Notes
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[1]
L’eurocannabis produit sous un éclairage artificiel ou cultivé dans des sols enrichis, a été utilisé comme modèle de remplacement des importations, et il a un THC plus élevé que le cannabis traditionnel, mais ne dépasse pas la teneur du haschisch produit au Maroc, au Pakistan et au Liban (Jansen, 2001). On estime que 25% de la consommation de cannabis en Europe est représentée par la production de l’eurocannabis (Jansen, 2001). Aux États-Unis, la production à l’intérieur a été inspirée par l’augmentation de l’utilisation et du trafic de drogue dans les années 1970 (Bergman, 2001).
Les pays comme la Nouvelle-Zélande, la Suisse, le Canada et l’Australie ont atteint de hauts niveaux de production d’eurocannabis comme stratégie de remplacement des importations. Mais ce sont la Hollande et le Canada qui ont réussi à évoluer vers une production économiquement rentable et avec des succès sur le marché international (Jansen, 2001). -
[2]
Alto Huallaga est une région importante de plantations de coca au Pérou et a été la base d’action dans les décennies 1980 et 1990 du groupe de guérilla Sentier lumineux qui s’y était établi et exigeait des taxes pour la protection des paysans traditionnels et des planteurs de drogues.
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[3]
La culture destinée à répondre à la demande et la consommation légale de la feuille de coca en Bolivie se trouve dans la région de Los Yungas de La Paz. La loi 1008 définit 12000 hectares de zone de culture traditionnelle ainsi que des zones de transition et des zones de culture illégales. Les zones de cultures traditionnelles sont presque toutes dans la région de Yunga, ce qui a conduit à des protestations des autres régions comme celle de Chapare, considérée comme zone de culture illégale, mais où se trouvent aussi des cultures traditionnelles.
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[4]
Les actions d’éradication sont coordonnées par la police Fédérale. La Police de l’État aide sur demande.
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[5]
Le travailleur peut être engagé dans le système de métairie, cependant, ceci n’est pas la seule forme de relation entre agents sur la plantation de marijuana. Il y a des cas de contrat salarié ou des engagements de petits producteurs pour planter et vendre toute leur production à un commerçant particulier.
Introduction
1 La culture de plantes qualifiées d’illégales est responsable de la survie de millions de personnes dans le monde. Dispersés sur les différents continents, Birmanie, Colombie, Maroc, Lesotho, Afghanistan, Saint Lúcia, Bolivie, Brésil, Mexique, entre autres, des agriculteurs retirent de quoi faire survivre leurs familles de leurs plantations de pavot, matière première de l’opium, de la feuille de coca, utilisée pour la production de cocaïne et de cannabis, pour produire de la marijuana et du haschisch. Selon des estimations de l’Organisation des Nations Unies (ONU) pour l’année 2005 (United Nations Office for Drugs and Crime, 2006), les plantations pour la production d’opium couvraient environ 150000 hectares dans le monde dont 100000 localisés en Afghanistan. La coca, dont une part importante de la demande est légale, était présente sur 160000 hectares dans les pays andins, sachant qu’environ la moitié de ces plantations était située en Colombie, dont la quasi-totalité des cultures est destinée à des fins illégales. Le cannabis, la plante de culture illicite la plus répandue, était cultivée sur 230000 hectares, dont 72000 au Maroc. Les chiffres démontrent les ressources importantes mobilisées et la création d’emplois suscitée par la culture de ces plantes.
2 La commercialisation, la culture, la distribution de drogues, entre autres tâches, comme celles liées à la surveillance et à la sécurité du business, transforment l’illégalité de certaines drogues en employeur important. Dans des pays producteurs de feuilles de coca comme la Bolivie, le Pérou et la Colombie, ces activités à elles seules occupent directement, entre 800000 et 1500000 personnes, soit environ 5% de la population active de ces trois nations. Sur ce total, près de 75% sont des agriculteurs qui travaillent sous forme salariale à la récolte de la feuille de coca. Les 25% restants sont ce que l’on appelle des pisadores, c’est-à-dire, les personnes qui, pieds nus, mélangent les feuilles de coca avec des produits chimiques pour la production de la pâte de cocaïne (UNODC, 2006).
3 Associées au sous-développement, les plantations illicites peuvent néanmoins être cultivées dans des pays dits développés, comme les États-Unis où la marijuana est plantée sur des surfaces étendues, principalement, en Californie. Cependant, on ne peut ignorer l’importance de ces cultures agricoles comme alternative économique pour des populations sans aides gouvernementales leur permettant de survivre grâce à l’agriculture. Pour les petits agriculteurs, ou les cultivateurs qui produisent sur un modèle familial, ou encore les salariés agricoles, les plantations illicites fournissent de meilleures conditions de vie et représentent des échappatoires aux situations extrêmement difficiles vécues par ces travailleurs. Par cette affirmation nous ne voulons pas dire que des activités manuelles dans des secteurs économiques orientées sur des réseaux tournés vers le commerce illicite, soient des activités tranquilles et souhaitables pour nombre de ceux qui y sont impliqués. Les constantes menaces d’ordres divers, les répressions policières et le manque de tranquillité même de ceux qui se savent être dans l’illégalité, sont certains des éléments qui font de la culture illicite une activité difficile. Néanmoins, on ne peut nier les impacts positifs de ces activités sur ceux qui y sont impliqués, comme l’accès à davantage de ressources financières.
4 D’une autre manière, il est fondamental, pour comprendre ces activités, de décrire quel type d’illégalité est présent. Même s’il faut reconnaître l’existence, dans certains endroits, d’une structure violente, une partie significative des cultures est réalisée par des agriculteurs, beaucoup produisant avec leurs familles, qui sont insérés dans un segment de la production de substances qualifiées d’illégales. Il s’agit du niveau le moins rentable de la chaîne de la production de drogues illégales et, en règle générale, les agriculteurs livrent le produit à des passeurs qui le dirigent vers d’autres étapes de la chaîne productive. Donc, la répression contre ces agriculteurs et, par conséquent, leur criminalisation ont besoin d’être comprises dans le cadre d’une situation plus complexe impliquant des éléments culturels et de survie économique, qui doivent être analysées pour nous permettre d’approfondir les résultats des études et des recherches.
Origines des actions d’éradication forcée en Amérique latine
5 Les actions d’éradication chimique de la culture de certaines plantes considérées comme illégales pour la consommation, ont débuté en Amérique latine et dans les Caraïbes, au Mexique et en Jamaïque dans les années 1970. Ce sont les dénommées « Opération Condor » et « Opération Bucanero ». Leur objectif était de combattre la plantation de cannabis sativa et de pavot au Mexique en visant à bloquer l’écoulement de la production vers les États-Unis, dont la majorité de la marijuana consommée, provenait. De la même façon, on prétendait combattre l’augmentation de production du pavot, matière première pour la production d’héroïne. Elle augmentait au Mexique après le démantèlement de la French connexion, qui transportait l’héroïne produite en Turquie vers l’Europe et les États-Unis, via la France.
6 Cette période marque le début de la « Guerre aux drogues » puisque cela signifiait l’intensification et l’utilisation de stratégies militaires dans l’application de la politique prohibitionniste, en accentuant les actions dans les pays de transit des drogues et producteurs de matières premières utilisées dans sa fabrication. Ses objectifs initiaux ont été atteints avec la diminution des zones de plantation, la réduction du volume d’exportation vers les États-Unis et le blocage, même temporaire, des réseaux d’accès au marché américain.
