Notes
-
[1]
Article 3 du décret du 17 mars 1967.
-
[2]
Article 2 du décret du 17 mars 1967.
-
[3]
Pour reprendre la définition de la « liberté civile » retenue par Gérard Cornu dans son lexique de termes juridiques.
-
[4]
J.-M. Gélinet, La réserve du droit de surélévation : l’article 37 de la loi du 10 juillet 1965, Administrer novembre 1995, p. 19.
-
[5]
Cass. civ. 3e, 24 mai 2006, Bull. civ. III, n°134, Administrer août-septembre 2006, p. 53, obs. J.-R. Bouyeure.
-
[6]
Cass. civ. 3e, 10 janvier 2001, AJDI 2001, p. 439, obs. Cl. Giverdon. ; voir également pour une servitude d’accès : CA Paris, 21 décembre 1984, D. 1985, IR, p. 430.
-
[7]
Cass. civ. 3e, 18 janvier 1984, RDI 1984, p. 392, F. Givord et C. Giverdon, D. 1985, p. 505, note Zenati, JCP 1986, II, 20547, note Barbieri ; 19 novembre 1985, RDI 1986, p. 236, F. Givord et C. Giverdon, Administrer mars 1986, p. 36, note Guillot ; CA Versailles, 1ère ch., 1ère sect., 11 mars 1993, Administrer déc. 1993, p. 54.
-
[8]
En ce sens : Cass. civ. 3e, 22 mars 1995, AJPI 1995, p. 795, note M. Morand.
-
[9]
Cass. civ. 3e, 22 mars 1995, préc.
-
[10]
S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, Defrénois 2007, 38609, p. 922.
-
[11]
Pour les conventions signées antérieures à la loi de 1965, c’est l’entrée en vigueur de la loi qui a marqué le point de départ du délai de dix ans.
-
[12]
À noter que l’article 25, ne visant pas cette hypothèse de l’article 37, les copropriétaires ne peuvent se prévaloir de l’article 25-1 pour un second vote à la majorité de l’article 24. En ce sens : J.-M. Gélinet, La réserve du droit de surélévation : l’article 37 de la loi du 10 juillet 1965, préc. p. 20.
-
[13]
CA Paris, 23e ch. Sect. B., 11 octobre 2007, Loyers et copr. 2008, n° 21, obs. G. Vigneron.
-
[14]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc.
-
[15]
Depuis une consécration officielle par la Cour de cassation : Cass. civ. 3e, 15 novembre 1989, Bull. civ. III, n° 213 ; D. 1990, jur. p. 216, note P. Capoulade. Dans cet arrêt, la Cour a défini le lot transitoire comme « le droit exclusif d’utiliser une surface déterminée du sol pour édifier des constructions conformes à un permis de construire délivré ».
-
[16]
Sur les risques d’une requalification en convention de l’article 37, voir : Cass. civ. 3e, 22 mars 1995, préc. ; Cass. civ. 3e, 6 mars 2002, Constr.-urb. 2002, n° 119, note D. Sizaire.
-
[17]
CA Aix-en-Provence, 30 avril 1998, Defrénois 1998, art. 36877, p. 1187, note C. Atias.
-
[18]
En ce sens : P. Cornille, note sous TGI Saintes, 6 juin 1995, JCP N 1995, II, p. 1588.
-
[19]
Cass. civ. 3e, 4 novembre 2010, n° 09-70.235 ; 30 novembre 2010, n° 09-72.386.
-
[20]
Cass. civ. 3e, 8 juin 2011, n° 10-20.276, Loyers et copr. 2011, n° 254, obs. G. Vigneron.
-
[21]
En ce sens déjà : Cass. civ. 3e, 10 septembre 2008, n° 07-16. 858.
-
[22]
Il faut cependant préciser que, quel que soit le degré de précision du lot transitoire, les constructions envisagées ne doivent pas apporter de modifications à ce qui a été prévu dans le règlement de copropriété et dans les actes annexés aux ventes initialement conclues.
-
[23]
En ce sens, S. Lelièvre, L’appartenance du droit de construire en copropriété, AJDI 2011, p. 613.
-
[24]
Voir not. : Cass. civ. 3e, 14 novembre 1991, D. 1992, p. 277, note D. Tomasin.
-
[25]
Article 8 de la loi.
-
[26]
Article 11 de la loi de 1965.
