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Article de revue

« La machine ne ment pas ? » L’évaluation de la délinquance sexuelle par la pléthysmographie pénienne

Pages 189 à 219

Notes

  • [1]
  • [2]
    Organization for Refuge, Asylum and Migration.
  • [3]
    Citation originale : « There does not appear to be a standardized penile tumescence assessment, but rather there is a family of procedures which share some common aims and features ».
  • [4]
    Citation originale : « We’ve always done it
    this way ».
  • [5]
    Citation originale : « We do what works for us ».
  • [6]
    Citation originale : « Why should I devote precious time to this procedure when the one I have works perfectly well ? ».
  • [7]
    Citation originale : « There is currently no standardized way to score or interpret phallometric outcome data ».
  • [8]
    Citation originale : « Machines don’t lie ».
  • [9]
    Citation originale : « The semantic tracking task appears to be a promising method for minimizing the effects of faking in phallometric assessments of sexual preference that employ audiotaped stimuli ».

1 Le propos de cet article est de questionner l’appropriation du dispositif « pléthysmographie pénienne » – dont l’acte de naissance se situe dans le domaine de la médecine – par le champ de l’évaluation de la délinquance sexuelle. Ce problème qu’il convient de réprimer nécessite une efficacité toujours plus accrue. En ce sens, l’adoption de dispositifs techniques, telle la pléthysmographie, visant à identifier et évaluer les inclinations homo/ hétéro/pédo sexuelles « déviantes » d’un délinquant semble être opportune mais elle est, à notre sens, porteuse de risques de dérive. Nous souhaitons dès lors, par le biais d’une posture épistémologique reposant sur un examen fouillé de la littérature relative au dispositif, émettre des pistes de réponse permettant de saisir les facteurs et les enjeux sous-jacents à ce phénomène d’appropriation.

2 Ce cadre de réflexion nous permettra de scinder notre propos en deux parties.

3 La première partie sera dédiée à l’analyse du dispositif technique dans sa dimension diachronique car « c’est sur le long terme qu’il faut juger les techniques et dans le long terme qu’il faut les voir se mettre en place » (Gras et al., 1992, 11). Dans un premier temps, cette approche historique mettra tout d’abord en exergue l’importance croissante que la pléthysmographie pénienne a pu prendre au fil des années et des recherches dont elle a fait l’objet ; ce qui permettra, ensuite, l’identification des présupposés théoriques qui sont à la base de son appropriation par le champ de l’évaluation de la délinquance sexuelle. Dans un second temps, la dimension diachronique du dispositif sera sollicitée pour interroger la conception paradigmatique qui le sous-tend ; enfin, la sociologie des techniques nous sera d’un apport précieux pour questionner son appropriation proprement dite.

4 À noter que tout au long de cet article, nous associerons la pléthysmographie pénienne au terme de « dispositif », ce qui nécessite une justification dépassant la seule prise de connaissance de la dimension technique de certains phénomènes sociaux (Peeters, Charlier, 1999). Cette position nous est inspirée par Giorgio Agamben (2006) qui, soucieux de théoriser cette notion, nous apprend qu’un dispositif a toujours une fonction stratégique concrète et s’inscrit toujours dans une relation de pouvoir. Ce faisant, il a pour vocation de produire son sujet qui résulte de la relation entre les êtres vivants et le dispositif. Ainsi en va-t-il de la pléthysmographie dont la fonction de diagnostic s’inscrit dans la relation de pouvoir entre un examinant et un examiné dans le but de produire un sujet : le délinquant sexuel.

5 La seconde partie nous autorisera à porter, sur le dispositif technique, un point de v ue synchronique qui permet alors d’étudier « comment les techniques sont façonnées, prises, transformées et déplacées en même temps que la société par le jeu des individus de façon volontaire ou non » (Escomel, 1995, 2). De ce fait, nous soulignerons les difficultés et controverses soulevées par ses propriétés psychométriques et mettrons ainsi en lumière les désaccords qu’il suscite au sein de la communauté scientifique. À terme, nous pourrons expliciter la figure d’un sujet-délinquant dont la reconstruction par l’opérateur du test fait peser sur lui toutes les failles de la pléthysmographie pénienne, telles qu’elles auront été identifiées au préalable. Empressons-nous ici de préciser que le dispositif contient deux éléments : le pléthysmographe et les stimuli sexuels dont il fait usage. Par souci de concision, ces derniers ne seront pas décrits et analysés en profondeur et leurs conditions de production ne seront pas interrogées outre mesure. Le propos se voudra dès lors centré sur la technologie.

Une ascension fulgurante

6 La pléthysmographie, utilisée dès le début du XXe siècle par le physiologiste anglais William Baylis qui en fait usage dans le cadre de ses travaux sur l’endocrinologie (Barker, Howell, 1992), désigne d’après le Larousse Médical un « examen permettant d’enregistrer, dans des conditions normales et au cours de différentes affections, les variations de pression régnant dans un organe ou un segment de membre, ou ses variations de volume » [1]. Songeons donc qu’avant d’être affectée au pénis humain, elle revendiquait de percevoir les changements de volume du corps, que ce soit en mesurant la ventilation pulmonaire ou le volume sanguin prenant place dans un seul doigt (Saunders, 1994, 1306). Cette information extraite d’un dictionnaire médical nous laisse supposer que le passage d’un domaine à l’autre fut facilité par un possible raisonnement par analogie. En effet, dès lors qu’elle permet de mesurer les variations de volume sanguin dans un doigt, pourquoi ne pourrait-elle pas remplir ce rôle pour une autre partie du corps ? Peut-être est-ce une pensée similaire qui a conduit Josef Hynie à l’introduire, dès les années 1930, dans la mesure de l’engorgement pénien (Laws, O’Donohue, 2016) ? Toujours est-il qu’à ce moment-là, elle est inscrite exclusivement dans le domaine de la médecine. Il s’agit alors pour le sexologue tchèque de s’attaquer aux problèmes d’érection en se concentrant sur la motilité pénienne et scrotale.

7 Moins d’un quart de siècle après avoir été inaugurée dans le domaine de la sexologie, Kurt Freund (1957), sexologue tchéco-canadien, décide de l’introduire dans la mesure de l’excitation pénienne en vue de détecter les adultes mâles homosexuels. Il n’est donc plus ici question d’un dispositif ayant pour vocation de soigner des problèmes d’érection mais bien destiné à évaluer une réponse pénienne à un stimulus pour déterminer l’orientation sexuelle. Pour ce faire, Freund (1963) développe l’idée d’une méthode volumétrique qui se présente comme suit : le pléthysmographe revêt la forme d’un tube en verre enfermant le pénis et dans lequel sont mesurées les variations du volume d’air en fonction du grossissement ou de la réduction pénienne. Son concepteur le destine à la différenciation de l’orientation sexuelle des mâles coopératifs, ce dernier terme laissant, à notre sens, présager la possible responsabilité du sujet en cas d’échec du test à remplir son objectif. Fort de ses premiers adhérents parmi ses pairs tels Albert Ellis, Nathaniel McConaghy ou encore John Bancroft, il travaille alors sur les thérapies de l’aversion afin de changer l’orientation sexuelle des homosexuels (Weinrich, 2016). Freund (1991) nous informe à ce titre que, dans les années 1950, l’homosexualité était un acte criminel en Tchécoslovaquie et, bien qu’opposé à cette pénalisation, il pensait que cette orientation sexuelle résultait d’une névrose expérientielle acquise, ce qui l’a conforté dans l’idée qu’il pouvait la « soigner ». Il souhaite ainsi confirmer le résultat de ses cures par l’administration de cette méthode volumétrique. Partisan de la thérapie de l’aversion et opposé à la méthode psychanalytique, il lui a donc substitué la pléthysmographie pénienne parce que, selon lui, la psychanalyse s’avère être un échec dans le sens où elle est pratiquement inutilisable comme instrument de diagnostic. À la même époque, le gouvernement tchécoslovaque lui assigne pour mission de démasquer, au sein de l’armée, les hommes qui se faisaient passer pour homosexuels – ce qui était une cause de réforme – dans le but d’éviter d’accomplir leur service militaire (Wilson, Mathon, 2007). O’Donohue et Letourneau (1992) nous confirment, à ce titre, que Freund a développé le premier dispositif visant à distinguer, parmi des soldats, les hommes hétérosexuels des hommes homosexuels grâce à la mesure du changement de volume pénien en fonction de la présentation de stimuli à caractère sexuel.