Action d’éradication et augmentation de la production de cannabis au Mexique
7 Néanmoins, les coûts sociaux de cette opération au Mexique ont été élevés. Dans les principaux États cultivateurs du nord-ouest du pays (Sinaloa, Chichaua et Durango), le poids des actions militaires est retombé plus fortement sur les paysans impliqués dans la culture ou non, qui ont été torturés, emprisonnés ou expulsés de leur région d’origine. Les principaux chefs du business, eux, n’ont pas été incarcérés. Quelques-uns, ayant d’étroites relations avec des membres du pouvoir politique local, se sont installés, ultérieurement, dans d’autres régions du pays, comme Jalisco, pour se livrer à de plus grandes transactions, en se subdivisant en d’autres branches plus fortes (Astorga, 2001). Plutôt que d’affaiblir économiquement les groupes liés au business, la stratégie a fini par les fortifier, et il y a eu, simplement, un déplacement territorial des groupes, les faisant s’installer dans un centre industriel important, leur fournissant ainsi une plate-forme pour l’internationalisation de leurs affaires (Astorga, 2000).
8 Malgré ce renforcement des groupes mafieux et une augmentation des violations des droits de l’homme, l’évaluation de Washington sur les actions d’éradication (Astorga, 2000), à la fin de la décennie de 1970, était que cette initiative représentait un grand succès dans la dénommée « Guerre aux drogues », parce qu´elle avait diminué de 10% l’offre de marijuana mexicaine dans le pays.
9 Selon Brochu et al. (2010), le Canada, où la production hydroponique de la marijuana [1] est très répandue, a connu, entre 1987 et 2005, une augmentation significative de la production de la plante dans le pays. Les auteurs affirment que 70% du cannabis produit au Canada est destiné aux États-Unis. Une des preuves de l’accroissement de l’emploi de technologie dans la production canadienne est la relation entre l’augmentation de la production de marijuana et l’augmentation d’équipements utilisés pour la culture hydroponique. Outre ces données, le nombre de personnes travaillant dans les plantations a augmenté significativement dans le pays, passant de moins de 1000, en 1987, à environ 9000 en 2004. En vérité, la production canadienne ne peut être comparée à la mexicaine, mais on ne peut pas affirmer que ce n’est pas un pays exportateur, même s’il n’est pas classé comme tel.
10 Cependant, ces dernières années, malgré l’utilisation d’un important appareil répressif, déclenchant des conflits, des morts et des réactions extrêmement violentes des groupes criminels liés au business de la drogue, la culture de cannabis a augmenté de 35% de 2009 à 2010 au Mexique (Johnson, 2011), et a ainsi atteint le plus haut niveau de l’histoire.
11 Bien qu’elle ait une valeur de marché inférieure à d’autres drogues comme la cocaïne et l’héroïne, la marijuana représente pour les organisations criminelles une source de profits importants, en établissant des réseaux des deux côtés de la frontière.
Le cas péruvien et les violations des droits des ouvriers agricoles
12 À la fin de la décennie de 1970 et au début des années 1980, le Pérou a été inclus dans le petit groupe de pays qui se consacrait à la production de matière première utilisée pour la confection de substances psychoactives considérées illégales, en raison d’une augmentation significative de la cocaïne par des utilisateurs américains. À cette époque, le Pérou était le principal producteur mondial de feuilles de coca. Selon des données de l’United Nations Office For Drugs And Crime (2006), la matière première arrivant de ce pays andin était responsable, à l’époque, de 60% de l’offre mondiale de cocaïne. Cette situation a conduit à des accords bilatéraux entre Washington et Lima visant à des actions pour diminuer l’envoi de cocaïne du Pérou vers les États-Unis. La signature d’accords entre les deux pays, a amené le gouvernement péruvien à adopter des programmes d’éradication et de substitution de cultures avec une intervention policière directe. Les producteurs de feuilles de coca sont devenus la principale cible de la politique du combat contre les drogues. Les mesures ont touché directement divers secteurs de l’économie régionale, principalement dans la région de Huallaga, principal producteur de la feuille de coca.
13 Il est important de souligner que, tant au Pérou qu’en Bolivie, la feuille de coca est un important produit agricole, utilisé largement par la population et qui représente pour de nombreux agriculteurs la principale culture de survie. Cela signifie que, bien qu’une partie de la production soit utilisée pour produire de la cocaïne, une quantité significative de la culture est utilisée à des fins licites, commerciales et traditionnelles, parmi celles-ci, thérapeutiques. Ainsi, depuis 1978, avec la promulgation d’un décret fédéral, le pays a une base légale et un appareil policier spécifique de combat contre le trafic de drogues à ses différentes étapes. Il possède, aussi, des programmes de substitution, une entité de contrôle et de réduction de la culture de la feuille de coca dans le Alto Huallaga [2] (CORAH), un bureau exécutif de contrôle des drogues (OFECOD) et une société nationale de coca (ENACO), autorisée à acheter la coca légale. Il s’est donc formé, un grand appareil bureaucratique coûteux, lié à une vision militaire de la question des drogues.
14 Cette lourde structure bureaucratique et militarisée a gagné de l’importance et du pouvoir dans le contexte de la structure de l’État péruvien. Les actions d’éradication ont été marquées par de nombreuses conduites arbitraires et des violations des droits de l’homme. Les histoires d’abus, de vols, de corruption et, surtout, l’incapacité à prévoir et à proposer des activités alternatives ont suscité des protestations, des conflits et l’indignation des paysans. La confrontation entre des paysans et des agents de l’appareil de répression a culminé avec le meurtre de 19 travailleurs du CORAH, en novembre 1984. Cet épisode a été à l’origine de la suspension des actions d’éradication forcée de la part de l’État. L’état d’urgence a été déclaré et l’armée péruvienne est entrée dans la brousse de Alto Huallaga en intensifiant les violences contre la population locale.
15 En décembre 1985, pendant son premier mandat, le président Alan Garcia a suspendu l’état d’urgence et repris les actions d’éradication manuelle des plantations tout en continuant la série de violation des droits. Cabieses (2004) associe le renforcement des actions de soulèvement du Sentier lumineux dans les brousses péruviennes et dans les zones de culture de la coca aux graves violations pratiquées par les agences officielles et par les responsables des actions d’éradication de cultures, même dans les secteurs de culture licite.
16 Durant la deuxième moitié du gouvernement Fujimori, entre 1996 et 2000, il y eut une réduction sensible de 66% du secteur de plantation de coca au Pérou. La plus grande répression, liée à la baisse du prix de la coca péruvienne et à l’augmentation du prix d’autres produits traditionnels, comme le café et le cacao, est vue comme le principal facteur de cette diminution de la production.
17 Le durcissement du Gouvernement Fujimori est responsable des plus grands conflits avec les planteurs de coca et, en conséquence, d’une plus grande répression des mouvements sociaux organisés. Cependant, la répression a entraîné la création de mouvements sociaux organisés qui ont facilité une conciliation avec le gouvernement.
18 À la fin de l’année 2000, avec le renoncement de Fujimori et l’installation du gouvernement de transition, comme l’observe Cabieses (2004), les nouveaux dirigeants proposent une médiation, qui échoue, parce que le gouvernement n’avait pas respecté les accords et avait réprimé et incarcéré des dirigeants syndicaux. En 2003, est fondée la Confédération Nationale des Producteurs Agricole du Bassin de Coca du Pérou (CONPACCP), qui a déclenché des protestations, des grèves et des actions de mobilisation des producteurs de coca péruviens.
19 La Junta Internacional de Fiscalización de Estupefacientes (2008) révèle que, en 2006, il y a eu une augmentation de la culture de coca dans le pays, dont 90% l’est à des fins illicites. Depuis 1999, la zone de plantation totale d’arbustes a augmenté de 387 000 hectares jusqu’à atteindre 514 000 hectares en 2006.
