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Article de revue

Saint-Évremond : un auteur pour happy few ?

Pages 251 à 263

Notes

  • [1]
    Voir Stéphane Zékian, L’Invention des classiques. Le « siècle de Louis XIV » existe-t‑il ?, Paris, CNRS éd., 2012. Sur la notion de canon proprement dite, voir José-Luis Diaz, Introduction au dossier « Le xixe siècle face aux canons littéraires. Persistance, remise en cause, transformations », RHLF, 2014, no 1, p. 3-11.
  • [2]
    Charles-Augustin Sainte-Beuve, Port-Royal, Maxime Leroy (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1954 p. 518.
  • [3]
    Auguste Bourgoin, Les Maîtres de la critique au xviie siècle. Chapelain, Saint-Évremond, Boileau, La Bruyère, Fénelon, Paris, Garnier frères, 1889, p. 69.
  • [4]
    Alain Niderst, « Gloire et déclin de Saint-Évremond », Dix-huitième siècle, 1977, no 9, p. 241-258 et Gérard Poulouin, « Saint-Évremond au xx siècle : entre effacement et reconnaissance », in Saint-Évremond au miroir du temps, Suzanne Guellouz (éd.), Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2005, p. 299-319.
  • [5]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […]. Études sur Saint-Évremond […] » (1868), Nouveaux lundis, t. XIII, Paris, Calmann-Lévy, 1893, p. 427, causerie initialement parue dans le Journal des Savants.
  • [6]
    Nisard se justifie a posteriori longuement de cette exclusion dans l’article « Œuvres mêlées de Saint Évremond », Mélanges d’histoire et de littérature, Paris, Michel Lévy, 1868, p. 232 pour cette citation.
  • [7]
    G. Lanson, Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1895, p. 617-618.
  • [8]
    Histoire de la langue et de la littérature française, des origines à 1900, L. Petit de Julleville (dir.), Paris, A. Colin, 1898, t. 5, p. 207-217.
  • [9]
    P. Albert, La Littérature française au dix-septième siècle, Paris, Hachette, 1873, p. 118-124. Sont mentionnés le concours de l’Académie et les nombreuses rééditions dont nous faisons état ci‑dessous.
  • [10]
    G. Lanson, Choix de lettres du xviie siècle, Paris, Hachette, 1898, p. 448.
  • [11]
    J. Macé, « Saint-Évremond », Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1842, 4e série, t. 29, p. 243.
  • [12]
    C. Hippeau, Œuvres choisies de Saint-Évremond, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages, Paris, Firmin-Didot frères, 1852, p. viii. La notice avait d’abord paru dans les Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen, Caen, A. Hardel, 1851, p. 47-90, avant d’être reprise en 1858 dans un ouvrage consacré aux Écrivains normands au xviie siècle, Caen, Buhour, p. 242-298.
  • [13]
    A. Vinet, Moralistes des seizième et dix-septième siècles, Paris, Les éditeurs, 1859. Il s’agit de cours initialement professés en 1832-1833, régulièrement enrichis et parfois partiellement publiés.
  • [14]
    G. Merlet, « Un moraliste trop aimable. Saint-Évremond », Revue européenne : lettres, sciences, arts, voyages, politique, t. 1, 1859, p. 505-528 (repris dans Réalistes et fantaisistes : études morales et littéraires, 2e éd., Paris, Didier, 1863).
  • [15]
    V. Fournel, La Littérature indépendante et les écrivains oubliés. Essais de critique et d’érudition sur le xviisiècle, Paris. Didier, 1862.
  • [16]
    V. de Langsdorff, Saint-Évremond, un sceptique sous Louis XIV, Paris, J. Claye, 1865 (d’abord publié dans la Revue des Deux Mondes, 1er mars 1865).
  • [17]
    Pour une étude détaillée de ce concours, voir dans ce même numéro l’article de S. Zékian.
  • [18]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, revues, annotées et précédées d’une histoire de la vie et des ouvrages de l’auteur, Paris, J. Léon-Techener fils, 1865, 3 vol. Cette édition fait l’objet d’une recension critique par Daniel Bernard dans une « Étude sur Saint-Évremond », Revue catholique, 6e année, t. 15, no 127, 1866, p. 696-715.
  • [19]
    Roxana Verona, Les Salons de Sainte-Beuve. Le critique et ses muses, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 67.
  • [20]
    Ch.-A. Gidel, Étude sur la vie et les ouvrages de Saint-Évremond, Paris, Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1866. Ce texte sera repris un an plus tard comme préface aux Œuvres choisies de Saint-Évremond, précédées d’une étude sur la vie et les ouvrages de l’auteur, Paris, Garnier frères, 1867.
  • [21]
    D.-L. Gilbert, Étude sur Saint-Évremond, Paris, Firmin Didot frères, fils et Cie, 1866. Gilbert s’intéressa aussi à Vauvenargues et à La Rochefoucauld.
  • [22]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit.
  • [23]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Saint-Évremond et Ninon » (1851), Causeries du lundi, 3e éd., Paris, Garnier, 1859, t. 4, p. 170-191. Le critique reconnaît dès cette date que « Saint-Évremond demanderait une étude à part », p. 170.
  • [24]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 456.
  • [25]
    G. Merlet, Saint-Évremond. Étude historique, morale et littéraire suivie de fragments en vers et en prose, Paris, A. Sauton, 1870.
  • [26]
    L. Curnier, Saint-Évremond, sa vie et ses écrits, Nîmes, Clavel-Ballivet, 1875.
  • [27]
    A. Bourgoin, Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 69-128.
  • [28]
    Saint-Évremond, Œuvres mêlées. Notice de R. de Gourmont, Paris, Mercure de France, 1909.
  • [29]
    G. Merlet, Saint-Évremond, op. cit., p. 1.
  • [30]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., p. iv-v.
  • [31]
    P.‑A. Brun, Autour du xviie siècle : les libertins, Maynard, Dassoucy, Desmarets, Ninon de Lenclos, Carmain, Boursault, Mérigon, Pavillon, Saint-Amant, Chaulieu, manuscrits inédits de Tallemant Des Réaux, Grenoble, Falque et Perrin, 1901, p. vii.
  • [32]
    Pour comparer avec la réception de Cyrano, voir Michèle Rosellini, « Le devenir-philosophe de Cyrano de Bergerac au xixsiècle », La Lettre clandestine, dossier « La littérature philosophique clandestine lue par le xixe siècle », 2017, no 25, p. 83-104.
  • [33]
    Jean-Pierre Cavaillé, « Pourquoi les libertins ne sont pas des classiques : réflexion critique sur la naissance d’une catégorie historiographique à partir des ouvrages de Pierre Brun », xviie siècle, vol. 224, no 3, 2004, p. 381-397.
  • [34]
    J. Denis, Le xviiie siècle dans le xviie siècle, Caen, Delesques, 1896.
  • [35]
    R. Grousset, Les Libertins, in Œuvres posthumes. Essais et poésies, éd. R. Doumic et P. Imbart de la Tour, Paris, Hachette, 1886, p. 123-158.
  • [36]
    Fr.-T. Perrens, Les Libertins en France au xviie siècle, Paris, Léon Chailley, 1896, p. 215.
  • [37]
    G. Lanson, « Les épicuriens : Bernier, Saint-Évremond et Ninon de Lenclos » et « La philosophie de Saint-Évremond », Revue hebdomadaire de cours et conférences, no 26 et 28, mai 1908, p. 409-422 et p. 481-493.
  • [38]
    L’intérêt porté par l’école lansonienne à Saint-Évremond se traduira principalement par deux ouvrages : Walter Melville Daniels, Saint-Évremond en Angleterre, Versailles, Louis Luce, 1907 ; et Gustave Cohen, Le séjour de Saint-Évremond en Hollande et l’entrée de Spinoza dans la pensées française, Paris, Champion, 1926.
  • [39]
    C. Hippeau, Œuvres choisies de Saint-Évremond, op. cit., p. viii.
  • [40]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Saint-Évremond et Ninon », art. cit., p. 190.
  • [41]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 432.
  • [42]
    V. Fournel, La Littérature indépendante, op. cit., p. 373-374.
  • [43]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. clxii.
  • [44]
    Ibidem, p. ix.
  • [45]
    G. Merlet, Saint-Évremond, op. cit., p. 2-3.
  • [46]
    Voir sur cette question Delphine Antoine-Mahut et Stéphane Zékian (dir.), Les Âges classiques du xixsiècle, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2018.
  • [47]
    A. Vinet, Moralistes des seizième et dix-septième siècles, op. cit., p. 285. Vinet s’appuie dans cette page principalement sur la partie consacrée à Pétrone du Jugement sur Sénèque, Plutarque et Pétrone.
  • [48]
    J. Denis, Le xviiie siècle dans le xviie siècle, op. cit., p. 15.
  • [49]
    Respectivement J. Macé, « Saint-Évremond », art. cit., p. 274 et L. Curnier, Saint-Évremond, op. cit., p. 49 et p. 45.
  • [50]
    Ibidem, p. 47.
  • [51]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. clxiii et L. Curnier, op. cit., p. 177. Il s’agit du texte édité par Giraud sous le titre « Portrait de Saint-Évremond, fait par lui-même », t. 2, p. 511.
  • [52]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 442.
  • [53]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., dédicace (n. p.).
  • [54]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 427.
  • [55]
    L. Curnier, Saint-Évremond, op. cit., p. 71.
  • [56]
    Respectivement D.-L. Gilbert, Étude sur Saint-Évremond, op. cit., p. 32 et Ch.-A. Gidel, Œuvres choisies de Saint-Évremond, op. cit., p. 68.
  • [57]
    A. Bourgoin, Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 92.
  • [58]
    J. Macé, « Saint-Évremond », art. cit., p. 261.
  • [59]
    A. Desjardins, Les Moralistes français du seizième siècle, Paris, Didier, 1870, p. 4.
  • [60]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 426.
  • [61]
    Ibidem, p. 457.
  • [62]
    Ch.-A. Gidel, Œuvres choisies de Saint-Évremond, op. cit., p. 69-70
  • [63]
    A. Bourgoin, Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 86.
  • [64]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. viii-ix.
  • [65]
    Voir, par exemple, la formule de Sainte-Beuve : « l’enseignement proprement dit a peu à faire avec lui, il est l’homme de la conversation à huis clos et des apartés pleins d’agréments » (« Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 427-428).
  • [66]
    Voir les deux parallèles : « Mais il y a dans Saint-Évremond une honnêteté naturelle, un mouvement de cœur qu’on ne rencontre pas dans la Rochefoucauld. Celui‑ci a jugé les hommes d’après leur mérite, Saint-Évremond d’après son indulgence. La Rochefoucauld démêle mieux peut-être le secret des misères humaines ; Saint-Évremond préfère s’abandonner à la bienveillance qui les soulage » ; et « Vauvenargues semble affecter de ne pas connaître Saint-Évremond qui lui demeure supérieur. Le jeune et brave officier de la retraite de Prague n’a point la délicatesse aimante de Saint-Évremond ; une certaine sécheresse a passé sur son cœur. Cependant Vauvenargues a traité de l’amitié, de l’amour même. Il n’approche pas de la finesse et de la sensibilité de l’épicurien du dix-septième siècle » (Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., p. ccxlvi-ccxlvii).
  • [67]
    Ibidem, p. clxiv.
  • [68]
    Anne Martin-Fugier, « Le salon xviie siècle selon Sainte-Beuve », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 28-29, 2002, mis en ligne le 22 novembre 2008, consulté le 21 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/1012.
  • [69]
    Respectivement « Madame de Caylus » (1850), Causeries du lundi, Paris, Garnier frères, t. 3, 1929, p. 62 et « Madame de Sévigné » (1829), repris dans Œuvres, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1951, t. 2, p. 997.
  • [70]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 446.
  • [71]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. CLVII.
  • [72]
    G. Merlet, Saint-Évremond, op. cit., p. 113.
  • [73]
    V. de Langsdorff, Saint-Évremond, op. cit., p. 8.
  • [74]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 456. A. Bourgoin perçoit ce jeu de miroir lorsqu’il écrit que Sainte-Beuve, « parlant de Saint-Évremond, semblait quelquefois avoir en vue Sainte-Beuve » (Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 69). Voir aussi les analogies entre l’écrivain et le critique chez V. Fournel, La Littérature indépendante, op. cit., p. 374 et chez L. Curnier, Saint-Évremond, op. cit., p. 149. 

