Notes
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[1]
Pour ce qui concerne le statut juridique des gated communities et le développement des CIDs (Common Interest Developments), voir McKenzie (1994).
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[2]
Cependant, la littérature signale aussi des critiques dans la gestion privée des lotissements fermés. Un cas emblématique est représenté par Leisure World, lotissement fermé d’environ vingt mille habitants en Californie, qui en 1999 obtient le statut de municipalité. Le lotissement était dans un état d’abandon dû au manque d’intérêt des résidents, principalement âgés, à l’entretien des propriétés communes. L’occasion pour le passage à une gestion publique s’est présentée à la suite de la possibilité de construire un aéroport à proximité du complexe. Pour contraster cette décision, Leisure World, aujourd’hui Laguna Woods, est devenue une entité reconnue politiquement (Le Goix, 2003 ; Charmes, 2006, 17).
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[3]
La criminalità non sarebbe dunque né una qualità degli individui poveri e di bassa estrazione sociale né degli immigrati (…) ma sarebbe una qualità del luogo ove essi si sono venuti a trovare, per cui, muovendo ad altre zone della città il loro tasso di criminalità si adeguerebbe a quello prevalente in tali aree.
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[4]
Il suburb come scelta insediativa può anche essere visto, estremizzando, come un’esasperazione della concezione della convivenza legata alla distanza già presente in Wirth, un’evoluzione particolare di questa prospettiva in cui la maggiore distanza, la separatezza pressoché totale, diviene fonte di sicurezza.
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[5]
Les Business Improvement District sont des aires urbaines revalorisées à travers des formes d’autofinancement par des sujets privés, qui se taxent pour offrir services d’entretien, nettoyage, sécurité. Ils ont connu une importante diffusion en Amérique du nord, mais aussi en Afrique et en Europe (Hyot, 2004).
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[6]
Privatized spaces free from the unemployed, the poor, rebellious youth and other residues of the « dangerous classes ».
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[7]
À ce propos d’intéressantes réflexions ont été conduites sur la résidentialisation des habitations à loyer modéré en France pour ce qui concerne les interventions de clôture et de délimitation des espaces (Lelévrier, Guigou, 2005 ; Tabet, 1999). Les procédures de résidentialisation exposées sont une transposition du modèle des résidences privées. En effet, elles tentent de clarifier physiquement les abords des bâtiments, par un système de clôture et/ou de marquages symboliques, afin d’extraire du domaine public ces espaces, juridiquement privés, jusque-là ouverts et négociables collectivement par les habitants et tous ceux qui y avaient trouvé place. À terme, les espaces de proximité ne doivent plus être traversables par les personnes qui n’y résident pas (Giffo-Levasseur, Pasquier, 2005, 104-105).
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[8]
Represent a significant extension of the State’s authority and dispersal of its surveillance capacity throughout the urban landscape.
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[9]
Sur cet aspect voir aussi Shearing et Stenning (1985), qui indiquent comme un élément de l’évolution de la discipline, le passage du traitement des coupables au contrôle des opportunités d’accomplir des illégalités.
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[10]
Their primary aim is not to confront a concrete dangerous situation, but to anticipate all the possible forms of irruption of danger.
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[11]
Un effet indésirable peut être le crime displacement, c’est-à-dire la réduction du crime dans une zone donnée et son augmentation conséquente dans d’autres contextes (Clarke, 1983, 245).
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[12]
Pour un cadre complet des pratiques de prévention situationnelle voir Clarke (1997).
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[13]
Sur la responsabilisation contre les risques associés à la criminalité et le concept de prudentialisme voir O’ Malley (1992) ; pour la diffusion des contrôles Cohen (1985) ; Deleuze (1990) ; Marx (1988) ; sur les contrôles collaboratifs Shearing, Stenning (1985).
1 L’expansion au niveau mondial des gated communities, complexes résidentiels fermés et sécurisés, est un sujet fréquent du débat académique international de ces dernières années. La complexité du thème, en raison de ses implications sociales, politiques et au niveau de la gestion des espaces urbains, a engendré des analyses liées à différentes disciplines, caractérisées par diverses approches et méthodologies de recherche.
2 Cet article, en deux parties, analyse certaines des études théoriques et des travaux empiriques avec un objectif principal : interpréter le développement des quartiers sécurisés par rapport aux transformations des modalités de contrôle et de gestion de l’ordre dans l’espace urbain contemporain.
3 La première partie s’attache à des questions et des thématiques traitées par la littérature spécialisée sur les gated communities. En particulier, le texte met l’accent sur les définitions et les terminologies utilisées, les typologies, les précédents historiques et les motivations des résidents. Cette section souligne une pluralité d’aspects liés au développement des gated communities : la demande de sécurité, le désir de vivre avec qui partage le même statut social, la gestion privée des biens et des services.
4 La seconde partie se concentre sur les aspects proprement sécuritaires des gated communities. L’on considère les quartiers résidentiels fermés comme un exemple intéressant de mesures de prévention du crime. Leur développement reflète les changements qui, depuis une vingtaine d’années, ont concerné la question criminelle, en particulier le sentiment croissant d’insécurité des citoyens, la méfiance envers l’État, la privatisation de la sécurité, la diffusion des contrôles. L’un des changements les plus intéressants, qui a justifié le développement des quartiers fermés, est représenté par la consolidation d’approches théoriques qui encouragent la gestion et la manipulation de l’environnement urbain, dans le but de dissuader les comportements non conformes ou criminels.
5 Enfin, les gated communities peuvent être considérées comme un cas paradigmatique de la diffusion des espaces interdits (Flusty, 1997, 48) dans les villes contemporaines : les habitations, les lieux de travail et de consommation, fermés et surveillés, renforcent – grâce à la présence des barrières et des systèmes de surveillance – les inégalités et les polarisations sociales.
Les gated communities comme objet d’étude
Définitions et typologies
6 L’expression gated community désigne les lotissements résidentiels dont le périmètre est clos, l’accès réservé aux résidents et où les systèmes de surveillance veillent à la sécurité des personnes et des propriétés. La clôture et la limitation de l’accès, caractéristiques fondamentales de cette forme d’habitation, peuvent varier d’un lotissement à l’autre. Certains lotissements sont clôturés avec des murs imposants, d’autres avec des grillages ; les accès peuvent être surveillés 24 heures sur 24 par le personnel de sécurité ou réglementés avec des cartes magnétiques ou des systèmes de vidéosurveillance. Les ensembles résidentiels fermés varient également dans leurs dimensions (ils peuvent regrouper des dizaines à des centaines d’habitants), comme services proposés à l’intérieur (structures sportives, écoles, magasins), comme type d’habitations offertes (villas, appartements en villa, ou immeubles en copropriété).
