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Article de revue

Les paradoxes de la normalisation du travail pénitentiaire en France et en Allemagne

Pages 349 à 365

Notes

  • [*]
    CESDIP (CNRS).
  • [1]
    Un détenu est « classé » lorsque sa demande d’emploi (« classement ») a été acceptée par l’établissement pénitentiaire.
  • [2]
    Cette étude sur la normalisation du travail fait partie d’une recherche plus vaste sur le travail pénitentiaire en France, en Allemagne et en Angleterre dans le cadre d’une thèse en droit criminel comparé, soumise en novembre 2004 (Faculté de droit, Université Robert Schuman, Strasbourg). La recherche comprenait deux volets, un volet théorique qui permettait de comparer l’encadrement juridique du travail pénitentiaire et un volet empirique qui avait pour but d’étudier la mise en œuvre du travail dans trois établissements pour longues peines (i.e. supérieures à un an) dans chacun des trois pays. Dans le but de brosser un tableau aussi précis que possible, nous avons utilisé tous les outils de recherche à notre disposition. Nous avons distribué un questionnaire (rédigé en français, en allemand et en anglais) à environ 20% des détenus ayant obtenu un emploi afin de connaître leur travail et leur espoir de réinsertion. Nous avons mené des entretiens semi-directifs dans chaque établissement avec cinq détenus au travail et cinq qui ne travaillaient pas. Ces entretiens ont permis une analyse plus qualitative des soucis et des souhaits des travailleurs et des chômeurs. Nous avons également profité de discussions informelles avec des personnes qui sont en contact quotidien avec le travail ou la formation. Enfin, nous avons observé les différents ateliers et les autres lieux de travail. Nous avons donc pu dresser un état de lieu du travail dans les neuf établissements. L’analyse des questionnaires et des entretiens a rendu possible une meilleure compréhension de la position des détenus. Les données recueillies nous ont également permis de comparer les aspects clé de l’organisation du travail et de la formation à la lumière de pratiques observées dans les trois pays.
  • [3]
    Goffman E., dans son étude, Asylums, caractérise comme institution totalitaire toute organisation, telle que monastère, asile ou prison, où : 1. Tous les aspects de la vie quotidienne se déroulent au même endroit et sont strictement réglementés. 2. Les membres perdent leur identité sociale antérieure pour en acquérir une nouvelle, celle de délinquant, fou, etc. 3. Cette transformation identitaire est accompagnée et accomplie par un système d’humiliations et renforcée par un régime infantilisant, qui ne permet aucune prise de responsabilité pour soi-même ou pour ses proches. 4. Tout est défendu qui n’est pas explicitement permis. 5. Le droit est remplacé par un système de privilèges et de punitions.
  • [4]
    Le paragraphe 4 (2) StVollzG l’exprime par le biais du principe de la sauvegarde des droits antérieurs. Pour la France, on se souviendra du discours mémorable du Président de la République, Valérie Giscard d’Estaing, le 25 juillet 1974 dans une prison lyonnaise, où il se prononça en ces termes : La peine, c’est la détention et donc ce n’est pas plus que la détention (Pradel, 1993,234).
  • [5]
    Cité dans Perrot, 1980,281.
  • [6]
    En 2002, la Régie française affichait un petit bénéfice de 175 500 €, mais ce chiffre ne tient pas compte d’une subvention déguisée de 4 000 000 € pour les salaires d’encadrement (Loridant, 2003,20). En Allemagne, la situation varie d’un Land à l’autre. La Bavière et la Basse Saxe affirment que le travail des détenus est rentable tandis que la Hesse admet une perte de 3 658 327 € pour 2001 (Justizministerium Wiesbaden).
  • [7]
    Dans le même sens : Dünkel, 1999,98.
  • [8]
    Ce principe affirme que le détenu conserve tous ses droits antérieurs, que l’on ne peut limiter que par des restrictions strictement et évidemment nécessaires (Giudicelli-Delage, Massé, 1993,21).
  • [9]
    L’exclusion est explicite en France (art. 720, al. 3 du Code de procédure pénale) et implicite en Allemagne où l’obligation du travail, avec ses sanctions inhérentes, rend impossible le libre consentement du détenu.
  • [10]
    En France, le contrat de concession peut, en principe, contenir une clause obligeant le concessionnaire à verser une indemnisation de chômage partiel, mais nous n’avons pas rencontré une seule situation où ce fut le cas. Si l’interruption est brève, la redevance des détenus allemands est maintenue aux frais de l’établissement.
  • [11]
    L’Espagne et le Danemark ont remplacé l’obligation du travail par l’obligation d’avoir une activité. L’avantprojet de loi pénitentiaire belge propose, à l’instar de la France, l’abolition de l’obligation légale de travailler (Snacken, 2002,146), mais tous les autres pays européens la conservent.
  • [12]
    En 2002, la valeur de base, soit le salaire moyen des travailleurs libres assurés par le Régime fédéral de retraite, était de 28 140 €. Le salaire moyen brut des travailleurs détenus (9% de cette somme) se chiffra à 2532,60 € par an ou à 10,13 € par jour.
  • [13]
    Pour plus de détails sur les protections sociales en prison en France voir : Zakine, 1982,267-282; Danti-Juan, 1993,106-111.
  • [14]
    Citons enfin le projet « Hamburger Modell », où des établissements semi-ouverts ont expérimenté dès 1991 un système de « placements à l’extérieur à l’intérieur », les détenus travaillant sous les mêmes conditions que les salariés libres dans trois ateliers concessionnaires. Malgré les résultats encourageants, une seule entreprise participe encore au projet. Pour plus de détails : Hagemann, 1997,113-131; Lohmann, 2002,234-245.
  • [15]
    La recherche de Lesting datant de 1988, il est possible que l’on trouve en Allemagne désormais une plus grande ouverture des juges, mais à notre connaissance, aucune nouvelle enquête sur ce sujet n’a été menée.
  • [16]
    Les chiffres donnés pour la France sont pour 2000, ceux pour l’Allemagne pour 2001. Dans les deux cas, les taux sont encore plus bas aujourd’hui puisque les emplois pénitentiaires et les offres de formation n’ont pu suivre l’augmentation de la population détenue des dernières années.
  • [17]
    En 2001/2002, le taux de demandes non satisfaites dans les six établissements français et allemands de notre étude variait entre 7,7% et 40,9%, avec une moyenne de 19%.
  • [18]
    En Allemagne, les cotisations patronales et ouvrières pour l’assurance chômage sont défrayées par l’administration pénitentiaire.
  • [19]
    Act for the Amendment and better Administration of the Laws relating to the Poor in England and Wales (4 & 5 Will IV c.76).
  • [20]
    Peine et structure sociale (Punishment and Social Structure), l’œuvre principale de Rusche, fut publiée à la veille de la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis, non dans sa version originale mais dans une version revue et élargie par Otto Kirchheimer, lui-même membre de l’Institut für Sozialforschung.
  • [21]
    La variante de « non-supériorité » fut déjà évoquée par Jeremy Bentham, qui ne voyait nullement l’utilité de baisser les conditions du travail en prison en dessous des conditions misérables des ouvriers libres au début de la révolution industrielle (Sparks, 1996,77).

