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Article de revue

Poètes et musiciens. Stratégies d’anonymat et de dévoilement dans les poésies en musique du Mercure galant

Pages 115 à 132

Notes

  • [1]
    Je remercie l’équipe du programme Mercure galant IReMus-OBVIL, grâce à laquelle j’ai pu élaborer cette analyse systématique, ainsi que Delphine Denis et ses doctorants pour les échanges préliminaires à la rédaction de cet article.
  • [2]
    Voir à ce sujet l’article d’Alexandre de Craim, pp. 57-60.
  • [3]
    Voir Marion Brétéché, Les Compagnons de Mercure. Journalisme et politique dans l’Europe de Louis XIV, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015.
  • [4]
    Sur la notion de bel esprit, voir l’article d’Elsa Véret-Basty, p. 98, note 6.
  • [5]
    L’édition des airs en musique et leur indexation sont en cours de publication dans http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/mercure-galant/.
  • [6]
    Voir aussi l’article d’Elsa Véret-Basty, p. 103.
  • [7]
    Sur ce sujet voir not. L’anonymat de l’œuvre (xvi e-xviii e siècles), éd. Bérangère Parmentier, Littératures classiques, n° 80 (2013/1).
  • [8]
    Les poésies et les musiques attribuées ou désattribuées correspondent au travail d’identification mené dans le cadre de l’édition numérique (http://obvil.paris-sorbonne.fr/projets/mercure-galant)
  • [9]
    Mercure galant, octobre 1680, pp. 333-335.
  • [10]
    Attribué par Jean Duron (L’Œuvre de Sébastien de Brossard (1655-1730). Catalogue thématique, Versailles, CMBV/Klincksieck, 1996) qui cite les propos du compositeur consignés dans le manuscrit BnF, ms. lat. n.a. 520, f. 114.
  • [11]
    Le Solitaire de Pontoise publia un air amoureux adressé à Uranie : « Amour, cruel Amour, laisse-moy vivre en paix, » : « Les Paroles de la Chanson que vous allez voir, sont du Solitaire de Pontoise, & l’Air, de Mr de Montigny du Havre. » (juillet 1678, pp. 34-35). Un « Solitaire de Laumône près Pontoise » apparaît également en juin 1690, p. 332, un Solitaire du bois du Val-Dieu en janvier 1710 (pp. 299-300) auteur de « Fiers Aquilons, quittez nos Plaines », louange chantant le retour de Philis : « Je crois pouvoir placer une Chanson aprés l’Eloge d’un homme qui en a fait de si belles [Thomas Corneille] ; elle est du Solitaire du Bois du Val-Dieu ». Ce Solitaire du bois du Val-Dieu a envoyé une énigme au Mercure galant, publiée en novembre 1709. Il existe au moins deux abbayes cisterciennes du Val-Dieu (dans le Perche et dans la province de Liège), mais rien ne permet d’y associer cet auteur.
  • [12]
    Je remercie Elsa Véret-Basty et Adrien Viallet pour leurs indications.
  • [13]
    Son air avait par ailleurs déjà été édité (avec une autre musique, d’un certain Prunier le fils) en 1711 : « Le changement Iris vous est si doux » (pp. 248-249). Ce poème a eu un certain succès, si l’on en juge par sa réédition, avec une musique de Prunier le fils (Recueil d’airs sérieux et à boire, janvier 1711), puis de la Feronnerie et Guinard (Recueil d’airs sérieux et à boire, février 1719 et avril 1720).
  • [14]
    Je remercie J.-M. Civardi pour ces indications.
  • [15]
    Mercure galant, mars 1678, pp. 43-44. Ce B.D.B. pourrait être Bertrand de Bacilly.
  • [16]
    Mercure galant, septembre 1680, pp. 340-341.
  • [17]
    Mercure galant, novembre 1680, pp. 45-47.
  • [18]
    Mercure galant, septembre 1678, pp. 170-171.
  • [19]
    Ibidem, pp. 226-227.
  • [20]
    Mercure galant, mars 1704, pp. 181-182.
  • [21]
    Mercure galant, mars 1704, pp. 358-359.
  • [22]
    Mercure galant, juillet 1704, pp. 98-99.
  • [23]
    Mercure galant, juillet 1705, pp. 109-111.
  • [24]
    Ce procédé est également utilisé dans les mercures hollandais, où l’on observe des renvois précis aux tomes précédents. Cf. Marion Brétéché, « Entre actualité et histoire : le pari des mercures historiques et politiques (1686-1730) », Matière et esprit du journal. Du Mercure galant à Twitter, A. Lévrier et A. Wrona (éds), Paris, PUPS, 2013, p. 56.
  • [25]
    Air à boire « Sommeil, quand nous vidons les Pots », Extraordinaire de juillet 1679, p. 278.
  • [26]
    Air sérieux « Vous demandez des vers », Mercure galant, octobre 1679, pp. 98-100.
  • [27]
    Air sérieux « Vous avez des attraits vous avez des appas », ibidem, pp. 321-322.
  • [28]
    Air sérieux « Je suis prêt de revoir les beaux yeux de Sylvie », Mercure galant, novembre 1679, pp. 40-41.
  • [29]
    Air à boire « Premier objet de ma tendresse », Mercure galant, novembre 1679, pp. 332-333.
  • [30]
    Air à boire « Pendant que vous donnez la chasse », Mercure galant, décembre 1679, pp. 82-84.
  • [31]
    Air sérieux « Reyne aussi belle que bonne », Mercure galant, janvier 1680, pp. 174-177.
  • [32]
    Mercure galant, octobre 1687, pp. 121-122.
  • [33]
    Mercure galant, juillet 1689, pp. 112-113.
  • [34]
    Mercure galant, juin 1706, pp. 190-192 : « Voici le printemps de retour ».
  • [35]
    Mercure galant, janvier 1716, pp. 244-245.
  • [36]
    Voir Sara Harvey, p. 91.
  • [37]
    Mercure galant, septembre 1678, pp. 170-171. Cf. note 18, p. 123.
  • [38]
    Mercure galant, mai 1720, pp. 138-140.
English version

1 La question de l’auctorialité dans le Mercure galant se pose avec insistance à tout lecteur du périodique, qui ne peut qu’être saisi par son hétérogénéité stylistique. Jean Donneau de Visé, créateur et directeur du Mercure jusqu’à sa mort en 1710, se qualifie systématiquement d’« auteur du Mercure ». Seul détenteur du privilège (contrairement à ses successeurs La Roque et Fuzelier, par exemple), Donneau n’opérait pourtant pas seul. Les débuts difficiles du périodique, de 1672 à 1674, l’avaient convaincu de l’impossibilité de mener seul à bien cette lourde tâche. La spécialisation requise par les airs en musique ou les traités scientifiques dépassait d’ailleurs les compétences du fondateur, qui avait très vite ouvert son périodique littéraire à une plus large actualité artistique, scientifique et politique. Dans la forme définitive qu’il acquit dès 1678, le Mercure galant cousait ensemble des textes de nombreux auteurs, que les rédacteurs reliaient entre eux par des transitions souvent artificielles.

