Couverture de DS_301

Article de revue

Absentéisme, déscolarisation, décrochage scolaire, les apports des recherches récentes

Pages 41 à 65

Notes

  • [*]
    CESDIP/CNRS – IUFM Nord, Pas-de-Calais.
  • [1]
    Machard, Les manquements à l’obligation scolaire, janvier 2003, rapport remis à Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement scolaire, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.
  • [2]
    Cf. Circulaire du 23 mars 2004 sur le contrôle et la promotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obligation scolaire.
  • [3]
    Appel d’offres de décembre 1999 sur les processus de déscolarisation, ministère de la Justice, de l’Éducation nationale, Délégation interministérielle à la ville, Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations. Les 12 rapports (dont celui rédigé par nos soins : M. Esterle-Hedibel, Les arrêts de scolarité avant 16 ans, étude des processus sur la ville de Roubaix, CESDIP/CNRS, IUFM Nord-Pas-de-Calais, FASILD Nord-Pas-de-Calais, mars 2003), issus de cet appel d’offres sont consultables sur le site http ://cisad.adc.education.fr/descolarisation.
  • [4]
    Cf. colloque Éducation, violences et conflits en Afrique (mars 2006), Kinshasa prévu pour mars 2006, réseau Famille et scolarisation en Afrique (FASAF) et Réseau ouest et centre africain de recherche en éducation (ROCARE).
  • [5]
    Circulaire du 25 octobre 1996 sur le contrôle de l’assiduité, circulaire du 15 octobre 1998, sur la lutte contre les violences en milieu scolaire.
  • [6]
    « Il s’agit là d’un objectif différent de celui des internats-relais. Ceux-ci sont destinés à accueillir des jeunes qui connaissent des difficultés pouvant les conduire à la déscolarisation ou à la violence ». Extrait de la circulaire n° 2000-11 du 31 juillet 2000 Plan de relance de l’internat scolaire public.
  • [7]
    Cf. note 3.
  • [8]
    Lettre d’accompagnement de l’appel à projets, signée par le directeur de la programmation et du développement et le directeur de l’enseignement scolaire, 10 novembre 1999.
  • [9]
    Au cours de notre recherche à Roubaix (2001-2003), nous avons étudié les processus qui ont mené hors du système scolaire des jeunes de 13 à 15,5 ans, dont la situation était connue des établissements scolaires et de plusieurs services sociaux. Nous avons recueilli un maximum de données les concernant : données de cadrage sur la ville de Roubaix et les collèges, entretiens avec l’ensemble des protagonistes (institutionnels, familiaux, jeunes eux-mêmes), consultation de documents (bulletins trimestriels, rapports de conseils de discipline, etc.). Les théories interactionnistes prennent place dans le cadre d’analyse, en incluant les aspects structurels qui organisent et déterminent les interactions entre les différents protagonistes des processus.
  • [10]
    Cf. Documentaire de Martini B., Quand les enfants décrochent, 2004, Arte, 7 septembre 2004.
  • [11]
    Bulletin officiel n° 9,4 novembre 1999, hors série prévention des conduites à risques, 47.
  • [12]
    Éducation Scolarisation Paris VIII, Systèmes linguistiques, énonciation et discours, Sorbonne nouvelle, Paris 3.
  • [13]
    Loi d’orientation sur l’éducation n° 89-186 du 10 juillet 1989, chapitre 1, article 3.
  • [14]
    L’absentéisme scolaire peut être le signe d’un mal-être et d’une situation personnelle, familiale ou sociale fragilisée pouvant conduire, dans les situations les plus graves, à la marginalisation, voire à la délinquance ou la violence. C’est pourquoi il doit faire l’objet d’un suivi attentif par le chef d’établissement qui devra, en particulier, rappeler aux parents leurs obligations éducatives et les mesures d’aide et de soutien dont ils peuvent bénéficier. Violence en milieu scolaire, lutte contre la violence en milieu scolaire et renforcement des partenariats, C. n° 98-194 du 2 octobre 1998. JO du 11 octobre 1998, hors série n° 11 du 15 octobre 1998.
  • [15]
    Cette recherche a été menée entre 1961-1962 et le milieu des années 1980.
  • [16]
    Contrôle et promotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obligation scolaire, circulaire n° 2004-054 du 23 mars 2004, Bulletin officiel, n° 14 du 1er avril 2004.

1Régulièrement, des débats traversent chercheurs, praticiens de terrain et responsables politiques quant à l’état de l’école en France, et une thématique se détache des autres, reflet des appréciations conjoncturelles. Ainsi, la massification de l’enseignement et l’entrée dans le second degré des enfants de milieu populaire ont constitué « l’échec scolaire » comme une question majeure à partir des années 1960 (Lahire, 1993). Les « violences scolaires » ont fait florès dans les années 1990, et aujourd’hui, absentéisme et déscolarisation apparaissent prépondérants, jusqu’à susciter la mise en place de groupes de travail dont le plus connu a donné lieu à un rapport (rapport Machard  [1] ). La procédure sur le contrôle et la promotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obligation scolaire a été modifiée [2]. En outre, un appel d’offres récent a abouti à 12 rapports de recherche, rendant compte d’une production de connaissances sur tout le territoire de l’hexagone [3].

2Les rapports et ouvrages réalisés à partir des recherches qui existent aujourd’hui, qu’ils soient issus de l’appel d’offres de décembre 1999 ou d’autres travaux, proposent des analyses de la question à partir de définitions différentes, en insistant sur tel ou tel aspect des processus vécus par les élèves « déscolarisés »: scolarité, vie familiale, groupes de pairs, etc. Les méthodologies sont également très diverses, et nous nous proposons au cours de cet article de présenter des éléments d’un débat scientifique autour de plusieurs questions qui ont justement fait débat entre les équipes de chercheurs, et qui recoupent des thèmes présents dans le débat public :

  • Peut-on organiser une typologie des élèves déscolarisés, à partir de profils types ?
  • Les élèves déscolarisés sont-ils des « exceptions malheureuses » dans un système qui contrôlerait mal la scolarité de tous, ou leur situation est-elle significative d’une sélection qui refoule à la marge ceux qui ne sont pas en adéquation avec ses normes ?
  • Quels liens peut-on établir entre absentéisme, déscolarisation et délinquance ?
  • Dans quelle mesure les familles sont-elles partie prenante des arrêts de scolarité des jeunes ? Cette dernière question permet de relativiser la supposée « démission des parents », « évidence » régulièrement entendue dans les établissements scolaires et parmi les travailleurs sociaux.

3Nous nous en sommes tenus pour cet article principalement aux travaux parus dans le monde francophone (non exclusifs cependant de travaux anglophones ou hispanophones), sachant que le terme de déscolarisation peut prendre des acceptions très diverses suivant le contexte sociopolitique dans lequel il s’inscrit. Ainsi en France, de même que dans les pays développés, la déscolarisation concerne des jeunes qui ont fréquenté l’école (à part certains, en particulier récemment arrivés sur le territoire français). D’autres pays connaissent des absences de scolarisation, comme le Brésil, le Mexique ou le Togo. Dès 1988, la question de la déscolarisation est étudiée au Togo (Lange, 1988,152-163), et des travaux sont menés en Côte d’Ivoire (Gbocho Yapo, 2001) ou au Niger (Barreteau, Daouda, 1998). Le thème est l’objet de travaux qui intègrent la déscolarisation (absence ou arrêt très précoce de scolarité) dans les conséquences des guerres et l’enrôlement forcé des enfants dans les guérillas [4], comme en Colombie (Antuñez Garrido, Cubano-Delgado Palma, Fernando Montero, 2005,133-142) ou dans le renforcement des processus d’exclusion au Brésil (Peralva, 1992). L’ensemble des pays pauvres connaît une non-scolarisation des enfants ou une durée de scolarisation courte par rapport à celle des pays développés. D’autres, comme le Portugal, ont connu une massification scolaire plus tardive que celles d’autres pays européens, et la question de la déscolarisation y est reliée à celle de « l’échec scolaire » et des nécessités économiques des familles (Canário, Alves, 2004,43-54).

4La « préoccupation » autour de la déscolarisation se trouve à la confluence de trois présupposés liés entre eux dans le débat public : montée de l’insécurité, augmentation et rajeunissement de la délinquance juvénile, développement des « violences ». La déscolarisation érigée en « problème majeur », est une construction sociale qui peut masquer d’autres questions (la perpétuation des inégalités sociales à l’école entre autres), dont elle est pourtant l’aboutissement ultime (Geay, Meunier, 2003,20-39): L’école en s’appropriant les logiques de pensée et d‘action du secteur de l’insertion tend ainsi de plus en plus à classer les jeunes selon les critères de l’employabilité, constituant ainsi les « surnuméraires précoces » en « catégorie à risques ». Les actions mises en œuvre pour traiter la « déscolarisation » nous semblent donc révéler une reconfiguration de l’espace de prise en charge du « danger social » (Geay, Proteau, in Ropé, 2002,261).

La déscolarisationaujourd’hui : définitions et objets de recherche

5Le terme de déscolarisation, d’acception récente dans les textes officiels français [5], est absent aujourd’hui des dictionnaires. La déscolarisation se comprend dans ces textes comme la mise hors de l’établissement scolaire de l’élève concerné. Les circulaires traitant des dispositifs relais ou des internats, font régulièrement allusion à la déscolarisation, souvent présentée comme pendant de la violence [6]. L’appel d’offres sus-cité [7] parle de « projets de recherches sur la déscolarisation », explicitée comme « les sorties précoces du système éducatif » [8].

6Ce néologisme est employé aujourd’hui dans un sens négatif, au sens d’une perte (le préfixe latin deexprimant la provenance et la séparation, sens qui nous intéresse ici), perte de scolarisation en l’occurrence. Elle a eu un sens plus positif dans les travaux d’Illitch (1971), qui apparaissent aujourd’hui comme une sorte de curiosité, tant la scolarité est représentée communément comme un bienfait, et la non-assiduité une source de dangers.

