Notes
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[*]
Traduit de l’allemand par Valentine Meunier, revu par l’auteur.
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[**]
Zentrum für Umfragen, Methoden und Analysen (ZUMA), Abteilung Soziale Indikatoren, Mannheim.
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[1]
Les enquêtes nationales auprès des victimes, menées en France par l’INSEE depuis 1996, rassemblent des questions sur l’insécurité du sondé dans son quartier (peur au domicile) et sur sa peur de sortir seul le soir.
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[2]
Il existe désormais de nombreux travaux méthodologiques portant sur la construction de la peur du crime, et notamment sur les questions de validité et de fiabilité. Voir Ferraro, La Grange (1987); Farrall et al. (1997); Reuband, Rastampour (1999); Kreuter (2002); Kury, Obergfell-Fuchs (2003); Obergfell-Fuchs J. et al. (2003).
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[3]
Voir initialement Furstenberg (1971).
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[4]
Voir par exemple les résultats de la Victim Survey 1997 (Heinz et al., manuscrit non publié).
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[5]
Robert, Pottier (1997) élargissent ce concept en ajoutant une dimension supplémentaire, la xénophobie, à la punitivité et à la préoccupation à l’égard de la criminalité.
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[6]
Dans la Victim Survey 1997 de Constance (enquête nationale de victimation), des analyses factorielles divisent ainsi les items de la perception individuelle de la criminalité en dimensions émotionnelles, cognitives et conatives (Heinz et al., manuscrit non publié).
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[7]
Des aspects partiels du modèle ont déjà fait l’objet de recherches empiriques : sur le lien entre évaluation des facultés de coping et peur individuelle du crime, voir Boers, Kurz (2001). Sur le lien entre milieu social et peur du crime, voir également Boers, Kurz (2001), 136-142. Sur le lien entre médias et attitude à l’égard de la criminalité, voir Lamnek (1990); Liska, Baccaglini (1990).
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[8]
Les sondages d’opinion à l’échelle fédérale s’étant jusqu’à maintenant peu intéressés aux aspects conatifs, il nous est impossible dans ce qui suit d’aborder les comportements de protection et d’évitement.
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[9]
Parmi les instituts qui ont rassemblé dans les années 1970 des données sur l’attitude à l’égard de la criminalité en Allemagne, il faut mentionner l’Institut für praxisorientierte Sozialforschung (IPOS), l’Infratest für Sozialforschung (Wohlfahrtssurvey) et l’Institut für Demoskopie d’Allensbach.
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[10]
L’analyse des données secondaires intègre : l’ALLBUS, les données de l’Institut für Demoskopie d’Allensbach, de la Wohlfahrtssurvey, le sondage R + V ainsi que le panel socio-économique. Pour plus de détails, voir Dittmann (2005).
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[11]
Depuis 1994, le SOEP mène une enquête annuelle auprès des mêmes foyers, personnes et familles. Au sein d’un faisceau de questions portant sur d’autres problèmes sociaux, il recueille un item sur les préoccupations en matière de criminalité. En 2003, plus de 13200 personnes ont été interrogées.
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[12]
Sur les évolutions actuelles de la perception de la criminalité en France, voir Robert, Pottier (2004).
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[13]
Les chiffres et figures sont tirés de : http ://europa.eu.int/comm/public_opinion/archives/ebs/ebs_181_en.pdf
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[14]
Une analyse des données du SOEP montre pourtant que les transformations des conditions matérielles et sociales d’existence ne se traduisent pas par une transformation profonde des préoccupations des citoyens en matière de criminalité. Voir Dittmann (2005).
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[15]
Dans cette optique par exemple : Hindelang et al. (1978); Friedberg (1983); Kury et al. (1992).
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[16]
À l’inverse, il peut y avoir un lien entre taux de victimation ou de criminalité et taux de peur, bien qu’au niveau macro les deux indices semblent, à première vue, évoluer indépendamment l’un de l’autre.
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[17]
Sur l’évolution actuelle des taux de criminalité non déclarée, voir Dittmann (2005) pour l’Allemagne, Lagrange (2003); Lagrange et al. (2004) pour la France.
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[18]
Seules les personnes qui ont été victimes d’un crime grave (crimes violents et sexuels) ont un niveau de peur nettement plus élevé que les personnes (tout au moins celles interrogées durant la période de référence) qui n’ont pas été victimes de crimes graves (Heinz et al., manuscrit non publié).
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[19]
D’après les chiffres de l’European Sourcebook of Crime and Criminal Justice Statistics, la police allemande enregistre pour l’année 2000,464 agressions physiques (assault), 72 vols aggravés, 3626 vols et 564 cambriolages pour 100 000 résidents, alors que les statistiques policières françaises recensent, pour la même année et toujours pour 100000 habitants, 180 agressions physiques, 186 vols aggravés, 3722 vols et 629 cambriolages.