2 La plupart de ces contributions furent écrites spécifiquement pour le Mercure, mais certains traités, de nombreuses lettres, relations et nouvelles, et des livrets d’œuvres dramatiques, circulaient déjà sous forme manuscrite ou imprimée – ne serait-ce que les larges extraits de la Gazette que Donneau reprit dans le Mercure[2]. Nombre d’entre eux furent repris et connurent une fortune notable : les airs, dont une part fut rééditée en particulier dans les Recueils d’airs de différents auteurs des Ballard, mais aussi les inédits de La Fontaine et les deux contes de Perrault dont le Mercure eut la primeur.

3 Les auteurs gravitant autour de la personnalité de Donneau de Visé formaient des cercles concentriques, au premier rang desquels ses associés, Thomas Corneille et le jeune et brillant Fontenelle. Un deuxième cercle était formé des contributeurs réguliers, gens de lettres et musiciens, tels Mlle Deshoulières, Catherine Bernard, Scudéry, et, pour la musique, Bertrand de Bacilly puis Sébastien de Brossard. Certains articles spécialisés et récurrents étaient en effet confiés à des spécialistes, même si leur rôle n’est évoqué que discrètement par le périodique. À ces rédacteurs majoritairement parisiens ou normands s’ajoutaient les nombreux informateurs, réguliers ou occasionnels, qui relayaient les nouvelles de province et de l’étranger. C’est ainsi que Jacques Chassebras de Cramailles envoya très régulièrement des relations détaillées et souvent personnelles sur les théâtres d’opéra de Venise, dans les années qui précédèrent sa nomination comme ambassadeur de France près la Sérénissime.

4 Énigmes et airs obéissent au dessein qu’avait toujours eu Donneau de Visé de ne pas « donner [son] sentiment particulier » mais de recueillir « les avis du public ». Bien que l’ouverture du Mercure à ses lecteurs et aux participations spontanées se soit considérablement réduite après que Donneau eut été pensionné, les airs et les énigmes ont durablement résisté à cette reprise en main opportuniste et se présentent, au fil des livraisons, comme des lieux d’échange entre lecteurs et des occasions de se faire publier. Il demeure souvent difficile de définir la part de spontanéité de ces contributions, dont certaines – et en particulier certaines musiques – relèvent manifestement de la commande en sous-main. Une lecture approfondie et suivie du périodique laisse cependant penser que l’immense majorité des contributions des « connoisseurs » relevait d’un geste spontané, par opposition au relais obligé de l’information auquel se soumettaient certaines personnalités éloignées de la cour et de Paris.

5 L’ouverture au lectorat trahit une ambivalence caractéristique du Mercure galant, qui appelle la diversité mais vise simultanément une unité de ton et, pourrait-on dire, de pensée, au sens où il est lourdement prescriptif. Les écrits sont en effet soumis à un double lissage. Le premier repose sur le véritable rouleau compresseur idéologique qui touche à la parole politique et à l’interprétation des événements, toutes fermement verrouillées. Cet unanimisme triomphant, violemment critiqué par les oppositions politiques (hollandaises en particulier), a privé le Mercure de substance. Le second filtre n’est autre que le prisme de la galanterie et l’homogénéité stylistique voulue par la lettre fictive, qui conduisent les rédacteurs, mais aussi les contributeurs, à un très probable nivellement des écrits et à la promotion d’un style galant – généralement un style moyen –, qui répondait à son tour à un dessein politique. En dépit de ses déclarations d’intention souvent contradictoires, le Mercure galant opérait un tri, en refusant par exemple les pseudonymes ou les textes trop ouvertement licencieux, directement critiques ou satiriques, ou les musiques de qualité insuffisante. Les rédacteurs édictaient ainsi une norme par défaut, sorte de moyenne dans laquelle les contributions devaient se situer, tout en assurant paradoxalement aux lecteurs qu’ils seraient publiés à coup sûr.

6 Suivant la nature de leur contribution, l’identité des auteurs peut être soulignée et vantée – l’excellence individuelle est à la fois un topos et une formule convenue d’enchaînement des articles – ou, au contraire, entièrement tue. Cette fréquente élision, qui atténue la diversité des voix auctoriales, s’accompagne d’un silence sur le travail de rédaction journalistique : on ne précise pas si les textes reçus sont retravaillés ou publiés en l’état. Quand il s’agit d’actualité, les rédacteurs se comportent comme si les articles de leurs informateurs étaient d’eux-mêmes, donnant ainsi l’illusion de livrer une information brute, exactement comme le faisaient, dans le même temps, les mercures hollandais [3]. Cette négation de la récriture est également en vigueur dans les airs, alors même qu’ils sont ouvertement présentés comme des envois, et que le rédacteur vante la pluralité des poètes et des compositeurs, allant jusqu’à suggérer l’existence d’une unité du royaume par la participation galante. Cette cartographie parfaite d’un royaume unanimement versé dans la composition ne résiste pas à l’examen, et la participation d’amateurs semble avoir été souvent encouragée par des relais et des réseaux provinciaux, particulièrement en Normandie. Les poésies à mettre en musique et les musiques notées étaient centralisées par les responsables éditoriaux, qui les sélectionnaient puis en préparaient l’édition. Ils constituent le prototype de la « tribune des lecteurs », participative, tout comme les énigmes, qui sollicitent non seulement des réponses des lecteurs, mais des réponses élaborées en vers, et des propositions de nouvelles énigmes pour publication. Prompts à mettre en avant le nombre et la diversité des lecteurs participant à ce jeu galant, les rédacteurs feignent d’avoir reçu poésies et musiques dans un état parfait… tout en signalant ailleurs qu’ils corrigent avec soin et ne livrent jamais que la meilleure version. Ici aussi, l’art de l’estompe et les ellipses galantes sont de mise, qui visaient à encourager les poètes amateurs et les beaux esprits [4], tout en maintenant un fort contrôle sur cette créativité qui participait du projet civilisateur du Mercure.

7 De janvier 1678, date de la première publication de musique notée, jusqu’en décembre 1721, le Mercure galant a publié quelque sept cent dix-sept airs en musique, à un rythme irrégulier. La vue d’ensemble qu’offre l’édition numérique intégrale [5] permet de dégager quelques caractères saillants de ce monumental corpus.

Graphique 1 : Évolution du nombre d’airs en musique publiés dans le Mercure galant.

8 Dans le genre-miniature qu’est l’air, la distinction entre poètes et compositeurs n’est pas toujours pertinente. La polyvalence des artistes est fréquente et bien souvent, une seule personne écrit paroles et musique. La frontière entre professionnels et amateurs n’est d’ailleurs pas toujours aisée à tracer [6]. Les airs relèvent en effet d’une production galante, à laquelle sont conviées toutes les personnes de goût ; on sait aussi que nul n’était besoin de savoir écrire la musique pour la composer, et que l’« auteur de la musique » se contentait bien souvent d’inventer la mélodie, charge à un musicien plus aguerri d’ajouter une basse continue et de coucher le tout sur le papier. L’exercice est explicitement considéré comme civilisateur et témoin de qualités unanimement prisées dans le petit monde social du Mercure galant : le sens de la prosodie, la disposition pour le chant, le sens métrique, et par-dessus tout, l’esprit et le bon goût ; de sorte que se côtoient des airs de poètes et de compositeurs de premier rang, parfois célèbres, et une production florissante envoyée par les lecteurs.

