Notes
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[1]
Le Comité provincial pour l’ordre et la sécurité publique a été institué par l’art. 20 de la loi n° 121 du 1er avril 1981. C’est une instance de consultation en matière de sécurité publique constituée auprès du préfet de province. Outre le préfet de province, qui en assure la présidence, cette instance est composée du préfet de police, des commandants provinciaux des carabiniers et de la garde financière. Àtitre exceptionnel, lorsque la situation l’exige, le préfet peut inviter à y siéger les autorités locales chargées de la sécurité publique, les responsables des administrations de l’état et le procureur de la République compétent. Depuis le décret-loi n° 279 du 27 juillet 1999, sont admis, de plein droit, à y siéger le maire de la commune chef-lieu de la province et le président de la province.
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[2]
Les critiques portent sur l’opportunité de la présence dans une instance technique, rattachée au préfet de province, du maire de la commune chef-lieu de la province et du président de la province. Leur présence, en qualité d’élus, transforme la nature de cette instance pour lui conférer une signification éminemment politique.
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[3]
Politiquement les deux premières régions disposent d’une majorité de centre-gauche et les deux dernières d’une majorité de centre-droit.
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[4]
Cette situation est aggravée par la superposition des compétences entre les différentes forces de police. Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 121 de 1981 intitulée « Nouvelle organisation de l’administration de la sécurité publique », qui a réformé le système de la sécurité publique et démilitarisé, successivement, la police d’État, le personnel pénitentiaire et les gardes forestiers, les différents corps de police ayant une compétence nationale se sont vus dotés d’attributions principales et subsidiaires. Il y a aujourd’hui en Italie six corps de police rattachés à différents ministères : la police d’État (laquelle correspond à la police nationale française), carabiniers (qui sont des militaires à l’instar des gendarmes français), la brigade financière (militaires dont les compétences se rapprochent de celles de la police française des douanes), la police pénitentiaire (fonctionnaires civils chargés essentiellement de la surveillance des prisons et du transfert des détenus), la police des forêts (fonctionnaires civils en charge de la surveillance des forêts et de la protection de l’environnement) et les gardes-côtes (militaires relevant du ministère de la Marine chargés de la surveillance des mers et des côtes). Cette juxtaposition des personnels a des effets négatifs en raison des gaspillages qu’elle génère non seulement sur le plan opérationnel (par exemple, à l’occasion des matches de football, la surveillance des stades et des supporters est assurée par la police d’État, des carabiniers, des hommes de la brigade financière en plus des policiers municipaux; pour la tenue des procès sont requis du personnel de la police pénitentiaire, de la police d’État, des carabiniers, de la brigade financière sans compter les gardes privés) mais aussi financier (par exemple, on peut noter que les six corps sont dotés de véhicules, d’embarcations, d’hélicoptères, etc.) et que chacun dispose de ses propres services d’entretien et de manutention pour en assurer le bon fonctionnement. La tenue du G8 à Gênes en 2001 illustre parfaitement la réalité de cette juxtaposition. Les six corps de police ont été employés pour assurer et maintenir l’ordre public. À titre anecdotique, il peut être rappelé que ce sont les lances-incendie des gardes forestiers qui ont empêché « l’invasion » de la zone rouge par les manifestants. La situation de « cohabitation » entre la police d’État et les carabiniers s’est compliquée depuis la promulgation du décret-loi n° 297 du 5 octobre 2000 sur la réorganisation des carabiniers. Ce décret-loi, adopté par le gouvernement de centre-gauche au pouvoir à l’époque, a augmenté l’autonomie et les moyens des carabiniers en les portant au même niveau que ceux dont sont dotées les armées de terre, de mer et de l’air. Sur le plan des chiffres, on peut rappeler que les agents de la police d’État sont environ 100000, les carabiniers 116000, les militaires de la brigade financière 67000, les agents de la police pénitentiaire 32000, ceux de la police des forêts 10000, les marins des gardes-côtes 10000 et les policiers municipaux 60000, pour un total de 400000 fonctionnaires.
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[5]
Une des principales activités de maintien de l’ordre, qui mobilise tous les dimanches des milliers de policiers, de carabiniers, d’agents de la brigade financière et de la police municipale, consiste dans la surveillance des stades de football. Tous les dimanches, on assiste à des rixes entre groupes organisés de supporters auxquels s’agrègent des repris de justice et des provocateurs violents. Malgré de nombreuses tentatives, on n’a pas réussi à mettre à la charge des clubs le coût financier des opérations de maintien de l’ordre. En conséquence, ce coût est supporté par la société italienne tout entière à travers les impôts mais aussi à travers l’acceptation d’une réduction de l’efficacité de la police. En effet, puisque le policier affecté à la surveillance des stades ne peut plus être rémunéré au moyen du paiement d’heures supplémentaires, il est dédommagé pour son travail avec un jour de repos. D’où sa moindre présence sur son lieu habituel de travail.
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[6]
Lors des dernières élections municipales de 1999, la commune de Bologne, gouvernée pendant cinquante années par une majorité de gauche, a été « conquise » par une coalition de centre-droit.
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[7]
À cet égard, il faut rappeler quelques constats : l’équation « immigration = criminalité » n’est pas acceptée par une grande partie des Italiens; la limitation des permis de séjour voulue par la Ligue du Nord est vivement critiquée par les industriels du nord-est (bassin électoral historique de ce parti) qui font valoir que les immigrés sont indispensables à la production économique; l’envoi de navires de guerre pour tirer sur les embarcations des immigrés est considéré, là encore, par une grande partie des Italiens comme un signe de barbarie. Cependant, au plan législatif, le traitement de l’immigration a donné lieu à l’adoption de plusieurs lois : la loi n° 39 du 28 février 1990 (Loi Martelli) a été la première tentative pour réglementer le phénomène; la loi n° 40 du 6 mars 1998 (Loi Napoletano-Turco) a défini une politique de régularisation des entrées et des expulsions; et, plus récemment la loi n° 189 du 30 juillet 2002 (Loi Bossi-Fini) a, principalement, aggravé les modalités de lutte et d’expulsion des étrangers en situation irrégulière et renforcé la lutte contre les profiteurs de l’immigration.
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[8]
Les compétences des régions en matière de sécurité sont aujourd’hui limitées à l’organisation de l’équipement, à la formation des polices locales (polices municipales et polices provinciales) et à la promulgation des lois qui concernent ces deux secteurs. Dans le domaine de la formation des policiers, des régions ont ouvert des écoles de haut niveau et d’autres ne possèdent aucune structure. Les provinces ont une police provinciale avec des compétences dans le domaine de la surveillance routière sur les routes gérées par la province et dans celui de la protection de l’environnement. Mais la réalité de cette police varie d’une province à l’autre : quelques régions ne disposent d’aucune structure tandis que d’autres ont mis en place une police bien structurée et équipée. Les communes ont une police municipale qui est rattachée au maire. Mais elle peut aussi être employée par le préfet de police commandant les forces de police nationale. Polices provinciales et polices municipales forment ce que l’on a pris l’habitude d’appeler les polices locales.
Introduction
1Le problème de l’insécurité qui, depuis des années, fait la une des journaux et occupe, quotidiennement, les administrations et les agents du secteur public, exige d’être résolu à partir de stratégies complexes qui soient correctement équilibrées entre prévention et répression. Pour les forces de police, la recherche de cet équilibre rend nécessaire un engagement pour, à la fois, combattre les principales formes de criminalité et présenter une image positive auprès de la population afin d’obtenir sa collaboration. Pour les administrations centrales et locales, chacune dans leur domaine respectif de compétences, cela implique de répondre à la délinquance en développant des actions de prévention qui améliorent aussi la qualité de la vie quotidienne.
2Nombreuses sont les recherches et les approches théoriques qui ont contribué à préciser le phénomène de l’insécurité et les différentes solutions applicables. Des solutions qui, compte tenu de la complexité même du phénomène, ne seront jamais définitives. Elles ne peuvent avoir d’autre objet que de chercher à améliorer l’engagement de toutes les personnes concernées, à réduire le sentiment d’insécurité, à éviter les situations d’exclusion et à élever le degré de la qualité de vie dans les grandes et moyennes villes.
3Gérer la sécurité signifie donc gérer la complexité. Une complexité qui réside dans l’organisation des réponses à apporter en raison du nombre des intervenants et aussi dans le traitement médiatique de l’insécurité dont il ressort que, d’une part, la répression pose problème et, d’autre part, la prévention échappe à une logique technocratique.
4À ces deux causes de complexité s’en ajoute une troisième : l’ambiguïté de la notion même de sécurité. En effet, cette notion renvoie autant à la sécurité publique de l’État et de ses institutions qu’à la sécurité des personnes (Monjardet, 1999).
5Depuis longtemps, de nombreux pays ont cherché à mettre en place des politiques qui luttent, de manière globale et coordonnée, contre la réalité de l’insécurité. Au plan théorique, ces politiques cherchent à optimiser les ressources disponibles pour obtenir les meilleurs résultats. Un large panorama de ces politiques a été présenté dans un numéro spécial de cette revue (Hebberecht, Duprez, 2001). Cela a permis à tout un chacun de prendre connaissance, tout à la fois, des moyens de lutte mis en œuvre dans les pays étudiés, des recherches existantes en ce domaine et des lois pluriannuelles qui ont été promulguées.
6En ce qui concerne l’Italie, on peut soutenir, sans courir le risque d’être taxé de xénophile, qu’il n’existe pas de plan de lutte contre l’insécurité d’une ampleur et d’une portée comparables aux projets anglais et français. Il n’y a pas, non plus, de rapports d’analyse annonçant ce type de plan.