Introduction

1La normalisation des conditions de détention est devenue une revendication courante, voire une maxime fondamentale de l’exécution des peines. Or, ce principe, jamais facile à circonscrire, devient encore plus ambigu quand il est appliqué au travail. Plusieurs aspects laissent perplexes : l’activité productive est souvent citée comme l’exemple le plus réussi de la normalisation en prison, et ce jusque par les détenus eux-mêmes. En réalité, le seul aspect qui se rapproche convenablement des conditions de vie extérieure est l’organisation des ateliers : les méthodes de production, son rythme et la qualité des rapports humains. Ce rapprochement a débuté avant que le concept ne soit appliqué à la détention en général mais, tandis que la normalisation de la vie carcérale a connu une évolution positive à partir des années 1970, la normalisation du travail en Europe a peu progressé. Le travail carcéral reste partout exorbitant du droit commun, aussi le détenu dit « classé [1] », à l’atelier ou au service général, ne jouit d’aucun des droits ni des protections accordés aux travailleurs libres, sauf ceux expressément reconnus.

2Pourquoi le travail ne suit-il pas le modèle général de la normalisation ? Quelles sont les forces qui continuent à s’opposer à un rapprochement du salariat libre ? Nous essayerons de trouver des réponses à ces questions en comparant l’évolution de la normalisation du travail dans deux pays européens : la France et l’Allemagne [2]. La taille de leurs populations et la similitude des problèmes auxquels fait face le travail des détenus se prêtent à une comparaison. Des politiques pénitentiaires et des sensibilités nationales différentes nous permettent de mieux saisir les différences.

3Commençons par clarifier la notion générale de la normalisation, elle-même loin d’être simple.

Qu’entendre par le terme « normalisation »?

4La première difficulté vient du fait que la normalisation prend un sens particulier s’il s’agit de « normaliser » la personne détenue ou les conditions de détention. La normalisation comme emprise niveleuse de l’institution totalitaire se trouve au centre de la critique de Michel Foucault (1975), qui dénonce les moyens du bon dressement utilisés dans nos prisons dans le but d’éradiquer tout ce qui est inadéquat à la règle (1975,181). Les dispositifs disciplinaires ont certes changé au cours de l’histoire mais, qu’il s’agisse de supplices ou de méthodes de conditionnement à la Skinner, le résultat demeure le même : un homme est rendu « normal » par la pression extérieure. Foucault a probablement exagéré la passion disciplinaire des administrations pénitentiaires et surestimé l’efficacité des dispositifs à leur portée. Il est néanmoins vrai que l’espoir d’inculquer de « bonnes habitudes » par le travail est profondément enraciné dans l’esprit du personnel pénitentiaire. Combien de fois avons-nous entendu la même remarque : « Tout travail, même le plus banal, sert à la réinsertion parce qu’en travaillant régulièrement, ils prennent les bonnes habitudes qu’ils n’ont pas connues à l’extérieur, telles que la ponctualité, l’assiduité ou le sens du travail bien fait. »

5Un deuxième sens de normalisation, qui est également motivé par le souci de réduire la récidive, table sur des prémisses diamétralement opposées. Au lieu d’imposer un comportement donné, la prison normalisée essaie de créer des conditions pour que les libérés puissent se maintenir dans la société sans nouvelles confrontations avec les normes et le système pénal (Snacken, 2002,134). Plus la prison s’éloigne du modèle de l’institution totalitaire goffmanienne [3], plus les chances d’une réintégration réussie gagnent du terrain. C’est la normalisation dans ce sens qui est ancrée comme principe fondamental dans le paragraphe 3 (1) de la loi pénitentiaire allemande (Strafvollzugsgesetz, StVollzG) statuant que : La vie en détention doit être autant que possible rapprochée des conditions de vie générales. La même maxime est reprise et développée dans la règle 65 des Règles pénitentiaires européennes (Conseil de l’Europe, Recommandation R (87) du Comité des ministres, 1987):

6

Tous les efforts doivent être entrepris pour s’assurer que les régimes des établissements sont établis et gérés de manière à […] réduire à leur minimum les effets préjudiciables de la détention et les différences entre la vie carcérale et la vie en liberté, afin que les détenus ne perdent pas le respect de soi ou le sens de leur responsabilité personnelle.

7Contrairement à ces deux législations, le texte français ne contient pas de règle générale visant la normalisation. Un décret de 1972 (no 72-852, incorporé dans l’art. D. 102, al. 2 du Code de procédure pénale, CPP), concerne uniquement la normalisation du travail :

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L’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin de préparer les détenus aux conditions normales du travail libre.

9Ainsi, des deux sens du terme normalisation, c’est bien le rapprochement des conditions extérieures qui est visé par les diverses réglementations et directives. L’espoir de corriger le vice d’oisiveté par un travail régulier reste néanmoins fréquent, et sert de prétexte à des emplois sans autre valeur intégrative.

10Ayant clarifié cette première ambiguïté, nous ne sommes pas au bout de nos difficultés. Même en mettant la perspective foulcaldienne entre parenthèses, l’injonction de rapprocher la détention de la vie en liberté soulève plus de questions qu’elle ne fournit de réponses. Les différentes intentions qui ont motivé la normalisation ne vont pas nécessairement de pair et les contours et les limites du principe lui-même sont mal définis et flous.

Les forces motrices de la normalisation

11La volonté de rapprocher les conditions de vie en prison de celles en vigueur à l’extérieur est un phénomène relativement récent. Ce n’est qu’en 1975 que le port du costume pénitentiaire fut abandonné en France et en 1983 que l’installation de téléviseurs en cellule fut autorisée. Le principe est maintenant fermement enraciné partout en Europe, quoique sa réalisation fût lente et heurtée. Pensons par exemple à la mise en place des parloirs familiaux, souvent promise, rarement réalisée, ou à l’achat d’ordinateurs personnels, toujours hors de question en Allemagne, mais admise au rang de standard en France.

12Pourquoi ce soudain revirement à l’encontre d’une longue tradition pénitentiaire ? L’impulsion initiale vient sans doute du choc vécu dans les camps de la Seconde Guerre mondiale et du désir d’humaniser les prisons en limitant la peine à la privation de liberté. L’article 64 des Règles pénitentiaires européennes (Conseil de l’Europe, Recommandation R (87) du Comité des Ministres, 1987) résume cette volonté en ces termes :

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L’emprisonnement, de par la privation de liberté, est une punition en tant que telle. Les conditions de détention et les régimes pénitentiaires ne doivent donc pas aggraver la souffrance ainsi causée, sauf si la ségrégation ou le maintien de la discipline le justifie.

14Cette vision humaniste est certes devenue doctrine officielle en France comme en Allemagne [4], mais n’a pas à elle seule suffi à provoquer les changements nécessaires, les résistances traditionnelles contre tout adoucissement de la peine étant encore trop vives. Dans les années 1970, le mouvement vers une libéralisation de la détention fut renforcé par deux facteurs : premièrement, la désillusion croissante vis-à-vis de l’efficacité des anciennes méthodes de « réforme morale », jointe à la prise de conscience que ni resocialisation ni réintégration ne sont possibles dans des conditions artificielles, coupées de la société extérieure et essentiellement punitives. Deuxièmement, une série de mutineries, plus prononcées en France qu’en Allemagne, ont obligé les gouvernements à faire des concessions pour préserver la paix en prison. Peut-être est-ce surtout ce deuxième facteur qui a fait avancer la normalisation : la télévision en cellule et la possibilité de consommer adoucissent certes la pénibilité de l’incarcération, mais ce sont également des outils efficaces pour maintenir la tranquillité et la paix.

