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Article de revue

Le travail d'Egon Bittner : une introduction à la sociologie de la force institutionnalisée

Pages 307 à 323

Notes

  • [*]
    Centre International de Criminologie Comparée – Université de Montréal.
  • [1]
    Je reprends ici le mode de citation retenu dans Brodeur (1994). La plupart des écrits de Bittner sur la police ont été réunis sous la forme d’un livre (Bittner, 1990). Comme ses travaux sur la police s’échelonnent de 1967 à 1990, on masquerait leur évolution en n’utilisant que cette dernière référence. Ce mode de référence est cependant très utile, car il est uniforme et renvoie à un ouvrage qu’on peut facilement se procurer. Dans leur parution initiale, les travaux de Bittner sont en effet dispersés et, partant, difficilement accessibles. Nous utiliserons donc un double mode de renvoi. Par exemple, Bittner (1970/1990,123) renvoie d’abord à la parution initiale de l’œuvre en 1970, dont le titre se trouve parmi les références bibliographiques, et ensuite à la collection de 1990 à la page indiquée. Je ne dérogerai à cette règle que pour Bittner (1970), dont une partie a été traduite en français en 1991 : au besoin, j’indiquerai alors le numéro de la page dans l’édition anglaise de 1990 (Bittner 1970/1990, X) et dans la traduction française (Bittner, 1991, X).
  • [2]
    Voici le texte de Bittner : Few policemen possess the perspicacity and judiciousness their work calls for. And force is not only used often where it need not be used, but gratuitous rudeness and bullying is a widely prevalent vice in policing.
  • [3]
    L’une des seules réponses que l’on puisse fournir à cette question est trop paradoxale pour être énoncée : la plus grande partie du temps de la police en tenue est consacrée à l’attente d’une occasion d’intervenir.
  • [4]
    C’est le cas de l’article 25 du code criminel canadien, dont l’intitulé est : la protection (nous soulignons) des personnes chargées de l’administration ou de l’application de la loi. Cet article, il faut y insister, ne s’adresse pas qu’aux policiers mais à toute personne assumant une fonction dans l’administration ou l’application des lois pénales.
  • [5]
    Dans un texte canonique que j’ai cité précédemment, Bittner oppose explicitement le cas de figure du gardien de prison à celui de l’intervenant policier (Bittner, 1970/1990,123).
  • [6]
    La conjoncture présente de la réforme de la police en France fournit un exemple saisissant de ce jeu de balancier. L’un des buts de la réforme est de faire pièce à l’agressivité des brigades anti-criminalité pendant la nuit par une politique de rapprochement des effectifs en tenue, le jour.
  • [7]
    La position de Bittner sur le maintien de l’ordre explique en partie certaines de ses affirmations sur la rareté de la violence policière. C’est en effet dans le maintien de l’ordre que les violences policières sont les plus visibles et les plus médiatisées.
  • [8]
    Willie Sutton fut un voleur célèbre aux États-Unis. Quant à Florence Nightingale, c’est une des figures emblématiques de la période victorienne en Angleterre, où elle a fondé par suite de la guerre de Crimée la profession d’infirmière.
  • [9]
    Pour un exposé plus systématique des origines et des caractères de la police communautaire, on pourra se référer à Brodeur (1990; 1998,30-51) et à Rosenbaum (1994).
  • [10]
    Le terme d’aporie se trouve dans le texte de Monjardet (1996,25): Le danger est inscrit dans l’aporie elle-même inhérente aux rapports entre la force et le droit : comment la force peut-elle servir le droit, alors que le droit s’origine de sa volonté de le substituer à la force ?

Introduction

1La pensée d’Egon Bittner exerce une influence considérable sur les recherches sur la police (Brodeur, 1994,457-458). Bien que ses textes majeurs aient été écrits il y a plus de 25 ans, de 1967 à 1974, non seulement sa pensée continue-t-elle de rayonner mais elle s’étend à des domaines de recherche qui ne constituaient pas ses objets initiaux. En effet, Bittner est l’un des auteurs les plus cités dans l’ouvrage récent de Jones et Newburn sur la sécurité privée et sa définition du mandat de la police par le recours à la force fournit à ces deux auteurs le critère par lequel ils distinguent la police publique de la sécurité privée (Jones, Newburn, 1998,258). Dans un chapitre dont le titre aurait pu être choisi par Bittner lui-même (The core mandate of policing), Michael Lofthouse va chercher dans la pensée de ce dernier le fondement d’une réflexion sur le maintien de l’ordre et sur la militarisation de la police (Lofthouse, 1996,49; voir aussi Critcher, Waddington, 1996).

2Bien que l’influence de Bittner atteste de la profondeur de sa pensée, son caractère ambigu souligne les difficultés d’interpréter son travail. En effet, alors que Jones et Newburn trouvent dans l’usage sanctionné de la force le trait qui départage la police publique des agences de sécurité privée, David Bayley, qui a mené des recherches conjointes avec Bittner (Bayley, Bittner, 1983), élabore une théorie de la police fondée sur son usage de la force physique, qu’il applique tout autant aux appareils publics qu’aux agences privées de police (Bayley, 1985,11-12). Lorsque Lofthouse se sert de la conception de la police élaborée par Bittner pour rendre compte de la militarisation des interventions policières dans le maintien de l’ordre, il contredit deux des affirmations récurrentes de la pensée de Bittner, à savoir, la résistance organisationnelle de la police à sa militarisation et son inaptitude à contrôler les violences collectives.

3Dans sa recension de Aspects of Police Work, qui réunit les principaux écrits d’Egon Bittner sur la police, Peter Manning (1991) qualifie sa conception du rôle et du mandat de la police de minimaliste. Qu’on s’accorde ou non avec cette caractérisation, il faut reconnaître que par sa concision le propos de Bittner autorise des interprétations divergentes et qu’il se prête à l’extrapolation. Le thème principal de sa réflexion – la place de l’usage de la force dans l’activité de police – se laisse moduler dans plusieurs registres qu’il est difficile de soumettre à la discipline d’une seule harmonique.

4C’est pour tenter de résoudre quelques-uns des points qui m’apparaissaient les plus litigieux que j’ai sollicité de rencontrer Egon Bittner. Il m’a généreusement accordé deux jours d’entretien à Berkeley. Les entretiens furent conduits à partir d’un canevas critique que j’avais préalablement soumis à Bittner et dont il a accepté qu’il balise nos échanges, enregistrés sur bande magnétique. Bittner a donné son accord explicite à l’utilisation de ces entretiens dans le cadre de mes travaux futurs et, en particulier, dans le cadre d’une intervention lors d’un séminaire sur la police organisé à Paris par le CESDIP en mai 1999 et où je devais débattre de la fonction de la force dans l’activité policière avec Fabien Jobard.

5C’est donc le résultat de ces entretiens avec Bittner et de la relecture de son œuvre qu’ils ont entraînée, que je me propose de présenter en partie dans cet article. Celui-ci est pour l’essentiel une version abrégée du texte de mon intervention lors du séminaire de mai 1999 et il a conservé certains des traits de l’intervention orale (par exemple, le discours tenu à la première personne du singulier). Mon texte est divisé en trois parties, soit un nouvel examen des principales articulations de la pensée de Bittner sur la police à la lumière de nos derniers échanges, une présentation de ses dernières réflexions sur les développements récents en matière de réforme de la police et, finalement, une conclusion qui s’efforce brièvement de tirer la signification pour une théorie de la police des analyses effectuées dans les deux parties précédentes.