7Si on prend comme référence les analyses présentées dans le volume précité, il n’est pas possible, en ce qui concerne l’Italie, de schématiser les caractères de nos politiques gouvernementales. Les évolutions, lorsqu’elles surviennent, sont surtout formelles, improvisées et dictées par des exigences contingentes.
8Une analyse historique des vingt dernières années montre qu’il n’est pas possible de trouver traces, en Italie, de travaux équivalents au rapport de la Commission des Maires sur la sécurité, au rapport Morgan, aux rapports Peyrefitte, Scarman ou Mc Pherson, au Safer CitiesProgram, au rapport sur la politique de la ville, à la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité (LOPS) ou encore au Crime and Desorder Act. De la même manière, on ne trouve pas, non plus, des structures correspondant à la délégation interministérielle à la ville (DIV), au Conseil National de Prévention de la Délinquance (CNPD), aux Conseils Départementaux de Prévention de la Délinquance (CCPD) et aux Conseils Communaux de Prévention et de Sécurité (CCPS). Cette analyse historique offre aussi l’intérêt de révéler l’absence de Plans Départementaux de Sécurité (PDS) ou de Plans locaux de sécurité (PLS).
9Aujourd’hui, le secteur de la sécurité est, en Italie, régi par un texte unique. Il s’agit de la loi de sécurité publique (TULPS) qui a été promulguée le 18 juin 1931. Cependant, depuis cette date, cette loi a fait l’objet de multiples mises à jour, essentiellement sous la forme de circulaires ministérielles.
10Aux directions centrales et aux structures qui en dépendent, il a toujours manqué, et il manque toujours, sauf exception, une culture de la prévision, de la prévention – au moins en ce qui concerne la gestion de la sécurité entendue dans son sens le plus noble – et de la mise en œuvre de stratégies d’action à moyen et long termes.
11L’activité de lutte contre des phénomènes criminels spécifiques – comme la criminalité organisée dans les régions du sud (Mafia, Camorra, ‘Ndrangheta e Sacra Corona Unita) et le terrorisme – a monopolisé une grande partie de l’attention des élus et des ressources publiques. Cette lutte a justifié, au moins au plan théorique, des politiques marquées par l’urgence et l’emploi unidirectionnel des forces de police.
12C’est ce qui explique, qu’au cours des dernières années, à propos de faits divers gonflés par les médias, le problème de l’insécurité, relié, de manière inappropriée, à la petite délinquance urbaine, a été traité dans l’urgence. Il en est résulté des interventions qui, dans les faits, se sont limitées à des déclarations d’intentions marquées au sceau de la couleur politique de leur auteur. Une fois l’urgence passée, aucune action de suivi n’a été mise en place et les bonnes résolutions s’envolent.
13Face à cette attitude commune, en règle générale, à tous les gouvernements nationaux quelle que soit leur couleur politique, les administrations locales ont réagi. En contact direct avec la population, elles ont, en effet, pris des initiatives pour apporter des réponses ponctuelles aux problèmes qu’elle peut rencontrer.
14Dans l’ensemble, pour ce qui concerne l’état et l’évolution de la criminalité, la situation de l’Italie n’est pas diamétralement différente de celle rencontrée par les autres pays européens. Certes, des particularités italiennes existent. D’abord, la fiabilité des chiffres de la criminalité officielle souffre d’une présentation sous-évaluée des plaintes des victimes. Ensuite, le fossé entre le nord et le sud reste générateur de différences sociales importantes. Un développement continu et un chômage contenu au nord et un développement réduit et une criminalité plus importante au sud entraînent des réponses sociales différentes pour chacune de ces deux zones. Au sud de l’Italie, les forces de police sont contraintes d’effectuer des interventions plus importantes et plus fréquentes.
15Un aspect particulièrement problématique de la lutte contre l’insécurité résulte du fonctionnement du système judiciaire. D’abord, il y a, dans la politique gouvernementale, une contradiction constante entre le discours et les actes. Bien qu’il fasse l’objet d’attentions spécifiques de la part du gouvernement, le système judiciaire italien se caractérise par son extrême lenteur et une indifférence aux mesures alternatives au droit pénal touchant à l’amélioration de la sécurité et de la qualité de vie. Ensuite, il n’y a pas trace en Italie d’une justice de proximité telle qu’elle peut exister dans d’autres pays. Selon certains sondages d’opinion, la justice italienne est perçue, de plus en plus, comme un système caractérisé par une moindre application de la peine et un renforcement des droits de l’accusé jusqu’au stade ultime de la procédure. Selon les spécialistes, il est clair que le concept de prison, comme principe de rééducation, s’est arrêté aux écrits de Cesare Beccaria. À propos de la situation du système judiciaire, on peut rappeler qu’au moment où le principe « tolérance zéro » connaissait son apogée en Italie à la fin des années 1990, ses défenseurs – qui l’avaient mal saisi et donc mal compris – défendaient des modalités d’action à des annéeslumière de la réalité italienne sans, par ailleurs, se soucier des difficultés liées à leur application. Enfin, la justice italienne n’accorde encore qu’une place réduite aux victimes dans le système judiciaire. À cet égard, les conclusions de la Commission spéciale sur les droits des victimes, qui recommandaient en particulier de faire droit à la décision-cadre du Conseil de l’Union européenne du 15 mars 2001, n’ont été suivies d’aucun effet.
16En outre, en ce qui concerne la situation des victimes et la perception de l’insécurité, la première, et pour l’instant la seule, recherche effectuée en 1998 par Barbagli au sein de l’Institut national de la statistique donne des résultats qui ne sont pas significativement éloignés de ceux constatés dans d’autres pays.
Les politiques de sécurité en Italie
17Depuis ces dernières décennies, les politiques de sécurité s’inscrivent dans le cadre européen. Elles s’articulent autour, d’une part, de mesures préventives et répressives et, d’autre part, de la mise en place de synergies pour impliquer toutes les forces présentes et compétentes.
Le projet « Città sicure »
18Ce projet s’inspire des activités mises en place dans de nombreux États européens. Il a débuté en 1994 dans la région Émilie-Romagne à l’initiative d’un groupe de personnes comprenant des universitaires, des journalistes, des travailleurs sociaux, etc., qui a commencé à réfléchir, à partir des réalités locales, sur les nouvelles exigences qu’implique la sécurité (Braccesi, 1999). Cela a été le point de départ de recherches, de séminaires, de réflexions et d’initiatives à vocation scientifique qui ont contribué, de manière fondamentale, à fournir et à faire circuler des études théoriques et pratiques sur le thème de la cogestion de la sécurité. Il s’agit d’études, à la fois sur les coordinations à établir entre les autorités locales et centrales et sur les perspectives d’évolution des solutions à mettre en œuvre. Ces études ont constitué un travail fondamental qui a permis la construction de ce que l’on peut considérer comme le modèle italien de lutte contre l’insécurité.
19Pour l’exécution des politiques de sécurité, ce projet a mis l’accent sur l’importance des réalités du terrain. Il faut constamment partir des situations concrètes et déterminer les réponses en fonction, à la fois, des capacités et des ressources des structures compétentes chargées des problèmes de sécurité et du degré d’aptitude de la population à s’impliquer dans la résolution des problèmes.
20Comme le rappelle Selmini (1996,203), le concept de nouvelle prévention se définit comme l’ensemble des actions qui ont pour objet d’éliminer ou de réduire la fréquence des comportements considérés, à divers titres, comme criminels en recourant à des moyens autres que ceux prévus par le système pénal. Le caractère générique de cette définition complique les efforts de ceux qui tentent d’adapter les moyens existants à un cadre plus vaste des domaines d’intervention. Il est surtout difficile de repérer les éléments « novateurs » de la prévention. Ainsi, s’agissant des actions menées par les autorités locales, la nouveauté peut être recherchée soit dans les formes typiques de la prévention pénale, soit surtout dans les activités de prévention sociale au sens large. On peut considérer que les autorités locales adoptent des stratégies de « nouvelle prévention » lorsqu’elles modifient ou reconvertissent les objectifs principaux de leurs actions sociales. Il en va ainsi lorsque ces autorités décident de procéder à l’élimination ou à la réduction des causes à l’origine des dégradations sociales, de l’exclusion ou de la déviance ou encore lorsque, de manière plus limitée, elles cherchent, par exemple en distribuant des seringues neuves aux toxicomanes, à réduire les coûts engendrés par les comportements à risque.
21Aujourd’hui, encore, le projet « Città sicure» continue à produire des effets positifs. Il sert toujours de cadre à la réalisation d’analyses théoriques et à la mise en œuvre de mesures d’application. En association avec le Forum Italien pour la Sécurité Urbaine (ci-après FISU), ce projet, sous la dénomination de « Service de la promotion et du développement des politiques pour la sécurité et de la police locale » de la région Émilie-Romagne, a aussi donné une impulsion décisive à l’adoption de plusieurs textes. Ainsi peuvent être cités :
- les protocoles d’entente et les contrats de sécurité conclus entre le ministère de l’Intérieur, à travers les préfectures compétentes, et les autorités locales intéressées communes, provinces et groupements de communes – qui formalisent les accords de collaboration en déterminant les actions particulières à engager et en créant une direction unique chargée des problèmes de sécurité locale;
- le décret-loi n° 279 du 27 juillet 1999 qui, de manière contradictoire, reconnaît le droit au
maire des communes de chef-lieux et aux présidents de provinces de siéger à plein titre au
Comité provincial pour l’ordre et la sécurité publique, créé par la loi 121 du 1er avril 1981 [1]. Ce décret-loi constitue un premier pas vers de nouvelles formes de collaboration.
Pourtant, dans les faits, la présence de deux élus politiques dans un organe technique de consultation en matière d’ordre public auprès du préfet a été considéré avec perplexité par plusieurs partis politiques [2].