7 En raison des caractéristiques différentes des lotissements « protégés », de nombreuses analyses se sont penchées sur l’identification et la délimitation de ce sujet. Une des définitions, parmi les plus célèbres, a été formulée par Blakely et Snyder (1999, 2), pour indiquer une aire résidentielle dans laquelle l’interdiction d’accès aux non-résidents garantit l’usage privatif des espaces et services généralement publics. Cette définition n’inclut pas les copropriétés où les mesures de sécurité, tels que les gardiens ou les dispositifs technologiques, empêchent l’accès seulement à l’entrée principale ou au parking. L’un des aspects principaux des gated communities est en fait l’utilisation exclusive des services et des ressources. Les lotissements fermés peuvent être interprétés comme des organisations territoriales où le droit de disposer de certains services et biens collectifs (club goods) est limité aux membres, selon un statut et des règles internes (Webster, 2002 ; Glasze, 2003 ; Le Goix, Webster, 2008) [1].
8 L’importance d’une structure normative est soulignée par la définition de Atkinson et Blandy (2005, 177-178), qui reconnaissent en la coprésence du règlement et de barrières physiques, les caractéristiques fondamentales des lotissements fermés. Les résidents doivent respecter un règlement qui impose des normes de conduite et la répartition des coûts des services collectifs, tels que l’entretien, les installations sportives, le personnel de nettoyage et de sécurité.
9 L’expression gated community se réfère principalement au cas des États-Unis, où ce phénomène a connu une croissance considérable. En raison de cette diffusion et du développement des études concernant ce contexte, les ensembles résidentiels étasuniens sont devenus un point de repère pour les travaux et les recherches conduits ailleurs. En effet, on retrouve de nombreux exemples de quartiers sécurisés en Amérique latine, Europe, Australie, Afrique du Sud et Sud-est asiatique. Bien qu’il soit possible d’identifier des similitudes et des aspects communs dans la phénoménologie des gated communities des cinq continents, les lotissements fermés reflètent les spécificités locales et historiques des territoires où ils sont situés (Blandy, 2006a ; Glasze et al., 2006 ; Le Goix, Webster, 2008).
10 À partir des diverses caractéristiques de ce phénomène, certaines études ont classé le matériel empirique recueilli en typologies, afin de synthétiser la variété des formes de fermeture résidentielle. Ne pouvant ici rendre compte de toutes les tentatives entreprises dans ce sens, on présentera trois typologies qui diffèrent du point de vue des aspects considérés : les attentes des résidents, les systèmes de sécurité mis en place et les caractéristiques de l’environnement bâti.
11 S’agissant des États-Unis, Blakely et Snyder (1999, 38-45) ont construit une typologie de gated community à partir des motivations des résidents. Ils définissent lifestyle communities, les complexes résidentiels où la fermeture assure l’exclusivité des services et des commodités offertes. Cette catégorie comprend les clubs de golfe, les maisons de retraite pour personnes âgées et les new towns, zones bâties en périphérie, comprenant des logements résidentiels et des activités commerciales ou récréatives. Ils indiquent comme prestige communities, les lotissements résidentiels où la fermeture symbolise la position sociale et le prestige des résidents. Dans ces complexes, les barrières ne préservent pas prioritairement un contexte social privé, mais garantissent plutôt l’intimité des résidents et l’investissement immobilier. Enfin, ils dénomment security zones, les zones urbaines où la fermeture n’est pas à attribuer aux constructeurs immobiliers, mais est une conséquence de la mobilisation des habitants qui, auprès des autorités locales, réclament la fermeture comme la seule solution à leur perception d’insécurité et aux inconvénients de la vie urbaine. Dans certains cas, les barrières isolent complètement des quartiers entiers, qui ne sont accessibles que par les accès contrôlés.
12 Si Blakely et Snyder (1999) examinent les différentes raisons déterminant l’achat d’une maison dans un lotissement fermé, Luymes (1997, 198-199), de son côté, distingue les quartiers enclaves sur la base des systèmes de sécurité adoptés. Il construit une typologie comprenant les procédures de contrôle des accès et la clôture du périmètre de la propriété. L’attention portée à la sécurité sera majeure en présence de niveaux élevés de revenus, parce que les dispositifs de contrôle reflètent le statut des habitants. Les quartiers aisés sont surveillés 24 heures sur 24 par le personnel de sécurité privé et grâce à des clôtures solides. Les propriétés des classes moyennes sont closes, mais non surveillées et la présence des gardiens peut être remplacée par des dispositifs technologiques, tels que les cartes magnétiques ou les digicodes. Enfin, les classes moins aisées comptent sur des systèmes de protection purement symboliques, dont la fonction est de remarquer une division par rapport à l’extérieur, en signalant la présence d’un contrôle du territoire.
13 Quant au contexte européen, une typologie de gated communities a été proposée par Blandy (2006a, 21-22), qui distingue les lotissements anglais sur la base des caractéristiques de l’environnement bâti et de leur fonction. Le type le plus commun de complexe résidentiel fermé, l’infill gated community, se caractérise par un nombre réduit de logements, construits à la suite d’une démolition. Au contraire, les heritage conversion gated communities sont le résultat de la reconversion des bâtiments existants, pas nécessairement destinés à l’origine à un usage résidentiel - comme asiles psychiatriques, prisons, écoles, usines ou hôpitaux - et généralement clôturés. Enfin, les village gated communities, grands lotissements avec plus de cent cinquante logements et comparables aux lifestyle communities des États-Unis, peu répandus en Angleterre. La conception du bâtiment répond à l’utilisation spécifique pour lequel il a été conçu, comme les maisons de retraite ou les résidences pour les étudiants ou les travailleurs.
14 Dans l’ensemble, en Angleterre, on peut compter au moins un millier de lotissements fermés répartis dans toutes les régions, concentrés majoritairement à Londres et dans le sud-est, pour la plupart de construction récente. Par rapport aux États-Unis, le numéro et la taille des zones sécurisées sont modestes : ce sont surtout de petits lotissements, la plupart avec moins de cinquante habitations, construits presque entièrement par des entreprises privées (Atkinson et al., 2004). Des résultats similaires se retrouvent en France, où les ensembles résidentiels fermés, récemment bâtis, ont en moyenne 47 logements et sont concentrés surtout dans le sud et l’est de la France (Billard et al., 2009).
Précédents historiques : résidences exclusives, rues fermées et places résidentielles
15 La séparation physique et symbolique des groupes d’habitations par rapport au reste de la ville, n’est pas un phénomène exclusivement contemporain. Dans les siècles passés on trouve de nombreux exemples de zones réservées aux classes aisées. L’analyse de ceux qui peuvent être définis comme les antécédents historiques des complexes résidentiels fermés fournit des éléments utiles pour l’interprétation du développement actuel des gated communities.