8 Cette mission dévolue au dispositif va être contestée par Quinsey (1977), psychologue canadien particulièrement actif dans le champ scientifique de la délinquance sexuelle, qui postule pratiquement vingt ans après l’introduction de la méthode volumétrique que la réponse pénienne est la meilleure technologie disponible pour l’investigation de la préférence d’âge mais pas de l’orientation sexuelle, contrairement au but premier – mais pas unique – invoqué par Freund. En marge de cette position que défend Quinsey, Freund (1977) souligne la même année que la pléthysmographie pénienne constitue une tentative, un effort pour trouver une méthode efficace en vue de mesurer l’excitation sexuelle. Cela nous amène à considérer une évolution notable dans laquelle Freund n’a fait que s’inscrire. En effet, déjà quelques années auparavant, Zuckerman (1971) l’avait décrite comme étant la plus spécifique mesure de l’excitation car les changements significatifs n’apparaissaient que pendant la stimulation sexuelle et le sommeil.

9 De l’hypothèse d’une excitation pénienne comme témoin de l’orientation sexuelle nous sommes passés à la thèse de l’excitation pénienne comme mesure de l’excitation sexuelle, ce qui élargit considérablement le champ d’application du dispositif. Il ne se borne plus à tenter de distinguer les orientations sexuelles mais peut à présent en opérer des catégorisations. Ainsi, un sujet mâle répondant positivement, dans le cadre du test, à un stimulus féminin aurait été, à l’origine, qualifié d’hétérosexuel ; mais la croyance des praticiens en ce dispositif leur permet d’avancer qu’il est désormais possible d’aller plus loin. En utilisant les stimuli appropriés, ce même sujet pourrait, par le biais de la mesure de son excitation pénienne, être catégorisé comme présentant des fantasmes déviants ou des fantasmes non déviants en réponse à ces divers stimuli. De ce fait, il pourrait être identifié comme étant pédophile, violeur ou encore coupable d’inceste.

10 Se pourrait-il que ce déplacement du dispositif quant à son objet de diagnostic, à savoir de l’orientation sexuelle à l’excitation sexuelle, ait favorisé son introduction dans l’évaluation de la délinquance sexuelle ? Nous le pensons.

11 L’utilisation de la méthode volumétrique va, sur le long terme, rester marginale ; cela est dû essentiellement à l’importance de son coût et à sa nature lourde (Laws, Thornton in Laws, 2009). Une autre, dite circonférentielle, va progressivement s’imposer comme la méthode de référence généralement acceptée si l’on en croit Rosen et Keefe (1978). John Bancroft notamment, nous en donne une description très précise. Elle se présente comme une boucle de tuyau en caoutchouc silicone remplie de mercure ou d’indium-gallium et connectée à des électrodes branchées sur un circuit électrique qui envoie un courant de faible intensité à travers la jauge de mercure (Bancroft et al., 1966). Une fois celle-ci attachée à la base du pénis, les changements de circonférence de ce dernier influent sur la colonne de mercure et augmentent la résistance électrique (Adams et al., 1996). Malgré la généralisation de cette méthode circonférentielle, les tenants de la méthode volumétrique vont défendre la position que cette dernière est plus sensible et peut donc détecter de petits changements érectiles péniens (Freund et al., 1974 ; McConaghy, 1974). Ce à quoi leurs opposants rétorquent que la méthode circonférentielle est plus facile d’application. En outre, elle présenterait un taux d’erreurs techniques potentielles moindre quant à l’emploi de son dispositif. Enfin, et s’opposant ainsi aux partisans de la méthode volumétrique, son exactitude dans la détection de l’érection pénienne ne serait pas inférieure (Kuban et al., 1999).

12 Précisons qu’une alternative à ce dispositif a été mise au point (Barlow et al., 1970). Cette méthode emploie une jauge électromécanique, parfois qualifiée de Barlow gauge, constituée de deux arcs métalliques chirurgicaux joints ensemble par deux jauges de contraintes mécaniques reliées à un circuit électrique. Lorsque le pénis augmente en circonférence, les arcs se retrouvent en expansion, ce qui influe sur les jauges et, de ce fait, modifie la résistance électrique. Laws et Pawlowski (1973) participent à l’amélioration de cette jauge électromécanique. Celle-ci serait ainsi plus durable que sa rivale au mercure et présenterait l’avantage de ne pas encercler totalement le pénis, épargnant ainsi la procédure de calibrage nécessaire à la mesure de la circonférence pénienne totale.

13 Après avoir travaillé en Tchécoslovaquie, Freund va émigrer en 1968 comme beaucoup de ses compatriotes à la suite du Printemps de Prague (Fisher et al., 2013). Il s’installe au Canada et y poursuit ses recherches tout en déplaçant progressivement son attention des homosexuels aux délinquants sexuels. Pour le sexologue, ce glissement est justifié en ce que la pléthysmographie pénienne lui a semblé prometteuse comme test des préférences érotiques au niveau sexuel et au niveau de l’âge (Freund, 1991). Il a donc commencé à administrer son test à des pédophiles dans le but de déterminer chez eux une préférence sexuelle pour les enfants par rapport aux adultes.

14 Il nous faut mentionner que Freund a publié des recherches, touchant de près ou de loin à ce dispositif, s’étalant de 1957 à 1993, ce qui démontre l’étendue de sa conviction quant à son bien-fondé. Cependant, il n’a jamais hésité à publier une étude qui ne lui aurait pas donné entière satisfaction. À ce titre, si dans les années 1950 sa foi semble inébranlable, des années plus tard, les travaux de Freund et al. (1972) rendent compte d’une expérience conduite sur des adultes mâles non déviants. Ceux-ci, dans le cadre du test, produisent des réactions sexuelles positives à des stimuli représentant des petites filles. Cette constatation est un coup porté par Freund à son propre idéal de distinction entre adultes mâles non déviants et pédophiles, à moins d’en conclure que tous les adultes de sexe masculin ont des tendances pédophiles, ce que l’auteur n’élabore pas. Auparavant, Freund (1967) avait déjà conclu que la pédophilie ne pouvait être évaluée uniquement sur la base de la préférence ou de l’aversion à un stimulus particulier sexuellement spécifique. Il avait alors expliqué cette limite par l’habileté des sujets à produire des faux négatifs et des faux positifs, ce qui, à notre sens, tend à faire porter la responsabilité des failles du dispositif sur le sujet qui serait coupable de dissimulation, voire de manipulation. Il réaffirme cette idée dix ans plus tard : « le dispositif possède une validité haute en tant que test de détection des préférences érotiques mais se heurte à des limites substantielles dont notamment la manipulation des réponses par le sujet » (Freund, 1977). Nous reviendrons plus en détail sur ces éléments, mais il nous semble opportun d’y faire référence car nous voyons ici poindre la figure du « sujet suspect » (Adam, 2010) que nous exposerons par la suite.