Les protocoles et les contrats de sécurité
22Depuis le 9 février 1998, cent vingt-quatre « protocoles » ou « contrats » de sécurité ont été signés entre le ministère de l’Intérieur et les autorités locales – communes, provinces et groupements de communes.
23Toutefois, les « protocoles » ou « contrats » italiens ont un contenu distinct des contrats locaux de sécurité (CLS) français. D’abord, à l’inverse des contrats français, les contrats italiens n’entrent pas dans le détail des engagements, ni n’établissent de devoirs ou d’échéances précises. Ils se bornent à énoncer des évidences théoriques qui engagent les signataires sur des données de fait et des obligations institutionnelles en matière de collaboration et de coordination. Ensuite, les parties au contrat se limitent presque toujours au préfet et au maire ouau président de la province. En conséquence, toutes les autres autorités impliquées dans la lutte contre l’insécurité – magistrats, inspecteurs d’académie, gestionnaires des cités, etc. – sont, formellement, exclus des contrats italiens. Enfin, le pilotage des contrats n’est pas ministériel. En Italie, il est seulement assuré par les autorités signataires. C’est donc, avant tout, la qualité des relations personnelles que les signataires peuvent entretenir entre eux qui détermine la portée de la mise en œuvre des contrats.
24Malgré, ou à cause de ces particularités, ces « protocoles » ou « contrats » connaissent un succès quantitatif certain. Pour autant, il est actuellement difficile de mesurer leur efficacité. En effet, les travaux du groupe chargé de l’évaluation de la réalisation des « protocoles » constitué en août 2000 auprès du ministère de l’Intérieur, n’ont fait l’objet d’aucune publicité.
La collaboration État-régions
25Au cours des vingt dernières années, quelques régions (l’Émilie-Romagne, la Toscane, le Latium, et la Vénétie [3] ont aussi signé avec le ministère de l’Intérieur des protocoles visant à développer une collaboration institutionnelle. Il est prévu que cette collaboration s’articule, principalement, autour de trois lignes directrices : formation professionnelle commune des personnels de police à compétence générale et des personnels des polices municipales; collaboration en matière de système d’informations; développement d’une synergie entre les centres opérationnels des forces de la police nationale et ceux des corps des polices municipales.
26Cette formalisation des formes de collaboration entre le ministère de l’Intérieur et les autorités locales a favorisé la naissance d’actions de lutte contre l’insécurité, gérées conjointement, par les forces de police et les acteurs de terrain. À titre d’exemples, peuvent être mentionnées : 1. les actions organisées à Turin où le personnel de la préfecture de police et celui des commissariats de la police d’État travaillent avec le centre de médiation des conflits, créé dans un quartier particulièrement difficile par la municipalité et le Groupe Abele, qui accueillent les victimes de violence pour les aider à reprendre une vie sociale normale; 2. les activités de formation organisées par la municipalité et la province de Turin en matière de médiation à destination de l’ensemble du personnel, national et municipal, des forces de police; 3. les actions en faveur des jeunes d’un quartier difficile de Gênes qui font appel à la collaboration entre police d’État, carabiniers, personnel du « bureau conditions de vie et sécurité de la commune », services sociaux, éducateurs de rues et police municipale; 4. les campagnes d’informations menées par des fonctionnaires de police dans les quartiers de nombreuses villes à destination des personnes âgées; 5. les projets en faveur des toxicomanes coordonnés par la préfecture de Palerme.
27À propos des mesures de lutte contre la consommation de drogues, le projet intitulé « Forces de l’ordre et Peer Support : une possible intégration » préconise un changement de culture de la part des représentants des forces de l’ordre et des travailleurs sociaux. Pour promouvoir une vraie culture de collaboration, le projet propose de créer les conditions d’un véritable dialogue entre ceux qui, par obligations institutionnelles, sont engagés en priorité dans une action répressive et sécuritaire et ceux qui, à l’inverse, en raison de leur statut ont une obligation professionnelle axée sur le traitement thérapeutique et la réinsertion sociale des toxicomanes (Pezzimenti, Giostra, 2002).
Les initiatives du ministère de l’Intérieur
28Outre sa collaboration avec des partenaires locaux, le ministère de l’Intérieur a aussi mis en œuvre une série de mesures pour améliorer la gestion de la sécurité et le contrôle du territoire. Dans le rapport de 2001 sur l’état de la sécurité en Italie, on peut lire que la stratégie anticriminelle, et plus généralement celle de la sécurité publique, doit être continuellement adaptée pour résoudre les problèmes et atteindre les objectifs. En ce sens, ce rapport opère un important changement culturel quant à l’approche même du problème de l’insécurité. Il rompt avec une conception de la prévention strictement axée sur un contrôle quasi-militaire du territoire pour adopter une approche ouverte et interactive dans laquelle les structures représentant la population sont associées, de manière déterminante, aux moyens de lutte. Cette nouvelle approche repose, d’une part, sur une connaissance approfondie du territoire, en particulier de ses caractéristiques sociales, économiques et surtout criminelles. Dans ce but, il est prévu d’appréhender la réalité du territoire concerné en développant des formes de partenariat avec d’autres institutions, telles que les communes, les provinces et les régions. D’autre part, cette approche prévoit le développement de techniques véritablement opérationnelles.
29C’est sur cette base que, par exemple, ont été mis en place : les centres opérationnels interconnectés des forces de police; les systèmes de vidéo-surveillance; et, dans quelques villes, le projet « Parcs sûrs » dont le but est de rendre accessibles et visibles tous les lieux de rassemblement qui sont souvent criminogènes.
30À titre d’exemples d’actions entreprises pour rapprocher la police de la population et permettre une meilleure compréhension de leurs besoins, il peut être fait référence : 1. au numéro vert destiné à la collecte des plaintes et des réclamations; 2. aux innovations informatiques telles les boîtes vocales qui donnent des réponses pré-enregistrées aux questions les plus fréquemment posées par la population; 3. à l’équipement des bureaux de police avec des logiciels de traduction de l’italien vers différentes langues étrangères, et réciproquement, pour simplifier l’enregistrement des plaintes; 4. à l’extension de la procédure de recueil des plaintes pénales à domicile, déjà existante pour les personnes âgées et les handicapés, à toutes les victimes d’infractions particulièrement traumatisantes, telles les viols, les affaires de mœurs ou celles dont les victimes sont des mineurs; 5. au renforcement des mesures de protection des mineurs contre la pédophilie et la prostitution; 6. au plan pour la sécurité du Mezzogiorno (PSM) pour connaître en temps réel, au moyen de télélocalisateurs, la position des patrouilles motorisées en mission sur le terrain.
La police de proximité
31La police de proximité peut être définie comme une « philosophie opérationnelle ». Elle s’insère dans une planification complexe de l’action de la police. Elle modifie l’approche professionnelle des opérateurs appelés à contrôler le territoire, spécialement celui des quartiers. L’action de la police pourra ainsi influer, de manière positive, sur la perception que la population a de la sécurité. Même si elle ne parvient pas à éliminer les causes à l’origine du sentiment d’insécurité, la police de proximité constituera, de toute façon, un voisinage rassurant et un moyen visible d’une prise en considération des problèmes des habitants. Il s’agit donc de penser l’activité de la police à partir de moyens véritablement opérationnels dont l’objet est de rapprocher, toujours plus, la police de la population afin d’atténuer la perception de l’insécurité.
32Personnellement, j’ai souligné que la police de proximité est un concept fondamental, une manière de travailler et de se présenter à la population. La police de proximité doit être un réceptacle d’idées et d’expérimentations qui répondent, de manière adéquate, à la réalité de la criminalité. Mais mettre en place une police de proximité implique de modifier la conception même du métier de policier ainsi que les rapports que ce dernier doit entretenir avec les collaborateurs extérieurs et la population. Cela signifie s’engager dans une œuvre de longue durée qui exigera des transformations profondes de tout le système de police et de chacun de ses composants. Chaque policier devra produire un effort intellectuel pour analyser son travail et celui des autres. Un effort qui commande de modifier sa façon d’agir et de diriger. Commander n’est plus suffisant. Il faut savoir animer, convaincre, évaluer, modifier, donner l’exemple, déléguer et faire confiance en acceptant, en retour, les critiques, la créativité, l’esprit d’initiative et le pragmatisme des autres intervenants (Carrer, 2000).
33Actuellement, la réalisation du projet « Policier et carabinier de quartier », qui associe les carabiniers aux actions de proximité dans certains quartiers de toutes les villes cheflieux de province, est encore dans sa phase expérimentale. Il est prévisible que les premiers résultats montreront que l’activité de la police de proximité sera appréciée par une grande partie de la population. Celle-ci se déclarera rassurée par la présence des agents en uniforme et par leur plus grande disponibilité pour prendre en considération leurs questions, appels et témoignages. Cette satisfaction sera aussi, dans les faits, indépendante d’une réduction effective de la délinquance quotidienne. Un paradoxe qui s’explique par le fait qu’une réponse médiatique, même de façade, à un phénomène médiatique comme l’insécurité, suffit à atténuer l’ampleur dudit phénomène.
Le rapport sur « l’état de la sécurité en Italie » (août 2003)
34Dans ce rapport, le ministre de l’Intérieur Pisanu a souligné que la sécurité représente un objectif auquel le gouvernement ne peut renoncer. Il doit être atteint en développant la collaboration de tous les acteurs concernés. Dans ce cadre, les politiques de prévention assurent un rôle fondamental. Mais ces politiques ne sont pas une prérogative propre du ministère de l’Intérieur. Elles doivent faire partie du « patrimoine génétique » de tous les intervenants, institutionnels ou non, en mesure de contribuer à rendre les quartiers plus tranquilles et plus vivables. Ce même rapport montre qu’on peut parler de sécurité seulement lorsque la population se sent en sécurité et défendue et lorsque la collectivité a le sentiment que ses exigences en matière de conditions de vie font l’objet d’une attention concrète et visible. Le rapport met alors en exergue les notions de « sécurité participative », de « sécurité subsidiaire », de « sécurité catégorielle » et de « participation démocratique consciente aux interventions ».