7Aujourd’hui, on serait en peine de trouver des auteurs qui défendent l’idée d’une déscolarisation volontaire. À peine quelques centaines de parents scolarisent-ils leurs enfants à domicile, et la scolarité est généralement conçue plus comme un « devoir à accomplir », que comme un droit, c’est une sorte de « droit obligatoire ». La déscolarisation définit une situation « en creux » (anomie, errance, disparition, Proteau, 2003,103): le fait de ne pas être ou de ne plus être scolarisé. Le mot laisse supposer un risque ou un danger pour le jeune concerné, sachant que l’accès à l’emploi est d’autant plus aléatoire que les candidats sont jeunes, inexpérimentés et sans formation de base. La déscolarisation est directement liée à la scolarisation, instituée comme norme, qui produit ses propres déviances, mais les chercheurs soulignent que le terme est peu approprié par les intervenants sociaux, qui situent les questions ou problèmes liés à la scolarité dans un ensemble de problématiques sociales et familiales (Sicot, 2002,11; Meunier, 2003,43-69; Esterle-Hedibel, 2003a, 88 [9] ).

8En quelque sorte, la catégorie scolaire de déscolarisation est une manière de nommer les jeunes concernés, de même qu’un jeune qui a commis des délits et a été repéré comme tel est nommé délinquant, à l’exclusion des autres caractéristiques qui le constituent (Becker, 1985,56). Certains auteurs en viennent même à considérer la catégorie « déscolarisation » comme une pure production institutionnelle et pseudo-scientifique (Proteau, 2003,100).

Un insaisissable objet de recherche ?

9De fait, plusieurs équipes de recherche issues de l’appel d’offres de décembre 1999 ont interprété la thématique proposée en traitant des cas d’élèves à la scolarité irrégulière, voire « chaotique » (Thin, Millet, 2003; Péraldi, 2002), quelquefois intégrés dans des dispositifs relais (Thin, Millet, 2003,32-41), déscolarisés véritablement et/ou absents régulièrement (Coslin, 2003, Lagrange, Cagliero, 2002; Costa-Lascoux, 2002). Les chercheurs parlent alors de « démobilisation scolaire » (Costa-Lascoux, 2002,11), de « détachement scolaire » (Péraldi, 2002,60).

10Certains chercheurs parlent de déscolarisés dans l’école, de décrocheurs de l’intérieur (Bautier, Terrail, Branca-Rosoff et al, 2002), désignant ainsi des élèves en rupture scolaire à l’intérieur des établissements, qu’ils manifestent ou non des comportements hors normes. Ils choisissent de se situer en amont du décrochage scolaire, afin de mettre à jour la dynamique des interactions entre plusieurs fabrications du décrochage de l’intérieur (Bautier et al., 2002,41). Leur recherche interroge particulièrement la question des apprentissages, et les malentendus sociocognitifs (Bonnéry, 2004,135-149) qui empêchent les élèves de s’approprier les savoirs et d’identifier l’école comme le lieu d’apprentissage de ces savoirs (Jellab, 2004,7). De fait les jeunes enquêtés ont été, pour une minorité d’entre eux seulement, déscolarisés avant 16 ans. Dans un registre de définitions proche mais non identique, Bourdieu avait utilisé l’expression les exclus de l’intérieur pour désigner ceux que l’école exclut comme toujours, mais elle exclut désormais de manière continue, à tous les niveaux du cursus […] et elle garde en son sein ceux qu’elle exclut, se contentant de les reléguer dans des filières plus ou moins dévalorisées (Bourdieu, 1993,602).

11Geay et Meunier définissent la déscolarisation tant par la situation objective de l’élève (arrêt de fréquentation), que par sa désignation comme tel par l’institution scolaire (Geay, Meunier, 2003,23). Pour notre part, nous avons choisi d’étudier les situations d’élèves qui, régulièrement inscrits, ne sont plus du tout présents dans les établissements scolaires, depuis une durée qui peut varier de trois mois à deux ans au moment de l’enquête. Ils sont ou non l’objet d’interventions visant à les faire revenir dans l’établissement (Esterle-Hedibel, 2003a).

12Pour plusieurs auteurs, la déscolarisation est la résultante de processus multifactoriels, et c’est bien la combinaison de plusieurs facteurs qui permet de les comprendre. Il importe alors d’aborder les différentes facettes de la problématique à travers les niveaux individuels, organisationnels et socioculturels (Janosz, Leblanc, 1996,61-88). Il s’agit bien d’étudier le processus de désaffiliation scolaire, qui renvoie au fonctionnement des institutions scolaires, aux traitements différenciés des élèves et à l’interaction des contextes scolaires, familiaux et locaux qui modulent les parcours et expériences propres à chaque adolescent (Broccolicchi, 1998,41). L’absentéisme scolaire est lui aussi considéré comme un processus interactif dépendant de multiples facteurs par Garcia Gràcia (2003,16), processus qui peut connaître des évolutions très diverses.

Un terme qui monte en force : les décrocheurs

13Lorsqu’une thématique devient prépondérante dans le débat public, des termes émergent et font consensus autour de leur utilisation. C’est le cas de celui de décrocheur, d’abord utilisé pour désigner les lycéens qui quittent petit à petit le système scolaire (Bloch et Gerde, 1998), avant de s’étendre aux collégiens et aux élèves de l’école élémentaire. Le décrochage désigne le processus plus ou moins long qui n’est pas nécessairement marqué par une information explicite entérinant la sortie de l’institution (Guigue, 1998,29). Il s’oppose à la démission, qui explicite le départ volontaire de l’élève, et à l’exclusion acte par lequel une autorité reconnue vous démet de vos fonctions (Guigue, 1998,29). Une démission peut d’ailleurs intervenir avant une exclusion prévisible par l’élève.

14Le décrochage est le terme choisi par Blaya pour désigner le processus de désadhésion au système ou un accrochage manqué qui conduiront à plus ou moins long terme à une désaffection, un décrochage (Blaya, Hayden, 2003,6). La déscolarisation serait l’étape ultime du décrochage.

15L’auteure insiste sur le terme de décrochage et non de décrocheurs, qui impliquerait un état propre aux intéressés. On peut d’ailleurs formuler la même critique sur les termes « absentéisme » et « absentéistes ». Les mots ont en effet un poids qu’il importe de mesurer. Qualifier un enfant ou un adolescent de décrocheur ou d’absentéiste, implique qu’il serait seul responsable de sa situation.

16Des démographes québecquois définissent ainsi les décrocheurs scolaires : élèves inscrits la première année mais non plus ensuite, non titulaires d’un diplôme d’études secondaires et résidant au Québec l’année suivante (Janosz, Leblanc, 1996). Une autre définition des mêmes auteurs précise : Ainsi, un décrocheur est défini comme tel s’il a quitté l’école sans avoir obtenu de diplôme de niveau secondaire, soit au secteur des jeunes, soit au secteur des adultes […]et sans non plus y être retourné pour en compléter les exigences avant l’âge de 22 ans (Janosz, Leblanc, Boulerice, 1998,91). Cette définition a remplacé celles qui prévalaient auparavant, et qui définissaient le décrocheur comme celui qui met fin, volontairement ou involontairement, temporairement ou définitivement à son programme d’études et qui s’est clairement retiré du système scolaire avant l’obtention de son diplôme (Janosz, Leblanc, Boulerice, 1998,78). Cette définition introduisait des zones floues dans la définition, mettait en jeu la « volonté » du jeune concerné, et interdisait toute comptabilisation précise.

17Le terme de décrocheurs monte « en force » aujourd’hui dans le vocabulaire néosavant et courant en France. Témoin de son apparition et de sa banalisation comme thème d’actualité, plusieurs documents télévisés, tout début septembre 2004, abordent le thème, avec la récurrence du même mot : les enfants (ou les élèves) décrocheurs [10]. L’utilisation du terme de « décrocheur » reviendrait ainsi à couvrir toute sorte de difficultés vécues par les élèves, des absences aux retards dans les apprentissages, en passant par les difficultés d’ordre psychologique ou familial.

L’absentéisme

18L’absentéisme est défini dans les textes français de la manière suivante : lorsque l’enfant a manqué la classe sans motif légitime ni excuse valable au moins quatre demi-journées dans le mois (article L 131-8 du code de l’éducation). C’est à partir de ce critère que peut être déclenchée la procédure de signalement à l’inspection académique, dont les modalités ont récemment changé. Les diverses formes d’absences répétées, répertoriées par les textes officiels et repérées par les diverses observations, forment un ensemble plutôt hétéroclite qui ne renseigne pas sur les causes et la fréquence des absences. Il ne constitue pas une catégorie scientifique utilisable en tant que telle, mais est le reflet d’une catégorisation administrative qui s’appuie simplement sur le manquement à la loi, rappelée dans la circulaire de 1996. Ce critère n’est pas aussi clair dans tous les pays : en Espagne, par exemple, les critères d’appréciation administrative de l’absentéisme restent à définir en la matière (Garcia Gràcia, 2003,31).

19En France, l’inassiduité scolaire a été, très vite après la mise en place de l’école publique, repérée comme un problème social grave et comme le symptôme d’une pathologie justifiant l’entrée dans les classes de perfectionnement (Vial, 1990,181).

20L’absentéisme scolaire, symptôme de mal-être et porteur de danger social : ces deux conceptions, non antinomiques, sont présentes dans les textes officiels, ainsi que dans le rapport Machard (2003,9). C’est dans le cadre de la menace d’un danger social et d’une nécessaire protection des jeunes que l’obligation d’assiduité est interprétée comme prévention des conduites à risque, entendues principalement sous forme d’atteinte à autrui commises par les jeunes absentéistes[11].