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[20]
Ils ont analysé en outre les pages du programme télévisé du quotidien allemand Bild, en étudiant chaque fois la deuxième semaine d’octobre des années 1985,1995 et 2004.
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[21]
Sur l’évolution temporelle des informations relatives aux violences sexuelles commises sur des enfants dans les médias et les statistiques officielles, voir Rüther (1998).
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[22]
Selon le baromètre Figaro-Sofrès, plus de 60% des Français interrogés considéraient que la lutte contre la violence était la priorité numéro un de l’État, alors que, dans les mois qui ont suivi les élections, seuls 40% étaient encore du même avis. Il est probable que la forte croissance de l’importance accordée à la lutte contre la violence résulte pour partie également des attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis.
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[23]
Le lien entre Incivilities et perception de la criminalité a été formulé initialement par Hunter (1978). Mais ce sont surtout les recherches de Lewis et Salem (1986), ainsi que les travaux de Wilson et Kelling (1982), qui ont influencé les débats. Sur cette question, voir Hohage (2004).
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[24]
Le premier rapport périodique de sécurité du gouvernement fédéral chiffre ainsi en 1999/2000 le nombre des Comités communaux de prévention à 1667 pour l’ensemble de l’Allemagne (Premier PSB, 2001, Tableau 4-1,470). D’après des estimations du Deutsches Forum für Kriminalprävention (Forum allemand pour la prévention criminelle), ce nombre est en augmentation depuis ces dernières années.
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[25]
En France, les communes et l’État s’efforcent d’intégrer plus étroitement les citoyens dans les processus locaux de décision en matière de prévention criminelle, notamment par le biais de mouvements citoyens, comme l’organisation « Habitat et Vie Sociale » qui existe depuis 1971, des formes de justice de proximité et de police de proximité créées dans les années 1990, ainsi que par le biais de programmes de prévention des Conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD).
Introduction
1Les enquêtes continues sur les perceptions de la criminalité sont rares, en France comme en Allemagne. Certes la France, par le biais de l’INSEE, réalise depuis 1996 des enquêtes annuelles auprès des victimes [1]. Mais il n’existe ni en Allemagne ni en France de Victim Survey qui, outre les victimations examine en détail les aspects concernant la peur du crime, sur une longue période, avec un même répertoire reconduit d’année en année. Pour se faire une idée plus précise des évolutions de long terme, on peut recourir aux sondages généraux d’opinion. En outre, les statistiques périodiques de l’Eurobaromètre permettent, au moins depuis 1996, d’effectuer une comparaison directe entre les divers pays de l’Union européenne. Avant de présenter les résultats de sondages, nous allons commencer par évoquer l’état de la recherche en matière de mesure et de conceptualisation de la peur du crime.
Définition de la peur du crime
2Que faut-il entendre par peur du crime ? Après plus de trois décennies de travail scientifique intense autour de ce thème, la question est loin d’être élucidée. Il est notamment impossible, aujourd’hui encore, de déterminer si la peur du crime doit être tenue pour un domaine de représentation spécifique et pérenne, ou si elle ne fait que dissimuler des peurs diffuses, d’autre nature [2].
3De plus en plus, la recherche internationale réduit la peur du crime aux perceptions individuelles de la criminalité. S’appuyant partiellement sur des théories socio-psycholo-giques, Kerner (1980), Schwind et al. (1989), puis Boers (1991) essentiellement, ont ainsi proposé en Allemagne une approche de la perception de la criminalité qui distingue les dimensions sociales des dimensions individuelles et, parmi ces dernières, distingue les aspects émotionnels, cognitifs et conatifs [3]. Ces concepts définissent la perception englobent d’une part les questions du désarroi personnel face à des événements criminels généraux ou spécifiques et, de l’autre, la dimension sociale de la criminalité.
4La peur du crime constitue en ce sens une réaction émotionnelle primaire à des actes criminels, perçus comme une menace personnelle. Il convient en outre de distinguer ici entre peur générale et peur spécifique de la criminalité. La dimension cognitive, elle, touche à l’évaluation du risque par rapport à la victimation, alors que le niveau conatif se concentre sur le comportement, en particulier sur le comportement d’évitement et de protection individuel. En ce qui concerne la perception individuelle de la criminalité, Boers considère que la peur du crime, fondée sur des émotions, est liée à deux processus cognitifs d’évaluation : l’évaluation d’une situation perçue comme dangereuse, et l’évaluation de ses propres capacités à surmonter une situation de ce type (coping). Les études empiriques ont montré à maintes reprises que les femmes et les personnes âgées se sentent plus vulnérables, estimant que leurs capacités à surmonter le danger sont faibles et redoutant alors plus fortement le crime, en particulier les délits violents (Sacco, Glackman, 1987; Pantazis, 2000). On pense que les expériences directes et indirectes de victimation, ainsi que la désorganisation de l’entourage social sont aussi des facteurs d’explication de la peur du crime et de l’évaluation d’un risque élevé [4]. Mais les médias contribuent aussi à instaurer l’idée d’une menace individuelle, en particulier lorsque la situation personnelle, locale ou spatiale du consommateur médiatique est concernée (Kuttschreuter, Wiegman, 1998).