35Le rapport poursuit en soulignant l’importance : 1. de la collaboration entre le ministère de l’Intérieur et les autorités locales en généralisant, ou en proposant de généraliser, à toutes les structures, les accords déjà conclus avec certaines d’entre elles; 2. de l’insertion du personnel des polices privées à l’ensemble du système de sécurité à condition qu’il soit préalablement formé, mis effectivement en mesure de partager les informations et réellement présent sur le territoire; 3. des mesures spécifiques en faveur de certaines catégories de personnes du secteur économique : commerçants, industriels, banques, bureaux postaux, etc.
36Je me rends compte, d’une part, que les notions, auxquelles il est fait allusion dans le rapport, sont des évidences pour des experts et des professionnels habitués à résoudre des situations conflictuelles en menant des actions concrètes et positives. J’estime, cependant, que ces notions représentent pour notre pays un saut qualitatif important. Elles valident la reconnaissance formelle de modalités théoriques et opérationnelles qui, il y a peu de temps, étaient encore ignorées des politiques et des bureaux ministériels. Elles contrebalancent l’arriéré culturel qui subsiste en matière de sécurité comme en témoigne le déficit des recherches concernant la police, en comparaison de celles menées dans d’autres pays, et l’absence, à l’intérieur même des forces de police, de structures adaptées pour faire valoir les besoins nécessaires à la réalisation des missions.
37D’autre part, il est évident que la description des actions mises en œuvre par l’État résultent de textes officiels. C’est là, au plan formel, un point positif. Cependant, la réalité est différente. Il y a, en effet, loin de la théorie à la pratique. Il n’est pas difficile de se rendre compte qu’une grande partie des projets mis en œuvre par le ministère de l’Intérieur a été empruntée, avec plus ou moins de changements, à des expériences menées dans des pays étrangers, en particulier en France qui est traditionnellement le pays dont la culture est la plus proche de la nôtre.
L’organisation des forces de police
38L’organisation des forces de police remonte à l’époque napoléonienne, et à ce titre, elle s’apparente à l’organisation policière française. Toutes les deux font appel à une double catégorie de personnels : police nationale et gendarmerie en France; police d’État et carabiniers en Italie. Cependant, la répartition territoriale des compétences varie considérablement d’un pays à l’autre. En France, au moins théoriquement, il existe une subdivision territoriale : police nationale dans les villes de grande et moyenne importance et gendarmerie dans les petites villes et les zones rurales. Cette subdivision ne se retrouve pas totalement en Italie. Ainsi, les carabiniers sont présents sur tout le territoire de la République. Ils ont une compétence prédominante dans les zones rurales – à l’instar des brigades de gendarmerie en France – et une compétence partagée avec la police d’État dans les villes grandes et moyennes. Dans quelques villes, les structures et les bureaux ne sont d’ailleurs distants que de quelques centaines de mètres. Mais, il n’est pas rare que cette proximité génère des conflits de compétence qui s’apparentent à des enfantillages, voire entretient une guerre des polices. Dans certains cas, ces conflits ont même eu pour effet de provoquer des bavures mortelles en raison de l’absence réciproque d’informations sur des affaires en cours. Cette situation est encore aggravée par la sur-médiatisation de la criminalité et des moyens de lutte contre cette dernière. Il peut arriver que, à l’occasion d’actes criminels retentissants (braquage de banque, prise d’otages, etc.), des patrouilles des différents corps de police se précipitent là où ils sont sûrs de trouver les médias. Pendant ce temps, faute de personnel disponible, la victime d’un délit mineur se trouvera renvoyée d’un service de police à l’autre [4]. Une amélioration de la situation passe par le renforcement de la collaboration des différents corps de police. Mais, jusqu’à présent, les différentes tentatives faites en ce sens ont toujours échoué.
39Cet échec peut expliquer l’emphase qui a accompagné la mise en place des centres opérationnels interconnectés des forces de police. Il s’agissait de donner l’impression que « les choses bougent ». Pourtant, dans les faits, la création de ces centres ne constitue qu’un premier pas, au demeurant bien timide, vers une réforme de l’organisation policière.
40Le modèle de la police de proximité, emprunté à la France, a été transposé de manière peu critique et plutôt servile. Le hasard a voulu que, le jour même où le ministre de l’Intérieur italien annonçait le lancement du projet, le Directeur général de la police nationale française redimensionnait la police de proximité en clarifiant ses buts et ses limites.
41Au cours des derniers mois, des contraintes économiques ont entraîné des restrictions budgétaires. Le budget de la police a ainsi subi d’importantes réductions. Le fonctionnement quotidien de la police s’en ressent sensiblement : limitations de carburant, véhicules inutilisables faute de réparations, heures supplémentaires du personnel bloquées, etc. [5] Pour les policiers de proximité, ces restrictions se sont traduites par un déficit de formation et des affectations à des tâches subalternes au sein des commissariats. En effet, les missions de proximité ne s’installent pas dans une action à long terme, mais visent seulement à répondre aux besoins ponctuels et aux urgences des commissariats.
42Les restrictions budgétaires ont encore été plus importantes à l’égard des services sociaux. Sur le plan opérationnel, ces services dépendent des communes. Mais leur financement est assuré, en grande partie, par des dotations budgétaires de l’État aux régions et aux communes. Ce sont précisément ces dotations qui ont fait l’objet des réductions les plus lourdes. Aujourd’hui, le bon fonctionnement des actions de prévention, des actions d’assistance et des aides d’urgence est entravé à un point tel que le rôle social de l’État est remis en cause.
Les initiatives des autorités locales
43Les régions, provinces et communes, de manière isolée ou concertée, se sont montrées particulièrement actives pour lutter contre l’insécurité. Dans ce but, elles ont créé de nombreuses structures : bureau de la sécurité, bureau des conditions de vie et de sécurité, bureau de la sécurité et de la qualité de la vie, etc.
44Parmi les actions les plus récentes et les plus significatives, figure la proposition de loi nationale portant « dispositions pour la coordination en matière de sécurité publique et de police administrative locale et pour la réalisation de politiques concertées pour la sécurité », présentée conjointement par l’Association Nationale des Communes italiennes (ANCI), l’Union des Provinces italiennes (UPI) et la Conférence des Présidents de Régions. Cette proposition a été approuvée par le FISU. Ce texte définit comme politiques locales pour la sécurité « les actions qui, dans le cadre des compétences propres aux villes, provinces et régions, cherchent à établir une convivialité, ordonnée et civile, sur le territoire communal ». Les politiques concertées pour la sécurité sont, quant à elles, définies comme « les actions qui visent à intégrer les politiques locales pour la sécurité aux politiques de lutte contre la criminalité et la protection de l’ordre public ». Cette proposition élargit le pouvoir dévolu au maire, au président de province et au président de région en matière de politiques locales de sécurité.
45La proposition prévoit aussi la possibilité d’accords locaux et régionaux en matière de coordination et de politiques concertées pour la sécurité en ce qui concerne les systèmes d’informations intégrées, l’interconnexion des centres opérationnels des diverses polices opérant sur le territoire, la collaboration policière pour le contrôle du territoire, la prévention de la criminalité et l’organisation d’activités de formation professionnelle. La proposition de loi précise aussi les fonctions des polices locales, notamment de la police administrative locale, qui opèrent sur le territoire des communes et des provinces. Dans les limites prévues par leur statut, le personnel de ces polices peut exercer des fonctions de police judiciaire, de police de la route, de police financière et d’auxiliaires de la sécurité publique.
Les lois régionales sur la sécurité
46Quelques régions (Émilie-Romagne, Lombardie, Latium, Toscane, Vénétie et Les Marches) ont prévu d’adopter une loi en matière de sécurité. Cette initiative devrait être reprise, très prochainement, par d’autres régions.
47Parmi les actions spécifiques des autorités locales, il faut rappeler celles concernant l’environnement urbain. Elles ont pour objet de réduire le sentiment d’insécurité en intervenant sur les conditions de l’habitat et, aussi, de lutter contre les tentatives de privatisation de la protection des espaces et des modes de vie.
48Les actions relatives aux processus de resocialisation, de réhabilitation et de revitalisation ont, souvent, pour fondement « les contrats de quartier » (Décret-loi du 22 octobre 1997, Décret ministériel du 5 octobre 1999 et loi n° 21/2001). Ces contrats ont pour objet de resocialiser des zones difficiles et dégradées en recourant à des capitaux publics, étatiques et locaux (Loi n° 266 du 7 août 1997 sur le soutien et la création de petites entreprises dans les zones urbaines difficiles).
49Il convient d’insister, par exemple, sur le projet qui a été mené à Milan par l’adjoint au maire « chargé des banlieues, de la sécurité et de la décentralisation des activités communales » en collaboration avec le « service de la qualité de la vie urbaine et de la sécurité » du département des sciences du territoire de l’École polytechnique. Ce projet a débuté en 1995. Son objet est d’effectuer des recherches et d’entreprendre des actions sur la vitalité des quartiers. Dans ce but, trois axes d’interventions ont été développés : 1. la réhabilitation de l’espace physique au moyen de micro-projets et de travaux d’entretien; 2. le soutien à la vitalité des quartiers en agissant sur les activités commerciales, culturelles, sociales et de loisirs; 3. la mobilisation des groupes sociaux et des associations présentes sur la zone en promouvant des actions tournées vers la cohésion sociale et l’identification des lieux qui génèrent des mécanismes spontanés de défense du territoire.