16 En Europe occidentale, des précédents intéressants de lotissements sécurisés remontent à la période entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Les places résidentielles londoniennes, symbole du prestige et de la valeur des propriétés immobilières, ont été fermées à partir du XVIIIe siècle afin d’en assurer une utilisation exclusive. En 1726, les résidents de St. James’s Square ont obtenu, grâce à un acte du Parlement, la permission d’en interdire l’accès au public. La première gated community en Angleterre (Blandy, 2006a, 25) a été suivie d’autres cas de fermeture : Lincoln’s Inn Fields en 1735, Red Lion Square en 1736, Golden Square en 1750, Berkeley Square en 1766, Grosvenor Square en 1774 (Lawrence, 1993, 99). La fermeture laissait à l’extérieur les personnes indésirables, un règlement interdisait toute modification de l’environnement bâti et une taxe permettait l’entretien et la gestion du lotissement.
17 Le même désir d’exclusivité a conduit à la clôture de nombreuses rues, en Europe comme aux États-Unis. Au XIXe siècle à Londres, l’installation de barrières physiques garantissait la tranquillité des quartiers d’élite, en excluant de l’utilisation des rues tous ceux qui n’avaient pas contribué à leur entretien (Atkins, 1993).
18 Si la fermeture de rues et places anticipe les attentes des futurs résidents des gated communities, les quartiers résidentiels fermés du XIXe siècle en rappellent les principales caractéristiques. Ils naissent comme des propriétés exclusivement résidentielles pour les classes aisées, administrées par des règlements de copropriété afin de préserver la valeur immobilière et le prestige des habitants. Llewellyn Park à Orange, New Jersey, surveillé par du personnel de sécurité privé et géré par un règlement de copropriété, peut être considéré comme la première gated community à proprement parler jamais construite aux États-Unis (Le Goix, 2006, 109). La clôture, le réseau viaire, le contrôle de l’accès et la gestion privée des espaces font de Llewellyn Park un environnement calme et homogène, immergé dans un paysage verdoyant. En France, le parc de Montretout à Saint-Cloud, encore aujourd’hui résidence exclusive, représente un autre exemple intéressant. En 1832, la propriété lotie a été confiée à une association de résidents. Un règlement établissait des limites à la modification de l’environnement bâti et la défense d’entreprendre des activités commerciales ou industrielle à l’intérieur du parc (Degoutin, 2004 ; Le Goix, 2006 ; Callen, Le Goix, 2007).
19 La présence de ces antécédents historiques indique que le développement des gated communities n’est pas la conséquence de l’importation d’un modèle américain (Glasze et al., 2006). La traduction du désir d’exclusivité en barrières physiques de démarcation du territoire est le résultat de circonstances locales et historiques.
20 On doit cependant attendre le XXe siècle pour la diffusion des gated communities proprement dites. Le succès des discours sécuritaires et le rôle joué par les entreprises de construction et les agents immobiliers seront fondamentaux pour la promotion des dispositifs de clôture et de surveillance afin de préserver la paix et la sécurité de la vie familiale.
Les motivations des résidents et la fonction de la clôture
21 Parmi les objectifs des études sur les lotissements résidentiels fermés, l’attention aux attentes des résidents fournit des éléments importants pour la compréhension des formes d’habitat sécurisé. Les raisons pour l’achat d’une habitation dans un contexte protégé sont : la tranquillité, le désir de sécurité, la recherche de l’entre-soi, la valeur de la propriété (Blakely, Snyder, 1999 ; Low, 2003 ; Capron, 2004).
22 La recherche d’un endroit calme et verdoyant, loin du trafic et des incivilités urbaines, idéal pour les enfants, est soulignée à plusieurs reprises par différentes études (Charmes, 2004 ; Raposo, Cotta, 2009 ; Low, 2003). La fermeture assure l’exclusivité d’espaces, biens et services (Charmes, 2004 ; Sabatier, 2005), jugés par de nombreux résidents meilleurs que ceux fournis par l’État. La méfiance et l’insatisfaction vis-à-vis de l’action du secteur public, pour ce qui concerne la sécurité ou la qualité et l’entretien des espaces communs, constitue en effet une des motivations à l’achat d’une habitation dans un contexte privé (Raposo, Cotta, 2009) [2].
23 Parmi les attentes des résidents, on retrouve la sécurité de l’investissement immobilier (Blandy, Lister, 2005), garantie par des règlements qui imposent l’entretien des habitations et de restrictions aux changements de l’environnement bâti (Le Goix 2002 ; Low, 2003). Par ailleurs, les habitants recherchent un milieu social homogène, un entre-soi qui préserve tant l’intimité domestique que la privacy de ceux qui fréquentent les espaces et les activités collectives. Les murs et les contrôles à l’accès permettent d’exclure l’imprévisibilité des rencontres, en assurant plutôt des relations affinitaires, selon l’âge, les possibilités économiques ou la passion pour une activité sportive ou récréative (Chevalier, Carballo, 2004).
24 La question de la sécurité, déclinée de différentes manières, apparaît comme un des principaux éléments du choix d’aller vivre dans une gated community. Les résidents veulent protéger leurs familles et propriétés du crime, mais aussi des désordres et de l’instabilité urbaine. En effet, la fonction des systèmes de contrôle ne se limite pas à la protection contre le risque de criminalité, d’autant que les lotissements fermés ne constituent pas des forteresses. Les dispositifs adoptés ne maintiennent pas les illégalités au dehors des limites surveillées : les résidences fermées ne sont pas à l’abri des cambriolages, des épisodes de vandalisme ou de la déviance juvénile (Caldeira, 2000 ; Blakely, Snyder, 1999). S’il existe une différence entre les taux de criminalité des lotissements fermés et ceux des quartiers limitrophes, elle peut être imputée à un effet déplacement (Clarke, 1983, 245), qui drainerait les potentiels malintentionnés vers les quartiers non clôturés et non surveillés (Helsley, Strange, 1999).
25 L’attention à la sécurité constitue sans doute un argument pour la vente et la légitimation des dispositifs de contrôle et de fermeture, qui occupent une place importante dans la promotion des nouvelles constructions (Billard et al., 2005 ; Madoré, Vuaillat, 2009). Si leur efficacité contre le crime n’est pas encore démontrée, les barrières et la surveillance semblent plutôt agir sur la perception des résidents, en fournissant un faux-sens de sécurité (Blakely, Snyder, 1999, 97 ; Wilson-Doenges, 2000, 608), lié à la prévisibilité et l’artificialité des relations sociales.