5À la différence de la dimension individuelle, la dimension sociale de la perception de la criminalité se rapporte à différentes thématiques, notamment l’évaluation de la criminalité en tant que problème social, l’opinion relative à la sanction (punitivité) et la politique pénale [5]. Selon Boers, ces perceptions sont à leur tour influencées par le milieu social (statut socio-économique, style de vie, normes propres au milieu d’appartenance). En outre, on attribue aux médias une influence considérable sur les inquiétudes générales en matière de criminalité; en l’espèce (et contrairement à la menace individuelle), ce sont avant tout les informations criminelles suprarégionales qui façonnent l’opinion sur la dimension sociale de la criminalité. Il existe un lien avec la perception individuelle de la criminalité dans la mesure où le milieu social de la personne interrogée influence l’évaluation de la vulnérabilité sociale, psychique et physique, qui elle-même conduit à minorer ses propres capacités à surmonter les menaces criminelles personnelles (Boers, Kurz, 2001).
6La distinction entre dimension sociale et individuelle est certes plausible et la différenciation au sein de la dimension individuelle de la criminalité est empiriquement fondée [6]. Toutefois, le modèle n’a, jusqu’à maintenant, pas pu être testé dans sa globalité [7].
7Dans ce qui suit, nous conserverons la différenciation établie entre perception individuelle et perception sociale de la criminalité et nous procéderons à une étude longitudinale des deux dimensions : quels changements ont connu la peur du crime et les évaluations du risque, général comme spécifique, ainsi que l’opinion des citoyens sur la dimension sociale de la criminalité depuis les années 1970, début des enquêtes régulières en France et en Allemagne ? [8]
État de la recherche sur l’évolution de la perception de la criminalité en Allemagne
Résultats des sondages généraux d’opinion
8Les perceptions en matière de criminalité ont commencé à être étudiées en Allemagne et en France dans les années 1970, qui interrogeaient principalement leur dimension sociale. Les données, récoltées à intervalles irréguliers, montrent qu’en Allemagne la criminalité perd de son importance de 1970 jusqu’au milieu des années 1980, pour croître de nouveau depuis la fin des années 1980 [9]. Le fait que les valeurs mesurées au début des années 1990 dépassent même les valeurs initiales des années 1970, est certainement en partie dû au fait que, depuis 1990, les citoyens des nouveaux Länder se voient également interrogés. Or, dès les premières années de la réunification, ces derniers accordaient une plus grande importance à la criminalité que leurs compatriotes de l’Ouest. Toutefois, depuis le milieu des années 1990, la perception d’une menace criminelle sociale mais aussi individuelle n’est plus aussi forte, c’est-à-dire que non seulement l’inquiétude générale suscitée par l’évolution de la criminalité en Allemagne (figure 1) mais aussi la peur du crime et l’évaluation du risque d’être victime d’un acte criminel sont en nette régression [10]. De surcroît, plusieurs indicateurs montrent des variations dans l’importance accordée aux problèmes sociaux tels que le chômage, la guerre et la criminalité. Les données du panel socio-économique (SOEP) pour l’année 2003 indiquent ainsi que les préoccupations concernant la paix dans le monde et la situation économique surpassent pour la première fois l’inquiétude suscitée par la criminalité [11].
Évolution de l’inquiétude relative à la criminalité en Allemagne (1971 – 2003).
Évolution de l’inquiétude relative à la criminalité en Allemagne (1971 – 2003).
9En France, ces dernières années n’ont pas montré de reculs constants et analogues à ceux de l’Allemagne (figure 2). Lorsqu’on interroge sous une forme générale le sentiment d’insécurité lié à la criminalité (perception sociale de la criminalité), les enquêtes Agoramétrie révèlent que 60% des Français entre 1991 et 2000 ne se sentent pas en sécurité (« On ne se sent plus en sécurité »). Au milieu des années 1980 pourtant, on avait pu observer un recul de presque 20%. En 2001, le sentiment d’insécurité générale grimpe à plus de 70%; en 2002, le taux d’insécurité retrouve le niveau des années 1991 à 2000.