15 Les années 1980 vont voir émerger quantité d’études visant à établir des distinctions entre les hommes « déviants » et les hommes « non déviants » ou même entre différentes sous-catégories de délinquants sexuels. Quinsey et al. (1984) souhaitent ainsi distinguer les violeurs et les non-violeurs et concluent que le taux de violence dans les descriptions de viols présentés comme stimuli est le point critique permettant leur différenciation. La même année, Quinsey et Chaplin (1984), souvent co-chercheurs, concluent au terme de leur recherche que la distinction entre violeurs et non-violeurs tient à ce que les premiers sont psychopathes, et dès lors, leur réponse à un stimulus sexuel explicite n’est pas inhibée par les réactions de la victime, contrairement aux seconds. Avery-Clark et Laws (1984) recommandent l’utilisation de la pléthysmographie pénienne pour permettre l’évaluation objective des délinquants sexuels ainsi que pour les distinguer en sous-catégories. Murphy et al. conduisent une étude dans cette direction et affirment que les agresseurs d’enfants peuvent être détectés en utilisant le dispositif et les stimuli adéquats (Murphy et al., 1986). Les chercheurs concluent notamment que les pédophiles répondent mieux aux stimuli visuels d’enfants, là où les délinquants sexuels coupables d’inceste affichent un taux de réponse plus élevé aux stimuli visuels d’adultes. Ces résultats leur suggèrent qu’il est possible d’établir une différence entre pédophiles exclusifs et non exclusifs. Laws et Pithers (1988) postulent également l’efficacité du dispositif pour différencier ou identifier les individus qui manifestent de hauts niveaux d’excitation à une activité sexuelle qu’ils qualifient d’inappropriée corrélativement à de faibles niveaux d’excitation à une activité sexuelle appropriée. Nous pouvons y voir une allégeance à ce présupposé de la mesure de l’excitation pénienne comme représentante fidèle de l’excitation sexuelle engendrée par des fantasmes considérés par les chercheurs comme déviants et non déviants. Cet état de fait est certainement renforcé par des constatations telle celle de Kercber (1993) qui révèle que beaucoup de délinquants sexuels avouent leurs intérêts sexuels déviants quand on leur montre leurs réponses physiologiques aux stimuli sexuellement inappropriés. Sur la base de recherches précédentes (Abel et al., 1981 ; Quinsey, Chaplin, 1982 ; Aver y-Clark, Laws, 1984 ; Quinsey, 1984), le binôme Quinsey et Chaplin (1988) affirme que les hommes ayant commis des viols tendent à être plus excités sexuellement par des stimuli présentant de violentes scènes sexuelles que les autres hommes. Deux ans plus tard, Quinsey et Laws (1990) insistent à nouveau sur l’efficacité de la pléthysmographie pénienne comme dispositif dans l’évaluation de la délinquance sexuelle.

16 Cependant, certains auteurs ne manqueront pas de mettre en garde leurs pairs contre un excès d’optimisme. Ainsi, Travin et al. (1988) postulent qu’il n’y a pas suffisamment de preuves scientifiques pour montrer une corrélation absolue entre les réponses à des stimuli en laboratoire et les comportements paraphiliques. Dès lors, sa seule application au niveau légal serait en tant que partie d’une évaluation ayant pour but le traitement potentiel. O’Donohue et Letourneau (1992) considèrent également l’éventualité que la mesure de la tumescence du pénis est moins une mesure du comportement sexuel réel dans des situations naturelles qu’une évaluation de la réponse pénienne à l’érotisme qu’ils envisagent comme l’ensemble des stimuli en laboratoire ayant pour vocation d’éveiller le désir sexuel. Ils relayent ainsi l’inquiétude affichée par Travin et al. quelques années auparavant. Ils vont même plus loin en questionnant le statut de la pléthysmographie ; ils démontrent, de ce fait, qu’il ne s’agit nullement d’un test criterion-referenced car elle échoue à établir un protocole standard et souffre d’inconsistances procédurales mais qu’elle constitue, à défaut, un test norm-referenced visant à comparer le score obtenu au test à une norme établie. Dans un dernier élan, ils évoquent la possibilité qu’elle ne soit pas un test au sens typique du terme mais plutôt une observation directe du comportement, cette idée se retrouvant également chez Laws (1984) ainsi que dans les travaux du psychiatre et clinicien américain Abel (Abel et al., 1975).

17 Toutes ces études démontrent l’investissement des chercheurs pour le dispositif « pléthysmographie pénienne » et nous autorisent donc à penser que l’innovation que constitue son appropriation par le champ de l’évaluation de la délinquance sexuelle fut plus que satisfaisante et « dès lors qu’une innovation réussit, tout se passe comme si elle naturalisait les hypothèses sur lesquelles elle a été construite » (Akrich, 1990, 84). Or, en l’espèce, son utilisation se fonde sur le présupposé que la tumescence pénienne y est positivement corrélée, et s’avère une conséquence de l’excitation sexuelle (Williams, 2003). Conformément à cette conviction théorique, Master et Johnson (1966) suggèrent que le meilleur moyen d’affirmer si un homme est excité est d’observer les réactions de son pénis.

18 Cela nous amène à considérer une justification a posteriori du bien-fondé de son appropriation. Si elle est l’objet de toutes les attentions, c’est que l’innovation consistant en son introduction dans un autre domaine a réussi. Cet intérêt collectif avalise implicitement l’hypothèse sous-jacente à son utilisation et justifie, de ce fait, son appropriation par le champ de l’évaluation de la délinquance sexuelle, ce qui démontre son caractère à la fois modelé et modelant ; en dernier ressort, il acquiert sa signification à travers son appropriation et participe au processus de création sociale (Millerand, 2008). Ce processus permet ainsi de légitimer après coup l’introduction d’un dispositif dont le succès est tel qu’il n’accepte plus de se soumettre à la moindre critique qui viserait à questionner son existence.

19 Nous voyons donc à quel point les présupposés théoriques de l’examinateur dans sa relation avec le dispositif ont été cruciaux pour permettre son appropriation par le champ de l’évaluation de la délinquance sexuelle. Cette appropriation n’est donc pas le fait d’un sujet passif face à un dispositif technique mais bien d’un usager actif, rusé, capable de créer ses propres usages (De Certeau, 1980).

Quelle conception paradigmatique ?

20 Maintenant que nous avons pu établir l’existence et l’importance de ces présupposés, il nous reste à voir si ceux-ci sont le fruit d’une déviation de la conception paradigmatique sous-jacente à l’utilisation du dispositif. Pour ce faire, nous allons, dans un premier temps, interroger la vision qu’a la communauté scientifique concernée d’elle-même, au travers du contexte de production de pensée de ses membres. Dans un second temps, nous aborderons le phénomène de l’appropriation en tant que tel. De ce fait, nous dégagerons des éléments déterminants dans l’adoption du dispositif, non plus relatifs à l’organisation mais bien aux individus qui la composent.

21 L’appropriation par un collectif d’un objet technique ne dépend pas d’un seul individu ou d’une somme d’individus ; en effet les seuls présupposés du scientifique ne suffisent pas s’ils ne sont pas générés et soutenus par un autre élément. Ainsi, l’introduction d’une technologie dans une organisation est également liée à une vision de l’organisation elle-même, organisant le monde autour d’elle et la façon dont elle doit fonctionner (Belin, 2007). De ce fait, le changement de vision des opérateurs du test quant à leur profession a pu engendrer de nouveaux présupposés qui ont soutenu l’appropriation du dispositif. Plusieurs composantes de la manière dont le chercheur appréhende sa mission et les objectifs qui y sont attachés ont pu être modifiées, voire supprimées. Au début des années 1960, le psychologue Albert Ellis (1957) développe une « thérapie rationnelle » et à la même époque, le psychiatre Aaron Beck (2010) met au point une « thérapie cognitive ». Il s’agit là de deux scientifiques américains déçus du modèle psychanalytique (Van Rillaer et al., 2005) – tout comme Freund. Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’Ellis – toujours tout comme Freund – développe l’idée, dans son livre Homosexuality : Its Causes and Cure, de l’homosexualité comme une maladie qui, par conséquent, peut être soignée (Bayer, 1981). Le contexte de production de pensée des auteurs a donc subi des mutations considérables qui les ont amenés à réinscrire leurs travaux dans une nouvelle optique thérapeutique.