1 Minoré par Voltaire et ses successeurs après une importante diffusion de ses Œuvres mêlées (dans les volumes publiés par Claude Barbin de son vivant) et de l’édition posthume de Desmaizeaux, Saint-Évremond a connu un devenir contrasté. À partir du milieu du xixe siècle, au moment où les contours et, plus encore, la valeur du canon font l’objet d’intenses débats [1], Saint-Évremond se voit abondamment édité et commenté, sans pour autant que l’historiographie du xviie siècle s’en trouve affectée. Si Sainte-Beuve peut écrire, dans une note du livre IV de Port-Royal, que « cet homme n’est pas mis à son rang [2] », Auguste Bourgoin pourra, en 1889, affirmer que « Saint-Évremond est presque devenu un classique [3] ». L’adverbe « presque » est révélateur du statut ambigu de Saint-Évremond au xixe siècle. Ni tout à fait exclu, ni pleinement légitime, il est marginal, à la fois géographiquement, du fait de son exil anglais, esthétiquement et idéologiquement. Il ne vient illustrer aucun genre clairement identifiable, oscille entre théâtre, poésie, lettre et essai, entre vers et prose, et ne peut sans reste se voir rattaché à une doctrine précise. Par sa trajectoire posthume, Saint-Évremond diffère donc des « libertins érudits », dans la mesure où les réserves formulées à son encontre portent moins sur son hétérodoxie que sur ses qualités proprement littéraires et son activité d’écrivain.