-
[27]
Cass. civ. 3e, 7 avril 2004, n° 02-14.610, Constr.-urb. 2004, n° 142, note D. Sizaire.
-
[28]
En ce sens : D. Sizaire, note préc.
Pour échapper à la rigueur d’une telle solution, on pourrait éventuellement envisager une cession des lots à construire ou une scission de copropriété.
Dans le premier cas, il faudrait trouver un acquéreur susceptible de reprendre le projet initial et obtenir une décision à la majorité de l’article 26 de la loi.
Dans le second, il faudrait s’assurer que la division de la propriété du sol est possible et obtenir une décision en assemblée générale à la majorité des voix de tous les copropriétaires (article 28 de la loi). -
[29]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc. ; S. Lelièvre, L’appartenance du droit de construire en copropriété, AJDI 2011, p. 610.
-
[30]
Cass. civ. 3e, 6 mars 2002, Constr.-urb. 2002, n° 119, note D. Sizaire.
-
[31]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc.
-
[32]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc. ; voir not. L. Lafond et J.-M. Roux, Code de la copropriété, Litec 2012, pages 22 et 375.
-
[33]
En ce sens D. Sizaire, note sous Cass. civ. 3e, 7 avril 2004, n° 02-14.610, Constr.-urb. 2004, n° 142.
1L’article 37 de la loi du 10 juillet 1965 permet au promoteur ou au vendeur d’un immeuble en copropriété de réserver, dans une convention mise en annexe du règlement de copropriété [1] ou dans le règlement de copropriété lui-même [2], l’un des droits accessoires visés à l’article 3 de ladite loi, autre que le droit de mitoyenneté, au profit d’un copropriétaire ou d’un tiers.
2Ce texte offre, a priori, aux fondateurs de l’immeuble en copropriété la possibilité d’accorder à l’un des copropriétaires ou à une personne extérieure à la copropriété l’un des droits accessoires visés à l’article 3 de la loi, à savoir notamment celui de surélever, d’édifier ou d’affouiller dès lors que ces droits sont exercés sur des parties communes.
3Doit-on considérer que cette disposition offre une prérogative ouvrant à son bénéficiaire un accès inconditionnel aux droits habituellement exercés par l’assemblée générale des copropriétaires [3] ? La lecture des conditions de mise en place et de mise en œuvre de ce droit permet d’en douter.
4En effet, l’article 37 a été conçu afin de tenir en échec des pratiques jugées abusives en matière de réserves de construction par les promoteurs ou vendeurs de lots. Loin de vouloir favoriser une évolution de la copropriété par la réalisation de constructions nouvelles, l’auteur de la loi du 10 juillet 1965 a souhaité enfermer cette pratique dans de strictes conditions. L’article 37 s’avère ainsi surtout protecteur des droits des copropriétaires face à des situations privilégiées créées au moment de la mise en copropriété par le promoteur ou le propriétaire initial [4]. Il est certain qu’une telle réserve sans fixation de délai pour construire et de précisions des locaux envisagés laisserait les autres copropriétaires sans défense face à la menace de nouvelles constructions.
5Aussi, après avoir effectivement démontré que la faculté offerte par l’article 37 était une fausse liberté, tant pour celui qui la crée que pour celui qui en bénéficie (I), se posera la question de l’intérêt d’un tel droit de réserve en copropriété (II).
I – Une fausse liberté !
6La réserve prévue à l’article 37 est entendue de manière particulièrement restreinte et rigoureuse, que ce soit dans son champ d’application ou dans ses conditions de mise en œuvre. Limitée quant à son objet, cette prétendue liberté souffre d’être à la fois temporaire et précaire.
A – Une « liberté » limitée quant à son objet
7L’article 37 de la loi du 10 juillet 1965 offre au promoteur ou au vendeur de l’immeuble mis en copropriété la possibilité de réserver « l’exercice de l’un des droits accessoires visés à l’article 3, autre que le droit de mitoyenneté ». Il se rapporte ainsi uniquement à la construction de locaux privatifs en vertu d’un des droits accessoires des parties communes et dont l’exercice dépend en principe du syndicat des copropriétaires.
8Le texte vise les droits accessoires de l’article 3. Il s’agit des droits accessoires aux parties communes listés par ce texte, à savoir, le droit de mitoyenneté mis à part : le droit de surélever un bâtiment affecté à l’usage commun ou comportant plusieurs locaux qui constituent des parties privatives différentes ou d’en affouiller le sol, le droit d’édifier des bâtiments nouveaux dans les cours, parcs et jardins constituant des parties communes et le droit d’affouiller ces cours, parcs et jardins.