La Colombie et la « Guerre aux Plantations »
20 La Colombie, manifestement, est le pays qui a le plus souffert dans la dernière décennie des effets des actions systématiques d’éradication de plantations. Comme l’observent Rossi (2010) et Guevara (2010), il n’est pas possible de séparer l’augmentation progressive de la violence de l’engagement d’acteurs internes et externes à la « Guerre aux drogues ».
21 Selon Umprimny (1997), la Colombie s’est transformée en cas particulier, principalement parce que, dans les dernières décennies, le pays a connu de terribles expériences, tant en relation avec les groupes insurgés et paramilitaires liés au commerce et aux plantations de coca, que par rapport aux mesures gouvernementales violentes adoptées.
22 Le combat contre la production de coca au Pérou et en Bolivie a abouti à l’augmentation de la production de drogues en Colombie, facilitée par des conflits qui laissaient une partie significative du pays livrée à ceux-ci. Outre la culture de coca, celle de pavot a été intensifiée, principalement lorsque la production afghane a diminué.
23 Les éradications chimiques forcées ont débuté, dans le pays, sous le gouvernement de Turbay Ayala, entre 1978 et 1982, mais se sont étendues sous le gouvernement de Belisario Betancur, qui lui a succédé. Sous ce gouvernement, ont été utilisés de la glyphosate pour la destruction de la marijuana et du garlon-4 pour la coca, comme sous le gouvernement suivant de Virgílio Bateau. Sous le gouvernement de Gaviria (1990-1994), les destructions de cannabis sativa et de coca se sont intensifiées, et a débuté l’éradication chimique des plantations de pavot qui, sous le gouvernement de Ernesto Samper, gagne du terrain. Le pays atteint des chiffres records au niveau international pour ce type d’éradication (Fraga, 2007).
24 L’intensification de l’éradication des plantations et une nouvelle stratégie débutent en 2000, quand Bill Clinton et Andrés Pastranas signent le Plan Colombie, document de 30 pages, dont les objectifs principaux sont d’augmenter l’éradication de plantations de coca et d’offrir une aide militaire des États-Unis à la Colombie. De 2000 à 2003, 1,97 milliard de dollars ont été transférés pour le Plan Colombie.
25 Tout au long du gouvernement de George W. Bush aux États-Unis et, principalement, quand Álvaro Uribe assume la présidence en Colombie, avec un discours de « guerre aux drogues » et aux FARC, inséré dans la dénommée « Politique de Sécurité Démocratique », le Plan Colombie s’intensifie avec de graves conséquences pour les agriculteurs engagés ou non dans la culture de la feuille de coca à des fins illicites. De graves violations des droits de l’homme et l’utilisation des produits chimiques sur les plantations, sans grand contrôle environnemental, commencent à détruire des cultures légales avec de sérieux effets sur la santé de la population locale. Ce sont deux des plus grandes conséquences de l’intensification de ce plan.
De la répression des plantations aux mouvements des producteurs de coca : le cas de la Bolivie
26 La Bolivie vit, ces dernières années, une nouvelle période concernant la question de la plantation de coca, principalement avec l’élection d’un chef de la coca comme président de la République. La politique des drogues en Bolivie suit la loi 1008 de 1998, qui établit des zones traditionnelles de culture de coca, principalement dans la région de Yunga. Les autres régions où s’établissent des cultures sont considérées comme des zones en transition supplémentaires, notamment en Chapare [3].
27 Dans ces lieux, la culture doit être supprimée ou remplacée par une autre. Dans la région de Chapare la culture est plus récente, bien que sa production de coca ait dépassé en quantité la production de Yunga (Barra, 2006). Flores et Bannes (1984) mettent en avant le fait que, même si le Chapare était considéré pendant des années comme une région de plantation illicite, ces dernières années, malgré l’augmentation significative de la production de la feuille de coca dans la région, on n’observe plus une finalité illicite pour la culture.
28 La procédure des programmes d’éradication est basée sur une indemnisation, par hectare de coca détruit, et sur la promotion du développement alternatif, avec la construction de routes pour l’écoulement de la production ; la construction d’écoles et la culture de produits agricoles comme la banane, le cœur de palmier et le maïs. Ces produits n’ont pas, néanmoins, la même compétitivité et sont devenus économiquement non viables.
29 En 1998, le président Hugo Banzer a mis en œuvre le Plan Dignidad qui, entre autres mesures néfastes pour les producteurs de coca, a diminué le nombre et la valeur des indemnisations payées aux agriculteurs. Il y a eu une réduction progressive des indemnisations, rendant impossible ce programme de substitution volontaire. En l’an 2000, l’indemnisation est abolie, et l’éradication forcée se développe. Ces opérations militaires sont accomplies sans concertation avec les mouvements sociaux, principalement le mouvement des producteurs de coca, entraînant le décès de travailleurs, des peines de prison pour des personnes non liées au trafic de drogues et, dans de nombreux cas, avec une violence qui n’avait pas de raison d’être. Malgré ces épisodes tragiques, le Plan a été vu, hors du pays, comme un succès.
30 Le mouvement des producteurs de coca est devenu, au long de ces années, la plus grande force d’opposition à l’intérieur du pays contre toute la politique d’éradication et de militarisation de la question des drogues. Par son caractère d’organisation publique et légale, reconnue par son non-engagement dans les plantations à des fins illicites de la coca, la légitimité et l’autorité dont les producteurs de coca jouissent dans le pays ont été des éléments fondamentaux pour éviter une répression plus directe de la part des forces gouvernementales visant à l’éradication (Fraga, 2007).
31 Evo Morales a assumé la présidence en ayant comme principaux objectifs de démilitariser la région du Chapare et de réaliser des programmes de développement alternatif avec des cultures substitutives, mais sans exiger l’éradication des plantations de coca. À l’inverse de la répression, le gouvernement chercherait à faciliter l’écoulement de la production. Pour ses deux premières années de gouvernement, l’ONU a évalué positivement les initiatives du gouvernement pour combattre le trafic illégal dans le pays. Selon l’ONU elle-même, durant la première année, la production a augmenté de 8% et, dans la deuxième de 5%, progression bien inférieure à celle de la Colombie, qui dans la même période, malgré tout l’appareil utilisé pour la lutte contre les plantations illicites, a augmenté de 27% la zone de culture. Le Gouvernement de Morales a pris des décisions encore plus dures, comme l’expulsion du Drug Enforcement Administration (DEA), qu’il accusait d’ingérence dans les affaires internes du pays. Il a commencé, néanmoins, à signer des accords bilatéraux avec des pays voisins pour la lutte contre le trafic de drogue, dont celui réalisé avec le Brésil, si bien que récemment la Police Fédérale brésilienne a monté des opérations en commun avec la Bolivie. Une nouvelle loi pour traiter la question de la plantation de coca a été discutée en 2010 et il y a déjà une pression de la part des planteurs légaux de coca pour l’élargissement de la zone de plantation. Néanmoins, il y a eu augmentation du trafic dans le pays et on estime que 41% de la cocaïne qui circule au Brésil arrive de Bolivie (Fraga, 2010).
32 L’éradication de plantations, tant par la méthode chimique que manuelle, est l’une des principales stratégies de la politique antidrogues authentifiée par des organismes multilatéraux, comme l’ONU, et mise en œuvre par certains pays, dont les principes et la genèse sont liés aux actions répressives des États-Unis pour la lutte interne contre l’utilisation de drogues. Les États-Unis ont assumé qu’il est plus efficace et moins cher d’affronter la question de la consommation et du trafic de drogues dans les dénommés « pays producteurs », avec des actions visant à la diminution de l’offre.
