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Article de revue

Théorie et pratique de la traduction chez les frères Perrault

Pages 447 à 466

Notes

  • [1]
    Parallèle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde l’Eloquence, t. II, Paris, J.-B. Coignard, 1690, p. 4 ; nous suivrons cette édition d’après le reprint publié et préfacé par H. R. Jauss (Munich, Eidos Verlag, 1964).
  • [2]
    Op. cit., p. 7 et surtout pp. 12-14 ; on se souvient que cette traduction de Lucien donna lieu à l’invention, par Gilles Ménage, de l’expression « belle infidèle » pour désigner ce genre de traduction où le mérite littéraire l’emporte sur la fidélité à l’original (voir, à ce sujet, Roger Zuber, Les Belles Infidèles et la formation du goût classique, Paris, A. Colin, 1968, pp. 195-196).
  • [3]
    Outre la thèse déjà citée, il convient de se reporter aussi au recueil d’essais que le même auteur a publié sous le titre Les Émerveillements de la raison. Classicismes littéraires du xviie siècle français, Paris, Klincksieck, 1997, notamment au chapitre sur « Création littéraire et théoriciens de la traduction », pp. 111-126 et celui sur « L’idée d’imitation », pp. 163-174.
  • [4]
    Revue d’Histoire littéraire de la France, 1901, 1, pp. 110-142.
  • [5]
    Sur le rapport entre burlesque et réflexion critique, on peut consulter désormais l’édition très éclairante des œuvres burlesques et des textes théoriques des frères Perrault due aux soins de Jean Leclerc et de Claudine Nédelec, parue sous le titre Le Burlesque selon les Perrault. Œuvres et critiques, Paris, Champion, 2013 : voir notamment l’« Introduction générale », p. 10, et l’étude conjointe de l’Énéide burlesque et des Murs de Troye qui constitue l’introduction à ces textes, en particulier les pp. 51-84.
  • [6]
    Charles Perrault, Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, dédié à son altesse Monseigneur le Prince de Conti, Paris, J.-B. Coignard, 1675 (BNF : Z 4036), pp. 119-139.
  • [7]
    Hymne de Saint Nicolas, Paris, S. Langronne, 1689, in-8o (BNF : FB-19869), texte latin avec traduction française en regard.
  • [8]
    « Charles Perrault littérateur et académicien. L’opposition à Boileau », Revue d’histoire littéraire de la France, 1905, 4, pp. 549-610 : sur les hymnes, voir pp. 571-574.
  • [9]
    Mazarine, ms 3925 et 3926 ; voir Paul Bonnefon, art. cité, p. 571.
  • [10]
    Mazarine, ms 3933 ; voir Paul Bonnefon, art. cité, p. 573.
  • [11]
    Ibid. ; Bonnefon signale d’autres pièces du même ordre que l’on peut trouver dans divers manuscrits qu’il a repérés à la BNF ou dans des catalogues de vente.
  • [12]
    Charles Perrault, Les Hommes illustres. Avec leurs portraits au naturel, texte établi par D. J. Culpin, Tübingen, G. Narr Verlag, 2003 (Biblio 17, no 142), p. 292.
  • [13]
    Nous reprenons ici l’expression employée par Antoine Picon, dans l’essai introductif qu’il a placé en tête de la réédition des Mémoires de ma vie de Charles Perrault, publiés par Bonnefon en 1909 : « Un moderne paradoxal », Paris, Macula, 1993.
  • [14]
    Voir Paul Bonnefon, « Charles Perrault. Essai sur sa vie et ses ouvrages », Revue d’histoire littéraire de la France, 1904, 3, pp. 365-420, avec le rappel de la carrière de Pierre, pp. 370-372. Les circonstances de la disgrâce de Pierre sont rapportées en détail par Charles, dans ses Mémoires, éd. citée, pp. 217-223.
  • [15]
    Paris, Les Presses Modernes, 1930 ; voir la notice liminaire à l’édition du manuscrit de 1679, « Pierre Perrault. Sa vie et ses ouvrages », p. 13-69, et particulièrement les pp. 36-63 sur « le goût des lettres ». Sur Pierre Perrault critique littéraire, voir ici-même la contribution de J. Leclerc et Cl. Nédelec.
  • [16]
    On peut lire commodément ce texte dans le recueil de Jean Leclerc et Claudine Nédelec, op. cit., pp. 349-358 ; on y trouve aussi en annexe les deux premiers chants traduits par P. Perrault, p. 397-425 ; l’ouvrage a été publié chez G. de Luynes et J.-B. Coignard, à Paris, en 1678, en 2 vol. in 12o (BNF : Yd 2551 et 2552).
  • [17]
    Éd. citée, p. 349-350.
  • [18]
    Nous résumons ici la teneur des pp. 351-356.
  • [19]
    Op. cit., pp. 357-360.
  • [20]
    Op. cit., p. 360.
  • [21]
    Op. cit., p. 361.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Sur ces critères, voir les analyses de Roger Zuber, Les Belles infidèles…, op. cit., chap. III de la 3e partie, « L’art de la prose », pp. 334-376.
  • [24]
    Op. cit., p. 362.
  • [25]
    Op. cit., p. 363.
  • [26]
    « Un moderne paradoxal », op. cit., pp. 9-10.
  • [27]
    Voir, à ce sujet, l’étude déjà citée de Roger Zuber, « L’idée d’imitation », op. cit., pp. 172-174.
  • [28]
    Op. cit., p. 364.
  • [29]
    La Secchia Rapita, canto II, ottave 28-60 ; nous suivons l’édition d’Ottavio Besomi, Padoue, Antenore, 1990 (Medioevo e umansimo, 76).
  • [30]
    Éd. citée, p. 52.
  • [31]
    Op. cit., pp. 365-366.
  • [32]
    Sur le contexte de cette entreprise, voir Antoine Picon Claude Perrault ou la curiosité d’un classique, Paris, Picard/CNMHS/DAAVP, 1988, notamment p. 115-127.
  • [33]
    Antoine Picon, op. cit., p. 115.
  • [34]
    Antoine Picon, op. cit., p. 117 ; nous ne reviendrons pas ici sur le détail de l’ouvrage, traité par ailleurs dans ce volume.
  • [35]
    Une édition variorum de Vitruve, parue à Amsterdam en 1649, donnait un accès commode à certains de ces commentaires et annotations : M. Vitruvii Pollionis de Architectura libri decem, cum notis, castigationibus et observationibus Guilielmi Philandri integris, Danielis Barbari excerptis et Claudii Salmasii passim inserti, Amsterdam, Elzevier, 1649.
  • [36]
    Préface des Dix livres d’architecture de Vitruve, corrigez et traduits nouvellement en françois, avec des notes et des figures, Paris, J.-B. Coignard, 1673, non paginée, fol. i ro.
  • [37]
    Op. cit. fol i vo.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Op. cit., fol i2 ro.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Op. cit., fol o ro.
  • [44]
    Op. cit., fol o ro-vo.
  • [45]
    Op. cit., fol o vo.
  • [46]
    Op. cit., livre III, chap. II, p. 76, note ; cf. son ouvrage de 1683 sur l’Ordonnance des cinq espèces de colonnes selon la méthode des anciens (Paris, J.-B. Coignard).
  • [47]
    Antoine Picon, op. cit., p. 137, parle, à propos de ces suggestions glissées au fil de la traduction de Vitruve, d’une « pensée provocatrice » à l’égard des traditions architecturales qui prévalaient à cette époque.
  • [48]
    Comme l’attestent les Mémoires, dans le récit qu’il fait de ses études libérées du collège avec son ami Beaurain, op. cit., pp. 111-112 : « Nous lûmes Virgile, Horace, Corneille Tacite et la plupart des auteurs classiques, dont nous fîmes des extraits que j’ai encore. »
  • [49]
    Sur les traductions de Virgile au xviie siècle, on se reportera avec fruit aux analyses de Ludivine Goupillaud, De l’or de Virgile aux ors de Versailles, Genève, Droz, 2005, Première partie, chap. 1er, pp. 32-54.
  • [50]
    Parallèle, op. cit., t. II, pp. 5-6.
  • [51]
    Voir Roger Zuber, Les Belles infidèles…, op. cit., p. 54 ; cf. Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, Genève, Droz, 1980, p. 620.
  • [52]
    Op. cit., p. 7.
  • [53]
    Pierre Perrault, op. cit., p. 364 : « Quelque plaisir qu’il ayent à lire les Auteurs estrangers en leur langue originalle, ils en ont encore un plus grand à les lire dans la langue de leur païs, parce que quelques habiles qu’ils soient, en ces langues estrangeres, ils le sont davantage en la leur, laquelle ils entendent toûjours mieux que pas une autre » ; cf. Parallèle, op. cit., pp. 10-11.
  • [54]
    Nous résumons ici le propos de l’Abbé, op. cit., pp. 11-12.
  • [55]
    Op. cit., p. 13.
  • [56]
    Op. cit., p. 16.
  • [57]
    Op. cit., pp. 18-19.
  • [58]
    Op. cit., p. 27.
  • [59]
    Poëme de S. Prosper contre les Ingrats […] traduit du Latin en vers et en prose, Paris, Vve M. Durand, 1647 : Avant-Propos, non paginé, fol. e1vo : « J’ay creu qu’il seroit advantageux pour la gloire de la verité, de mettre en vers une matiere si sainte & si importante. Car s’il y avoit quelque faute en cecy, ce grand Saint Auteur de ce Poëme auroit esté le premier coupable : puis que c’est luy qui […] a jugé qu’il devoit, à l’imitation de David, dissiper ses [du démon] enchantemens, & le chasser des ames des fidelles par le son de la lyre, & par l’harmonie de ses divines chansons. » Roger Zuber, Belles infidèles…, pp. 126-127, attire l’attention sur ce texte qui montre, à la fin des années 1640, un renouveau de la traduction en vers.
  • [60]
    Roger Zuber, op. cit., p. 127, rapproche la traduction de Sacy de l’entreprise de Perrin, qui propose son Énéide en vers l’année suivante (1648) ; sur cette traduction, voir Ludivine Goupillaud, op. cit., pp. 38-41.
  • [61]
    Jean Leclerc et Claudine Nédélec, op cit., p. 52, attirent l’attention sur l’influence probable de la traduction de Perrin sur l’entreprise des trois frères en 1649.
  • [62]
    Antoine Le Maistre de Sacy, Poëme de S. Prosper, op. cit., fol. ã4 ro-vo.
  • [63]
    Pierre Perrin, L’Énéide de Virgile fidellement traduite en vers heroïques, Paris, Loyson, 1664 (2e édition), Première partie, « Avant propos », fol. 1vo ; pour un commentaire de ce passage, voir Ludivine Goupillaud, op. cit., p. 39.
  • [64]
    Cf. supra, note 6.
  • [65]
    Discours au Roy, contenant une brefve et salutaire instruction pour bien et heureusement régner, accommodée à ce qui est plus nécessaire aux mœurs de nostre temps, escript premièrement en vers latins… et présenté au roy François II, peu après son sacre, par messire Michel de L’Hospital,… et depuis mis en vers françois, par feu Joachim Du Bellay, Paris, F. Morel, 1566.
  • [66]
    Nous suivons le texte latin de l’édition des Œuvres complètes de Michel L’Hospital, Paris, A. Boulland, 1825, t. III : l’épître, qui ouvre le livre V, se trouve aux pp. 353-366, ici, p. 353 ; une traduction en prose du xixe siècle donne ceci : « Le jeune prince a reçu l’onction céleste sur l’autel de la Vierge Marie : prions Dieu pour verser sur lui ses bénédictions, et de lui accorder des jours aussi longs qu’à Tithon ou Nestor. Qu’il apprenne à régner par des maîtres plus habiles que n’en eurent jamais les rois dans aucun siècle, plus habiles que n’en choisit la mère d’Achille pour élever son fils » (Poésies complètes de Michel de L’Hospital, Paris, Hachette, 1857, pp. 256-257).
  • [67]
    Marc Fumaroli, « Les Fables et la tradition humaniste de l’apologue ésopique », en tête des Fables de La Fontaine, « La Pochothèque », Paris, Le Livre de Poche, 1995, pp. lxxxix-xc.
  • [68]
    Nous suivons l’édition de cette traduction que donne le Recueil de Lettres choisies de MM. de l’Académie françoise, Paris, 1708, pp. 302-303.
  • [69]
    À ce sujet, voir notre ouvrage, L’Esthétique de La Fontaine, Paris, SEDES, 1996, pp. 113-116.
  • [70]
    Charles Perrault, op. cit., pp. 387-388.
  • [71]
    Op. cit., p. 390 : Perrault évoque les élèves nobles de Dangeau, et il explique qu’il a achevé cette traduction en vue de servir à leur instruction morale.
  • [72]
    Voir le « Tableau chronologique » placé en tête de l’édition des Œuvres diverses de La Fontaine, par P. Clarac, Paris, Gallimard (« Bibliothèque de la Pléiade »), 1958, p. xxxix ; les enjeux académiques peuvent expliquer les liens entre Perrault et Dangeau ; de plus, ce qui pouvait rapprocher les deux hommes était leur intérêt pour la grammaire et la modernisation de la langue française.
  • [73]
    Sur la complexité des positions de La Fontaine en la matière, voir notre article : « Fable et science de l’homme : la paradoxale paideia d’un moderne » [in] La Fontaine 1695-1995, Colloque du Tricentenaire, Le Fablier, 8, 1996, pp. 103-109.
  • [74]
    Voir son édition des Pensées chrétiennes de Charles Perrault, Paris-Seattle-Tübingen, PFSCL (Biblio 17, no 34), 1987.
  • [75]
    Sur cette conception de « l’idée », à l’œuvre à la fois dans la traduction et dans l’imitation, voir Roger Zuber, Les Émerveillements…, op. cit., pp. 135-136 et pp. 169-172.
  • [76]
    Mazarine, ms. 3925, p. 29 : cette version sera reprise à la lettre près dans le ms. 3926, p. 30.
English version