15Il nous semble, qu’en général, les considérations humanitaires ont dominé. Pensons en France à la loi sur l’intégration de la population incarcérée dans le système général de santé en 1994 ou à l’ouverture la plus récente, celle des prétoires aux avocats, qui renforcent les intérêts des détenus à l’égard de ceux de l’administration (Péchillon, Herzog-Evans, 2003). Ou prenons l’offre sportive et culturelle dans les établissements allemands, qui nous paraît bien supérieure à celle que la plupart des détenus ont connue à l’extérieur. En matière de travail, toutefois, force est de constater que les résistances ont encore le dernier mot. Nous sommes alors confrontés à un premier paradoxe :

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Le travail fut le premier aspect de la vie carcérale à être normalisé, bien avant que le concept ait été étendu à la détention en général. Or, la motivation de ce rapprochement n’avait guère trait à la volonté de favoriser la réinsertion des prisonniers ou d’adoucir la période en détention, mais visait essentiellement à augmenter la productivité de la maind’œuvre et se focalisait ainsi sur les aspects organisationnels. Deux cents ans plus tard, la normalisation se limite toujours aux mêmes aspects initiaux et n’a que très partiellement suivi l’essor de la législation du travail.

17Ainsi, au XVIIIe siècle, les bagnards assignés à la « petite fatigue » travaillaient à côté des ouvriers libres au même rythme et aux mêmes tâches (Talandier, 1987,32); les prisons~manufactures du XIXe siècle étaient quant à elles conçues pour fonctionner comme de vraies usines à l’intérieur des murs (Petit, 1991,124). Le travail pénitentiaire est de ce point de vue un succédané du travail forcé des galériens, des bagnards et des forçats. Dans cette conception, travail égale peine et exploitation. Sans surprise, les gestionnaires du travail pénitentiaire, entrepreneurs ou régie, ont tenté d’en tirer le profit maximal en « surnormalisant » les exigences, c’est-à-dire en imposant des charges exorbitantes au regard d’un travailleur libre. Si au début du XIXe siècle les détenus des maisons centrales françaises recevaient encore une petite redevance en contrepartie de leur travail, trente ans plus tard, cette piètre rémunération leur fut enlevée : la circulaire Montalivet du 10 mai 1839 précisait en effet que les conditions du travail devaient être sur-normalisées non seulement en vue d’un plus grand profit, mais aussi pour augmenter sa force afflictive. Il faut donc à l’avenir que le travail pèse aux condamnés comme châtiment, comme contrainte; et pour cela, l’administration doit exiger que chacun d’eux travaille constamment, sans interruption et autant que ses forces lui permettent[5]. Conséquences : allongement de la durée journalière à quatorze heures, développement du travail à la tâche à des cadences élevées, multiplication des punitions en cas de refus de travailler.

18À mesure que la mécanisation gagna du terrain, la force physique des ouvriers, à l’extérieur comme à l’intérieur, devint moins essentielle. Si dans l’économie libre cette transformation fut accompagnée par une réorientation massive de la main-d’œuvre vers les emplois de service, cette évolution ne toucha pas la prison où sont encore largement privilégiés les ateliers traditionnels de la régie et les contrats de manutention ou de façonnage en concession. Or, ces champs d’activités ont une demande trop restreinte pour occuper une main-d’œuvre pénale en forte augmentation, si bien que la pénurie d’emplois forme aujourd’hui un des problèmes majeurs du travail pénitentiaire. Nous sommes donc passés imperceptiblement de la sur-normalisation à la sous-normalisation, en ce sens que les exigences vis-à-vis des travailleurs intra muros ont sombré sous les standards des ouvriers libres. Certes, chaque administration pénitentiaire peut se vanter de quelques ateliers exceptionnels, où la productivité des travailleurs égale celle des industries extérieures, mais en général les détenus travaillent aujourd’hui moins longtemps, moins vite et peuvent se permettre plus de fautes que leurs collègues libres. En parallèle avec la baisse du niveau de normalisation, nous constatons un ralentissement de la rentabilité des ateliers, voire une chute des profits [6].

19En ce qui concerne les aspects initialement exclus de la normalisation du travail, tels que les droits et protections associés au contrat, la volonté est en France et en Allemagne d’inclure les détenus dans la plupart des systèmes de protection sociale et de faire progresser la rémunération à un niveau plus proche de la productivité réelle. Mais les autres aspects du droit du travail restent aussi éloignés qu’au XIXe siècle d’un souci de normalisation. Le but initial de la normalisation, à savoir augmenter la rentabilité des travailleurs en prison, a perdu beaucoup de son actualité, sans que d’autres motivations aient effectivement pris la relève.

20Si les objectifs poursuivis par la normalisation sont ambigus, son champ d’application propre n’est pas moins problématique. Sonja Snacken résume ces difficultés en deux questions : Quels éléments doivent être considérés comme « normaux » à l’intérieur de la prison ? Quelles restrictions doivent être considérées comme inhérentes à la privation de liberté ? (2002,136). En ce qui concerne le travail nous en ajouterions une troisième : Quelles limitations sont nécessaires pour ne pas laisser à l’abandon les détenus incapables de poursuivre un travail normalisé ?

L’étendue de la normalisation

21La normalisation doit-elle viser les conditions du détenu moyen ou est-il préférable, comme le préconise le juriste allemand Köhne (2003,250-254), de se référer aux conditions individuelles des détenus, même au risque d’accentuer les inégalités en prison ? Il n’existe pas de recette simple, mais la volonté du législateur d’humaniser la détention par le travail et de lutter contre la récidive offre un point de départ fiable. Tout au moins, cette volonté permet de circonscrire la notion de normalité en termes négatifs : on ne saurait introduire en prison des pratiques ou des situations qui, quoique « normales » à l’extérieur, ne contribuent aucunement à améliorer la situation des travailleurs ou à favoriser leur réinsertion. Ainsi nous ne saurions justifier un chômage élevé à l’intérieur des murs par sa « normalité » à l’extérieur. En revanche, sont « normales » les conditions de travail telles qu’elles sont détaillées dans les conventions collectives et dans le code du travail. Ces règles visent en général la protection des travailleurs et sont assez minutieuses pour couvrir l’ensemble des aspects professionnels.

22Wolfgang Lesting insiste sur le fait que l’alignement normatif doit faire partie intégrante de la notion de normalisation qu’il définit comme rapprochement égalitaire des conditions de la détention, tant dans sa dimension sociale que dans sa dimension juridique, des standards de la société libre (Lesting, 1988,6). Sans cet alignement, la position des travailleurs restera toujours vulnérable [7].