2 Plutôt que d’envisager le discours critique sous la forme d’une succession de jugements, de manière à diagnostiquer alternativement « gloire et déclin », « effacement et reconnaissance », jugements dont la liste a été assez précisément établie par les articles d’Alain Niderst et Gérard Poulouin [4], la présente étude propose de s’interroger sur les valeurs idéologiques et esthétiques qui sous-tendent ces jugements. Les appréciations portées sur Saint-Évremond sont toujours solidaires, fût-ce tacitement, d’une certaine conception de l’histoire littéraire et de l’usage approprié des œuvres du xviie siècle pour le présent. Aussi, bien que le regain d’intérêt que connaît Saint-Évremond, en particulier dans les années 1860, ne remette pas en question le panthéon littéraire et ses hiérarchies, un autre xviie siècle, moins patrimonial et plus familier, se dessine à l’usage d’une élite intellectuelle considérée comme capable de discerner le bon et le mauvais et de reconnaître, par-delà les siècles et les régimes politiques, la permanence d’un esprit français.

Universitaires, polygraphes et érudits : panorama de la critique évremondienne

3 Aux yeux d’une histoire littéraire avant tout soucieuse de replacer l’individualité créatrice dans des courants, des générations ou des milieux, il semble difficile d’attribuer un rôle majeur à Saint-Évremond, comme le souligne Sainte-Beuve, pourtant particulièrement bienveillant à l’égard de l’écrivain : « l’histoire littéraire, pour peu qu’elle soit didactique, comme celle de M. Nisard, a le droit et presque le devoir de le négliger [5]. » Un parcours des principales histoires littéraires du siècle le confirme : elles n’accordent à Saint-Évremond qu’une place restreinte. Ainsi Nisard avoue ne pas parvenir à reconnaître « dans ses écrits le caractère des œuvres durables [6] », Brunetière lui accorde une ligne. Gustave Lanson n’est guère plus disert en 1895 : il lui fait une place dans la catégorie des « précurseurs et initiateurs du xviiie siècle » aux côtés de Bayle et de Fontenelle [7]. Mais le traitement de ces trois figures est bien différent et Saint-Évremond apparaît comme un écrivain superficiel, dont les œuvres reflètent une liberté de mœurs et d’esprit aussi diffuse qu’inoffensive. A. Bourgoin, dans la très institutionnelle Histoire de la langue et de la littérature française dirigée par Louis Petit de Julleville en 1898, lui accorde une dizaine de pages, au titre de représentant de la « critique littéraire sous Louis XIV [8] ».

4 Seul Paul Albert, alors maître de conférences à l’École Normale Supérieure, avant de l’être au Collège de France, brosse en 1873 un panorama quelque peu développé de cette œuvre, dans un ouvrage qui revendique sa dette à l’égard de la méthode beuvienne en s’attachant à l’irréductible singularité des auteurs du siècle de Louis XIV, en réaction à un classicisme monolithique. Il place l’auteur parmi les « grands seigneurs », aux côtés de Bussy-Rabutin et de La Rochefoucauld [9]. Comme eux opposant à Louis XIV, il fait l’objet d’une moindre réprobation que les deux autres aristocrates, perçus comme hautains à l’égard du peuple : ce que le savant retient de lui se résume à son dilettantisme. Cette neutralité se conforte sans doute du fait que Saint-Évremond « n’a pas fait un livre ». Dans une perspective similaire de patrimonialisation des écrits d’un amateur, Gustave Lanson lui consacre une quinzaine de pages dans son Choix de lettres du xviie siècle : dans un genre qu’il estime dépourvu d’art et capable de donner accès à l’âme des auteurs, il relève l’« esprit vif et plaisant », l’« intelligence active » qui président au reste de son œuvre [10].

5 P. Albert enregistre toutefois un certain regain de popularité de Saint-Évremond, dans des travaux produits majoritairement à l’écart de l’Université. C’est en effet sous le signe de la curiosité pour une œuvre singulière et inclassable que se place l’importante production critique et éditoriale consacrée à Saint-Évremond au cours du xixe siècle. Jean Macé, dans un article publié dès 1842 et réimprimé en 1894 comme introduction à un choix de textes, la considère de manière significative comme « une des études littéraires les plus curieuses que puisse nous offrir le dix-septième siècle » : il fait le récit d’une exhumation « par hasard », « dans les rayons d’une de ces respectables bibliothèques, vieux meubles de famille, où tant de livres dorment en paix sous leur reliure rouge [11] ». La dramatisation affichée de cette découverte inscrit clairement l’intérêt porté à Saint-Évremond à l’écart des institutions. Dans la décennie suivante, c’est en compatriote que Célestin Hippeau, professeur à la faculté de lettres de Caen, préface des Œuvres choisies, sur le mode de la réhabilitation, puisque « nul ne méritait mieux que Saint-Évremond cette sorte de réparation que la critique littéraire doit aux hommes supérieurs [12] ». Le suisse Pierre-André Sayous lui dédie deux chapitres de son Histoire de la littérature française à l’étranger en 1853 et son compatriote Alexandre Vinet un chapitre de ses études posthumes sur les Moralistes français[13]. L’intérêt ne faiblit pas au cours de la décennie suivante : un article de Gustave Merlet, professeur au lycée Louis-le-Grand en 1859, repris en volume en 1863 [14], une section du chapitre consacré à la critique littéraire dans un ouvrage d’érudition du journaliste Victor Fournel en 1862 [15], une édition de la Conversation du Maréchal d’Hoquincourt avec le Père Canaye par l’archiviste Louis Lacour en 1865, et, la même année, un article de Victor de Langsdorff, notable dilettante, futur préfet, « Saint-Évremond, un sceptique sous Louis XIV [16] ».

6 Ces deux dernières publications se réjouissent que le prix d’éloquence de l’Académie propose comme sujet en 1866 l’éloge de Saint-Évremond [17]. Ce concours marque incontestablement un tournant, et consacre la faveur de la critique pour l’auteur au cours de ces années. Au même moment, Saint-Évremond bénéficie également d’une considérable édition en trois volumes due au juriste Charles Giraud [18]. Dans sa dédicace à la Princesse Mathilde, l’éditeur attribue ce retour de l’écrivain au premier plan aux conversations tenues à son sujet dans le salon de la Princesse, dont Sainte-Beuve est également un familier [19]. À la suite de la publication des discours des deux lauréats, Charles-Antoine Gidel, professeur de rhétorique au Lycée Bonaparte [20], et Désiré-Louis Gilbert, rentier et amateur de moralistes [21], le critique des Lundis profite de cette actualité pour revenir, dans le Journal des savants[22], sur un écrivain qu’il affectionne particulièrement et auquel il avait déjà consacré par le passé quelques notes dans Port-Royal, ainsi qu’un article dans Le Constitutionnel du 26 mai 1851 [23]. Il y exprime sa préférence pour le texte de Gidel, plus clément envers Saint-Évremond que celui de Gilbert dont il déplore la « sévérité excessive [24] ». L’étude du lundiste, l’édition Giraud et le concours de l’Académie seront par la suite fréquemment allégués comme les indices convergents de l’émergence de cette figure mineure.

7 Les décennies suivantes ne sont en effet pas en reste et le rythme des publications demeure soutenu. En 1870, paraît une nouvelle édition d’un choix de textes, due à G. Merlet et précédée d’un essai issu de ce même concours, et non primé [25], puis en 1875, une plaquette de Léonce Curnier [26], proche de Frédéric Ozanam, ancien député du Gard, biographe de Rivarol et du cardinal de Retz. Des Œuvres choisies paraissent en 1881, éditées par Adolphe de Lescure à la Librairie des bibliophiles, et, en 1889, Auguste Bourgoin lui fait une place parmi les « maîtres de la critique », aux côtés de Chapelain, Boileau, La Bruyère et Fénelon [27]. Cette veine se poursuit dans la première moitié du xxe siècle. En 1909, Rémy de Gourmont donne une édition au Mercure de France, dans la collection « Les plus belles pages » où il met également à l’honneur Cyrano, Théophile et Saint-Amant [28], autant de figures du libertinage minorées par le canon académique.