9La liste ainsi établie à l’article 3 n’est nullement limitative. La jurisprudence a eu l’occasion de l’affirmer à différentes reprises. Elle a ainsi considéré que la faculté de fermer des terrasses prévue au règlement de copropriété était un droit accessoire [5]. Elle en a jugé de même pour le droit de transformer l’usage d’un appartement lorsqu’il est limité par un coefficient d’occupation des sols ou de la réalisation de modifications dans l’utilisation des locaux existants ayant une incidence sur le COS calculé sur le sol partie commune [6]. Ces droits doivent toutefois avoir une consistance matérielle suffisante pour être éventuellement érigés en lots. La Cour de cassation a ainsi refusé de qualifier de droit accessoire, un simple droit d’affichage ou d’apposition d’un signe, d’une enseigne sur une partie commune. Elle a retenu qu’il s’agissait de droits d’usage privatif accordés à titre précaire par l’assemblée générale et parfaitement révocables [7].
10Le caractère non limitatif de la liste des droits accessoires aux parties communes permet a priori d’envisager une application de l’article 37 plus large que la construction de bâtiments nouveaux ou la surélévation des bâtiments existants. Il faut toutefois souligner que dans tous les cas, il ne peut s’agir que de droits accessoires aux parties communes et que ces droits accessoires aux parties communes sont eux-mêmes qualifiés de parties communes. L’article 37 n’a pas vocation à s’appliquer aux droits accessoires de parties privatives [8]. Il doit également être écarté si le droit accessoire a été érigé en véritable lot de copropriété. S’agissant des règlements de copropriété antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi, l’application de l’article 37, et la caducité du droit de surélever ou de construire attribué à un copropriétaire ou un tiers, dépendra des termes utilisés pour décrire un tel droit [9].
11Autrement dit, l’objet de la réserve visée à l’article 37 est l’exercice d’un droit portant sur les parties communes, un droit qualifié lui-même de partie commune, qui ne peut en principe être exercé qu’après autorisation de l’assemblée générale.
12Cette approche restrictive de l’objet de la réserve est confortée par l’obligation d’insérer dans la convention ou la clause réservant un tel droit, une description précise et intangible de ce qui peut être réalisé sur la base de ce dernier. En effet, à peine de nullité de la convention, l’article 37 prévoit, in fine, que celle-ci doit faire état de l’importance des locaux à construire, du nombre et de la superficie des lots susceptibles d’être créés, de la consistance des locaux, de leur destination. Le projet de construction ou de surélévation susceptible d’être réalisé par le bénéficiaire de la réserve doit être détaillé, accompagné de plans et de tous les documents techniques établis à l’occasion de l’opération. Il est également requis d’y intégrer les indications sur les tantièmes de copropriété ainsi que les tantièmes de charges attribués aux locaux nouvellement créés [10].
13Ainsi, le bénéficiaire se voit-il également contraint de prévoir ce qu’il souhaite faire sans pouvoir faire évoluer son projet. Qu’importe l’évolution des règles d’urbanisme, dans un sens favorable ou non, les caractéristiques des locaux à construire sont figées par la convention de réserve.
14Limitée quant à son objet et quant aux possibilités offertes de construire sur les parties communes, la réserve prévue à l’article 37 de la loi de 1965, l’est également dans le temps.
B – Une « liberté » temporaire et précaire
15Les conventions de réserve des droits accessoires aux parties communes ont également la particularité d’être temporaires. À l’expiration d’un délai de dix ans, ces conventions deviennent caduques si elles n’ont pas été mises en œuvre. L’exercice du droit accessoire réservé disparait définitivement à l’issue de cette période. Le point de départ du délai est la date de la convention [11].
16L’enjeu du contentieux relatif à l’article 37 concerne bien souvent la caducité du droit accessoire accordé à un copropriétaire ou à un tiers. Celui-ci se fonde sur une disposition du règlement de copropriété afin de mener des travaux de construction ou de surélévation. Les autres copropriétaires ou le syndicat cherchent alors à démontrer qu’il s’agit d’une réserve régie par l’article 37 frappée de caducité.