1Dans le cadre d’une étude collective sur les frères Perrault, la question de la traduction peut sembler pertinente au moins sur un point : c’est que trois des membres de cette illustre fratrie ont pratiqué le genre, avant même que Charles ne traite théoriquement de la question dans le second volume du Parallèle, au sujet de l’éloquence. On se souvient en effet que les pages consacrées à ce sujet ouvrent le troisième dialogue, après une rapide évocation des travaux de Versailles, qui rappelle le contexte du dialogue et qui permet la transition avec le dialogue précédent, consacré à l’architecture, la peinture et la sculpture. L’Abbé propose alors de faire porter la discussion sur le sujet de l’éloquence, ce qui amène immédiatement le Président à placer le débat sur le terrain de la connaissance des langues anciennes, en affirmant d’emblée : « Est-ce connoître les Auteurs que de ne les connoître que par les traductions, chaque langue n’a-t-elle pas ses graces et ses élegances particulieres qui ne peuvent passer dans une autre, sur tout en Eloquence et en Poësie [1] ? » La discussion qui suit plaide pour le mérite des bonnes traductions, qui peuvent, selon l’Abbé, aisément remplacer les originaux, comme l’a prouvé, entre autres, Nicolas Perrot d’Ablancourt, dont le Lucien de 1654 peut apparaître à bon droit comme le parangon du genre [2].

2Que la question de la traduction soit au cœur du débat qui oppose Anciens et Modernes ne doit pas étonner : comme l’a montré R. Zuber, le laboratoire de la prose d’art qu’a constitué ce genre est associé, dès la fondation de l’Académie française, à l’affirmation d’une culture moderne en langue française, et la réflexion critique qui l’a accompagné durant tout le siècle a été un des fondements majeurs de la pensée du « classicisme [3] ». Charles Perrault pouvait donc difficilement en faire l’économie, dès lors qu’il s’interrogeait sur la portée d’une « modernité » française digne de rivaliser avec les chefs-d’œuvre des anciens. De surcroît, depuis les travaux pionniers de Paul Bonnefon, nous savons que, très tôt, les frères Perrault ont réfléchi sur cette question : en publiant en 1901 l’Énéide burlesque, présentée comme une « traduction inédite du sixième livre par les frères Perrault [4] », ce savant bibliophile a attiré justement l’attention sur le processus critique qui a amené, dès 1649, Claude, Pierre et Charles Perrault à poser le problème de la modernité à partir d’un travail de traduction, fût-il de l’ordre du travestissement. Cela impliquait en effet à la fois une réflexion sur le rapport au modèle – le poète latin par excellence, base de toute initiation à la parole poétique – et une conscience très affinée de la langue française et de sa richesse intrinsèque [5].