I. Les passages-clés de la théorie

6Egon Bittner se défend vivement d’avoir jamais voulu faire une théorie de la police, au sens où un tel travail impliquerait d’abord une recherche empirique sur toutes les composantes de l’appareil policier et ensuite la restitution sous la forme d’une synthèse des résultats de cette recherche. Dans la foulée de ses premières recherches sur la santé mentale, il s’est interrogé sur les modes d’entrée des malades dans le système asilaire. Ayant trouvé que la police constituait un relais important des malades vers les cliniques de santé mentale, il a commencé une investigation qu’il qualifie d’ethnographique sur le comportement des policiers avec les personnes souffrant de troubles chroniques de la pensée et de l’affectivité et dont la situation réclamait d’urgence l’intervention de la police (Bittner, 1967b/1990,63-88) [1]. C’est en interprétant par la suite les résultats de ce travail limité sur le terrain qu’il en serait venu à formuler ses propositions plus générales. Il n’est pas douteux que Bittner n’a pas voulu faire d’emblée une théorie générale de la police, comme en témoigne son délaissement prématuré de ce champ de travail après 1975. Il n’en reste pas moins que son texte de 1970 sur les fonctions de la police traite son sujet de façon systématique, passant de la genèse de la police au futur de cette institution, et que le second de ses textes majeurs est sous-titré a theory of the police (Bittner, 1974). Toute œuvre qui ambitionne de nous révéler le cœur du rôle de la police (core of the police role) doit être reconnue dans son ambition théorique. Il reste ensuite à évaluer dans quelle mesure le noyau proposé constitue un centre assez dur pour y mettre en équilibre tout l’édifice de la police.

7Les analyses qui suivent présupposent une certaine familiarité avec la théorie d’Egon Bittner, que les limites de ce texte m’empêchent de résumer. Pour l’intelligence de l’exposé, je me bornerai à rappeler que Bittner définit le rôle de la police comme suit : un mécanisme de distribution d’une force coercitive non négociable, mis au service d’une compréhension intuitive des exigences d’une situation (Bittner, 1970; Bittner 1991,233, en traduction française).

8Cette formule très largement citée est relativement technique et signifie que la police est un mécanisme de distribution d’une force justifiée par les circonstances dans la société (situationally justified force in society; Bittner 1970/1990,123; Bittner 1991,226, en traduction française).

9Le but des analyses qui suivent n’est pas d’élucider tous les aspects de la pensée de Bittner mais de mettre en lumière le maillage de son raisonnement et certains des traits de sa pensée qui ont été occultés par son insistance à définir la police par son usage de la force physique.

1. Histoire et instrumentalisme

10Bittner reconstitue l’invention de la police à partir d’un mouvement historique pour restreindre la violence en faisant de son usage l’apanage d’appareils publics, professionnalisés et bureaucratisés. Cette genèse de la police, qui rappelle la perspective de Norbert Elias (1996, 1994) sur la domestication des seigneurs de la guerre, est esquissée à grands traits dans The Functions of the Police in Modern Society (Bittner, 1970/1990,102-108). La création de la police n’est toutefois pas le seul résultat de la tendance historique vers la pacification. Dans l’un des premiers textes qu’il a publiés sur la justice pénale, Bittner se fait avec le criminologue radical Anthony Platt l’historien de l’évolution de la pratique des châtiments vers une moins grande sévérité à travers un renoncement progressif à la vengeance privée au profit de l’établissement de la paix du Souverain (Bittner, Platt, 1966,97-98).

11Il n’y a rien dans cette genèse qui ne soit pleinement conciliable avec la perspective de Max Weber, selon laquelle le progrès des sociétés vers la rationalisation implique que l’État détienne le monopole de l’exercice de la force légitime. Il y a toutefois deux motifs en filigrane de la pensée de Bittner qui font contre-image à la thèse de Weber.

12Les textes colligés dans Aspects of Policing sont publiés dans l’ordre chronologique de leur publication, à une exception près. Cette exception est un article intitulé Urban Police, que Bittner a publié en 1983 au sein d’une encyclopédie sur le crime et la justice pénale. Cet article figure en première place dans la collection de ses textes sur la police. Suite à mes entretiens avec lui, j’estime que la disposition de cet article a valeur emblématique pour sa pensée. En effet, Bittner n’a pas réfléchi à la police dans le cadre de son lien avec un État national et avec un gouvernement centralisé. Il l’a fait essentiellement dans le cadre de l’espace urbain et du gouvernement local. Cette insistance sur la nature urbaine de la police le conduit, par exemple, à douter que l’on puisse parler d’une police rurale et même à mettre en cause la viabilité d’un État non urbanisé – l’exemple auquel il se référa au cours de nos entretiens fut le Bangladesh – tant il est vrai que c’est l’urbanisation qui a pour lui préséance sur l’étatisation. Comment concevoir dans ce cadre parcimonieux le rapport entre la police et l’État ? Conçu en son sens originel – la polisgrecque ou l’urbs romaine – l’État a pour fin selon Bittner de créer les conditions assurant la coexistence ordonnée des étrangers (creating conditions for the orderly coexistence of strangers). Dans ce contexte, la tâche dévolue à la police est celle de gérer les conflits qui mettraient en péril la coexistence harmonieuse de gens qui sont des étrangers les uns pour les autres. Pour Bittner, la réalité urbaine est par définition multi-tribale, alors que la réalité rurale se caractérise par l’homogénéité clanique de sa population. On comprend dès lors ses réserves à l’égard du concept d’une police rurale distincte de la population. Étant habitées par des éléments dont les racines sont endogènes, les campagnes peuvent vivre dans la paix à travers l’exercice d’un self-control informel.

13Cette conception minimaliste de l’État, qui privilégie exclusivement la sécurité intérieure, est essentiellement instrumentale. L’État et ses divers appareils sont au service de la société civile dont ils doivent assurer la sécurité et promouvoir l’harmonie. Il en suivrait en stricte orthodoxie bittnerienne que les agences policières qui définissent leurs missions davantage en rapport avec la sécurité de l’État qu’en rapport avec celle de la société civile inversent le sens du mouvement historique qui a amené leur développement.

2. Une conclusion empirique : le policier n’est pas un automate programmé par la loi

14La genèse historique de la création de la police ne nous apprend pas comment la police s’y prendra pour contenir les comportements prédateurs susceptibles de troubler les conditions de la coexistence des étrangers dans l’espace urbain. On apprendra éventuellement que la police est un mécanisme pour la distribution de la force dans les circonstances qui l’appellent. Bittner ne part pas toutefois d’emblée de cette position. Il y parvient à la suite d’une réfutation du légalisme qui prévalait alors dans les études sur la police.

15Il est en effet capital pour l’intelligence de la définition de la police par sa capacité de recourir à la force de comprendre ce à quoi elle s’oppose. Contrairement à ce qu’on a tenté d’extraire à contresens de ses travaux, la cible première de Bittner n’est pas la représentation du policier comme travailleur social. Il s’en prend essentiellement et systématiquement à une conception du policier comme fonctionnaire de justice. Cette conception définit le policier comme un applicateur de la loi pénale et comme un automate dont le programme d’opération est dicté par les contraintes de la procédure légale élaborée par les tribunaux. On retrouve cette conception dans les travaux commandités par l’American Bar Association au début des années 1960.