9 La forte représentation des femmes, poétesses et, dans une moindre mesure, compositrices, mérite d’être soulignée. Si elles demeurent moins nombreuses que leurs homologues masculins, le Mercure galant s’impose pourtant comme un lieu d’expression de la créativité féminine, au regard du monde de l’édition littéraire et musicale qui, hormis la fiction littéraire et la poésie, demeure à cette génération très nettement l’apanage des hommes.

10 Ce type d’analyse demeure cependant soumis à conjectures, dans la mesure où la majorité des airs sont publiés sans nom d’auteur. L’anonymat auctorial était fréquent au xvii esiècle [7] ; ce qui intéresse ici n’est donc pas le fait en soi, mais les stratégies éditoriales qu’il sert et l’instrumentalisation dont il est l’objet. Dans le périodique de Donneau de Visé, cette pratique n’est d’ailleurs pas spécifique aux airs et aux énigmes, puisque plus de la moitié des lettres et des histoires galantes publiées dans le Mercure galant sont elles aussi publiées sous couvert d’anonymat. Le phénomène atteint cependant des records dans les énigmes et la poésie chantée puisque 557 des 717 airs sont publiés sans nom d’auteur, 431 sans nom de compositeur – soit plus de trois poèmes sur quatre et près de deux musiques sur trois (voir graphiques 2 et 3).

11 La proportion d’airs anonymes varie considérablement au cours du temps, sans que la cause de ces variations apparaisse clairement. Dès 1678 par exemple, la majorité des musiques apparaît sans le nom du compositeur ; en 1683, ce sont plutôt les poèmes qui sont dépourvus de signature. Cet usage, ses fluctuations et les importantes disparités entre musique et vers, conduisent à s’interroger sur le statut de cet anonymat. La circulation de la musique était à cette époque plus volatile encore que celle de la poésie, et l’on peut imaginer les directeurs du Mercure galant sincèrement ignorants de la paternité des œuvres qu’ils publiaient. Dans de rares cas, cette méconnaissance est assumée. Ainsi, en octobre 1681 (pp. 125-126), lit-on « Je vous envoye un Air dont on croit que les Paroles ont esté faites par Mr de Monbron Conseiller au Parlement de Toulouse. Le fameux Mr de Bassilly les a notées ».

Proportion des poésies chantées publiées sans nom d’auteur [8].
Graphique 3 : Proportion des musiques publiées sans nom d’auteur.

12 Certains airs sont doublement anonymes et, à de rares exceptions près, lorsque le Mercure galant ne cite pas le compositeur, il ne cite pas non plus l’auteur des paroles. L’inverse est rarissime : lorsque le Mercure attribue la « chanson », il livre aussi le nom de celle ou de celui qui l’a « mise en air ».

13 Le camouflage relevait d’une stratégie éditoriale, qui tendait d’ailleurs à sur- valoriser la figure de l’auteur, dans un répertoire pourtant assez souvent stéréotypé et au sein duquel les pratiques de création collective étaient monnaie courante. Dans la majorité des cas, on a en effet toute raison de penser que les rédacteurs connaissaient l’identité des auteurs. Au cours des premières années en effet, le Mercure galant se targua de ne publier que des inédits, ce qui conférait une valeur supplémentaire aux vers et à leur musique, ainsi distingués des nombreux airs contemporains qui couraient le monde avant d’être imprimés. Or un grand nombre des airs inédits du Mercure galant ont été aussitôt republiés dans les Livres d’airs de différents auteurs des Ballard, qui mentionnent systématiquement le nom des auteurs : preuve que ces airs ne circulaient pas sous une forme anonyme, et que leur paternité avait été voilée, sans doute à dessein, par le Mercure galant.

14 Le motif le plus apparent de voilement délibéré du nom tient à l’auto-publication. Les rédacteurs du périodique ont tenu une ligne pour le moins hésitante au sujet de leurs propres publications et de celles de leurs collaborateurs directs, hésitant entre la publicité, dont bénéficia en particulier Fontenelle, ou même l’auto-publicité, et une extrême discrétion. Ainsi, les comptes rendus des représentations des pièces de Donneau de Visé furent-ils publiés dans le Mercure sans que soit mentionné le nom de l’auteur de la pièce. En octobre 1680, le rédacteur tait le nom du poète, vraisemblablement Donneau lui-même :

15

Voicy le Bavolet de Mr Charpentier, que vous avez tant d’envie de voir noté, & que la Troupe de Guenegaud adjoûta dés l’année derniere à la galante Piece de l’Inconnu. Comme on en doit donner quelques Représentations incontinent apres la Toussaints, ceux de vostre Province qui s’y trouveront, pourront vous dire combien cette agreable Chanson est aimée [9].

16 L’irrégularité avec laquelle Bertrand de Bacilly, longtemps en charge de la publication de musique dans le Mercure, publia ses propres airs, laisse à penser que l’auto-publication avait pour fonction première de pallier le manque de contributions de qualité. La discrétion entourant cette pratique pourrait refléter le souhait de ne pas décourager les amateurs et de conserver la réputation d’une tribune ouverte aux lecteurs.

17 La pratique de l’anonymat dépasse toutefois la question de l’auto-publication ; le phénomène est même si répandu qu’il permet d’esquisser une typologie des motivations du voilement du nom.

18 La majorité des compositions non attribuées sont publiées sans aucune référence aux auteurs et cette tendance s’accentue au fil du temps. Au cours des premières décennies prévalaient deux formes de voilement du nom des poètes et des compositeurs : d’une part, le pseudonyme, le caviardage ou l’usage des initiales ; d’autre part, un camouflage que l’on pourrait qualifier de rédactionnel, délibéré, revendiqué comme tel et assorti d’indices.

19 Le pseudonyme relève d’un jeu galant extraordinairement développé dans le Mercure galant, qui rassemble des noms galants souvent stéréotypés, comme « l’Endymion de la jeune Diane » ou « le berger secret », ainsi que des noms carnavalesques et burlesques. Donneau de Visé ne manqua pas de commenter les pseudonymes choisis par les lecteurs qui écrivaient au périodique. Il en qualifia certains de « bizarres », et en refusa d’autres, comme il le déclara en 1690 : « on laisse beaucoup de noms de deviseurs », au motif qu’ils étaient trop satiriques ou peu conformes au ton du Mercure.

20 Pseudonymes et initiales ne sont pas également pratiqués par les poètes et les musiciens. Les poètes usaient parfois de pseudonymes, tandis que l’on ne relève qu’un seul cas de pseudonymie chez un musicien, en l’occurrence Sébastien de Brossard, qui, dans une note autographe en marge d’une copie de l’air qu’il envoya au Mercure galant, a précisé

21

Air notté et paroles de Mr. Robsard de Fontaines. C’est le nom de Brossard retourné et déguisé. J’étois alors avec une charmante compagnie a Fontaines aux Roses près de Paris ou cette bagatelle m’échappa et fut envoyée au Mercure sous ce déguisement. J’avois mes raisons pour en user alors ainsi [10].