23À la lumière de ces exigences, quels sont les critères minimaux auxquels le travail en prison doit se conformer pour mériter l’appellation « normalisé » ? Nous en retenons quatre. Le travail normalisé devrait :

  1. Reproduire l’organisation extérieure quant aux heures, au rythme et à la qualité du travail, au style de gestion des ateliers et au choix de l’équipement.
  2. Offrir un éventail d’emplois assez large pour tenir compte des différentes aptitudes d’une clientèle hétérogène. Ces emplois devraient correspondre aux tendances du marché du travail.
  3. Se fonder sur les conventions collectives pour déterminer le niveau salarial, ajusté à la productivité réelle.
  4. Se rapprocher du droit commun, c’est-à-dire appliquer le droit du travail et les législations sociales connexes partout où leur application ne pose pas de risque tangible pour l’ordre et la sécurité.

24Nous sommes loin de la situation idéalement évoquée dans les textes. Si nous constatons un rapprochement assez réussi quant au rythme, à la qualité des produits et aux relations humaines avec les travailleurs, la situation est moins heureuse concernant la durée du travail, la gestion des ateliers et la qualité de l’équipement. Quant à l’éventail des emplois ou l’application du droit commun et des conventions collectives, le fossé s’élargit. Même l’organisation économique du travail s’inspire plus des pratiques des ateliers protégés que de celles de l’entreprise libre. « Si les entreprises extérieures étaient gérées comme les nôtres, elles auraient fait faillite depuis longtemps !». Ce constat, réitéré par plusieurs de nos interlocuteurs, résume la situation actuelle de nombreux ateliers.

Carences

25Parmi les nombreuses imperfections de la normalisation du travail, celle qui semble entraîner les conséquences les moins favorables est l’absence de droit du travail. D’où un deuxième paradoxe :

26

Bien que le principe de sauvegarde des droits individuels[8] des détenus soit reconnu en
France et en Allemagne, le domaine du travail en est en grande partie exclu, malgré le fait que le droit du travail et ainsi la protection de la position de faiblesse du travailleur soit une des matières les plus réglementées du droit commun.

27Nous partons en effet du non-droit mortifère des prisons du XIXe siècle pour arriver, au début du XXIe siècle, à un sous-droit peu évolué. Quelques concessions faites au cours des années règlent les conditions de travail, reconnaissent le droit à une redevance et accordent certaines protections sociales. Mais l’écart entre la position du détenu au travail et celle d’un salarié libre reste considérable. L’exclusion explicite ou implicite du contrat de travail intra muros dans les deux pays [9] prive les détenus de participation aux conventions fixant les droits et obligations mutuels, individuels ou collectifs. Il n’y a pas d’entente sur les conditions d’embauche, la période d’essai, les modalités de licenciement, le paiement des journées de chômage technique et les indemnités en cas de maladie ou d’accident du travail, sans parler du salaire du 13e mois ou des vacances statutaires, exception faite de l’Allemagne qui les inclut parmi les privilèges accordés. Les travailleurs sont également privés de toute garantie en termes de stabilité de l’emploi : stabilité de la nature du travail, stabilité des heures convenues et surtout stabilité de l’emploi lui-même. Le travail assigné peut être modifié à tout moment. Si l’employeur (la régie ou une entreprise extérieure) n’offre pas suffisamment de travail, il n’existe aucun remède statutaire [10]. Si l’atelier ferme, les « employés » restent démunis. Tous les droits qui pourraient donner aux détenus un certain contrôle sur leur travail, comme le droit à l’expression et, a fortiori, les droits à la représentation des travailleurs, à la syndicalisation ou à la grève, sont hors question. Non seulement les détenus se voient privés de la majorité des droits et protections normalement liés au contrat mais ils se trouvent de surcroît dans l’impossibilité d’engager les instances traditionnellement compétentes pour régler les désaccords entre salarié et employeur. Cette absence de la dimension juridique représente un alourdissement de la peine cumulé à la perte de liberté et elle semble peu apte à faire naître le respect de la loi et du travail censé essentiel pour mener une vie sans nouvelles confrontations avec le système pénal.

Concessions

28Tout ceci n’est pas propre à un état de non-droit : chaque pays a édicté un ensemble plus ou moins cohérent de règles visant à protéger les travailleurs des abus passés. Les deux pays insistent, par exemple, sur l’observation des normes d’hygiène et de sécurité, appliquent strictement le plafond horaire et reconnaissent le droit à une rémunération. Ce sont là les seules prescriptions qu’ils partagent. En France, le travail des détenus n’est plus obligatoire depuis l’entrée en vigueur de la loi de 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire. L’Allemagne n’a pas emboîté le pas et ne le fera pas dans un futur immédiat [11]. Quant à la hauteur de la rémunération, à l’assurance accident et à la couverture sociale, les différences nationales sont également considérables.

Le niveau de rémunération

29L’avant-projet de loi pénitentiaire allemande de 1976 proposait une rémunération correspondant à 40% du salaire moyen des ouvriers et employés inscrits au régime de retraite, compte tenu de la productivité réduite de la main-d’œuvre pénale. Cette rémunération aurait permis aux travailleurs de subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs proches, d’accumuler un pécule de sortie et de combler d’éventuelles dettes. Contestée par les Länder comme ruineuse, la rémunération fut réduite de 40% à 5%, la loi imposant néanmoins l’obligation d’améliorer ce taux au plus tard en 1980 (§200 (2)ancien, StVollzG). Les Länder convinrent d’une augmentation seulement sous la pression d’une décision de la Cour constitutionnelle prise en 1998 (BverfGE 98,169). La Cour statuait que 5% d’un salaire moyen était insuffisant pour démontrer aux travailleurs la valeur du travail et qu’elle amputait ainsi l’activité rémunérée de sa mission constitutionnelle de réinsertion. Le compromis, conclu en décembre 2000, est loin des 40%, mais représente néanmoins une augmentation de 80%: de 5% à 9% de la valeur de base [12] (§200 nouveau, StVollzG).

30En France, les détenus doivent se contenter de 41% à 44% du minimum horaire de 6,67 € (Loridant, 2002,25-26).

Tableau I:

Rémunération moyenne hebdomadaire (établissements pour peine).

Tableau I:
Tableau I: Rémunération moyenne hebdomadaire (établissements pour peine). France Allemagne Ateliers 115 € 60 € Service général 40 € 40 € Charges ouvrières 12,5% 3,2% Frais d’entretien Aucun Prévus par la loi mais appliqués seulement aux cas particuliers Ces chiffres donnent des valeurs moyennes et ne tiennent pas compte des fluctuations qui peuvent exister dans les ateliers payés à la pièce.

Rémunération moyenne hebdomadaire (établissements pour peine).

Les protections sociales

31C’est sous le rapport des protections sociales que se rapprochent le plus les statuts de travailleur libre et de travailleur pénitentiaire. La France a, dès 1946, élargi le champ d’application aux détenus, de la couverture des accidents du travail à l’extension des assurances maladie et maternité, accordées aux ayants droit des travailleurs par la loi du 18 janvier 1994 [13]. La loi pénitentiaire allemande entrée en vigueur au 1er janvier 1977 prévoyait l’octroi des mêmes protections dont bénéficiaient les salariés libres, mais presque trente ans plus tard, les élus piétinent encore sur la mise en place du régime de retraite et de l’assurancemaladie (§ 193 StVollzG).