3Cet intérêt pour la pratique de la traduction ne s’est pas démenti par la suite, et les positions défendues par l’Abbé dans le Parallèle pourraient même être regardées comme le fruit d’une réflexion commune des trois frères sur ce sujet. Pierre Perrault, on le sait, a occupé sa retraite forcée à traduire le fameux poème d’Alessandro Tassoni, La Secchia Rapita (1678), et cela a donné lieu à une préface où il réfléchit sur l’art de traduire ; outre le lien de cette œuvre avec la vague burlesque qui avait porté les premiers pas de la fratrie dans le champ littéraire, cela implique aussi une réflexion sur la traduction d’un poème en langue vernaculaire moderne, qui joue avec la profondeur et la diversité des idiomes italiens. Claude, pour sa part, a laissé une traduction majeure d’un ouvrage de grande difficulté, les Dix livres d’architecture de Vitruve (1673) : nous ne sommes plus ici dans le registre burlesque, mais au contraire dans le rapport à une latinité « classique » s’il en est, doublé de l’affrontement avec l’univers des realia techniques et du vocabulaire qui leur est attaché. Dans ces deux cas, la dimension philologique de l’entreprise place les frères Perrault du côté des savants, même si leurs réalisations visent un public de langue française. Quant à Charles, il a consacré de nombreuses veilles à la traduction d’œuvres néo-latines, dont la plus remarquable est sans conteste le recueil des Fables de Gabriel Faërne : la version qu’il en donne en 1699 demeurera la traduction française de référence jusqu’au début du xixe siècle au moins. L’auteur des Contes s’y révèle un latiniste averti, et nous verrons que sa pratique n’est pas étrangère à celle des « Belles infidèles », notamment lorsqu’il s’agit de plier le contenu des vers latins à la versification française. Déjà, en 1675, le Recueil de divers ouvrages en prose et en vers paru chez J.-B. Coignard grâce aux bons soins de Jean Le Laboureur, contenait la traduction d’une fameuse épître en vers de Michel de L’Hospital, que Charles Perrault dédiait à Valentin Conrart, en faisant l’éloge du style latin du chancelier [6].

4Cette activité occupera les années même où Charles rédige le Parallèle, comme l’atteste la publication d’une hymne latine de Jean-Baptiste Santeul, en 1689 ; ce bref passage à l’imprimé – une plaquette de douze pages [7] – n’est que la partie émergée d’une plus vaste entreprise qui a, semble-t-il, occupé Charles Perrault dès le milieu des années 1680. P. Bonnefon, encore lui, mentionne en effet, dans les études qu’il a consacrées à Charles Perrault dans la Revue d’Histoire littéraire de la France au début du siècle dernier, trois manuscrits contenant des traductions en vers d’hymnes et de proses latines [8], que nous avons pu, à notre tour, consulter à la Bibliothèque Mazarine : deux d’entre eux [9] contiennent les états successifs d’une traduction des Hymnes de Claude Santeul (le frère de Jean-Baptiste), et le troisième [10] est un recueil d’hymnes latines de divers auteurs, antiques (saint Ambroise, Prudence), médiévaux (Venance Fortunat, Paul Diacre) et modernes (J.-B. Santeul, Petau). P. Bonnefon signale un autre manuscrit de même teneur conservé à la Bibliothèque Nationale de France, ce qui lui fait écrire que Perrault « prit goût à cette besogne édifiante [11] ». Au demeurant on trouve un éloge de ce genre de poésie chrétienne dans la notice consacrée à Jean-Baptiste Santeul qui figure au second volume du recueil des Hommes illustres (1700) :

5

On sait qu’à la réserve de quelques-unes qui ont été composées par Prudence, par saint Augustin, par saint Ambroise, par saint Thomas et par quelques autres grands personnages, les hymnes sont la partie du service divin la moins belle et la moins châtiée. Quand celles de Santeul ont paru, il n’est pas croyable combien elles se sont fait admirer de tout le monde ; il en a fait un très grand nombre : le bréviaire de Cluny en est rempli [12].

6La question de la traduction chez les frères Perrault est donc loin d’être anecdotique, et elle a bien accompagné, durant la carrière de chacun d’entre eux, leur réflexion critique sur le rapport à l’antiquité et sur la culture moderne dont ils étaient les promoteurs conscients et actifs.

7À cet égard, l’œuvre de Pierre Perrault (1611-1680), sans doute la moins connue des trois, semble bien annoncer la « modernité paradoxale [13] » du plus célèbre membre de la fratrie, le cadet Charles. C’est à la suite de sa disgrâce auprès de Colbert, pour des raisons de malversations financières, que Pierre se retire et se consacre à l’activité de critique et de traducteur [14]. Maurice Bardon, dans la thèse complémentaire qu’il a consacrée à l’édition de la Critique du livre de Dom Quichotte de la Manche, due à la plume de Pierre, a rappelé les grands traits de sa carrière, et notamment son goût des lettres et de la critique littéraire [15]. Pierre est un moderne convaincu, et ses positions annoncent à plus d’un titre celles de son cadet, qui reprendra certaines de ses analyses dans le Parallèle. L’Avertissement qu’il place en tête de sa traduction du Seau enlevé contient en effet une longue analyse de la prévention pour les Anciens, dont on retrouvera l’essentiel dans les pages que Charles consacrera au sujet dans le premier dialogue du Parallèle[16].

8Ce qu’il dit de la traduction nous retiendra plus particulièrement ici. Reconnaissant la faiblesse de toute traduction en matière de fidélité au style intrinsèque de l’auteur, notamment dans le cas d’une œuvre burlesque, Pierre distingue bien la « diction » et les « choses » : la première peut en effet être un obstacle au bon jugement sur une œuvre, si on ne maîtrise pas la langue étrangère, ou si la compréhension demande un effort excessif. La traduction est donc un remède à cette difficulté. Au rebours, un texte réduit à son contenu peut décevoir, alors qu’une première lecture avait séduit [17]. De surcroît, le contexte historique, la licence propre au « goût » et à « la manière italienne » et la bassesse de certains termes propres au burlesque sont autant d’obstacles à une bonne adaptation pour un public français au goût et à la politesse formés selon d’autres attentes. Enfin, la nécessité de conserver à certains noms propres leurs formes italiennes peut aussi constituer une barrière à l’agrément de la lecture. Selon Pierre Perrault, toutes ces difficultés sont sans doute la raison qui explique que Tassoni n’ait pas trouvé de traducteur avant lui. Il le mérite pourtant, car la modernité dont il fait preuve en fait un exemple à suivre : la suite de l’avertissement est un éloge de la manière dont Tassoni affirme sa nouveauté et se dégage de toute imitation servile de modèles autorisés [18], ce qui débouche sur une réflexion plus générale sur la prévention à l’égard des auteurs anciens [19]. Pierre Perrault revient ensuite à la traduction et aux questions qu’elle soulève :

9

Je reviens à la Traduction ; & je dis que j’ay douté quelque temps, si je la ferois d’une maniere libre, & peu assujettie à son original, comme on en voit assez qu’on ne laisse pas d’estimer ; ou bien si je la ferois avec exactitude & fidelité sans y rien changer [20].

10Il s’agit bien de prendre parti ici dans un vieux débat sur la traduction, entre liberté de la langue cible, qui offre un texte français élégant – fût-ce aux dépens de l’exactitude philologique – et fidélité à la langue source : une bonne partie du siècle avait tranché en faveur de la première option, la traduction étant alors perçue comme un exercice de formation pour la langue française, et une voie sûre pour son enrichissement et son assouplissement. Il est vrai que les choses tendaient à s’infléchir depuis le début des années 1660, comme en témoigne le savant traité de Pierre-Daniel Huet (De Interpretatione, 1661), qui avait attaqué les tenants des Belles infidèles, et notamment Perrot d’Ablancourt. De plus, l’influence de Port-Royal, où la théorie de la traduction avait aussi tendu à la recherche d’une fidélité plus stricte, commençait à porter ses fruits : la proximité des Perrault avec ce milieu pourrait expliquer une telle position critique. Pierre Perrault se justifie aussi d’avoir choisi la prose – même s’il reconnaît que le souci de fidélité y demeure ardu, à cause de la langue de Tassoni – alors qu’on aurait pu attendre une version en vers. Les impératifs de la poésie en vers français sont trop contraignants, explique-t-il, et cela conduit à trahir l’original :

11

Car soit que la versification ou la rime, ou autre chose semblable les [les traducteurs] contraigne, souvent ils ne rendent pas le sens de l’Auteur, ils le changent, d’autres fois ils se servent d’expressions plus fortes ou plus foibles, plus relevées ou plus rabaissées, ils obmettent mesme des vers entiers, dont ils ne font point la traduction, déguisant, corrigeant & retranchant ainsi l’original en plusieurs endroits [21].