22 Le pseudonyme associe ici l’anagramme du patronyme et l’allusion toponymique, très fréquente dans les pseudonymes galants. On trouve en effet, parmi les poètes, des solitaires [11], une « Ombre des Tuileries » ou encore le très galant « Amoureux oisif des bords de la Marne ». Le solitaire n’est pas un ermite, mais un type de personnage galant, qui apparaît volontiers dans les histoires publiées par le périodique, avant de devenir un pseudonyme répandu parmi les Parisiens et les Parisiennes participant au jeu des énigmes [12].

23 L’amoureux oisif des bords de la Marne, en revanche, semble un pseudonyme obscur, mais ne masque aucune identité, puisque le Mercure galant promeut ce pseudonyme et dévoile dans le même article l’identité de celui qui le porte. En novembre 1715 (pp. 90-93), on lit en effet : « On ajoûte à cette Histoire que la veille de leur hymen, nos deux Amants se chanterent la Chanson suivante, dont les paroles & l’air sont de la composition de l’amoureux oïsif des bords de la Marne : “Tircis enchanté des beaux yeux / De sa Climene qu’il adore” ». La partition porte quant à elle le nom de Dubreuil de Vignancourt, compositeur déjà publié dans le Mercure l’année précédente (en septembre 1714) sous son nom réel [13]. Le pseudonyme ne voile donc rien, mais relève plutôt de la revendication, ou de l’affirmation, de l’identité galante d’un auteur.

24 Le cas de Tamiriste est le dernier sur lequel je m’arrêterai. Le nom en soi n’évoque rien, ni Thamyris, l’aède thrace réputé avoir inventé le mode dorien, ou Thamyris, reine des Massagètes, chez Tibulle et Valère-Maxime [14]. Le poète, vraisemblablement amateur, se laisse approcher et identifier sous ce nom masqué et confirme l’existence d’un lectorat commun aux énigmes et aux poésies à mettre en musique. Longtemps avant de figurer comme auteur de vers chantés, il s’est en effet distingué par ses participations répétées au jeu des énigmes, et s’y est illustré par son exceptionnelle longévité : mars 1679 (« Tamiriste de la ruë de la Cerisaye »), juin, juillet, octobre 1690, janvier 1691, janvier 1702 (« Tamiriste et sa famille »), juin 1705 (« Le cœur bannal : Tamiriste »), novembre 1705, février, mai, juin, juillet 1707. Quatre de ses poésies à mettre en air ont été publiées en 1701 et 1702 : en juin puis en décembre 1701 (« […] celuy qui ne se fait conoistre que sous le nom de Tamiriste »), en avril 1702 (« Les paroles sont de Tamiriste »), en septembre (« celuy qui vous est connu sous le nom de Tamiriste »), et en novembre 1702 (« Les paroles sont de celuy qui jusqu’à present ne s’est fait connoistre que sous le nom de Tamiriste »). Ce même mois, le Mercure publia une églogue de sa plume, « Suite du Triomphe de la belle Atalante par Tamiriste », reprise, en avril suivant, sous forme de fragment mis en musique.

25 La formule désignant le poète indique que le pseudonyme a pour fonction de masquer l’identité de Tamiriste, dont les vers sont mis en musique par Mlle Bataille et par Desfontaines. L’hypothèse d’une collaboration avec ces musiciens ne suffit pas à élucider le mystère de son identité, non plus que le style varié de ses airs (air à boire, printemps). Rien ne prouve d’ailleurs qu’il y ait eu un seul Tamiriste, le nom voilé pouvant parfaitement être partagé, et son identité, faire l’objet d’un jeu collectif.

26 Rare chez les poètes, le pseudonyme n’est pas utilisé par les musiciens publiés dans le Mercure galant, chez qui l’on trouve en revanche des initiales : Mr de L. M. ; Mlle d’O. ; Mr D. L. B. ; Mr D. L. C. ; Mr D. L. T. ; M. de La Txxxxx. Si la mise en page des feuilles de musique peut parfois expliquer cette réduction de la signature, l’usage de telles initiales au sein des articles eux-mêmes confirme qu’il s’agit bien encore ici d’un voilement délibéré d’identité. Ainsi dans le compte rendu de la comédie à intermèdes Le Bon Mari : « On a aussi representé ce Carnaval une Comédie intitulée le Bon Mary, chez une Personne de qualité. Il y avoit des Entr’Actes de Musique. Les Paroles estoient de Mr de Vaumoriere, & les Airs de Mr B.D.B. dont le merveilleux génie est connu pour la Musique [15]. »

27 Mlle d’O était manifestement connue des rédacteurs du Mercure galant, qui se refusèrent pourtant à dévoiler son identité, entretenant un certain suspens.

28

Elle est du Quartier S. Paul, dont elle fait l’un des plus beaux ornemens, & tres-digne Fille d’une Mere qui ayant esté dans son Printemps la plus aimable du monde, conserve en son Été tous les agrémens que peuvent avoir celles de son âge [16].

Les agreables Parties ne se peuvent faire sans le beau Sexe. Ainsi on ne doit pas s’étonner si l’éloignement des Belles bannit le plaisir des Lieux qu’elles ont quitez. Voyez les plaintes qu’en fait la Chanson qui suit. C’est la seconde que je vous envoye, notée par Mademoiselle d’O. La premiere que vous vistes d’elle il y a deux ou trois mois, vous a déjà fait connoistre le rare génie qu’elle a pour la Musique [17].

29 Le semi-anonymat induit par les initiales paraît donc tout aussi délibéré que l’usage du pseudonyme. Deux ans avant de publier Mlle d’O, le Mercure prétendit avoir reçu un air de Saintonge, et n’avoir su l’identité de son auteur, Mr de L. M., que dans un second temps ; mais il ne la livre pas pour autant à ses lecteurs, auxquels il révèle que le masque des initiales servait à la fois la discrétion de l’auteur et un jeu galant auprès d’une interprète :

30

Heureux qui pourroit se servir de ces leçons ! On se mettroit à couvert de bien des chagrins, & particulierement de ceux que cause le changement qui est presque toûjours inévitable en amour. Nous n’avons rien à reprocher là-dessus à vostre Sexe, si on s’en rapporte à ces Vers que j’ay reçeus de Puyperlan en Xaintonge. Ils m’ont esté envoyez avec la Note, au nom d’une tres-spirituelle Communauté. C’est le moindre éloge que je luy puisse donner sur la Lettre dont ils estoient accompagnez [18].
J’ay toûjours oublié à vous dire que l’Air de ma Lettre du Mois de Juin, dont les Paroles commencent par ce Vers, Quand sur nos charmans rivages, &c. estoit de la façon de Mr de L. M. Il avoit crû ne se pouvoir mieux cacher qu’en me le faisant tomber entre les mains comme venant de Puyperlan en Xaintonge. A dire vray, j’en avois esté la dupe, mais il n’a pû tenir contre les loüanges que luy a données une belle Personne qui le chantoit sans sçavoir qu’il fust de luy. Il s’est déclaré, & comme elle aime fort la Musique, cela n’a pas nuy à le mettre bien aupres d’elle [19].

