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Article de revue

Individualisme et violence : modernisation extrême ou re-traditionalisation de la société ?

Une comparaison interculturelle

Pages 273 à 284

Notes

  • [*]
    Traduit de l’allemand par Valentine Meunier, revu par Fabien Jobard.
  • [**]
    Keele University.
  • [1]
    Pour une estimation plutôt sceptique à propos du Japon, voir Fujimoto, Park, 1994; Miyazawa, 1994.
  • [2]
    Il y a ici une coïncidence surprenante avec la théorie de la civilisation d’Elias; pour une confirmation empirique de la thèse de Durkheim, voir par exemple Messner, 1982; Huang, 1995; Smith, Kwong Wong, 1989.
  • [3]
    Ceci ne vaut que pour la comparaison entre pays industrialisés et en voie de développement, et il en va de même en ce qui concerne la dimension de valeurs de la distance hiérarchique (Hofstede, 1980,140).
  • [4]
    Hofstede (1980) identifie pour chaque pôle de valeurs des facteurs structurels de causalité (origins), ainsi que des conséquences structurelles, dont quelques-uns ont été utilisés dans cette étude.
  • [5]
    Il s’agit ici de l’ampleur de l’exclusion de ces groupes des positions économiques élevées, moyennes et (en partie seulement) basses sur une échelle à quatre échelons.
  • [6]
    Le Japon et les États-Unis représentent des modèles diamétralement opposés. Le Japon, qui a un taux d’homicide faible, est pourtant dans le groupe montrant un individualisme et une tolérance au risque faibles, généralement caractéristiques d’un taux de meurtre élevé. Les États-Unis ont un taux d’homicide extrêmement fort mais se retrouvent dans les trois groupes dotés d’un faible taux d’homicide. Si l’on retire de l’échantillon l’un des deux pays ou les deux, cela ne change rien au résultat (même invariance dans les analyses tirées de régressions, cf. infra).
  • [7]
    Les effets interactifs n’ont pu être pris en compte étant donné le trop faible nombre de cas.
  • [8]
    Sur cette question, voir les recherches sur l’ampleur de la violence dans les régions rurales, par exemple chez Jobes, 1997; Hogg, Carrington, 1998; voir également Durkheim, 1983,419.

1L’article teste la pertinence empirique du théorème de l’individualisation, selon lequel le niveau de violence interne à la société s’accroît en raison de l’affranchissement des individus à l’égard des valeurs de leur propre culture ainsi que des cadres culturels et collectifs. Bien entendu, cette assertion pessimiste s’oppose terme à terme à celle de Durkheim, selon lequel la morale de l’égalité et de l’universalisme, composantes fortes de l’individualisme, réduisent le niveau de violence de la société. Au terme d’une analyse de corrélation entre le niveau des homicides dans tout un ensemble de pays et d’indicateurs portant sur les niveaux d’individualisme, de soumission à l’autorité et de tolérance au risque, ainsi que d’indicateurs socio-économiques, il ressort que ce ne sont pas les processus d’individualisation qui pèsent sur les niveaux de violence, mais l’augmentation des orientations collectivistes et de l’exclusion sociale. Ces évolutions se nichent également dans divers pays d’Europe de l’ouest, caractérisés par un processus de recollectivisation de leurs structures sociales.

Individualisation et violence : crise de la civilisation occidentale ?