17Mais avant même que le délai de dix ans arrive à expiration, la copropriété dispose de la faculté de s’opposer à l’exercice du droit réservé. Statuant à la majorité de l’article 25 de la loi, c’est-à-dire à la majorité des droits de tous les copropriétaires [12], l’assemblée générale peut faire échec au projet de construction. Certes, l’exercice de cette opposition par le syndicat engendre pour le bénéficiaire du droit réservé, la faculté de demander une indemnité en compensation du préjudice alors subi [13]. Toutefois, là encore, l’aliéna 3 de l’article 37 se montre très restrictif puisque le bénéficiaire devra justifier que la réserve comportait une contrepartie à sa charge.
18Loin d’offrir à son titulaire de larges prérogatives, cette réserve conventionnellement attribuée, n’est finalement qu’un droit personnel, temporaire et précaire, au profit d’une personne déterminée. Les conditions ainsi posées attestent de la défiance du législateur à l’encontre de ces conventions. Elles posent alors la question de leur intérêt.
II – Un réel intérêt ?
19A la lecture de ces conditions, il est possible de s’interroger sur l’intérêt de l’article 37 lorsque le promoteur ou le vendeur souhaite se réserver la possibilité de faire une surélévation ou une extension de la copropriété initiale. La réalisation de constructions nouvelles après la naissance de la copropriété semble devoir emprunter des chemins moins aléatoires, que sont notamment la création de lots transitoires ou d’un droit accessoire sur des parties privatives. En réalité, l’article 37 conserve encore un intérêt si le projet de réalisation de constructions nouvelles reste incertain.
A – Un intérêt limité en cas d’évolution certaine de la copropriété
20L’article 37 est finalement assez peu adapté à la planification d’une évolution future de la copropriété par la réalisation de constructions nouvelles ou de surélévations des bâtiments existants. Celui qui construit ou vend un immeuble mis en copropriété et souhaite se réserver la possibilité de construire, plus tard, de nouveaux locaux prend le risque en se plaçant dans le cadre de l’article 37 de ne jamais pouvoir mener à bien son projet. Il doit prendre sa décision dans un délai de dix ans. Avant l’expiration de ce délai, il peut se heurter à l’opposition de l’assemblée générale ou devoir y renoncer en raison d’une évolution défavorable des règles d’urbanisme.
21Ce sont d’autres solutions qui doivent alors être envisagées afin d’échapper à la précarité du droit réservé dans le cadre de l’article 37. Celui qui entend se garder la possibilité de construire de nouveaux locaux après la mise en place de la copropriété devra sortir du champ d’application de cette disposition. Pour ce faire, il dispose de deux solutions : la première est d’ériger en lot de copropriété le droit de construire, la seconde est de réserver l’exercice de droits accessoires sur des parties privatives.
1 – Un intérêt limité au regard du lot transitoire
22La solution désormais envisagée pour garantir au promoteur ou au vendeur la possibilité de faire évoluer la consistance de la copropriété est la création d’un lot transitoire [14]. Cela revient à privatiser le droit de construire et à l’ériger en partie privative d’un lot affectée d’une quote-part de parties communes. Ces lots sont formés d’une partie privative constituée d’un droit exclusif de construire sur un sol commun des ouvrages dont la consistance est suffisamment déterminée. Leur utilisation est devenue courante dans les programmes réalisés par tranches. Le lot transitoire est un lot « d’attente » tant que les autres bâtiments ne sont pas construits.
23La validité de cette solution ne fait plus guère de doutes [15], il faut toutefois que le règlement de copropriété soit bien rédigé pour éviter tout risque de requalification en réserve de l’article 37. En effet, si le règlement se borne à accorder à une personne déterminée un droit de construire sans lui ôter son caractère de droit accessoire aux parties communes, les juges considèrent qu’il s’agit d’une droit réservé assujetti aux règles de l’article 37. Il convient de prévoir explicitement que le droit de construire est attribué en propriété au bénéficiaire et constitue une partie privative d’un lot avec attribution de quotes-parts de parties communes et quotes-parts de charges, comme s’il était déjà construit [16].
24L’intérêt du lot transitoire est sa permanence. Le droit de construire privatisé pourra être exercé par son titulaire sans considération de délai. Sera-t-il pour autant totalement libre de construire ? Cela va dépendre du degré de précision de la description du droit ainsi attribué et de l’incidence de la construction sur la copropriété existante. S’agissant du degré de précision de la description du lot transitoire, la jurisprudence indique seulement que la consistance du lot doit être clairement définie [17]. Toutefois, la réalisation de nouveaux locaux ou d’une surélévation va nécessairement impacter sur la copropriété et les autres copropriétaires doivent être suffisamment informés des conséquences d’une telle évolution.