12Insistant sur le fait que le seul mérite dont puisse se parer un traducteur est celui « d’avoir procedé fidelement & d’avoir fait voir l’ouvrage tel qu’il est dans l’original », Pierre en déduit qu’un ouvrage où trop d’éléments sont retranchés ou changés ne remplirait pas l’office qu’on attend d’une bonne traduction, à savoir « faire connoistre à ceux qui n’entendent pas les langues, quel a esté le genie des Auteurs qui ont escrit [22] ». Il est intéressant de voir ici le traducteur prendre comme critère le plaisir, auquel ont droit les lecteurs non savants, et dont on les prive, si on leur offre une traduction qui trahit le modèle. La liberté du traducteur qui se permet de récrire son original est réprouvée, comme une tromperie à l’égard de la bonne foi d’un lecteur qui veut juger sincèrement de l’œuvre traduite. Le souci d’ôter le superflu et d’ajouter des ornements qui « donnent de la grâce » renvoient aux critères qui étaient avancés par les traducteurs comme Perrot d’Ablancourt, lorsqu’ils tentaient d’adapter la prose de leurs modèles au goût de leurs lecteurs mondains [23].

13Les deux exemples que développe Pierre Perrault pour illustrer son propos par analogie sont frappants : l’anecdote de l’esclave qui prépare au roi du Pont le « brouët noir » des Lacédémoniens dont il voulait connaître le goût, tant on le lui avait vanté, et qui le lui offre tel qu’il est, c’est-à-dire « fort mauvais », pourrait être lue comme une pierre jetée dans le jardin des partisans des anciens. On pressent ici qu’une traduction fidèle des œuvres antiques, sans apprêt ni ajustement, ne les donnerait pas à voir autres qu’elles ne sont, c’est-à-dire très mauvaises ! Le reproche qu’encourent les auteurs de Belles infidèles serait donc celui de parer excessivement les œuvres qu’ils prétendent traduire, et de ne pas donner au lecteur à sentir et goûter ce qu’elles sont vraiment. Le second exemple va dans le même sens, puisqu’il s’agit de l’anecdote mettant en scène un pauvre à l’allure hirsute que le peintre Le Brun avait invité chez lui pour le peindre ; le vieillard se fait beau pour honorer l’invitation, et il se fait jeter dehors pour n’avoir pas voulu paraître « dans son naturel, tel qu’il estoit sans art ni parure [24] ». Comme un portrait qui ne ressemble pas, la traduction infidèle risque donc, selon les termes même de Perrault, de passer pour « extravagante », et opposée en tous points à celle qu’il appelle de ses vœux :

14

Une traduction telle que je dis, soit en Vers, soit en Prose, devroit estre traitée de mesme : on veut voir au vray ce que c’est qu’un Auteur qui a escrit en langue étrangere, quel est son stile, s’il est simple ou figuré, enjoüé ou serieux, enfin on en veut parler comme les autres & en donner son jugement : on a mesme oüy dire qu’il s’est fait quelques critiques sur son ouvrage dont on seroit bien aise de dire son avis comme les autres [25].

15Il s’agit donc bien, comme on le voit, de la liberté de jugement, dont risque de nous priver un traducteur trop soucieux de parer et de travestir son auteur. Cette attitude rationnelle, qui laisse le champ à la critique dégagée de toute prévention, est le partage des frères Perrault, comme l’a noté A. Picon [26]. Si l’on suit les analyses de Pierre, les traducteurs des belles infidèles sont soupçonnés d’avoir forgé une antiquité trop belle et trop adaptée au goût du temps, ôtant au lecteur non averti la liberté de juger qu’il a le droit de conserver. Les exemples de Scarron et de Molière, qui ont adapté plus que traduit leurs modèles, indiquent la voie que traçaient les traducteurs libres : celle de l’émulation (mot cher au « moderne » Guez de Balzac), fondatrice du classicisme des auteurs du xviie siècle [27] ; mais, dans ce cas, il ne faut plus parler de traduction. C’est alors le plaisir de lire des œuvres proprement françaises qui l’emporte, et non plus l’intention de lire les originaux par procuration [28].

16Pierre Perrault a-t-il été fidèle, dans la pratique, aux principes qu’il énonce ? Une rapide confrontation de sa traduction avec le texte de Tassoni confirme qu’il est bien le traducteur scrupuleux dont il a brossé le portrait théorique. Sa prose suit avec précision les vers de l’auteur italien, traduit quasiment mot à mot. Dans un passage fameux du chant II, où l’on voit un conseil des Dieux de l’Olympe [29], digne de la tradition lucianesque (L’Assemblée des dieux, Jupiter tragique), l’évocation burlesque de chaque divinité est reproduite avec soin par le traducteur. Les détails concrets et les effets de contraste entre la majesté des dieux et le caractère trivial d’un univers tout humain sont rendus avec justesse ; les rares libertés que se permet le traducteur est, parfois, le rétablissement de l’ordre des mots et de la phrase française pour demeurer compréhensible à son lecteur.

17On prendra ici l’exemple d’une octave (Chant II, oct. 29), qui décrit l’agitation soudaine déclenchée dans l’Olympe par la convocation du conseil que vient de proclamer Jupiter [30] :

Da le stalle del ciel subito fuori
i cocchi uscir sovra rotanti stelle,
e i muli da lettiga e i corridori
con ricche briglie e ricamate selle :
piú di cento livree di servidori
si videro apparir pompose e belle,
che con leggiadra mostra e con decoro
seguivano i padroni a Concistoro.
Tout aussi-tost sortirent des ecuries du Ciel des chariots, montez sur des roües étoillées, des mulets à porter littieres & des coursiers avec de riches brides & des selles en broderie, & l’on vit paroistre plus de cent livrées de valets superbes & magnifiques qui suivoient leurs maistres au Conseil en un ordre leste & pompeux.

18On voit ici à quel point le choix de la prose permet à Pierre Perrault de suivre le mouvement du texte italien, ce que les exigences de la versification française et de la rime lui auraient probablement interdit. Perrault avoue simplement ne pas avoir eu le souci de rendre la diversité des dialectes sur lesquels joue Tassoni. Comme il l’explique dans l’avertissement, il se contente alors de le signaler en marge, faute de pouvoir le rendre par un jeu linguistique équivalent en français [31]. De brèves notes marginales éclairent les allusions mythologiques ou historiques, quand le texte du poème l’exige : ainsi, à l’octave 30, « le Prince de Délos » est éclairé en marge par la mention « Apollon ». C’est le prix de la fidélité à l’énonciation originale : il n’est pas douteux qu’un Perrot d’Ablancourt aurait intégré la précision au fil du texte, en remplaçant la périphrase par le nom propre, sans autre commentaire.

19La question de la fidélité au texte source demeure au centre des préoccupations de Claude Perrault (1613-1688), lorsqu’il entreprend, à la demande de Colbert, de traduire le De architectura de Vitruve [32]. Médecin de formation, véritable savant, tant en grec et latin qu’en matière de sciences de la nature, Claude Perrault pouvait aspirer à faire une œuvre philologique en traduisant la somme technique de l’architecte romain. Comme le note A. Picon : « Traduire Vitruve, c’est s’interroger à chaque instant sur la signification de telle ou telle expression, ainsi que sur l’apparence exacte de nombreux détails ornementaux ou constructifs [33]. » Destiné à un public savant, mais aussi animé du souci de toucher le public des architectes et des artistes, le livre de Claude Perrault devait associer une volonté de clarté dans le rendu du texte latin et un commentaire savant pour en éclairer les termes techniques les plus obscurs ; le tout accompagné d’illustrations, dont la réalisation aura coûté 9 400 livres [34]. La traduction prend appui sur toute une tradition de commentateurs et de traducteurs antérieurs, notamment les architectes et théoriciens italiens, comme Giovanni Giocondo ou Cesare Cesariano, ou français, comme Guillaume Philander, mais aussi des philologues comme Daniele Barbaro ou Claude Saumaise [35]. Perrault lui-même se livre avec plaisir à des digressions savantes à l’occasion de tel ou tel développement de Vitruve, qui était lui-même porté à la digression curieuse, et dont le livre renferme la mémoire éparse de nombreux savants qui l’ont précédé. Dans sa préface, le traducteur loue le « soin judicieux » que Vitruve a employé pour recueillir beaucoup de choses « d’un grand nombre d’auteurs dont les écrits sont perdus », ce qui fait de son livre un « trésor inestimable [36] ».

