Notes
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[1]
Le Code civil du Bas-Canada était, avant l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, le code régissant les rapports de droit privé dans la province de Québec.
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[2]
Yves Joli-Cœur, « Le fonds de prévoyance : gage de réussite en copropriété », éditions Wilson & Lafleur ltée, 2008.
-
[3]
Il existe, au Québec, un ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.
-
[4]
L.R.Q., c. P-41.1.
-
[5]
Loi modifiant la Loi sur le bâtiment concernant principalement la modernisation des normes de sécurité L.R.Q., c. 28.
-
[6]
Le pendant du règlement de copropriété dans la législation française.
-
[7]
Art. 1098 C.c.Q.
-
[8]
Déclaration de copropriété rédigée par de Grandpré Joli-Cœur, s.e.n.c.r.l, notaires et avocats.
-
[9]
Art. 1080 C.c.Q.
-
[10]
Art. 1077 C.c.Q.
-
[11]
Art. 1079 C.c.Q.
-
[12]
Art. 1070 C.c.Q.
-
[13]
Art. 344 C.c.Q.
-
[14]
Art. 1071 C.c.Q.
1C’est en 1969 que la copropriété a pris véritablement racine en droit québécois. À cette date fut introduit, dans le Code civil du Bas-Canada [1], un chapitre relatif au droit de la copropriété divise. Les dispositions qu’il contenait étaient inspirées de la loi française n° 65-557 du 10 juillet 1965, comme le code l’était avant elles par le Code civil Napoléon.
2Le 1er janvier 1994, une réforme législative fondamentale est entrée en vigueur, modifiant plusieurs dispositions de ce texte, depuis lors dénommé Code civil du Québec. Le chapitre consacré à la copropriété divise a, comme les autres, connu son lot de modifications. La notion de fonds de prévoyance fit ainsi son apparition, cette fois directement inspirée de la province voisine, l’Ontario, et d’autres législations nord-américaines. Depuis lors, il n’y a pas eu de modification législative substantielle et les praticiens, comme les utilisateurs de la copropriété, ressentent un besoin criant d’évolution. Au cœur du débat, le perfectionnement du fonds de prévoyance [2] et l’instauration d’une obligation de divulgation aux acquéreurs d’une fraction de copropriété de la documentation relative à l’état de l’immeuble.
3La question du développement durable peine à trouver sa place au milieu de ces sujets déjà essentiels. Pourtant, ce n’est pas faute pour l’idée d’avoir cheminé dans les esprits et la société québécoise [3]. Ceci ne manque d’ailleurs pas de surprendre. Le Québec est un territoire disposant de ressources naturelles abondantes. L’hydro-électricité y règne en maître et satisfait la quasi-totalité des besoins énergétiques du pays à moindre coût, avec un faible impact environnemental. Les débats internationaux autour de la notion de « développement durable » ont cependant influé sur les Québécois qui souhaitent eux aussi participer à l’effort global. Entre cette aspiration et la réalité, qu’en est-il ?
4Le premier constat qui s’impose est que la notion de développement durable demeure floue dans ses contours. Toutefois, des définitions ont été proposées ça et là et, notamment, par la Société d’habitation du Québec qui s’exprime en ces termes : « solutions visant l’usage optimal et durable des ressources pour répondre aux besoins des générations d’aujourd’hui, sans compromettre les besoins des générations futures. L’enjeu est de protéger l’environnement ». Cependant, aucune définition n’est explicitement et formellement inscrite dans la législation québécoise. Elle germait, néanmoins, dans des textes antérieurs à ce concept. Également, elle est sous-jacente à des notions et mécanismes désormais institutionnels du droit de la copropriété québécois.
5Ainsi, la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles [4] a obligé à densifier le territoire urbain en limitant son expansion. Cette loi a modelé la province en une succession de centres urbains entourés de terres agricoles protégées et, par conséquent, inconstructibles. Cette loi a également eu pour effet de conduire à l’essor de la copropriété comme mode de densification de premier plan des centres urbains. De plus, ce mode d’habitation permet de limiter les déplacements travail-domicile et de mutualiser les coûts de fonctionnement de l’immeuble et l’énergie qu’il consomme.
6Plus récemment, la loi n° 122 a été adoptée [5]. Elle a modifié la Loi sur le bâtiment et le Code de la construction qui en découle. Elle a donné la possibilité que soient désormais intégrées dans ce code « des mesures préconisées par le gouvernement pour favoriser l’écoefficacité d’un bâtiment […] ». Ceci pourrait modifier les pratiques du secteur et transformer le visage des futures nouvelles constructions.
7Quant au droit de la copropriété lui-même, offre-t-il les outils d’un développement durable ? La clé se trouve certainement dans une notion juridique aussi ancienne que le droit de la copropriété québécois lui-même, à savoir la destination de l’immeuble. C’est la déclaration de copropriété [6] qui contient cette notion fondamentale et quasi-immuable régissant l’immeuble et la collectivité des copropriétaires. Elle est la vocation de l’immeuble et son destin voulu par les déclarants, parties à la déclaration de copropriété initiale. Seul un vote à la double majorité des trois quarts des copropriétaires, représentant 90 % des voix de tous les copropriétaires [7], doublé d’un acte notarié en minute, peut permettre de modifier cette destination. Or, rien n’interdit que la notion de développement durable soit intégrée dans celle de destination de l’immeuble par le rédacteur de la clause s’y rapportant. Une fois le « vert » dans le fruit de la copropriété, il peut irriguer l’ensemble de la déclaration elle-même et permettre de fixer aux copropriétaires des objectifs en corrélation avec cette matrice.