La recherche du profil psychosocial de l’élève scolarisé

21C’est tentant et fort ancien… Un système fonctionne, bon an mal an, pour l’ensemble d’une classe d’âge. Certains jeunes sont « inadaptés », ils ont des caractéristiques comportementales particulières (ils sont résistants à la frustration, impulsifs, indisciplinés, atteints de « troubles du comportement », tels que « trouble de déficit d’attention » ou « trouble oppositionnel avec provocation »). La solution ? Un programme de réadaptation en étapes, qui leur permettra d’acquérir les outils et la maturité qui leur manquent pour redevenir « normaux », c’est-à-dire scolarisables, selon les normes et le fonctionnement du système scolaire actuel. C’est la démarche de psychorééducateurs nord-américains et québécois qui organisent les « classes à paliers ». L’efficacité du « traitement » en termes d’adaptation à la conformité scolaire est loin d’être démontrée (Massé, Lanaris, Carignan, 2004,83-93).

22Au cours d’une étude explorant le lien social chez des élèves scolarisés, des chercheurs québécois dégagent cinq types d’élèves présentant divers types d’inadaptation, allant de la rébellion scolaire (absentéisme, retards) à la délinquance scolaire (vandalisme, bagarres, opposition franche) (Brandibas, Favard, 2003,82). Ces interprétations relèvent plus du jugement moral que de l’approche scientifique, et n’interrogent pas les interactions entre les élèves, les enseignants ou autres personnels scolaires, les familles, les pairs etc. D’après Janosz, Le Blanc et Boulerice (1998,88-101), l’étude de la corrélation entre les conduites inadaptées et le décrochage scolaire, si elle existe, se heurte à la définition même de la conduite inadaptée. Elle rassemble des éléments aussi hétéroclites que conduites délinquantes, consommation de drogues illicites, promiscuité sexuelle, rébellion familiale, inadaptation scolaire et grossesse adolescente… La rébellion familiale par exemple pourrait être considérée comme une réaction plutôt positive et « adaptée », alors que son absence traduirait un conformisme et une soumission aux adultes plutôt inquiétante à l’adolescence.

23Le système scolaire oscille entre l’adaptation aux règles de la libre entreprise suivant le paradigme industriel, et le développement personnel de l’élève sur tous les plans (connaissances, affectivité, créativité, etc.) suivant le paradigme existentiel (Bertrand, Valois, in Janosz et Leblanc, 1996,74-78). Adaptation et inadaptation scolaire ne seraient pas alors liées aux caractéristiques psychoaffectives des élèves, mais plutôt au décalage entre les exigences liées à ces paradigmes et les aspirations et besoins exprimés par les élèves.

24Contrairement aux auteurs qui décrivent diverses formes d’inadaptation scolaire, d’autres parlent d’inadaptation de l’école à certains publics particuliers : c’est moins l’appareil scolaire et ses finalités qui est questionné dans son ensemble, que des aspects de son inadaptation à des populations elles-mêmes inadaptées au déploiement pédagogique actuel (Missaoui, Missaoui, Tarrius, 2002,36). L’inadaptation n’est pas considérée du point de vue d’une pathologie individuelle à traiter et à redresser, mais de celui de modes de vie de groupes particuliers, guidés par la nécessité de la survie et très mobiles, qu’il s’agirait de prendre en compte pour une organisation la plus efficiente possible de la scolarité des enfants et des adolescents. L’inadaptation réciproque renvoie aux interactions entre les agents scolaires et les populations scolaires, et au fonctionnement du système scolaire.

Le milieu social étudié

25En France, les rapports de recherche les plus récents se sont quasiment tous intéressés à des élèves des établissements scolaires situés en zone d’éducation prioritaire ou en milieu ouvrier, ou à des populations plutôt marginalisées et sans pouvoir socio-économique, certains chercheurs ayant d’ailleurs comme parti pris de départ l’étude des processus de décrochage scolaire en milieu populaire (Thin, Millet, 2003,16). La déscolarisation ou les absences scolaires nombreuses touchent-elles pour autant uniquement ces catégories sociales-là ? Certes, les résultats scolaires des élèves de milieu populaire souffrent de déterminismes sociaux qui les rendent moins performants que ceux d’autres catégories sociales (Dubet, Duru-Bellat, 2000,104-105). Il en serait de même pour les absences (Lagrange, Cagliero, 2002,50). Les mêmes constatations ont été faites en Espagne (Garcia Gràcia, 2003,11).

26Quant aux arrêts de scolarité avant 16 ans, si l’on peut supposer qu’ils sont plus nombreux dans les catégories sociales les plus modestes (Geay, Meunier, 2003,25), nous ne disposons d’aucune connaissance comparative précise sur leur existence dans l’ensemble des catégories sociales. Le rapport dirigé par Blaya s’est intéressé entre autres à des adolescents de milieu aisé qui ont petit à petit décroché de leur scolarité. Elle rappelle les quelques études mentionnant les jeunes de milieu aisé, dont celle de Baillion et de Choquet et Hassler (Blaya, Hayden, 2003,34-39). Le contrôle social et la stigmatisation sont bien moindres pour ces jeunes et leurs familles que pour ceux des milieux pauvres, ils sont l’objet de prises en charge psychologiques fréquentes, et d’une attention parentale assez faible. Il semblerait que des « arrangements » soient possibles avec l’école. Un cas de jeune issu d’un milieu aisé est évoqué dans le rapport dirigé par Ropé (2002,169-173). Des études approfondies restent à faire sur l’absentéisme lourd et la déscolarisation dans ces catégories sociales.

Quelques essais de typologie

27Parmi les rapports de recherche issus de l’appel d’offres de décembre 1999, en France, seuls quelques-uns ont tenté des typologies d’élèves en voie de déscolarisation.

28L’équipe ESCOL/Printemps/SYLED [12] repère deux types de situations qu’ils nomment profils : le profil abandon et le profil exclusion, à propos desquels ils repèrent des comportements différents. Les jeunes correspondant au profil abandon sont moins sujets aux difficultés relationnelles, alors que les exclus ont vécu des conflits importants avec des membres de l’institution scolaire : à travers la violence récurrente (verbale et/ou physique) de leurs comportements et leur refus régulier de reconnaître les lois de la sociabilité scolaire, (les exclus) paraissent manifester le rejet le plus ostensible de l’institution (Bautier et al., 2002,26-27). Les exclus sont plus des garçons, les abandonneurs des filles. Cette typologie de situations ne renseigne pas sur les interactions vécues entre élèves et maîtres. D’autre part, les politiques d’exclusion varient d’un établissement à l’autre et la catégorie des exclus n’est pas homogène en soi. Les causes des abandons sont multiples et cette « catégorie » ne recouvre pas, elle non plus, un champ très précis.

29L’intérêt d’une typologie apparaît faible, eu égard à la complexité des processus. En effet, l’étude de chaque situation amène à l’analyse des multiples facteurs qui conduisent à l’arrêt de scolarité, qui s’entremêlent souvent : lacunes quelquefois accumulées à l’école élémentaire, problématique scolaire et familiale à l’entrée en 6e, modifications de la configuration familiale sinon « rupture biographique » (placement par exemple) au début des « années collège », interactions négatives voire violentes avec des enseignants, impact des jugements scolaires négatifs… Chaque situation est singulière, même si l’on retrouve des points communs entre les unes et les autres. Comme nous l’avons déjà mentionné, plusieurs facteurs se combinent dans l’étude des situations de chaque jeune et leur catégorisation en devient aléatoire.

Une déscolarisation particulière des enfants d’immigrés ?

30Les familles « immigrées », expression qui regroupe une très grande complexité de situations, seraient plus « vulnérables » et touchées par la déscolarisation de leurs enfants. Cette idée reçue, communément répandue, n’est pas confirmée en ce qui concerne les familles d’immigration ancienne, c’est-à-dire que l’on trouve des jeunes de toutes origines parmi les déscolarisés, sans qu’une proportion particulière d’une ou autre origine n’apparaisse, hormis dans les zones géographiques où elles sont particulièrement nombreuses. Le facteur déterminant semble plus être, avec les réserves que nous avons mentionnées, celui des caractéristiques socio-économiques des groupes d’appartenance des jeunes.

31Certains jeunes, membres de familles d’immigration ancienne, trouvent dans une activité professionnelle familiale une issue à des difficultés scolaires importantes, tel Oualid, qui travaille dans l’épicerie familiale depuis l’âge de 14 ans environ, fréquente le collège de manière assez épisodique et attend ses 16 ans pour démarrer un apprentissage dans « l’hôtellerie » (Péraldi, 2002,97-98). Un cas du même type est cité dans le rapport dirigé par Ropé (2002,182-185). Comme dans le cas précédent, l’adolescent trouve dans l’activité familiale un cadre, le sentiment d’être utile et une voie professionnelle possible. Mais cette opportunité n’est pas intrinsèque à l’origine de sa famille, d’autres familles pourraient en offrir de semblables.

32Lors de la recherche que nous avons faite sur Roubaix, nous n’avons pas rencontré des jeunes qui intégraient l’activité professionnelle familiale. Un enfant rencontré au cours de l’enquête, âgé de 11 ans, jamais scolarisé, était le fils aîné d’une famille roumaine en situation irrégulière, en grande pauvreté. Les demandes de scolarisation se heurtèrent au manque de place dans les classes d’accueil du secteur. Son cas pourrait être intégré aux analyses de Schiff quant aux difficultés de scolarisation vécues par les jeunes « nouveaux arrivants », étrangers non francophones. Plusieurs centaines de jeunes âgés de moins de 16 ans semblent être sans solution de scolarisation. L’équipe de recherche repère des réticences à la scolarisation des jeunes migrants de la part des personnels scolaires, assimilant « étranger » et « risque de délinquance ». Elle souligne des absences d’orientation ou des orientations vers l’enseignement professionnel, une absence de liens avec les autres élèves de l’établissement et un centrage sur les matières où les élèves étrangers sont en difficulté. Certains sont maintenus en structures d’accueil ou au contraire orientés très rapidement en classe ordinaire, ou bien orientés vers le secteur de l’adaptation et de l’intégration scolaire… On observe en tout état de cause un bricolage certain dans l’organisation de leurs études. Tous ces phénomènes contribuent à la non-scolarisation ou à la démotivation suivie d’une déscolarisation d’élèves étrangers non francophones (Schiff, in Glasman, Oeuvrard, 2004,169-185).