8 La plupart de ces critiques n’occupent pas de chaire universitaire, à l’exception notable de Vinet, de Sainte-Beuve, dont l’attention aux minores est une constante, et de Giraud, qui œuvre ici à l’écart de son domaine. Si leurs auteurs sont des lettrés, parfois engagés dans des carrières enseignantes, les travaux consacrés à Saint-Évremond ne sont pas parties prenantes d’une production académique. Ainsi G. Merlet ne fait pas figurer Saint-Évremond dans les nombreux volumes de morceaux choisis et d’études littéraires à destination des classes supérieures : son intérêt marqué pour Saint-Évremond ne le conduit pas à réviser le canon scolaire. Les premières lignes de son étude destinée au concours de l’Académie situent l’écrivain précisément « au-dessous des maîtres sur les rayons d’une bibliothèque choisie [29] ». Il relève donc d’une érudition qui repose sur la curiosité pour les aspects méconnus d’un siècle progressivement élaboré comme représentant l’apogée de la culture française. Dans sa dédicace à la Princesse Mathilde, Giraud souligne l’origine mondaine de l’attention portée autant au personnage qu’à l’œuvre elle-même :

9

Ce qui frappe surtout l’attention réveillée d’un public de bon goût ; ce qui a touché Votre Altesse Impériale, dans le personnage qu’elle a souhaité de voir revivre à ses yeux : c’est l’élégance de son langage et la finesse de sa pensée, qui ont fait de ses ouvrages les chefs-d’œuvre de notre prose légère ; c’est l’originalité de ses observations morales, et l’indépendance de sa critique littéraire ; c’est le monde délicat, et trop peu connu, qu’il représente dans l’ancienne société française ; c’est enfin son caractère privé, si noble, pendant un exil de quarante années ; si honnête, dans des attachements qui appartiennent à l’histoire, et qui ont intéressé jadis deux grands royaumes [30].

10 Par ailleurs, si Saint-Évremond retient de plus en plus l’attention des premiers spécialistes du libertinage, comme par exemple dans l’étude ultérieure sur Ninon de Lenclos de Pierre-Antoine Brun, c’est avant tout parce qu’ils se proposent – selon la formule de ce dernier – de « faire revivre des types originaux de ces temps prestigieux [31] ». Contrairement à Cyrano de Bergerac [32], Saint-Évremond intéresse moins pour les audaces de sa pensée, que comme témoin d’un esprit du temps, occulté par les grandes œuvres morales et religieuses contemporaines. Le regain d’intérêt perceptible dans les années 1860 de la part de critiques qui insistent tous sur la singularité de sa pensée, fournit en effet les éléments susceptibles de le faire figurer parmi les « oubliés », « méconnus » ou « victimes de Boileau » que sont les libertins. L’historiographie du libertinage est en effet solidaire de celle des marges du classicisme [33]. Il se voit consacrer une part importante de l’opuscule de Jacques Denis sur Le xviiie siècle dans le xviie siècle[34]. Les fragments de la thèse projetée par René Grousset sur les libertins, publiés à titre posthume, comportent ainsi une monographie sur Saint-Évremond, seul chapitre achevé du travail en cours [35]. François-Tommy Perrens lui fait une place parmi les « gens de cour et gens du monde », « représentant par excellence du libertinage distingué durant une période où le libertinage s’édulcore » [36]. Sans doute est‑ce à leur suite que Lanson reconsidérera la place de Saint-Évremond, non plus dans une histoire littéraire générale, mais dans une série de cours consacrés aux « Origines et premières manifestations de l’esprit philosophique dans la littérature française de 1675 à 1748 », en particulier les leçons « Les épicuriens » et « La philosophie de Saint-Évremond » [37]. On voit ici se dessiner une autre forme d’érudition, qui ne consiste plus dans une curiosité personnelle, mais dans une minutieuse reconstitution du paysage intellectuel d’un moment historique, dans laquelle les minores ont toute leur place.

Saint-Évremond dans l’histoire des idées : un auteur entre deux siècles littéraires

11 De Jean Macé à Paul Hazard, Saint-Évremond est évalué à l’aune de sa relation à la pensée des Lumières : il est unanimement considéré comme un précurseur. Au début du xxe siècle, l’école lansonienne s’efforcera de déterminer la nature et les modalités précises de son influence sur les Lumières, en particulier dans l’émergence de l’idée de tolérance et dans l’avènement du rationalisme [38]. Il devient ainsi le maillon d’une généalogie méconnue et témoigne, sans être lui-même subversif, de la disponibilité des esprits contemporains à la critique radicale illustrée par les manuscrits clandestins.

12 Toutefois, dans la critique du xixe siècle, c’est surtout une certaine affinité entre Saint-Évremond et ses « successeurs trop illustres [39] », comme Montesquieu et Voltaire, qui retient l’attention. La question est abordée en particulier par Sainte-Beuve, qui envisage Saint-Évremond comme un passeur entre la Renaissance et les Lumières, relevant peut-être moins une filiation directe qu’un air de famille : « De Montaigne et de Charron à Saint-Évremond et à Ninon, et de Ninon à Voltaire, il n’y a que la main, comme on voit. C’est ainsi que, dans la série des temps, quelques esprits font la chaîne [40]. » Il rejoint ainsi la catégorie des écrivains, comme Bayle, Fontenelle, pour lesquels la périodisation de l’histoire littéraire semble inopérante, tant, comme le remarque Sainte-Beuve, il « échapp[e] à Louis XIV [41] », en amont et en aval. La formule est à entendre aussi bien sur un plan politique qu’historique : Saint-Évremond est ancré dans la période de la régence d’Anne d’Autriche et de la Fronde, mais aussi tourné vers la liberté d’esprit du siècle suivant.

13 La difficulté à lui assigner une identité philosophique déterminée se perçoit dans le flou des catégories utilisées : scepticisme et épicurisme alternent et même se combinent pour désigner deux formes distinctes de faiblesse intellectuelle. Son goût des plaisirs, que traduit notamment sa prédilection pour Pétrone, rebute par exemple V. Fournel qui déplore une « absence de sens moral [42] ». Sainte-Beuve lui-même voit dans les dernières lettres à Ninon de Lenclos un signe de son incurable sensualité. Au scepticisme sont attachées l’absence de fermeté et la labilité d’une position religieuse qui ne s’énonce jamais comme ouvertement hétérodoxe.