33 En réalité, durant presque quatre décennies, la politique prohibitionniste en général, et la stratégie d’éradication de la plantation, manuelle ou chimique, en particulier, a été une initiative à coût social élevé, principalement pour les populations, en règle générale appauvries, des zones rurales de pays comme le Mexique, le Pérou, l’Équateur, la Colombie et la Bolivie, pour ne citer que des exemples latino-américains. Par ailleurs, les États-Unis, qui ont imposé au Mexique et à la Colombie des actions d’éradication chimique, ne l’ont jamais adoptée sur leur territoire, même quand la production californienne a atteint des niveaux très élevés.
34 En analysant les effets du trafic de drogue, comme criminalité organisée, dans la société colombienne, Tokatlian (1999), Toklatian et Briscoe (2010) apportent une importante contribution pour comprendre la corrélation et l’expression macro et microsociale de la criminalité. Ils affirment que l’évolution de ce type de criminalité doit être vue comme la conséquence d’une stratégie prohibitionniste délibérée, étant ainsi, un effet et non la cause de l’accroissement de cette modalité criminelle. Pour l’auteur, la criminalité organisée est l’ensemble d’incitations matérielles, de conflits sociaux et de pratiques politiques qui font partie du modèle capitaliste, que ce soit dans son aspect démocratique ou autoritaire.
35 Les cas des pays andins et du Mexique sont des exemples de ce que la simple politique de répression des cultures, sans offrir d’alternatives aux paysans et sans considérer les questions culturelles de consommation de certaines plantes, n’a pas eu de succès et a même causé, dans certains cas, des alliances entre des paysans traditionnels et des planteurs de drogues. De plus, ces pays n’ont pas réussi à atteindre leur objectif principal : diminuer la production et la consommation de certaines substances psychoactives.
Les actions d´éradication de plantation au Brésil
36 Le Brésil a une position dans le marché mondial des drogues spécifique en relation avec les pays andins et, aussi, avec le Mexique. Néanmoins, ses particularités ne sont pas liées aux effets que les politiques antidrogues finissent par prendre sur son territoire. Au cours de la dernière décennie, le Brésil a vécu intensément les conséquences de l’institutionnalisation du narcotrafic comme importante activité criminelle, principalement dans les secteurs urbains des grands centres et, spécifiquement, à Rio de Janeiro, où l’on constate : l’augmentation des décès dus aux combats entre groupes, l’augmentation de la criminalité liée au trafic, plus récemment, la formation de milices qui, en conflit avec le trafic, contestent la domination territoriale de quartiers entiers de la ville où ils oppriment leurs habitants et leur font payer des taxes de « sécurité » et de prestation de certains services comme le transport et la vente de gaz. Ce sont les facettes les plus connues du trafic de drogues au Brésil, phénomène décrit dans d’importantes études des dernières décennies (Misse, 1999 ; Zaluar, 1994 ; Rafael, 1998 ; Fraga, 2003). C’est-à-dire, comme dans les pays andins et au Mexique, les conséquences de la politique vis-à-vis des drogues et du trafic sont suffisamment néfastes pour la population, notamment, du fait que l’illégalité constituée par le trafic de drogues est liée à la politique internationale sur l’interdiction d’utilisation et de production de certaines substances psychoactives.
37 On doit reconnaître, néanmoins, que les pressions internationales sur l’adoption de mesures contre les effets du trafic de drogues au Brésil sont différentes par rapport à celles de ces pays. Le pays se distingue comme un important marché consommateur et lieu de passage d’itinéraires alternatifs qui se sont consolidés ces dernières années dû à la répression dans des pays comme le Pérou et la Colombie. Selon le rapport de la Junta Internacional de fiscalización de estupefacientes (2008), le Brésil est devenu le principal territoire de transit de certaines drogues, dont la cocaïne, arrivée de pays frontaliers comme la Bolivie et la Colombie, qui sont destinées aux zones côtières de l’Afrique Occidentale et de là pour les centres consommateurs en Europe. Cette situation, selon le rapport, est liée à la large frontière que possède le Brésil avec les pays andins, dans des zones peu peuplées. En 2006, on calculait que 70% de la cocaïne fabriquée en Bolivie avait transité par le pays, introduite en contrebande (Junta Internacional de fiscalización de estupefacientes, 2008). Une partie de cette production reste sur le marché brésilien et le reste est expédié vers d’autres destinations. Au Brésil, le nombre de laboratoires de raffinage de cocaïne, principalement dans les États frontaliers a également augmenté.
38 Les Brésiliens sont de plus en plus consommateurs de substances psychoactives. S’agissant de la consommation de cannabis sativa, le Brésil est le troisième producteur de marijuana en Amérique du Sud, derrière le Paraguay, lequel détient une production importante, et la Colombie. Les caractéristiques du Brésil, en tant que producteur de plantes à des fins de consommation qualifiée d’illicite, ne sont pas tellement mises en avant parce que toute la production nationale de cannabis est consommée dans le pays. Le marché brésilien importe plus de la moitié de la marijuana dont il a besoin (autour de 60%). Néanmoins, la production brésilienne est significative, avec l’engagement d’un nombre important d’agriculteurs dans sa production.
39 Le marché brésilien de la consommation de marijuana augmente plus fortement dans les années 1970 (Misse, 1999), quand, avec le mouvement de contreculture, elle se répand dans les classes moyennes. Néanmoins, le cannabis est une plante qui existe au Brésil depuis déjà plusieurs siècles. Apportée par les esclaves (Carlini, 2003 ; Pernambucano, 1937), la consommation a été attribuée d’abord aux Africains qui arrivaient ici, amenés de force, d’où le nom de « fumée d’Angola », donné initialement à la cigarette de marijuana. Au XVIIIe siècle, la couronne portugaise également, a commencé à stimuler la culture de la plante. Dans une lettre adressée au Capitaine-Général et Gouverneur de São Paulo, le vice-roi du Portugal informait de l’envoi, par le port de Santos, de seize sacs contenant des semences de chanvre qui devraient être cultivées sur les terres brésiliennes, la Couronne étant très intéressée par une telle culture agricole (Carlini, 2003). Il y a des registres d’essais réussis de culture de la plante à des fins textiles dans l’État de Santa Catarina et Rio Grande Do Sul, à l’époque coloniale (Santos et al., 1983). Selon Carlini (2003), jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’utilisation hédonistique de la plante était restreinte aux esclaves et aux Indiens, qui par la suite, l’ont cultivée et utilisée à des fins ritualistes et récréatives. Influencé par les études du médecin Jean-Jacques Morreau, fumer s’est popularisé dans les secteurs urbains, en étant commercialisé sous forme de cigarettes, dont la publicité vantait ses propriétés thérapeutiques contre la bronchite, l’asthme et l’insomnie.
40 Freyre (2004), dans la préface de la première édition (1937) de son livre Nordeste, commentant les effets économiques et le mode de travail de la monoculture de la canne à sucre dans les Amériques, et, en particulier, au nord-est, relate que les difficultés particulières liées à la culture ont facilité de petites cultures en parallèle à la canne à sucre, mais qui seraient, comme il l’a appelé, de joie et de stupéfiants, soit le tabac pour les seigneurs et la marijuana pour les travailleurs.