33Tarrius et Missaoui ont étudié le cas des Marocains et Algériens d’immigration récente dans la région de Perpignan. Leur relation à l’école est liée aux opportunités de participer à des activités professionnelles transnationales (de commerce principalement) et d’échapper ainsi au chômage et aux minima sociaux, considérés comme la trajectoire même de la honte sociale(Missaoui, Tarrius, 2004,198). Les garçons sont plus concernés que les filles par ces processus. Les familles pratiquent l’auto-formation et les chercheurs parlent plus de facteurs de réussite ou de débrouille que d’échec scolaire (Missaoui, Tarrius, 2004,198).

34Les chercheurs ont étudié également les trajectoires scolaires et sociales des gitans catalans de Perpignan. Là aussi les garçons, plus que les filles, intègrent les activités économiques de leurs parents, quelquefois dès l’âge de 12 ans, et les familles pratiquent l’auto-formation dans des réseaux transnationaux. Les chercheurs repèrent cependant des expériences scolaires de mixité sociale, induisant un investissement différent pour les familles et les enfants gitans qui les fréquentent (Missaoui, Tarrius, 2004,196).

35Par ailleurs, certains couples gitans, des couples mixtes (femme gitane/homme non gitan) et des mères gitanes seules peuvent quitter la communauté à la suite de ruptures ou de conflits et adopter des stratégies parentales de grande conformité aux normes scolaires pour leurs enfants (Missaoui, Tarrius, 2004,192,193).

36En Espagne même, les chercheurs soulignent la non-scolarisation ou les absences nombreuses des enfants gitans ou des groupes marginalisés économiquement (Garcia Gràcia, 2003,11; Antuñez Garrido et al., 2005,139).

37Parmi les élèves dont nous avons étudié les processus de déscolarisation, plusieurs sont « d’origine étrangère » (Esterle-Hedibel, 2003a). Les parents de Patrick sont Portugais, ceux de Babacar Sénégalais, ceux de Jordan Algériens. Il serait fallacieux de leur chercher des points communs à travers ces origines : la mère et la sœur, les frères de Patrick maîtrisent parfaitement le français, mais ne peuvent lui offrir un cadre éducatif qui serait compatible avec l’école, et leur éloignement du système scolaire (et réciproquement) est couramment observé en milieu populaire. Les parents de Jordan, par leur lieu de résidence et les professions qu’ils exercent, ne font pas partie des populations immigrées pauvres de la région. Ils ne s’opposent pas ouvertement aux agents scolaires qui stigmatisent leur fils, mais trouvent une voie alternative qui lui permet de sortir de l’impasse dans laquelle il se trouvait. Par contre, un problème linguistique directement lié à l’origine étrangère des parents de Babacar leur interdit une communication fluide avec les agents scolaires, mais ce n’est pas le seul : un fossé les sépare de ces derniers, proche de celui que l’on trouve dans les familles nombreuses et pauvres, où chacun lutte pour sa propre survie et où l’école apparaît comme un bloc lointain et incompréhensible. Les tentatives de la mère de Babacar pour contrôler la présence de son fils au collège sont vues comme des manifestations intempestives par la conseillère principale d’éducation (CPE): il lui est arrivé de téléphoner plusieurs fois par jour pour savoir si son fils était dans l’établissement. Ses demandes d’aide auprès du service social sont interprétées comme la marque de sa « mentalité d’assistée ». On le voit, c’est plutôt la « culture de classe » ou celle de la famille qui va être une variable explicative pertinente de la trajectoire du jeune, plutôt qu’une origine nationale différente en soi.

Comment le système scolaire intervient-il dans le développement des processus de déscolarisation ?

38Y aurait-t-il des élèves considérés comme « inéducables » ou « inenseignables » à l’école, dont l’existence démentirait le discours sur la démocratisation de l’école ? Il n’est pas inutile de revenir sur le contexte structurel dans lequel se sont petit à petit développés la notion d’échec scolaire et le discours autour des violences, de l’absentéisme et de la déscolarisation.

39Après plusieurs décennies de massification de l’enseignement, les inégalités sociales perdurent en son sein (Dubet, Duru-Bellat, 2000) et l’on y retrouve les stratifications sociales existant dans la société. Ces inégalités sociales et « l’échec scolaire » qui touche surtout les élèves de milieu populaire, ont des répercussions plus sévères quand l’intégration sociale dépend étroitement de la qualité du parcours scolaire, quand l’échec scolaire risque d’induire un échec ou une disqualification sociale (Lahire, 1993,46). La mise en place du collège unique (réforme Haby de 1975) a plutôt été organisée sur le mode de la préfiguration d’un « petit lycée » que sur celui d’une continuité avec l’école primaire (Dubet, Duru-Bellat, 2000,35-36). Ce phénomène, combiné avec la massification de l’enseignement, a confronté l’ensemble des catégories sociales à des formes d’enseignement largement destinées aux couches supérieures de la société. Si dans le premier degré, les interprétations en termes de difficultés cognitives ou psychologiques ont encore leur place, ainsi que l’intervention des réseaux d’aide spécialisés aux élèves en difficulté (RASED), dans le second degré, les « problèmes de comportement » sont massivement considérés par les acteurs scolaires comme la cause des difficultés d’apprentissage, et appelés à être l’objet d’interventions en forme de sanctions (Esterle-Hedibel, 2003a, 161-164).

40La loi d’orientation de 1989 a confirmé l’objectif de conduire d’ici dix ans l’ensemble d’une classe d’âge au minimum au niveau du certificat d’aptitudes professionnelles ou du brevet d’études professionnelles et 80% au niveau du baccalauréat[13]. Mais les élèves en difficultés scolaires sont restés dans les collèges, sans que des dispositifs de remédiation pédagogiques n’aient été suffisamment construits pour leur permettre de continuer favorablement leur scolarité. Les processus de ségrégation sont accentués par le choix des familles, en même temps qu’à l’intérieur des établissements les plus défavorisés, s’est développée une « ségrégation à l’interne » par les options d’allemand première langue en 6e ou du latin en 4e par exemple.

41Les répartitions en classes de niveau, dont les regroupements sont effectués quelque-fois par les enseignants eux-mêmes, défavorisent les élèves en difficultés plus qu’ils ne favorisent ceux qui ont de bons résultats (Duru-Bellat, 2001,67-68). Ces classes de niveau correspondent à un besoin de confort pour les enseignants, peut-être réalisé dans les « bonnes classes », mais la situation peut se retourner contre eux dans les « mauvaises classes », où les cours deviennent « ingérables »: les élèves ont le sentiment d’être dans des « fausses classes », les enseignants parlent de « catastrophes », d’« explosions »… Les enseignants débutants se retrouvent souvent en charge de ces « classes poubelles », subissant alors ces situations comme une chute considérable de leurs ambitions professionnelles (Barrère, 2002,69-73).

Des passages fictifs en classe supérieure

42Dans ce contexte favorable à l’accentuation des difficultés de certains élèves, les enseignants sont amenés à faire un « tri » entre les élèves « récupérables » et les autres. Le critère de sélection ne se fait pas tant au niveau des résultats qu’à celui du comportement scolaire : les élèves « perturbateurs » sont ainsi particulièrement visés par les jugements négatifs et le redoublement se fait quasiment au mérite, dans tous les cas sur la base d’un pari d’évolution positive, et de l’évaluation de la possibilité pour les enseignants de « supporter » l’élève une année de plus. Celui qui redouble est donc gratifié d’une « chance » supplémentaire, dont est privé celui qui passe dans la classe supérieure, avec quelquefois des résultats plus faibles et un comportement plus perturbateur ou absentéiste. De ce fait, le redoublement au collège n’est pas corrélé à l’interruption précoce d’étude(Broccolicchi, 1998,3).

Les relations maîtres-élèves et leur impact sur les performances scolaires

43Plusieurs études nord-américaines signalent une variabilité entre les écoles quant à la prévalence du décrochage scolaire et de problèmes concomitants (Janosz, Leblanc, 1996, 68-72): niveau de réussite aux examens et performances scolaires générales, taille des écoles et des classes, climat social et éducatif, activités parascolaires, hétérogénéité ou homogénéité des âges et des niveaux, conditions des redoublements, qualité de gestion de classe des enseignants et de la gestion d’établissement par les responsables… « L’effet établissement » (Debarbieux, 1999), est également prégnant, d’après de nombreux travaux nord-américains et francophones, dans les processus de décrochage scolaire, l’effet-classe pouvant être supérieur à l’effet-établissement (Blaya, Hayden, 2003,28).

44Les pratiques pédagogiques des enseignants peuvent contribuer à développer chez les élèves la distinction entre tâche et activité scolaires, la tâche correspondant à l’exercice demandé par l’enseignant, l’activité faisant le lien entre les leçons précédentes et les suivantes, et étant empreinte de sens en soi pour l’élève. Les élèves en échec ont une relation d’imbrication au savoir (dépendance à la situation scolaire et à l’enseignant), alors que les élèves plutôt en réussite ont une relation d’objectivation ou de distanciation au savoir médiateur entre le sujet et le monde (Jellab, 2004,131-143).