2L’individualisme et l’individualisation constituent actuellement les concepts centraux d’une sociologie de la culture (Kulturkritik) des plus pessimistes. Les sociétés industrielles occidentales ont-elles franchi la frontière de l’individualisme absolu ? L’« autodissolution » de ces sociétés est-elle imminente, au moins en ce qui concerne leur constitution morale ? L’augmentation de la violence – que ce soit chez les jeunes ou dans des affaires spectaculaires – sert d’indice de ce processus qui a déjà été qualifié de processus de « décivilisation » (Fletcher, 1995). On affirme qu’une crise culturelle profonde et un échec de la culture occidentale seraient responsables de la croissance des actes de violence criminelle dans ces pays. Au Japon et dans les États d’Asie du sud-est en revanche, il semble que les taux de criminalité générale, et en particulier des actes de violence criminelle, aient conservé un niveau extrêmement faible malgré une économie en plein essor et des processus de modernisation d’une rapidité vertigineuse, phénomènes qui sont notamment imputés à des facteurs culturels spécifiques [1]. Lorsque les chercheurs asiatiques parlent aujourd’hui de advanced nations disease(voir Kopp, 1993,123), dont ils redoutent la contamination, ils visent très précisément les orientations de valeurs individualistes et hédonistes, l’abandon de valeurs se référant au collectif et l’érosion des liens sociaux à l’œuvre dans les sociétés de marché et de consommation occidentales, déclarés responsables, dans leurs pays aussi, de la hausse des crimes violents.

3Le théorème de l’individualisation (das Individualisierungs-Theorem) postule en sub-stance que le niveau de violence interne à la société s’accroît parce que l’individu s’affranchit des valeurs culturelles ainsi que des cadres structurels collectifs et traditionnels. Cette perspective se situe donc diamétralement à l’opposé de la conception de Durkheim (1900, 1990) selon laquelle la morale de l’égalité et de l’universalisme ancrée dans l’individualisme réduit le niveau de violence dans les sociétés modernes [2]. Durkheim part du principe que l’« individuation » produit des relations sociales plus fortement empreintes de reconnaissance réciproque et donc aussi d’une empathie croissante pour autrui. L’individuation qui s’est imposée au cours du processus de modernisation et « l’individualisme moral » ouvrent de nouvelles perspectives pour canaliser les agressions. Il est formellement établi sur le plan empirique que le processus de modernisation et d’individualisation s’accompagne dans les sociétés européennes d’une nette régression du niveau de la violence grave (Eisner, 2001). Le revirement de cette tendance séculaire à partir des années 1960 ne peut s’expliquer par un émoussement de la percée de l’individualisation.

4Le théorème de l’individualisation moderne fait en premier lieu ressortir les répercussions négatives de ce processus, qui induisent actuellement une propension à la violence et des actes de violence. Les conséquences négatives sont d’une part une individualisation débordanteet de l’autre, en conséquence, l’incertitudeet la désorientation. En principe, on distingue trois lignes d’argumentation au sein du théorème de l’individualisation.

5

  1. Les modèles de valeurs individualistes de l’autonomie, de la performance individuelle, de la compétition et de l’affirmation de soi donnent directement lieu à un modèle d’orientation qui favorise des pratiques violentes : imposer ses propres intérêts avec machiavélisme, poursuivre ses objectifs sans aucun scrupule, dévaloriser autrui dans la lutte compétitive. La culture de la concurrence et de l’individualisme, telle qu’elle s’impose dans la société arriviste (Ellbogengesellschaft), produit donc son niveau propre de violence par le biais de valeurs centrales et des pratiques légitimes et usuelles qui en découlent.
  2. Le sujet comme référence cardinale, l’autodétermination des valeurs et l’aspiration à l’autonomie se traduisent par un rapport idiosyncrasique aux normes et valeurs et à leur « subjectivisation ». La désintégration normative croissante et la baisse de la contrainte exercée par les principales normes sociales touchent également l’interdit de la société en matière de violence.
  3. La poussée de l’individualisation structurelle autant que culturelle débouche sur une désintégration sociale. Celle-ci touche la famille et les « milieux » traditionnels, ainsi que la participation et l’attachement aux institutions sociales, et génère ainsi une hausse des actes de violence.

6Cette étude cherche à appréhender dans quelle mesure le « syndrome culturel » (Triandis, 1993) de l’individualisme induit une propension à la violence ainsi que des actes de violence, et tire effectivement vers le haut le niveau de la violence sociale. La recherche s’appuie sur une approche culturelle comparative. À partir des résultats, et avec toute la prudence requise, nous essaierons de tirer des conclusions sur l’influence de l’individualisme et de l’individualisation sur la société.