Tableau II:

Protections spécifiques aux travailleurs

Tableau II:
Tableau II: Protections spécifiques aux travailleurs France Allemagne Assurance accidents Oui , sans paiement Oui, paiement et maladies de travail des indemnités journalières des indemnités journalières Régime de retraite Oui Non Assurance veuvage Oui Non Assurance chômage Non Oui

Protections spécifiques aux travailleurs

32Les détenus allemands ont droit à des indemnités journalières en cas d’accident de travail et ils reçoivent une petite allocation s’ils sont exclus du travail en raison de leur âge ou de leur état de santé ainsi que pour des déclassements temporaires sans faute (§ 45 et 46 StVollzG). De plus, ils bénéficient de trois semaines de « congés » payés pour chaque année de travail (§ 42 StVollzG) et de six jours supplémentaires comme supplément de rémunération. La France n’accorde ni allocation minimale ni indemnités.

33Résumons l’étendue de la normalisation du travail : l’organisation matérielle du travail, le champ qui a été normalisé en premier, est l’élément le plus proche du monde extérieur. Quant aux droits et protections liés au contrat de travail, la majeure partie des protections sociales a été étendue aux détenus à partir des années 1970. Les deux pays reconnaissent le droit à une rémunération (non normalisée) et respectent les règles d’hygiène et de sécurité. Dans tous les autres domaines (statut juridique, éventail et qualité des emplois) la position des détenus est encore loin de celle des salariés libres.

Les limites au rapprochement du pénitentiaire et du non-pénitentiaire

34Comment expliquer une normalisation si minimale qu’un des doyens du droit pénitentiaire allemand, Alexander Böhm, s’exclame que si le principe de rapprochement n’existait pas, peu de choses seraient différentes dans la routine quotidienne de la prison ? (cité in Lesting, 1988,79).

Les limites inhérentes aux « missions de contrôle et de sécurité »

35Les limites inhérentes aux « missions de contrôle et de sécurité » sont-elles responsables de ces maigres résultats ? En soi, elles imposent peu de limites impératives à la normalisation du travail. La preuve en est donnée par les ateliers d’une filiale de Daimler-Chrysler établie depuis de nombreuses années à une des prisons les plus sécuritaires d’Allemagne. Les ateliers fonctionnent avec deux équipes, en horaire continu de 5 h du matin à 7 h du soir. Les déplacements des travailleurs aux ateliers s’effectuent hors des heures régulières. Ceci nécessite des équipes supplémentaires de surveillants et complique la distribution des repas. Ces inconvénients, inacceptables dans d’autres établissements, ne semblent pas poser de problèmes particuliers. Les ateliers se rapprochent des standards courants en matière de productivité, formation et équipement. Ils offrent une rémunération améliorée et une convention individuelle pour pallier l’absence de contrat de travail. Dans les studios de son d’une maison centrale parisienne une dizaine de détenus travaillent avec un minimum de surveillance; ils organisent leur propre travail, choisissent leur chef d’équipe sur une base rotative et bénéficient de conditions proches de celles offertes par un contrat de travail : congés payés, droit à la formation continue, indemnités journalières en cas de maladie, rémunération convenable [14].

36Si un tel degré de normalisation du travail est possible dans deux maisons centrales, les « impératifs d’ordre et de sécurité » doivent donc être réévalués. Ce sont d’autres obstacles « inhérents à la détention » qui bloquent la normalisation : budgets restreints, rigidités syndicales, équipement daté ou locaux inadaptés. Citons aussi le « pragmatisme » des chefs d’établissements (Loridant, 2002,49), qui se contentent de l’aspect occupationnel du travail sans investir l’effort nécessaire pour recruter des concessionnaires prêts à offrir des emplois valorisants. La normalisation se heurte au désintérêt, voire à l’opposition des élus et au refus des juges de veiller à sa mise en place. Dans son étude sur la normalisation, Lesting examine 57 décisions prises par la Chambre d’exécution des peines (Strafvollstreckungskammern und – Senate) ayant explicitement trait à la normalisation dans vingt-quatre juridictions criminelles allemandes . Calculées sur une base annuelle, seulement 2% des décisions se réfèrent au principe de normalisation (Lesting, 1988,81), pourtant applicable à nombre de domaines. Par ailleurs, les juges tendent à légitimer les pratiques non normalisées de l’administration au moyen de justifications vagues telles que « la nature de l’exécution des peines » ou « la particularité de la situation d’enfermement » (Lesting, 1988,84). Loin d’assumer leur rôle de faire évoluer des pratiques insatisfaisantes, les juges les ancrent encore plus solidement [15]. Herzog-Evans (2002,38) constate le même phénomène en France, où la situation semble néanmoins évoluer dans un sens plus positif (Péchillon, HerzogEvans, 2003).

37Si les limites imposées par les impératifs d’ordre et de sécurité paraissent arbitraires (exception faite de quelques droits collectifs tel que celui de grève), il existe néanmoins un autre impératif qui, quoique rarement ouvertement évoqué, paralyse le progrès de la normalisation. C’est le principe de la moindre éligibilité ( less eligibility), qui est à la source de la majorité des justifications avancées sur le fondement des limites inhérentes à la détention. Des raisons d’équité, telles qu’un souci de faire accéder aux emplois productifs des détenus difficilement employables, peuvent également freiner une assimilation complète du niveau extérieur. Ce sont ces résistances à la normalisation qu’il faut à présent examiner.

Le principe des mesures compensatoires ou de « contre-action »

38L’obligation du service pénitentiaire de réduire autant que possible les conséquences négatives de la détention est reconnue dans chacun des deux pays. La loi pénitentiaire allemande la formule très catégoriquement : Les effets néfastes de la détention sont à contre-carrer (§ 3, al. 2 StVollzG). Appliqué au travail, ce principe de « contre-action » (Gegensteuerungsprinzip) nous confronte à un troisième paradoxe :

39

La normalisation a pour fonction principale de faciliter la réinsertion et d’humaniser la vie en détention. Or, dans le cas du travail, l’alignement sur les exigences extérieures peut produire l’effet contraire.

40La normalisation, comprise au sens large de rapprochement des conditions de vie extérieure et du droit commun, est en règle générale le meilleur remède pour pallier les préjudices de l’incarcération. Sa visée égalitaire s’avère pourtant mal ajustée aux besoins de certains groupes de la population pénale. Si la création d’ateliers efficaces et compétitifs vaut pour les détenus capables d’en suivre le rythme, elle reste toutefois une solution inadaptée pour le nombre croissant de ceux qui n’ont pas les capacités nécessaires pour s’intégrer dans un processus économique normalisé. Dès 1977, la loi pénitentiaire allemande (§ 37 (5)) prévoyait la création d’ateliers thérapeutiques. En France, le sénateur Loridant a proposé la création obligatoire d’ateliers d’insertion (Loridant, 2003,81). Malheureusement, ni l’une ni l’autre solution n’ont porté les fruits espérés : le nombre de places dans les ateliers thérapeutiques reste symbolique et la réalisation des ateliers d’insertion se fait attendre.