14 Pour trouver un panorama du « scepticisme épicurien en France », il faut se tourner vers l’édition de Ch. Giraud, sinon plus documenté, du moins plus soucieux que la plupart de ses contemporains d’offrir une contextualisation précise. Il le confronte à Montaigne, Charron et Le Vayer sur fond de crise de la scolastique, pour établir une diffusion large du scepticisme dans les sphères intellectuelles et aristocratiques. Ce scepticisme est un symptôme du recul de l’autorité religieuse à laquelle Giraud, dans le sillage de Cousin, propose de substituer celle de la raison. D’où un rapprochement, malgré leur opposition, entre Saint-Évremond et Descartes, « gentilhomme comme lui, élevé aussi par les jésuites, également insurgé contre eux et la scolastique, et fondateur d’une philosophie toute laïque, qui n’était ni moliniste ni janséniste, mais humaine, en quelque façon [43] ». En somme, la philosophie épicurienne apparaît comme une mauvaise réponse à de bonnes questions. Toutefois Giraud oppose assez nettement Saint-Évremond à ses successeurs des Lumières, quelles que soient par ailleurs les analogies et les influences : « Alliant le scepticisme de Montaigne au sensualisme d’Épicure, il a préparé les voies aux libres penseurs du dix-huitième siècle, tout en se préservant de leurs écarts [44]. » Il s’agit donc pour Giraud d’exempter Saint-Évremond des excès postérieurs. En ce sens, l’écrivain se place à l’écart des clivages idéologiques de l’histoire nationale, ce dont témoigne, dans les mêmes années, le recours à la notion de « libertinage modéré » par G. Merlet, qui fait de l’auteur « un de ces épicuriens de bonne race qui continuèrent, à petit bruit, dans le voisinage de Louis XIV et d’une régence à l’autre, ces habitudes d’indépendance sceptique, d’humeur voluptueuse et de libertinage modéré, dont les traditions toutes françaises nous acheminent sans secousse vers les hardiesses ou les témérités du siècle suivant [45] ». On ne saurait mieux opposer les deux siècles classiques, Saint-Évremond servant ici à incarner un autre xviiisiècle possible, plus qu’un autre xviisiècle [46].

15 Ainsi, Saint-Évremond peut faire l’objet d’une appréciation qui rejoint celle portée sur les Lumières, que ce soit chez le protestant romand A. Vinet, pour lequel « les doctrines corrosives qui firent le fond de la philosophie du dix-huitième siècle, […] transpirent de partout [47] » dans une telle œuvre, que chez le spécialiste du libertinage J. Denis, qui envisage la pensée de Saint-Évremond sous l’angle d’une « sourde et invincible opposition au christianisme [48] ». Toutefois, le plus souvent, son rapport au christianisme déroute, tant il s’éloigne de l’opposition frontale qui sera celle du siècle suivant. C’est le cas pour des critiques d’inspiration catholique. Il est ainsi incohérent, aux yeux par exemple de L. Curnier, membre de la Société Saint-Vincent-de-Paul, lequel, en même temps qu’il voit en lui un « père de la philosophie matérialiste du dix-huitième siècle », relève son « respect pour la religion [49] ». Mais un socialiste comme J. Macé le considère comme ambivalent, au point d’en faire un possible apologiste, double de Pascal. Les uns et les autres se rencontrent par conséquent pour neutraliser la possible portée hétérodoxe de sa pensée : « de quelque nom qu’on l’habille, cela ne doit faire peur à personne », estime ainsi J. Macé, tandis que L. Curnier dédouane l’auteur du soupçon d’impiété en affirmant qu’« un esprit aussi superficiel compose une religion à sa guise [50] ».

16 Ce constat de la modération propre à Saint-Évremond conduit à mettre fréquemment en avant le texte dans lequel l’auteur se dit « également éloigné du superstitieux que de l’impie [51] ». Commenté par Ch. Giraud ou L. Curnier, ce passage d’une lettre au comte de Grammont, considérée comme un autoportrait, est également paraphrasé par Sainte-Beuve, auquel l’« épicurien sceptique » apparaît comme quelqu’un de paradoxalement « assez philosophe pour ne pas craindre par moments de paraître croyant [52] ». Aussi Saint-Évremond est‑il tenu à l’écart des clivages religieux et peut‑il offrir, sur ce point, l’image d’une posture consensuelle à force d’être prudente ou indécise.

17 À l’épicurisme se trouvent en outre associées des qualités esthétiques et sociales, non seulement la délicatesse de l’expression, mais aussi la sociabilité et l’amitié. Cette politesse qui lui est inhérente rend peu subversif l’épicurisme édulcoré des salons : « le cortège de politesse, de bienséance et de respect, qui l’accompagne, chez Saint-Évremond, en atténue assurément le danger [53]. » La substitution de l’écrivain délicat au penseur libertin se fait aisément à l’occasion des valeurs épicuriennes. Sainte-Beuve distingue ainsi l’épicurisme philosophique qui innerve la Renaissance ou la pensée de Gassendi de celui de Saint-Évremond, « épicurien pratique dans la morale et dans la vie [54] ». Après avoir désarmé sa doctrine, la critique peut se recentrer sur la singularité de l’homme. Ce n’est donc plus l’histoire des idées morales et religieuses qui s’intéresse à Saint-Évremond, mais la critique proprement littéraire en quête d’une classification des tempéraments d’écrivains. La formule de L. Curnier selon laquelle « l’homme vaut mieux que la doctrine [55] » traduit bien le souci de sauver Saint-Évremond de la condamnation à laquelle devrait le vouer sa sympathie pour des régions peu orthodoxes de la pensée.

Les privilèges de la littérature et de l’esprit français

18 Toutes les facettes d’un tel auteur ne sont pas appréciées de la même manière. Un consensus se dégage au sujet de ses lacunes. Pour preuve, les deux discours primés par l’Académie ont une semblable conclusion moralisante, ce trait étant plus marqué dans l’étude de D.-L. Gilbert : selon lui, Saint-Évremond « n’a pas eu la véritable élévation de l’esprit, et peut-être n’a‑t‑il pas eu la véritable élévation du cœur ». Quant à Ch.-A. Gidel, il achève son étude par une formule très proche : « On vit trop ce qui manquait à Saint-Évremond d’austérité dans la pensée, d’élévation dans le cœur [56]. » Le cœur et l’esprit de l’écrivain ne sont donc pas de ceux que l’on peut donner en exemples absolus ni canoniser sans reste, et la convergence sur ce point entre les deux lauréats, pourtant très contrastés dans leur jugement global, montre qu’ils rencontraient les attentes du jury. Au demeurant, d’autres études suggèrent l’idée que l’épicurisme et le scepticisme, fussent‑ils des traits de tempérament et non de doctrine, affectent Saint-Évremond de graves défauts, qui lui interdisent de se hausser à la perfection que l’on attend des classiques. Si Sainte-Beuve ne partage pas la réprobation qui anime l’opuscule de Gilbert, il condamne tout autant la paresse de l’auteur. Un tel vice entraîne des lacunes proprement esthétiques, en particulier la négligence et l’inachèvement. Cela se vérifie dans les genres privilégiés par Saint-Évremond, qui sont pour la plupart dépourvus de règles : esquisses, petits traités, lettres, pensées, fragments. Pour Sainte-Beuve, ce ne sont que des « essais », et non une œuvre à proprement parler. Bourgoin étend le mot de Sainte-Beuve au sujet des Réflexions sur les divers génies du peuple romain (« ébauche supérieure ») à l’ensemble de ses écrits, qui souffrent de la confrontation avec l’œuvre des grands classiques : « Boileau, La Bruyère, Montesquieu, Voltaire, l’ont de beaucoup surpassé, chacun dans leur sphère [57] ». Aux yeux de tels critiques, les qualités qui font un authentique classique manquent ici : profondeur, perfection, universalité.