Méthodes

Dimensions culturelles

7Il est extrêmement difficile de rendre opératoires les dimensions propres aux orientations de valeurs culturelles dans une perspective comparative. Pour confronter la thèse de Durkheim à une optique séculaire ou à la comparaison interculturelle, il faut donc recourir aux dimensions structurellesde l’individualisme qui serviront ensuite d’indicateurs propres aux orientations de valeurs (voir Messner, 1982; Huang, 1995; Smith, Kwong Wong, 1989). L’enquête de Hofstede (1980) sur les Culture’s Consequences a identifié 4 dimensions culturelles pour 39 pays. Hofstede a ainsi fondé une tradition de recherche qui se poursuit actuellement autour des modèles culturels collectivistes versus individualistes (Triandis, 1995; Kim et al., 1994).

8L’objectif initial de Hofstede était d’analyser les valeurs, les orientations fondamentales et la motivation des collaborateurs et des managers dans diverses filiales nationales d’une multinationale (en l’occurrence IBM). La recherche s’étend à l’Europe occidentale et méridionale, à l’Amérique du Nord et du Sud, à l’Afrique (mais uniquement l’Afrique du Sud), à l’Asie et à la région du Pacifique. Elle exclut les pays d’Europe de l’Est et les anciens États communistes. Les ensembles de valeurs (Wertorientierungen) sont obtenus par une analyse factorielle empirique et sont présentés sous forme d’échelles standardisées. Les valeurs en question se réfèrent aux fins propres à la routine quotidienne, qui définissent l’idée que l’individu et la collectivité ont d’eux-mêmes. Les ensembles de valeurs des anciens pays en voie de développement rendent plutôt compte de modèles culturels déjà modernisés. Néanmoins, ces valeurs tracent une distinction claire entre pays en voie de développement et pays industrialisés occidentaux, en particulier pour le pôle individualiste/collectiviste. Si l’on compare la position relative des pays quant aux diverses configurations des pôles de valeurs avec des orientations similaires telles qu’elles apparaissaient dans l’International Value Survey plus de vingt ans après (Inglehart, 1997), il s’avère que la position relative des pays les uns par rapport aux autres s’est peu modifiée. En d’autres termes : même lorsque les échelles ont changé, les différences culturelles relatives n’ont pas varié.

9Dans cette enquête, trois polarités de valeurs ont été utilisées, qui représentent chacune une ligne d’évolution centrale de la poussée de l’individualisme moderne. L’individualisme marque la dissolution de liens groupaux et familiaux, la distance hiérarchique renvoie à l’ampleur avec laquelle les relations d’autorité et de subordination, ainsi que les relations entre couches et classes sont remplacées par des orientations égalitaires; la tolérance au risque constitue à l’inverse l’ampleur de l’incertitude collective présente et tolérée.

10La dimension « individualisme/collectivisme » (Individualismus/Kollektivismus) indique à son extrémité « individualisme élevé » le défi et la performance individuelle, l’indépendance (émotionnelle) à l’égard des rapports familiaux et collectifs et, dans l’ensemble, une mentalité cosmopolite. Ces phénomènes s’opposent à la performance de groupe, à la dépendance émotionnelle à l’égard des groupes et organisations ainsi qu’à une « mentalité locale », qui constituent l’autre extrême, le « collectivisme élevé ». Les modèles de valeur collectivistes insistent sur la soumission, les obligations et le sacrifice pour le groupe et conjointement sur l’attente de loyauté de la part de son propre groupe. Les frontières entre le groupe auquel on appartient et les groupes étrangers sont clairement tracées, les contacts « transfrontaliers » sont rares et plutôt accompagnés de méfiance et de discrimination (Triandis et al., 1993). Les orientations de valeurs individualistes règnent dans tous les pays industriels occidentaux, Australie et Nouvelle-Zélande compris, alors que les sociétés islamiques et sud-américaines sont majoritairement axées sur le collectivisme. Les pays asiatiques ont une orientation des valeurs modérément à fortement collectiviste. Ce modèle de valeurs est étroitement lié à des indicateurs structurels qui participent aux déclencheurs de processus d’individualisation (par exemple la protection de l’État-providence, le niveau d’instruction de la population, l’égalité générale et celle entre les sexes) [3].