20Dans l’équilibre traditionnel entre res et verba, il est évident que le poids des res l’emporte nettement ici, et que le traducteur est mis au défi de les rendre avec la plus grande précision possible. Les libertés à prendre avec l’énoncé de l’original sont donc restreintes, et il serait difficile d’imaginer la mise en œuvre de la poétique des « Belles infidèles » dans un tel contexte. De plus, le processus de transmission du texte, tel que le décrit Perrault, a aggravé le caractère obscur de l’original : il explique en effet que le style dense de Vitruve était, à l’origine, compensé par la présence de figures dessinées par l’architecte lui-même, et que c’est l’incurie des copistes qui a fait disparaître ce support imagé, ce qui a favorisé, à terme, les imprécisions des copistes successifs qui ne comprenaient plus à quoi le texte faisait allusion. Cette description de la corruption progressive d’une tradition manuscrite atteste l’esprit philologique de Claude Perrault, et justifie son souci de rétablir une compréhension du texte fondée sur les choses mêmes, c’est-à-dire sur les principes de l’architecture. L’interaction entre un savoir technique et la tâche philologique est sans doute le trait le plus frappant de cette entreprise doublement savante : le traducteur explique en effet que seule la véritable compétence dans le domaine de l’architecture permet de lever les difficultés du texte :

21

Il me semble donc que la difficulté qui se rencontre dans la traduction de Vitruve vient de ce qu’il n’est pas aisé de trouver en une mesme personne les differentes connoissances qui sont necessaires pour y reüssir : car l’intelligence parfaite de ce qu’on appelle les belles Lettres, & l’application assiduë à la Critique & à la recherche de la signification des termes, qu’il faut recuëillir avec beaucoup de jugement dans un grand nombre d’Auteurs de l’Antiquité, se trouvent rarement jointes avec ce genie, qui dans l’Architecture, de mesme que dans tous les beaux Arts, est quelque chose de pareil à cet instinct different que la Nature seule donne à chaque animal, & qui les fait reüssir dans certaines choses avec une facilité qui est déniée à ceux qui ne sont pas nez pour cela [37].

22On ne peut mieux affirmer que la traduction n’est ici possible que pour un homme du métier, ce qui explique comment et pourquoi, aux yeux de Claude Perrault, ce travail pouvait légitimer toutes ses ambitions en matière architecturale : réussir à traduire Vitruve était le fait d’un véritable architecte, et non pas seulement d’un philologue. De fait, les notes abondantes qui accompagnent le texte attestent cette volonté de faire de l’ouvrage un véritable traité d’architecture, et pas seulement la traduction d’un « classique » latin. La fidélité n’en est pas moins exigée, car les versions antérieures, explique Perrault, ont été obscures, faute d’une bonne compréhension de la matière ; cet état de fait risquait de rendre l’usage de Vitruve obsolète, à cause d’une prétendue obscurité qui ne serait due, en fait, qu’à l’incompétence des traducteurs dans le domaine de l’architecture.

23Claude Perrault affiche donc l’ambition de rendre lisible ce grand traité, « à ceux qui n’ont pas l’intelligence du Latin, & des termes Grec dont cet ouvrage est remply [38] » : on retrouve alors, sous sa plume, des arguments analogues à ceux de son frère Pierre, par exemple lorsqu’il dénonce la manière dont les interprètes antérieurs ont « travesti » ou « écorché » les phrases ou les mots difficiles. Il dénonce notamment la manière d’intégrer à la traduction les éléments explicatifs, ce qui tend, selon lui, à obscurcir le texte, car le lecteur ne sait plus si ce qu’il lit est une traduction fidèle de Vitruve (avec une glose originale qui s’applique au latin) ou une glose du traducteur (qui s’applique au français). De manière plus rigoureuse, Perrault a préféré distinguer le texte – rendu tel quel, fût-ce dans sa relative obscurité – et la glose :

24

C’est pourquoy on a mis ces sortes d’explications à la marge ; dans laquelle on trouve aussi les mots Grecs & Latins qui ont pû estre rendus par d’autres mots François dans le texte [39].

25Comme son frère traducteur de Tassoni, Claude tourne donc le dos à la tradition des « Belles infidèles », qui visait à donner au lecteur français un texte lisse, dépourvu de notes, et éclaircissant au fil de l’énonciation française, sans les signaler outre mesure, les éventuelles chausse-trapes de l’original, ou les allusions trop implicites aux realia et à la culture antique. Au contraire, le texte est rendu au plus près, même dans ses difficultés intrinsèques. La préface s’étend longuement sur la question des mots étrangers, qu’il a parfois fallu conserver tels quels, pour éviter les « longues circonlocutions, qui sont importunes quand on a besoin d’un seul mot [40] ». L’exemple des explications étymologiques de Vitruve, qui n’auraient pas de sens si on ne conservait pas les mots latins qui sont expliqués, est très parlant :

26

quand Vitruve dit que le mot Columna vient de Columen ; on n’auroit pas pu dire que Colonne est un mot qui vient de Poinçon, qui est le mot François qui signifie Columen[41].

27L’usage de l’italique, pour signaler les mots étrangers qui sont conservés dans le texte, va dans le même sens de clarté pédagogique à l’égard du lecteur. Un véritable protocole, clairement expliqué dans la préface, préside donc à la pratique des mentions dans le fil du texte – au sens où l’entendent les linguistes contemporains –, et le rapport à l’usage est alors déterminant : certains mots d’origine grecque ou latine, mais déjà admis par l’usage dans les textes français, ne nécessitent pas la conservation de leur terminaison originale (comme stylobate, astragale, tympan), alors qu’une transcription analogue pour des termes moins reçus (Gnomon, Camillum, Buccula) aurait entraîné des difficultés supplémentaires pour le lecteur :

28

parce que la terminaison étrangere faisant connoistre d’abord que les mots ne sont point François, l’esprit ne se met point inutilement en peine de les entendre ; comme il arrive quand une terminaison familiere, faisant soupçonner qu’ils sont François, augmente le chagrin que l’on a de ne pas les entendre [42].

29Cette attention portée au travail du lecteur, et à la qualité de la réception du texte traduit, s’inscrit bien dans la philosophie de la traduction que le xviie siècle a développée, et y répond par une exigence de clarté et une confiance dans le jugement du lecteur dont on a déjà vu la marque chez Pierre Perrault. Conscient des solutions adoptées par les traducteurs qui l’ont précédé, Claude affiche des choix différents, mais explicites, quitte à offrir à son lecteur un texte composite – qui n’efface pas les difficultés intrinsèques de l’original – au nom d’une fidélité qui exige une lecture savante et attentive. Même l’affectation qu’il reproche à Vitruve (par exemple, dans le choix de conserver le mot grec et de le gloser) doit être conservée, selon lui : tout retranchement serait en effet abusif, et risquerait, à terme de tromper le lecteur [43].

30En dernière analyse, si Claude Perrault reconnaît avoir conservé une certaine liberté dans la manière de « changer les phrases » (c’est-à-dire de modifier l’ordre de la syntaxe), c’est au nom d’une fidélité scrupuleuse, qui consiste « non pas à mesurer exactement [ses] pas » sur ceux de l’auteur, mais « à le suivre soigneusement où il va » [44]. Lorsque le mot à mot est inévitable, le traducteur fait confiance au lecteur « éclairé dans ces matieres » qui, même s’il ne connaît pas le latin, est en mesure de « découvrir le sens ou de le suppléer en changeant quelque chose » : loin de tromper son lecteur, ou de le mener à son insu loin du sens du texte, le traducteur vise donc bien à lui offrir un texte aussi proche que possible de l’original, en lui laissant toute latitude d’exercer son jugement au contact des difficultés intrinsèques du texte latin qu’il ne prétend pas aplanir ou masquer par un travail de récriture ou de travestissement. Conscient des erreurs déjà introduites par la tradition – du fait des copistes qui ont agi comme les mauvais traducteurs, en corrompant le texte – Claude Perrault préfère une fidélité scrupuleuse qui laisse, en dernière analyse, le lecteur libre de son jugement. Même les éventuelles conjectures qu’il est amené à faire, en bon philologue confronté à un texte corrompu, sont données comme telles, et non imposées comme des solutions non discutables aux difficultés :

31

C’est pourquoy je ne mets jamais dans la traduction les corrections que des conjectures m’ont fait faire, sans en avertir dans les Notes ; & ainsi je ne contrains pas le Lecteur de suivre mon opinion, mais je tasche à la luy persuader [45].