41Le chômage élevé en prison pourrait justifier des mesures contraires aux pratiques commerciales normalisées. Seulement 46,5% des détenus en France et 53,6% en Allemagne travaillent ou sont en formation [16]. Il est vrai que ces chiffres ne tiennent pas compte du nombre de détenus inscrits en centre scolaire ou en thérapie, ni des détenus retraités ou exempts du travail pour des raisons de santé. Le nombre de détenus désireux de travailler mais pour lesquels il n’existe aucune ouverture reste néanmoins très élevé, même en maison centrale ou en centre de détention [17]. Les conséquences du chômage en prison sont considérables. Puisque la plupart des inactifs ne reçoivent pas de mandats extérieurs, ils se voient confrontés à deux alternatives : renoncer au confort minimal, accessible par l’argent, ou bien y accéder par des activités illicites ou dégradantes. Ni l’une, ni l’autre de ces alternatives ne paraît souhaitable. L’Allemagne tient compte de ce dilemme en accordant aux chômeurs une petite somme d’argent de poche. Mais les effets néfastes ne résident pas uniquement dans l’aspect financier. L’enfermement cellulaire prolongé, qui est le lot habituel des sans-emploi, mène presque inévitablement à une dégradation de l’état psychologique ou physique des détenus. Dans le meilleur des cas, il ne contribue pas à favoriser la réinsertion.

42Face à la difficulté de créer de nouveaux emplois pour occuper une population carcérale toujours croissante, les régies ont tendance à opter pour un équipement simple, qui est opéré par deux ou trois fois le nombre de travailleurs qui seraient requis pour des machines plus performantes. C’est une solution discutable qui crée des emplois ni rentables ni aptes à préparer les travailleurs aux exigences techniques du marché libre. Snacken (2002,147) préconise alors l’introduction de journées de travail plus courtes. Deux détenus pourraient se partager un emploi et compléter les heures restantes par des activités socioculturelles ou éducatives. Cette proposition est toutefois peu populaire dans les administrations locales, en particulier en Allemagne, où la cotisation à l’assurance chômage [18] se verrait doublée, puisqu’elle est la même qu’un détenu travaille une heure ou sept heures.

43Un dernier aspect est la qualité des emplois offerts. En prison, l’écrasante majorité des tâches est banale, répétitive et non gratifiante. Certes, le monde du travail libre n’abonde pas en emplois intéressants. L’argument que les détenus ne trouveraient pas mieux hors les murs ne peut donc pas être entièrement rejeté. Mais il passe à côté de la réalité carcérale et cela pour trois raisons. Premièrement, l’excès d’emplois déqualifiés ne correspond pas au profil de la population détenue. Si bon nombre n’ont jamais obtenu un diplôme certifiant leurs aptitudes, beaucoup d’entre eux sont capables d’exécuter des tâches qualifiées. Rappelons qu’en France un tiers des incarcérés a acquis le brevet des collèges (INSEE, 2002). Deuxièmement, les conséquences d’un travail abrutissant sont plus graves en prison qu’à l’extérieur où les loisirs peuvent offrir des compensations, alors que le « temps libre » à l’intérieur des murs n’est pas nécessairement conçu pour l’épanouissement des détenus. Enfin, la mission de réinsertion veut que les prisonniers deviennent plus employables. Sachant que bon nombre de détenus n’ont jamais connu l’expérience d’un travail enrichissant, comment les convaincre de la valeur du travail sans leur donner la possibilité d’en faire l’expérience ?

44L’imposition à chaque établissement d’un taux d’emplois proprement qualifiés impliquerait en France une plus grande présence de la régie dans tous les établissements et une sélection plus attentive des concessionnaires. L’Allemagne affiche déjà un taux assez satisfaisant d’emplois qualifiés, mais dans des domaines qui restent traditionnels, peu sollicités par les détenus. Pour l’instant, les mesures compensatoires réalisées dans ce domaine restent tout aussi symboliques que celles en faveur des ateliers thérapeutiques ou de la lutte contre le chômage.

Les limites imposées par le principe de less eligibility ou de « moindre éligibilité »

45Les restrictions imposées à la normalisation par les dispositifs de compensation sont toujours motivées par le souci de favoriser la réintégration des détenus. On ne peut en dire autant du deuxième principe, dit de « moindre éligibilité », mieux connu sous son nom anglais de « less eligibility ». Il se fonde sur l’ancienne conviction qu’une peine de prison ne peut être dissuasive que si les conditions de vie y sont moins attrayantes que celles que l’on trouve dans la couche la plus défavorisée de la population. Son évolution conceptuelle est intéressante et mérite un bref détour.

46La première formulation de ce principe se trouve dans le Poor Law Amendment Act anglais de 1834 [19], conçu pour freiner le nombre croissant de demandeurs d’assistance. En abaissant le confort des maisons pour pauvres à un niveau tel que seuls les indigents les plus désespérés y feraient appel, on espérait forcer les plus valides à gagner leur vie par leurs propres moyens. Mais le principe est beaucoup plus ancien et se retrouve dans tout système d’assistance ou de punition, des galères jusqu’aux prisons modernes. Ses critiques ont été nombreux, parmi lesquels les fondateurs de la Fabian Society, Sidney et Beatrice Webb qui, dans leur étude publiée en 1922, Prisons anglaises et gouvernement local, appliquent la maxime pour la première fois explicitement au régime pénitentiaire. Dans la préface, leur ami Bernard Shaw fait ce commentaire :

47

Quand nous considérons la partie la plus pauvre, la plus opprimée de notre population, nous trouvons que ses conditions d’existence sont si misérables qu’il serait impossible d’administrer une prison avec humanité sans rendre le sort du criminel plus acceptable ( eligible ) que celui de maints citoyens libres. Si la misère humaine n’est pas plus profonde dans la prison que dans le taudis, le taudis se videra et la prison se remplira (cité in Rusche, 1933,67, traduit par Lévy, Zander, 1994,102-103).

48Cette proposition affirme que ce sont les couches les plus pauvres de la société qui risquent le plus d’enfreindre la loi et qu’elles ne sauraient être dissuadées que par la menace de conditions plus misérables que celles qui les ont poussées vers la délinquance. Appliquée sérieusement, la less eligibility rend ainsi la prison inhumaine.

49Onze ans plus tard, l’Allemand Georg Rusche, membre de l’Institut für Sozialforschung de Francfort, reprend cette thématique dans son essai, Marché du travail et régime des peines. Lévy et Zander, dans leur excellente introduction à Peine et Structure Sociale[20], signalent que Rusche fut le premier à fournir une définition concrète de « la plus basse couche prolétarienne socialement importante » qui n’était plus constituée dans l’Allemagne des années 1930 des pauvres en général qu’était la masse des ouvriers au chômage, mais au contraire des sans travail exclus des droits sociaux et a fortiori de ceux qui étaient passés à travers les mailles du filet de la sécurité sociale. De nos jours, ce sont les sans papiers, les sans domicile fixe, les marginaux, qui ne figurent même pas dans les statistiques de l’aide sociale. L’étude de Hammerschick, Pilgram et Riesenfelder (1997,155-187) sur le parcours professionnel des incarcérés autrichiens révèle que 50% des détenus de leur échantillon se trouvaient totalement à l’extérieur de tout réseau social l’année précédant leur arrestation.

