune considérée était une terrasse sur jardin à jouissance privative sur laquelle le propriétaire avait purement et simplement empiété en y adossant deux constructions successives se présentant sous forme de véranda. Au total 15 m² avaient été créés sur cette partie commune à jouissance privative.
71Ces extensions ont été comprises dans le métrage loi Carrez au moment de la vente.
72L’acquéreur fait une action en réduction de prix dont il est débouté au motif que le bien vendu comporte bien deux avancées closes sur le jardin
73La Cour de cassation, notamment au visa des articles 1 et 2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, casse en un attendu lapidaire : « En statuant ainsi, alors qu’un droit de jouissance exclusive sur une partie commune, n’est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d’un lot, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
74Bien évidemment cet arrêt s’inscrit dans le droit fil de l’arrêt du 6 juin 2007 (La Rotonde) [25] ayant rappelé, plutôt que décidé pour la première fois, qu’il ne peut pas y avoir de lots de copropriétés constitués d’un droit de jouissance exclusive, ce « lot » de jouissance ne comportant pas de partie privative en contradiction avec la définition du lot donnée à l’article 1er de la loi.
III – Bonne et mauvaise foi dans la loi Carrez en cas d’erreur de mesurage
A – La bonne foi de l’acquéreur
75Aux termes de l’article 1134 du Code civil les conventions s’exécutent de bonne foi.
76La loi Carrez protège l’acquéreur contre lui-même : c’est le droit de la consommation appliqué au droit immobilier.
77Mais il arrive que l’acquéreur achète un bien en connaissant précisément la superficie de celui-ci et en se gardant d’aviser le notaire et le vendeur de l’erreur de calcul qui a été commise dans l’établissement de la superficie Carrez.
78En sorte qu’il achète en connaissance de cause un bien à un prix déterminé et s’empresse d’introduire une action en diminution de prix !
79La Cour de cassation considère que la bonne ou la mauvaise foi est étrangère au problème [26]. Dans le cas d’espèce le vendeur avait fait un mesurage Carrez alors qu’il avait un locataire dans les lieux. Postérieurement à ce mesurage le locataire -avec l’accord du bailleur- aménage l’appartement de telle sorte que cela supprime des mètres carrés habitables au sens de la loi Carrez. Lors de la vente le vendeur reprend la superficie résultant du mesurage réalisé antérieurement. L’acquéreur, auteur des travaux ayant minoré la superficie Carrez, l’assigne en réduction de prix. La Cour d’appel rejette la demande dès lors que l’acquéreur connaissait parfaitement le bien acquis. Cassation : « la connaissance par l’acquéreur avant la vente de la superficie réelle du bien vendu ne le prive pas de son droit à la diminution du prix qui n’est pas subordonné à la preuve d’un préjudice ».
B – La bonne foi du vendeur
80Le vendeur établit rarement lui-même la superficie loi Carrez et le notaire le dissuadera de pratiquer de la sorte. Il fera donc appel à un professionnel.
81L’homme des mesures c’est le géomètre, sans pour autant que lui soit reconnu un monopole. Dans un arrêt du 21 juin 2006, la troisième chambre civile de la Cour de cassation [27] a en effet précisé que « le mesurage de la superficie de la partie privative d’un lot de copropriété en application de l’article 46 de la loi est une prestation topographique n’ayant pas pour objet la délimitation des propriétés et en conséquence ne relève pas de la compétence exclusive du géomètre expert ».
82Le mesurage pourra être fait également par un architecte, un agent immobilier, voire par une société d’expertises en « loi Carrez, termites, plomb, diagnostics et adaptation de règlements de copropriété ».
83La pratique nous enseigne que s’il y a peu d’écarts de mesurage entre deux géomètres qui feront tous deux application des recommandations de leur Ordre [28], par contre les résultats obtenus sont plus incertains voire plus contestables lorsqu’ils sont le fruit du travail de certains autres professionnels.
84Dès lors le vendeur risque d’être sanctionné pour une erreur de superficie dont il n’est pas responsable.
85Sa bonne foi est entière mais sans aucun effet exonératoire ni modérateur sur la sanction « douloureuse » édictée par le législateur.
86Se pose alors le problème du recours du vendeur contre le professionnel responsable. Mais M. le professeur Tomasin a exposé la théorie du « juste prix » adopté par les magistrats et justifiant en droit pur… et le rejet systématique de ce recours en garantie (souligné par nos soins).