45Woods (1992,56) rappelle que la déviance implique nécessairement deux acteurs et que l’enseignant peut provoquer ou atténuer la déviance par le style de sa relation avec les élèves (enseignant provocateur ou isolateur de déviance). Le processus d’étiquetage peut exister au niveau d’une équipe enseignante au sujet d’une classe, de plusieurs élèves ou de l’un d’eux en particulier. C’est la prophétie auto-réalisatrice (self fullfilling prophecy): les élèves concernés seront ainsi pris dans le jugement négatif dont ils sont l’objet, et y répondront en en accentuant les traits (Palmer, Humphrey, 1990). Cette prophétie, ajoutée aux préjugés négatifs concernant l’environnement familial et les performances potentielles des élèves de milieu populaire, finit par produire les effets annoncés, accompagnés d’une détérioration de l’image de soi chez les élèves concernés (Walgrave, 1992,43). L’élève répondra ainsi à « l’injonction » qui lui est faite en abandonnant le système scolaire (Esterle-Hedibel, 2003a, 164).

46Broccolicchi (2000,43) souligne par ailleurs que l’accompagnement dont ils (ceux qui ont continué leurs études) ont bénéficié durant leur scolarité secondaire contraste de façon saisissante avec la solitude qui caractérise l’histoire scolaire des jeunes qui n’ont pu acquérir une qualification. Carra souligne l’intériorisation par les élèves des étiquetages négatifs portés sur eux (Carra, 2002).

L’intériorisation du stigmate

47La question du rapport aux enseignants et à la légitimité de leurs jugements change fondamentalement du primaire au collège. Les relations entre pairs gagnent en importance, les cultures juvéniles entrent en contradiction avec les normes scolaires de manière plus prégnante (Lepoutre, 1997; Dubet, Martuccelli, 1996). En cas de difficulté scolaire majeure, le recours à l’indiscipline, à l’insolence, peut être utilisé par les élèves comme moyen de construire une identité, déviante par rapport aux normes scolaires mais conforme par rapport aux normes juvéniles. Fragilisés dans le système scolaire, ils deviennent des « outsiders » (Becker, 1985, d’autant plus que l’indiscipline se pratique souvent collectivement. L’indiscipline peut dans le même temps constituer un facteur de risque dans un processus de déscolarisation (Esterle-Hedibel, 2004c, 247-264).

48L’intense sentiment d’auto-dévalorisation vécu par des élèves en échec scolaire est confirmé par des chercheurs canadiens qui décrivent l’expérience scolaire des futurs décrocheurs comme négative, empreinte de frustrations et d’échecs (Janosz, Leblanc, 1996,64).

49Mais il ne faudrait pas considérer seulement les interactions entre enseignants et personnels scolaires et élèves, hors du contexte institutionnel dans lequel elles se situent. Les enseignants vivent en effet très directement la contradiction entre les intentions affichées par l’institution scolaire et la réalité de l’enseignement dans les établissements : scolariser tous les jeunes d’une même classe d’âge dans le même cadre, respecter et développer « l’égalité des chances », sans qu’institutionnellement, les moyens ne soient fournis aux intéressés pour qu’ils puissent mettre en actes ces objectifs. La tentation est grande alors de « séparer le bon grain de l’ivraie », pour ne garder finalement que les élèves conformes aux exigences du système scolaire tel qu’il est organisé aujourd’hui.

50On observe alors le respect formel de la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, accompagné de la non-résolution des difficultés patentes de certains élèves, certains d’entre eux se retirant alors d’une situation sans issue. Ce retrait peut être silencieux ou beaucoup plus spectaculaire, il s’accompagne alors d’exclusions définitives lors de conseils de discipline.

Quand l’école déscolarise

51Plusieurs rapports issus de l’appel d’offres de décembre 1999 mentionnent des formes d’arrêts de scolarité par l’école elle-même : mises à pied conservatoires préalables ou exclusions par des conseils de discipline, d’élèves pour lesquels une orientation vers un établissement spécialisé n’a pas été trouvée, exclusions quelquefois prononcées pour faire avancer un dossier (Péraldi, 2002,149-151; Esterle-Hedibel, 2003a, 83-84).

52Péraldi (2002,39-42) cite le cas d’un jeune affecté dans un collège, dont les responsables, après un incident (suspicion de tentative d’effraction du véhicule d’un enseignant) refusent l’inscription, en toute illégalité. Sommés de le faire par l’inspection académique, après que l’élève soit passé en classe relais pendant quelques semaines, ils ne l’accepteront qu’avec de fortes réticences. Il sera l’objet d’une hostilité ouverte des personnels scolaires et ne restera au collège qu’une semaine, pris en charge ensuite dans des dispositifs relais. Ce parcours nous rappelle celui de Clint (Esterle-Hedibel, 2003a, 61) dont la réaffectation dans un collège, à la suite d’une exclusion définitive, n’a pas pu être effective à cause du refus quasiment explicite de la principale du collège concerné. Comme le souligne le chercheur, l’inspection académique peut faire pression pour une inscription, mais pas pour les conditions d’une inscription… (Péraldi, 2002,42). Sicot souligne les réticences de chefs d’établissement à accueillir des élèves « atypiques » (porteurs de handicaps ou de stigmatisations diverses, venant de classes spécialisées ou de classes relais) (Sicot, 2004, 160-163).

53Au cours d’une étude sur la prévention du décrochage dans un lycée technique et professionnel, un chercheur souligne que certaines démissions sont le fait du chef d’établissement. Des lettres sont envoyées à domicile plutôt comme un dernier rappel pour réveiller la famille et l’élève et le faire revenir au lycée, ou pour se mettre en règle vis-à-vis de l’administration (Noël, 2004,57). Hayden souligne qu’en Angleterre, les autorités ont la possibilité d’exclure les élèves jusqu’à 45 jours durant une année scolaire, et d’exclure définitivement un enfant à la suite d’un premier délit, la responsabilité de retrouver un établissement scolaire incombant aux parents ou aux tuteurs de l’enfant (Blaya, Hayden, 2003,65).

54Les travaux de recherche cités permettent de conclure que l’organisation du système scolaire favorise dans certains cas la déscolarisation. Cependant de très nombreux élèves vivent les conséquences de ces fonctionnements, sans que leur scolarité ne s’arrête pour autant au cours de leurs « années collège ». D’autres facteurs de vulnérabilité seront observés parmi ceux dont la scolarité s’est arrêtée précocement.

Quels liens peut-on établir entre absences répétées, déscolarisation et délinquance ?

55L’oisiveté est mère de tous les vices, dit-on… Les « absentéistes », et plus encore les élèves déscolarisés, censés être en situation de vacuité sociale, et de fait disposant de peu d’alternatives à l’activité scolaire, ont-ils tendance à se livrer à des actes délinquants, comme une représentation courante tendrait à le laisser penser ?

56En France, des textes officiels soulignent l’éventualité de ce lien [14]. Blaya et Hayden (2004,283) rappellent qu’en Angleterre, la question de l’absentéisme scolaire est également étroitement liée à celle de la délinquance juvénile. Plusieurs travaux peuvent nous renseigner à ce propos. Notons d’ailleurs que relativement peu de récents travaux sur la déscolarisation en France se sont penchés sur la question du lien entre déscolarisation, absences répétées et délinquance.

57Tout d’abord, les liens entre école et construction identitaire déviante ou normée sont attestés par de nombreux travaux, et il est d’autant plus important de le souligner aujourd’hui que l’école est le premier lieu de sociabilité extérieur à la famille pour l’ensemble des enfants et adolescents. Cohen (1955) analysait l’école comme un possible déclencheur de déviance, par le décalage constaté par les élèves de milieu populaire entre le discours et la réalité des possibilités qui leur sont offertes. Dans la compétition scolaire, les garçons des classes populaires sont nettement désavantagés par rapport à ceux des classes moyennes, pour lesquels l’école est plus adaptée, sur le fond des matières enseignées et sur la forme des attitudes et de la démarche d’apprentissage à adopter en milieu scolaire. Constatant ce décalage à leur net désavantage, les garçons de milieu populaire s’orienteraient alors vers la sous-culture délinquante, mieux à même de leur offrir le statut gratifiant qu’ils recherchent. Cloward et Ohlin (1960) soulignent l’impossibilité pour les jeunes de milieu populaire qui ont échoué dans leurs études, d’accéder légalement aux critères de réussite matériels prônés par les modèles des classes moyennes.

58Ces analyses reprennent celles du « conformisme frustré » de Merton (1965): la délinquance naîtrait de l’impossibilité d’acquérir les biens de consommation par les voies légales, et de la frustration qui s’ensuit. Des sous-cultures d’opposition peuvent se déclencher au sein même de l’école, analysées comme des formes de résistance par certains auteurs, mais aussi comme des formes d’adaptation non conscientes à des contextes de scolarisation dévalorisés (Van Zanten, 2000,378), point de vue partagé par Barrère (2003,53-54). Elle rejoint ici les constatations de Broccolicchi et Oeuvrard (1993). Les élèves des « mauvaises classes », pratiquant le « chahut anomique », peuvent s’orienter vers des conduites délinquantes. Certains élèves ne sont pas spécialement opposés à l’école au début de leur scolarité, mais les difficultés scolaires, l’intériorisation du stigmate de « mauvais élève », incapable de redresser une situation périlleuse, finissent par les conduire à adopter des pratiques déviantes qui les éloignent largement des normes scolaires.

59Les recherches de Walgrave (1992,33-51) soulignent l’importance de l’échec scolaire dans les processus de délinquance juvénile. Il souligne que les délinquants enregistrés comme tels ont de moins bons résultats, ils s’engagent moins dans les tâches scolaires, ils posent plus de problèmes disciplinaires, ils font plus l’école buissonnière (Walgrave, 1992,33). Jarjoura introduit un élément supplémentaire qui permet de relativiser la relation entre abandon scolaire et délinquance. Il distingue en effet les raisons qui ont poussé à l’abandon des études. Les jeunes qui ont décroché pour des raisons familiales n’ont pas commis d’actes délinquants par la suite. Par contre, on a pu noter une corrélation positive avec toutes les formes de déviance pour ceux qui ont arrêté leur scolarité car ils n’aimaient pas l’école (Jarjoura, 1993,149-172).