25L’évolution récente de la Cour de cassation favorise toutefois une description plus limitée des lots transitoires. On a longtemps considéré que le lot transitoire ne pouvait valablement être stipulé qu’à condition que le permis de construire délivré pour l’opération permette son édification. En effet, la détermination du droit à bâtir composant la partie privative du lot suppose a priori que soient nettement fixés le volume des constructions, le nombre d’étages, la surface de plancher réalisée, ce qui ne peut être fait que par référence à un permis de construire préalablement obtenu. Cette précision est par ailleurs nécessaire pour assurer la déterminabilité des quotes-parts de parties communes et des quotes-parts de charges [18].
26L’intérêt d’une description précise tenait également au fait que la jurisprudence admettait dans ce cas que le titulaire du lot pouvait procéder à la construction sans solliciter une autorisation préalable de l’assemblée générale sur le base de l’article 25 b de la loi de 1965 [19].
27La Cour de cassation a assoupli ses exigences dans un arrêt du 8 juin 2011, dans lequel elle a retenu que le droit de construire un lot transitoire n’était pas soumis à une autorisation préalable de l’assemblée générale alors même que son titulaire bénéficiait « d’un droit d’édification tous bâtiments ou constructions » [20]. Elle admet ainsi la validité de l’octroi dans un lot transitoire d’un droit de construire général et illimité dont la mise en œuvre est dispensée de l’autorisation de l’assemblée générale. Dans cette décision, elle admet également la validité d’un lot transitoire non affecté d’une quote-part de parties communes [21]. Elle prend toutefois soin de préciser que les constructions réalisées n’ont aucun impact sur les parties communes et les équipements communs initialement décrits dans le règlement. Cette position est plutôt favorable au promoteur car plus la description du lot transitoire sera précise, moins le promoteur bénéficiera de latitude pour faire évoluer son projet [22], il convient toutefois de rester prudent quant à son application [23].
28La création d’un lot transitoire permet ainsi d’échapper à la précarité de l’article 37. Elle a cependant pour effet de faire de son propriétaire, un copropriétaire, dès la naissance de la copropriété [24]. La jurisprudence traite le lot transitoire comme un lot construit et fait supporter immédiatement à son propriétaire l’ensemble des charges de la copropriété. Il le met également dans une position qui rend difficile tout abandon du projet. En effet, l’abandon de son lot transitoire par le promoteur suppose une décision unanime, du fait que le cadre de la copropriété est non seulement légal, mais aussi conventionnel par le règlement de copropriété [25], ce qui fait qu’un copropriétaire ne peut se dégager seul de ses obligations. Au surplus, l’abandon aurait une incidence sur la répartition des charges qui en principe relève de l’unanimité [26]. C’est, d’ailleurs, en ce sens que la Cour de cassation s’est prononcée dans une décision du 7 avril 2004 [27]. Dans cet arrêt, la Cour a rappelé que les lots constitués par un droit d’affouiller et une quote-part de parties communes doivent participer aux charges même s’ils devaient s’avérer inconstructibles. Elle a ajouté que ces lots ne peuvent être abandonnés sans le consentement des autres copropriétaires.
29La question peut se poser de savoir si une clause pourrait prévoir cette faculté d’abandon au profit du titulaire d’un lot transitoire. Les autres copropriétaires pourraient ainsi accepter l’aggravation éventuelle de leurs charges par le règlement de copropriété [28].
2 – Un intérêt limité au regard d’une privatisation du droit accessoire
30L’application de l’article 37 étant restreinte à la réalisation de constructions ou de surélévations sur des parties communes ou des bâtiments formés de plusieurs locaux, il est également envisageable de constituer un droit accessoire sur une partie privative. En effet, le texte s’appliquant dans l’hypothèse d’un droit accessoire sur une partie commune, la privatisation du sol ou du bâtiment, permettrait d’écarter l’application du texte et, par la même, la caducité décennale et le droit de véto du syndicat [29].