11La dimension « inclination hiérarchique » (Machtdistanz) représente les valeurs qui légitiment et garantissent la subordination et l’autorité hiérarchiques dans tous les domaines d’une société donnée. Une inclination faible signifie des orientations égalitaires, une inclination forte marque des orientations élitistes. Les sociétés industrielles occidentales – à l’exception des pays européens latins – se rangent au bas de l’échelle, alors que les pays asiatiques et sud-américains font comparativement preuve d’une forte inclination à la hiérarchie. Ce modèle culturel correspond à une structure sociale marquée par une forte inégalité sociale et par une mobilité réduite.

12La dimension « tolérance au risque » (Risikotoleranz) représente le besoin collectif de certitude, la dépendance vis-à-vis des experts et des différentes formes d’autorité, la conformité aux règles ainsi que l’inclination à s’exposer au risque. La tolérance au risque est faible dans les cultures collectivistes, bien plus forte dans les sociétés individualistes. Les sociétés dans lesquelles la tolérance au risque est élevée sont les États d’Europe du Nord et de l’Ouest, les États-Unis, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, mais aussi les « tigres » asiatiques que sont Hongkong, Singapour et les Philippines. Dans les pays d’Europe du Sud et d’Amérique du Sud, le modèle dominant de valeurs est la minimisation des risques. En principe, la tolérance au risque augmente dans tous les pays parallèlement au processus de modernisation structurelle et culturelle, c’est-à-dire de l’individualisation. Les sociétés modernes, individualistes, requièrent et permettent donc un taux de tolérance plus élevé à l’égard de l’incertitude.

Indicateurs de violence

13Généralement, les meurtres sont considérés comme les indicateurs les plus fiables pour une comparaison internationale. Les homicides, forme la plus grave de violence perpétrée sur autrui, sont vus comme des indicateurs du niveau global de violence d’une société. Ils couvrent le spectre de la violence expressive, par exemple lors de querelles avec un intime, à la violence instrumentale, lors de crimes crapuleux. Les taux d’homicideemployés ici sont extraits du Comparative Crime Data File de Archer et Gartner (1984). Seuls les pays pour lesquels un indice des crimes constatés (statistique policière) est établi ont été inclus dans l’étude. Le taux moyen pour la période 1968-1972 a été calculé à partir d’au moins trois valeurs. Nous avons ainsi un corpus de données pour 26 des 39 pays de l’étude de Hofstede.

Indicateurs socio-économiques

14Les indicateurs socio-économiques et structurels ont été choisis en fonction d’une perspective précise : dans quelle mesure rendent-ils compte de la dimension structurelle de la poussée de l’individualisation [4] ? On entend contrôler ici l’influence des facteurs structurels sur la structuration des pôles de valeurs. Ont été retenus les indicateurs qui exerçaient une influence sur les taux d’homicide, attestable dans les enquêtes comparatives internationales. Les indicateurs d’inégalité sociale jouent à ce titre un rôle certain (Hagan, Peterson, 1995; Messner, Rosenfeld, 1997). Les indicateurs ont été collectés à la date la plus proche possible de 1968, au plus tard en 1970, c’est-à-dire avant la période de recensement des dimensions de valeurs et des taux d’homicide.

15Les indicateurs suivants ont été intégrés dans les analyses et modèles présentés ici : le produit national brut par habitant (Hofstede, 1980,87-88); l’index Gini de la répartition des revenus (Jain, 1975; United Nations, 1988); la discrimination économique des minorités selon la proportion des groupes discriminés et l’intensité de la discrimination (Taylor, Jodice, 1983,69-70) [5].