32Le succès non démenti de cette traduction durant les deux siècles qui ont suivi atteste la qualité du travail de Claude Perrault. Si certaines notes très développées témoignent de la réflexion propre de l’architecte – par exemple lorsqu’il suggère une « sixième manière de disposer [les] colonnes », en les accouplant deux à deux [46] –, le texte est en général rendu avec fidélité, et l’on peut dire que le Vitruve français proposé par Perrault en 1673 est aussi conforme que possible à celui que permettait de connaître alors la lecture directe du texte latin. De fait, toute l’autorité « classique » dont voulait le parer l’architecte-traducteur tient autant à la traduction scrupuleuse qu’il a accomplie qu’à l’ampleur de l’érudition dont il l’a augmentée et éclairée par ses notes. Ce n’est pas le moindre paradoxe de cette entreprise que de voir la fidélité « philologique » devenir le levier d’une audace en matière architecturale, et le respect affiché de la source ancienne ouvrir la voie à l’affirmation d’une modernité dont le Parallèle se fera encore l’écho quinze ans plus tard [47]. La fidélité de la traduction n’a donc pas empêché le traducteur de s’émanciper de la tutelle antique pour poser les bases d’une réflexion moderne sur le sujet ; bien au contraire, elle semble l’avoir autorisé. Analogue aux analyses de Pierre Perrault, qui pose la fidélité de la traduction comme garant d’une juste compréhension des anciens, la pratique de Claude prouve que le respect du texte ancien offre une pierre de touche assez sûre pour échapper à toute prévention à l’égard des sources antiques.

33Dans ce panorama, l’œuvre atypique de Charles Perrault (1628-1703) en matière de traduction peut sembler décalée. Nous l’avons dit, l’essentiel de son travail en la matière a porté sur la poésie religieuse ou les fables édifiantes. Poète chrétien lui-même, et persuadé que la parole poétique avait un rôle à jouer dans le champ de l’apologétique, Charles a orienté son travail dans le sens de l’esthétique de la Contre-réforme, qui n’hésitait pas à convoquer les Muses pour illustrer les vérités chrétiennes. C’est sans doute sur ce plan qu’il s’oppose le plus à Boileau, qui refusait tout mélange des genres en la matière. Ami de Desmarets de Saint-Sorlin et de Jean-Baptiste Santeul, Charles Perrault évoluait avec aisance dans le domaine littéraire aujourd’hui méconnu de la poésie chrétienne, en français et en latin. Tout moderne qu’il fût, il est évident que sa bonne connaissance de la latinité classique, acquise dès ses années de formation [48] l’a profondément marqué, et qu’elle a accompagné son œuvre poétique propre.

34Du point de vue théorique, l’essentiel de ses propositions sur la traduction est contenu dans le troisième dialogue du Parallèle, que nous évoquions en commençant. Comme chez ses frères, la question du jugement est centrale pour Charles Perrault ; l’Abbé insiste sur les « choses » que toute traduction permet de connaître, alors qu’un jugement sur le style et la « diction » est plus difficile, voire impossible. De fait, la distinction fondamentale se fait alors entre les vers et la prose : même les meilleures traductions de Virgile (celle de Marolles, ou celle de Segrais [49]) ne permettent pas de juger « sainement » du mérite du poète, alors que les traductions de prosateurs, lorsqu’elles sont faites « par un habile homme » permettent de voir « aussi bien les sentimens & les pensées de l’Auteur que dans ses propres paroles [50] ». L’exemple de Maucroix, pour la traduction de Platon, celui de Perrot d’Ablancourt, pour celle de Lucien, et même celle de Boileau pour Longin, illustrent cela. Il est significatif que Perrault renvoie à la traduction que Patru avait donnée du Pro Archia de Cicéron, dans le volume fondateur des Huit oraisons de Cicéron (1638), qui avait ouvert la voie à la poétique des « Belles infidèles [51] » ; ce dernier, explique l’Abbé, y est aussi éloquent et « nombreux » que l’orateur romain, au point que :

35

Je vais vous avancer un Paradoxe encore plus surprenant, & aussi veritable, c’est que si on estoit bien libre de toute prevention on trouveroit qu’il y a souvent plus d’avantage à lire les Auteurs latins dans une bonne traduction que dans leur propre langue [52].

36Les arguments de l’Abbé sont simples : l’ignorance de la prononciation exacte du latin est un obstacle à l’appréciation juste du style, puisque « nous sommes privez de la grace de sa prononciation naturelle ». Le traducteur, qui donne au latin les grâces de la langue française, en rend les textes plus agréables à lire ou à entendre que l’original, même pour un lecteur capable de comprendre celui-ci. Et il ne s’agit pas que de l’elocutio et des verba : les choses elles-mêmes (sens, pensée, figures, raisonnement) sont mieux perçues et senties « dans une excellente traduction que dans l’original », car l’attention du lecteur est alors entièrement requise par la compréhension du sens (inventio, au sens rhétorique) et l’appréciation de « l’ordre, de la suite et de la distribution » (dispositio) du texte, alors que la lecture de l’original, même si on connaît bien le latin, dérobe une part de cette attention pour faire l’effort de traduction (au niveau de l’elocutio). On voit ici à l’œuvre une intéressante analyse de la psychologie de la lecture, qui rappelle les arguments que Pierre Perrault avait développés dans l’avertissement de sa traduction de Tassoni [53]. De surcroît, devant les multiples difficultés d’interprétation des œuvres originales, latines ou grecques, il vaut mieux se fier à un traducteur qui a réfléchi sur elles, consulté les commentateurs et les interprètes, et qui nous livre une traduction mûrie et informée, que de faire un travail insatisfaisant au fil de la lecture du texte original [54].

37L’exemple du Lucien de Perrot d’Ablancourt sert une nouvelle fois de critère à l’Abbé : si on ne peut pas juger de l’atticisme de Lucien, dont l’appréciation est réservée aux locuteurs natifs de Grèce, on peut saisir son esprit et son ingéniosité grâce au travail du traducteur [55]. Exiger la connaissance du grec pour goûter un tel auteur, c’est, en fait, priver une bonne part du public d’un plaisir auquel il a droit. On retrouve ici, de nouveau, une idée déjà présente chez Pierre Perrault : celle d’un « droit » au plaisir de goûter les anciens, et de l’injustice qu’il y a à le refuser aux lecteurs non formés aux langues anciennes. Adressé à un président, c’est-à-dire à un juriste, cet argument prend d’autant plus de poids. Pourtant, ce dernier répond une nouvelle fois « qu’il est impossible de bien juger des choses que l’on ne connoît pas parfaitement [56] ». Le débat semble se réduire à une opposition entre la connaissance et le goût ; il ne fait pas de doute pour l’Abbé que le goût ne dispose d’aucun critère suffisant pour juger les œuvres latines et grecques. La « patavinité » de Tite Live ou la « mellifluité » d’Hérodote nous échappent à tout jamais, et la latinité d’un grand humaniste comme Marc-Antoine Muret (célébré en son temps pour sa virtuosité en latin) aurait fait rire tout Romain contemporain de Cicéron [57]. Seul un locuteur vivant, « naturel », du latin aurait pu initier Muret aux finesses de sa langue, et le débat se poursuit sur la question des difficultés que comporte l’acquisition de toute langue, notamment par la simple pratique de l’analogie, qui peut mener à des aberrations grossières et à des contresens ridicules. Pour clore le débat sur ce sujet, l’Abbé conclut sur l’exclusion injuste d’une « infinité de gens d’esprits » que la position du Président implique :

38

car encore une fois il ne s’agist pas de decider de l’Elegance du style des Auteurs dont ils ne diront rien, mais de leur bon sens & de leur eloquence, dont ils peuvent juger aussi bien que Turnebe & Casaubon [58].

39La bonne traduction est donc celle qui permet à la capacité de jugement de s’exercer, grâce à la facilité de lecture du texte ancien qu’elle permet. On voit que, dans le Parallèle, l’art de traduire n’est abordé que du point de vue proposé par le Président au seuil du dialogue, à savoir que le biais de la traduction permet de porter un jugement sur un auteur ancien qu’on ne peut pas lire dans sa langue originale. Dans une telle perspective, la question du style demeure liée exclusivement à la langue qui porte l’elocutio, ce qui signifie que, dans une traduction française, on ne peut juger que du style français ; c’est la raison pour laquelle les traducteurs évoqués sont, avant tout, des artisans reconnus de la langue française, comme Olivier Patru ou Perrot d’Ablancourt. Dès lors, il convient de se demander dans quelle mesure cette conception peut se retrouver dans la pratique même de Charles Perrault traducteur. C’est ce que nous proposons d’examiner maintenant à l’aide de quelques exemples.