26 À ce propos, la logique qui préside la clôture est étroitement liée à ce que l’on peut appeler la « peur de l’autre » et au désir de vivre parmi des personnes de même statut social. Les résidents recherchent un contexte social homogène, en rapportant l’hétérogénéité sociale et ethnique des quartiers urbains au danger et à la dégradation (Low, 2001, 2003). La référence aux systèmes d’isolement et de sécurité comme protection contre la criminalité et les menaces de l’hétérogénéité sociale, émerge également de l’analyse de Teresa Caldeira sur les annonces des lotissements fermés à São Paulo. Les promoteurs décrivent un milieu calme et ordonné dans lequel les services et les aménités peuvent être partagés entre pairs. La séparation et l’isolement résidentiel deviennent une marque de distinction sociale, qui oppose ceux qui vivent dans ces oasis de tranquillité au chaos et aux désordres urbains (Caldeira, 2000). La dynamique est la même que celle décrite par Park dans ses études sur l’écologie de Chicago : la division de la ville en zones homogènes, qui offrent stabilité et sécurité, est une réponse aux processus de différenciation sociale et à l’hétérogénéité croissante de la population. Les gated communities assurent la tranquillité des résidents par une double modalité : l’aménagement du bâti et l’élévation des barrières physiques et symboliques, qui entourent l’espace en limitant les usages possibles, et la création d’un code de conduite qui établit les comportements légitimes ou passibles de sanction. La combinaison de ces deux éléments crée un espace homogène, standardisé, conforme à la fois dans la conception comme dans la composition sociale. L’objectif principal est d’anticiper les risques, de faire face au danger en prévoyant des comportements et en imposant une distance spatiale entre les résidents et le reste du monde.
Espace et contrôle : la sécurisation de l’environnement urbain
27 Le recours à l’aménagement et au gouvernement des espaces pour le maintien de l’ordre n’est pas une caractéristique propre aux seules gated communities. Dans les villes contemporaines, les stratégies de contrôle qui concilient l’action des forces de l’ordre, la planification urbaine et la participation active des résidents sont de plus en plus fréquentes. À côté des mesures de répression, on retrouve des méthodes de prévention de la criminalité qui impliquent des contrôles plus capillaires et une surveillance accrue de l’environnement urbain.
Divisions spatiales et zones homogènes
28 Le rapport entre espace urbain et comportements déviants n’est pas un sujet récent. En effet, il constitue l’un des objets d’étude de la première École de Chicago, dont les analyses démontrent les liens étroits entre processus spatiaux et relations sociales. Chicago, dans les années 1920, offre un laboratoire privilégié pour l’analyse des dynamiques sociales concernant le paysage urbain. L’expansion de la ville, l’afflux massif de main-d’œuvre immigrée, la formation de quartiers socialement et ethniquement homogènes, la déviance et la désorganisation sociale sont des sujets privilégiés de l’École qui se développe autour de Park, Burgess, McKenzie et Wirth.
29 L’École de Chicago analyse les modalités à travers lesquelles la population se répartit dans les espaces de la ville, par suite des migrations, en raison des différences de revenu ou de classe, ou pour suivre un style de vie particulier. Les aires homogènes constituent l’exemple le plus évident de la division de la population en groupes similaires quant aux conditions sociales ou économiques. Aujourd’hui, la diffusion des gated communities semble proche de ces processus de différenciation. À ce propos, Le Goix écrit (2003, 19-20) : Le cloisonnement résidentiel en quartiers homogènes et fermés n’est en fait qu’une conséquence des processus classiques de ségrégation socio-spatiale particulièrement nets dans les métropoles américaines et mis en évidence dès le début du XXe siècle par les travaux de l’École de Chicago.
30 En fait, la valeur heuristique des instruments fournis par les sociologues de Chicago est toujours actuelle, malgré les profondes transformations qui ont concerné les paysages urbains. Mike Davis (1998) reproduit le modèle de Burgess pour décrire les divisions spatiales et sociales de la métropole de Los Angeles contemporaine. La question sécurité joue un rôle fondamental dans la répartition de la population, à tel point que Davis définit comme écologie de la peur la division de l’espace urbain en zones contrôlées et protégées. L’attention de l’auteur de City of Quartz ne se concentre pas sur les aires ethniques du diagramme de Burgess, mais sur une nouvelle forme de communauté, les quartiers du contrôle social qui allient les stratégies de répression et les outils du design urbain. Si les classes aisées trouvent la tranquillité et la protection dans les quartiers clôturés et surveillés, les couches les plus défavorisées sont confinées et exclues des espaces publics. Cette séparation, fonctionnelle par rapport au nouvel ordre néolibéral, impose un contrôle des minorités fondé sur la division physique de la ville et, en reprenant Foucault, sur une discipline spatiale (Davis, 1998). Les instruments de ce qui est décrit comme une guerre contre les pauvres sont multiples. Davis (1990, 1998) en présente de nombreux. Pour en citer quelques-uns : la saisie des refuges en cartons des sans-abri et la présence de systèmes d’irrigation pour les empêcher de passer la nuit dans les parcs urbains ; les barres de fer sur les bancs aux arrêts des autobus et dans les gares pour ne pas permettre de s’allonger ; l’opposition des forces de police à la réalisation d’édifices commerciaux ou d’autres œuvres publiques (magasins ethniques, bars, ruelles, bains publics) qui favoriseraient l’occurrence du crime ; l’adoption de dispositions qui interdisent de se retrouver dans les parcs ou dans la rue en groupes de plus de deux personnes.
31 Les stratégies de contrôle formel sont renforcées par les programmes de neighborhood watch, fondés sur la participation directe des habitants à la prévention du crime. Les résidents sont chargés de surveiller le quartier et d’informer la police au cas où ils remarqueraient un comportement suspect ou non conforme. Instituées par Ed Davis dans les années 1970, les opérations de neighborhood watch ont connu un large succès en Amérique du nord mais aussi en Europe (Davis, 1998). Face à l’impossibilité d’un contrôle constant par la police, les organisations des citoyens « contrôleurs » se propagent afin de maintenir une observation continue sur le quartier et sur les intrus qui y circulent.