16Le concept de culture suppose homogénéité interne et différence. En conséquence, il est possible d’identifier des modèles et des types spécifiques qui associent certains ensembles de valeurs à un syndrome culturel ou les lient par des caractéristiques structurelles à un contexte socioculturel. Grâce aux séparations médianes des pôles de valeurs et à une sélection de variables structurelles, il a été possible d’obtenir une différenciation approximative des syndromes culturels dominants ainsi que des contextes socioculturels. Dans un premier temps, on comparera les taux d’homicide aux divers syndromes culturels. Ensuite, on présentera les modèles de régression, afin de mettre en relief l’influence des valeurs sur les taux d’homicide. On doit garder à l’esprit que le choix des pays de l’enquête de Hofstede ne relève pas du hasard, et qu’il a par ailleurs été restreint, puisque soumis à l’existence de statistiques policières. Compte tenu de ces restrictions, ainsi que du nombre peu élevé de cas, il n’est possible de procéder qu’à une interprétation descriptive des coefficients et des modèles.

Résultats

17Tous les pays affichent une corrélation négative claire entre individualisme/collectivisme et taux d’homicide (cf. figure 1). Le lien positif avec la distance à la hiérarchie est moins patent. Enfin, on ne peut établir aucun rapport pour la tolérance au risque. Le fait que la corrélation négative pour l’individualisme soit uniquement constatée dans les pays pauvres (PNB par habitant inférieur à 1300 dollars US), mais non dans les pays riches, indique que le modèle de valeur individualiste et le processus de l’individualisation déploient un effet minimisant sur la violence plutôt au début du processus de modernisation culturelle et structurelle que durant les phases ultérieures.

Figure 1:

Individualisme/collectivisme et taux d’homicide (pour 100000 habitants).

Figure 1:
Figure 1: Individualisme/collectivisme et taux d’homicide (pour 100000 habitants).

Individualisme/collectivisme et taux d’homicide (pour 100000 habitants).

18Si on met en contraste les contextes ou les syndromes culturels, on obtient des différences nettes (voir figure 2). Les sociétés dans lesquelles les valeurs collectives sont dominantes ont des taux d’homicide bien plus élevés, de même que celles qui se caractérisent par des rapports hiérarchiques d’autorité et de soumission. Les ensembles de valeurs s’unissent aux syndromes culturels dominants, qui distinguent clairement entre sociétés connaissant différents niveaux de violence (voir figure 3). Dans toutes ses composantes, qu’il soit combiné à des orientations égalitaires ou à une forte tolérance au risque, le syndrome individualiste réduit le niveau des violences mortelles. Les orientations hiérarchiques et autoritaires associées à un faible niveau de tolérance au risque sont typiques des sociétés qui ont – comparativement – un taux très élevé d’homicide [6].

19Les analyses multivariées montrent nettement un effet minorant des orientations individualistes sur la violence, effet qui n’est pas tributaire de structures sociales égalitaires. Dans le « modèle hiérarchique », l’inégalité sociale est représentée sous une forme traditionnelle, au moyen des tranches de revenus entre groupes classés selon un principe hiérarchique (ici, l’index Gini). Le « modèle de l’exclusion » est fondé, à l’inverse, sur l’hypothèse que le mécanisme typique de l’inégalité sociale dans les sociétés individualistes, et donc tendanciellement égalitaires, n’est pas hiérarchique, mais qu’il repose sur « l’exclusion » et la discrimination des groupes marginaux et des minorités. Par ailleurs, le produit national brut par habitant a été retenu comme indicateur général du processus de modernisation (figure 4). L’effet minorant sur la violence qu’emportent les orientations individualistes et l’effet multiplicateur de l’inégalité sociale apparaissent clairement dans le « modèle de l’exclusion ». L’exclusion, en tant que produit probable de l’inégalité sociale dans les cultures individualistes, s’avère être un facteur structurel décisif du niveau d’homicides dans le domaine des comparaisons culturelles (voir Messner, Rosenfeld, 1997) [7].