22 L’une des conditions de possibilité de l’adoption du dispositif réside donc dans le désaveu du modèle thérapeutique psychanalytique. Celui-ci puise ses fondements dans la métapsychologie que Freud commence à conceptualiser dans sa correspondance à Wilhelm Fliess dès la fin du XIXe siècle (Le Gaufey, 1993). Dès cet instant, nous nous devons de relever la forte influence qu’a pu avoir la philosophie dans la naissance de la métapsychologie, ne serait-ce que par son rapprochement étymologique avec la métaphysique, car elle témoigne de la volonté de Freud d’une réelle interpénétration entre la pensée philosophique et la pratique clinique (Laplanche, Pontalis, 2007). Daval (2009) a fort bien relayé cet impératif en mentionnant que la psychologie pathologique et la psychiatrie ont tout à gagner dans la confrontation avec la philosophie. Ce nécessaire dialogue nous apparaît d’autant plus fondamental qu’aujourd’hui il semble de plus en plus nié par les scientifiques lorsqu’ils créent des dispositifs expérimentaux, laissant aux bons soins du philosophe d’en connaître la raison d’être (Adam, 2010). Cette situation nous apparaît problématique si elle aboutit à l’évacuation de la dimension hautement paradigmatique du dispositif technique et masque, de ce fait, la conception du sujet qui sous-tend son utilisation. À ce titre, un élément frappant est le terme « client » par lequel est désigné le sujet dans un certain nombre de travaux (Rosen, Kopel, 1978 ; Barker, Howell, 1992 ; Kercber, 1993 ; Williams, 2003 ; Laws, Gress, 2004 ; Coric et al., 2005 ; Laws, 2009). Il ne s’agit plus d’un délinquant-patient mais bien d’un délinquant-client, ce qui renforce notre intuition d’un changement dans la conception paradigmatique de l’opérateur du test. Nous en voulons pour preuve l’étymologie de ces appellations (Dubois et al., 2007) : « patient » est dérivé du participe présent latin patiens qui signifie « celui qui souffre » alors que « client » trouve sa source dans le mot latin cliens désignant un Romain qui se plaçait sous le patronage et la dépendance d’un patricien. Nous reviendrons sur cette vision particulière quant au délinquant sexuel par la suite.

23 Nous allons maintenant nous intéresser au phénomène de l’appropriation qui, dans le langage courant, conserve encore son sens premier, à savoir « accaparer, rendre sien, prendre possession de quelque chose ».

24 De son côté, le sociologue Serge Proulx définit l’appropriation d’une technologie comme étant « la maîtrise cognitive et technique d’un minimum de savoirs et de savoir-faire » (Proulx, 2001, 142). Tout en interrogeant l’introduction du dispositif pléthysmographie pénienne dans le champ de l’évaluation de la délinquance sexuelle, nous tentons par la même occasion de dégager l’esprit de la technologie qui correspond à l’orientation générale du dispositif (Ologeanu-Taddei, Staii, 2009) et qui indique « la façon d’agir durant l’utilisation, comment interpréter les caractéristiques et comment combler les lacunes de la procédure lorsqu’elle n’est pas spécifiée de manière explicite » (De Sanctis, Poole, 1994, 126).

25 Un premier élément qui doit nous interpeller est relatif non pas à ce qui a favorisé cette appropriation mais à ce qui ne l’a pas empêchée. Ainsi, le refus et la résistance à une technologie constituent des formes de non-usage (Boudokhane, 2006). Nous l’avons vu, si la pléthysmographie pénienne a fait l’objet d’une certaine résistance quant à ses modalités d’application, l’acceptation de son bien-fondé n’a pas été au centre des préoccupations des chercheurs.

26 Les caractéristiques de l’usager potentiel constituent dès lors un facteur fondamental dans l’acceptation ou non de la technologie mais les attributs de celle-ci peuvent tout autant en déterminer son usage ou son absence (Ram, 1987), ce que soutient par ailleurs le sociologue et statisticien américain Everett Rogers (1995) qui en identifie quelques-uns de déterminants dans l’adoption ou non du dispositif. Nous allons ainsi aborder successivement : l’inconvénient perçu, l’incompatibilité perçue et la flexibilité interprétative.

27 Tout d’abord, l’inconvénient perçu signifie que si une technologie ne présente aucun avantage par rapport aux autres dispositifs existants au niveau des fonctions et services, elle risque de faire l’objet d’un non-usage (Boudokhane, 2006). Rosen et Kopel (1978) vont ainsi exprimer l’opinion que le dispositif soit préférable aux enquêtes auto-révélées dans le suivi du traitement d’un travest i-exhibitionniste car il permet de détecter ses mensonges et ses dissimulations, alors que ces enquêtes offrent la possibilité au sujet de tromper l’examinateur. En outre, et tel que nous l’avons vu ci-dessus, le dispositif « pléthysmographie pénienne » a, dès son apparition dans le domaine de la sexologie, été gratifié de l’aptitude à déterminer l’orientation sexuelle d’individus mâles (Freund, 1963). Proulx (2002) corrobore cette idée qu’un geste de création doit être rendu possible par l’objet technique, ce que le pléthysmographe permet notamment d’après Freund (1991), car il présente l’avantage d’être un instrument de diagnostic – ce que la psychanalyse échoue à être – afin de confirmer le résultat du traitement.

28 Ensuite, l’incompatibilité perçue nous apprend qu’un dispositif technique risque d’être rejeté s’il exige un haut degré de changement et de réajustement de la part des usagers potentiels (Boudokhane, 2006). Or, en l’espèce, Freund et ses travaux concernant l’homosexualité se sont exportés au Canada. Ils y ont bénéficié d’une écoute favorable parmi certains praticiens québécois dès lors que les individus sont généralement amenés à fonder leur évaluation d’une nouvelle technique sur la compatibilité de son appropriation avec un ensemble d’éléments auxquels ils sont attachés et qui concernent leur mode de vie, leurs habitudes et préférences : « plus une innovation est conforme à ceux-ci et moins importante devrait être la résistance à son égard » (Boudokhane-Limat, 2012, 14).

29 À l’aube des années 2000, il semble que « malgré le changement majeur des dernières décennies quant à la reconnaissance légale et sociale des personnes homosexuelles par la société québécoise, une discrimination et un malaise persistent encore » (Clermont, Lacouture, 2001, 219). Un élément appuyant cette constatation est une publication du ministère de la Santé et des Services sociaux – parue quelques années après la mort de Freund – dans laquelle il prescrit à l’ensemble des intervenants du milieu sociosanitaire des changements d’attitude et de conduite envers les personnes homosexuelles (Gouvernement du Québec, 1997). Aucun réajustement drastique n’a donc été nécessaire dans les conceptions paradigmatiques des chercheurs pour accueillir ce dispositif.

30 La pléthysmographie pénienne, en tant que dispositif technique, comporte donc une dimension idéologique dont devraient être conscients les praticiens afin de garantir une plus grande responsabilisation « à l’égard des retombées sociales et morales de la diffusion des dispositifs techniques qu’ils ont mis au point et qui circulent dans la société » (Proulx, 2006, 126-127). Cette dimension reste néanmoins souvent inavouée ou inassumée. Certains peuvent même être tentés de se retrancher derrière un déterminisme technique pour faire oublier qu’à travers la conception, le contrôle et l’usage de ces dispositifs se jouent des rapports sociaux entre groupes d’acteurs (Proulx, 2006).