50Rusche précise ainsi la notion de less eligibility, mais il la relativise en même temps. Pour lui, ce n’est pas une constante universelle, mais un phénomène qui surgit lors d’une crise économique, quand l’équilibre du marché du travail est déstabilisé par l’afflux de masses à la recherche d’emploi et quand la misère fait augmenter le taux de délinquance. En temps normal, la dégradation, l’absurdité des travaux à accomplir, la discipline carcérale et son ordre imposé, l’impossibilité de toute activité sexuelle normale, outre l’hostilité du personnel des établissements pénitentiaires surchargé de travail, en un mot la privation de liberté semble avoir… un effet suffisant (Rusche, Kirchheimer, 1994,113).

51Le criminologue Hermann Mannheim, familier des écrits de Rusche (Lévy, Zander, 1994,63), ne semble pas partager cette évaluation nuancée. Son ouvrage, The Dilemma of Penal Reform, publié en 1939, constate l’omniprésence de l’argument de less eligibility qu’il tient pour responsable des lenteurs de la réforme pénale. En même temps, il modifie le débat en mettant en jeu une variante de less eligibility, la « non-supériorité », c’est-à-dire l’exigence que la situation du criminel purgeant sa peine ne soit en aucun cas meilleure que celle des plus basses classes de la population non délinquante (1939,57, cité et traduit par Lévy, Zander, 1994,64) [21].

52Quel rôle doit-on accorder au principe de less eligibility ou de « non-supériorité » en tant que frein de la normalisation du travail pénitentiaire au début du XXIe siècle ? La réponse n’est pas évidente. D’abord, les notions de less eligibility ou de « non-supériorité » ne sont pas des constantes universelles . Les conditions de travail, même dans les pires ateliers de concession, ne sont pas inférieures à celles rencontrées dans beaucoup d’usines extérieures. Elles sont, au contraire, souvent meilleures. Les heures effectivement travaillées sont moindres, les cadences ne sont pas excessives et les règles d’hygiène et de sécurité sont généralement observées. Cela vaut aussi pour la façon dont les travailleurs sont traités. « L’hostilité du personnel », mentionnée par Rusche, est l’exception et non la règle si nous en croyons les détenus que nous avons interviewés.

53Les effets nuisibles du principe sont cependant tangibles dans plusieurs domaines. L’aspect le plus notable est le statut juridique du détenu semblable à celui des travailleurs clandestins, la plus basse classe sociale que définit Rusche. Quant à la rémunération, quel homme libre serait-il prêt à travailler pour 44% du salaire minimum garanti – moins encore en Allemagne – même logé et nourri ? En prison, un taux de chômage de 20 ou 30% est accepté comme une fatalité. On déplore les tâches répétitives et abrutissantes mais on ajoute : « les ouvriers honnêtes n’ont pas mieux. »

54Ce sont précisément ces raisons émotionnelles qui permettent à la less eligibility de freiner le procès de normalisation. Feest (1999,100-101) mentionne la justice sociale évoquée aux Pays-Bas pour légitimer le retour à l’encellulement à deux ou trois. Puisque les pensionnaires dans les maisons de retraite doivent partager une chambre, il n’est pas juste que les détenus disposent d’une cellule individuelle. Prenons encore l’exemple du statut juridique des travailleurs. Pourquoi les détenus sont-ils exclus d’une partie des protections sociales ? La motivation doit être autre que la dissuasion puisque la situation d’emploi précaire d’une grande partie de la « population à risque » l’exclut même plus radicalement du réseau de la sécurité sociale. En effet, la vraie raison est strictement économique et liée au désir de ne pas gaspiller les ressources limitées pour des personnes « qui ne le méritent pas ». Le préjudice ainsi créé est compris comme « inhérent à la peine ».

55La même ambivalence de motivation se retrouve ailleurs. On ferme les yeux si les normes de sécurité ne sont pas observées, on ne fait rien pour combattre le chômage en prison et on signe des contrats peu satisfaisants avec des concessionnaires. Ce n’est pas qu’on veuille dissuader la population à risque ou aggraver la peine. C’est parce que les détenus ne sont pas considérés comme dignes (eligible) de l’effort nécessaire. En ce sens, l’opinion d’Hermann Mannheim pour qui ce sont les conséquences, même diluées, du principe de less eligibility qui bloquent effectivement les meilleurs projets de réforme, n’a rien perdu de sa pertinence.

Conclusion

56Le travail des détenus est présenté comme l’aspect le plus normalisé de la prison. Même les travailleurs partagent cette évaluation en affirmant qu’ils sont traités, en atelier, à peu près comme des ouvriers libres et que c’est le seul endroit où ils peuvent presque oublier qu’ils sont en prison. À l’examen, il faut néanmoins remettre en cause l’idée selon laquelle le rapprochement du mode de production extérieur permet de parler d’un travail normalisé. L’harmonisation du travail extra et intra muros devrait servir en premier lieu à la réinsertion des détenus. Or, les conditions de félicité de cette réinsertion ne tiennent pas seulement à la création d’ateliers qui fonctionneraient plus ou moins comme ceux de l’extérieur. La réinsertion exige en effet plus qu’une simple accoutumance à un travail régulier et soutenu, et nécessite un nombre suffisant d’emplois et des salaires convenables, des emplois modernes demandés à l’extérieur et la reconnaissance du détenu dans sa qualité de travailleur doté d’un statut juridique propre, aligné sur le droit commun. Or, l’examen des situations allemande et française montre que tout ce volet de la normalisation stagne. Les contraintes inhérentes à la détention et surtout le principe de less eligibility forment les raisons principales de ce blocage. La conjoncture actuelle et les effets du transfert des emplois potentiels dans des pays en voie de développement ont, à leur tour, freiné la normalisation. Or, paradoxalement, la nécessité économique pourrait devenir de nouveau le moteur qui la fera avancer. Le travail des détenus représente la seule source de revenu supplémentaire qui permette d’arrondir un budget pénitentiaire défaillant. Quoi de plus naturel que d’essayer d’en exploiter les possibilités ? Quelques Länder allemands, tel que le Bade-Wurtemberg ou la Basse Saxe, ont déjà créé des organisations centralisées du travail carcéral (Landesbetrieb vollzugliches Arbeitswesen) qui insistent sur une gestion proprement commerciale et normalisée. Les recommandations du Rapport Loridant (2002) pour la France vont dans le même sens. Elles préconisent une réorientation vers une production à haute valeur ajoutée. Elles soulignent l’importance d’impliquer les travailleurs dans les décisions organisationnelles et d’accroître leurs responsabilités dans le but d’une plus grande efficacité productive. Elles prônent le rapprochement avec le droit commun sous forme de contrat de travail. Des ateliers progressifs en France comme en Allemagne fournissent déjà la preuve que la productivité des hommes qui travaillent sous des conditions rapprochées d’un vrai contrat de travail est accrue. Leur extension pourrait marquer une nouvelle étape dans la normalisation des emplois pénitentiaires.