32 L’importance du contrôle informel exercé par les habitants est déjà théorisée par les études de l’École de Chicago. Shaw et McKay (1969), en appliquant le schéma de Burgess à la distribution de la criminalité dans l’espace urbain, montrent que la désorganisation sociale et l’affaiblissement des liens traditionnels sont à l’origine des phénomènes de délinquance urbaine. À partir des statistiques sur la criminalité juvénile et sur les quartiers concernés par ces phénomènes, ils affirment que l’occurrence d’un comportement criminel est majeure dans les zones où la cohésion sociale est faible, parce que le contrôle exercé par la communauté sur ses membres est moindre. Des taux élevés de comportements non-conformes sont en effet relevés dans la zone de transition, pour diminuer progressivement du centre vers la périphérie, où les liens sociaux sont plus forts et donc où le contrôle de la communauté est plus fort. En raison de la mobilité résidentielle de la zone de transition, la criminalité ne serait donc ni propre à des individus pauvres et de basse extraction sociale ou des immigrants (...) mais elle serait propre au lieu où ils se sont trouvés, c’est pourquoi en se déplaçant vers d’autres zones de la ville, leur taux de criminalité s’adapterait au taux prédominant dans ces zones [3] (Melossi, 2004, 25-26). Si le nombre de crimes est plus élevé dans les zones où le contrôle est plus faible, il est possible de contraster l’occurrence des conduites et des comportements illégaux en prenant des mesures pour renforcer les liens sociaux communautaires. Dans les années 1930, le Chicago Area Project de Shaw et McKay, défini par Melossi comme le premier et sûrement le programme de prévention du crime fondé sur la communauté le plus populaire, répondait à l’objectif de renforcer le contrôle social informel, grâce à la participation des habitants des zones défavorisées à des activités récréatives et de revalorisation des quartiers.
33 L’École de Chicago représente une tentative intéressante pour expliquer la façon dont la gestion de l’espace peut servir la cause du contrôle social. La division de la ville en aires homogènes est présentée comme un moyen pour gérer la complexité urbaine, pour rendre possible la cohabitation de groupes socialement et ethniquement différents. La distance, physique et sociale, est consacrée au maintien de l’ordre urbain : pour que des cultures diverses, en contact étroit l’une avec l’autre, puissent se tolérer et, ensuite, se mêler, une phase initiale dominée par l’indifférence, la séparation et la fragmentation en mondes sociaux distincts est nécessaire (Petrillo, 2000, 111-122).
34 Plus qu’une phase initiale, cette division a marqué le développement des villes étasuniennes : le suburb comme choix d’installation peut aussi être vu, en l’extrémisant, comme une exaspération de la conception de la cohabitation liée à la distance déjà présente en Wirth, une évolution particulière de cette perspective, dans laquelle la distance majeure, la séparation quasiment totale, devient source de sécurité [4] (Petrillo, 2000, 130-131). On retrouve cette perspective dans la légitimation du paysage urbain contemporain : Jencks (1993, 92-93) considère le processus de wallification comme une réponse au potentiel de conflit des quartiers multiethniques, une tactique sociale regrettable, mais nécessaire, afin de protéger les droits des individus et groupes menacés.
35 Les clôtures et les portails des gated communities explicitent une idée de sécurité obtenue par la défense et la construction d’une distance : une défense fondée sur les technologies de sécurité et les pratiques de contrôle et une distance qui distingue d’une autre partie de la population. Par rapport aux aires socialement homogènes de l’École de Chicago, l’élément nouveau des quartiers fermés réside plutôt dans l’emphase sur la question sécuritaire et dans le recours aux pratiques et aux stratégies de contrôle, qui acquièrent dans les sociétés actuelles un statut de normalité.
La ville comme archipel carcéral : enclaves fortifiées et espaces interdits
36 Les quartiers sécurisés ne représentent pas le seul exemple d’espaces contrôlés et fortement réglementés. Ces dernières années, la question de sécurité a redéfini aussi bien les lieux de résidence que les lieux de travail et de loisir. Il s’agit d’espaces conçus pour tracer et marquer une limite, par la combinaison de solutions architecturales et de dispositifs technologiques novateurs. Dans ces lieux, le risque est géré grâce au contrôle de l’espace : shopping centers, parcs à thème, business parks, mais aussi parcs ou autres espaces publics, dès leur création, se proposent d’attirer un certain type d’usagers et en décourager d’autres.
37 La ville se renouvelle en fonction de l’impératif sécuritaire : systèmes de vidéosurveillance, alarmes, gardes privés, contrôle d’accès deviennent des aspects habituels du paysage. D’où la métaphore de la ville forteresse de Mike Davis (1990), de la société de la surveillancede David Lyon (2001) ou de sécurité maximale de Gary Marx (1988), résultat d’une architecture de la peur (Ellin, 1997), finalisée pour protéger ceux qui habitent l’espace interne.
38 Des informations intéressantes pour l’analyse des gated communities et des logiques sécuritaires des dernières décennies ont été élaborées par l’École de Los Angeles, courant de géographie sociale qui a adopté une approche d’analyse critique face aux transformations de la ville contemporaine. Des études ont porté sur les conséquences des processus de restructuration économique postfordiste sur l’espace urbain, en envisageant Los Angeles comme un cas paradigmatique de ces changements. L’École de Los Angeles analyse le développement d’une économie flexible et désindustrialisée, l’évolution vers une métropole multiculturelle, le renforcement de nouvelles formes d’inégalité sociale, la relocalisation physique et symbolique du centre et de la périphérie urbaine. Les analyses menées concernent également la fortification de la ville en enclaves, d’où l’image de l’archipel carcéral (Soja, 2000, 298).
39 Le modèle de cercles concentriques de Burgess est remplacé par de nouveaux schémas d’expansion urbaine. La ville postmoderne ne s’étend pas du centre vers la périphérie, mais ses parties se développent indépendamment les unes des autres, en relation avec les flux des capitaux et les investissements exogènes propres à une économie globale. Dear et Flusty (1998, 66) la représentent par une grille où sont visibles de nouvelles typologies d’environnement bâti, telles que les edge cities, les gated communities ou les parcs à thème.
40 Les dispositifs qui règlent l’accès et les comportements dans ces espaces sont nombreux : outre le prix, qui est sans aucun doute un filtre social, les systèmes de surveillance ont pour but, plus ou moins explicite, de dissuader ceux qui n’appartiennent pas à un endroit donné d’y entrer (Graham, Marvin, 2001, 268-270). Ces pratiques de contrôle se développent à partir de l’idée d’une utilisation normale des lieux, qui implique comment ils peuvent être utilisés, quand et par qui. En effet, l’attention des responsables de la vidéosurveillance est principalement orientée vers les personnes marginales, identifiées comme déviantes et donc potentiellement dangereuses (Norris, Moran, Armstrong, 1998, 43 cité par Graham, Marvin, 2001, 264). Le même mécanisme sélectif opère à l’entrée des gated communities. Blakely et Snyder (1999, 140-141) expliquent que l’accès aux lotissements fermés est facilité par de simples mesures comme être habillé avec élégance ou arriver dans une belle voiture.