31 À ce titre, l’Oram [2] a publié, en décembre 2010, un rapport faisant état de l’utilisation de la pléthysmographie pénienne par la République tchèque sur certains étrangers qui demandent l’asile en raison de leur homosexualité. Elle soutient que cette procédure constitue une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme qui interdit tout traitement cruel, inhumain ou dégradant ; en outre, elle dénonce son usage en vue de refouler les demandeurs d’asile (Oram, 2010). Cette illustration édifiante du crédit accordé au scientifique qui utilise ce dispositif pour déterminer l’orientation sexuelle d’une personne fait écho à la mise en garde de Murphy et Barbaree (1994) quant à ses usages inappropriés. Ils considèrent que l’application clinique la plus appropriée de la pléthysmographie pénienne est l’utilisation des réponses érectiles pour montrer la nécessité de cibler l’excitation sexuelle déviante en vue du traitement et pour surveiller son effectivité (Laws, 2009), ce qui lui donne un champ d’application clair et circonscrit conformément à Travin et al. (1988) qui dénonçaient son utilisation comme moyen de preuve en vue de buts non étayés. Ainsi, est considéré comme inadéquat le fait d’utiliser ces réponses péniennes pour déterminer un éventuel « profil » d’une sous-catégorie de délinquants sexuels, pour chercher au sein de certaines populations des délinquants sexuels potentiels ou encore comme critère unique pour décider si une personne peut ou non être libérée (Laws, 2009).

32 Nous pouvons ici faire un lien avec le concept d’affordance (Luyat, Regia-Corte, 2009) développé en 1966 par le psychologue américain James Gibson qui désigne la perception par un individu d’un objet et des actions possibles que cet objet propose (Belin, 2007). Les examinateurs auraient dès lors porté un regard purement technique sur le dispositif en imaginant ses potentialités diagnostiques sans tenir compte des conséquences inhérentes à son introduction dans le champ de l’évaluation de la délinquance sexuelle ; en cela, ils auraient négligé que l’acte d’invention technique n’est pas le pur produit d’une scientificité qui se situerait en dehors des rapports sociaux (Proulx, 2006). Cette vision est également critiquée par la théorie de l’acteur-réseau qui y voit plutôt un processus d’ingénierie hétérogène dans lequel la technique, le conceptuel et des morceaux de la vie sociale sont assemblés en vue de former des produits scientifiques tout aussi hétérogènes (Law, 1992).

33 Enfin, le processus d’appropriation implique une certaine flexibilité interprétative (De Vaujany, 2006). Autrement dit, des groupes d’acteurs peuvent avoir des compréhensions différentes du fonctionnement et de l’usage du dispositif technique qu’ils sont en train de développer ; ils s’affrontent alors au sein de controverses techniques. Ce faisant, cette flexibilité interprétative permet de canaliser les controverses sur la forme du dispositif. Dans cet ordre d’idées, nous l’avons déjà relevé, les débats d’auteurs ont concerné les différentes modalités d’application du dispositif ou encore son objet de diagnostic mais n’ont jamais questionné le bien-fondé de son appropriation.

Validité problématique, fidélité discutable et standardisation inexistante

34 Nous souhaitons ici faire part de trois éléments concernant les propriétés psychométriques de la pléthysmographie pénienne.

35 Le premier concerne la validité qui fait référence au degré d’adéquation entre ce que l’instrument mesure et le concept qu’il prétend mesurer (Laveault, Grégoire, 2002). À ce titre, dès les débuts de la méthode volumétrique, McConaghy (1967) postule sa validité concernant la mesure de l’orientation sexuelle des adultes mâles tandis que Quinsey (1977) l’estime valide pour mesurer les préférences d’âge. Il y a donc très tôt débat sur ce qui fait l’objet de sa mesure. Par la suite, plusieurs chercheurs vont s’accorder à revendiquer sa validité quant à la mesure du construit théorique qu’est l’excitation sexuelle déviante. Un « construit » s’appréhende comme « quelque chose qui existe théoriquement mais qui n’est pas directement observable » (Vogt, Johnson, 2011, 70). A insi en est-il de « l’excitation sexuelle déviante ». La validation de ce construit théorique prend place quand un chercheur croit que son instrument reflète un construit particulier auquel sont attachées certaines significations (Cronbach, Meehl, 1955). Ainsi, Barlow (1977) soutient que la mesure de l’excitation pénienne permet de remonter jusqu’à l’excitation sexuelle qui se trouve être une composante en amont du comportement sexuel. Laws et Osborn (1983) s’accordent avec cette idée en mentionnant que la réponse érectile est mesurée car elle constitue le seul comportement dans la chaîne qui peut être objectivement mesuré. Pour démontrer la validité de ce construit théorique, les chercheurs vont s’attacher à comparer les mesures obtenues à l’aide de la pléthysmographie pénienne sur base de stimuli audio et visuels avec les enquêtes self-report des sujets soumis au test (Wincze et al., 1980 ; Abel et al., 1981 ; Day et al, 1989). C’est ainsi qu’ils vont trouver de fortes corrélations entre ces variables leur suggérant que le dispositif entérine bel et bien l’existence d’un tel concept ainsi que son aptitude à le mesurer (Laws et al., 2000). Toutefois, en faisant référence à ce qu’O’Donohue et Letourneau (1992) qualifient d’érotisme tel que nous l’avons relevé précédemment, nous sommes en droit de nous demander si ces réponses péniennes à des stimuli érotiques putatifs constituent réellement des mesures de l’intérêt sexuel.

36 Le deuxième élément a trait à la fidélité qui rend compte du degré d’exactitude avec lequel le dispositif mesure le concept qu’il est censé mesurer (Fortin, 1994, 58). Sur ce point-là aussi, la pléthysmographie pénienne ne fait pas l’unanimité. En ce sens, si Earls (1983) revendique la fidélité du test dans la différenciation entre délinquants sexuels et non-délinquants, Laws et Rubin (1969) se sont montrés plus perplexes quant à ce critère scientifique à cause de l’habileté des sujets à produire des faux positifs et négatifs, ce qui met à mal son niveau d’exactitude. Cette critique se retrouve dans nombre de travaux (Rosen, Keefe, 1978 ; Laws, Holmen, 1978 ; Rosen, Kopel, 1978 ; Abel et al., 1980 ; Earls, 1983 ; Avery-Clark, Laws, 1984) qui insistent inlassablement sur la responsabilité du sujet dans le manque de validité du test, ce qui nous amènera ensuite à discuter de cette suspicion constante que l’opérateur semble afficher envers son sujet-patient. Freund (1977) a, lui-même, admis cet état de fait qu’il pointe comme l’une des limites substantielles de la pléthysmographie. Néanmoins, plusieurs chercheurs soutiennent sa fidélité quant à la distinction entre violeurs et non-violeurs (Abel et al., 1978 ; Quinsey et al., 1984) ou entre pédophiles exclusifs et non exclusifs (Murphy et al., 1986). En dépit de ces travaux, il n’en reste pas moins que la correspondance entre les mesures physiologiques du test et l’infraction sexuelle qu’elle est censée mettre en évidence est faible et que l’excitation sexuelle déviante parmi les délinquants sexuels reflète souvent une excitation générale plutôt qu’un comportement sexuel déviant (Hall et al., 1988). En outre, beaucoup d’hommes hétérosexuels non délinquants présentant une forte excitation pour des images de femmes nues adultes montrent également une faible mais mesurable excitation pour des images de filles prépubères nues, même lorsque celles-ci se trouvent en situation de viol (Myers, 2004). Inversement, dans le contexte d’abus sexuels d’enfants, certains délinquants ne montrent pas de réponse au test, n’exhibant pas de ce fait leur tendance sexuelle déviante vis-à-vis de stimuli sexuels déviants (Lanyon, 2001). Nous pouvons également poser la question de l’exactitude du test lorsque celui-ci s’adresse à des sujets non consentants, autrement dit ceux dont les fantaisies sexuelles impliquent un acte au demeurant illégal (Weinrich, 2016). À ce titre, des différences significatives ont été décelées entre volontaires et non volontaires, les premiers éprouvant beaucoup moins de culpabilité à répondre au test et se montrant nettement moins effrayés par leur sexualité (Farkas et al., 1978). Enfin, la question se pose de savoir si les sujets qui répondent au test alors qu’ils sont sous médicaments, par exemple des antipsychotiques ou des anti-androgènes, ne présentent pas des réponses différentes des sujets qui, eux, ne le sont pas (Williams, 2003).