8La déclaration de copropriété peut imposer le maintien de la configuration du bâtiment, tel que construit, et de ses caractéristiques et notamment la pérennisation des systèmes d’économie d’énergie qu’il contient au nom de la destination écologique de l’immeuble. Elle peut aussi contraindre les copropriétaires à atteindre et à maintenir le cap d’un objectif commun de développement durable. Voici un exemple parmi d’autres de clauses insérées dans certaines déclarations de copropriété :
« La mise en œuvre du développement résidentiel vise à : intégrer à la planification du projet et à sa mise en œuvre les principes de base du développement durable ; appliquer les standards relatifs à la certification « LEED-ND » ; aménager un nombre généreux d’espaces verts, de parcs, de places publiques et de cheminement piétons et cyclables. »
10Citation des objectifs de la copropriété : Créer « un grand parc urbain respectant des standards écologiques élevés » [8].
11Quelle valeur contraignante est attribuée à ces clauses pour qu’elles ne soient pas de simples déclarations d’intention ? Là encore, le droit québécois de la copropriété autorise l’insertion de clauses pénales dans les déclarations de copropriété, assurant ainsi un caractère comminatoire aux obligations qu’elle contient.
12De même, notre législation permet d’enjoindre [9] judiciairement à un copropriétaire d’avoir à respecter la déclaration de copropriété, contrat ayant force de loi entre les parties à celui-ci. Cette déclaration peut même être rendue opposable aux occupants et locataires de l’immeuble [10] qui, s’ils ne la respectent pas, peuvent voir leurs baux être résiliés et se retrouver ainsi sans droit ni titre à occuper [11]. Si les copropriétaires le souhaitent, ils disposent donc d’un véhicule juridique solide pour se fixer et faire respecter un objectif de développement durable, après avoir pris le soin de déterminer précisément ce que cela comprend ou implique.
13De la même manière, il est de plus en plus fréquent de stipuler, dans les déclarations de copropriété, des clauses de gestion administrative faisant appel aux nouvelles technologies. Ainsi, il peut être stipulé que le droit des copropriétaires d’avoir accès au registre de la copropriété [12] se fasse par voie de communication électronique, ou encore, par le biais d’un site Internet avec un code d’accès personnalisé. De même, les réunions du conseil d’administration de la copropriété peuvent se tenir à distance [13]. Les avis de convocations aux assemblées générales des copropriétaires peuvent également être délivrés par voie électronique. Toutes ces stipulations, moins énergivores, sont parfaitement légales en droit québécois de la copropriété.
14Un autre véhicule historique du droit québécois que peuvent emprunter les copropriétaires pour répondre à leurs aspirations de développement durable est le fonds de prévoyance. Ce fonds est constitué par les copropriétaires qui y sont tenus par la loi [14]. Il doit être liquide et disponible à court terme et affecté uniquement aux réparations majeures et au remplacement des parties communes de l’immeuble. Il constitue un levier efficace permettant de préserver la pérennité de l’immeuble, mais également de mettre à niveau le bâtiment et d’entreprendre des travaux substantiels. Ces travaux peuvent avoir pour effet d’assurer une performance énergétique responsable et de restreindre la consommation des bâtis les plus anciens. Ceci peut être tout à fait conséquent dans nos contrées habituées à de fortes variations des températures extérieures. Il y a également dans ce dispositif une dimension d’équité générationnelle. Avec le fonds de prévoyance, les copropriétaires actuels ne peuvent laisser en « héritage » aux futurs copropriétaires un bâtiment non entretenu et à l’empreinte écologique par trop marquée. Ils se doivent de constituer un fonds qui sert non seulement leurs intérêts à court terme, mais également celui à long terme des générations futures de copropriétaires.
15Le financement de la copropriété n’est pas en reste, puisque se sont développés, sur le marché nord-américain, ce qu’on appelle des « prêts verts ». Ces contrats de prêts permettent de financer les coûts excédentaires de construction engendrés par des dispositifs d’économie d’énergie. Le remboursement de l’emprunt est assuré par les économies d’énergies réalisées dans l’immeuble au moyen de ces dispositifs. Les dépenses reliées au prêt font partie des charges d’exploitation de l’immeuble et le syndicat s’engage, dans la déclaration de copropriété, à cotiser ces coûts auprès des copropriétaires. L’objectif recherché est d’amortir la dépense sur plusieurs années, compte tenu des bénéfices qui seront inéluctablement générés par les économies d’énergie réalisées. D’ailleurs, c’est cette logique économique qui constitue, à notre avis, le levier essentiel permettant de faire évoluer les esprits et, en bout de ligne, la législation. Les économies d’énergie vont de pair avec les économies financières et la nature humaine est telle qu’elle est surtout intéressée aux secondes.
Notes
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[1]
Le Code civil du Bas-Canada était, avant l’entrée en vigueur du Code civil du Québec, le code régissant les rapports de droit privé dans la province de Québec.
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[2]
Yves Joli-Cœur, « Le fonds de prévoyance : gage de réussite en copropriété », éditions Wilson & Lafleur ltée, 2008.
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[3]
Il existe, au Québec, un ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs.
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[4]
L.R.Q., c. P-41.1.
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[5]
Loi modifiant la Loi sur le bâtiment concernant principalement la modernisation des normes de sécurité L.R.Q., c. 28.
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[6]
Le pendant du règlement de copropriété dans la législation française.
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[7]
Art. 1098 C.c.Q.
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[8]
Déclaration de copropriété rédigée par de Grandpré Joli-Cœur, s.e.n.c.r.l, notaires et avocats.
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[9]
Art. 1080 C.c.Q.
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[10]
Art. 1077 C.c.Q.
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[11]
Art. 1079 C.c.Q.
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[12]
Art. 1070 C.c.Q.
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[13]
Art. 344 C.c.Q.
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[14]
Art. 1071 C.c.Q.