Figure 2:

Orientations de valeurs et crimes violents (taux d’homicide pour 100000 habitants).

Figure 2:
Figure 2: Orientations de valeurs et crimes violents (taux d’homicide pour 100000 habitants).

Orientations de valeurs et crimes violents (taux d’homicide pour 100000 habitants).

figure im3
igure 3: Syndromes culturels dominants et crimes violents (taux d’homicide pour 100000 habitants).

Figure 4:

Individualisme, inégalité sociale et crimes violents (taux d’homicide pour 100000 habitants).

Figure 4:
Figure 4: Individualisme, inégalité sociale et crimes violents (taux d’homicide pour 100000 habitants). Modèle de la hiérarchie Modèle de l’exclusion Individualisme Individualisme - .53* - .75** Différence Discrimination.34*.47** de revenu (Gini) Taux d’homicide économique Taux d’homicide .32.35 PNB/habitant PNB/habitant * P < .10 ** P < .01

Individualisme, inégalité sociale et crimes violents (taux d’homicide pour 100000 habitants).

Individualisation et violence : Durkheim et le processus de modernisation

20La comparaison interculturelle montre que les valeurs individualistes n’élèvent pas le niveau d’agressivité et de violence relatives aux homicides. À l’inverse, ce sont les contextes culturels collectivistes, non égalitaires, qui affichent un taux de meurtres bien plus élevé. Quels mécanismes sous-tendent ce niveau de violence bien plus élevé dans ces ensembles culturels ?

21Il faut considérer deux sources : la violence entre les groupes et celle en leur sein. Les modèles de valeurs collectivistes tracent une frontière nette entre le groupe auquel on appartient et les groupes étrangers (Banfield, 1958). En conséquence, les relations entre groupes sont teintées de rejet, de discrimination, de méfiance et de conflits, qui sont autant d’amorces potentielles d’actes violents. Des mécanismes de cloisonnement de ce type entravent toutefois également le fonctionnement de mécanismes de contrôles informels et formels au sein des familles et d’autres groupes clos. Les forces d’intégration sociale ne pénètrent qu’insuffisamment dans ces groupes pour imposer de manière adéquate l’interdit universel de la violence. C’est pour cette raison que les actes de violence débouchant sur la mort, en particulier ceux perpétrés contre les femmes et les enfants, peuvent atteindre un niveau élevé. Par ce biais, les actes de violence au sein du groupe comme entre groupes s’additionnent à un niveau général élevé [8].

22Cela vaut également pour les cultures possédant des inclinations aux valeurs autoritaires et hiérarchiques, qui mettent l’accent sur l’inégalité des interactions entre différents rangs de la société. Les interactions entre les membres de différents groupes statutaires sont donc marquées par la frustration, les conflits, la discrimination et les luttes pour le partage des faibles ressources (Felson, Tedeschi, 1995,157). Ces modèles hiérarchiques devraient par ailleurs se retrouver au sein des groupes et en particulier de la famille. La profonde discrimination structurelle et la dévalorisation des femmes qui existent dans ces sociétés plaident en ce sens, et les prédisposent à devenir des victimes de l’emploi mortel de la violence.

23Ces distinctions sociales – que ce soit sur le plan vertical ou horizontal de la structure sociale – sont dans les deux cas associées à une faible proportion de tolérance au risque. Manifestement, les contacts intergroupaux de ces cultures sont grevés d’une forte proportion d’incertitude, qui fait de l’évitement du risque une stratégie de survie importante. L’incertitude, puis l’angoisse et le stress, contribuent nettement à élever le niveau des actes interpersonnels de violence et d’agression (Linsky, Bachman, Strauss, 1995).