37 Le troisième et dernier élément que nous désirons mettre en évidence est relatif à la standardisation. En dépit du fait que les fabricants fournissent des instructions pour l’utilisation de leur équipement et que certains centres de traitement ont développé des protocoles détaillés pour l’implémentation de la procédure et la récolte des données, il est admis par les chercheurs que beaucoup font usage des procédures et de l’équipement sans se référer systématiquement au manuel d’utilisation (Laws, 2009). Dès lors, même si la majorité des laboratoires au Canada et aux États-Unis achètent leur équipement et stimuli auprès d’une ou deux grandes compagnies – Behavioral Technology ou Limestone Technologies – la récolte des données et leur interprétation posent un réel problème au niveau de la standardisation dans l’administration de la procédure (Laws, O’Donohue, 2016). Nous pouvons, à ce titre, reprendre les mots de O’Donohue et Letourneau (1992, 126) qui notent qu’« il n’apparaît pas y avoir d’évaluation standardisée de la tumescence pénienne mais qu’il existe plutôt une famille de procédures qui partagent des fonctionnalités et des buts communs » [3]. Ces auteurs ont ainsi dressé une liste de dix-sept sources potentielles de variation procédurale. Outre les différentes manières de procéder propres à chaque opérateur du test, la standardisation entre les différents sites d’évaluation demeure elle aussi minimale (Marshall, Fernandez, 2003). Ce constat est relayé par Laws et Pithers (1988) pour qui le manque de standardisation est l’une des principales limitations de la pléthysmographie pénienne. Il est donc d’autant plus étonnant que très peu de travaux ont été publiés concernant les stimuli à sélectionner et les méthodes à mettre en œuvre pour s’assurer de l’exactitude des résultats (Marshall, Fernandez, 2003). Malgré cet état de fait qui devrait inciter les praticiens à s’engager dans une vaste entreprise de standardisation de la procédure, Laws relève, après avoir visité plusieurs centres d’évaluation, que les principales réponses objectées à ce problème sont « nous avons toujours fait comme ça » [4] ou « nous faisons ce qui marche pour nous » [5] (Laws, 2009, 10). De son côté, l’Atsa (Association for the Treatment of Sexual Abusers) a inclus dans son Practice Standards and Guidelines for Members of the Association for the Treatment of Sexual Abusers (Atsa, 1997) un appendice concernant la pléthysmographie pénienne. Cependant, aux yeux de Laws (2009), il s’agit moins d’un manuel d’utilisation que d’un ensemble de recommandations et de lignes directrices. O’Donohue et Letourneau (1992) renchérissent en soutenant que la manière dont les praticiens suivent ces recommandations n’est pas connue. Par ailleurs, Murphy et Barbaree (1994) relèvent que les rares tentatives de définir un protocole standard concernant le type de stimuli devant être utilisés ainsi que la procédure d’évaluation à mettre en œuvre sont le fruit de petits groupes d’auteurs reconnus mais que la grande majorité des chercheurs ne faisant pas partie de cette « élite » continuent de travailler de leur côté avec leur propre procédure ; là réside le problème de la standardisation. Pour y remédier, l’Atsa (2005) a tenu une conférence sur la standardisation mais seule une cinquantaine de personnes ont répondu présent, démontrant le réel désintérêt des opérateurs du test qui peut se traduire par « pourquoi devrais-je consacrer du temps à cette procédure quand celle que j’ai fonctionne parfaitement bien ? » [6] (Laws, 2009, 12), question fermant irrémédiablement le débat sur la standardisation de la procédure. Nous pouvons par ailleurs poser la question de la pertinence de cette standardisation, considérant le fait que la réponse sexuelle humaine est hautement subjective (Oram, 2010). En effet, elle présente des différences dues à la dimension interculturelle, l’orientation sexuelle ou encore l’identité de genre (Kauth, 2006), ce qui nous amène à nous demander si cette entreprise laborieuse de standardisation n’est pas vouée à l’échec depuis le départ. D’un côté, elle ne rencontre pas les faveurs des chercheurs qui continuent d’opérer chacun selon leur propre inclination et de l’autre, même si elle leur inspirait des envies d’agir, le résultat serait tout aussi néfaste pour le sujet humain quant à sa dimension spécifique et subjective. Enfin, nous pouvons reprendre cette phrase pleine de sens dans le livre de Laws et O’Donohue Treatment of Sex Offenders : Strengths and Weaknesses in Assessment and Intervention, paru en 2016 : « il n’y a actuellement pas de moyen standardisé pour noter ou interpréter les résultats des données phallométriques » [7] (Laws, O’Donohue, 2016, 112). Il n’y a donc pas eu de progrès notables dans ce domaine durant ces soixante ans.

38 Malgré ces écueils, l’aura de ce dispositif semble se diffuser à tel point que certains chercheurs ont décidé de lui adjoindre un autre dispositif en vue de combler ses failles. C’est ainsi que Laws et Gress (2004) nous informent que, dans le cadre de l’évaluation clinique des déviances sexuelles, il peut être couplé aux méthodes reposant sur le temps d’observation (viewing time). Celles-ci tirent leurs origines des travaux de Rosenzweig et Zamanksy qui démontrent des corrélations positives entre la réponse du temps d’observation et les intérêts sexuels (Renaud et al., 2005). Il s’agit de s’intéresser au suivi oculomoteur (eye tracking) du patient dans le cadre du test sur base de stimuli visuels. Ce procédé permet de mettre en parallèle l’évolution des réponses génitales à celles des réponses perceptivo-motrices concernant ces stimuli ; la nature de ces derniers a souvent posé problème aux praticiens. À ce titre, Laws et Gress (2004) pointent que l’utilisation de photographies d’enfants dans le cadre de l’évaluation des préférences sexuelles soulève d’importantes questions éthiques. Nous pouvons mentionner que ces dernières années, les opérateurs ont choisi de faire appel à la réalité virtuelle pour contourner cette problématique (Renaud et al., 2006b). Ils justifient ce choix par une validité écologique accrue dès lors que cette technologie permet de placer le sujet dans une perspective dite à la première personne au sein de l’environnement virtuel. Il y a donc une similarité avec le point de vue expérimenté dans le monde réel. Les stimuli sexuels utilisés sont des personnages virtuels représentant des humains de sexe masculin et féminin.

39 Cependant, force est de reconnaître que cette association ne permet pas de guérir tous les maux. Fischer et Smith (1999) dénoncent des problèmes importants quant à la validité externe et à la fidélité test-retest du viewing time. En outre, comme pour la pléthysmographie, la mesure reposant sur le temps d’observation peut voir sa validité interne mise à mal par le sujet qui risque de recourir à des stratégies visant la falsification des résultats. Par ailleurs, ce dispositif binaire ne permet de sonder qu’une portion restreinte de la réponse d’intérêt et de préférence sexuels qui comprend trois composantes (Singer, 1984). Celles-ci sont tout d’abord l’intérêt esthétique, partiellement cerné par le viewing time, ensuite l’attraction sexuelle exprimée au niveau moteur et enfin, l’excitation sexuelle démontrée au niveau génital, objet de la pléthysmographie. Malgré tout, certains chercheurs défendent l’idée que « ces deux méthodes peuvent être utiles en psychologie légale, de même que dans les domaines de la rééducation et de la réhabilitation auprès des populations délinquantes en matière sexuelle » (Renaud et al., 2006a, 175).