16Bittner réfute cette conception en deux temps. Tirant d’abord toutes les conséquences du pouvoir discrétionnaire dont la police est investie, il affirme qu’à l’exception problématique de la force létale, les pratiques policières n’obéissent à aucune norme extérieure et que le contrôle exercé sur elles par les tribunaux est très lacunaire (Bittner, 1970/1990,109-120 et 188). De façon plus essentielle, il soutient que la mise en force (enforcement) de la loi pénale tient quantitativement peu de place dans la répartition du temps policier, en particulier dans celle des policiers en tenue, qui forment la plus grande partie des effectifs de la police (Bittner, 1974/1990,240-246).

17La réfutation par Bittner de la croyance que l’activité principale des policiers est d’appliquer les lois pénales a fait jusqu’à récemment date et il est inutile d’en reproduire le détail. Il faut toutefois s’empresser de souligner le caractère empirique de cette réfutation : la mise en force de la loi n’est pas au creuset du mandat de la police parce cette activité ne représente en fait qu’une faible partie de ce que font les policiers, considérés dans leur ensemble. On ne saurait exagérer l’importance de la réfutation effectuée par Bittner pour le mouvement subséquent de réforme de la police. L’affirmation que le recours à la loi pénale n’est qu’un moyen parmi d’autres dans l’arsenal policier est la pierre de touche de la conception du travail de la police comme un processus de résolution des problèmes (Goldstein, 1979 et 1998, en traduction française).

3. La découverte de la compétence (habilitation) de la police : la capacité de recourir à la force physique

18Si la réfutation de la conception du policier comme étant un fonctionnaire de la justice pénale procède de manière empirique, la démarche que Bittner a poursuivie pour parvenir à sa définition de la police par l’usage de la force est plus compliquée et elle conduit de façon ultime à une aporie.

1. L’invisibilité de la force

19En effet, si la disqualification de la représentation du policier comme fonctionnaire de justice est le résultat d’un examen de ses activités, la découverte de son utilisation de la force ne provient pas du même type d’enquête. Dans ses écrits, Bittner assigne une triple source à sa découverte de la force.

20

  1. Les exigences de la situation: c’est ainsi qu’il écrit la question « que doit faire la police ?» est presque complètement identique à celle-ci : « Quel genre de situations appelle comme remède une coercition non négociable ?»(Bittner, 1970; Bittner 1991,228, en traduction française). Cette première source est problématique car Bittner reconnaît explicitement la possibilité que les caractères qu’il attribue aux situations réclamant l’usage de la force – l’urgence et le potentiel de violence – soient le produit d’une mise en forme de ces situations par les policiers eux-mêmes pour justifier l’intransigeance de leur intervention (Bittner, 1974/1990,255 et 260).
  2. Les caractères de l’intervention policière:dans ses écrits, Bittner manifeste une considérable ambivalence par rapport à l’usage effectif de la force par la police. Dans son texte de 1970 sur les fonctions de la police, il considère que la brutalité policière est un vestigeantérieur à la professionnalisation de la police, dont l’occurrence est sporadique (Bittner, 1970/1990, 89). Par contre, dans la reprise de 1974 de sa théorie sur la spécificité du mandat de la police, il estime que la brutalité policière est un vice prédominant dans l’intervention policière (Bittner, 1974/1990,262) [2].
  3. La troisième source de la découverte de l’usage de la force réside dans les attentes de ceux qui réclament l’intervention de la police (Bittner, 1970/1990,123 et 1974/1990,252).

21C’est la troisième source mentionnée supra qui est la plus souvent citée dans les écrits de Bittner et c’est sans doute la plus importante, comme l’ont confirmé mes entretiens avec lui. Lors de ces entretiens, il a établi une distinction entre l’approvisionnement et la demande en matière de force. L’approvisionnement est assuré par la police, alors que la demande provient du public. Il maintient que la force est relativement invisible quand on regarde du côté de l’approvisionnement, soit qu’elle se dissimule ou que son occurrence soit peu fréquente, cette dernière éventualité étant la plus plausible. Par contre, la demande de force policière par le public est manifeste et serait au fondement de sa définition du mandat de la police par sa capacité de recourir à la force. Cette caractérisation des attentes du public envers la police est susceptible d’être confirmée ou invalidée par la recherche empirique. Bittner a quant à lui poursuivi ses travaux dans le cadre d’une méthodologie phénoménologique qualitative et n’a pas soumis à une validation quantitative systématique le produit de ses observations. Les travaux empiriques d’Ericson sur la nature des demandes du public à l’intention des policiers en tenue n’ont pas tendance à confirmer la thèse de Bittner (Ericson, 1982,116-117). Shearing s’est livré à une analyse des appels téléphoniques que reçoivent les centres de répartition des services policiers. Sa conclusion est que la plus grande partie des appels en provenance des citoyens ne nécessitaient pas l’intervention urgente de la police et pouvaient être traités sans difficulté par un autre service public (Shearing, 1984,194-196). Peu de chose dans l’analyse de Shearing suggère que les gens appellent la police pour les raisons alléguées par Bittner (pour mettre un frein à une situation effectivement ou potentiellement dangereuse).

2. Une théorie de l’habilitation policière

22L’examen des diverses sources des conclusions de Bittner conduit à une observation capitale pour l’intelligence de sa définition du mandat de la police. Contrairement à sa réfutation de l’assertion que le policier est un fonctionnaire de justice, sa démonstration qu’il est un utilisateur de la force ne résulte pas d’un examen de l’action policière telle qu’elle se produit au quotidien. Une importante précision de Bittner dissipe toute ambiguïté à cet égard :... je n’affirme pas que le travail de la police consiste à utiliser la force pour résoudre des problèmes, mais seulement que le travail de la police consiste à se mesurer à des problèmes où la force peut devoir être utilisée. C’est là une distinction d’une importance extraordinaire (of extraordinary importance) (Bittner, 1974/1990,256, c’est nous qui traduisons, souligné dans le texte).

23La question que pose Bittner n’est donc pas ce que fait la police (Monjardet, 1996), car la diversité des interventions policières proscrit qu’on leur assigne un dénominateur empirique commun. Mettant à distance la somme des interventions individuelles des policiers, il s’est posé la question théorique suivante : qu’est-ce que la police peut institutionnellement faire et que personne d’autre qu’elle n’est habilité à faire (Bittner, 1974/1990,256). Sa réponse tient dans les termes d’une théorie de l’usage de la force. Cette réponse, il faut y insister, n’est pas la conclusion d’une enquête empirique qui nous révèle ce que fait la police dans la réalité. La thèse de Bittner porte sur l’habilitation exclusive de la police et non sur son action effective.

24L’exemple qu’on trouve le plus souvent dans les textes de Bittner pour illustrer sa pensée est celui de la chirurgie : seuls les chirurgiens ont qualité d’infliger des lésions corporelles pour améliorer la santé du patient et, dans beaucoup de cas, pour sauver sa vie. Cet exemple repose sur une fausse analogie. En effet, considéré en lui-même, un chirurgien consacre la plus grande partie de son activité professionnelle à pratiquer la chirurgie. Ce n’est donc qu’en comparaison de l’ensemble de la pratique médicale que la violence chirurgicale apparaît comme une intervention de dernier recours dont l’occurrence est proportionnellement rare. Or, il en va autrement de la police : le manque de fréquence de son recours effectif à la force n’est pas la résultante proportionnelle d’une comparaison avec la pratique des autres intervenants sociaux. C’est au sein même de la profession policière considérée indépendamment des autres modes sociaux d’intervention que le recours à la violence est un événement dont la fréquence n’est pas élevée. Au cours de nos entretiens, Bittner a insisté pour se maintenir sur cette crête où le mandat de la police n’est pas établi à partir de ce qu’elle fait le plus souvent, la variété de ses activités étant telle qu’elle disqualifie une question portant sur ce qu’elle fait le plus souvent[3]. L’analogie que Bittner a alors proposée pour illustrer sa définition de l’habilitation policière dans les termes d’une compétence peu fréquemment exercée fut celui de la prêtrise : la qualification unique du prêtre est sa fonction sacramentelle. Lui seul peut conférer un sacrement, bien que les prêtres ne consacrent généralement que peu de temps à leur fonction sacramentelle.