60Roché souligne le lien existant d’après lui entre la « frustration scolaire relative » et la délinquance des jeunes, car le collège pour tous a mis à jour les inégalités : les élèves de milieu pauvre pensent pouvoir réussir comme les autres, alors que l’école perpétue les inégalités sociales. Tout le monde ne peut prétendre occuper les bonnes places(Roché, 2001, 149), alors qu’elles sont en théorie accessibles à tous. De ce leurre naîtrait une frustration engendrant elle-même la délinquance. Cette tendance ne saurait s’infléchir dans l’avenir, car la sélection des élites par le mérite scolaire ne risque pas de diminuer, c’est même une fonction de l’école (Roché, 2001,149). Il soutient l’hypothèse que moins l’investissement scolaire est important, plus les élèves déclarent des actes délinquants, car ils disposent de plus de temps pour cela (Roché, 2001,133-134).

61Cependant, tous les jeunes en échec scolaire ou désinvestis de l’école ne sont pas pour autant délinquants. Il convient de considérer ces analyses comme des hypothèses de facteurs déclenchants, combinées à d’autres paramètres.

Décrochage, abandon scolaire et délinquance

62Des faits de délinquance sont constatés au sein de l’école et ne sont pas systématiquement corrélés avec des processus d’arrêt de la scolarité. Au collège, des élèves peuvent être présents et commettre des actes délinquants à l’extérieur de l’établissement (Lagrange, Bidart, 2000,29-31), ce qui se comprend aujourd’hui par le simple fait de l’augmentation du nombre des jeunes scolarisés et de la durée des études. D’autres seront absents régulièrement, tout en n’en commettant pas.

63Si les parcours scolaires des jeunes qui commettent des actes délinquants sont la plupart du temps des parcours d’échec marqués par des absences fréquentes (Chamboredon, 1997,183-184), l’inverse n’est pas systématiquement vrai : l’arrêt de la scolarité sans qualification ne signe pas l’entrée dans une carrière délinquante, les enfants absents étant souvent gardés au sein des familles, et peu ou pas du tout exposés à la commission d’actes de délinquance de proximité (Esterle-Hedibel, 2003a, 164-165).

64Certains auteurs affirment que l’abandon scolaire permet de réduire le stress et la frustration vécus à l’école, des facteurs qui favorisent l’apparition des conduites délinquantes (Elliott, Voss, in Janosz, Le Blanc, 1996,65). En effet, plusieurs recherches des années 1980 indiquent que les élèves ayant arrêté leur scolarité et trouvé un emploi ont diminué leurs activités délinquantes deux fois plus que ceux qui n’en ont pas trouvé. Encore faut-il que les décrocheurs soient en âge de travailler et que le marché du travail leur offre des emplois disponibles (Pronovost, Leblanc, in Janosz et Le Blanc, 1996,65), ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, en France tout au moins. Farrington et al. (1986,348-351) soulignent que les jeunes interrogés déclarent moins d’actes délinquants pendant leur période de scolarité que lorsqu’ils travaillent, ce qui contredit à première vue les résultats des recherches précitées. Mais la période de scolarité s’arrête vers 15 ans, et celle de l’emploi démarre à cette période. Des comparaisons valides doivent donc se faire sur l’année des 15 ansdes intéressés. Quand cela est le cas, on ne note cependant pas, dans la même année, de différences notables entre les délits éventuellement commis en période de scolarité et ceux commis en période d’emploi. Mais le pic de délinquance étant observé vers 17 ans, on peut comprendre que les actes délinquants soient plus nombreux durant la période d’emploi que durant celle de la scolarité [15].

65Lagrange étudie le lien entre chômage, « rétention scolaire » (présence dans le système scolaire au-delà de l’âge requis) et délinquance. D’après lui, la rétention scolaire « soustrait à la délinquance des acteurs potentiels », alors que lorsque le rythme du nombre des sortants sans qualification s’accélère, c’est l’inverse qui se produit. Le chômage, qui touche plus particulièrement les jeunes sans qualification, a également une incidence sur la délinquance (Lagrange, 2001,85-87).

66Lagrange a étudié le lien entre « absentéisme » et conduites délictueuses dans la région de Mantes-la-Jolie, en centrant son enquête sur les élèves de 3e de trois collèges, au 1er trimestre 1999. Près de la moitié des absentéistes étudiés ont des conduites de prédation ou de délinquance expressive (délinquance avec ou non objectif d’appropriation des biens d’autrui). Seulement 25% de l’ensemble des absentéistes ont été mis en cause formellement. Réciproquement, près de la moitié des mis en cause sont des absentéistes. Ils sont les cadets de familles nombreuses, et ont vu leurs frères aînés se heurter au problème du chômage. Ils auraient appris ainsi à vivre de petite délinquance, tout en ne percevant plus l’intérêt de l’école, ce qui expliquerait leur absentéisme (Lagrange, Bidart, 2000,8). Ce dernier ne serait pas lié à une fronde ouverte contre l’école, mais plutôt à un désinvestissement, une extériorité aux valeurs de l’école.

L’impact des groupes de pairs et les activités délinquantes

67Les réseaux de sociabilité dans lesquels vit le jeune en voie de déscolarisation semblent prépondérants. L’influence des pairs et le regroupement des outsiders du système scolaire sont des éléments à prendre en compte dans la construction d’une sous-culture déviante. La constitution en bande est renforcée par la stigmatisation induite par les classements scolaires négatifs, et la logique de bande offre un refuge et une défense contre le sentiment de dévalorisation qui habite les jeunes, tout en contribuant à activer le processus de déscolarisation (Esterle-Hedibel, 1997,68-70; Carra, 2002; Maugé, Fossé-Polliak, 1983,50). La bande est venue à point nommé contrebalancer les effets stigmatisants des classements scolaires et le vide causé par l’arrêt de la fréquentation de l’école (Esterle-Hedibel, 1997,69-70).

68Lors de la recherche que nous avons menée à Roubaix, (2003a, 165-166) nous avons constaté que les jeunes qui ont entamé des activités délinquantes avant l’arrêt de leur scolarité les ont poursuivies par la suite, encouragés par leur groupe de pairs. Par contre d’autres, qui n’avaient eu aucune activité délinquante, se sont retrouvés très isolés à la suite de l’arrêt de leur scolarité. Ceci confirme les constatations de Lagrange et Cagliero (2002,49-51) lorsqu’ils soulignent que les jeunes peu absentéistes participent à des réseaux de pairs « récents ou renouvelés », à l’inverse des jeunes plus absentéistes dont les trois quarts des réseaux sont « anciens », ce qui tendrait à montrer que les absentéistes sont plus liés à une sociabilité fermée, alors que les autres vivent des sociabilités dominées par les changements induits par le monde scolaire. Ceci vaut d’ailleurs plus pour les garçons que pour les filles.

69Glasman souligne que les lycéens « décrocheurs » peuvent « se rapprocher d’un groupe de pairs, groupe qui fournit suffisamment de repères et d’occasions d’affirmation identitaire pour que l’exit hors du lycée ne signifie pas l’exil, pour que la non-appartenance au lycée ne soit pas la déshérence » (Glasman, 1998,19).

70L’impact du décrochage scolaire sur les conduites déviantes ou délinquantes n’est pas démontré dans tous les cas, et dépend d’après plusieurs auteurs du contexte socio-économi-que et des possibilités offertes par le marché de l’emploi. Si absences répétées et délinquance existent chez les mêmes sujets, la relation de cause à effet entre l’un et l’autre, ou l’existence dans un même processus, d’étapes vers la délinquance, dont l’une serait constituée par des absences de plus en plus nombreuses, est loin d’être généralisable. La question de la causalité et la difficulté de sa démonstration reste donc posée (Janosz, Leblanc, 1996,66-67).

Quelle part les familles prennent-elles aux processus de déscolarisation ?

71Ah, que l’école serait jolie sans tous ces élèves et leurs parents… Une représentation très communément rencontrée parmi les agents scolaires établit un lien de causalité entre la problématique familiale et les difficultés observées en milieu scolaire (Dubet, 2002,145), menant dans certains cas à la déscolarisation. Les parents sont ainsi considérés comme les principaux éducateurs des enfants, redevables de leur conduite, y compris à l’école, alors que les données issues d’enquêtes pourraient reprendre à leur compte que force est de constater le peu de moyens et le peu de ressources mis à leur disposition pour assumer leurs responsabilités (Janosz, Leblanc, 1996,74).

72Cette charge contre les parents n’est d’ailleurs pas nouvelle, on l’observe dès le début du XXe siècle; dans les congrès d’instituteurs, la version ancienne de la « démission des parents » prend des accents martiaux : Il faut lutter contre les « résistances », la « mauvaise volonté », le « goût du lucre » de parents « indifférents » « réfractaires », « faibles et immoraux » et protéger les enfants « exploités par des ascendants sans scrupule » ou « indignes » (Vial, 1990,33).

73Ces représentations permettent du reste à l’école de se défausser de ses propres responsabilités (Van Zanten, 2001,172-173). D’après la dernière circulaire française réglementant l’assiduité scolaire, si l’école ou l’établissement est le premier lieu de prévention, de repérage et de traitement des absences des élèves; c’est là où la majorité des cas doit pouvoir trouver une solution[16], la source principale des absences des élèves et le cœur de la solution se trouvent bien dans les familles. C’est aussi la philosophie du rapport Machard (2003,8) qui, d’après son auteur, propose une architecture d’ensemble équilibrée, raisonnée et opérationnelle, centrée sur les enfants et leurs familles, sans toutefois négliger la symbolique que revêt, dans une phase ultime et pour un nombre infime de parents « récalcitrants » – selon les termes employés par les magistrats auditionnés – l’existence d’une sanction.