19 Ces limites étant fermement posées, Saint-Évremond peut faire l’objet d’un intérêt positif. Retiennent ainsi l’attention l’expression et l’illustration d’un esprit français qui parcourt la littérature nationale :

20

[En Angleterre] Saint-Évremond ne fut plus un esprit fort, mais un philosophe, philosophe exclusivement pratique, il est vrai, en dehors de toute école et de toute théorie, et qu’on ne saurait rallier sous aucun drapeau scientifique, pas même sous celui de scepticisme, mais philosophe de bon aloi, enfant légitime de Rabelais et de Montaigne, ces vieux interprètes du bon sens gaulois, et quelque peu père de Voltaire lui-même [58].

21 Cette « philosophie pratique » conduit à le placer dans la catégorie des moralistes. Celle‑ci l’exclut du champ des débats doctrinaux, comme le montre la définition du terme donnée par Albert Desjardins, juriste et futur académicien des sciences morales :

22

On ne trouve pas chez eux […] une véritable doctrine, des principes avec des conséquences, mais seulement des observations sur ce qui se passe devant eux et sur ce qui s’est passé dans tous les temps [59].

23 Il est ainsi considéré comme un témoin particulièrement perspicace de son temps et de la nature humaine universelle. Sainte-Beuve le rapproche sur ce point de ces autres aristocrates que sont La Rochefoucauld, Bussy-Rabutin ou Retz, pour mettre également en valeur l’art de la prose qui est celui de ces amateurs :

24

Jamais langue plus belle, plus riche, plus fine, plus libre, ne fut parlée par des hommes de plus d’esprit et de meilleure race. Ils ont tous (et ceux que je viens de nommer, et les autres qu’ils représentent, moins en vue et plus effacés aujourd’hui), ils ont tous ce point commun d’être gens du monde, de qualité, avant d’être écrivains [60].

25 La contribution de ces auteurs à la langue classique est de la revivifier par la double expérience de l’action et de la sociabilité. Sainte-Beuve remarque à ce sujet tout ce qui différencie la prose oratoire classique et cette « manière d’écrire » qui n’est « pas tout à fait celle que célèbrent et préconisent les partisans déclarés du grand siècle » [61]. Les appréciations des qualités de son style sont convergentes : sous la plume de Ch.-A. Gidel, Saint-Évremond est ainsi un écrivain « aimable » et « agréable » [62], selon A. Bourgoin, cet art d’écrire reflète des qualités d’esprit qui sont autant sociales qu’intellectuelles (« aisance », « finesse », « délicatesse » [63]). Toujours soucieux de contextualisation, Ch. Giraud tente pour sa part de le replacer dans le panorama littéraire de son temps, en proposant un jeu de parallèles multiples, à l’issue duquel est brossé un portrait mythifié de la société mondaine du xviie siècle, dans laquelle le xixe siècle est appelé à se ressourcer :

26

Saint-Évremond est, avant tout, l’homme de la délicatesse. Il est moins nerveux que La Bruyère, moins profond que La Rochefoucauld, mais il est plus délicat. Sa manière nous charme, parce qu’elle ne tourne pas à l’affectation, comme chez Fontenelle ; et sa sérénité nous enchante, parce qu’elle dévoile un cœur droit et bon, pour lequel on éprouve de l’attrait. Ne cherchez pas dans ses ouvrages la majesté simple et forte de Pascal, la magnificence entraînante de Bossuet, la limpidité délicieuse de Fénelon. Mais, si votre âme est sensible aux agréments de ce beau monde du dix-septième siècle, aux finesses ingénieuses de l’esprit de ce temps, et à l’expression gracieuse des sentiments, des opinions d’une société cultivée et choisie ; si votre philosophie s’accommode des analyses discrètes d’un sensualisme doux, civil, mesuré, en quelque sorte intime, et des conclusions indulgentes d’un scepticisme aimable et de bon goût, revêtues des formes les plus souples et les plus élégantes de la langue, Saint-Évremond sera votre auteur favori [64].

27 Il prend donc place dans l’histoire de la conversation – l’expression revient à de nombreuses reprises dans la critique de cette fin de xixe siècle [65] – et met en œuvre un art de plaire, sans agressivité ni acrimonie, ce qui le distingue d’autres moralistes comme La Rochefoucauld ou Vauvenargues. Dans un chapitre consacré à l’amitié, Giraud oppose ainsi le ressentiment qui les anime à l’humanité et à la bienveillance qui sont le propre de Saint-Évremond [66]. Il souligne également la valeur civilisatrice de cet épicurisme face aux pratiques de la noblesse du premier xviisiècle, une noblesse rude et sauvage, avide de duels et d’enlèvements : « l’aimable philosophe a puissamment contribué à l’adoucissement des mœurs [67] ». Les salons de ce qu’il est convenu d’appeler le Grand Siècle offrent donc un modèle de sociabilité, qui ménage un espace de liberté individuelle sans remettre en cause l’autorité politique et religieuse : « l’équilibre entre le respect d’une part, et la liberté de l’autre, est la marque d’une société bien réglée ». L’origine salonnière du projet de Giraud rejoint un imaginaire des relations entre littérature et sociabilité particulièrement prégnant dans la critique de Sainte-Beuve [68]. Des premières causeries aux Nouveaux lundis, en passant par les Portraits de femmes, l’œuvre beuvienne construit ce mythe de « l’âge d’or de l’urbanité » et des « conversations infinies [69] ».

28 Aux yeux du critique des Lundis, Saint-Évremond témoigne d’un état de la société et du monde des lettres qui a disparu : dans ce xviie siècle libéral régnait la neutralité sur les questions politiques et religieuses. Un paradigme nostalgique anime la critique beuvienne et trouve dans l’œuvre de Saint-Évremond une confirmation :

29

Nul mieux que lui n’est apte à nous faire bien comprendre ce qu’était l’exquise culture dans les hautes classes de la société et pour quelques esprits d’élite, à cette date heureuse et si vite enfuie, où un reste de liberté et même de licence se composait déjà avec une régularité non encore excessive [70].