10Alors que depuis 1981, les enquêtes Agoramétrie offrent des données pratiquement exhaustives sur l’insécurité générale, les données sur les perceptions de la criminalité comparées à d’autres problèmes sociaux sont très incomplètes. Les statistiques périodiques les plus longues sont les données du baromètre SOFRES/Figaro. À quelques exceptions près, entre 10 et 20% des personnes interrogées entre 1981 et 1988 déclaraient que la criminalité constituait la mission sociale la plus impérieuse. Depuis 1998, le baromètre fournit à nouveau des données sur ce sujet et montre que les taux ont nettement augmenté entre la fin 1998 et le début 2002. Selon ce baromètre, la violence et la criminalité ont même supplanté le chômage en qualité de problème social numéro un (les sujets les plus préoccupants). Durant l’hiver 2002,60% des personnes interrogées considéraient que la lutte contre la violence criminelle était le problème le plus urgent qui se pose en France. De nouveaux sondages de 2002 et 2003 font cependant état d’une baisse significative des taux à 30%, le chômage revenant en force dans l’opinion publique.
Évolution du sentiment d’insécurité générale et de la peur d’être agressé dans la rue en
Évolution du sentiment d’insécurité générale et de la peur d’être agressé dans la rue en
11Quant au sentiment de menace personnelle, il croît continuellement, au moins jusqu’en 1997. Ainsi, la peur d’être agressé dans la rue, mesurée entre 1981 et 1997 par des enquêtes annuelles du Centre de recherche pour l’étude des conditions de vie (CREDOC), passe de 35% en 1981 à un peu plus de 60% en 1997. Les enquêtes nationales de ces dernières années ne permettent pas d’étudier de manière satisfaisante les modifications éventuelles de la peur du crime et de l’évaluation du risque personnel en France [12]. Sur ce point, il est cependant possible de recourir aux données Eurobaromètre.
Résultats de l’étude comparative internationale de l’Eurobaromètre
12L’étude Eurobaromètre commandée en 1996 par la Commission de l’Union européenne montre comment la perception des citoyens français et allemands diffère en matière de criminalité, et, de surcroît, comment ces derniers se rangent dans une perspective internationale.
13En ce qui concerne la dimension émotionnelle de la perception individuelle de la criminalité, la France et l’Allemagne se situent dans la moyenne de l’ensemble des pays de l’Union, tout au moins pour le sondage de l’année 2002. Si l’on interroge la peur générale du crime à l’aide de l’indicateur « seul le soir dans son quartier », 34% des Français et 35% des Allemands ont répondu en 2002 qu’ils se sentaient peu en sécurité ou pas du tout en sécurité (figure 3) [13].
Vous sentez-vous en sécurité le soir seul dans la rue dans votre quartier?
Vous sentez-vous en sécurité le soir seul dans la rue dans votre quartier?
14Les enquêtes de l’Eurobaromètre confirment les résultats des sondages nationaux sur l’évolution de la perception individuelle de la criminalité : la criminalité constitue de moins en moins une menace aux yeux des citoyens allemands, alors que la peur personnelle du crime a tendance à augmenter en France. À l’instar d’enquêtes nationales, les données de l’Eurobaromètre montrent que la baisse de la peur du crime en Allemagne s’observe particulièrement en Allemagne de l’Est.
15En matière de risque criminel, les Allemands et les Français évaluent très différemment leur risque de victimation dans l’Eurobaromètre 2002 (figure 4). 43% des Français partent du principe qu’ils peuvent être victimes d’un vol dans les 12 mois à venir, alors que seuls 14% des Allemands tiennent cette éventualité pour vraisemblable. On retrouve les mêmes différences d’évaluation du risque à propos du cambriolage (burglary), du vol aggravé (robbery) et de l’agression physique (assault). La France se range dans les États d’Europe où l’évaluation des risques de victimation est la plus forte, alors qu’en Allemagne le risque estimé de victimation est l’un des plus faibles de l’Union européenne.
Avez-vous peur devant les 12 prochains mois d’être victime?
Avez-vous peur devant les 12 prochains mois d’être victime?
Comment expliquer les différences d’évolution des perceptions de la criminalité en Allemagne et en France ?
16Il existe jusqu’à présent peu d’études comparatives internationales sur l’évolution des perceptions de la criminalité et, en France comme en Allemagne, la majorité des travaux de recherche se concentre au mieux sur les évolutions nationales. On dispose ainsi d’un certain nombre d’explications sur l’énorme augmentation de la peur du crime en Allemagne de l’Est au début des années 1990. La plupart voient dans les profondes mutations culturelles, politiques et sociales des nouveaux Länder un facteur d’accroissement du sentiment général d’insécurité des Allemands de l’Est, qui englobe la vulnérabilité croissante face au crime (Boers, 1997).