25On trouve une distance similaire entre la thèse et le fait dans la définition que Weber propose de l’État. Celle-ci paraît en effet être beaucoup moins le fruit de l’observation que celui d’une exigence de méthode. Puisqu’il n’y a pas de limite à la diversité des fins qu’il peut s’assigner de poursuivre, remarque Weber, une définition téléologique de l’État ne peut aboutir. Pour sortir de cette impasse, il faut définir l’État par son moyen, qui est l’exercice de la force légitime (Weber, 1992,607). J’ai demandé à Bittner s’il avait usé d’un raisonnement similaire pour définir le mandat de la police en fonction d’un moyen utilisé par les policiers ? La multiplicité des tâches policières et de leur finalités respectives étant indépassable, seule une définition de la police par son moyen – la force – nous permettrait de produire une vision intégrante de la nature de son action. Bittner a non seulement affirmé que ce type de raisonnement lui avait été étranger mais il a soutenu qu’une théorie de l’habilitation policière dépassait l’opposition entre l’obligation de moyen et celle de résultat. Dans une société rationnellement ordonnée, l’habilitation spécifique d’une institution présuppose que celle-ci use de la prérogative que lui confère cette habilitation pour le bien commun. En vertu de ce raisonnement, il ne serait pas nécessaire de préciser les finalités de la police, ainsi que le réclament, par exemple, Robert Reiner (1992) ou Maureen Cain (1979).

3. Le fondement de l’habilitation

26Nous avons jusqu’ici vu comment Bittner réfutait la conception du policier comme fonctionnaire de justice pour lui substituer sa propre théorie du policier comme utilisateur potentiel de la force. Au vrai, Bittner ne nie pas la fonction évidente de la police dans l’application des lois pénales, mais il lui attribue un statut dérivé. En témoignent ces textes à la fois décisifs et convergents : ... l’autorité dont dispose la police d’utiliser la force est radicalement différente de celle d’un gardien de prison. Alors que les pouvoirs de ce dernier découlent de son obligation d’appliquer la loi, le rôle de la police se conçoit bien mieux si l’on dit que sa capacité de procéder à l’arrestation des contrevenants découle de son pouvoir d’utiliser la force (Bittner, 1970/1990,122-123, c’est nous qui traduisons). Les policiers ne sont pas autorisés à utiliser la force parce qu’ils doivent affronter de vilains criminels. Ils ont à l’inverse le devoir de contrôler les vilains criminels parce qu’ils disposent de l’autorité plus générale d’utiliser au besoin la force requise pour atteindre les objectifs désirés (Bittner, 1974/1990,257, c’est nous qui traduisons, souligné dans le texte).

27J’ai expressément demandé à Bittner au cours de nos entretiens quelle était la source de cette habilitation générale de la police d’utiliser la force. Bien qu’elle soit problématique, sa réponse est dans le droit fil de ses écrits. Dans le passage qui clôt son dernier grand texte sur la police, il affirme en effet que cette habilitation générale ne saurait être trouvée dans le texte de la loi : ... toute l’argumentation que j’ai voulu présenter soutient que le mandat des policiers ne peut s’interpréter comme découlant en substance du code pénal ou de quelqu’autre code. J’ai conscience que cette façon de présenter les choses doit faire problème pour les esprits férus de la primauté du droit (the ideal of the Rule of Law), mais j’ai aussi conscience que la primauté du droit a toujours reposé en partie sur la force d’une prétention. Et je ne crois pas que cette prétention doive être exemptée de toute critique (Bittner, 1974/1990,263-64, c’est nous qui traduisons).

28Bittner a raison de souligner que cette habilitation ne se trouve pas dans le texte de la loi. Lorsque la loi se prononce sur le mandat de la police, c’est essentiellement pour réaffirmer le rôle du policier comme fonctionnaire de justice, ce rôle étant – on l’a vu de manière répétée – subsidiaire par rapport à l’habilitation générale dont il jouit. Quant aux articles de loi qui portent sur l’emploi de la force nécessaire, ils débordent souvent en droit anglo-saxon le cadre du travail strictement policier et ont pour fin de protéger contre d’éventuelles poursuites criminelles ou civiles toute personne administrant ou appliquant les lois pénales, dans la mesure où cette personne n’abuse pas de son pouvoir [4]. Il arrive que ces abus de pouvoir soient en eux-mêmes criminalisés, mais on ne saurait confondre la sanction de l’abus avec l’attribution d’une compétence. En outre, le nombre des poursuites judiciaires est dérisoire au regard de celui des abus.

29J’ai présenté à Bittner le texte cité plus haut, qui affirme que la police n’use pas de la force parce qu’elle pourchasse les criminels mais qu’à l’inverse, elle est chargée de les poursuivre parce qu’elle jouit d’une habilitation générale d’utiliser la force quand les circonstances le justifient. Je l’ai alors interrogé sur la source ou le fondement de cette habilitation. Après discussion, il a fini par conclure qu’il avait observé les manifestations de cette habilitation pendant son travail sur le terrain. Cette réponse est peut-être satisfaisante empiriquement mais elle ne l’est pas au regard de la logique. La recherche du fondement procède en effet de la manifestation vers sa source et non dans le sens opposé : à partir d’une source hypothétique, seules des manifestations problématiques peuvent être inférées.

30Nous touchons là, je crois, une des limites du bittnerisme et l’une de ses apories. Dans la théorie de la police qu’il développe en reprenant les conclusions de Bittner, David Bayley s’est explicitement posé la question de la source de l’habilitation de la police à user de la force et celle du fondement de son autorité. Tant son habilitation spécifique que le fondement général de son autorité lui seraient conférés par la collectivité (Bayley, 1985,9-10). Cette réponse nous ramène aux difficultés bien connues d’une conception consensuelle de la police. Elle est d’autant plus problématique que Bittner a maintes fois insisté sur le fait que le métier de policier n’était pas perçu comme une occupation « propre » (police work is a tainted occupation, Bittner, 1970/1990,94; voir aussi Bittner, 1974/1990,260, où la même expression de tainted occupation est reprise). Dans la mesure où il est problématique de réconcilier le consensus qu’exige l’habilitation communautaire de la police avec le dissensus qu’exprime la perception ambivalente dans certaines couches de la population de l’occupation policière comme n’étant pas un métier propre, le fondement de l’autorité policière se retrouve précarisé.

4. L’usage de la force

31Bien que l’usage de la force soit l’aspect le plus discuté des théories de Bittner, il continue de susciter des malentendus profonds que je ne peux avoir la prétention de dissiper en entier. Suite à nos entretiens, j’aimerais tout de même apporter cinq précisions.

a) Force et police-secours

32Le premier et le plus funeste des malentendus est de méconnaître que la théorie bittnerienne de la police est non seulement une théorie de la police en tenue (Bittner, 1974/1990,241) mais que le type idéal de la situation où intervient le policier est la situation critique qui conduit le citoyen à réclamer l’intervention d’une unité d’urgence comme police-secours. La théorie de la force policière que développe Egon Bittner est essentiellement circonstancielle: il est légitime pour la police de recourir à la force dans des situations critiques où elle doit imposer son autorité sans délai (Bittner, 1974/1990,249). C’est précisément l’urgence qui conduit la police à imposer son autorité par la force. C’est pourquoi un grand nombre de situations qui sont prégnantes de violence policière, telles que la détention des prévenus [5] ou l’interrogatoire de police judiciaire, débordent explicitement le cadre de la théorie de Bittner ou constituent des manifestations de déviance policière auxquelles il a consacré peu d’attention dans ses écrits.