31 Le voilement du nom est ici manifestement sollicité par l’auteur, et relayé par le périodique. Toutefois, le camouflage est presque toujours le fait du Mercure, qui laisse entendre que l’auteur lui est connu, et qui livre aux lecteurs des clefs de déchiffrement.

32 La plus simple consiste à établir des liens entre les différentes livraisons du Mercure par le biais de renvois, ou à s’appuyer sur la collaboration suivie entre artistes. Le poète peut alors être progressivement identifié par son association avec un musicien, et vice versa. Ainsi de la collaboration entre Choisel et le musicien Maiz (ou Metz). En février, puis, à deux reprises, en mars 1704, le Mercure galant publie des airs spirituels sans indiquer qui est l’auteur des paroles, mais précise que la musique est de M. de Metz : en marge de l’air « Grand Dieu qui protegez les Rois », on lit « Je vous envoye un Air qui a esté fait par Mr de Maiz, de la Fleche en Anjou [20] » ; à la fin du volume, l’air « Seigneur de qui la terre adore la puissance, » est introduit par les paroles suivantes : « L’Air qui suit est de Mr Maiz, de la Fleche en Anjou [21] ». En juillet est publié un troisième air spirituel, « Grand Dieu, dont les faveurs envers nous font [sic] extrêmes, » assorti cette fois d’une allusion au succès du poète : « Je vous envoye encore un Air de la composition de Mr de Metz de la Flêche en Anjou. Les paroles sont à la gloire du Roy, ainsi que celles des Airs precedens du même Auteur, dont on a esté tres satisfait [22]. » Un quatrième air fut publié en août 1704, sans aucune indication, et ce n’est qu’en juillet de l’année suivante que le Mercure galant nomme enfin M. de Choisel comme étant l’auteur des paroles des airs de M. de Maiz :

33

Les paroles suivantes sont de Mr de Choisel & regardent le Roy. Je vous en ay donné un si grand nombre de cet Auteur, qu’il semble qu’il ne travaille que pour Sa Majesté. Mr de Mez a fait les Airs de toutes ces paroles ; ils sont tous deux de la Fléche en Anjou [23].

34 L’identification de Choisel était d’autant plus malaisée pour les lecteurs que dans le même temps, soit de février 1704 à mars 1707, furent publiés dix airs du musicien Maiz, vraisemblablement sur des vers qu’il avait écrits lui-même.

35 Ces indices endogènes ont une fonction de fidélisation du lectorat qui n’a rien de spécifique au Mercure galant, et qui permet aux lecteurs réguliers d’avoir accès à des éléments que les autres n’auront pas, opérant ainsi une discrimination. À cet encouragement à la lecture régulière du périodique s’ajoute une forme de retrait du rédacteur, qui laisse à ses lecteurs le soin d’attribuer les œuvres, valorisant ainsi indirectement les réseaux de communication littéraire, réels ou supposés, auxquels appartenaient ses lecteurs et au sein desquels se pratiquait volontiers l’attributionnisme.

36 Très rapidement, le Mercure galant y associe des indices exogènes, appartenant à une culture supposée partagée, qu’elle soit générale ou spécialisée, et que les rédacteurs semblent attendre de leurs lecteurs. Le « degré zéro » de la référence culturelle est la très banale insistance sur le talent ou la notoriété de l’auteur, qui associe la flatterie à l’endroit des artistes à une information minimale : « un des plus grands Maistres que nous ayons en Musique » désigne un temps Michel Lambert, maître incontesté de l’air sérieux, mais les « habiles maîtres » sont légion, et cette qualité n’est pas suffisamment distinctive pour suffire à leur identification. Le rédacteur ajoute alors le plus souvent des détails biographiques. En mars 1688 (pp. 166-168), on lit en marge de l’air « Si l’absence pouvoit guerir »,

37

L’Air nouveau dont vous allez lire les paroles, est d’un fort habile Maistre, non seulement pour la Musique, mais pour la maniere de chanter, qu’il a apprise de l’illustre Mr de Bacilly l’espace de quatre années qu’il a demeuré chez luy. On peut dire qu’un pareil Disciple est digne d’un tel Maistre, qui a composé tant de beaux Airs, & qui a une si parfaite connoissance de la Poësie des chansons, qu’il a remarqué une faute dans une de celles du dernier mois. Vous la corrigerez, s’il vous plaist, & au lieu de ces mots, Je ne vois dans mes fers, vous mettrez, Je n’avois dans mes fers.

38 Cette citation, qui prouve au passage que le texte était composé après les gravures de musique, doit être rapproché d’un article du mois précédent, qui donne d’autres détails sur cet élève de Bacilly. Les éléments biographiques livrés par le périodique – connaissance de la musique et apprentissage de l’art du chant auprès de Bacilly durant quatre années – reprennent ceux d’un article de février 1688. Ils sont suffisamment précis pour qu’on puisse attribuer cet air au même compositeur, Nicolas Montailly.

39 Voilement et dévoilement bâtissent ainsi un procédé d’historicisation de la lecture [24] qui s’appuie sur une certaine conception du lectorat, que ce jeu contribue à modeler : tout d’abord parce qu’il participe d’une stratégie de fidélisation, mais aussi parce que ce jeu prête aux lecteurs une certaine culture. Comme les énigmes, cette sollicitation joue à la fois sur le plaisir du déchiffrement et la satisfaction d’appartenir au cénacle des déchiffreurs.

40 Ces indices intrinsèques, qui créent des liens entre les numéros du Mercure, sont particulièrement fréquents dans le corpus des airs. L’auteur est parfois cité au début d’une série, puis son nom est remplacé par la mention « du même auteur ». L’historicisation de la lecture s’appuie à la fois sur ces renvois entre publications successives, et sur une référence musicale stylistique, que la lecture suivie du Mercure suffira à éclaircir. Entre juin 1679 et janvier 1680, le Mercure galant publia sept airs de Bacilly, assortis de commentaires qui permettent, dans le meilleur des cas, d’identifier le musicien :

41

Voicy un Air à boire, dont l’Autheur est facile à deviner par le grand nombre de ceux qu’il a faits de cette maniere. Je veux dire des Recits de Basse. [...] Le temps des Vendanges a donné lieu aux Paroles que je vous envoye, avec les Notes gravées de cet excellent Autheur [25].
Apres l’Air à boire que je vous ay envoyé dans l’Extraordinaire du 15. de ce Mois, il faut vous en faire voir un sérieux du mesme Autheur, c’est à dire, d’un des plus habiles Hommes que nous ayons pour la beauté & pour la méthode du Chant. Les Paroles qui suivent luy ont esté envoyées avec une Lettre fort obligeante, par une Personne de la premiere qualité, & d’un mérite aussi élevé que la naissance. C’est par son ordre qu’il les a notées [26].
Voicy un second Air nouveau, dont j’ay fait graver les Notes pour vous. Il est du mesme Autheur que le premier, & fait à la priere de la mesme Dame qui en a aussi donné les Paroles [27].
Cet Air est du mesme Autheur qui a fait ceux de la Lettre du dernier Mois [28].
Ce Recit de Basse, avec sa Contrepartie, est du mesme Autheur dont je vous ay parlé dans ma derniere Lettre & dans celle-cy [29].
Cet Air ne peut estre que tres-beau, puis qu’il est du mesme Autheur qui a fait ceux que je vous ay envoyez depuis trois mois. Les Paroles mesme sont de luy, comme le sont presque toutes celles que vous avez veuës dans les Airs gravez qu’il a donnez au Public. Il n’y a point de Basse au dessous du sujet de cet Air, comme on a de coûtume d’y en trouver, parce que l’Autheur a jugé à propos de mettre à la fin une espece de Basse chantante, qui pourtant ne fait aucun accord avec le Dessus, & qui est seulement faite pour une plus grande varieté de Chant. C’est encor une invention nouvelle, qui sans doute ne plaira pas moins que les Récits de Basse ordinaires, dont il est l’Original, & que vous avez vûs de luy en tres-grand nombre, tous fort agreables selon le sujet [30].
Je vous envoye un Air de l’illustre Autheur, dont vous en avez trouvé dans toutes mes Lettres depuis quelques Mois. Il a fait le Chant & les Paroles […] [31].