50Autre exemple : les actions de resocialisation développées par le bureau « Rome sûre » de la mairie. Ces actions comprennent : des activités de médiation sociale en particulier à l’attention des personnes âgées; la mise en place de réseaux de solidarité au sein des immeubles en copropriété; le recours à des volontaires pour assurer une action de prévention devant les écoles et dans les parcs publics; le renforcement et la restauration de l’éclairage de la ville à partir des dysfonctionnements signalés par la police municipale; et un programme de réappropriation de l’environnement. Concernant ce dernier domaine, il s’agit de développer des actions pour reconquérir les espaces urbains, petits et moyens, abandonnés ou dégradés qui sont devenus, au fil du temps, des lieux d’insécurité. Ce programme fait appel aux associations qui emploient des personnes qui connaissent des difficultés d’insertion sur le marché du travail (personnes atteintes de troubles psychiatriques, handicapés, toxicomanes). Il est aussi prévu de recourir à des sponsors et des partenaires privés pour créer de nouveaux espaces de rencontres et d’échanges culturels. De son côté, la mairie de Rome a associé des services sociaux de quartiers à des travaux de réhabilitation de la ville. Ces structures visent à valoriser les ressources humaines et culturelles des communautés locales, à favoriser les relations interpersonnelles, à familiariser la population avec son espace et à faire émerger des valeurs collectives. Ces services pourraient constituer des petits « modules scientifiques de quartier » pour recueillir et regrouper toutes les informations sur la vie du quartier pour, ensuite, les diffuser à la population, aux organismes sociaux et aux acteurs économiques. À terme, ces informations devraient permettre l’élaboration de projets de développement de quartier (Del Fattore, 1999).
51À Turin, en 1997, a été lancé le projet « Spécial banlieues » pour identifier les problèmes existants et étudier leur perception par la population d’un quartier. Ce projet a pour principale particularité d’utiliser les compétences des différents services municipaux concernés : services culturels, sociaux et autres services techniques (Magnano, 1999).
52Autre exemple, en 2001, la région d’Émilie-Romagne a financé à hauteur de 50% des projets pilotes initiés par plusieurs communes en vue de la rénovation urbaine des quartiers particulièrement difficiles et de la socialisation de leurs habitants. Il s’agit d’actions qui s’inscrivent dans un programme d’ensemble de réfection de certains espaces municipaux dont les objectifs sont la sécurité, la prévention de la délinquance et, de manière indirecte, le contrôle de tous les espaces de la ville.
53Dans leur ensemble, ces projets s’attachent à revaloriser l’image des espaces urbains – places, gares, jardins et espaces verts, trottoirs, usines abandonnées – dont le mauvais état témoigne d’un certain désordre urbain et de l’existence d’une criminalité diffuse. Autant de facteurs qui génèrent et accroissent le sentiment d’insécurité chez les habitants des zones concernées.
54Les procédures d’amélioration de l’environnement prévoient aussi : le renforcement de l’éclairage; l’installation de systèmes de vidéosurveillance et de télé-secours; la création de pistes cyclables; et l’implantation de structures en matière d’aides sociales. À cet égard, des efforts importants ont été déployés, notamment, en faveur des immigrés (accueil, informations, orientation) et des services de rue pour les prostituées. Il a aussi été créé des centres de médiation des conflits et des guichets de sécurité. Ces derniers servent d’interface entre la population et l’administration. Ils examinent les demandes et les réclamations de la population. Ils décident des premières mesures à prendre en faisant appel aux compétences, parfois combinées, de la police administrative, des services sociaux et ceux des services d’entretien.
55En particulier, un des projets régionaux prévoit la restructuration totale d’un petit « quartier sensible » de banlieue en proie à la délinquance et à de nombreux abus. Ce projet consiste, lors de la restauration d’un appartement, à moduler sa surface en fonction de la taille des familles, à prévoir des loges de gardiens, des espaces de convivialité, des activités commerciales et de services (bars, dispensaires, etc.) ainsi que l’implantation de locaux pour la police municipale et les carabiniers.
56D’autres actions visent au renforcement des dotations des polices municipales, avec l’acquisition de véhicules équipés de systèmes radio permettant leur localisation.
57Dans leur ensemble, ces actions visent, donc, à une réappropriation de l’environnement physique pour améliorer les conditions de vie, faciliter les relations entre habitants d’un même quartier et de ce quartier avec les autres quartiers de la ville.
58La loi régionale n° 38 du 16 août 2001 sur « les actions régionales en faveur des politiques locales pour la sécurité de la communauté de Toscane », adoptée par la Toscane, prévoit de financer chaque année une série de projets présentés par des communes ou des groupements de communes de la région. L’ensemble des presque deux cents projets, financés en 2001, vise à réaliser des politiques de concertation entre les différents services compétents et à développer l’emploi de volontaires. Ces projets se fondent sur le contrôle du territoire, sur des actions à caractère urbain et sur des mesures sociales ciblées telles la prise en compte du malaise des jeunes ou l’assistance aux victimes. Les projets spécifiques pour les polices municipales – basés aussi sur l’interaction des services communaux compétents pour rationaliser les ressources – prévoient : le recours à des vigiles de quartiers et à des policiers de proximité; l’accroissement de la présence nocturne de la police municipale, notamment, pour prévenir les infractions routières; l’augmentation du nombre des appareils de télécommunication; et la collaboration des polices municipales avec les forces de police nationale.
59La municipalité d’Alexandrie a élaboré un projet de caractère général. Après une série d’analyses relatives à la perception, par la population, de son environnement social, naturel et interpersonnel (Gazzola, Longoni, 2001), des voies d’action ont été dégagées. Elles prévoient, en coordination avec la police nationale, de recourir aux services de volontaires. Leur rôle est d’informer la population des activités en cours, d’assurer une présence dans quelques espaces verts et de venir en aide aux personnes vulnérables ou victimes d’infraction. L’action de ces volontaires doit aussi être relayée par le développement d’initiatives visant à impliquer les associations de commerçants et les sociétés de surveillance du secteur privé. De surcroît, la municipalité a prévu la signature d’un « contrat de sécurité » avec la préfecture et l’établissement d’« une carte de services » à garantir à la population.
Le rôle des polices locales
60Dans le dispositif de lutte contre l’insécurité, ce sont les polices municipales qui jouent un rôle fondamental. D’abord, parce qu’elles gèrent en partie directement la mise en œuvre et l’application des projets. Ensuite, parce que les récentes modifications du titre V de la Constitution du 2001 ont élargi leurs compétences administratives. Parmi les activités les plus innovantes, il faut citer la mise en place d’agents de quartier, notamment, dans les villes de Bergame, Grosseto, La Spezia, Milan, Monza, Modène, Pavie, Plaisance, Padoue et Turin.
61S’agissant des fonctions et des responsabilités des polices municipales, Famigli (1995) leur assigne une fonction de services et d’adaptation aux changements : la police municipale doit être préparée à suivre l’évolution des besoins et des attentes de la population. Or c’est souvent loin d’être le cas. On a l’impression que la police travaille sur les besoins d’hier. L’énergie qu’elle dépense et les missions qu’elle effectue répondent aux besoins qu’avaient la ville et ses habitants il y a quelques années et non à ceux qui sont les siens d’aujourd’hui.
62Vezzulli met en évidence les motivations qui sont à l’origine de l’activité des agents de quartier : meilleure et plus grande présence sur le terrain, contacts directs entre les agents et le terrain sur lequel ils opèrent pour fournir une réponse adaptée. En plus de ses prérogatives de défenseur de l’ordre public, l’agent de quartier doit être un repère pour la population et un relais de l’administration publique.
63Le projet « Vigile de quartier » de la ville de Modène explique parfaitement les raisons, théoriques et pratiques, du recours à des agents de quartier. Il fait référence au fait qu’il existe une demande spécifique et croissante de la population à vouloir faire respecter ses droits à la sécurité et à la dignité. Pour y répondre, il apparaît aussi opportun de développer les compétences de la police municipale. Certes la réponse à cette demande doit intervenir dans le respect de la loi. Mais lorsque cette demande concerne des questions touchant à la qualité de la vie, il peut y être répondu en développant des modèles de collaboration et de coordination entre les diverses forces de police. Les nouveaux besoins et réponses à ces besoins augmentent dans la société. Ils exigent une évolution de tout le système des corps de police, une délimitation plus précise de ses sphères de compétences et une organisation efficace pour garantir une collaboration et une coordination des forces de police respectueuses de la qualité professionnelle de chaque corps. Il ne s’agit pas de contraindre les agents de quartier à exercer de nouvelles missions. Il s’agit seulement de garantir l’exercice des fonctions « historiques » dans le cadre de nouvelles modalités d’interventions qui se caractérisent par la transparence, l’accessibilité, la présence et la personnalisation des contacts lors de l’exécution des missions.
64La présence des agents de la police municipale peut aussi être utile pour lutter contre les comportements déviants. Dans ce cas, une mesure « de type sanction » se révèle souvent inadaptée car elle ne s’attaque pas aux causes, n’a qu’un caractère temporaire (les policiers s’éloignent, le problème revient) et ne permet pas de saisir les symptômes de l’émergence d’une situation conflictuelle sur le terrain (Rondinone, 1998).
65La police municipale de la ville de Bergame a réalisé un projet pilote d’agents de quartier pour répondre à la demande, formulée par la population, pour une plus grande sécurité. Dans les faits, cette demande ne dépend pas de la fréquence des délits mais de la perception de l’insécurité par la population. Elle est liée à une surestimation des phénomènes criminels et à la réduction simultanée de la cohésion sociale et de la solidarité. Dès lors, il est important que des actions de prévention et de répression, rendues possibles par une présence constante des agents sur le terrain, soient effectivement menées et que la qualité de vie dans les quartiers devienne une priorité. Cela suppose de répondre aux demandes de la population en proposant, en temps réel, une solution à leur problème.