33b) La dualité de l’usage de la force

34La conception de Bittner de l’usage policier de la force est essentiellement duale et se partage entre la possession d’une habilitation et les normes de son exercice. L’usage de la force dans les circonstances qui la justifient constitue la responsabilité ou le devoir professionnel des policiers (Bittner, 1983a/1990,27). Cette responsabilité est possédée de manière exclusive par la police, qui dispose en théorie d’un monopole à cet égard. C’est toutefois une chose que d’être investi d’une responsabilité et c’en est une autre que de s’en acquitter selon les normes. Un policier s’acquitte de sa responsabilité en fonction de ses aptitudes (skills– Bittner, 1983a/1990,27). Ces aptitudes sont identiquement caractérisées à maintes reprises par Bittner :elles consistent à résoudre les problèmes qui possèdent un potentiel de violence en usant d’une force minimale. Ce thème de la force minimale – qui oppose diamétralement la police aux militaires – est un des leitmotive les plus persistants de l’œuvre de Bittner. Il redouble l’aporie de la source de l’habilitation à utiliser la force par celle de la mise en œuvre de cette habilitation. La doctrine de la force minimale signifie en effet qu’au regard de son exercice l’habilitation de la police est radicalement conditionnelle : plus elle s’affirme et plus elle se déconstruit [6]. Ces deux apories procèdent de considérations opposées. L’aporie de la source de l’habilitation provient du caractère exorbitant de celle-ci :comment fonder une compétence aussi illimitée ?À l’inverse, l’aporie de sa mise en œuvre est engendrée par l’impératif de réduire son exercice effectif à son minimum.

c) Une phénoménologie de la force

35La force comporte plusieurs aspects pour Bittner.

36Encadrée par les concepts de monopole et d’usage minimal, elle se définit d’abord comme coercition physique. Si l’on gonfle la notion de force pour y inclure l’ensemble des moyens d’action non contractuels dont dispose la police (Monjardet, 1996,21), on soulève autant de difficultés qu’on en résout. D’abord, on passe d’une théorie spécifique de la police à une théorie généralisée de l’État, la somme des composantes de l’appareil étatique qui peuvent imposer des mesures non contractuelles étant considérable – pensons simplement au fisc ou au système de la santé. Ensuite, on renonce par voie d’implication à la notion du monopole policier sur le recours à ces mesures et on perd une partie des traits spécifiques de la police (les traits monopolistiques). Enfin, l’application de la doctrine de la force minimale perd son contenu intuitif quand on l’étend à l’ensemble des moyens non contractuels (par exemple, que signifie faire un usage minimal du renseignement criminel ou de l’identification judiciaire ?).

37La doctrine de la force minimale est le produit d’un jugement de valeur selon lequel l’usage systématique de la force physique n’est ni moralement ni socialement désirable. J’ai demandé à Bittner s’il croyait qu’il était possible de penser la force en dehors d’un cadre normatif. Il a affirmé qu’au regard de certains aspects de la force, cela était possible. On pourrait en effet tenter de définir l’emploi de la force comme un empêchement à certains mouvements corporels. Par exemple, l’obligation qui est faite aux gens de se mettre en files d’attente devant un guichet au lieu de le prendre tous ensemble d’assaut est une mesure de coercition physique qui limite la mobilité, mais qui prévient également la violence. Seuls ces usages de la force qui provoquent une douleur physique ne pourraient pas être extraits d’un cadre normatif, alors que d’autres moyens qui empêchent provisoirement le mouvement sans faire souffrir le patient auraient un rapport moins immédiat avec la normativité. Dans le choix de leurs moyens physiquement coercitifs, les policiers accordent trop de place à ceux-là qui infligent une douleur – les coups, les gaz lacrymogènes, le poivre de Cayenne, les bâtons etc. – alors que les mêmes effets de neutralisation pourraient dans de nombreux cas être obtenus par des tactiques moins brutales. Le problème que pose l’emploi de la coercition indolore pour une théorie de la police est le même que celui du recours aux moyens non contractuels : la police ne peut ambitionner d’exercer un monopole sur l’application d’un contrôle coercitif soft. Le personnel des agences de sécurité privé est, par exemple, spécialisé dans le contrôle des mouvements de personnes.

38Selon Bittner, la force physique possède une dynamique propre qui implique qu’on soit toujours en transgression relative de l’exigence de l’utiliser de façon minimale. On ne saurait, dit-il, recourir à la force physique sans avoir l’intention de prévaloir sur son ou ses adversaires. Comme l’issue du combat n’est pas dans le feu de l’action prévisible, on a généralement tendance à en remettre pour assurer de façon définitive sa victoire. Or, le dernier coup porté est habituellement le résultat d’un déportement provoqué par l’usage de la force et il est de cette façon rarement nécessaire.

d) Les violences collectives

39S’il se trouve des situations qui réclament l’intervention de la force publique, c’est bien celles où des violences collectives menacent d’éclater ou sont en train de se produire. Or tant dans ses écrits (Bittner, 1970/1990,191) que dans nos entretiens, Bittner se refuse à voir dans le maintien de l’ordre une tâche qui relève de l’action policière [7]. La question est essentiellement de savoir s’il y a une raison de principe pour laquelle la police devrait s’abstenir de maintenir l’ordre ou si les réserves de Bittner sont fondées dans la seule pratique. Or, il semble que le principe et la pratique coïncident pour expliquer sa position. Pour être efficace, le maintien de l’ordre requiert une intervention où la manœuvre des intervenants soit coordonnée par une discipline quasi-militaire. Bittner soutient que la police n’est une organisation militarisée que dans ses aspects les plus superficiels et, partant, que ses modes d’intervention ne sont pas en pratique propices au maintien de l’ordre (Bittner, 1970/1990,191). Il soutient du même souffle qu’il n’est pas en principe souhaitable que la police soit militarisée car elle y perdrait ses capacités à résoudre les problèmes de manière individualisée, en faisant appel à son pouvoir discrétionnaire. e) Le shérif et l’infirmière

40Il est un dernier malentendu qu’il est toutefois possible de dissiper sans reste. Associé à une définition de la police par son habilitation à user de la force, Bittner est parfois perçu comme le faucon des études policières, par opposition aux colombes de la police communautaire. Une partie de la conclusion de son texte de 1974 nous montre à quel point cette interprétation est à contresens de son œuvre.

41Croyant que la raison véritable de son existence est l’éternelle poursuite de Willie Sutton [8] et de son engeance – ce pour quoi il manque à la fois d’occasions et de ressources – le policier s’estime obligé de gommer la signification des fois où il semble suivre dans son travail les pas de Florence Nightingale. Craignant de jouer le rôle de l’infirmière ou, ce qui est pis, celui du travailleur social, le policier ajoute son ressentiment envers ses tâches au quotidien à la nécessité de devoir s’en acquitter. Et en faisant cela, il manque sa vraie vocation (Bittner, 1974/1990,263, c’est nous qui traduisons et qui soulignons).