42 Ces sept airs publiés entre octobre 1679 et janvier 1680 renvoient les uns aux autres, réservant aux lecteurs fidèles le dévoilement de l’identité du compositeur ; mais le nom du musicien n’apparaît jamais. Son identification requiert des éléments de culture extrinsèque : savoir qui est l’inventeur des récits de basse. Ce petit élément de vernis de culture musicale, ici nécessaire, est généralement superflu, au sens où le rédacteur feint le plus souvent de soumettre le dévoilement à un élément de culture courtisane ou urbaine (notoriété des personnes, actualité, etc.) mais donne simultanément les moyens au lecteur de l’identifier, par de simples renvois internes, qui n’échapperont pas au bon sens le plus ignorant.

43 Une lecture superficielle pourrait donc laisser penser que cette connaissance, qui témoigne d’une certaine culture que le rédacteur suppose partagée, l’est effectivement, puisqu’elle paraît nécessaire à l’identification. Si l’on poursuit l’analyse des textes introductifs aux airs de Bacilly, alors en charge de la publication de musique, on constate l’association entre une forme de connivence et la publication de ce type d’informations factuelles. En octobre 1687, le Mercure fait référence à Bacilly dont il publie l’air « Le plaisir de vous voir est un plaisir extrême », tout en annonçant qu’il assure la responsabilité des publications d’airs (alors qu’il est publié depuis 1679) et en évoquant l’art de la diminution, pratique effectivement rarissime dans le Mercure galant :

44

Je vous envoye une Chanson à deux couplets. Mr Malo a fait les paroles du premier, & celuy qui les a mises en air, a fait celles du second, ausquelles il a joint la diminution, ce que vous n’avez point encore veu dans aucun des Airs nouveaux que je vous ay envoyez. Il vous est aisé de voir par là que je vous parle de cet illustre Maistre en Musique dont le Public a veu tant de beaux Ouvrages, & qui veut bien prendre soin à l’avenir de me fournir tous les mois des Airs, ou de sa composition, ou de celle des plus habiles Musiciens que nous ayons [32].

Figure 1 : Mercure galant, octobre 1687, air inséré entre les p. 122 et 123, Paris, Bibliothèque nationale de France, 8-Lc2-33.

45 Deux ans plus tard, l’information concernant Bacilly est plus superficielle encore, puisqu’il s’agit simplement d’indiquer qu’il écrit les paroles de ses airs : « Voicy un Air nouveau d’un Maistre celebre, qui fait ordinairement toutes les paroles des Airs de sa composition, en quoy l’on peut dire qu’il est l’unique parmy ceux qui font des Ouvrages de Musique [33]. »

46 Ce mélange de renvois internes et de références extérieures perdure à la génération suivante. En juin 1706 (pp. 190-192), le Mercure galant publia un printemps [34] en précisant qu’il était de l’auteur d’un traité intitulé La Musique naturelle, avec ses airs et figures en taille douce. Il s’agit du traité d’Étienne Durand, avocat au parlement de Paris, paru chez Rebuffe en 1700 et « vendu chez Moëtte libraire » :

47

Cet air & ces paroles sont de Mr D... Avocat de la Cours, suivant une nouvelle Musique dont je vous donnai le systême il y a quelques années. Je vous envoye l’une & l’autre Musique. Vous ayant déja parlé des principes de ce nouveau systême, je ne vous en diray pas davantage ; vous sçavez qu’il est déja devenu public. Il se trouve chez le Sieur Moëtte Libraire, ruë de la vieille Bouclerie, à l’Etoile, dans un Livre qu’il vend, intitulé, La Musique naturelle, avec ses airs & figures en taille douce.

Figure 2 : Mercure galant, juin 1706, air inséré entre les p. 190 et 191, Paris, Bibliothèque nationale de France, 8-Lc2-33.

48 Si le lecteur d’alors, comme le critique d’aujourd’hui, pouvaient ignorer l’existence de ce traité et le nom de son auteur, le Mercure ne dévoila le nom de Durand que des années plus tard. En mai 1709 (pp. 288-293), le périodique publia un printemps, « Que ne devons-nous pas au retour du Printemps ? », assorti d’un long commentaire faisant allusion à cette méthode de notation et à son inventeur.

49

Je vous ay parlé dans quelques unes de mes Lettres, d’une Musique à laquelle on donne le nom de Naturelle, & je vous en ay envoyé le Systeme. L’Air dont vous venez de lire les paroles a esté fait sur cette nouvelle maniere de composer. […] L’Air & les paroles sont de Mr Durand Avocat au Parlement. L’application qu’il a pour d’autres ouvrages qui regardent les Sciences, principalement celles de sa Profession (dont il a donné quelques essais au Public sous le titre d’Introduction au Barreau) ne l’empêche pas de Faire de temps en temps quelque revûë sur cette nouvelle Musique ; dont il a donné le Systême dés le commencement de ce siecle.

50 La culture superficielle requise comme outil de dévoilement des artistes amateurs ne se limite pas au domaine musical et poétique. Ce jeu permis par la périodicité de la publication s’étend à des connaissances scientifiques, ou plutôt – la nuance est de taille – à l’information relative à la culture scientifique. C’est ce que confirment les allusions au traité des lunettes de Comiers, dont la publication fut amplement relayée par le Mercure, ou encore, à la Sphère historique d’Antoine Lartigaut :

51

L’Auteur de cet air nuptial, & des trois petits quatrains ne fait profession ni de Musique, ni de Poesie. Il s’occupe à des Ouvrages plus importants & plus serieux. Celui qui a pour titre, Sphere Historique, que je vous ay annoncé dans ce volume, est de sa façon [35].

52 Contrairement à la description relativement précise du système de notation musicale mis au point par Durand, la référence à la Sphère historique se limite à une stricte information : le lecteur apprend l’existence du traité, son titre, et découvrira bientôt, grâce à sa lecture assidue du périodique, l’identité de son auteur. Il ne s’agit donc pas ici de délivrer des connaissances scientifiques mais bien plutôt d’alimenter des pratiques voisines de ce que l’on qualifierait aujourd’hui de name dropping.