La suggestion éclaircit là peut-être un aspect, jusqu’à aujourd’hui oublié, de la pathologie sociale de la monoculture. Cela ne semble pas être une simple coïncidence d´apercevoir autant de tâches foncées de tabac ou de marijuana entre le vert clair de la canne à sucre. Il y a eu une évidente tolérance – si non plus que tolérance – pour la culture de ces plantes voluptueuses, tant appropriées pour remplir la langueur des longs mois de loisir laissés aux hommes par la monoculture de la canne. De longs mois qui sans un bon dérivatif pouvaient impliquer des dangers pour la stabilité des grands seigneurs des terres du sucre. Ceux-ci, à leur tour, sont devenus de plus grands fumeurs de cigares fins. Précisément dans deux centres de la civilisation sucrière – à Cuba et dans la Bahia – s’est perfectionnée la fabrication de cigares. La même chose, peut-être, peut se dire des cigarettes de marijuana que, dans les ports du Nord-est, encore aujourd’hui, des Scandinaves accros de l’herbe en arrivent à l’acheter à prix fort aux vendeurs de la terre (Freyre, 2004, 41).
42 L’interdiction légale de l’utilisation et de la culture du cannabis sera néanmoins prise par décret-loi présidentiel du 25 novembre 1938. La prohibition a touché de manière plus effective l’utilisateur, même si l’utilisation de la marijuana, à cette époque, était déjà restreinte aux groupes appartenant aux franges de la marginalité (Misse, 1999).
43 L’absence d’un appareil policier bien équipé et, au niveau mondial, les éradications qui existaient encore sous forme non systématique, provoquent, au Brésil, une répression timide des cultures. Durant les décennies suivantes de 1950, 1960 et 1970, la répression est peu systématique et sporadique dans des régions où étaient découvertes des plantations, mais il n’y a pas d’actions organisées ou d’opérations périodiques. Il n’existait pas de programmes tournés vers la répression contre la plantation. Donc, les plantations de cannabis dans diverses régions du Brésil, notamment dans la région du Submédio San Francisco, se développaient sans trop de problèmes.
44 La répression s’intensifie plus rapidement dans les années 1980, liée à la plus grande croissance de la consommation de marijuana et, par conséquent, à l’élargissement du marché. Santos et al. (1983) révèlent qu’en 1983 déjà, il y avait un intérêt, de la part de la Police Fédérale, vis-à-vis des méthodes pour identifier les plantations clandestines de cannabis sativa, qui à l’époque posaient des problèmes d’accès et d’identification et dont les coûts des opérations augmentaient énormément. L’Institut National de Recherches Spatiales (INPE) a effectué, en partenariat avec la Police Fédérale, à cette occasion, des études et essais expérimentaux quant à l’efficacité et à la viabilité de l’application de détection à distance pour l’identification des plantations. La ville d’Araripina, dans la Serra do Araripe, de l’État de Pernambuco, frontière avec l’État du Piauí, a été le secteur utilisé pour l’étude pilote.
45 Dans les années 1980 pourtant, les éradications de plantation de cannabis sont devenues la préoccupation principale de la part des organismes de répression du gouvernement brésilien. Les régions du Médio et du Submédio San Francisco, dans les États de Pernambuco, Bahia, Sergipe et Alagoas, et les États du Piauí et le Maranhão ont été ceux qui ont commencé à recevoir une plus grande attention à cause de l’histoire locale de la culture de la plante.
46 Dans les décennies de 1990 et les années 2000, le gouvernement brésilien a réprimé de façon plus vigoureuse les cultures de marijuana, notamment dans la région du Médio et Baixo San Francisco. La Police Fédérale commence à réaliser des opérations annuelles, seule, ou en équipe avec la police militaire des États et l’armée de l’air brésilienne (FAB), visant à supprimer les plantations de cannabis, notamment dans le dénommé « Polygone de la Marijuana », mais, aussi, dans d’autres États et régions, comme dans le Maranhão. Des opérations comme Aile Blanche, Mandacaru, Contrôle XII, Terre Promise, Printemps, Prométhée, entre autres, ont été réalisées ces dernières années, bon nombre d’entre elles avec des ressources directement fournies par le Drug Enforcement Administration (DEA). En 1999, les ressources destinées à la Police Fédérale pour l’achat d’équipements et, aussi, pour récompenser des policiers, ont été interceptées par le Secretaria Nacional Antidrogas (SENAD), ce qui a créé un conflit entre ces organismes (Fraga, 2010). Les actions d’éradication font à présent partie de la politique de drogues du gouvernement brésilien.
47 Les régions du Médio, Submédio et Baixo San Francisco sont l’objet d’actions d’éradication, car ce sont des régions de grande production dans le dénommé « Polygone de la Marijuana ». Au long des années 1990 et 2000, la police de l’État et la Police Fédérale [4] commencent à réprimer les cultures dans la région. Les conséquences en sont, la violation des droits de l’homme et le fait que la répression soit concentrée sur les cultures, ce qui n’atteint que les petits planteurs et les salariés qui cultivent le cannabis.
48 Dans un entretien de l’auteur (Fraga, 2003), pour un travail de recherche, une travailleuse agricole relate comment des policiers militaires et civils, dans une opération d’éradication, ne faisaient pas la différence entre les planteurs de produits légaux, de ceux dédiés à la culture de cannabis : pénétrant dans les résidences, rouant de coups des travailleurs agricoles et inventant des flagrants délits.
Ce que j’ai appris, c’est qu’il était cinq heures du matin quand les gens sont arrivés, en tapant aux portes. Ils étaient tous encapuchonnés, et quand le propriétaire de la maison ouvrait la porte, ils étaient déjà avec l’arme pointée, et c’est seulement après que les gens ont su que c’était la police... Il était cinq heures du matin, et les gens étaient encore en train de dormir, avec les portes fermées. Celui qui n’ouvrait pas la porte, ils la démolissaient. Ils étaient très agressifs. Les personnes âgées se sentaient mal, et ils disaient que c’était pour ça qu’ils avaient une ambulance avec eux. Une fois je leur ai dit que si ma mère tombait malade, ils allaient devoir payer pour ça. Ils ont dit qu’il y avait l’ambulance. J’ai dit que l’ambulance pouvait offrir du secours, mais ne rendait pas la vie. C’était un massacre car il y avait des gens avec des couteaux dans leurs maisons, et ils pensaient déjà que c’étaient des bandits. Ceux qui étaient réellement criminels n’ont pas été arrêtés (Fraga, 2003, 128).
50 Dans la région, la plantation de cannabis s’est développée en se tournant vers le marché des consommateurs qui s’est élargi dans les années 1980. Tant les travailleurs impliqués dans les cultures traditionnelles, qui investissent dans les plantations illégales pour soutenir leur famille, que ceux qui sont dans la culture pour d’autres raisons, comme l’accès aux semences ou pour entrer dans le circuit de la consommation de certains produits, et qui n’y réussiraient pas sans participation active, reconnaissent que participer à ces cultures illicites offre de meilleures conditions de vie, mais une plus grande exposition au risque et à la violence liés à une activité illégale. Les agriculteurs qui sont impliqués dans les plantations de marijuana ne se différencient pas de ceux qui pratiquent la plantation traditionnelle. Il y a des cas où les agriculteurs traditionnels plantent parallèlement ou alternativement à des périodes spécifiques de l’année. Ce qui ne signifie pas, logiquement, que tous les planteurs de produits traditionnels soient impliqués dans la plantation de marijuana. Nous attirons l’attention sur le fait que le profil de l’agriculteur de plantations illicites ne se différencie pas de celui des produits traditionnels. Des agriculteurs pauvres, qui ont des difficultés immenses pour survivre avec l’agriculture locale, trouvent des ressources alternatives dans la plantation du cannabis.
Ainsi, parce que qui plante a eu besoin de planter, il y a ici des gens qui plantent par nécessité, pour avoir les moyens de subvenir aux besoins de sa famille et il y a des gens qui plantent parce qu’ils le veulent et parce qu’ils aiment être au milieu du tumulte. Parce que quand quelqu’un a besoin d’aide on se tait. [...]. Si j’ai déjà eu peur ? Peur est un mot, jusqu’à un certain moment, je ne savais pas ce qu’était la peur. Depuis quelque temps, je pense un peu mieux sur ce qui est bien ou mal dans la vie. Et il y a des choses dont on a peur. Peur que la police entre ici et te prenne. Parfois ils tuent. C’est pour ça qu’il y a toujours cette sensation d’insécurité, de doute (B. 19 ans, planteur de cannabis).