66À Turin, la police municipale vient d’organiser un service de proximité. Dans ce but, la ville a été subdivisée en zones homogènes. Puis chaque zone a été attribuée à un groupe d’agents volontaires précisément formés aux besoins de leur zone. Ces agents doivent être polyvalents. Ils doivent être capables d’écouter, de rapporter et d’intervenir pour prévenir des incidents et désamorcer des situations de conflits. Les missions de service de proximité sont de surveiller et de connaître le terrain, d’étudier les problèmes, de mettre en évidence les symptômes de dégradation et de désordre urbains, de gérer les actes d’incivilité et de désordre et, enfin, de signaler aux autres services de la commune les petits problèmes à régler rapidement.
67Ce projet se propose de traiter l’insécurité en préservant ou en améliorant la qualité de la vie. Dans ce modèle, les actions de prévention et de répression visent à impliquer et à responsabiliser tous les acteurs de terrain en cherchant à fournir des réponses dans tous les domaines. C’est un modèle qui cherche à faire travailler ensemble, chacun dans leur domaine de compétences, les agents de la police d’État, de la police municipale, de la brigade financière, les carabiniers, le personnel des services sociaux, de l’entretien et de l’hygiène urbaine et aussi, lorsque cela est possible, les magistrats, les enseignants, les responsables des logements et des groupes de citoyens.
68De cette présentation générale du rôle de la police locale, il ressort que les autorités communales, provinciales, et régionales ont cherché à transposer les expériences positives réalisées à l’étranger. Pour réaliser cette transposition, les autorités se sont appuyées sur la police municipale. Cette singularité italienne s’explique par le fait que, dans ce pays, l’existence des policiers municipaux est une institution ancienne, à savoir qu’ils ont toujours été en contact avec la population avec qui elle entretient, sauf en matière de répression des infractions de stationnement, de bons rapports. Dès lors, il n’est pas étonnant que la création de la police de proximité par le ministère de l’Intérieur suscite l’hostilité chez les policiers municipaux. Ils y voient, peut-être à raison, une ingérence dans leurs compétences dictée par des considérations exclusivement médiatiques.
69En effet, les activités de la police de proximité et de la police de quartier ont, par tradition, toujours été accomplies par la police municipale. On peut même considérer que les activités de proximité caractérisent, traditionnellement, la police municipale. Il faut, cependant, reconnaître que, confrontés aux demandes croissantes d’interventions formulées par les maires et aux exigences « sous-culturelles » de pouvoir « se la jouer grands flics » surtout dans les grandes villes, les policiers municipaux peuvent oublier leur rôle traditionnel pour préférer celui incombant à la police d’État (police judiciaire, anti-drogue, etc.).
70Personnellement, j’estime qu’une police municipale doit, en priorité, être au contact de la population, être attentive aux critiques et aux expériences extérieures, être sensible aux exigences de la communauté et être consciente des problèmes rencontrés par les personnes les plus vulnérables. Sous ces conditions, elle pourra faire pleinement partie de la nouvelle police voulue par l’Union européenne. Dans ce cadre, l’Italie peut faire œuvre utile en mettant en avant des expériences policières originales (Carrer, 2003).
71Une forme de développement de la police municipale pourrait être l’îlotage. Dans ce cas, les moyens pour atteindre les objectifs seront à rechercher dans un effort d’harmonisation des missions avec les actions que mènent les administrateurs locaux, les agents municipaux et les autres forces de police. L’îlotier municipal pourrait être l’élément central de l’organisation de la police municipale en facilitant les rapports avec la population et en devenant un relais réel et ultime de l’administration municipale, en général, et du maire, en particulier, puisque ce dernier est aujourd’hui élu directement par les habitants. Véritable « récepteur périphérique », il lui sera facile de collecter les demandes de la population et de lui transmettre la réponse des services municipaux.
72Famigli a effectué une analyse intéressante sur la réalité des compétences de la police municipale. Il a mis en évidence la dichotomie et le manque d’homogénéité des services et leur besoin de spécialisation. La situation socio-économique est tellement difficile et la police municipale tellement spécialisée que la qualité des missions policières n’est plus garantie seulement par l’autorité mais aussi par le respect et la compétence professionnelle. Parmi les domaines d’intervention de la police municipale, il identifie celui qu’il appelle « le bien vivre »:
Il y a une demande spécifique et toujours croissante de la population pour laquelle les contacts personnels et l’exercice des droits sont des questions de sécurité et de respect de la dignité. Il s’agit d’un vaste domaine qui se décline en une multitude d’aspects pour lesquels il apparaît opportun de développer les compétences de la police municipale. Cela pourra et devra se dérouler dans le respect des compétences dévolues à l’organisation judiciaire : il reste une zone frontière, fondamentale pour la qualité de la vie, qui peut être réglementée selon des modèles de collaboration et de coordination (Famigli, 2002).
74Le succès des missions de la police locale dépendra de sa capacité à faire preuve d’ouverture d’esprit et à remettre en cause ses propres moyens de fonctionnement en les modifiant, en les contrôlant et en les adaptant constamment. En outre, si la police municipale est bien soutenue par la mairie, la réussite de son travail sera facilitée par son aptitude à donner des réponses particulières et précises à chacun de ses interlocuteurs.
75À cet égard, Monjardet (2001) insiste sur la différence entre policiers nationaux et municipaux. Ces derniers sont identifiables localement car ils effectuent toute leur carrière sur un même lieu. À ce titre, ils connaissent bien mieux la ville et son environnement que les fonctionnaires de la police nationale. En effet, ceux-ci n’ont qu’une affectation temporaire, sont rarement originaires de la ville où ils exercent leur métier, ont été formés en d’autres lieux et sont souvent désireux de s’en aller le plus vite possible.
76D’autre part, il faut rappeler que, aujourd’hui, en Italie la situation des polices municipales est très variable : l’armement varie de l’absence totale d’arme à un équipement allant jusqu’à comprendre un fusil à pompe; la formation oscille d’une formation sur le tas par un collègue expérimenté à quelques mois de cours; les liaisons vont de l’utilisation du téléphone public à la dotation des moyens radio les plus sophistiqués. Il est clair que ces différences devront être effacées.
Les actions à caractère social
77Au niveau local, les actions à caractère social sont nombreuses; elles sont organisées soit directement par les services sociaux de la commune, soit par des volontaires. L’objectif est d’établir un réseau de compétences entre les secteurs privé et public de nature à rationaliser les fonctions des professionnels du secteur public sans pour autant les remettre en cause.
78Au titre des actions communales directes, on peut faire référence aux opérations classiques de prévention et d’assistance réalisées par les délégués adjoints aux services sociaux présents dans beaucoup de villes sous des dénominations diverses : psychologues, assistants sociaux, éducateurs, médiateurs culturels, éducateurs de rue, etc.
79S’agissant des actions menées par des volontaires, il est difficile de présenter un panorama complet de tout ce qui existe en Italie. Toutefois, à titre d’exemples, peuvent être cités : les opérations de soutien aux personnes âgées – catégorie quantitativement nombreuse – souvent gérées par des personnes elles-mêmes retraitées; les grands-parents vigiles qui assurent une présence à la sortie des écoles et dans les parcs publics; les services de livraison à domicile des courses quotidiennes en collaboration avec les associations de commerçants; les réseaux d’écoute et de contact journalier pour s’assurer du bien-être individuel; les numéros verts pour réduire les actes d’escroquerie à domicile dont sont victimes les personnes âgées; les activités d’aide à domicile pour maintenir les personnes dans leur quartier et leur habitation; l’hébergement en pension, chez des personnes âgées, des étudiants; les programmes et les structures d’aide aux victimes de délits; les « banques de temps » pour l’échange de services en fonction des nécessités et des compétences… Ces actions présentent un double intérêt. D’abord, elles permettent aux personnes âgées de surmonter leur attitude de réserve l’égard des personnes plus jeunes qu’elles. Ensuite, elles offrent aux personnes en activité ou encore valides la possibilité de participer à la vie sociale de la communauté.
80Toujours au niveau local, il est possible de mettre en lumière des aspects négatifs et les insuffisances des actions entreprises. J’ai déjà souligné l’absence totale d’action de la part de telle ou telle administration ou le refus idéologique de la part d’élus ou de techniciens de gauche d’employer le terme de « sécurité » pour nommer les services ou les personnels chargés de cette question. Une autre erreur, qui est une conséquence du slogan idéologique selon lequel « il est interdit d’interdire », est de sous-évaluer l’importance de l’insécurité et les réactions des citoyens-électeurs. À cet égard, il peut être utile de citer l’exemple de la ville de Bologne qui a servi de cadre à une recherche sur les doléances et les lettres de protestation adressées au maire (Barbagli, 1999) [6].
81L’absence de réponse pour des motifs idéologiques aux désordres et malaises existants, d’ailleurs facilement assimilables à des incivilités et des actes d’intolérance, peut ouvrir la porte à des changements politiques. Ainsi au regard de la politique nationale, c’est la tolérance de la gauche en matière d’insécurité qui a abouti à mettre en place un gouvernement de droite. Si, comme dans les fables pour enfants, on essaie de dégager une morale, on aboutit à la conclusion qu’on ne protège pas des valeurs idéologiques simplement en niant les problèmes qu’elles suscitent. Une telle attitude aboutit à l’effet inverse : la remise en question des valeurs qu’on entendait protéger. C’est alors toute la communauté qui en supporte les conséquences.