53 Le Mercure galant n’en appelle pas réellement à la culture scientifique de ses lecteurs. Il suscite simplement le désir de se renseigner pour trouver la réponse ; et ce jeu devient à son tour prétexte à élargir sa culture personnelle. La présence, par ailleurs, de longs articles relatifs à la culture scientifique confirme bien entendu une conception ouverte de la culture galante promue par le Mercure, qui excède rapidement les contours de l’actualité littéraire et galante.

54 Le périodique livre donc les clefs, soit par des renvois explicites à des articles, soit parce que la description est si précise qu’il donne non pas le nom de l’auteur, mais l’information culturelle que ce nom permet de transmettre. Le voilement du nom serait donc un artifice rhétorique servant à distiller discrètement des fragments de culture, des connaissances le plus souvent factuelles, en feignant de ne pas éduquer ou enseigner, mais de partager et d’informer.

55 L’ambiguïté sous laquelle se présentent les poètes et les musiciens édités dans le Mercure invite à proposer, plus que des conclusions, quelques pistes de réflexion.

56 Bien que l’idée de l’abonnement soit venue tardivement à l’esprit des rédacteurs et de leurs libraires [36], l’anonymat sous lequel sont publiés les auteurs sert une stratégie de fidélisation du lectorat, qui prend l’aspect d’un jeu discriminant entre fervents lecteurs et amateurs occasionnels, fondée sur le plaisir d’« en être », sans lequel le jeu ne fonctionnerait pas.

57 Le voilement du nom est aussi un vecteur de promotion d’une culture générale, souvent superficielle, faite de connaissances fragmentaires, que leur énonciation, par sous-entendus et allusions récurrentes, hisse au rang de valeurs culturelles partagées. Ces informations ne nous enseignent rien sur le savoir réel des lecteurs du Mercure galant ; mais elles révèlent la conception qu’avait la rédaction du périodique du lecteur idéal ou plus exactement, l’image que le Mercure entendait projeter à son lectorat de lui-même. C’est en cela que le périodique peut être considéré comme un puissant vecteur de sociabilité et de formation du goût, discrètement mais très efficacement prescriptif. La culture partagée diffusée par le Mercure opérait comme une valeur implicitement discriminante, et bénéficiait probablement d’un puissant effet attractif.

58 La simple notion de culture partagée invite à s’interroger sur le lectorat réel du Mercure, lectorat hétérogène formé d’individus mais aussi de cercles de sociabilité d’horizons culturels et géographiques variés, qui aspiraient à cette culture et à ce polissage urbain via la lecture du périodique, et pouvaient mesurer leur savoir à l’aune de cette jauge constamment redéfinie et réaffirmée. Tous ne procédaient manifestement pas au même type de lecture, et il va de soi que tous n’entreprenaient pas la même démarche d’élucidation avec les mêmes résultats. La lecture systématique des réflexions des rédacteurs quant aux compétences et à l’assiduité de leurs lecteurs, qui accompagnent fréquemment la publication des airs et des énigmes, permet de distinguer différents degrés de compétence et de proximité avec le périodique. Au cercle de lecteurs assidus et cultivés qui décryptait facilement caviardages, énigmes et noms voilés, s’ajoutait vraisemblablement un cercle, plus difficile à appréhender, de lecteurs qui ne disposaient pas de toutes les informations mais pouvaient les obtenir de seconde main. Tout, à commencer par la fréquente mention de cercles de sociabilité dans les rubriques des airs et des énigmes, laisse à penser que la lecture collective du Mercure galant a joué un rôle important dans sa diffusion aussi bien que dans le succès de ses « rubriques » participatives.

59 Cette configuration du lectorat soulève à son tour la question du décalage entre les attentes affichées du Mercure et la réalité. Comme le discours politique et militaire du périodique se soumettait à un prisme idéologique très fort, le Mercure galant œuvrait à promouvoir un reflet idéalisé du lectorat, en proposant de tendre vers un idéal d’esprit, de savoir, d’information et de culture uniformisés, caractéristiques de ce qui définit la culture du centre. Cette attente a, simultanément, joué un rôle publicitaire pour le périodique. Le Mercure galant jouait ainsi sur un effet de fausse connivence, qui reposait sur la duplicité des lecteurs qui n’avouaient pas ne pas savoir, et sur l’attitude des rédacteurs, qui ciblaient un lectorat qui, dans la réalité, n’existait pas.

60 Qu’en est-il alors de ces lecteurs que le Mercure galant a publiés ? La promotion individuelle que représentait la publication dans le périodique était en soi un aiguillon puissant, et les contributions spontanées de notables provinciaux, avocats, gouverneurs, chanoines, illustrent bien une création littéraire et musicale individuelle qui associait le plaisir du passe-temps à l’aspiration à une certaine notoriété. Être publié dans le Mercure galant permettait en effet d’être identifié et reconnu comme auteur. Dans plusieurs Extraordinaires, presque exclusivement constitués de participations extérieures à la rédaction et nécessitant, à ce titre, une forme de régulation de la part des rédacteurs, Donneau de Visé s’employa d’ailleurs à la promotion d’un code de déontologie littéraire, en rappelant aux contributeurs que le statut d’auteur et l’appartenance à une société choisie conférés par la publication dans le Mercure leur interdisait désormais de se livrer entre eux à de trop basses critiques ; il y allait en effet de la réputation, voire de l’identité, du Mercure galant.

61 Si les noms renvoient en principe à des individus, rien ne confirme qu’il en allait de même des pseudonymes et des noms voilés, qui se généralisent dans le Mercure galant au point d’y constituer un enjeu, comme si des pratiques galantes s’y cristallisaient. Cette pratique soulève la question de la création collective. On sait l’importance de la composition additionnelle dans les poésies et les musiques : on met en musique une poésie qui l’a déjà été, mais on ajoute aussi à une œuvre existante un double orné, une nouvelle basse continue, ou encore une réponse poétique. Dans les petits genres poétiques et musicaux, l’œuvre d’autrui est un puissant stimulant à la création ; et plus encore dans un périodique qui permet à tous d’être publiés et joue sur la fidélisation de son lectorat. La notion même d’auctorialité en est profondément affectée. La création s’apparente souvent plus à la participation à une élaboration successive qu’à une œuvre définie comme telle. Ce processus compositionnel collectif pourrait bien souvent avoir été de mise dans des cercles de sociabilité – et l’envoi de poésies, d’airs ou d’énigmes au Mercure, illustrer des formes de création collective. De fréquentes allusions illustrent une sociabilité littéraire à l’origine des airs publiés par le Mercure galant. Sébastien de Brossard fait mention d’une « charmante compagnie » à Fontenay-aux-Roses, qui lui aurait inspiré la composition de l’air qu’il envoya, sous un nom d’emprunt, au périodique, et le rédacteur du Mercure indique, à propos de vers anonymes, cités plus haut, « Ils m’ont esté envoyez avec la Note, au nom d’une tres-spirituelle Communauté [37]. »

62 De la même manière, le Mercure publia sans nom d’auteur un air que l’on peut attribuer à La Tour, commandant du gouvernement de Saint-Lô et familier de Mlle Deshoulières. Il s’agit d’une longue poésie animalière, fort stéréotypée et dont la valeur littéraire n’est pas la qualité première, mais qui s’apparente étroitement aux productions du cercle d’amis de la poétesse :

63

Votre toutou vous flate,
Et vous le caressez :
Il vous donne la patte,
Et vous la recevez ;
Ingratte,
Vous donnez tout à votre chien,
Et le Berger n’a jamais rien.
[…] [38]

64 Dans le cas présent, la publication ne vise pas la promotion personnelle par la reconnaissance de qualités ou de talents artistiques, mais affirme et publie l’appartenance de ce poète du dimanche à un cercle d’amis. Le geste éditorial l’emporte sur la qualité de l’œuvre publiée. La création n’est donc pas également adressée à tous les lecteurs, mais destinée prioritairement au cercle dans lequel évoluait La Tour, cercle qui se reconnaissait dans le Mercure galant.