24Au final, c’est toute la relation supposée entre ces syndromes culturels centraux des sociétés modernes que sont les processus d’individualisation et l’individualisme et la croissance du niveau de violence dans ces mêmes sociétés qui demande à être réexaminée. Cette analyse vaut à tout le moins pour la période spécifique du processus de modernisation durant laquelle les États-providence prospères se sont établis dans les sociétés industrielles occidentales et pendant laquelle les sociétés traditionnelles en voie de développement engageaient leurs premières phases de modernisation économique et sociale. Durkheim a donc raison lorsqu’il affirme que l’individualisme moral pendant la phase de modernisation du passage des sociétés traditionnelles vers des sociétés industrialisées réduit le niveau de violence. La comparaison des syndromes culturels montre que cette évolution est liée à l’émergence d’une morale de l’égalité – et ce, tant sur le plan vertical qu’horizontal. En ce sens, la comparaison transversale confirme la tendance historique relevée sur la longue durée du recul des homicides (Eisner, 2001; 2003). Cette tendance était intégrée dans les translations séculaires de modèles structurels et culturels, collectivistes et inégalitaires, vers des sociétés individualistes, différenciées et égalitaires.

25Les orientations de valeurs individualistes et les processus structurels d’individualisation coïncident en outre avec une forte tolérance au risque, phénomène qui ressort le plus dans le groupe des pays riches. Les sociétés modernes, individualistes, sont des « sociétés du risque », également parce que l’affranchissement des rapports traditionnels favorise les capacités d’affronter les risques de manière productive. La poussée d’individualisation ne se traduit donc pas obligatoirement par une forte proportion d’incertitude et par une constellation de facteurs qui, si l’on en croit le théorème de l’individualisation, encourageraient la violence.

La violence dans les sociétés postmodernes : individualisation ou retraditionalisation ?

26Quelles conclusions peut-on tirer de la comparaison internationale employée comme outil d’analyse de l’augmentation actuelle de la violence observable dans les sociétés post-modernes ? Les résultats suggèrent de chercher les causes de l’augmentation du niveau de violence non pas précisément dans les processus d’individualisation, mais d’envisager qu’une éventuelle hausse des orientations collectivistes et de l’exclusion sociale puisse expliquer l’évolution du niveau de violence et le renversement, à partir de la fin des années 1960, de la tendance séculaire de régression de la violence (voir Eisner, 2001).

27Peut-on actuellement observer une hausse des orientations collectivistes corrélées à des actes de violence ? Les dernières enquêtes menées sur la violence dans l’espace urbain montrent une corrélation très marquée entre orientations collectivistes et violence. Il s’avère ainsi que les membres des minorités issues de sociétés dans lesquelles règnent des valeurs collectivistes traditionnelles (la Turquie par exemple) ont un niveau de violence élevé : ils sont non seulement surreprésentés parmi les auteurs, mais aussi parmi les victimes. En particulier, l’ampleur de la violence familiale est relativement élevée (Eisner, 1997,217-228). Pfeiffer et al. (1998) ont établi que les jeunes Turcs étaient très souvent victimes et témoins de violences parentales « extrêmes ». Cela correspond au tableau dressé dans la comparaison interculturelle qui montrait un niveau de violence plus élevé dans les sociétés collectivistes, et indique des facteurs comparables de causalité. En outre, on dispose actuellement d’indices selon lesquels les orientations collectives sont extrêmement stables, voire se renforcent, notamment en cas de migration (Öztoprak, 1998; Schiffauer, 1983). De surcroît, il se dessine une tendance aux orientations collectivistes qui, en particulier chez les jeunes, se mue assez directement en violence. On compte à ce titre le développement de gangs de jeunes recrutés selon des critères ethniques (Tertilt, 1996) ou l’acceptation d’orientations fondamentalistes (Heitmeyer et al., 1997), ainsi que plus généralement la propagation d’orientations collectivistes d’extrême droite et de leur propension à la violence (Karstedt, 1998). Ces évolutions s’observent également dans d’autres sociétés d’Europe de l’Ouest.