74En termes de recherches, l’accès au terrain conditionne bien souvent les résultats : certaines équipes de recherche, dans le cadre de l’appel d’offres interministériel sur les processus de déscolarisation de décembre 1999, en France, se sont centrées sur les problématiques familiales des jeunes déscolarisés ou décrocheurs et non sur les aléas de leur scolarité à proprement parler. Plusieurs équipes ont eu en effet des difficultés à entrer en contact avec les établissements scolaires. Il est donc logique que les problèmes familiaux apparaissent comme prégnants dans ces processus. À ce propos, notre fonction d’enseignante~chercheure dans un IUFM a sans nul doute facilité considérablement notre travail d’enquête dans les établissements scolaires. Ce fut aussi le cas pour d’autres équipes de recherches.

Des familles carencées ?

75Le « handicap socio-culturel » est souvent invoqué comme une forme d’explications aux difficultés des familles à suivre le parcours scolaire de leurs enfants. Les parents de milieu populaire sont censés utiliser des échanges verbaux stéréotypés, on ne s’adresse aux enfants que pour leur donner des ordres… pour crier ou pour menacer (Diatkine, in Pinel, Zafiropoulos, 1983,120). Cette vision réductrice des relations qu’entretiennent les parents avec leurs enfants est à rapprocher des analyses de Bernstein (1975,253) sur le « code restreint » utilisé par les parents avec leurs enfants en milieu populaire, et sur l’incapacité des parents à transmettre tant les règles morales que les savoirs et les techniques élémentaires. Ce type d’explications considère l’éducation dispensée aux enfants des classes moyennes et supérieures comme un ensemble de normes « évidentes », auprès desquelles les formes d’éducation dispensées par les parents de milieu populaire apparaissent comme dévalorisées. Comme le souligne Thin, ces « théories » entrent en résonance avec les appréciations générales des enseignants et des travailleurs sociaux à propos des parents : Ce qui est incriminé ici, c’est à la fois l’incurie des parents, le désordre dans le fonctionnement de la famille et la déliquescence de la structure familiale (Thin, 1998,74).

76Le raisonnement est aujourd’hui poussé à l’extrême par nombre d’acteurs de dispositifs relais, qui n’envisagent pas un travail avec les élèves déscolarisés ou en voie de l’être, indépendamment d’une implication des parents eux-mêmes, qu’ils sont ainsi enclins à « éduquer ». Ils risquent ainsi de laisser sans soutien des enfants dont les parents ne peuvent ou ne veulent pas entrer dans les protocoles imposés (Esterle-Hedibel, 2004a, 167). Les enseignants, par contre, sont plus distants et réagissent diversement aux demandes parentales d’aide concernant l’éducation des enfants (Van Zanten, 2001,156).

Les familles populaires, des modes éducatifs divergents de ceux de l’école

77Au lieu de raisonner en termes de déficiences parentales, Thin souligne que les familles de milieu populaire élèvent leurs enfants selon des logiques socialisatrices divergentes de celles de l’école. Les contraintes sont exercées de l’extérieur par les adultes dans la famille, alors que l’école pratique l’hétéro-contrainte (intégration des règles de conduite, considérée comme une marque d’autonomie). Les interdits sont contextualisés par la sanction immédiate des transgressions en famille, alors que les transgressions sont « travaillées » et les sanctions appliquées plus tard en milieu scolaire. Il existe un clivage net entre travail et jeu en famille, contrastant avec des activités d’apprentissage sur un mode ludique, et des méthodes actives faisant appel à l’organisation en groupe et à la créativité des enfants, avec des supports variés (sorties, visites) en milieu scolaire… (Thin, 1998).

78Si les classes moyennes ont tendance à « scolariser » la vie quotidienne des enfants, tout au moins à leur proposer des activités qu’ils pourront réinvestir directement dans le processus d’apprentissage et de socialisation scolaire, les familles populaires ne vont pas construire un plan intégrant l’école comme moyen central de réalisation d’un projet familial (De Queiroz, 1995,70), même si elles souhaitent la réussite scolaire de leurs enfants. Ces décalages peuvent expliquer en partie les « difficultés scolaires » de certains enfants, et peser dans certains cas sur les processus de déscolarisation, sans en être pour autant la seule source. En effet, ces attitudes sont communément observées dans l’ensemble des familles populaires, et pour autant les arrêts de scolarité ne touchent qu’une infime minorité des élèves. Il faut donc bien la combinaison avec d’autres paramètres pour qu’ils se produisent.

Précarité et rôle parental : un décalage de pouvoirs

79De nombreux parents d’élèves déscolarisés sont dans la situation de vulnérabilité sociétale définie par Walgrave (1992,86), comme le risque couru par certaines parties de la population dans leurs contacts avec les institutions sociales. Les personnes de haute vulnérabilité sociétale ne disposent ni du pouvoir, ni de l’autorité pour faire valoir suffisamment leurs intérêts, leurs besoins, leurs valeurs, leur style de vie […]. Dans le champ scolaire, ce décalage de pouvoirs s’observe dans les échanges entre parents et personnels scolaires et les parents courent le risque d’une délégitimation auprès de leurs enfants (Millet, Thin, 2004,272). Ces parents, eux-mêmes sans insertion socioprofessionnelle, sont disqualifiés de ce fait (Esterle-Hedibel, 2004b, 201-217), et on pourrait dire que si les élèves échouent à l’école, c’est à cause de leurs parents, et s’ils réussissent, c’est grâce aux enseignants, d’après les représentations de ces derniers (Piot, 2002,168-170).

80D’une manière générale, le lien entre famille dissociée et délinquance est faible ou nul pour les délits graves (vols, comportements violents), un peu plus important pour la consommation de cannabis, et significatif pour les « comportements problèmes » (fugues, absentéisme, discipline en classe) (Mucchielli, 2000,26-34). Le conflit lourd en cas de divorce est considéré comme un élément prégnant dans le développement des comportements problématiques, (mais non de la délinquance proprement dite), d’autant plus si les parents sont isolés, si la séparation s’accompagne d’une chute de revenus pour l’un et/ou l’autre des parents, si la qualité de la relation entre parents et enfants se dégrade.

81Les ruptures biographiques (accident, décès d’un parent, déménagements répétés, placements…) peuvent augmenter les risques de déscolarisation (Mucchielli, 2002,23-29). Plusieurs études montrent que la précarité a une incidence certaine sur la faiblesse des résultats scolaires des enfants (Davaillon, Nauze-Fichet, 2004,325-371). Selon plusieurs auteurs, l’aide au travail scolaire par les parents et leur investissement symbolique dans la scolarité sont des variables importantes dans la réussite ou l’échec scolaire des élèves (Bautier et al., 2002,30; Zeroulou, 1988,447-469). Le lien entre pauvreté, précarité et exclusion scolaire est exploré dans une synthèse qui confirme le déterminisme social présidant aujourd’hui encore aux parcours scolaires des enfants (Kherroubi, Chanteau, Larguèze, 2004).

82Par ailleurs, la qualité du contrôle parental et de la relation entretenue par les parents avec leurs enfants est reconnue comme déterminante dans les conduites transgressives de ces derniers, la pauvreté et la précarité de vie des parents formant un puissant obstacle à l’échange éducatif et au contrôle parental effectif. Le contrôle parental, appelé aussi supervision, permet d’anticiper, de détecter et de surmonter les comportements déviants éventuels de l’enfant. L’attitude parentale est déterminée par le bien-être des parents, mis à mal par le chômage et la précarité, avec le stress et la déstabilisation psychologique qui en résultent : fermeture de la famille sur elle-même, absence de projets stimulants pour l’enfant, consommation d’alcool et dépression, dégradation des relations intrafamiliales, incapacité croissante à repérer, nommer et sanctionner les déviances de l’enfant de manière adéquate, oscillation entre retrait et autoritarisme. Pour que les injonctions parentales soient suivies d’effet, les parents doivent bénéficier d’une crédibilité auprès de leurs enfants, qui reconnaissent ainsi leur rôle parental et leur intention bienveillante à leur égard (Mucchielli, 2002,23-29). Cette crédibilité est mise à mal, voire inexistante dans certaines familles, les rapports de pouvoir s’inversant au moment de l’adolescence (Esterle-Hedibel, 2003b, 29-33).

La famille comme alternative à la déscolarisation

83Plusieurs rapports issus de l’appel d’offre de décembre 1999 mentionnent l’importance de la prise en charge familiale d’un jeune qui arrête ses études avant l’âge de 16 ans (Péraldi, 2002; Missaoui, Missaoui, Tarrius, 2002). L’école prend à un moment donné de l’histoire du groupe familial et du ou des enfants concernés, une place plus une moins importante selon les nécessités de l’équilibre familial ou de la survie économique. En cas d’échec scolaire, de stigmatisation de la part des personnels scolaires et/ou de désintérêt profond du jeune pour les études, l’arrêt de scolarité peut intervenir. Il se traduira par une vacuité sociale et un repli sur soi, par une place grandissante prise dans l’univers familial, en particulier pour les filles (Péraldi, 2002,99-102; Esterle-Hedibel, 2003a, 109-118), ou un engagement plus important dans des activités délinquantes. La désaffection scolaire peut intervenir également car la médiocrité de la vie scolaire est contrebalancée par le sentiment d’un devoir à accomplir ou l’attrait d’une activité commerciale en famille par exemple. Cette opportunité est plus rare aujourd’hui, elle peut se rencontrer dans le secteur du commerce par exemple, et prendre des formes licites et intégratrices, ou plus marginales.