42Ce texte qui traite de rien de moins que la vraie vocation policière (vocation) est transparent : dans la plus grande partie de ses interventions, c’est dans les traces de l’infirmière et du travailleur social et non pas dans celles du shérif poursuivant Willie Sutton que le travail de la police s’inscrit, apparemment au grand dam du policier lui-même.

II. Les réformes récentes de la police

43Bittner avait cessé de s’intéresser de façon soutenue à la police quand le mouvement de réforme de l’activité policière s’enclencha pour be bon vers la fin des années soixante-dix. Les remarques qu’il y consacre dans son introduction au recueil de ses textes sur la police sont dans le droit fil de ses travaux antérieurs (Bittner, 1990,13). De la même façon, dira-t-il, que la professionnalisation de la police l’a libérée des pressions arbitraires de la politique municipale pour lui laisser le champ libre dans l’accomplissement de ses tâches sur le terrain, la police communautaire la délivre de l’idéologie de l’application de la loi (law enforcement) et rétablit une adéquation entre ce qu’elle doit faire et ce qu’elle fait en réalité, à savoir, la gestion d’incidents problématiques de toutes natures.

44Avant de développer au cours de nos entretiens ses réflexions sur les réformes récentes de la police, Bittner tint à les situer dans le contexte de ce qu’il estime être la réforme fondamentale de la police, à savoir, sa professionnalisation. Pour lui, la professionnalisation de la police s’inscrit à l’intérieur d’une réforme de l’administration municipale et partant, du gouvernement local. Cette réforme a consisté, comme on vient de le voir, à libérer la police de l’ingérence des administrations municipales et, de façon plus concrète, à mettre un frein à la corruption des forces policières locales. La professionnalisation de la police réalisée au cours de la première moitié du siècle par des chefs de police comme F. Fuld (1909), Raymond B. Fosdick (1915), August Vollmer (1936), Bruce Smith (1940) ou O.W. Wilson (1950) demeurent pour Bittner l’horizon indépassable de toutes celles qui les suivront et dont l’importance historique est par lui estimée moindre.

1. Le team policing (police en équipe)

45Le team policing est la première dans le temps des réformes récentes et elle n’est pas sans analogie avec l’îlotage. Elle consiste en l’assignation locale durable – sinon permanente – de petites équipes de policiers dirigées par un cadre inférieur (par exemple, un caporal ou un sergent); ces équipes étaient chargées d’accomplir toutes les tâches de la police (en contraste, cette fois, avec l’îlotage). Une ambition de la police en équipe était de tenter d’abolir la distance entre la tenue et police judiciaire, policiers en tenue et en civil travaillant souvent de concert. Les premières expériences de police par équipe eurent lieu au Royaume-Uni après la Deuxième Guerre mondiale; elles furent ensuite exportées au Canada et aux États-Unis où elles se perpétuèrent jusque dans les années 1970.

46Pour Bittner, la police en équipe représente une tentative de procéder à une déconstruction de la prétention des organisations policières d’exercer un contrôle vertical sur leurs membres. Le terme sur lequel Bittner a insisté est celui de prétention. On sait qu’il estime que le contrôle exercé par la hiérarchie policière sur les hommes de la tenue est très lacunaire. Ce contrôle est non seulement très irrégulier mais il est tracassier, punitif et, à la limite, nocif car il paralyse l’esprit d’initiative des hommes du rang. Dans ses écrits, Bittner a des mots sévères pour la hiérarchie policière : Contrairement à l’officier de l’armée dont on s’attend qu’il mène ses hommes à la bataille (...), le cadre policier de rang équivalent est seulement quelqu’un qui peut beaucoup contre ses subordonnés et très peu pour eux (Bittner, 1970/1990,143, c’est nous qui traduisons, souligné dans le texte).

47L’analyse de Bittner est rétrospectivement juste. Le team policing a échoué comme réforme et on s’accorde pour dire que c’est la résistance des cadres intermédiaires, qui craignaient l’érosion de leur pouvoir, qui a fait échec à la réforme (Skogan, 1990).

2. La police communautaire (community policing) ou police de proximité

48La police communautaire ou police de proximité est présentement la partie la plus visible et la plus discutée du mouvement de réforme de la police. Elle repose pour l’essentiel sur deux piliers, soit l’élargissement du mandat de la police au delà de la seule mise en force des lois pénales et l’établissement d’un partenariat avec les collectivités locales pour réaliser une coproduction de la sécurité [9].

49Bittner a décrit la police communautaire comme une déconstruction de l’autorité de la police. Cette déconstruction s’exercerait sur les deux dimensions de l’autorité policière qu’il a identifiées, soit l’autoritarisme et le légalisme. En effet, l’autorité policière désigne en premier lieu la volonté systématique de la police d’imposer sa solution dans le cadre des affaires où elle intervient. Pour reprendre une formule utilisée par Bittner lors de nos entretiens : le policier n’est pas celui qui demande à des jeunes ce qu’ils font dans un endroit mais qui d’emblée leur ordonne de circuler. La solution imposée par la police ne considère pas la demande du citoyen et elle est rarement ajustée aux caractéristiques de la situation; elle est toute entière dictée par les impératifs internes de l’intervention policière, tels qu’ils sont intuitivement perçus par le policier. En second lieu, la solution imposée par la police est la plupart du temps le produit d’une mise en forme policière des situations selon les normes du code pénal. Tel est le deuxième aspect de l’autorité policière : l’autorité policière est informée par un pseudo-savoir juridique qui n’est que l’intériorisation d’un nombre limité de rituels d’intervention.

50Il ne faut pas douter que dans sa doctrine, la police de proximité fasse profession de s’ajuster de façon plus étroite aux besoins des citoyens et d’élargir la panoplie de ses scénarios d’intervention pour satisfaire la demande du public. Il faut toutefois préciser qu’en pratique les citoyens laissent à la police le soin de déterminer la solution à des problèmes qu’ils ont souvent peine à formuler dans des termes précis. Il faut surtout ajouter qu’on assiste présentement partout en Amérique du Nord à un rétrécissement du mandat de la police, qui fait partout l’objet d’un recentrage agressif sur la lutte à la criminalité. Ce rétrécissement est très sensible au niveau des politiques et des discours officiels. On n’a pas encore mesuré dans quelle mesure il structurait véritablement l’intervention policière sur le terrain.

3. La police de résolution (problem-oriented policing)

51Cette réforme s’est souvent accomplie sous l’égide de la police communautaire, avec laquelle elle a été à tort confondue, comme Herman Goldstein le reconnaît maintenant lui-même (Brodeur, 1998; voir la reproduction d’une lettre de Goldstein à l’auteur). La police de résolution est un projet de réforme développé par Goldstein à partir de son diagnostic de la dysfonction de base des organisations policières. Cette dysfonction prendrait sa source dans le syndrome de la primauté des moyens sur les fins. Ce syndrome tient entre autres manifestations dans la croyance que toute amélioration du service policier doit passer par une amélioration de l’organisation policière, entendue dans son sens administratif le plus restrictif (Goldstein, 1979/1998,268, dans la traduction française). On dira de façon métaphorique qu’une industrie qui souffrirait de ce syndrome se préoccuperait uniquement de la cadence de ses chaînes de montage sans s’assurer de la qualité de son produit (Goldstein, 1979/1998,269, dans la traduction française). Goldstein propose de s’attaquer à ce syndrome de deux façons. D’abord en pratiquant une police d’expertise, qui regroupe sous la forme d’un même problème une série d’incidents analogues et qui sont susceptibles d’avoir une cause commune. Ensuite, en reconnaissant que les stratégies d’application de la loi pénale ne sont qu’un moyen parmi d’autres d’aborder les problèmes que doit résoudre la police, tant au niveau de leur analyse qu’à celui de leur résolution effective. Dans ce volet de la réforme qu’il propose, Goldstein est très près des positions de Bittner, comme il le reconnaît d’ailleurs sans peine (Goldstein, 1979/1998,268, note 2, dans la traduction française).