41 Enfin, l’aménagement urbain joue un rôle-clé dans ces espaces urbains. Des architectures qui ressemblent à des forteresses, tournées vers l’intérieur, construites en des lieux isolés et accessibles uniquement en voiture en raison de l’absence de passages pour piétons ou d’arrêts de bus, assurent une clientèle socialement homogène (Graham, Marvin, 2001 ; Caldeira, 2000). Ces lieux, conçus et réalisés avec, pour objectif principal, de sélectionner les utilisateurs potentiels, sont définis comme espaces interdits (Flusty 1997, 48), inaccessibles puisque cachés, clôturés, surveillés constamment et inhospitaliers.
42 On peut interpréter certains bâtiments réalisés à Los Angeles par l’architecte Frank Gehry comme des exemples intéressants d’espaces interdits. Dans les zones dégradées de la ville, Gehry résout le problème de la sécurité en masquant des espaces de luxe derrière des façades modestes. L’architecte angelin a conçu la Goldwyn Library, bibliothèque forteresse entourée de barrières anti-graffiti, et la Loyola Law School, avec ses murs imposants et ses grilles d’acier (Davis, 1990).
43 Les gated communities constituent un autre exemple d’espace interdit tout comme les centres commerciaux, où chaque élément est projeté pour rassurer : systèmes de vidéosurveillance, parkings hyper contrôlés, gardes privés qui ont la fonction première de garantir la sûreté et la tranquillité de la clientèle. Dans ces lieux, l’usage des espaces est réglementé pour décourager la rencontre et la communication (Capron, 1998, 63) ; les relations sociales ont un caractère simulé, artificiel : la rue et la place, lieux des rencontres imprévues, sont reproduites dans un contexte privé et finalisé au simple acte de la consommation (Christopherson, 1994).
44 L’extension des contrôles a aussi des conséquences sur les espaces publics de la ville, sur les quartiers revitalisés à travers la création d’un BID ou gentrifiés [5]. Ces derniers, isolés par rapport à l’extérieur, recourent souvent à des politiques de tolérance zéro ou à une architecture défensive qui crée des espaces privatisés libérés du chômeur, du pauvre, du jeune rebelle et des autres résidus des « classes dangereuses » [6] (Featherstone, 1994, 401) [7].
45 La prolifération des zones interdites comporte une véritable érosion de l’espace public, progressivement remplacé par des lieux d’agrégation collectifs, conçus dans le but d’attirer des groupes socialement et économiquement homogènes. Ainsi, ces endroits sont définis comme espaces post-publics (Flusty, 1997, 51) dans une ville assimilable à un archipel de prisons, une série d’îles fortifiées et hyper-surveillées (Soja, 2000) pour répondre à la demande de sécurité et d’isolement social.
Nouvelles formes de contrôle dans la ville
46 La diffusion des espaces interdits reflète les changements des formes de contrôle des dernières décennies. La sécurité cesse d’être un monopole d’État pour devenir un problème des acteurs locaux et d’un secteur privé en croissance constante. Les gated communities représentent l’une des modalités de sécurisation de l’environnement urbain, à côté d’autres mesures, telles que l’aménagement des quartiers, les programmes de contrôle informel ou de community policing qui, tout en ne comportant pas de fermeture, se traduisent par une surveillance accrue des espaces urbains (Billard et al., 2005).
47 Beckett et Herbert (2008, 7) parlent de nouvelles formes de contrôle social pour se référer à l’urbanisme sécuritaire, aux politiques contre les incivilités urbaines inspirées de la « théorie des fenêtres brisées » ou aux dispositions municipales – Trespass laws, Parks exclusion laws et off limits orders – qui, dans les villes étasuniennes, limitent l’accès aux lieux normalement publics (parcs, habitations sociales, écoles,…). Ces pratiques, hybrides et orientées vers l’exclusion spatiale, comportent un accroissement des pouvoirs des forces de police et représentent une extension significative de l’autorité de l’État et la dispersion de sa capacité de surveillance partout dans le paysage urbain [8] (Beckett, Herbert 2008, 16).
48 Contrairement aux dispositifs modernes, l’objectif principal des nouvelles stratégies de contrôle n’est pas la discipline, la moralisation du comportement, mais la sélection et l’exclusion de ce qui n’est pas conforme. Cette distinction se développe à partir des études de Michel Foucault qui, dans Sécurité, Territoire et Population, définit le dispositif pénal par les concepts de punition, discipline et sécurité. La punition concerne les lois, qui prévoient des sanctions pour ceux qui ne respectent pas les règles du droit. Le mécanisme disciplinaire est basé sur la surveillance et sur la correction, et utilise des connaissances médicales, policières, psychologiques, afin de corriger et de normaliser les coupables. Il opère dans les prisons dans le but de récupérer les coupables, ainsi que dans les écoles et les usines afin de normaliser les comportements et les déviances. Enfin, le dispositif de sécurité ne se situe ni au niveau légal, ni disciplinaire, mais pourrait-on dire au niveau du probable. Dans cette modalité de gouvernement, le choix de tolérer les comportements déviants est soumis au coût nécessaire à les réprimer (Foucault, 2004).
49 Des exemples de dispositifs de sécurité sont fournis par la criminologie actuarielle, qui théorise la distribution des sanctions positives ou négatives selon le risque de récidive, ou par les systèmes de prévention situationnelle, selon lesquels, en réduisant les possibilités d’accomplir un acte illégal, grâce à une surveillance plus étroite, un meilleur éclairage ou de hauts murs, on atteindra un taux de crimes considéré acceptable. En effet, contrairement aux mesures disciplinaires, les nouvelles technologies de surveillance sont impersonnelles : leur destinataire n’est plus l’individu, mais les facteurs de risque qui, combinés comme corrélations statistiques, rendent probable l’occurrence d’événements non voulus, tels que la maladie ou la déviance [9]. Leur but n’est pas celui d’affronter une situation concrète dangereuse, mais d’anticiper toutes les formes possibles de vérification du danger [10] (Castel, 1991, 288).
50 Le passage de l’objectif de la discipline à celui de la prévention implique un changement dans le gouvernement de l’espace. La discipline moderne opère à travers la fermeture et le confinement des personnes dans les prisons, les écoles ou les usines. Les contrôles postmodernes affrontent le risque et assurent la sécurité, excluant des espaces collectifs, d’une façon préventive, les comportements non conformes (Ewick, 1998).