82En ce qui concerne les actions sociales, leurs effets sont restreints. Outre des difficultés économiques aggravées par des réductions budgétaires, ces actions connaissent des limites de fonctionnement : horaires rigides, bureaucratie, prédilection pour le travail de bureau. En conséquence, ce sont souvent les forces de police qui suppléent les défaillances des structures et des services sociaux.
L’implication de la population
83Nous pouvons dire que, au cours de ces dernières années, une grande partie de la population des villes tend à s’impliquer, de façon croissante, dans la vie des cités en exerçant son droit à l’information et en se proposant de collaborer avec l’administration. Il s’agit là d’une évolution importante qui pourra donner des résultats positifs, notamment, pour impliquer tous les acteurs de la ville dans une politique urbaine.
84Il est essentiel que, dans une politique de développement urbain, la sécurité soit considérée dans sa globalité et sa complexité par l’ensemble de ses acteurs : les élus, les décideurs économiques, les opérateurs sociaux, les éducateurs, les associations, les magistrats et les policiers. Il s’agit d’une approche qui demande une coordination entre les différentes pratiques institutionnelles, une réduction des obstacles existants et une décentralisation des instances de décision. De cette façon, la sécurité oblige à redéfinir les rapports entre la politique, la police et les collectivités locales. Pour la police, cette évolution remettra en cause son statut, son organisation et le mode de fonctionnement de son personnel (Chalom, Léonard, 2001).
La situation actuelle
85Il est indéniable que, comparée à d’autres pays, l’Italie s’est engagée avec retard dans le traitement des problèmes de sécurité. Cependant, ce retard a été, en partie, rattrapé et ce qui subsiste encore reste rattrapable grâce à la transposition des expériences étrangères. En outre, dans notre pays, il existe un atout important : le volontariat. Ce capital humain est en Italie une tradition, à la fois laïque et confessionnelle qui joue et pourra jouer un rôle essentiel dans l’élaboration et la gestion concertée des projets destinés à réduire l’insécurité.
86Il faut aussi dire que, dans son ensemble, le niveau de l’insécurité est aujourd’hui moins problématique en Italie que dans d’autres pays. Certes, à l’exception du phénomène particulier de la criminalité organisée – dont l’impact sur la sécurité physique des particuliers n’est pas significatif en raison d’une criminalité violente quantitativement faible et d’une criminalité économique étendue mais peu visible – le pourcentage des délits de droit commun se situe dans la moyenne des chiffres des autres pays européens. Mais l’existence d’enclaves urbaines, comme dans certaines cités françaises et les « New Towns » anglaises avec tous leurs problèmes sociaux et de délinquance, est quantitativement limitée en Italie. Pour le moment, les comportements d’anomie et les agressions directes contre les forces de police, qui sont des phénomènes répandus dans les autres pays, restent rares. De manière analogue, les violences et le vandalisme scolaires restent limités. Quant à la part de la criminalité liée à l’immigration, présentée par certains partis politiques comme la cause principale de l’augmentation de la criminalité et du sentiment d’insécurité, cette affirmation n’a pas été démontrée [7].
87Tandis qu’au niveau national, l’ensemble des actions entreprises se présente de manière plus ou moins uniforme, au niveau local (communes, provinces et régions), ces actions se présentent comme les « taches d’une peau de léopard ». En effet, le contenu et l’ampleur des réponses au problème de l’insécurité varient sensiblement d’une ville à l’autre. Dans un premier temps, les actions ont été initiées par des administrations de gauche et de centregauche. Ce n’est pas un hasard si le projet « Città sicure » a vu le jour dans la région Émilie-Romagne qui est, par tradition, électoralement de gauche. Force est donc de reconnaître que toutes ces actions ont apporté une contribution significative et inestimable à tout le pays.
88Actuellement, cependant, la situation est plus complexe dans la mesure où il n’est plus toujours possible d’accoler une étiquette politique aux réponses proposées. Aujourd’hui, en termes de sécurité et de qualité de vie, il n’y a plus, sauf exception, des réponses de droite et des réponses de gauche. La description de la réalité est devenue plus simple : il y a ou il n’y a pas de réponse. En fait, les projets concernant la sécurité sont votés dans des régions administrées autant par des conseils de droite que par des conseils de gauche. On peut même remarquer qu’il existe des régions administrées par des conseils de droite ou des conseils de gauche où les problèmes de sécurité sont, de fait, ignorés. De manière analogue, au sein du FISU, on trouve des administrations de gauche et de droite impliquées, de manière égale, dans la recherche et l’élaboration de projets utiles et concrets [8].
89En fait, les interventions locales en matière de sécurité dépendent plus de la volonté et de l’engagement personnel de chaque élu que de son appartenance à un parti politique. Les personnes chargées de la sécurité avouent d’ailleurs ne plus pouvoir identifier la couleur politique d’un élu à partir de son discours sur la sécurité. Toutefois, en ce qui concerne le centre-gauche, il est encore possible de distinguer entre une gauche attentive aux demandes de la population et disposée à y répondre rapidement et une gauche archaïque incapable d’évoluer car ancrée dans des positions idéologiques d’un autre âge.
90Il a été possible d’apprécier la naïveté d’une certaine gauche italienne à l’occasion des incidents qui se sont produits lors de la réunion, déjà évoquée, du G8 à Gênes en 2001. Nombreux étaient ceux qui pensaient que la syndicalisation de la police d’État – débutée en 1981 – inculquerait quasi-automatiquement à l’ensemble des policiers une culture de la démocratie. C’était oublier qu’une culture se forge, d’abord, à partir des mentalités. Une loi ne saurait suffire à elle seule à effacer des décennies de tradition de violence et de répression.
91Pour expliquer l’attitude idéologique anti-police propre à la gauche, intellectuelle ou ouvrière, il est nécessaire de remonter aux premières décennies de la République établie en 1947. À cette époque, les forces de police furent employées, principalement, à des missions de répression des manifestations populaires et ouvrières. Comme le rappelle D’Orsi (1972), au cours de la période 1946-1971, cent trente-trois manifestants et quatorze policiers et carabiniers furent tués au cours de manifestations. Il m’a été donné de constater directement la survivance de cette culture anti-police à l’occasion d’une recherche sur la sécurité des personnes âgées effectuée avec le syndicat italien des retraités (SPI) de la Confédération Générale Italienne du Travail (CGIL) qui est un syndicat de gauche (Carrer, 1998). Alors que la base participait activement à la collecte de l’information et proposait des solutions, des « cadres » du syndicat critiquaient durement cette recherche comme contraire à la culture de la gauche.
92Dans un article publié au début de l’application du projet « Villes sûres », il y a une dizaine d’années – ce qui lui confère désormais une valeur historique – Pavarini répondait à une série de critiques adressées à l’utilité du projet pour résoudre les problèmes de l’insécurité. Il a écrit :
Ces considérations représentent fondamentalement une attitude que je crois vouée à l’échec […]. Je ne voudrais pas que derrière certaines peurs et considérations se retrouvent de vieilles positions, à mon avis, liées à une culture un peu ancienne de la gauche par rapport à ces thèmes, selon lesquelles le problème de la criminalité et celui de la déviance seraient résolus seulement en résolvant des problèmes imputables au malaise social (Serenari, 1992,36).
94Enfin, l’actuelle situation politique italienne – avec au pouvoir un gouvernemententreprise de centre droit qui a abaissé la politique italienne à des niveaux difficilement inimaginables et un centre-gauche divisé dans l’opposition – mérite quelques observations. Depuis l’élection de 2001, l’ensemble de la classe politique se distingue par une attitude de profil bas : aucune proposition d’actions précises, coordonnées et concrètes mais de simples et superficielles déclarations d’intention.
95En effet, pour des raisons idéologiques, des alliances politiques ou la nécessité de ne pas saper les arrangements locaux, les questions sur la sécurité réelle et l’insécurité perçue tombent dans l’oubli. Personne ne prête plus véritablement la même attention à ces questions. Cela explique alors le fait que ce soient les autorités locales qui, confrontées à l’insécurité, cherchent, indépendamment de leur couleur politique, à répondre au problème posé. Elles doivent gérer au quotidien les missions de ses organismes en jonglant entre les demandes croissantes de sécurité formulées, de manière plus ou moins justifiées, par la population, les pesanteurs et a priori culturels, politiques et partisans jamais remis en cause et les résistances multiformes des bureaucraties institutionnelles qui cherchent à justifier leur rôle et leur existence.
96Cette situation à « taches de léopard » se retrouve aussi dans le domaine des forces de police. Face à des corps de police multiples et culturellement diversifiés, les instructions ministérielles sont appliquées de manière variable. En effet, leur application et leur efficacité dépendent de la disponibilité, de l’intelligence et de la charge de travail des préfets de police. À cela s’ajoute une contrainte extérieure aux compétences personnelles du préfet : la durée de son affectation dans une ville. Celle-ci est, en moyenne, de deux à trois années. Si dans ce laps de temps, le préfet n’a pas réussi à pérenniser les activités et les collaborations mises en place, son départ peut les stopper ou les faire régresser de manière significative.
Conclusion
97Le niveau de la criminalité quotidienne ne présente pas un caractère préoccupant en Italie. Quant au sentiment d’insécurité, son niveau évolue au gré des campagnes médiatiques.
98Les politiques de sécurité en Italie ont été marquées lourdement, d’une part, par des urgences véritables – comme la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme – ou présentées comme telle – la lutte contre l’immigration – et, d’autre part, par l’instabilité politique des gouvernements qui se sont succédé au cours de ces dernières décennies. C’est seulement à la fin des années 1990 que la nouvelle loi électorale semble avoir apporté une plus grande stabilité au pays sans avoir réussi, toutefois, à obtenir de meilleurs résultats pour satisfaire les exigences existantes.
99La complexité de l’organisation des forces de police – six corps au niveau national et deux au niveau local – dont les missions se chevauchent, interdit une rationalisation des actions à entreprendre. Autre effet négatif, cette complexité aboutit à déresponsabiliser les policiers.