31Le règlement ou une convention annexée au règlement pourrait ainsi prévoir qu’une partie privatisée du terrain ou un bâtiment constituant la partie privative d’un lot fasse l’objet d’une réserve au profit du promoteur pour la construction d’un ouvrage. Le bénéficiaire de ce droit pourrait réaliser de nouveaux locaux sans se soumettre aux contraintes imposées par l’article 37 et sans limitation de temps [30].
32Il semble toutefois nécessaire de prévoir, là encore, avec précision les ouvrages susceptibles d’être réalisés et leurs conséquences sur la copropriété, comme dans l’article 37 [31]. En effet, il convient d’avertir les autres copropriétaires sur les conséquences d’un tel droit. En l’absence de précision sur les quotes-parts de parties communes et les quotes-parts de charges susceptibles d’être affectées aux éventuels ouvrages ainsi « réservés », il faudrait solliciter une décision unanime de l’assemblée générale afin de modifier tant le règlement que l’état descriptif de division. Il n’est pas non plus évident qu’il puisse échapper à un vote de l’assemblée sur le fondement de l’article 25 b, dans la mesure où ces travaux risquent d’affecter les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble.
33L’intérêt de cette solution semble limité dans la mesure où le promoteur sera toujours copropriétaire d’un lot, même si ce lot est évolutif. Peut-on considérer qu’il bénéficiera de charges moins lourdes tant qu’il n’aura pas exercé son droit accessoire et réalisé les constructions projetées ? Il est difficile d’affirmer que le droit à construire sera pris en compte pour déterminer les tantièmes de copropriété et de charges, comme participant à la consistance de la partie privative du lot [32].
B – Un intérêt limité à l’hypothèse d’une évolution incertaine de la copropriété
34L’article 37 présente-t-il encore un intérêt pour celui qui souhaite prévoir une évolution de la consistance de la copropriété ? En réalité, même s’il n’ouvre pas l’accès à de larges prérogatives, ce texte conserve un attrait pour celui qui n’est pas certain de vouloir ou de pouvoir réaliser de nouvelles constructions. C’est notamment le cas du promoteur qui envisage la construction de plusieurs bâtiments, mais souhaite attendre de connaître l’état du marché avant de mener son projet à son terme. Afin d’échapper aux difficultés liées à l’identification d’un lot transitoire et aux contraintes qui découlent de la qualité de copropriétaire, il est possible d’avoir recours à l’article 37 de la loi de 1965.
35En effet, l’avantage de cette solution tient notamment au fait que le bénéficiaire de ce droit de réserve n’est pas copropriétaire tant qu’il ne l’a pas exercé. Il ne paie donc pas les charges de copropriété, ne participe pas aux assemblées générales. Il n’est pas non plus tenu d’exercer ce droit, ce qui facilite un éventuel abandon de son projet [33].
36Loin d’être une prérogative ouvrant à son bénéficiaire un accès inconditionnel aux droits habituellement exercés par l’assemblée générale des copropriétaires, l’article 37 reste une solution pour celui qui veut se garder la possibilité de construire après la naissance de la copropriété. Une solution largement concurrencée par la pratique du lot transitoire, mais qui présente l’avantage de ses faiblesses, en limitant l’engagement de son bénéficiaire.
Notes
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[1]
Article 3 du décret du 17 mars 1967.
-
[2]
Article 2 du décret du 17 mars 1967.
-
[3]
Pour reprendre la définition de la « liberté civile » retenue par Gérard Cornu dans son lexique de termes juridiques.
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[4]
J.-M. Gélinet, La réserve du droit de surélévation : l’article 37 de la loi du 10 juillet 1965, Administrer novembre 1995, p. 19.
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[5]
Cass. civ. 3e, 24 mai 2006, Bull. civ. III, n°134, Administrer août-septembre 2006, p. 53, obs. J.-R. Bouyeure.
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[6]
Cass. civ. 3e, 10 janvier 2001, AJDI 2001, p. 439, obs. Cl. Giverdon. ; voir également pour une servitude d’accès : CA Paris, 21 décembre 1984, D. 1985, IR, p. 430.
-
[7]
Cass. civ. 3e, 18 janvier 1984, RDI 1984, p. 392, F. Givord et C. Giverdon, D. 1985, p. 505, note Zenati, JCP 1986, II, 20547, note Barbieri ; 19 novembre 1985, RDI 1986, p. 236, F. Givord et C. Giverdon, Administrer mars 1986, p. 36, note Guillot ; CA Versailles, 1ère ch., 1ère sect., 11 mars 1993, Administrer déc. 1993, p. 54.