40Remarquons d’emblée que Charles Perrault, qui se révélera prosateur virtuose dans l’écriture des Contes, a préféré conserver le vers lorsqu’il a traduit de la poésie, contrairement à son frère Pierre, qui avait choisi la prose pour rendre en français les octaves de Tassoni. Confronté à la poésie néo-latine sérieuse – lyrisme officiel (Michel de l’Hospital), apologue en vers (Faerno) ou hymnique chrétienne (Santeul) –, il veut donner à son entreprise une majesté et une dignité convenant à ses modèles. Cela explique sans doute le choix du vers français ; les Hymnes des frères Santeul sont une forme légitime de parole poétique – nous avons vu ce que Perrault disait de celles de Jean-Baptiste dans Les Hommes illustres – et il pouvait, pour se justifier, songer aux arguments d’un Le Maistre de Sacy en tête de sa traduction de saint Prosper : pour répondre aux éventuelles critiques contre le traitement poétique de matières sacrées, Sacy expliquait en effet qu’il est légitime de sacrifier au vers pour rendre en français le poème latin, puisque l’auteur lui-même, prosateur de talent par ailleurs, a préféré imiter David dans le contexte polémique où il écrivait [59]. Avec Pierre Perrin, autre traducteur du latin qui préfère lui aussi le vers à la prose, pour mieux rendre la musique de Virgile [60], nous avons là, dans les années même où le jeune Charles fait ses premières armes avec l’Énéide burlesque, deux œuvres de référence qui revendiquent le bon usage de la traduction en vers. Que ce soit la proximité de sa famille avec Port-Royal, qui pourrait déterminer une lecture de Sacy, ou la préparation du poème burlesque qui a peut-être impliqué une lecture de Perrin [61], Charles avait à sa disposition deux exemples de traductions versifiées, accompagnées toutes deux d’une réflexion argumentée sur l’usage du vers français et sur les problèmes qu’il pose pour rendre le vers latin.

41Sacy, en particulier, insiste sur la disparité de longueur entre les vers latins et les vers français, et les problèmes que pose le passage des uns aux autres :

42

Car un vers Latin ne pouvant d’ordinaire se rendre qu’en deux vers François, comme il est aisé de voir en quelques endroits de Virgile, qui ont esté traduits par Monsieur le Cardinal Du Perron : parce que la langue Latine est plus courte & plus serrée que la Françoise ; que ses vers ont plus de syllabes que les nostres ; & que nous sommes obligez à cause de nos rymes de finir le sens au bout des vers, au lieu que les Poetes Latins le finissent ou ils veulent [62].

43Perrin, quant à lui, explique à propos de Virgile que la traduction des vers de « cet ouvrage divin » ne nécessite ni retranchement, ni ajout (comme le font en général les mauvais traducteurs, ou les paraphrastes), et il expose ainsi comment il a procédé :

44

Demeurant donc dans la necessité d’une exacte version, phrase pour phrase & sens pour sens, je m’y suis tenu le plus religieusement qu’il m’a esté possible, en sorte toutefois, que sans me géner avec tant de scrupule par la traduction des mots & des phrases, lors qu’elles ne tombent pas, ou dans nostre usage, ou dans les regles de nostre poësie, ou dans la rencontre des rimes : j’ay tâché seulement, en conservant le sens de l’Autheur, de leur opposer de toute la force de mon genie les expressions Françoises qui repondent à leur netteté, douceur & majesté [63].

45Confronté aux vers latins de Jean-Baptiste Santeul ou de Gabriele Faerno, Charles Perrault ne procède pas autrement. Dès les années 1670, il entreprend de traduire une épître fameuse de Michel de L’Hospital, De Sacra Francisci II Galliarum Regis Initiatione (1560), qui paraît dans le Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, que Jean Le Laboureur publie chez J.-B. Coignard en 1675 [64] ; cette épître avait connu une grande fortune, notamment dans la traduction française qu’en avait donnée Joachim Du Bellay [65]. C’était donc un texte politique de premier ordre, et on comprend qu’une telle pièce ait attiré l’attention de Charles Perrault, dans le contexte de service au roi qui était le sien à cette époque. On peut se faire une idée assez précise de la manière du traducteur dès les premiers vers de ce grand poème épidictique, qui est à la fois un éloge du jeune monarque et une réflexion sur l’art de gouverner :

46

Coelesti est oleo Mariae puer unctus ad aram
Virginis : hoc felix ut sit faustumque precamur ;
Tithoni longos superest vel Nestoris annos.
Talibus interea discat regnare magistris,
Quales non alios regum prior extulit aetas,
Nec quondam puero delegit mater Achilli[66].

47Ce que Perrault traduit ainsi :

48

D’un baume incomparable, & descendu des Cieux
On a sacré le Prince, ainsi que ses Ayeux,
Qu’une telle Onction eslevant son courage,
Luy soit d’un regne heureux, le fortuné présage,
Et que sa belle vie, en son paisible cours,
Du sage, & vieux Nestor, puisse esgaler les jours :
Qu’il fasse, cependant, durant son premier âge,
Du bel art de regner, l’illustre apprentissage
Sous de tels gouverneurs, que pour leurs bons conseils,
Aucun siecle, avant nous, n’en ait veu de pareils ;
Non pas mesme celuy que Thetis, entre mille,
Choisit heureusement pour enseigner Achille […]

49Nous avons mis en italiques les mots qui sont des ajouts patents au latin, qu’expliquent à la fois un souci d’amplification, propre à renforcer la majesté de la parole encomiastique, et la nécessité de « remplir » le vers selon les lois de la métrique française ; comme le prescrivait Sacy, la version française exige deux vers là où le latin n’en compte qu’un. De surcroît, comme l’aurait fait un Perrot d’Ablancourt, Perrault supprime les allusions qui nécessiteraient un éclaircissement (ainsi Tithon disparaît) ou remplace la périphrase par le nom propre (mater Achilli devient simplement « Thetis »). On voit bien qu’il ne s’agit plus là de la simple traduction des res destinée à servir de truchement pour donner accès au « contenu » d’un texte antique à un public non latiniste – pour lui permettre d’exercer son jugement critique –, mais bien plutôt d’une récriture, en français, d’une œuvre contemporaine, porteuse de valeurs « modernes » (la monarchie chrétienne), où le poète-traducteur français rivalise avec l’original et renchérit sur les effets qu’il visait à susciter. L’emphasis naturelle du latin justifie ainsi le déploiement d’épithètes ou d’adverbes en français (« incomparable », « bel », « illustre », « heureusement »).

50Le caractère volontaire de telles libertés est sensible, si on compare ce texte avec la traduction plus tardive que Perrault donne des Fables de Gabriel Faërne, publiées en 1699. Dans son édition des Fables de La Fontaine [67], M. Fumaroli a rappelé le caractère spécifique de cet ouvrage, publié en 1564 sur les presses du Vatican, avec la protection du Pape, par un érudit de la Curie Pontificale, qui inscrit les apologues ésopiques dans le « décorum à la fois classique et chrétien » élaboré par la culture catholique officielle issue des décrets du Concile de Trente. Selon lui, Perrault se situe explicitement dans cette lignée, qui donne à l’apologue un caractère à la fois sobre et édifiant, loin des jeux subversifs et de l’ironie lafontainiennes. De fait, Perrault a bien conscience de la distance qui sépare son entreprise de celle du fabuliste, qu’il ne peut pas ne pas mentionner à la fin de son « Avertissement » :

51

Quoy que ma traduction soit fort exacte, hors en quelques endroits ou j’ay cru pouvoir m’en dispenser, & qu’elle ait la brieveté & la clarté si recommandables dans une narration, je n’ay garde de l’oser comparer, ni mesme leur Original, aux Fables de M. de la Fontaine : les nostres ressemblent à un habit d’une bonne étoffe, bien taillée & bien cousuë, mais simple & toute unie ; les siennes ont quelque chose de plus, & il y ajoûte une riche & fine broderie qui en relève le prix infiniment [68].

52La difficulté de ce genre d’ouvrage tient en effet à la « brieveté » et à la « clarté » de la narration, comme l’avaient rappelé Patru et Boileau à leur ami La Fontaine [69]. Ce dernier avait dû réinventer le genre en parant la narration traditionnelle de l’apologue avec les prestiges de la parole poétique. Perrault, dans l’épître dédicatoire à l’abbé de Dangeau, évoque la difficulté de plaire aux « François d’aujourd’huy », avec une telle sobriété, tant ils « veulent trouver encore dans ces sortes d’Ouvrages, de la vivacité, & quelquefois de la plaisanterie qui les surprennent [70] ». On comprend que, pour Perrault, ce goût leur a été donné par les leçons de La Fontaine : son « hommage » au fabuliste définit donc par antiphrase ce qu’il vise lui-même dans son entreprise, conçue dans une perspective purement morale et instructive, comme le rappelle l’épître à Dangeau [71] : c’est la raison pour laquelle il reconnaît ne pas viser le brio littéraire, comme le montre la métaphore de l’habit, « simple et tout uni », opposé au luxe un peu voyant de la poésie lafontainienne. Rappelons, à cette occasion, que l’abbé de Dangeau fut le rival heureux de La Fontaine, lors de l’échec de ce dernier à l’Académie française, en 1682 [72]. La publication des Cent fables de Faërne, quatre ans après la mort du grand poète, peut être vue comme un ultime défi du « moderne paradoxal » au paradoxal « ancien » que fut La Fontaine [73].