30 Le public auquel s’adresse Saint-Évremond, « public d’élite, où les avantages de l’éducation pouvaient balancer le danger des maximes [71] » selon Giraud, permet de déterminer les conditions dans lesquelles il devient possible de lire cet auteur au xixsiècle. La lecture en est réservée à un public perçu comme capable de retrouver les dispositions de la société mondaine du xviie siècle, « quelques friands amateurs du bien penser et surtout du bien dire [72] », ce que Victor de Langsdorff résume ainsi : « Il est de ceux qui méritent d’être goûtés et qui ne le sont que du petit nombre [73]. » Cette dimension mineure de l’auteur fait du goût pour Saint-Évremond une forme de distinction, réservée à quelques connaisseurs et curieux. De manière significative, Sainte-Beuve achève sa causerie en la faisant lire comme un autoportrait indirect : « Pour bien apprécier Saint-Évremond, il faut être soi-même quelque peu de la philosophie de Saint-Évremond [74]. »

31 Malgré un certain nombre d’analogies, la réception de Saint-Évremond reste en marge de l’historiographie du libertinage. Dans les nombreuses publications qui lui sont consacrées, il est commenté, critiqué et apprécié comme écrivain mineur, catégorie paradoxale de la consécration. Si les spécialistes de l’histoire de idées l’utilisent pour éclairer la pensée des plus grands, pour tracer la généalogie secrète des Lumières, il fait avant tout l’objet d’une critique empathique, qui exhibe la relation avec l’écrivain mineur comme une preuve de curiosité et de bon goût. Il conforte l’historiographie traditionnelle en ce qu’il fait voir dans une œuvre largement considérée comme imparfaite les principes généralement associés au classicisme français : valeur civilisatrice des lettres, acuité de la connaissance des hommes, élégance de l’esprit. Du fait même de l’ambiguïté doctrinale liée à son caractère comme au type d’écrits qu’il privilégie, Saint-Évremond permet en outre de neutraliser les dissensions politiques et religieuses et de faire de la littérature un lieu de mémoire consensuel, centré sur la conversation et la sociabilité, où se reconnaît, par-delà les régimes et les idéologies, une seule et même aristocratie, l’aristocratie de l’esprit.


Mots-clés éditeurs : hétérodoxie, Saint-Évremond, conversation, écrivains mineurs, histoire des idées