« The machine doesn’t lie » ou la responsabilité du sujet ?

40 Le dernier point que nous allons maintenant aborder peut s’appréhender comme le contrepoids à tous les éléments qui ont été précédemment soulevés. Nous l’avons vu, les praticiens sont loin d’être naïfs ou volontairement aveugles dans la mesure où tous – y compris Freund – relèvent l’existence de problèmes, lacunes ou errements rencontrés par la pléthysmographie pénienne. Alors comment comprendre que, malgré tout ce qui a été dit et écrit sur sa validité, sa fiabilité et sur sa standardisation, ce dispositif ait survécu, plus encore qu’il ait gagné en crédibilité ?

41 Cet état de fait résulte d’un raisonnement consistant à dire que si le test échoue à mesurer ce qu’il est censé mesurer, ce n’est pas tant son adéquation – et donc son existence – qui est à questionner que le manque de coopération du sujet qui en fait l’expérience. Il en va donc de la responsabilité du sujet-patient qui ne s’accorde pas au test pour y fournir les réponses souhaitées. En ce sens, l’affirmation « les machines ne mentent pas » [8] (Laws, 2009, 8) soutenue par l’un des assistants de Laws est révélatrice de deux éléments fondamentaux.

42 D’une part, elle suggère une certaine croyance absolue en la scientificité lorsqu’il s’agit d’évaluer le délinquant sexuel. Ainsi, le dispositif ne ment pas car il est affranchi de toute influence paradigmatique, ce qui, à notre sens, constitue une vision erronée de la science qui pourrait s’extirper de la conception du monde dans laquelle elle ne fait pourtant que s’inscrire. D’autre part, que le dispositif scientifique ne mente pas fait entendre qu’il existe bel et bien un menteur dans l’affaire. Le responsable est ici tout indiqué dès lors qu’il est déjà affublé de l’étiquette peu gratifiante de « délinquant sexuel ». Lui qui était au départ un sujet-patient engagé dans une relation clinique avec un thérapeute s’est à présent transformé en un sujet-suspect dans une évaluation-diagnostic face à un examinateur. Ce glissement est lourd de sens quant à la conception paradigmatique que le praticien a de celui à qui il administre son dispositif. Ce n’est pas ce dernier qui échoue à mesurer l’érection pénienne, c’est le sujet qui la dissimule ou qui la contrôle.

43 Dès la fin des années soixante, Laws et Rubin (1969) soutiennent qu’il est facile pour les mâles de supprimer leurs réponses érectiles. Freund (1981) lui-même a pointé que les chercheurs ne devraient pas être trop optimistes sur les méthodes de test phallométrique comme moyen de valider les effets positifs de la thérapie dès lors que les sujets peuvent produire des faux positifs et des faux négatifs. Earls (1983) lui emboîte le pas en affirmant que certains hommes peuvent exercer un contrôle volontaire sur leur réponse érectile et que, de plus, pour certains agresseurs, la composante de l’excitation sexuelle ne joue qu’un rôle minime. Farkas et al. (1979) renforcent ce postulat en mentionnant que jusqu’à 80 % des sujets à qui l’on demande de supprimer volontairement leur réponse érectile y parviennent effectivement.

44 D’autres travaux (Howes, 1998 ; Kalmus, Beech, 2005) vont dans le même sens, de sorte qu’il convient de s’arrêter un instant sur ce que recouvre cette réponse érectile pénienne. Weiss (1972) nous la présente comme dépendante d’une part, de l’intégration des signaux afférents par les centres d’érection sacraux ou thoraco-lombaires, par les nerfs autonomes jusqu’au pénis et par les tissus érectiles, et d’autre part, d’un approvisionnement en sang adéquat vers le pénis. À noter que l’influence cérébrale n’est pas toujours nécessaire pour faciliter l’érection dès lors que celle-ci peut être une réponse à un stimulus réflexogène – l’érection n’étant alors qu’un réflexe – contrairement au stimulus psychogène qui, lui, par voie auditive, visuelle ou encore tactile provoque l’érection pénienne (Barker, Howell, 1992). Cette information nous permet de questionner le bien-fondé d’un dispositif prétendant pouvoir évaluer la réponse érectile pénienne humaine alors qu’il n’est pas en mesure d’affirmer avec certitude que cette érection se produit à cause des stimuli psychogènes utilisés lors de l’administration du test et non en réponse à des stimuli de nature réflexogène.

45 En outre, le rôle de l’anxiété est également déterminant dans l’excitation sexuelle. Ainsi, Barlow et al. (1983) ont démontré qu’un stimulus homosexuel présenté à un homme homophobe pouvait être source d’anxiété et consécutivement, d’excitation pénienne. Cette réponse pénienne serait plus fonction d’une condition menaçante que d’une excitation sexuelle à proprement parler. Énoncé autrement : la théorie de Barlow et al. serait de dire qu’une excitation sexuelle présentée face à des stimuli homosexuels par un homme homophobe est une fonction de l’anxiété (Badow, 1986). La pléthysmographie pourrait être prise en défaut dès lors qu’un homme hétérosexuel qui n’avouerait pas son homophobie pourrait être évalué comme présentant une excitation pénienne à des stimuli homosexuels, ce qui pourrait amener l’examinateur à le diagnostiquer erronément comme étant homosexuel. En outre, pourquoi ne peut-il être concevable qu’un homme hétérosexuel réponde tout simplement à la présentation d’un stimulus homosexuel ? L’orientation sexuelle doit-elle être à ce point figée qu’il ne puisse y avoir d’attraction entre un homosexuel et un hétérosexuel sans que l’on ne postule l’anxiété pour rendre compte de cette attraction ?

46 Ces bémols quant aux causes pouvant entraîner une excitation pénienne ne semblent pas avoir ébranlé les praticiens au point de cesser de postuler l’excitation pénienne comme représentante de l’excitation sexuelle. Cette corrélation qu’ils défendent les a amenés à considérer l’habileté du sujet de pouvoir contrôler quasiment à volonté ses réponses érectiles au test et, de ce fait, de dissimuler son excitation sexuelle. Ainsi, ils nous indiquent que cette habileté de réprimer l’excitation est dépendante à la fois du contenu du stimulus présenté durant la tentative de répression et du niveau d’excitation pré-répression (Malcolm et al., 1985).

47 Pour beaucoup d’auteurs, le sujet est donc à même de présenter des faux-positifs et des faux-négatifs (Freund, 1963 ; Rosen, Keefe, 1978 ; Laws, Holmen, 1978 ; Rosen, Kopel, 1978 ; Abel et al., 1980 ; Freund, 1981 ; Earls, 1983 ; Avery-Clark, Laws, 1984 ; Laws, Pithers, 1988 ; Lalumière, Quinsey, 1994). Que faut-il entendre par là ? La philosophie nous enseigne qu’il s’agit de deux inférences non valides (Fisette, Poirier, 2000). Appliqué à notre sujet d’étude, nous pouvons les exprimer comme suit : la première se rencontre lorsque le sujet présente une réponse érectile alors que le stimulus en jeu n’en nécessite pas ; inversement, la seconde consiste pour le sujet à ne pas présenter de réponse érectile au stimulus qui, cette fois-ci, en requiert une.