Notes
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[1]
Inscrite sous le numéro (T 12-40.084). Qui a fait l’objet d’un non-lieu à renvoi par arrêt n° 154 du 10 janvier 2013 (la question n’était pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux dès lors que l’article 46 et la portée effective que lui donne la jurisprudence ne privent pas le vendeur de demander réparation sur le fondement de la responsabilité de droit commun.
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[2]
Civ. 2° Ch. 3 octobre 2002 -au Bulletin- D 2003 somm. P. 1332, note Giverdon.
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[3]
JCPN 1997, p. 503 note Dagot.
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[4]
N° 08/02194.
Rapporté par Christophe Sizaire in Construction - Urbanisme n° 3, mars 2012, comm. 54 : « Non application de la loi Carrez et garantie de contenance de droit commun ». -
[5]
N° 05/05159.
Rapporté par Christophe Sizaire in Construction - Urbanisme n° 3, mars 2012, comm. 54 : « Non application de la loi Carrez et garantie de contenance de droit commun ». -
[6]
Constr.-Urb. 2009, comm. 74.
-
[7]
Cour d’appel Versailles, 21 mai 2001, Gaz. Pal., 11 janvier 2002, p. 25.
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[8]
3° Ch. 11 janvier 2012, n° 10-22.924 au Bulletin.
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[9]
Civ. 3ème Chambre 28 janvier 2009 publié au Bulletin « la réunion de tous les lots entre les mains d’un même propriétaire avait entraîné de plein droit la disparition de la copropriété ».
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[10]
Civ. 3° Ch. 28 janvier 2009, n° 06-19.650, au Bulletin.
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[11]
Nous nous épargnerons ici le débat initié par la Cour de cassation sur la portée de l’état descriptif de division : (document de nature simplement administrative dressé pour les besoins de la publication ou document de nature contractuelle) pour constater simplement que ce document délimite la limite des parties et des parties communes.
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[12]
Civ., 3° Ch., 13 avril 2005, n° 03-21004 et 03-21015.
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[13]
Civ. 3° Ch. 6 septembre 2011, n° 994 F-D.
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[14]
Civ. 3° Ch., 24 mai 2006, n° 05-14038.
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[15]
Bastia, Ch. B. du 11 janvier 2012, RG 09/00828, inédit.
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[16]
Sauf réunion de ces deux lots en un nouveau lot avant la vente.
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[17]
Civ. 3 mai 1990, Inf. Rapides de la Copropriété 1990 p. 281.
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[18]
Ce qui avait fait dire au professeur Périnet-Marquet lors d’un colloque de la CNEC : « soit tu paies et tu « carrèzes », soit tu ne paies pas mais tu ne « carrèzes » pas ».
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[19]
Civ. 3° Ch. 7 février 2012, n° V 11-11.608, F-D.
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[20]
Que les sans-abri nous pardonnent cette évocation !
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[21]
Civ. 3° Ch. 7 février 2012.
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[22]
L’arrêt est cassé mais uniquement en ce qui concerne le calcul de la réduction de prix, rappel étant fait qu’en application de la loi Carrez, on doit prendre le prix de vente divisé par le nombre de m² portés à l’acte pour obtenir un prix du m², que l’on multiplie ensuite par le nombre de m² supprimés du décompte pour obtenir le montant des sommes à restituer. Dans le cas d’espèce le vendeur avait vendu 270 m² au prix de 335.387 € alors que la superficie retenue par les juges n’était que de 183,7 m². La Cour avait alloué à l’acheteur : 335.387 * 183,7/270, soit 228.187 €. Elle aurait dû lui allouer : 335.387/270 * (270-183,7) = 108.000 € !
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[23]
Cet arrêt confirme indirectement la position de la Cour de cassation selon laquelle une partie commune spéciale ne devient pas de plein droit partie privative lorsque tous les lots concernés sont réunis en une seule main.
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[24]
Civ. 3° Ch. 8 octobre 2008, n° 07-16.540 FS-P-B.
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[25]
N° 08-20310, publié au bulletin.
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[26]
Civ. 3° Ch. 5 déc. 2007, n° 06-19.676, FS-P+B.
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[27]
3ème civ., 21 juin 2006, n° 04-20.660, FS-PB de Quenetain c/Green : juris-Data n° 2006-034145.
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[28]
Cf. plaquette « La Loi Carrez » Edition 2012, de l’O.G.E. Collection Repères Experts.