17Au lieu d’expliquer les évolutions des indices de perception, la plupart des approches cherchent à analyser les différences interindividuelles des perceptions de la criminalité. Elles embrassent diverses perspectives de recherches, au titre desquelles on relève celles de la victimation, du contrôle social ou du problème social (Taylor, Hale, 1986). Selon l’ensemble de ces approches, les perceptions de la criminalité sont fonction des expériences de victimation, du contrôle social exercé par le voisinage et de la construction de problèmes sociaux par les médias et la sphère politique. De surcroît, l’analyse des divergences de perception fait appel aux évaluations de la vulnérabilité, elles-mêmes variables selon le sexe, l’âge, le milieu et le style de vie. Dans quelle mesure ces aspects sont-ils opératoires pour expliquer les différences entre les modifications de la perception en France et en Allemagne ? Nous allons tenter d’y répondre dans ce qui suit.
Vulnérabilité
18Les défenseurs de la thèse de la vulnérabilité postulent que l’évaluation de la vulnérabilité personnelle détermine l’ampleur du sentiment de menace personnelle et en premier lieu de la peur du crime. Ainsi, les personnes âgées et les femmes font preuve d’une peur du crime plus forte, car elles se sentent plus vulnérables et estiment avoir un moindre potentiel de réponse en cas de victimation que les hommes et les jeunes gens. Selon cette approche donc, les modifications de la peur du crime s’expliquent par la modification des structures d’âge et de genre de la société.
19Néanmoins, cette thèse de la vulnérabilité, qui repose sur la constitution physique et psychique des individus, s’avère incapable d’expliquer le recul de la peur du crime en Allemagne depuis le milieu des années 1990 tout comme la légère augmentation de ces dernières années en France. La structure démographique de ces deux pays n’a en effet pas subi de profondes modifications durant cette période.
20La vulnérabilité ne doit pourtant pas s’estimer uniquement à l’aune de critères physiques et psychiques, mais peut aussi être tributaire d’aspects sociaux. On suppose ainsi que les personnes qui considèrent que leur vie est précaire en termes de revenus et de liens sociaux se sentent plus fortement menacées par la criminalité et également moins protégées contre la victimation.
21La thèse de la vulnérabilité qui se fonde sur les aspects sociaux permet ainsi parfaitement de rendre compte des variations d’évaluation à court terme, telles que l’augmentation massive de la peur du crime en Allemagne de l’Est après la réunification. Inversement, le sentiment de vulnérabilité est censé s’amoindrir avec la stabilisation des conditions de vie, ce qui pourrait expliquer pourquoi les Allemands de l’Est, précisément, redoutent désormais bien moins la criminalité qu’à l’époque de la réunification [14].
Expériences de victimation et taux de criminalité
22Les recherches criminologiques postulent souvent une corrélation entre perception de la criminalité et victimation directe ou indirecte [15]. Selon la perspective dite de la victimation, la peur du crime et l’évaluation du risque augmentent parallèlement à la gravité de la victimation personnellement subie.
23Il n’a pas encore été possible jusqu’à présent de vérifier par une étude empirique menée sur le long terme le lien entre hausse de la criminalité, victimations et perceptions de la criminalité. En effet, exceptées les enquêtes de l’INSEE pour la France, il n’existe pas d’enquêtes nationales continues menées auprès des victimes qui prennent en compte à la fois des questions sur la victimation et des questions sur la perception individuelle et générale de la criminalité, et ce ni en Allemagne ni en France [16]. Une simple juxtaposition des taux de victimation ou de criminalité et des perceptions de la criminalité, recueillis indépendamment les uns des autres, renferme le danger d’en déduire d’éventuelles pseudo corrélations. Malgré une évolution chronologique parallèle, les agrégats des deux indicateurs peuvent être indépendants, puisque les taux de victimation et le niveau de la perception ne sont pas mesurés dans les mêmes groupes de sondés.
24Si l’on oublie momentanément les réserves méthodologiques émises sur la juxtaposition des taux collectés séparément de victimation ou de criminalité avec les perceptions de la criminalité, alors il est possible d’affirmer pour les dernières années que la France se distingue par une augmentation de divers secteurs de victimation, alors qu’en Allemagne la criminalité recensée par la police, comme les taux de victimes non déclarées (Dunkelfeld), n’ont pas crû de manière inconsidérée [17].
25Il y a donc des parallèles au moins partiels entre l’évolution des taux de criminalité et celle des perceptions de la criminalité dans les deux pays. Deux facteurs plaident toutefois contre l’explication selon laquelle les modifications des perceptions de la criminalité découlent principalement de modifications des taux de victimation. Premièrement, les études transversales sur la victimation ont déjà pu établir qu’il n’existe pas de corrélations notables entre les aspects de la peur du crime et ceux de l’évaluation du risque, de même qu’avec ceux de la victimation personnelle [18]. Deuxièmement, les chiffres relevant des délits déclarés comme non déclarés ne peuvent expliquer pourquoi en France on estime que le risque de victimation est bien plus élevé qu’en Allemagne, alors que les taux de criminalité de divers secteurs délictuels sont presque équivalents dans les deux pays [19].