48 Concernant l’homme non délinquant qui fait l’expérience de stimuli sexuels relatifs à des mineurs, Freund et Watson (1991) indiquent que seuls trois personnes sur cent présentent un faux-positif consistant en une réponse érectile à la présentation de ces stimuli. En revanche, le sujet délinquant sexuel est, lui, toujours piégé. Soit il réagit à un stimulus non déviant et on le suspecte d’être un menteur, soit il ne réagit pas au stimulus déviant et on le soupçonne d’être un dissimulateur. L’argument est d’autant plus imparable qu’il est soutenu, comme nous l’avons vu, par de nombreux chercheurs ; ceux-ci affirment que les évalués parviennent à biaiser leurs résultats au test en recourant à des pensées et des images aversives ou anxiogènes pour détourner leur attention du contenu sexuel qui leur est présenté (Renaud et al., 2006, 250). Par ailleurs, Freund notamment nous informe de l’existence de trois types de feintes que le sujet est capable de produire (Freund et al., 1988). Il y a tout d’abord le « pompage » qui résulte des contractions volontaires de l’estomac et des muscles du périnée ; ensuite le fait de présenter un taux élevé de réponses à des stimuli sexuellement neutres peut être un indicateur de suppression ; enfin celui de manifester une réponse forte à un stimulus de la catégorie du sexe opposé implique une tentative de la part du sujet de montrer sa préférence pour le sexe opposé à son genre préféré. Le deuxième type de feintes attire notre attention quant à l’appellation « stimulus neutre ». Leclerc et Proulx (2006) évoquent cette exposition à un stimulus audio neutre comme utile pour valider les réponses péniennes tout en murmurant qu’un taux plus élevé de réponses au stimulus neutre par rapport aux stimuli déviants pourrait faire penser que le sujet tente de contrôler volontairement son érection. Par ailleurs, il nous apparaît que le stimulus audio neutre – signifiant ici « non sexualisé au sens d’un contenu explicite évoquant le viol ou le contact inapproprié » (Adam, 2010, 19) – pèche par son incapacité à juguler une excitation sexuelle qui ne serait éveillée que par sa seule matérialité sonore.

49 Précisons pour finir que ces différentes stratégies de distraction que l’on impute au sujet ont fait l’objet de tentatives de contrôle. À ce titre, Proulx et al. (1993) ont pu conclure que l’utilisation d’une tâche de suivi sémantique augmentait la validité interne de la pléthysmographie concernant les pédophiles homosexuels, en particulier chez ceux ayant déjà eu une expérience préalable avec le dispositif. Ils ont ainsi emboîté le pas à Quinsey et Chaplin qui, au terme d’une étude visant à empêcher les sujets de feindre, avaient émis l’idée suivante : « la tâche de suivi sémantique apparaît être une méthode prometteuse pour minimiser les effets des feintes dans l’évaluation phallométrique des préférences sexuelles sur base de stimuli audio » [9] (Quinsey, Chaplin, 1988, 56). De leur côté, Golde et al. (2000) ont montré que les sujets ayant déjà été confrontés à la pléthysmographie pénienne présentaient plus de faux-négatifs lorsque les stimuli utilisés n’étaient qu’audio en comparaison de la présentation de stimuli audio-visuels.

Conclusion

50 Au fil de cet article, nous avons pu mettre en évidence une multitude d’éléments qu’il nous importe maintenant d’ordonner. Tout d’abord, nous avons, par le biais d’une analyse de sa dimension diachronique, mis en évidence l’évolution du dispositif « pléthysmographie pénienne » et son déplacement progressif du champ médical à celui de la délinquance sexuelle via une transition importante. En effet, son passage par le domaine de la sexologie a modifié les présupposés à la base de son administration. L’hypothèse de pouvoir évaluer l’orientation sexuelle du sujet s’est muée en certitude théorique que l’excitation pénienne mesurée par ledit dispositif constituait en fait la mesure objective de l’excitation sexuelle. Ce glissement a permis, à notre sens, l’élargissement de son champ d’application. Ainsi, de nombreuses études visant à distinguer les non-délinquants sexuels des délinquants sexuels de même que leurs différentes sous-catégories ont vu le jour.

51 Tout au long de ces recherches dont il a fait l’objet, le dispositif a subi des modifications et des améliorations démontrant en cela deux éléments fondamentaux. D’une part, la volonté des chercheurs d’en faire usage et donc de soutenir le processus d’appropriation du dispositif par le champ de la délinquance sexuelle depuis le domaine médical. D’autre part, l’évacuation de toute réflexion quant au bien-fondé du dispositif qui, s’il voit ses modalités d’application faire l’objet de critiques, repose sur une véritable conviction théorique.

52 L’émergence de cette dernière s’inscrit dans un processus plus large, relevant de l’éviction progressive de la tradition psycho-dynamique. Un tel changement d’orientation thérapeutique induit nécessairement des modifications quant aux conceptions paradigmatiques existantes dans le chef des opérateurs du test. Cela implique une nouvelle manière de penser le sujet d’étude. Le délinquant sexuel passe ainsi du statut de patient engagé dans une relation clinique avec un thérapeute à celui de client au service d’un examinateur qui exerce sur lui toute la puissance de son savoir scientifique.

53 Cette évolution n’est pas sans conséquence sur la manière dont est perçu le délinquant sexuel. Sa culpabilité ne fait aucun doute et lorsque la preuve ne peut en être faite au moyen du test, c’est qu’il dissimule sa sexualité malsaine.

54 Cette conception particulière du délinquant sexuel comme ne pouvant être de bonne foi a pu autoriser la diffusion de la pléthysmographie pénienne en dépit de ses failles. Nous avons pu relever sa validité discriminante problématique ne permettant pas de distinguer les différentes catégories de délinquants sexuels, voire échouant à séparer ces derniers des non-délinquants. En outre, elle souffre de standards d’administration de la procédure quasi inexistants. Cette nécessaire standardisation n’a d’ailleurs jamais été vraiment un enjeu fondamental pour les praticiens qui revendiquent leur autonomie de travail.

55 Toutes ces difficultés et tous ces manquements, pourtant soulignés par les opérateurs du test eux-mêmes, ont été occultés par le rejet de la responsabilité quant à l’essentiel des failles du dispositif sur le sujet faisant figure de suspect réfractaire à la coopération. Même les considérations éthiques soulevées depuis plus d’un demi-siècle par l’utilisation de stimuli sexuellement explicites dans le cadre de l’administration de la procédure n’ont pu ébranler ce dispositif toujours en vigueur aujourd’hui.

56 Avant de clôturer cet article, nous ne voudrions pas laisser supposer au lecteur que le parcours de la pléthysmographie pénienne ne rend finalement compte que d’une tendance homophobe de la part de certains chercheurs qui instrumentalisent leur champ scientifique en vue d’étayer leur propre idéologie. Bien sûr, tel que nous l’avons vu, les hommes homosexuels ont été la première cible du dispositif mais cette démarche s’inscrit d’après nous dans un processus plus large qui touche à l’être humain dans sa globalité genrée et sexuée.

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Notes

  • [1]
  • [2]
    Organization for Refuge, Asylum and Migration.
  • [3]
    Citation originale : « There does not appear to be a standardized penile tumescence assessment, but rather there is a family of procedures which share some common aims and features ».
  • [4]
    Citation originale : « We’ve always done it
    this way ».
  • [5]
    Citation originale : « We do what works for us ».
  • [6]
    Citation originale : « Why should I devote precious time to this procedure when the one I have works perfectly well ? ».
  • [7]
    Citation originale : « There is currently no standardized way to score or interpret phallometric outcome data ».
  • [8]
    Citation originale : « Machines don’t lie ».
  • [9]
    Citation originale : « The semantic tracking task appears to be a promising method for minimizing the effects of faking in phallometric assessments of sexual preference that employ audiotaped stimuli ».
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