52La réaction de Bittner à ces propositions révèle sa grande réticence à traiter de la police en dissociant ses moyens de ses objectifs. Dans la perspective de Goldstein, on peut concevoir que la définition du problème par la police soit un moyen et que la mise en place d’une mesure ou d’un dispositif pour le résoudre soit l’objectif à atteindre, bref la fin de l’action policière. De façon critique, Bittner proposa l’exemple suivant d’un processus de résolution de problème. Suite à son analyse de ce qui se passait sur le terrain, une force de police en vint à la conclusion que la source d’un problème – il ne se souvenait plus lequel – était qu’un arrêt d’autobus était situé au mauvais endroit. La solution était évidemment de déplacer cet arrêt d’autobus, ce que la police réclama et obtint effectivement. Dans d’autres cas, par exemple des vols de nourriture causés par la pauvreté, l’analyse révèle que la solution du problème est complètement hors du domaine de compétence de la police et même que la cause du problème, considérée dans toute son ampleur (la croissance de l’appauvrissement), n’est pas susceptible de traitement à court ou moyen terme. Pour Bittner, tout l’effort doit porter sur l’établissement d’un diagnostic précis. Si, estime-t-il, le problème est adéquatement défini, la solution s’impose en quelque sorte d’elle-même (ou bien on constate l’impossibilité de le résoudre à brève échéance). En d’autres mots, lorsque c’est une analyse de situation qui est considérée comme un moyen, la fin – la mesure à prendre – en découle de façon si intrinsèque qu’il n’est plus opportun de distinguer entre la fin et le moyen. On pourra, bien sûr, objecter que cette vision des choses est profondément rationaliste : dans les termes de la logique, on dirait qu’il existe un rapport analytique entre le diagnostic et le remède. J’ai toutefois pensé que la perspective développée par Bittner était non seulement originale mais que de tenter de déduire l’obligation de résultat de l’obligation de moyen était une piste qui méritait d’être explorée.

4. Le fil directeur

53Les réflexions de Bittner sur les récents développements dans le mouvement de réforme de la police suivent un fil directeur, qu’il a révélé dès le début de nos discussions sur ce sujet. Ces réformes valent plus par ce qu’elles contestent – le prétendu contrôle vertical de la hiérarchie policière sur les hommes du rang, l’autorité de la police (telle qu’on l’a définie), la dichotomie entre la fin et les moyens – que par ce qu’elles apportent de véritablement neuf. Elles remédient à des difficultés que Bittner avait lui-même en grande partie identifiées dans ses écrits et il était donc prévisible que l’évaluation de ces réformes ne le conduirait pas à modifier substantiellement ses positions antérieures. À cet égard, il a continué de revendiquer que l’application de la loi pénale était une composante subsidiaire des activités de la police. La prétention des services policiers d’être à l’origine de l’actuelle décroissance du crime lui paraît donc illusoire. Il ajoute d’ailleurs à cet égard que le type de criminalité où la baisse statistique est la plus marquée aux États-Unis – l’homicide coupable – n’a jamais été spécifiquement ciblé par la police au cours des dernières années, ce qui est rigoureusement vrai.

III. En guise de conclusion

54Ces quelques remarques de clôture ne constituent pas un retour systématique sur les analyses antérieures, dont l’objet n’était pas de produire une démonstration. Avant toutefois de faire ces remarques, j’aimerais poser d’entrée de jeu que la police est en elle-même un objet aporétique. Comme l’a bien vu Monjardet (1996,24-25), la police se distingue par le fait qu’il lui est permis d’accomplir avec impunité ce qui constitue pour les autres citoyens une transgression des normes morales et dans un nombre important de cas des normes légales. Le caractère aporétique de cet objet se reflète d’une façon ou d’une autre dans la construction théorique qu’on tente d’en faire et forme d’emblée un obstacle épistémologique à sa connaissance [10]. Quand il est défini par sa fonction d’utiliser la force, le policier est coincé dans la situation d’un sapeur-pompier qui devrait toujours combattre le feu par le feu. D’où le recours à tout un ensemble de stratégies pour le tirer de cette situation problématique. Caractériser cette situation comme étant ultime ou de dernière instance n’est que la plus usitée de ces stratégies.

55Dans la mesure où l’on pense comme les philosophes Éric Weil, Emmanuel Lévinas ou Paul Ricoeur que les catégories du sens et de la force se situent à des pôles opposés de l’expérience et de la pensée humaine, on peut prétendre que les caractérisations du fondement de l’action policière qui ont été proposées par Egon Bittner et, plus récemment, par Richard V. Ericson se situent respectivement aux deux extrêmes des définitions possibles de la police (Ericson, Haggerty, 1997).

56Bittner définit le policier comme un officier habilité à utiliser de la force et qui accorde une priorité institutionnelle à son mandat d’appliquer les lois pénales. Or, tant son habilitation que son devoir institutionnel de mettre la loi en force, ne sont que des constructions idéales et juridiques qui ne recouvrent que peu des activités auxquelles se livrent les policiers au quotidien. La police habilitée à utiliser la force est empiriquement aussi introuvable que l’automate programmé par la loi, contre lequel Bittner a fait porter le poids de sa critique. Quant à la définition d’Ericson, elle se fonde sur un examen des centaines, sinon des milliers de formulaires différents, que la police doit remplir. Il est probable que l’examen d’Ericson a porté sur des blancs de formulaires, avant qu’ils n’aient été remplis par la police. C’est la seule explication qui puisse rendre compte qu’il définit les policiers comme des producteurs de savoir. J’ai passé pour mon compte une partie de mon activité professionnelle dans des commissions d’enquête chargées d’examiner les dossiers de la police, qui sont effectivement constitués à partir d’un ensemble de formulaires que les policiers doivent remplir et qu’ils tirent derrière eux comme des boulets de papier. Une fois qu’ils ont été remplis, on peut à la rigueur considérer ces formulaires comme un matériau d’information brut qui pourra éventuellement être transformé en savoir – en renseignement – par des vérifications, des manipulations et des analyses savantes. Dans le meilleur des cas, le savoir se trouve au terme d’un laborieux processus de raffinage dont on ne sait plus s’il sera pris en charge par des policiers ou des analystes civils.

57Que l’on se réfère à des perspectives aussi éloignées que celles de Bittner ou d’Ericson, il semble que l’on soit confronté à la même difficulté :parvenir à élaborer une théorie de l’activité effective de la police au lieu d’articuler la représentation d’une police communautairement, juridiquement, épistémologiquement, idéal-typiquement ou téléologiquement reconstruite et habilitée. En bref, passer d’une police platonicienne nostalgique du ciel des essences à une police moins archétypique mais qui opère effectivement dans la caverne. Il est donc impérieux de passer d’une théorie de l’action programmatique de la police à une formulation de son opération effective.