51 Les gated communities, la répression des incivilités urbaines, les stratégies de community policing représentent des exemples de ces nouvelles formes de contrôle du crime, qui opèrent à travers le gouvernement de l’espace plutôt qu’à travers la discipline des coupables (Merry, 2001, 16). Les shopping malls, considérés comme l’emblème du contrôle postmoderne (Ewick, 1998, 50), mais aussi les espaces résidentiels ou de travail ont en commun l’objectif de gouverner, par la gestion de l’espace, non pas le comportement, mais les opportunités d’action (Merry, 2001, 20).
52 Diverses critiques concernent ces nouvelles techniques de contrôle. En premier lieu, la tentative de répondre à l’insécurité des citoyens par une augmentation des contrôles ou par l’installation de barrières physiques a pour effet la croissance du sentiment d’insécurité. Bauman (2007, 91) attribue aux quartiers hyper sécurisés, qui opposent un dedans sûr à un extérieur dangereusement hétérogène, le renforcement de la paranoïa mixophobique et un retrait successif vers des enclaves et des espaces homogènes. Deuxièmement, les pratiques et les discours de prévention des risques renforcent et exacerbent les inégalités ethniques et sociales, à travers la criminalisation des comportements non-conformes. La théorie des broken windows, qui associe les comportements jugés inappropriés à l’occurrence de crimes effectifs (Wilson, Kelling, 1982), soutient le contrôle des groupes marginaux et la criminalisation de leur condition (Beckett, Herbert, 2008).
53 Et encore, les mesures de prévention du crime, en plus de ne pas être toujours efficaces [11], légitiment une vision qui oppose à un espace intérieur sûr et ordonné, un extérieur chaotique, avec des menaces et des dangers à affronter. Cette conception dichotomique est étroitement liée à l’idée de territorialité développée par les théories de la prévention situationnelle et de l’espace défendable. L’appartenance au quartier, la territorialité est nécessairement un exercice d’exclusion, tout comme l’approche de l’espace défendable implique une défense « contre » quelqu’un (Herbert, Brown, 2006, 763).
La prévention du crime
54 Dans les lotissements fermés, la sécurité et l’ordre sont garantis par un ensemble de stratégies et de mesures qui opèrent à travers l’aménagement, le contrôle et la gestion de l’espace. Ces mesures de prévention trouvent une large légitimation dans la diffusion des approches criminologiques connues comme des criminologies de la vie quotidienne (Garland, 2001, 127-131). Cette expression renvoie à un ensemble d’approches théoriques différentes. Parmi les principales, on compte la théorie du choix rationnel (Clarke, Cornish, 1985), la théorie des activités routinières (Cohen, Felson, 1979), la prévention situationnelle (Clarke, 1983, 1997) et la criminologie environnementale (Brantingham, Brantingham, 1981). La référence à la quotidienneté, dans l’expression criminologies de la vie quotidienne, renvoie à la représentation postmoderne du crime, considéré un fait social habituel, un risque auquel on est normalement exposé (Garland, 2001, 128). Ces diverses approches étudient les facteurs situationnels impliqués dans une infraction. Le phénomène criminel peut être expliqué, et donc prévenu, à travers l’analyse des éléments contextuels, tels que l’environnement, les victimes et l’absence de mesures de contrôle qui, en tant qu’opportunités, le rendent actualisable. Contrairement aux théories de la déviance développées précédemment, les criminologies de la vie quotidienne ne se concentrent pas sur les causes psychologiques, sous-culturelles ou sociales qui influencent les comportements illégaux. Pour ces approches, le crime représente le résultat d’un processus décisionnel, fondé sur un calcul coûts-bénéfices. Les opportunités et les risques dépendent de facteurs contextuels et, selon la théorie des activités routinières, de la convergence dans un même lieu et au même moment de trois éléments : une personne motivée et capable de commettre un crime, des victimes ou des objectifs jugés intéressants et l’absence de gardiens capables de prévenir les violations (Cohen, Felson, 1979).
55 L’impact des criminologies de la vie quotidienne a été important dans la redéfinition et la gestion d’espaces urbains de plus en plus sécurisés. Ces approches ont trouvé une traduction en pratiques et dispositifs de prévention situationnelle : la vidéosurveillance, les clôtures comme protection de résidences ou parkings, les systèmes de contrôle des accès, l’adoption de personnel de sécurité privée [12] sont devenus des éléments usuels d’un paysage urbain façonné sur la réduction du crime. En outre, si le crime est considéré comme un élément habituel de la quotidienneté, les réponses pour le contenir doivent venir de la société même : un important corollaire de ces approches a été la responsabilisation des citoyens dans la protection des propres biens et familles, afin de minimiser les risques d’être victimes d’un crime [13]. Simon (2007) souligne que la quotidienneté de la classe moyenne (le choix du quartier, de l’école pour les enfants,…) est de plus en plus dictée par le sentiment d’insécurité, dont les gated communities constituent un exemple significatif. Les lotissements fermés peuvent en effet être considérés comme un exemple intéressant de prévention situationnelle (Blandy, 2006b, 242 ; 2009, 562 ; Cséfalvay, 2009, 582). Les dispositifs de sécurité, le contrôle des accès, la présence de clôtures ou de gardes agissent sur la perception de la difficulté de commettre un acte criminel, augmentant les risques associés à une action illégale.
56 L’importance de l’espace physique dans la prévention de la criminalité est soulignée par deux approches théoriques, développées et consolidées aux États-Unis : la théorie de l’espace défendable (Newman, 1973, 1976) et le Crime Prevention Through Environmental Design (Jeffery,1971). Selon Newman (1976), une zone résidentielle est défendable si elle permet à ses habitants de jouer le rôle des contrôleurs et de développer un fort sentiment d’appartenance au quartier. Les barrières, tant physiques que symboliques, imposent une hiérarchie des espaces, marquant une distinction entre public et privé et favorisant l’appropriation du territoire par ses habitants. Un contrôle naturel et continu inspirera au potentiel malintentionné la perception de l’impossibilité d’agir inaperçu, et fonctionnera comme moyen de dissuasion contre la criminalité. À Five Oaks, quartier résidentiel de Dayton, Ohio, Newman a conçu un projet de rénovation urbaine pour résoudre les problèmes de drogue, prostitution, trafic et criminalité. Le projet a impliqué la fermeture de ruelles et de routes et la limitation de l’accès aux véhicules, tandis que les piétons étaient libres de circuler dans la zone résidentielle. Five Oaks a été divisé en dix mini quartiers (Newman, 1996, 31) de trois à six rues, accessibles par une seule entrée. Le recours à des enceintes afin de délimiter les espaces ouverts a intéressé le projet de Clason Point, groupe de quatre cents habitations sociales à New York, affectées par des problématiques similaires à celles de Dayton.