84Les divergences entre les logiques socialisatrices des familles et celles de l’école pèsent, conjointement à d’autres facteurs, sur les processus de déscolarisation, et les ressources culturelles, économiques et sociales des groupes familiaux auxquels appartiennent les jeunes, peuvent être déterminantes dans la concrétisation d’alternatives à la déscolarisation.

Conclusion

85Nous l’avons souligné tout au long de cet article : au-delà des divergences de positionnement, qui recouvrent souvent des postures méthodologiques distinctes, la question de la causalité est interrogée et doit être examinée avec prudence, au profit d’hypothèses de corrélations existantes entre les différents paramètres constitutifs des processus de déscolarisation.

86On dispose aujourd’hui de nombreuses études et recherches sur les processus de déscolarisation, au niveau national et international. Plusieurs d’entre elles s’attachent à la déconstruction du phénomène et à l’explication de son apparition dans le débat public et dans le champ scientifique, illustrant ainsi le fait qu’il n’est pas d’objet sociologique neutre, et qu’un préalable indispensable à toute étude sur un « sujet d’actualité » est bien la distance critique du chercheur par rapport à l’objet. Cette rupture épistémologique est d’autant plus indispensable si l’on s’intéresse aux recherches ayant lieu dans des pays où la scolarisation de la majorité des enfants ou des adolescents est loin d’être réalisée.

87La variété des méthodologies et des spécialités des équipes permet de dessiner un large éventail des facteurs corrélés aux absences répétées et à la déscolarisation, et de mobiliser plusieurs concepts : celui de l’étiquetage et de la stigmatisation, celui de l’inadaptation scolaire, celui de la vulnérabilité sociétale des familles, celui du décrochage cognitif (le rapport au savoir), celui de « l’effet maître » et de « l’effet école »… Se croisent également dans ce champ de recherches la sociologie de la déviance, celle de l’éducation, celle de la famille, celle de la pauvreté… L’étude des processus de déscolarisation éclaire le fonctionnement des systèmes scolaires en période de massification de l’enseignement dans les pays développés, comme point extrême des logiques de tri et de catégorisation et comme illustration de la persistance des inégalités sociales au sein de l’école.

88Les définitions de la déscolarisation sont variables d’une équipe à l’autre, et celles de l’absentéisme et du décrochage d’un pays à l’autre. Selon les méthodologies utilisées et les possibilités offertes par les terrains d’enquête, les chercheurs ont porté l’accent sur les facteurs familiaux présents dans les processus, sur les interactions présentes en milieu scolaire, sur l’intervention des travailleurs sociaux, sur les groupes de pairs, sur les parcours scolaires des garçons et ceux des filles… Rares sont les études qui combinent les diverses approches, et il importe de rappeler que c’est la combinaison de toutes ces variables qui peut faire intervenir l’arrêt de scolarité, conjointement avec des paramètres macrosociaux rappelés par les chercheurs en sociologie et en histoire de l’éducation.

89Il reste à développer des travaux de recherche sur les processus d’arrêts de scolarité et de décrochage scolaire parmi les jeunes des classes moyennes et supérieures, qui enrichiraient le corpus des connaissances sur la notion d’« échec scolaire », sur les représentations enseignantes et les interactions école/famille, sur les ressources familiales et les réseaux mobilisés.

90Par ailleurs, des recherches systématiques pourraient être entreprises sur les multiples expériences existantes visant à proposer des solutions alternatives aux élèves non conformes aux normes scolaires, tant en termes d’acquisitions que de comportements. Ces recherches concerneraient non seulement les dispositifs ou les classes relais en France, ou les collèges ou lycées alternatifs, à propos desquels on dispose déjà de plusieurs travaux, mais aussi les dispositifs locaux mettant en jeu les partenariats à l’intérieur de l’école et à l’extérieur. Il sera intéressant entre autres de vérifier si ces dispositifs, formalisés ou informels, aménagent la marge du système scolaire, modifient ou non les logiques de sélection et de catégorisation soulignées par les recherches sur la déscolarisation, et comment ils cohabitent avec, tout au moins au niveau français, les tendances fortes à la pénalisation des conduites juvéniles en milieu scolaire.

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  • SICOT F. (dir.), 2002, La déscolarisation en Haute-Garonne, rapports à l’école et dispositifs de scolarisation, http ://cisad.adc.education.fr/descolarisation.
  • SICOT F., 2002, La scolarisation dans les dispositifs atypiques, in GLASMAN D., OEUVRARD F., 1998, La déscolarisation, Paris, La Dispute, 151-167.
  • THIN D., 1998, Quartiers populaires, l’école et les familles, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
  • THIN D., MILLET M., 2003, Une déscolarisation encadrée, Actes de la recherche en sciences sociales, 149, 32-41.
  • VAN ZANTEN A., 2000, Le quartier ou l’école ? Déviance et sociabilité adolescente dans de banlieue, Déviance et société, 24,4,337-401.
  • VAN ZANTEN A., 2001, L’école de la périphérie, Paris, Presses universitaires de France.
  • VIAL M. 1990, Les enfants anormaux à l’école, Paris, Armand Colin.
  • WALGRAVE L., 1992, Délinquance systématisée des jeunes et vulnérabilité sociétale, Genève, Éditions Médecine et Hygiène, Méridiens Klincksieck.
  • WOODS P., 1992, L’ethnographie de l’école, Paris, Armand Colin.
  • ZEROULOU Z., 1988, La réussite scolaire des enfants d’immigrés, Revue française de sociologie, XXIX, 3, 447-469.

Notes

  • [*]
    CESDIP/CNRS – IUFM Nord, Pas-de-Calais.
  • [1]
    Machard, Les manquements à l’obligation scolaire, janvier 2003, rapport remis à Luc Ferry, ministre de la Jeunesse, de l’Éducation nationale et de la Recherche, Xavier Darcos, ministre délégué à l’enseignement scolaire, Christian Jacob, ministre délégué à la famille.
  • [2]
    Cf. Circulaire du 23 mars 2004 sur le contrôle et la promotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obligation scolaire.
  • [3]
    Appel d’offres de décembre 1999 sur les processus de déscolarisation, ministère de la Justice, de l’Éducation nationale, Délégation interministérielle à la ville, Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations. Les 12 rapports (dont celui rédigé par nos soins : M. Esterle-Hedibel, Les arrêts de scolarité avant 16 ans, étude des processus sur la ville de Roubaix, CESDIP/CNRS, IUFM Nord-Pas-de-Calais, FASILD Nord-Pas-de-Calais, mars 2003), issus de cet appel d’offres sont consultables sur le site http ://cisad.adc.education.fr/descolarisation.
  • [4]
    Cf. colloque Éducation, violences et conflits en Afrique (mars 2006), Kinshasa prévu pour mars 2006, réseau Famille et scolarisation en Afrique (FASAF) et Réseau ouest et centre africain de recherche en éducation (ROCARE).
  • [5]
    Circulaire du 25 octobre 1996 sur le contrôle de l’assiduité, circulaire du 15 octobre 1998, sur la lutte contre les violences en milieu scolaire.
  • [6]
    « Il s’agit là d’un objectif différent de celui des internats-relais. Ceux-ci sont destinés à accueillir des jeunes qui connaissent des difficultés pouvant les conduire à la déscolarisation ou à la violence ». Extrait de la circulaire n° 2000-11 du 31 juillet 2000 Plan de relance de l’internat scolaire public.
  • [7]
    Cf. note 3.
  • [8]
    Lettre d’accompagnement de l’appel à projets, signée par le directeur de la programmation et du développement et le directeur de l’enseignement scolaire, 10 novembre 1999.
  • [9]
    Au cours de notre recherche à Roubaix (2001-2003), nous avons étudié les processus qui ont mené hors du système scolaire des jeunes de 13 à 15,5 ans, dont la situation était connue des établissements scolaires et de plusieurs services sociaux. Nous avons recueilli un maximum de données les concernant : données de cadrage sur la ville de Roubaix et les collèges, entretiens avec l’ensemble des protagonistes (institutionnels, familiaux, jeunes eux-mêmes), consultation de documents (bulletins trimestriels, rapports de conseils de discipline, etc.). Les théories interactionnistes prennent place dans le cadre d’analyse, en incluant les aspects structurels qui organisent et déterminent les interactions entre les différents protagonistes des processus.
  • [10]
    Cf. Documentaire de Martini B., Quand les enfants décrochent, 2004, Arte, 7 septembre 2004.
  • [11]
    Bulletin officiel n° 9,4 novembre 1999, hors série prévention des conduites à risques, 47.
  • [12]
    Éducation Scolarisation Paris VIII, Systèmes linguistiques, énonciation et discours, Sorbonne nouvelle, Paris 3.
  • [13]
    Loi d’orientation sur l’éducation n° 89-186 du 10 juillet 1989, chapitre 1, article 3.
  • [14]
    L’absentéisme scolaire peut être le signe d’un mal-être et d’une situation personnelle, familiale ou sociale fragilisée pouvant conduire, dans les situations les plus graves, à la marginalisation, voire à la délinquance ou la violence. C’est pourquoi il doit faire l’objet d’un suivi attentif par le chef d’établissement qui devra, en particulier, rappeler aux parents leurs obligations éducatives et les mesures d’aide et de soutien dont ils peuvent bénéficier. Violence en milieu scolaire, lutte contre la violence en milieu scolaire et renforcement des partenariats, C. n° 98-194 du 2 octobre 1998. JO du 11 octobre 1998, hors série n° 11 du 15 octobre 1998.
  • [15]
    Cette recherche a été menée entre 1961-1962 et le milieu des années 1980.
  • [16]
    Contrôle et promotion de l’assiduité des élèves soumis à l’obligation scolaire, circulaire n° 2004-054 du 23 mars 2004, Bulletin officiel, n° 14 du 1er avril 2004.
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