65 L’uniformisation stylistique qui se dessine progressivement est, ainsi, le fruit de cette multiplicité des voix, uniques et plurielles, qui se répondent et façonnent, délibérément ou non, un style susceptible de répondre au fantasme d’une création collective. Cette multiplication des voix auctoriales, censée témoigner d’une acculturation réussie, demeure fermement tenue en main par une rédaction qui a souhaité, encouragé et contrôlé cette participation au périodique, et qui a orchestré jusqu’à cette illusion de décentralisation.

Notes

  • [1]
    Je remercie l’équipe du programme Mercure galant IReMus-OBVIL, grâce à laquelle j’ai pu élaborer cette analyse systématique, ainsi que Delphine Denis et ses doctorants pour les échanges préliminaires à la rédaction de cet article.
  • [2]
    Voir à ce sujet l’article d’Alexandre de Craim, pp. 57-60.
  • [3]
    Voir Marion Brétéché, Les Compagnons de Mercure. Journalisme et politique dans l’Europe de Louis XIV, Ceyzérieu, Champ Vallon, 2015.
  • [4]
    Sur la notion de bel esprit, voir l’article d’Elsa Véret-Basty, p. 98, note 6.
  • [5]
    L’édition des airs en musique et leur indexation sont en cours de publication dans http://obvil.paris-sorbonne.fr/corpus/mercure-galant/.
  • [6]
    Voir aussi l’article d’Elsa Véret-Basty, p. 103.
  • [7]
    Sur ce sujet voir not. L’anonymat de l’œuvre (xvi e-xviii e siècles), éd. Bérangère Parmentier, Littératures classiques, n° 80 (2013/1).
  • [8]
    Les poésies et les musiques attribuées ou désattribuées correspondent au travail d’identification mené dans le cadre de l’édition numérique (http://obvil.paris-sorbonne.fr/projets/mercure-galant)
  • [9]
    Mercure galant, octobre 1680, pp. 333-335.
  • [10]
    Attribué par Jean Duron (L’Œuvre de Sébastien de Brossard (1655-1730). Catalogue thématique, Versailles, CMBV/Klincksieck, 1996) qui cite les propos du compositeur consignés dans le manuscrit BnF, ms. lat. n.a. 520, f. 114.
  • [11]
    Le Solitaire de Pontoise publia un air amoureux adressé à Uranie : « Amour, cruel Amour, laisse-moy vivre en paix, » : « Les Paroles de la Chanson que vous allez voir, sont du Solitaire de Pontoise, & l’Air, de Mr de Montigny du Havre. » (juillet 1678, pp. 34-35). Un « Solitaire de Laumône près Pontoise » apparaît également en juin 1690, p. 332, un Solitaire du bois du Val-Dieu en janvier 1710 (pp. 299-300) auteur de « Fiers Aquilons, quittez nos Plaines », louange chantant le retour de Philis : « Je crois pouvoir placer une Chanson aprés l’Eloge d’un homme qui en a fait de si belles [Thomas Corneille] ; elle est du Solitaire du Bois du Val-Dieu ». Ce Solitaire du bois du Val-Dieu a envoyé une énigme au Mercure galant, publiée en novembre 1709. Il existe au moins deux abbayes cisterciennes du Val-Dieu (dans le Perche et dans la province de Liège), mais rien ne permet d’y associer cet auteur.
  • [12]
    Je remercie Elsa Véret-Basty et Adrien Viallet pour leurs indications.
  • [13]
    Son air avait par ailleurs déjà été édité (avec une autre musique, d’un certain Prunier le fils) en 1711 : « Le changement Iris vous est si doux » (pp. 248-249). Ce poème a eu un certain succès, si l’on en juge par sa réédition, avec une musique de Prunier le fils (Recueil d’airs sérieux et à boire, janvier 1711), puis de la Feronnerie et Guinard (Recueil d’airs sérieux et à boire, février 1719 et avril 1720).
  • [14]
    Je remercie J.-M. Civardi pour ces indications.
  • [15]
    Mercure galant, mars 1678, pp. 43-44. Ce B.D.B. pourrait être Bertrand de Bacilly.
  • [16]
    Mercure galant, septembre 1680, pp. 340-341.
  • [17]
    Mercure galant, novembre 1680, pp. 45-47.
  • [18]
    Mercure galant, septembre 1678, pp. 170-171.
  • [19]
    Ibidem, pp. 226-227.
  • [20]
    Mercure galant, mars 1704, pp. 181-182.
  • [21]
    Mercure galant, mars 1704, pp. 358-359.
  • [22]
    Mercure galant, juillet 1704, pp. 98-99.
  • [23]
    Mercure galant, juillet 1705, pp. 109-111.
  • [24]
    Ce procédé est également utilisé dans les mercures hollandais, où l’on observe des renvois précis aux tomes précédents. Cf. Marion Brétéché, « Entre actualité et histoire : le pari des mercures historiques et politiques (1686-1730) », Matière et esprit du journal. Du Mercure galant à Twitter, A. Lévrier et A. Wrona (éds), Paris, PUPS, 2013, p. 56.
  • [25]
    Air à boire « Sommeil, quand nous vidons les Pots », Extraordinaire de juillet 1679, p. 278.
  • [26]
    Air sérieux « Vous demandez des vers », Mercure galant, octobre 1679, pp. 98-100.
  • [27]
    Air sérieux « Vous avez des attraits vous avez des appas », ibidem, pp. 321-322.
  • [28]
    Air sérieux « Je suis prêt de revoir les beaux yeux de Sylvie », Mercure galant, novembre 1679, pp. 40-41.
  • [29]
    Air à boire « Premier objet de ma tendresse », Mercure galant, novembre 1679, pp. 332-333.
  • [30]
    Air à boire « Pendant que vous donnez la chasse », Mercure galant, décembre 1679, pp. 82-84.
  • [31]
    Air sérieux « Reyne aussi belle que bonne », Mercure galant, janvier 1680, pp. 174-177.
  • [32]
    Mercure galant, octobre 1687, pp. 121-122.
  • [33]
    Mercure galant, juillet 1689, pp. 112-113.
  • [34]
    Mercure galant, juin 1706, pp. 190-192 : « Voici le printemps de retour ».
  • [35]
    Mercure galant, janvier 1716, pp. 244-245.
  • [36]
    Voir Sara Harvey, p. 91.
  • [37]
    Mercure galant, septembre 1678, pp. 170-171. Cf. note 18, p. 123.
  • [38]
    Mercure galant, mai 1720, pp. 138-140.
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