Relais médiatique et politique
26Selon la perspective dite du problème social, les perceptions de la criminalité sont le résultat de processus de construction profondément influencés par les images de la criminalité transmises par les médias (Lagrange, 1984; Lamnek, 1990; Collovald, 2000; Pfeiffer et al., 2005; Roberts, Doob, 1990). De ce point de vue, la consommation d’émissions relatant des faits criminels fait accroître l’évaluation de la vulnérabilité individuelle et sociale.
27Il existe pour l’Allemagne des indicateurs faisant état d’une diminution des reportages sur la criminalité : une analyse d’émissions télévisées diffusées en Allemagne, menée par l’Institut für Journalistik und Kommunikationsforschung (Institut de journalisme et de recherche en communication) de Hanovre (Pfeiffer et al., 2004), montre que la part des émissions télévisées portant sur la criminalité a augmenté entre 1985 et 1995 de 3,5 à 15,4% avant de revenir en 2004 à 11,6% de l’ensemble du programme, même si cette baisse est principalement le fait des chaînes publiques et non des chaînes privées [20]. Or, en dépit de cette baisse, toujours selon l’étude, la grande majorité des citoyens allemands est convaincue d’une augmentation de la criminalité qui, en réalité, ne s’est pas produite.
28Les évolutions des informations relatives à la criminalité peuvent en outre être distinguées selon leur support, journaux ou télévision, ainsi qu’au sein des médias locaux. Ainsi Reuband (1998), qui a étudié la presse locale de Dresde avant et après la Wende (1988-1994), parvient à la conclusion que dès 1994 la presse rapportait moins de faits divers qu’en 1988. Toujours selon Reuband, juste avant la réunification et dans les premières années qui l’ont suivie, les hausses de la criminalité, particulièrement celle de la violence délictuelle enregistrée, étaient présentées sur un mode dramatisant. Il était ainsi fréquent de trouver des informations sur des actes criminels comme les crimes à caractère sexuel sans pour autant que l’on puisse observer une augmentation des cas déclarés [21].
29Pour la France, on manque de données précises sur l’évolution des reportages médiatiques. Mais certains indices montrent que nombre de chaînes télévisées et radiophoniques continuent de tracer un sombre tableau de la sécurité nationale en exploitant tel ou tel « fait divers ». Les médias français accordent également grand intérêt aux zones sensibles des périphéries urbaines, volontiers assimilées aux ghettos américains (Wacquant, 1992). Mettre en avant, dans les médias notamment, des actes criminels paraissant particulièrement menaçants, comme les « incendies de voitures », contribuerait à ce que la criminalité soit perçue comme un problème social urgent, mais aussi à estimer que le risque de victimation personnelle est élevé. Jusqu’à aujourd’hui cependant, il est impossible de déterminer sur le plan empirique si et comment les relais médiatiques en France diffèrent de leurs homologues allemands et si cela explique les divergences, en particulier de l’évaluation du risque personnel face à la criminalité.
30Enfin, les médias ne sont pas les seuls à participer à la construction de la réalité sociale : les responsables politiques y concourent également en faisant de la lutte contre la criminalité une priorité de leur mandat. On a pu observer à maintes reprises que la peur du crime est particulièrement élevée pendant les campagnes électorales. En France par exemple, bien plus de personnes estimaient que la criminalité constituait une menace pour la société avant les élections présidentielles de 2002 que par la suite [22].
Contrôle social
31Les défenseurs de la perspective du contrôle social partent de l’hypothèse que l’apparence du quartier exerce une influence primordiale sur le sentiment de sécurité et sur l’évaluation de la vulnérabilité. Ainsi, les symptômes de dégradation du quartier sont interprétés comme des signes de désorganisation sociale (incivility), auxquels on associe souvent un affaiblissement du contrôle social informel exercé par les habitants du lieu [23]. A contrario, la fin de la désorganisation sociale et le renforcement du rôle des habitants dans leur quartier sont perçus comme les déterminants centraux de la réduction de l’insécurité liée au crime et de l’évaluation de la vulnérabilité.
32Il est impossible d’apporter une réponse empirique précise sur le rapport entre, d’une part, l’augmentation de la peur générale du crime et l’évaluation élevée du risque en France et, de l’autre, la dégradation sociale attestée des quartiers en difficulté et les mutations, sinon la baisse du contrôle social qui s’y trouve exercé par les habitants (Jobard, 2004). En ce qui concerne les aspects du contrôle social informel, certains indicateurs montrent que les citoyens allemands sont associés plus étroitement aux initiatives civiques (Bürgerinitiative) [24] de prévention qu’en France, en dépit d’une série d’initiatives prises dans ce pays [25].
Conclusion
33L’objectif de cet article était de décrire les perceptions de la criminalité en France et en Allemagne à l’aide d’enquêtes périodiques nationales et internationales.