52 Un ensemble de facteurs, comme le manque de politique agricole pour une zone avec d’immenses difficultés de développement agricole dues au climat, la facilité d’obtenir de l’eau dans certains secteurs, du fait de l’existence de zones irriguées et d’îles sur le fleuve San Francisco ; l’institutionnalisation d’actes criminels par certains groupes qui se sont développés et ont inclus de nouveaux acteurs, comme des travailleurs agricoles qui jusqu’alors n’avaient pas de liens avec les activités illicites ; le manque d’autres ressources de survie ; outre l’existence de la culture depuis plus d’un siècle dans la région, liée à un marché avide de ce produit, tout ceci a été fondamental dans la progression des cultures des dernières décennies. Un important leader religieux de Salgueiro affirme que, au long des années, la plantation est devenue une réelle alternative et s’est institutionnalisée parmi la population des villages agricoles.
53 Quand il y a des opérations d’éradication, de répression contre les plantations, seuls les petits producteurs et les travailleurs salariés payés à la journée sont touchés [5].
54 Dans un entretien avec l’auteur (Fraga, 2010), un policier a reconnu que le travail réalisé cherche à casser le financement, mais en détruisant les plantations dans une zone, retournant sur les lieux, quelques jours ou mois plus tard, pendant la phase de l’enquête, la majorité des fois, il est déjà possible d’observer de nouvelles plantations, il y a donc une grande dynamique autour de l’activité. Ainsi, il n’a pas été possible d’interrompre le financement des plantations, et ceux qui travaillent directement dans la culture ont été les principaux atteints. Comme il l’a lui-même défini : C’est comme tenter de sécher la glace !
55 Ces dernières années, la Police Fédérale a intensifié les actions sur le système d’écoulement de la production de marijuana et, pour cela, a installé un commissariat de police spécifique à Salgueiro, une importante ville de la région, traversée par des routes nationales et départementales, qui relient la ville aux principales capitales du nord-est. Même si les opérations sont dirigées par l’organisme, à partir de Brasília, la perspective est de promouvoir le commissariat de police de Salgueiro comme responsable des actions directes de répression dans les plantations. La Police Fédérale elle-même reconnaît que ses actions aujourd’hui sont limitées à la simple répression et la destruction de plantations. Le nombre de personnes arrêtées dans chaque opération a diminué ces dernières années. D’une part, parce qu’il y a eu une plus grande organisation de la part des planteurs vis-à-vis des actions d’éradication et, par ailleurs, parce que la stratégie principale de la police est d’essayer de causer un préjudice, en démantelant le système de financement et pas seulement par la prison, parce que la majorité des arrestations sont des personnes sans importance dans le système local de financement, de production, de vente et d’écoulement du produit.
56 Les policiers allèguent que quand l’hélicoptère arrive à Petrolina, les planteurs sont mis au courant de l’arrivée de la Police Fédérale et quand il y a travail de répression, peu de personnes sont arrêtées, avec l’abandon de petites fermes dans leur totalité, de stocks et d’autres outils qui font partie des rapports et de la forme de production du cannabis dans la région. La zone agricole de la région est suffisamment inhospitalière, la culture se fait dans une zone de taillis le caatinga où la circulation est particulièrement difficile du fait de la végétation épineuse. Ceux qui sont habitués à pénétrer dans ce type de végétation ont plus de facilités à échapper à l’encerclement policier.
57 La situation de l’enrôlement des travailleurs dans la culture illicite est semblable à d’autres expériences internationales. Comme l’analysent Perez et Laniel (2004), la culture du cannabis, dans quelques pays africains, comme le Cameroun, la Guinée et le Lesotho, permet de compenser la perte de revenu agricole (baisse du prix des matières premières, réduction des surfaces cultivables, désertification et salinisation). L’expansion de la culture de cannabis, au long des années 1980 et 1990, constitue la réponse des agriculteurs africains à la détérioration du contexte général de l’activité agricole. Elle représente un moyen d’intégration au nouveau circuit des marchés qui a émergé dans le contexte de la libéralisation de secteurs de l’État et, particulièrement, la culture de marijuana souffre moins que les produits commerciaux traditionnels. Une étude de la Commission européenne (1995) révèle l’avantage comparatif de la culture de l’herbe comparée à d’autres cultures. En 1995, un hectare de cannabis rapportait cent fois plus que la même quantité de culture de café et cinquante-cinq fois plus que celle du riz en Côte d’Ivoire. En Gambie, le même secteur cultivé de cannabis vaut cent fois plus que l’équivalent en manioc et dix fois plus que celui en cacahuètes. La valeur d’une journée de travail dans la plantation de l’herbe est 7,5 fois supérieure que dans celle de cacao, et au Cameroun, en 1997, un hectare de cannabis rapporte douze fois plus qu’un de pommes de terre, de haricots ou de maïs.
58 Ainsi, la marijuana apparaît dans ces contextes comme la culture de compensation dans des régions fortement orientées sur les cultures de revenus et/ou dans des zones soumises à la dégradation des conditions écologiques et à la réduction des surfaces cultivables. Le temps de culture de la marijuana varie de quatre à huit mois, possédant, donc, un cycle court, permettant un retour rapide de l’investissement, en plus d’être un produit attrayant pour le marché. Au Cameroun, la culture du cannabis s’est développée pour compenser les difficultés de commercialisation des cultures traditionnelles (haricot, maïs et pomme de terre).
59 De manière différente, dans d’autres cas, les plantations illicites ont été à l’origine de l’amélioration d’indicateurs sociaux importants, comme l’Indice de Développement Humain (IDH). Une étude développée par Alhama, Mesa et Dominguez (2006) relate l’expérience du Rif, dans le nord du Maroc, où la culture du cannabis s’est transformée, ces dernières années, en principale source de revenu pour la population locale. Les conditions d’illégalité à laquelle est soumise la communauté et les conditions précaires de la région – qui présentent une insuffisance d’infrastructure, des conditions séculaires de misère et de difficultés pour gagner de l’argent – liées à la culture traditionnelle du cannabis, montrent des paradoxes importants. L’amélioration de la qualité de vie occulte, au moyen de l’isolement et des illégalités désirées, les questionnements sur le développement durable, la population bénéficiant de l’accroissement positif de ses indicateurs. Elle manifeste le désir du maintien de la situation au niveau où elle se trouve, malgré des pressions du gouvernement marocain et des institutions étrangères pour que soient adoptées d’autres sources de revenu.
60 Le paradoxe est dans la volonté que les conditions précaires d’infrastructure se maintiennent, puisqu’elles signifient un élément important pour le développement de la culture du cannabis dans la région, et donc rendent difficile la répression policière et représentent des facteurs favorables au développement dans cette région. La population affirme que l’amélioration des conditions d’infrastructure, comme la construction de bonnes routes pour l’écoulement de la production et de meilleurs moyens de communication, ne représenteraient pas de bénéfices pour la production. Ainsi, l’amélioration de l’Indice de Développement Local (IDL) pourrait signifier l’aggravation de l’IDH. Selon la recherche, environ 80% des agriculteurs interviewés justifient la culture du cannabis comme outil important de combat contre la pauvreté. Avec le développement de l’activité, il y a eu ces dernières années une substantielle évolution des conditions socio-économiques, offrant de meilleurs moyens et ressources pour vivre, avec une amélioration de la consommation, par exemple l’acquisition de voitures neuves, d’habitations construites avec des matériaux plus résistants et une meilleure finition. De même, une amélioration du régime alimentaire ou de l’habillement des enfants, etc.