100Aujourd’hui, la modification de la Constitution de 1948 est à l’ordre du jour. Pour l’instant, aucune des propositions faites en ce sens n’a réussi à obtenir une majorité suffisante pour être adoptée. Les dispositions constitutionnelles relatives au secteur de la sécurité et de la police locale sont visées par les propositions de modifications. Si elles venaient à recueillir une majorité, cela représenterait une avancée historique dans la lutte contre l’insécurité. Mais, il est impossible pour l’instant de prévoir la portée et l’importance des modifications envisagées.
101Pour l’instant, la politique italienne en matière de sécurité varie selon les villes, les provinces et les régions. Cette politique, si elle s’est affranchie de la couleur politique des autorités locales, reste caractérisée par ses extrêmes. Elle peut soit être une priorité dotée de moyens plus ou moins importants soit être totalement inexistante.
102En l’élevant au rang de priorité, une partie des régions a utilisé ses compétences pour mettre en place des politiques de prévention et de collaboration avec l’État. Leur objectif principal est de réduire le sentiment d’insécurité ressenti par la population en essayant de l’associer à des actions concrètes. Mais, pour des raisons d’intérêts locaux et de différence dans l’implication des personnels concernés, la situation italienne est variable et changeante.
103On ne peut nier que le ministère de l’Intérieur a mis en œuvre une série de mesures qui remettent en cause une tradition et une sous-culture policières vieilles de plusieurs décennies. Cela représente un effort à ne pas négliger. Mais il faut être conscient que la plupart des mesures du ministère sont plus formelles que substantielles.
104À l’heure actuelle, il est difficile de déterminer la durée et les modalités de ces nouvelles politiques coordonnées de sécurité. Des difficultés de caractère politique et des résistances à un travail de collaboration entre tous les acteurs concernés apparaissent déjà. Cette résistance émane des services locaux qui sont réticents à collaborer avec d’autres services – puisque, historiquement, chacun travaille dans son coin – avec la police, les services sociaux, les services d’entretien ou encore avec des intervenants extérieurs. Cette résistance est aussi visible à l’intérieur d’un même corps de police.
105Malgré tout, un recrutement important de personnels par les administrations centrales et locales, une meilleure prise de conscience du problème de l’insécurité par les élus et une volonté toujours plus affirmée de la population de s’engager aux côtés des pouvoirs publics sont des signes positifs d’une évolution du sens et du contenu des politiques d’interventions contre l’insécurité.
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Mots-clés éditeurs : POLICE, ITALIE, INSÉCURITÉ, CITOYENNETÉ, ACTION SOCIALE, POLITIQUES DE SÉCURITÉ
Notes
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[1]
Le Comité provincial pour l’ordre et la sécurité publique a été institué par l’art. 20 de la loi n° 121 du 1er avril 1981. C’est une instance de consultation en matière de sécurité publique constituée auprès du préfet de province. Outre le préfet de province, qui en assure la présidence, cette instance est composée du préfet de police, des commandants provinciaux des carabiniers et de la garde financière. Àtitre exceptionnel, lorsque la situation l’exige, le préfet peut inviter à y siéger les autorités locales chargées de la sécurité publique, les responsables des administrations de l’état et le procureur de la République compétent. Depuis le décret-loi n° 279 du 27 juillet 1999, sont admis, de plein droit, à y siéger le maire de la commune chef-lieu de la province et le président de la province.
-
[2]
Les critiques portent sur l’opportunité de la présence dans une instance technique, rattachée au préfet de province, du maire de la commune chef-lieu de la province et du président de la province. Leur présence, en qualité d’élus, transforme la nature de cette instance pour lui conférer une signification éminemment politique.
-
[3]
Politiquement les deux premières régions disposent d’une majorité de centre-gauche et les deux dernières d’une majorité de centre-droit.
-
[4]
Cette situation est aggravée par la superposition des compétences entre les différentes forces de police. Depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 121 de 1981 intitulée « Nouvelle organisation de l’administration de la sécurité publique », qui a réformé le système de la sécurité publique et démilitarisé, successivement, la police d’État, le personnel pénitentiaire et les gardes forestiers, les différents corps de police ayant une compétence nationale se sont vus dotés d’attributions principales et subsidiaires. Il y a aujourd’hui en Italie six corps de police rattachés à différents ministères : la police d’État (laquelle correspond à la police nationale française), carabiniers (qui sont des militaires à l’instar des gendarmes français), la brigade financière (militaires dont les compétences se rapprochent de celles de la police française des douanes), la police pénitentiaire (fonctionnaires civils chargés essentiellement de la surveillance des prisons et du transfert des détenus), la police des forêts (fonctionnaires civils en charge de la surveillance des forêts et de la protection de l’environnement) et les gardes-côtes (militaires relevant du ministère de la Marine chargés de la surveillance des mers et des côtes). Cette juxtaposition des personnels a des effets négatifs en raison des gaspillages qu’elle génère non seulement sur le plan opérationnel (par exemple, à l’occasion des matches de football, la surveillance des stades et des supporters est assurée par la police d’État, des carabiniers, des hommes de la brigade financière en plus des policiers municipaux; pour la tenue des procès sont requis du personnel de la police pénitentiaire, de la police d’État, des carabiniers, de la brigade financière sans compter les gardes privés) mais aussi financier (par exemple, on peut noter que les six corps sont dotés de véhicules, d’embarcations, d’hélicoptères, etc.) et que chacun dispose de ses propres services d’entretien et de manutention pour en assurer le bon fonctionnement. La tenue du G8 à Gênes en 2001 illustre parfaitement la réalité de cette juxtaposition. Les six corps de police ont été employés pour assurer et maintenir l’ordre public. À titre anecdotique, il peut être rappelé que ce sont les lances-incendie des gardes forestiers qui ont empêché « l’invasion » de la zone rouge par les manifestants. La situation de « cohabitation » entre la police d’État et les carabiniers s’est compliquée depuis la promulgation du décret-loi n° 297 du 5 octobre 2000 sur la réorganisation des carabiniers. Ce décret-loi, adopté par le gouvernement de centre-gauche au pouvoir à l’époque, a augmenté l’autonomie et les moyens des carabiniers en les portant au même niveau que ceux dont sont dotées les armées de terre, de mer et de l’air. Sur le plan des chiffres, on peut rappeler que les agents de la police d’État sont environ 100000, les carabiniers 116000, les militaires de la brigade financière 67000, les agents de la police pénitentiaire 32000, ceux de la police des forêts 10000, les marins des gardes-côtes 10000 et les policiers municipaux 60000, pour un total de 400000 fonctionnaires.
-
[5]
Une des principales activités de maintien de l’ordre, qui mobilise tous les dimanches des milliers de policiers, de carabiniers, d’agents de la brigade financière et de la police municipale, consiste dans la surveillance des stades de football. Tous les dimanches, on assiste à des rixes entre groupes organisés de supporters auxquels s’agrègent des repris de justice et des provocateurs violents. Malgré de nombreuses tentatives, on n’a pas réussi à mettre à la charge des clubs le coût financier des opérations de maintien de l’ordre. En conséquence, ce coût est supporté par la société italienne tout entière à travers les impôts mais aussi à travers l’acceptation d’une réduction de l’efficacité de la police. En effet, puisque le policier affecté à la surveillance des stades ne peut plus être rémunéré au moyen du paiement d’heures supplémentaires, il est dédommagé pour son travail avec un jour de repos. D’où sa moindre présence sur son lieu habituel de travail.
-
[6]
Lors des dernières élections municipales de 1999, la commune de Bologne, gouvernée pendant cinquante années par une majorité de gauche, a été « conquise » par une coalition de centre-droit.
-
[7]
À cet égard, il faut rappeler quelques constats : l’équation « immigration = criminalité » n’est pas acceptée par une grande partie des Italiens; la limitation des permis de séjour voulue par la Ligue du Nord est vivement critiquée par les industriels du nord-est (bassin électoral historique de ce parti) qui font valoir que les immigrés sont indispensables à la production économique; l’envoi de navires de guerre pour tirer sur les embarcations des immigrés est considéré, là encore, par une grande partie des Italiens comme un signe de barbarie. Cependant, au plan législatif, le traitement de l’immigration a donné lieu à l’adoption de plusieurs lois : la loi n° 39 du 28 février 1990 (Loi Martelli) a été la première tentative pour réglementer le phénomène; la loi n° 40 du 6 mars 1998 (Loi Napoletano-Turco) a défini une politique de régularisation des entrées et des expulsions; et, plus récemment la loi n° 189 du 30 juillet 2002 (Loi Bossi-Fini) a, principalement, aggravé les modalités de lutte et d’expulsion des étrangers en situation irrégulière et renforcé la lutte contre les profiteurs de l’immigration.
-
[8]
Les compétences des régions en matière de sécurité sont aujourd’hui limitées à l’organisation de l’équipement, à la formation des polices locales (polices municipales et polices provinciales) et à la promulgation des lois qui concernent ces deux secteurs. Dans le domaine de la formation des policiers, des régions ont ouvert des écoles de haut niveau et d’autres ne possèdent aucune structure. Les provinces ont une police provinciale avec des compétences dans le domaine de la surveillance routière sur les routes gérées par la province et dans celui de la protection de l’environnement. Mais la réalité de cette police varie d’une province à l’autre : quelques régions ne disposent d’aucune structure tandis que d’autres ont mis en place une police bien structurée et équipée. Les communes ont une police municipale qui est rattachée au maire. Mais elle peut aussi être employée par le préfet de police commandant les forces de police nationale. Polices provinciales et polices municipales forment ce que l’on a pris l’habitude d’appeler les polices locales.