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Mots-clés éditeurs : DROIT DU TRAVAIL, TRAVAIL PÉNITENTIAIRE, STATUT JURIDIQUE DU DÉTENU, NORMALISATION, PRINCIPE DE LA MOINDRE ÉLIGIBILITÉ

https://doi.org/10.3917/ds.293.0349

Notes

  • [*]
    CESDIP (CNRS).
  • [1]
    Un détenu est « classé » lorsque sa demande d’emploi (« classement ») a été acceptée par l’établissement pénitentiaire.
  • [2]
    Cette étude sur la normalisation du travail fait partie d’une recherche plus vaste sur le travail pénitentiaire en France, en Allemagne et en Angleterre dans le cadre d’une thèse en droit criminel comparé, soumise en novembre 2004 (Faculté de droit, Université Robert Schuman, Strasbourg). La recherche comprenait deux volets, un volet théorique qui permettait de comparer l’encadrement juridique du travail pénitentiaire et un volet empirique qui avait pour but d’étudier la mise en œuvre du travail dans trois établissements pour longues peines (i.e. supérieures à un an) dans chacun des trois pays. Dans le but de brosser un tableau aussi précis que possible, nous avons utilisé tous les outils de recherche à notre disposition. Nous avons distribué un questionnaire (rédigé en français, en allemand et en anglais) à environ 20% des détenus ayant obtenu un emploi afin de connaître leur travail et leur espoir de réinsertion. Nous avons mené des entretiens semi-directifs dans chaque établissement avec cinq détenus au travail et cinq qui ne travaillaient pas. Ces entretiens ont permis une analyse plus qualitative des soucis et des souhaits des travailleurs et des chômeurs. Nous avons également profité de discussions informelles avec des personnes qui sont en contact quotidien avec le travail ou la formation. Enfin, nous avons observé les différents ateliers et les autres lieux de travail. Nous avons donc pu dresser un état de lieu du travail dans les neuf établissements. L’analyse des questionnaires et des entretiens a rendu possible une meilleure compréhension de la position des détenus. Les données recueillies nous ont également permis de comparer les aspects clé de l’organisation du travail et de la formation à la lumière de pratiques observées dans les trois pays.
  • [3]
    Goffman E., dans son étude, Asylums, caractérise comme institution totalitaire toute organisation, telle que monastère, asile ou prison, où : 1. Tous les aspects de la vie quotidienne se déroulent au même endroit et sont strictement réglementés. 2. Les membres perdent leur identité sociale antérieure pour en acquérir une nouvelle, celle de délinquant, fou, etc. 3. Cette transformation identitaire est accompagnée et accomplie par un système d’humiliations et renforcée par un régime infantilisant, qui ne permet aucune prise de responsabilité pour soi-même ou pour ses proches. 4. Tout est défendu qui n’est pas explicitement permis. 5. Le droit est remplacé par un système de privilèges et de punitions.
  • [4]
    Le paragraphe 4 (2) StVollzG l’exprime par le biais du principe de la sauvegarde des droits antérieurs. Pour la France, on se souviendra du discours mémorable du Président de la République, Valérie Giscard d’Estaing, le 25 juillet 1974 dans une prison lyonnaise, où il se prononça en ces termes : La peine, c’est la détention et donc ce n’est pas plus que la détention (Pradel, 1993,234).
  • [5]
    Cité dans Perrot, 1980,281.
  • [6]
    En 2002, la Régie française affichait un petit bénéfice de 175 500 €, mais ce chiffre ne tient pas compte d’une subvention déguisée de 4 000 000 € pour les salaires d’encadrement (Loridant, 2003,20). En Allemagne, la situation varie d’un Land à l’autre. La Bavière et la Basse Saxe affirment que le travail des détenus est rentable tandis que la Hesse admet une perte de 3 658 327 € pour 2001 (Justizministerium Wiesbaden).
  • [7]
    Dans le même sens : Dünkel, 1999,98.
  • [8]
    Ce principe affirme que le détenu conserve tous ses droits antérieurs, que l’on ne peut limiter que par des restrictions strictement et évidemment nécessaires (Giudicelli-Delage, Massé, 1993,21).
  • [9]
    L’exclusion est explicite en France (art. 720, al. 3 du Code de procédure pénale) et implicite en Allemagne où l’obligation du travail, avec ses sanctions inhérentes, rend impossible le libre consentement du détenu.
  • [10]
    En France, le contrat de concession peut, en principe, contenir une clause obligeant le concessionnaire à verser une indemnisation de chômage partiel, mais nous n’avons pas rencontré une seule situation où ce fut le cas. Si l’interruption est brève, la redevance des détenus allemands est maintenue aux frais de l’établissement.
  • [11]
    L’Espagne et le Danemark ont remplacé l’obligation du travail par l’obligation d’avoir une activité. L’avantprojet de loi pénitentiaire belge propose, à l’instar de la France, l’abolition de l’obligation légale de travailler (Snacken, 2002,146), mais tous les autres pays européens la conservent.
  • [12]
    En 2002, la valeur de base, soit le salaire moyen des travailleurs libres assurés par le Régime fédéral de retraite, était de 28 140 €. Le salaire moyen brut des travailleurs détenus (9% de cette somme) se chiffra à 2532,60 € par an ou à 10,13 € par jour.
  • [13]
    Pour plus de détails sur les protections sociales en prison en France voir : Zakine, 1982,267-282; Danti-Juan, 1993,106-111.
  • [14]
    Citons enfin le projet « Hamburger Modell », où des établissements semi-ouverts ont expérimenté dès 1991 un système de « placements à l’extérieur à l’intérieur », les détenus travaillant sous les mêmes conditions que les salariés libres dans trois ateliers concessionnaires. Malgré les résultats encourageants, une seule entreprise participe encore au projet. Pour plus de détails : Hagemann, 1997,113-131; Lohmann, 2002,234-245.
  • [15]
    La recherche de Lesting datant de 1988, il est possible que l’on trouve en Allemagne désormais une plus grande ouverture des juges, mais à notre connaissance, aucune nouvelle enquête sur ce sujet n’a été menée.
  • [16]
    Les chiffres donnés pour la France sont pour 2000, ceux pour l’Allemagne pour 2001. Dans les deux cas, les taux sont encore plus bas aujourd’hui puisque les emplois pénitentiaires et les offres de formation n’ont pu suivre l’augmentation de la population détenue des dernières années.
  • [17]
    En 2001/2002, le taux de demandes non satisfaites dans les six établissements français et allemands de notre étude variait entre 7,7% et 40,9%, avec une moyenne de 19%.
  • [18]
    En Allemagne, les cotisations patronales et ouvrières pour l’assurance chômage sont défrayées par l’administration pénitentiaire.
  • [19]
    Act for the Amendment and better Administration of the Laws relating to the Poor in England and Wales (4 & 5 Will IV c.76).
  • [20]
    Peine et structure sociale (Punishment and Social Structure), l’œuvre principale de Rusche, fut publiée à la veille de la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis, non dans sa version originale mais dans une version revue et élargie par Otto Kirchheimer, lui-même membre de l’Institut für Sozialforschung.
  • [21]
    La variante de « non-supériorité » fut déjà évoquée par Jeremy Bentham, qui ne voyait nullement l’utilité de baisser les conditions du travail en prison en dessous des conditions misérables des ouvriers libres au début de la révolution industrielle (Sparks, 1996,77).
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