28En outre, l’exclusion sociale croissante a des répercussions sur la diffusion et l’ampleur des orientations collectivistes. Si le cœur d’une société à la base individualiste et égalitaire se ceint d’une zone marginale de minorités exclues auxquelles on ne permet pas de participer aux institutions sociales, alors les orientations collectivistes et les modèles d’interaction peuvent prendre de l’ampleur, au sein de ces groupes, comme au cœur de la société tout entière. La « mentalité d’exclusion » collectiviste des personnes aisées est ici importante et fait face à la revendication de respect et de reconnaissance d’une identité ethnique collective, qui souvent s’exprime par la violence. Il faut aussi ranger dans cette configuration les formes d’expression violentes de la « virilité », notamment chez les jeunes hommes issus des minorités ethniques.

29Ces manifestations de violence dans l’espace urbain sont actuellement interprétées comme des signes d’un « processus de décivilisation » (Fletcher, 1995), qui se caractérise par deux modèles typiques de cultures collectivistes : un contrôle renforcé exercé par les tiers, en particulier par son propre groupe, et une moindre importance des relations et des identifications universelles à d’autres groupes ou individus. Le jugement de valeur implicite sur ces modèles culturels traditionnels et collectivistes va sans doute ici trop loin. Nous avons probablement plutôt affaire à une alternance et à une concomitance de l’individualisation et de la « traditionalisation ».

30Même si le déploiement des orientations individualistes réduit le niveau de violence sans doute plutôt au début du processus de modernisation, cette relation ne se renverse pas obligatoirement dans la phase ultérieure de postmodernité. Ce n’est pas l’individualisation culturelle mais vraisemblablement la recollectivisation virulente à l’œuvre dans certains pans de la société qui élève le niveau de violence, et ce également au sein des sociétés individualisées.

Bibliographie

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Mots-clés éditeurs : HOMICIDES, VIOLENCE, ANALYSE DE CORRÉLATIONS, INDICATEURS MACRO - SOCIAUX, INDIVIDUALISME

https://doi.org/10.3917/ds.293.0273

Notes

  • [*]
    Traduit de l’allemand par Valentine Meunier, revu par Fabien Jobard.
  • [**]
    Keele University.
  • [1]
    Pour une estimation plutôt sceptique à propos du Japon, voir Fujimoto, Park, 1994; Miyazawa, 1994.
  • [2]
    Il y a ici une coïncidence surprenante avec la théorie de la civilisation d’Elias; pour une confirmation empirique de la thèse de Durkheim, voir par exemple Messner, 1982; Huang, 1995; Smith, Kwong Wong, 1989.
  • [3]
    Ceci ne vaut que pour la comparaison entre pays industrialisés et en voie de développement, et il en va de même en ce qui concerne la dimension de valeurs de la distance hiérarchique (Hofstede, 1980,140).
  • [4]
    Hofstede (1980) identifie pour chaque pôle de valeurs des facteurs structurels de causalité (origins), ainsi que des conséquences structurelles, dont quelques-uns ont été utilisés dans cette étude.
  • [5]
    Il s’agit ici de l’ampleur de l’exclusion de ces groupes des positions économiques élevées, moyennes et (en partie seulement) basses sur une échelle à quatre échelons.
  • [6]
    Le Japon et les États-Unis représentent des modèles diamétralement opposés. Le Japon, qui a un taux d’homicide faible, est pourtant dans le groupe montrant un individualisme et une tolérance au risque faibles, généralement caractéristiques d’un taux de meurtre élevé. Les États-Unis ont un taux d’homicide extrêmement fort mais se retrouvent dans les trois groupes dotés d’un faible taux d’homicide. Si l’on retire de l’échantillon l’un des deux pays ou les deux, cela ne change rien au résultat (même invariance dans les analyses tirées de régressions, cf. infra).
  • [7]
    Les effets interactifs n’ont pu être pris en compte étant donné le trop faible nombre de cas.
  • [8]
    Sur cette question, voir les recherches sur l’ampleur de la violence dans les régions rurales, par exemple chez Jobes, 1997; Hogg, Carrington, 1998; voir également Durkheim, 1983,419.
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