-
[8]
En ce sens : Cass. civ. 3e, 22 mars 1995, AJPI 1995, p. 795, note M. Morand.
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[9]
Cass. civ. 3e, 22 mars 1995, préc.
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[10]
S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, Defrénois 2007, 38609, p. 922.
-
[11]
Pour les conventions signées antérieures à la loi de 1965, c’est l’entrée en vigueur de la loi qui a marqué le point de départ du délai de dix ans.
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[12]
À noter que l’article 25, ne visant pas cette hypothèse de l’article 37, les copropriétaires ne peuvent se prévaloir de l’article 25-1 pour un second vote à la majorité de l’article 24. En ce sens : J.-M. Gélinet, La réserve du droit de surélévation : l’article 37 de la loi du 10 juillet 1965, préc. p. 20.
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[13]
CA Paris, 23e ch. Sect. B., 11 octobre 2007, Loyers et copr. 2008, n° 21, obs. G. Vigneron.
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[14]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc.
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[15]
Depuis une consécration officielle par la Cour de cassation : Cass. civ. 3e, 15 novembre 1989, Bull. civ. III, n° 213 ; D. 1990, jur. p. 216, note P. Capoulade. Dans cet arrêt, la Cour a défini le lot transitoire comme « le droit exclusif d’utiliser une surface déterminée du sol pour édifier des constructions conformes à un permis de construire délivré ».
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[16]
Sur les risques d’une requalification en convention de l’article 37, voir : Cass. civ. 3e, 22 mars 1995, préc. ; Cass. civ. 3e, 6 mars 2002, Constr.-urb. 2002, n° 119, note D. Sizaire.
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[17]
CA Aix-en-Provence, 30 avril 1998, Defrénois 1998, art. 36877, p. 1187, note C. Atias.
-
[18]
En ce sens : P. Cornille, note sous TGI Saintes, 6 juin 1995, JCP N 1995, II, p. 1588.
-
[19]
Cass. civ. 3e, 4 novembre 2010, n° 09-70.235 ; 30 novembre 2010, n° 09-72.386.
-
[20]
Cass. civ. 3e, 8 juin 2011, n° 10-20.276, Loyers et copr. 2011, n° 254, obs. G. Vigneron.
-
[21]
En ce sens déjà : Cass. civ. 3e, 10 septembre 2008, n° 07-16. 858.
-
[22]
Il faut cependant préciser que, quel que soit le degré de précision du lot transitoire, les constructions envisagées ne doivent pas apporter de modifications à ce qui a été prévu dans le règlement de copropriété et dans les actes annexés aux ventes initialement conclues.
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[23]
En ce sens, S. Lelièvre, L’appartenance du droit de construire en copropriété, AJDI 2011, p. 613.
-
[24]
Voir not. : Cass. civ. 3e, 14 novembre 1991, D. 1992, p. 277, note D. Tomasin.
-
[25]
Article 8 de la loi.
-
[26]
Article 11 de la loi de 1965.
-
[27]
Cass. civ. 3e, 7 avril 2004, n° 02-14.610, Constr.-urb. 2004, n° 142, note D. Sizaire.
-
[28]
En ce sens : D. Sizaire, note préc.
Pour échapper à la rigueur d’une telle solution, on pourrait éventuellement envisager une cession des lots à construire ou une scission de copropriété.
Dans le premier cas, il faudrait trouver un acquéreur susceptible de reprendre le projet initial et obtenir une décision à la majorité de l’article 26 de la loi.
Dans le second, il faudrait s’assurer que la division de la propriété du sol est possible et obtenir une décision en assemblée générale à la majorité des voix de tous les copropriétaires (article 28 de la loi). -
[29]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc. ; S. Lelièvre, L’appartenance du droit de construire en copropriété, AJDI 2011, p. 610.
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[30]
Cass. civ. 3e, 6 mars 2002, Constr.-urb. 2002, n° 119, note D. Sizaire.
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[31]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc.
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[32]
En ce sens : S. Lelièvre et S. Chaix-Bryan, L’utilisation du droit de construire en copropriété, préc. ; voir not. L. Lafond et J.-M. Roux, Code de la copropriété, Litec 2012, pages 22 et 375.
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[33]
En ce sens D. Sizaire, note sous Cass. civ. 3e, 7 avril 2004, n° 02-14.610, Constr.-urb. 2004, n° 142.