61 Un élément fondamental qui peut être observé est le type de criminalité que la culture de ces plantes produit. L’illégalité propre à la plantation, logiquement, varie conformément aux types d’organisation sociale où elle se développe, mais une partie des personnes engagées sont de petits agriculteurs qui ne s’engagent pas dans des activités criminelles violentes. Le caractère productif de l’activité exige une immersion dans l’activité, limitant la participation de ces agriculteurs à ce stade de la chaîne de production de certaines substances psychoactives.
62 La plantation de cannabis, à son tour, rend possible des gains plus simportants par rapport à d’autres produits traditionnels :
La majorité des personnes qui plantent, le font par nécessité. Cette nécessité qui fait que quelquefois tu ne peux pas planter un champ d’oignons. Le champ d’oignons va rapporter quoi ? (quelques) 3 mille Reais de dépenses quand tu finis de planter. Et ceci pour un kilo et demi, deux kilos (de graines). La marijuana si tu plantes, c’est quoi ?! Un kilo de graines, tu vas dépenser, au maximum, environ R$ 300,00 (115 euros), R$ 400,00 (154 euros). C’est pourquoi beaucoup d’entre eux prennent le risque pour gagner quelque chose. Mais non parce que c’est déjà une activité de famille (A. 18 ans, planteur de cannabis).
64 Les jeunes sont le groupe le plus atteint par la violence produite par l’intensification des tensions relatives à la plantation. Généralement, ils y participent plus comme gardiens des plantations, ou dans des activités propres liées à l’univers de cette activité illégale. D’après un jeune planteur, son entrée dans la culture s’est faite à l’âge de 13 ans, quand, à la mort prématurée de son père, il a dû assumer pour sa famille la responsabilité de son soutien. La plantation des produits traditionnels comme oignons, maïs et haricots ne lui donnant pas un rendement financier suffisant, il a décidé de s’adonner à la culture du cannabis. Dans son cas, la culture se faisait sous le régime du métayage. Il recevait tous les produits de base (semences, engrais…). Celui qui vendait l’herbe était le « patron ». Le produit de la vente était partagé entre les deux. Le planteur n’avait pas de contrôle concernant le prix de vente de la production.
65 Il a expliqué qu’il est passé à ces activités de plantation de marijuana par manque d’alternative, mais, au fil du temps, comme le rendement qu’il obtenait était plus important que toute autre activité qu’il pourrait exercer, il est resté quelques années dans ce business, jusqu’à son incarcération suite à une opération de la Police Fédérale. Il a déclaré que son entrée dans cette activité a eu lieu, outre la nécessité de soutenir sa famille, du fait du rendement que les autres personnes obtenaient quand ils plantaient. Ils ont pu acquérir des biens non accessibles d’ordinaire à un ouvrier agricole ou un petit paysan, comme des motos, voitures et ils ont réussi à améliorer considérablement leurs conditions de vie.
66 Il reconnaissait que l’activité était illégale et pensait qu’il ne faisait de mal à personne, car il ne volait pas, mais travaillait seulement dans une culture illégale. Son discours pose deux questions intéressantes : la reconnaissance que cultiver de la marijuana est un travail, et bien que considérée comme illégale, c’est une activité qui demande des efforts. Ce faisant, elle ne fait de mal à personne, ainsi il ne se considérait pas comme un criminel, une allusion à la différenciation de son activité comparée aux autres, du fait qu’il participait à une culture considérée interdite, mais la nature de son travail n’est pas différente de celle pratiquée par des travailleurs de produits agricoles traditionnels.
67 Une autre question qui est mise en évidence est l’impact de cette culture sur l’économie locale. Salgueiro, au début des années 2000, avait quatre agences bancaires et de nombreux magasins de « marques », des situations rarement trouvées dans une ville de l’arrière-pays (Fraga, 2003). D’après certains témoins, cette croissance peut être liée à la présence de plantations dans la région. Sur cette question, un important dirigeant religieux ajoute :
Je suis ici depuis quatorze ans, et j’ai vécu l’époque plus intense de la plantation, et je me souviens des premières années quand je visitais ces communautés. On ne voyait pas de motos, mais en deux, trois ans il y avait tout ce qui était nécessaire dans une maison. C’étaient les jeunes qui y réussissaient, car leur rêve était de planter, vendre la marijuana et acheter leur propre moto, ils survivaient. Alors on s’apercevait que c’était si normal. Les jeunes demandaient si cela était un pêché, c’était courant. Ils allaient à l’église faire leur première communion et se confesser. Je leur demandais s’il n’y avait pas d’autre issue, comme planter des haricots, mais ils n’avaient pas d’eau. Comme la marijuana n’a besoin que de peu d’eau, et pour les haricots, comment faire, combien d’hectares faut-il planter sans eau ? Alors, c’était une chose tranquille, il n’y avait pas de persécution car le commerce était bien protégé et les personnes aussi. Un gars du Comando Vermelho de Rio de Janeiro (organisation du trafic de drogues) qui avait été arrêté, est venu ici, a loué une maison et était le chef de tout. Il fallait seulement aller à la maison, savoir qui l’a louée, qui était ce gars, pour découvrir la mafia qui était derrière, car la CPI (le prêtre se réfère à l’Investigation Parlementaire du trafic de drogues de 1999) avait pour but de prendre les gros poissons. D’après moi, cela ne va pas s’améliorer, les choses vont s’aggraver. Je pense que cela va augmenter, et j’espère qu’aucune autre drogue n’entrera, car malheureusement il n’a pas de politique qui résout ce drame de notre jeunesse (dirigeant religieux) (Fraga, 2003, 18).
69 En 2011, peu de choses ont changé eu égard à ce qui a été décrit supra. La plantation a augmenté, et la répression policière avec, qui s’est déplacée dans des zones proches, où jusque-là il n’y avait pas d’habitude de culture du cannabis.
70 La façon de cultiver varie, elle peut être collective ou pas. Il y a des cas où l’engagement dans cette culture est rémunéré par un salaire. Dans d’autres cas, par l’achat de la production des petits producteurs qui sont sous contrat pour planter cette culture et doivent vendre leur production à un négociant. En menant une recherche dans la région, en 2006 (Fraga, 2010) il a été possible de connaître l’histoire de Severino. C’est un petit producteur de Orocó, une ville dans l’État de Pernambuco, qui plantait du cannabis depuis au moins trois ans. Il était conscient du risque de perdre ses terres si la culture était découverte par des agents de police. Sa famille participait à la plantation située au fond de leurs terres, mêlée à d’autres plantations traditionnelles. C’était un petit champ, avec un nombre bien réduit de sillons, mais qui présentait un grand risque pour ce producteur agricole. Cependant, la petite plantation de marijuana était la principale source financière de cette exploitation familiale.
71 Différemment de Severino, Antonio est un travailleur journalier qui participe à la culture de cannabis. À l’époque de l’entretien, il avait 18 ans, mais il a avoué travailler depuis l’âge de treize ans dans la plantation. Son travail temporaire lui permet de participer à d’autres cultures traditionnelles, comme celle des fruits tels que la papaye, et celle des haricots et des oignons. Il a fréquenté l’école jusqu’à la première année de l’école secondaire, puis l’a abandonnée. Il a avoué qu’il aimait bien les activités scolaires, et se considérait bon élève. Il a arrêté l’école car il n’arrivait pas à concilier le travail avec les activités scolaires. Il se plaignait de la fatigue, car il arrivait tôt le matin pour travailler au champ et partait tard. Il dit avoir commencé la plantation de cannabis, car il avait de nombreux collègues qui pratiquaient déjà cette activité et il connaissait aussi de nombreuses personnes qui gagnaient mieux leur vie dans cette culture, et il a décidé d’y entrer, car il gagnait plus quotidiennement qu’avec d’autres produits.