34L’analyse d’enquêtes comparables révèle que les perceptions de la criminalité évoluent différemment dans les deux pays. Depuis 1971 pour l’Allemagne et 1977 pour la France, dates des enquêtes statistiques disponibles, les deux pays ont connu une évolution différente.
35En premier lieu, la présence d’une base de données fiable en Allemagne permet d’attester que ce pays a connu une hausse de la perception de la criminalité depuis la fin des années 1980 puis un recul depuis le milieu des années 1990. À l’inverse, on repère ces dernières années en France une légère croissance, en particulier de la peur générale du crime, ainsi que, jusqu’en 1997 au moins, une hausse constante du sentiment de vulnérabilité. Le dernier sondage de l’enquête comparative internationale de l’Eurobaromètre (2002) montre que la France et l’Allemagne occupent une position moyenne au sein des pays de l’Union européenne sur la question de la peur générale du crime, le risque de victimation en revanche étant estimé bien plus fort en France.
36L’insuffisance de données rend difficile la vérification empirique des explications relatives aux évolutions spécifiquement nationales et aux divergences en matière des perceptions de la criminalité. Alors qu’il a pu être analysé de manière parfaitement convaincante et démontré que la hausse constatée dans les nouveaux Länder de l’Allemagne au début des années 1990 était un effet de la réunification et des bouleversements sociaux, culturels et politiques qu’elle avait engendrés, les autres évolutions des perceptions de la criminalité des deux pays demandent encore à être expliquées. Lorsque leur mise à l’épreuve empirique est possible, il s’avère que les approches utilisées jusqu’à présent dans la recherche criminologique n’ont qu’un potentiel explicatif partiel. Ainsi, les modifications de la criminalité officiellement enregistrée et des taux de victimation ne recoupent que partiellement les évolutions des perceptions de la criminalité. Il reste encore à expliquer entièrement pourquoi les Français estiment qu’ils courent un risque plus élevé que les Allemands, car les différences des taux de criminalité des deux pays sont quasiment insignifiantes.
37D’autres approches explicatives, telles que celle des modifications des conditions de vie ou du contrôle social, ne fournissent pas non plus beaucoup d’indices permettant d’expliquer les changements des perceptions de la criminalité. Il se peut que l’évaluation plus élevée du risque en France soit due au fait que les médias insistent plus sur les actes criminels qu’en Allemagne. À tout le moins, les rares études sur cette question indiquent que, ces dernières années, les médias allemands ont moins mis en avant le thème de la criminalité dans leurs programmes qu’au début des années 1990.
BIBLIOGRAPHIE
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Mots-clés éditeurs : SONDAGES D'OPINION, VARIABLES CONJONCTURELLES, SENTIMENT D'INSÉCURITÉ
Notes
-
[*]
Traduit de l’allemand par Valentine Meunier, revu par l’auteur.
-
[**]
Zentrum für Umfragen, Methoden und Analysen (ZUMA), Abteilung Soziale Indikatoren, Mannheim.
-
[1]
Les enquêtes nationales auprès des victimes, menées en France par l’INSEE depuis 1996, rassemblent des questions sur l’insécurité du sondé dans son quartier (peur au domicile) et sur sa peur de sortir seul le soir.
-
[2]
Il existe désormais de nombreux travaux méthodologiques portant sur la construction de la peur du crime, et notamment sur les questions de validité et de fiabilité. Voir Ferraro, La Grange (1987); Farrall et al. (1997); Reuband, Rastampour (1999); Kreuter (2002); Kury, Obergfell-Fuchs (2003); Obergfell-Fuchs J. et al. (2003).
-
[3]
Voir initialement Furstenberg (1971).
-
[4]
Voir par exemple les résultats de la Victim Survey 1997 (Heinz et al., manuscrit non publié).
-
[5]
Robert, Pottier (1997) élargissent ce concept en ajoutant une dimension supplémentaire, la xénophobie, à la punitivité et à la préoccupation à l’égard de la criminalité.
-
[6]
Dans la Victim Survey 1997 de Constance (enquête nationale de victimation), des analyses factorielles divisent ainsi les items de la perception individuelle de la criminalité en dimensions émotionnelles, cognitives et conatives (Heinz et al., manuscrit non publié).
-
[7]
Des aspects partiels du modèle ont déjà fait l’objet de recherches empiriques : sur le lien entre évaluation des facultés de coping et peur individuelle du crime, voir Boers, Kurz (2001). Sur le lien entre milieu social et peur du crime, voir également Boers, Kurz (2001), 136-142. Sur le lien entre médias et attitude à l’égard de la criminalité, voir Lamnek (1990); Liska, Baccaglini (1990).