Date de mise en ligne : 21/05/2019

https://doi.org/10.3917/dss.192.0251

Notes

  • [1]
    Voir Stéphane Zékian, L’Invention des classiques. Le « siècle de Louis XIV » existe-t‑il ?, Paris, CNRS éd., 2012. Sur la notion de canon proprement dite, voir José-Luis Diaz, Introduction au dossier « Le xixe siècle face aux canons littéraires. Persistance, remise en cause, transformations », RHLF, 2014, no 1, p. 3-11.
  • [2]
    Charles-Augustin Sainte-Beuve, Port-Royal, Maxime Leroy (éd.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », t. II, 1954 p. 518.
  • [3]
    Auguste Bourgoin, Les Maîtres de la critique au xviie siècle. Chapelain, Saint-Évremond, Boileau, La Bruyère, Fénelon, Paris, Garnier frères, 1889, p. 69.
  • [4]
    Alain Niderst, « Gloire et déclin de Saint-Évremond », Dix-huitième siècle, 1977, no 9, p. 241-258 et Gérard Poulouin, « Saint-Évremond au xx siècle : entre effacement et reconnaissance », in Saint-Évremond au miroir du temps, Suzanne Guellouz (éd.), Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2005, p. 299-319.
  • [5]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […]. Études sur Saint-Évremond […] » (1868), Nouveaux lundis, t. XIII, Paris, Calmann-Lévy, 1893, p. 427, causerie initialement parue dans le Journal des Savants.
  • [6]
    Nisard se justifie a posteriori longuement de cette exclusion dans l’article « Œuvres mêlées de Saint Évremond », Mélanges d’histoire et de littérature, Paris, Michel Lévy, 1868, p. 232 pour cette citation.
  • [7]
    G. Lanson, Histoire de la littérature française, Paris, Hachette, 1895, p. 617-618.
  • [8]
    Histoire de la langue et de la littérature française, des origines à 1900, L. Petit de Julleville (dir.), Paris, A. Colin, 1898, t. 5, p. 207-217.
  • [9]
    P. Albert, La Littérature française au dix-septième siècle, Paris, Hachette, 1873, p. 118-124. Sont mentionnés le concours de l’Académie et les nombreuses rééditions dont nous faisons état ci‑dessous.
  • [10]
    G. Lanson, Choix de lettres du xviie siècle, Paris, Hachette, 1898, p. 448.
  • [11]
    J. Macé, « Saint-Évremond », Revue des Deux Mondes, 15 janvier 1842, 4e série, t. 29, p. 243.
  • [12]
    C. Hippeau, Œuvres choisies de Saint-Évremond, précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages, Paris, Firmin-Didot frères, 1852, p. viii. La notice avait d’abord paru dans les Mémoires de l’Académie des sciences, arts et belles-lettres de Caen, Caen, A. Hardel, 1851, p. 47-90, avant d’être reprise en 1858 dans un ouvrage consacré aux Écrivains normands au xviie siècle, Caen, Buhour, p. 242-298.
  • [13]
    A. Vinet, Moralistes des seizième et dix-septième siècles, Paris, Les éditeurs, 1859. Il s’agit de cours initialement professés en 1832-1833, régulièrement enrichis et parfois partiellement publiés.
  • [14]
    G. Merlet, « Un moraliste trop aimable. Saint-Évremond », Revue européenne : lettres, sciences, arts, voyages, politique, t. 1, 1859, p. 505-528 (repris dans Réalistes et fantaisistes : études morales et littéraires, 2e éd., Paris, Didier, 1863).
  • [15]
    V. Fournel, La Littérature indépendante et les écrivains oubliés. Essais de critique et d’érudition sur le xviisiècle, Paris. Didier, 1862.
  • [16]
    V. de Langsdorff, Saint-Évremond, un sceptique sous Louis XIV, Paris, J. Claye, 1865 (d’abord publié dans la Revue des Deux Mondes, 1er mars 1865).
  • [17]
    Pour une étude détaillée de ce concours, voir dans ce même numéro l’article de S. Zékian.
  • [18]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, revues, annotées et précédées d’une histoire de la vie et des ouvrages de l’auteur, Paris, J. Léon-Techener fils, 1865, 3 vol. Cette édition fait l’objet d’une recension critique par Daniel Bernard dans une « Étude sur Saint-Évremond », Revue catholique, 6e année, t. 15, no 127, 1866, p. 696-715.
  • [19]
    Roxana Verona, Les Salons de Sainte-Beuve. Le critique et ses muses, Paris, Honoré Champion, 1999, p. 67.
  • [20]
    Ch.-A. Gidel, Étude sur la vie et les ouvrages de Saint-Évremond, Paris, Firmin-Didot frères, fils et Cie, 1866. Ce texte sera repris un an plus tard comme préface aux Œuvres choisies de Saint-Évremond, précédées d’une étude sur la vie et les ouvrages de l’auteur, Paris, Garnier frères, 1867.
  • [21]
    D.-L. Gilbert, Étude sur Saint-Évremond, Paris, Firmin Didot frères, fils et Cie, 1866. Gilbert s’intéressa aussi à Vauvenargues et à La Rochefoucauld.
  • [22]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit.
  • [23]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Saint-Évremond et Ninon » (1851), Causeries du lundi, 3e éd., Paris, Garnier, 1859, t. 4, p. 170-191. Le critique reconnaît dès cette date que « Saint-Évremond demanderait une étude à part », p. 170.
  • [24]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 456.
  • [25]
    G. Merlet, Saint-Évremond. Étude historique, morale et littéraire suivie de fragments en vers et en prose, Paris, A. Sauton, 1870.
  • [26]
    L. Curnier, Saint-Évremond, sa vie et ses écrits, Nîmes, Clavel-Ballivet, 1875.
  • [27]
    A. Bourgoin, Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 69-128.
  • [28]
    Saint-Évremond, Œuvres mêlées. Notice de R. de Gourmont, Paris, Mercure de France, 1909.
  • [29]
    G. Merlet, Saint-Évremond, op. cit., p. 1.
  • [30]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., p. iv-v.
  • [31]
    P.‑A. Brun, Autour du xviie siècle : les libertins, Maynard, Dassoucy, Desmarets, Ninon de Lenclos, Carmain, Boursault, Mérigon, Pavillon, Saint-Amant, Chaulieu, manuscrits inédits de Tallemant Des Réaux, Grenoble, Falque et Perrin, 1901, p. vii.
  • [32]
    Pour comparer avec la réception de Cyrano, voir Michèle Rosellini, « Le devenir-philosophe de Cyrano de Bergerac au xixsiècle », La Lettre clandestine, dossier « La littérature philosophique clandestine lue par le xixe siècle », 2017, no 25, p. 83-104.
  • [33]
    Jean-Pierre Cavaillé, « Pourquoi les libertins ne sont pas des classiques : réflexion critique sur la naissance d’une catégorie historiographique à partir des ouvrages de Pierre Brun », xviie siècle, vol. 224, no 3, 2004, p. 381-397.
  • [34]
    J. Denis, Le xviiie siècle dans le xviie siècle, Caen, Delesques, 1896.
  • [35]
    R. Grousset, Les Libertins, in Œuvres posthumes. Essais et poésies, éd. R. Doumic et P. Imbart de la Tour, Paris, Hachette, 1886, p. 123-158.
  • [36]
    Fr.-T. Perrens, Les Libertins en France au xviie siècle, Paris, Léon Chailley, 1896, p. 215.
  • [37]
    G. Lanson, « Les épicuriens : Bernier, Saint-Évremond et Ninon de Lenclos » et « La philosophie de Saint-Évremond », Revue hebdomadaire de cours et conférences, no 26 et 28, mai 1908, p. 409-422 et p. 481-493.
  • [38]
    L’intérêt porté par l’école lansonienne à Saint-Évremond se traduira principalement par deux ouvrages : Walter Melville Daniels, Saint-Évremond en Angleterre, Versailles, Louis Luce, 1907 ; et Gustave Cohen, Le séjour de Saint-Évremond en Hollande et l’entrée de Spinoza dans la pensées française, Paris, Champion, 1926.
  • [39]
    C. Hippeau, Œuvres choisies de Saint-Évremond, op. cit., p. viii.
  • [40]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Saint-Évremond et Ninon », art. cit., p. 190.
  • [41]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 432.
  • [42]
    V. Fournel, La Littérature indépendante, op. cit., p. 373-374.
  • [43]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. clxii.
  • [44]
    Ibidem, p. ix.
  • [45]
    G. Merlet, Saint-Évremond, op. cit., p. 2-3.
  • [46]
    Voir sur cette question Delphine Antoine-Mahut et Stéphane Zékian (dir.), Les Âges classiques du xixsiècle, Paris, Éditions des Archives contemporaines, 2018.
  • [47]
    A. Vinet, Moralistes des seizième et dix-septième siècles, op. cit., p. 285. Vinet s’appuie dans cette page principalement sur la partie consacrée à Pétrone du Jugement sur Sénèque, Plutarque et Pétrone.
  • [48]
    J. Denis, Le xviiie siècle dans le xviie siècle, op. cit., p. 15.
  • [49]
    Respectivement J. Macé, « Saint-Évremond », art. cit., p. 274 et L. Curnier, Saint-Évremond, op. cit., p. 49 et p. 45.
  • [50]
    Ibidem, p. 47.
  • [51]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. clxiii et L. Curnier, op. cit., p. 177. Il s’agit du texte édité par Giraud sous le titre « Portrait de Saint-Évremond, fait par lui-même », t. 2, p. 511.
  • [52]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 442.
  • [53]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., dédicace (n. p.).
  • [54]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 427.
  • [55]
    L. Curnier, Saint-Évremond, op. cit., p. 71.
  • [56]
    Respectivement D.-L. Gilbert, Étude sur Saint-Évremond, op. cit., p. 32 et Ch.-A. Gidel, Œuvres choisies de Saint-Évremond, op. cit., p. 68.
  • [57]
    A. Bourgoin, Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 92.
  • [58]
    J. Macé, « Saint-Évremond », art. cit., p. 261.
  • [59]
    A. Desjardins, Les Moralistes français du seizième siècle, Paris, Didier, 1870, p. 4.
  • [60]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 426.
  • [61]
    Ibidem, p. 457.
  • [62]
    Ch.-A. Gidel, Œuvres choisies de Saint-Évremond, op. cit., p. 69-70
  • [63]
    A. Bourgoin, Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 86.
  • [64]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. viii-ix.
  • [65]
    Voir, par exemple, la formule de Sainte-Beuve : « l’enseignement proprement dit a peu à faire avec lui, il est l’homme de la conversation à huis clos et des apartés pleins d’agréments » (« Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 427-428).
  • [66]
    Voir les deux parallèles : « Mais il y a dans Saint-Évremond une honnêteté naturelle, un mouvement de cœur qu’on ne rencontre pas dans la Rochefoucauld. Celui‑ci a jugé les hommes d’après leur mérite, Saint-Évremond d’après son indulgence. La Rochefoucauld démêle mieux peut-être le secret des misères humaines ; Saint-Évremond préfère s’abandonner à la bienveillance qui les soulage » ; et « Vauvenargues semble affecter de ne pas connaître Saint-Évremond qui lui demeure supérieur. Le jeune et brave officier de la retraite de Prague n’a point la délicatesse aimante de Saint-Évremond ; une certaine sécheresse a passé sur son cœur. Cependant Vauvenargues a traité de l’amitié, de l’amour même. Il n’approche pas de la finesse et de la sensibilité de l’épicurien du dix-septième siècle » (Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., p. ccxlvi-ccxlvii).
  • [67]
    Ibidem, p. clxiv.
  • [68]
    Anne Martin-Fugier, « Le salon xviie siècle selon Sainte-Beuve », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques [En ligne], 28-29, 2002, mis en ligne le 22 novembre 2008, consulté le 21 février 2018. URL : http://journals.openedition.org/ccrh/1012.
  • [69]
    Respectivement « Madame de Caylus » (1850), Causeries du lundi, Paris, Garnier frères, t. 3, 1929, p. 62 et « Madame de Sévigné » (1829), repris dans Œuvres, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1951, t. 2, p. 997.
  • [70]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 446.
  • [71]
    Ch. Giraud, Œuvres mêlées de Saint-Évremond, op. cit., t. 1, p. CLVII.
  • [72]
    G. Merlet, Saint-Évremond, op. cit., p. 113.
  • [73]
    V. de Langsdorff, Saint-Évremond, op. cit., p. 8.
  • [74]
    Ch.-A. Sainte-Beuve, « Œuvres mêlées de Saint-Évremond […] », art. cit., p. 456. A. Bourgoin perçoit ce jeu de miroir lorsqu’il écrit que Sainte-Beuve, « parlant de Saint-Évremond, semblait quelquefois avoir en vue Sainte-Beuve » (Les Maîtres de la critique, op. cit., p. 69). Voir aussi les analogies entre l’écrivain et le critique chez V. Fournel, La Littérature indépendante, op. cit., p. 374 et chez L. Curnier, Saint-Évremond, op. cit., p. 149. 

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