72 Il nous a informé que dans sa ville, Orocó, de nombreuses personnes participaient à la plantation et qu’il arrivait à gagner pour une récolte entre deux mille et trois mille reais, ce qui correspond à un salaire de trois à cinq mois. Pendant la culture, généralement on n’abandonne jamais le local de la plantation, pour éviter le vol par un autre groupe. Pour cette raison, ils montent des camps où les personnes veillent à tour de rôle. Cette vigilance pour la plantation vise plus à empêcher qu’un autre groupe puisse venir voler que de résister à des opérations de la police. En général, quand la police découvre et attaque une plantation, il n’y a jamais de fusillade, mais on tente de fuir en abandonnant la culture.
73 Les deux cas prouvent une diversification dans la forme de plantation et du recrutement de personnes dans les plantations et la récolte de la marijuana. La distinction des formes de participation a entraîné l’inclusion de plusieurs agents dans le contexte de cette culture illicite. La répression par la police n’a pas diminué le nombre d’acteurs participant, au contraire, elle a contribué à développer de nouvelles stratégies.
74 Au Brésil, l’augmentation des zones de plantation dans une région qui connaît de sérieux problèmes économiques et sociaux, a signifié l’addition, au circuit productif, de milliers de travailleurs agricoles, avec ou sans terre, qui ont vu dans ce produit d’importantes sources de revenus, ce qui ne signifie pas de grandes ou moyennes possibilités de consommation, mais la possibilité d’une vie plus digne. Il est vrai que le trafic de drogues dans les diverses étapes du circuit qui le composent, n’est pas un bon employeur, puisqu’il n’existe pas de situation tranquille, quand les gens sont menacés ou mis en péril par des activités criminelles violentes. Nous avons besoin de différencier ces étapes et comprendre que bon nombre de ceux qui sont dans la plantation de marijuana ou d’autres plantes utilisées pour la production de substances psychoactives illicites sont des agriculteurs et qu’ils n’utilisent pas la violence dans leurs activités, bien qu’ils soient mêlés à l’illégalité.
Conclusion
75 La culture illicite est une partie fondamentale de la production des drogues ; c’est un secteur de la chaîne productive qui implique un nombre important de travailleurs. Une de leurs caractéristiques est de reproduire les conditions d’inégalités et d’exploitation au travail des pays et des régions où elles se développent, même quand cette culture offre de meilleurs revenus pour ceux qui y travaillent. Ces travailleurs insérés dans la culture illicite sont, en règle générale, plus durement réprimés par les stratégies d’élimination de cultures illégales étant, donc, triplement atteints : a) de ne pas pouvoir développer des cultures licites qui leur garantiraient, pour eux et leur famille, de bonnes conditions de vie ; b) de devoir affronter la même exploitation de leur travail et, c) par la constante violation de leurs droits.
76 La présence d’une culture illicite dans une région comme le Submédio São Francisco, au nord-est brésilien, marquée par la pauvreté et par des conflits de terres et, de surcroît, dominée par des discussions entre des groupes qui contrôlent les relations de l’oligarchie locale, a impliqué, pendant des années, une augmentation de la violence qui est encore perceptible dans les statistiques de santé et de criminalité.
77 Paradoxalement cependant, la culture du cannabis a amélioré les conditions de vie d’une partie des paysans, mais leur a aussi apporté des relations avec des groupes criminels, mettant en danger leurs vies et celles de leurs familles.
78 La culture agricole extensive de certaines plantes considérées illicites ont au moins deux caractéristiques spécifiques : 1) C’est une activité professionnelle réalisée comme d’autres cultures licites traditionnelles, qui à ce titre, malgré les spécificités, absorbe la même force de travail que les cultures légales, mais qui entraîne, comme conséquence immédiate, la participation des paysans à une activité illicite avec les implications légales qui en découlent, 2) Elle est utilisée par les paysans comme alternative et souvent à cause de l’absence de politiques agricoles dans les pays où elle se développe, elle finit par financer les cultures légales.
79 Ces caractéristiques lient les activités légales et illégales, comme dans d’autres activités criminelles, surtout celles qui impliquent le blanchiment d’argent. Cela n’est pas le cas de la plantation de cannabis, qui, cependant, implique un transfert d’une fonctionnalité gagnée dans une activité illégale pour une légale, et pour son soutien et celui de sa famille. La culture légale ne permet pas l’abandon du travail illicite, car elle nécessite constamment des ressources.
80 Dans le cas spécifique de la culture de cannabis dans la région de la vallée du fleuve São Francisco, on ne perçoit pas une telle dynamique. La culture est, pour certains travailleurs, une alternative réelle de ressource, de caractère provisoire ou non.
81 Les changements passent par des transformations dans la politique mondiale des drogues qui, après avoir connu quelques avancées rapides dans certains pays, est encore dominée par un scénario de guerre. La meilleure compréhension des conditions de développement du travail dans les cultures, principalement au Brésil, est encore un défi pour le monde académique, quand on comprend comment cette illégalité fonctionne. Cependant, il n’est pas possible de séparer les cultures licites des cultures illicites, parce qu’elles représentent des facettes distinctes, mais complémentaires, des politiques agraires pratiquées, principalement, dans les pays sous-développés ou en voie de développement et, spécifiquement, au Brésil.
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Notes
-
[1]
L’eurocannabis produit sous un éclairage artificiel ou cultivé dans des sols enrichis, a été utilisé comme modèle de remplacement des importations, et il a un THC plus élevé que le cannabis traditionnel, mais ne dépasse pas la teneur du haschisch produit au Maroc, au Pakistan et au Liban (Jansen, 2001). On estime que 25% de la consommation de cannabis en Europe est représentée par la production de l’eurocannabis (Jansen, 2001). Aux États-Unis, la production à l’intérieur a été inspirée par l’augmentation de l’utilisation et du trafic de drogue dans les années 1970 (Bergman, 2001).
Les pays comme la Nouvelle-Zélande, la Suisse, le Canada et l’Australie ont atteint de hauts niveaux de production d’eurocannabis comme stratégie de remplacement des importations. Mais ce sont la Hollande et le Canada qui ont réussi à évoluer vers une production économiquement rentable et avec des succès sur le marché international (Jansen, 2001). -
[2]
Alto Huallaga est une région importante de plantations de coca au Pérou et a été la base d’action dans les décennies 1980 et 1990 du groupe de guérilla Sentier lumineux qui s’y était établi et exigeait des taxes pour la protection des paysans traditionnels et des planteurs de drogues.
-
[3]
La culture destinée à répondre à la demande et la consommation légale de la feuille de coca en Bolivie se trouve dans la région de Los Yungas de La Paz. La loi 1008 définit 12000 hectares de zone de culture traditionnelle ainsi que des zones de transition et des zones de culture illégales. Les zones de cultures traditionnelles sont presque toutes dans la région de Yunga, ce qui a conduit à des protestations des autres régions comme celle de Chapare, considérée comme zone de culture illégale, mais où se trouvent aussi des cultures traditionnelles.
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[4]
Les actions d’éradication sont coordonnées par la police Fédérale. La Police de l’État aide sur demande.
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[5]
Le travailleur peut être engagé dans le système de métairie, cependant, ceci n’est pas la seule forme de relation entre agents sur la plantation de marijuana. Il y a des cas de contrat salarié ou des engagements de petits producteurs pour planter et vendre toute leur production à un commerçant particulier.