-
[8]
Les sondages d’opinion à l’échelle fédérale s’étant jusqu’à maintenant peu intéressés aux aspects conatifs, il nous est impossible dans ce qui suit d’aborder les comportements de protection et d’évitement.
-
[9]
Parmi les instituts qui ont rassemblé dans les années 1970 des données sur l’attitude à l’égard de la criminalité en Allemagne, il faut mentionner l’Institut für praxisorientierte Sozialforschung (IPOS), l’Infratest für Sozialforschung (Wohlfahrtssurvey) et l’Institut für Demoskopie d’Allensbach.
-
[10]
L’analyse des données secondaires intègre : l’ALLBUS, les données de l’Institut für Demoskopie d’Allensbach, de la Wohlfahrtssurvey, le sondage R + V ainsi que le panel socio-économique. Pour plus de détails, voir Dittmann (2005).
-
[11]
Depuis 1994, le SOEP mène une enquête annuelle auprès des mêmes foyers, personnes et familles. Au sein d’un faisceau de questions portant sur d’autres problèmes sociaux, il recueille un item sur les préoccupations en matière de criminalité. En 2003, plus de 13200 personnes ont été interrogées.
-
[12]
Sur les évolutions actuelles de la perception de la criminalité en France, voir Robert, Pottier (2004).
-
[13]
Les chiffres et figures sont tirés de : http ://europa.eu.int/comm/public_opinion/archives/ebs/ebs_181_en.pdf
-
[14]
Une analyse des données du SOEP montre pourtant que les transformations des conditions matérielles et sociales d’existence ne se traduisent pas par une transformation profonde des préoccupations des citoyens en matière de criminalité. Voir Dittmann (2005).
-
[15]
Dans cette optique par exemple : Hindelang et al. (1978); Friedberg (1983); Kury et al. (1992).
-
[16]
À l’inverse, il peut y avoir un lien entre taux de victimation ou de criminalité et taux de peur, bien qu’au niveau macro les deux indices semblent, à première vue, évoluer indépendamment l’un de l’autre.
-
[17]
Sur l’évolution actuelle des taux de criminalité non déclarée, voir Dittmann (2005) pour l’Allemagne, Lagrange (2003); Lagrange et al. (2004) pour la France.
-
[18]
Seules les personnes qui ont été victimes d’un crime grave (crimes violents et sexuels) ont un niveau de peur nettement plus élevé que les personnes (tout au moins celles interrogées durant la période de référence) qui n’ont pas été victimes de crimes graves (Heinz et al., manuscrit non publié).
-
[19]
D’après les chiffres de l’European Sourcebook of Crime and Criminal Justice Statistics, la police allemande enregistre pour l’année 2000,464 agressions physiques (assault), 72 vols aggravés, 3626 vols et 564 cambriolages pour 100 000 résidents, alors que les statistiques policières françaises recensent, pour la même année et toujours pour 100000 habitants, 180 agressions physiques, 186 vols aggravés, 3722 vols et 629 cambriolages.
-
[20]
Ils ont analysé en outre les pages du programme télévisé du quotidien allemand Bild, en étudiant chaque fois la deuxième semaine d’octobre des années 1985,1995 et 2004.
-
[21]
Sur l’évolution temporelle des informations relatives aux violences sexuelles commises sur des enfants dans les médias et les statistiques officielles, voir Rüther (1998).
-
[22]
Selon le baromètre Figaro-Sofrès, plus de 60% des Français interrogés considéraient que la lutte contre la violence était la priorité numéro un de l’État, alors que, dans les mois qui ont suivi les élections, seuls 40% étaient encore du même avis. Il est probable que la forte croissance de l’importance accordée à la lutte contre la violence résulte pour partie également des attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis.
-
[23]
Le lien entre Incivilities et perception de la criminalité a été formulé initialement par Hunter (1978). Mais ce sont surtout les recherches de Lewis et Salem (1986), ainsi que les travaux de Wilson et Kelling (1982), qui ont influencé les débats. Sur cette question, voir Hohage (2004).
-
[24]
Le premier rapport périodique de sécurité du gouvernement fédéral chiffre ainsi en 1999/2000 le nombre des Comités communaux de prévention à 1667 pour l’ensemble de l’Allemagne (Premier PSB, 2001, Tableau 4-1,470). D’après des estimations du Deutsches Forum für Kriminalprävention (Forum allemand pour la prévention criminelle), ce nombre est en augmentation depuis ces dernières années.
-
[25]
En France, les communes et l’État s’efforcent d’intégrer plus étroitement les citoyens dans les processus locaux de décision en matière de prévention criminelle, notamment par le biais de mouvements citoyens, comme l’organisation « Habitat et Vie Sociale » qui existe depuis 1971, des formes de justice de proximité et de police de proximité créées dans les années 1990, ainsi que par le biais de programmes de prévention des Conseils communaux de prévention de la délinquance (CCPD).