57 Ce n’est pas le seul cas d’installation de barrières dans les quartiers publics. Le succès de l’urbanisme sécurisant est bien visible dans la prolifération de grilles et clôtures disposées pour protéger les résidents du trafic, des incivilités urbaines ou de la criminalité. Blakely et Snyder (1999, 38) considèrent ces aires fortifiées ex post comme un type particulier de gated community, les security zones. Définis par Raposo et Cotta (2009, 595 ; Raposo, 2006, 44) quartiers sécurisés émergents, ils se distinguent des quartiers sécurisés commerciaux par la situation socio-économique moins aisée des résidents et par l’absence des promoteurs immobiliers dans leur diffusion. Landman (2006, 133), en utilisant l’expression enclosed neighbourhoods, analyse l’impact des clôtures dans le tissu urbain sud-africain, tandis que Blandy (2009) et Lakehal (2008) présentent le cas londonien de Camden.
58 La diffusion de ces pratiques représente la mise en œuvre des approches théoriques orientées vers la prévention du crime. L’accent mis sur l’importance du contrôle des accès, du rôle actif des résidents contre les intrusions et des barrières physiques et symboliques, a en fait légitimé l’idée qu’un espace sécurisé, fermé et surveillé, est nécessaire pour répondre aux inconvénients et risques, réels ou perçus.
Conclusions
59 La réponse au sentiment d’insécurité par la manipulation de l’environnement physique et l’exclusion de conduites non-conformes est propre aux lotissements fermés comme à d’autres espaces urbains. En effet, ces dernières décennies, on assiste à la multiplication de regards invisibles et de barrières physiques dans les rues et dans les quartiers, tandis que les lieux de travail et de loisir sont de plus en plus réglementés par les technologies de surveillance et les stratégies de contrôle. Dans les villes contemporaines, l’ordre et la sécurité sont conçus comme le résultat d’un calcul des facteurs de risque sur lesquels agir de façon préventive, aussi bien par la conception architecturale que par une surveillance accrue.
60 Dans ce contexte, la perception de la sécurité est le résultat d’une distance, physique, des murs et des systèmes de contrôle, et sociale, garantie par l’homogénéité et la prévisibilité des comportements. Si la ségrégation des groupes sociaux en aires homogènes n’est pas une caractéristique exclusivement contemporaine, ce qui émerge de nouveau est le recours à des dispositifs et à des pratiques de sécurité, qui acquièrent aujourd’hui un statut de normalité, en préservant une séparation entre ceux qui peuvent demeurer dans l’espace intérieur et ceux qui doivent rester à l’extérieur.
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- WEBSTER C., 2002, Property Rights and the Public Realm : Gates, Green Belts, and Gemeinschaft, Environment and Planning B : Planning and Design, 29, 3, 397-412.
- WILSON J.Q., KELLING G., 1982, Broken windows : The Police and Neighborhood Safety, Atlantic Monthly, Mars, 29-38.
- WILSON-DOENGES G., 2000, An Exploration of Sense of Community and Fear of Crime in Gated Communities, Environment and Behavior, 32, 5, 597-611.
Notes
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[1]
Pour ce qui concerne le statut juridique des gated communities et le développement des CIDs (Common Interest Developments), voir McKenzie (1994).
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[2]
Cependant, la littérature signale aussi des critiques dans la gestion privée des lotissements fermés. Un cas emblématique est représenté par Leisure World, lotissement fermé d’environ vingt mille habitants en Californie, qui en 1999 obtient le statut de municipalité. Le lotissement était dans un état d’abandon dû au manque d’intérêt des résidents, principalement âgés, à l’entretien des propriétés communes. L’occasion pour le passage à une gestion publique s’est présentée à la suite de la possibilité de construire un aéroport à proximité du complexe. Pour contraster cette décision, Leisure World, aujourd’hui Laguna Woods, est devenue une entité reconnue politiquement (Le Goix, 2003 ; Charmes, 2006, 17).
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[3]
La criminalità non sarebbe dunque né una qualità degli individui poveri e di bassa estrazione sociale né degli immigrati (…) ma sarebbe una qualità del luogo ove essi si sono venuti a trovare, per cui, muovendo ad altre zone della città il loro tasso di criminalità si adeguerebbe a quello prevalente in tali aree.
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[4]
Il suburb come scelta insediativa può anche essere visto, estremizzando, come un’esasperazione della concezione della convivenza legata alla distanza già presente in Wirth, un’evoluzione particolare di questa prospettiva in cui la maggiore distanza, la separatezza pressoché totale, diviene fonte di sicurezza.
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[5]
Les Business Improvement District sont des aires urbaines revalorisées à travers des formes d’autofinancement par des sujets privés, qui se taxent pour offrir services d’entretien, nettoyage, sécurité. Ils ont connu une importante diffusion en Amérique du nord, mais aussi en Afrique et en Europe (Hyot, 2004).
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[6]
Privatized spaces free from the unemployed, the poor, rebellious youth and other residues of the « dangerous classes ».
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[7]
À ce propos d’intéressantes réflexions ont été conduites sur la résidentialisation des habitations à loyer modéré en France pour ce qui concerne les interventions de clôture et de délimitation des espaces (Lelévrier, Guigou, 2005 ; Tabet, 1999). Les procédures de résidentialisation exposées sont une transposition du modèle des résidences privées. En effet, elles tentent de clarifier physiquement les abords des bâtiments, par un système de clôture et/ou de marquages symboliques, afin d’extraire du domaine public ces espaces, juridiquement privés, jusque-là ouverts et négociables collectivement par les habitants et tous ceux qui y avaient trouvé place. À terme, les espaces de proximité ne doivent plus être traversables par les personnes qui n’y résident pas (Giffo-Levasseur, Pasquier, 2005, 104-105).
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[8]
Represent a significant extension of the State’s authority and dispersal of its surveillance capacity throughout the urban landscape.
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[9]
Sur cet aspect voir aussi Shearing et Stenning (1985), qui indiquent comme un élément de l’évolution de la discipline, le passage du traitement des coupables au contrôle des opportunités d’accomplir des illégalités.
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[10]
Their primary aim is not to confront a concrete dangerous situation, but to anticipate all the possible forms of irruption of danger.
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[11]
Un effet indésirable peut être le crime displacement, c’est-à-dire la réduction du crime dans une zone donnée et son augmentation conséquente dans d’autres contextes (Clarke, 1983, 245).
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[12]
Pour un cadre complet des pratiques de prévention situationnelle voir Clarke (1997).
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[13]
Sur la responsabilisation contre les risques associés à la criminalité et le concept de prudentialisme voir O’ Malley (1992) ; pour la diffusion des contrôles Cohen (1985) ; Deleuze (1990) ; Marx (1988) ; sur les contrôles collaboratifs Shearing, Stenning (1985).