58L’obstacle le plus grand qui se dresse devant ceux qui désirent effectuer cette conversion est la possibilité très réelle que la police ne constitue pas un objet homogène, se prêtant à l’élaboration d’une théorie unitaire et intégrée. Dans le cadre de cette hypothèse, il faudrait procéder avec toute la rigueur qu’elle impose. S’il n’y a pas la police mais des polices, on devrait s’abstenir de remettre les pièces du puzzle provisoirement ensemble et de reconstruire sous le manteau une police factice pour maintenir la fiction de la possession par une seule agence de l’État du monopole de l’usage de la force légitime. Il me semble difficile de tenir ensemble l’idée d’un monopole de la force légitime et celle de l’éclatement de l’appareil policier en des composantes hétérogènes et rivales. Quand les polices d’un même État se font entre elles la guerre, usent-elles de la force et de la somme des moyens contractuels dont elles disposent de façon légitime ? Il y a deux façons de résoudre les difficultés posées par le caractère bigarré de la police. La première est d’accepter la fragmentation de l’objet et de faire en aval l’analyse de ses principales composantes. La seconde est d’aller en amont et d’élaborer une théorie de l’usage institutionnalisé de la force, que celui-ci relève du domaine public ou du domaine privé, avec toutes les variantes intermédiaires.

59Il me semble en dernière analyse que la conception de la police proposée par Bittner et ses émules soit faustienne. Elle l’est de deux manières. Le Faust de Goethe s’ouvre sur l’affirmation qu’au commencement était l’action et, en paraphrasant, la force. Dans la conception faustienne, la force s’affirme comme origine à un double titre. Elle est originelle au sens le plus radical :elle apparaît comme une donnée originaire en deçà de laquelle il est éminemment problématique de régresser pour lui trouver un fondement. Elle est ensuite originelle en un sens dérivé par son antériorité au regard du droit. On n’arme pas le policier parce que la loi lui enjoint d’effectuer des arrestations; c’est parce qu’il est déjà armé qu’il peut assumer la tâche d’appréhender les délinquants, parmi bien d’autres fonctions. Il y aurait lieu à cet égard de repenser le rapport de la police à la loi. Le philosophe Kant a déjà dit que des intuitions (empiriques) sans concepts étaient aveugles et que des concepts sans intuitions étaient vides. On pourrait dire de façon similaire que la force sans droit est aveugle et que le droit sans force est vacant. Cette formule nous engage à distinguer deux types de rapport entre la force et le droit :un rapport d’antériorité et de préséance où tantôt la force fonde le droit et tantôt le droit la force et un rapport de réciprocité où force et droit se constituent mutuellement.

60La conception de la police proposée par Bittner est faustienne en un second sens. De la même façon que Faust n’a jamais su avant qu’il ne soit trop tard qu’il avait fait le malheur de Marguerite, la police de Bittner est très largement inconsciente des effets de l’exercice de ses pouvoirs. Il est tout à fait frappant que dans cette conception de la police, celle-ci opère à partir du présupposé jamais remis en cause qu’elle résout des situations problématiques. Or, il y a me semble-t-il toute une réflexion qui reste à faire de manière non anecdotique sur le policier comme générateur de problème.

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  • JONES T., NEWBURN T., 1998, Private Security and Public Policing, Oxford, Clarendon Press.
  • LOFTHOUSE M., 1996, The core mandate of the police, in CRITCHER C., WADDINGTON D. Eds, Policing Public Order : Theoretical and Practical Issues, Aldershot UK, Avebury, 39-51.
  • MANNING P. K., 1991, Aspects of police work by Egon Bittner, reviewed in Contemporary Sociology, An International Journal of Reviews, 20,3,435-436.
  • MONJARDET D.,1996, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte.
  • PLATT A. M., COOPER L. Eds, 1974, Policing America, Englewood Cliffs NJ, Prentice-Hall.
  • REINER R., 1992, Police research in the United Kingdom : a critical review, in TONRY M., MORRIS N.Eds, Modern Policing, Chicago, The University of Chicago Press, 435-545.
  • ROSENBAUM D., 1994, The Challenge of Community Policing, Thousand Oaks CA, Sage Publications.
  • SHEARING C.D., 1984, Dial-a-Cop : A Study of Police Mobilisation, Toronto, Centre of Criminology.
  • SKOGAN W., 1990, Disorder and Decline, New York, The Free Press.
  • WEBER M., 1992, Le métier et la vocation d’homme politique, in COLAS D. (dir.), La pensée politique, Paris, Larousse, 607-613 (originellement publié en langue allemande en 1919).

Notes

  • [*]
    Centre International de Criminologie Comparée – Université de Montréal.
  • [1]
    Je reprends ici le mode de citation retenu dans Brodeur (1994). La plupart des écrits de Bittner sur la police ont été réunis sous la forme d’un livre (Bittner, 1990). Comme ses travaux sur la police s’échelonnent de 1967 à 1990, on masquerait leur évolution en n’utilisant que cette dernière référence. Ce mode de référence est cependant très utile, car il est uniforme et renvoie à un ouvrage qu’on peut facilement se procurer. Dans leur parution initiale, les travaux de Bittner sont en effet dispersés et, partant, difficilement accessibles. Nous utiliserons donc un double mode de renvoi. Par exemple, Bittner (1970/1990,123) renvoie d’abord à la parution initiale de l’œuvre en 1970, dont le titre se trouve parmi les références bibliographiques, et ensuite à la collection de 1990 à la page indiquée. Je ne dérogerai à cette règle que pour Bittner (1970), dont une partie a été traduite en français en 1991 : au besoin, j’indiquerai alors le numéro de la page dans l’édition anglaise de 1990 (Bittner 1970/1990, X) et dans la traduction française (Bittner, 1991, X).
  • [2]
    Voici le texte de Bittner : Few policemen possess the perspicacity and judiciousness their work calls for. And force is not only used often where it need not be used, but gratuitous rudeness and bullying is a widely prevalent vice in policing.
  • [3]
    L’une des seules réponses que l’on puisse fournir à cette question est trop paradoxale pour être énoncée : la plus grande partie du temps de la police en tenue est consacrée à l’attente d’une occasion d’intervenir.
  • [4]
    C’est le cas de l’article 25 du code criminel canadien, dont l’intitulé est : la protection (nous soulignons) des personnes chargées de l’administration ou de l’application de la loi. Cet article, il faut y insister, ne s’adresse pas qu’aux policiers mais à toute personne assumant une fonction dans l’administration ou l’application des lois pénales.
  • [5]
    Dans un texte canonique que j’ai cité précédemment, Bittner oppose explicitement le cas de figure du gardien de prison à celui de l’intervenant policier (Bittner, 1970/1990,123).
  • [6]
    La conjoncture présente de la réforme de la police en France fournit un exemple saisissant de ce jeu de balancier. L’un des buts de la réforme est de faire pièce à l’agressivité des brigades anti-criminalité pendant la nuit par une politique de rapprochement des effectifs en tenue, le jour.
  • [7]
    La position de Bittner sur le maintien de l’ordre explique en partie certaines de ses affirmations sur la rareté de la violence policière. C’est en effet dans le maintien de l’ordre que les violences policières sont les plus visibles et les plus médiatisées.
  • [8]
    Willie Sutton fut un voleur célèbre aux États-Unis. Quant à Florence Nightingale, c’est une des figures emblématiques de la période victorienne en Angleterre, où elle a fondé par suite de la guerre de Crimée la profession d’infirmière.
  • [9]
    Pour un exposé plus systématique des origines et des caractères de la police communautaire, on pourra se référer à Brodeur (1990; 1998,30-51) et à Rosenbaum (1994).
  • [10]
    Le terme d’aporie se trouve dans le texte de Monjardet (1996,25): Le danger est inscrit dans l’aporie elle-même inhérente aux rapports entre la force et le droit : comment la force peut-elle servir le droit, alors que le droit s’origine de sa volonté de le substituer à la force ?
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