53Cela explique sans aucun doute la grande tenue et la sobriété de la traduction que Perrault propose du néo-latin savant de Faërne. Le choix du vers libre offre une plus grande souplesse, sans trahir les effets du latin ; on peut en juger sur ce bref extrait de la seconde fable (« Jupiter et Minerve ») :

Legere proprias Dii sibi quondam arbores,
Quam quisque vellet esse tutela in sua :
Quercum supremus Jupiter, myrtum Venus,
Pinum humidi tridentifer Rector sali,
Apollo laurum, populum excelsam
[Hercules.
Entre les beaux Arbres qu’ils virent,
Les Dieux à leur gré s’en choisirent,
Et se declarerent pour eux.
Jupiter prit le Chesne & la fille de l’Onde
Venus prit le Mirthe amoureux ;
Neptune, dont les bras environnent le
[Monde,
Mirata enimvero est Minerva, cur ita
Infructuosas legere voluissent, quibus
Tantum ad manum esset fructuosarum
[arborum.
Choisit le Pin ; Apollon le Laurier ;
Hercule prit le Peuplier.
Minerve s’étonna que des Arbres steriles
Eussent des Dieux l’heureux choix
[merité,
Qui sur de beaux Arbres fertiles,
Avec plus de raison se seroit arrêté ;

54À part quelques aménagements habituels pour la lisibilité immédiate (« Neptune », pour expliciter la périphrase « humidi tridentifer Rector sali », mais enrichi et compensé par la relative périphrastique « dont les bras environnent le Monde » qui rend l’effet initial), Perrault opère plutôt dans le sens de la sobriété, avec la suppression d’adjectifs, comme « supremus » et « excelsam » ; Vénus est annoncée par la périphrase « la fille de l’Onde », ce qui permet d’arrondir le vers. Sans trahir les exigences de la métrique, le traducteur joue donc le jeu de la « brièveté » célébrée dans l’épître et dans l’avertissement, et qui correspond bien à l’idéal de l’apologue, auquel La Fontaine s’était amusé à échapper avec ingéniosité, non sans y souscrire souvent avec malice. Si on songe aux nombreux débats qui avaient animé la petite Académie, vingt ans plus tôt, sur les mérites comparés du latin et du français, notamment en matière de densité et de sobriété quand il s’agissait d’inscriptions, on voit ici que Perrault a conservé un certain savoir faire en la matière. Il faudrait relire cette traduction ligne à ligne avec, à l’esprit, les réflexions d’un Charpentier ou d’un Desmarets de Saint-Sorlin sur la capacité de la langue française à prendre le relais du latin en matière poétique.

55Lorsqu’il est confronté au lyrisme religieux des frères Santeul, Perrault fait preuve du même souci d’équilibre, et il s’attache à rendre en français, avec la même ferveur, les élancements spirituels des poètes néo-latins. Que cette partie de l’œuvre soit restée en grande partie manuscrite ne doit pourtant pas étonner : dans le contexte du temps, tout moderne qu’il fût, Perrault ne pouvait pas imaginer qu’on fît parler l’hymnique chrétienne en français. Il faut donc sans doute considérer cette entreprise comme le laboratoire d’un authentique poète chrétien qui poursuit sa réflexion sur la langue française en la mettant à l’épreuve d’une poésie sacrée néo-latine dont, nous l’avons vu, il respecte pleinement les ambitions et dont il admire les réussites. P. Bonnefon, dans son précieux article de 1905, a mis en lumière cet intérêt méconnu de Charles Perrault ; entretemps, les travaux de Jacques Barchilon, qui ont rendu aux Pensées chrétiennes toute leur portée, ont confirmé que cet aspect de l’œuvre de Perrault était fondamental pour comprendre sa physionomie intellectuelle et son engagement « moderne [74] ».

56Les manuscrits de la Bibliothèque Mazarine que nous évoquions en commençant montrent l’attention et le travail de Charles Perrault, poète et traducteur. Les premiers essais, que nous donne à lire le manuscrit 3925, sont, à plusieurs reprises, surchargés de ratures, et l’on voit, au fil de la plume, la juste expression trouver sa voie, avec parfois deux ou trois versions successives pour un même vers. Les choix retenus sont fixés dans le recueil recopié au propre (manuscrit 3926, daté de 1690), orné d’un frontispice où Perrault a dessiné une série de médaillons, coloriés avec soin : tout manuscrit qu’il est, c’est bien un livre achevé qui est adressé au lecteur. Ici, nous sommes en présence du même parti pris que celui que nous avons rencontré à l’occasion de la traduction de Michel de L’Hospital. La priorité est donnée au lyrisme en langue française, fût-ce au prix d’une certaine liberté prise avec l’original. Dans ce contexte, le mot à mot n’aurait pas de sens, car c’est le sens spirituel que cherche à rendre le traducteur, le « dessein » de l’ensemble et des effets qu’il doit produire, comme l’avaient fait les auteurs de « Belles infidèles », une génération plus tôt [75]. Un exemple nous suffira ici. Il s’agit de la troisième hymne à saint Agnès ; le texte de Claude Santeul est le suivant [76] :

57

Quos mollis aetas invidet
Virtute compensat dies
Lethum quot annos eripit
Palmas tot addidit Martyri.

58Une première version (1), raturée, est encadrée d’un trait de plume, et un renvoi en bas de page propose une seconde version (2), avec des corrections et des ratures aussi décisives :

59

(1) Plus elle est jeune encor plus la constance est belle
[Pour les jours que ravit la mort trop diligente]
Et la mort où son cœur ne voit rien d’inhumain
[Le Ciel de dons remplit son sein]
Pour chaque an retranché d’une palme nouvelle
[Et pour chaque jour qu’elle oste une palme xxxx [illisible]]
Vient ombrager sa main.

60Ce qui devient en fin de compte :

61

(2) L’heroïque vertu dont elle est embellie
[Son age tendre encore rend sa vertu plus belle]
Luy tient lieu d’un plus long destin
[Et la mort entrant dans son sein]
La mort met pour chaque an qu’elle oste de sa vie
[Pour chaque an retranché, une palme nouvelle]
Une palme en sa main
[vient ombrager sa main]

62On voit ici combien l’elocutio française et le travail du vers sont premiers, quitte à s’éloigner nettement du latin. L’atelier du poète nous est ouvert à cette occasion, et on comprend, à cette lecture, que le travail de traduction est porté par des attentes bien plus complexes que celles d’une simple « version ». On peut supposer que l’élaboration du manuscrit 3933, qui contient des hymnes reçues par la tradition, comme nous l’avons vu, a donné un travail identique à Charles Perrault ; de fait, on y trouve des libertés analogues, même quand la lettre est suivie avec soin. L’unique publication imprimée de cette activité proprement poétique, l’Hymne à saint Nicolas de Jean-Baptiste Santeul (1689), est donc bien la partie émergée d’un large continent qui a représenté une part importante des travaux et de la réflexion de Charles en tant que traducteur.

63Au moment de conclure, il convient de souligner que, pour les trois frères Perrault, la traduction a bien été une préoccupation commune qui a associé une réflexion théorique, étroitement liée à leurs combats pour une modernité qui ne s’imposait pas d’elle-même, et des pratiques concrètes, qui prouvent leur souci de construire cette modernité pierre après pierre, avec la modestie d’artisans de la langue et le scrupule de grammairiens et d’annotateurs avertis et savants. Si ce pan de leur œuvre commune n’est pas le plus visible, ni le plus accessible au lecteur moderne, il est la preuve de leur communauté d’esprit, mais aussi l’indice de tout ce qu’ils ont partagé avec leurs contemporains : même si certains de ces contemporains, comme Boileau, Racine ou La Fontaine, ont été leurs adversaires dans la Querelle, ils ont, somme toute, pratiqué le même genre d’exercice, affronté les mêmes difficultés au contact le plus humble des mots et des textes. La pratique concrète de la langue, dont la traduction est une pierre de touche déterminante, a été le vrai champ où tous ces auteurs se sont affrontés, et sans doute celui où ils se sont le mieux reconnus et compris. Il est évident qu’une étude méthodique des ouvrages que les trois frères ont laissés dans ce domaine reste à entreprendre, et nous n’avons esquissé ici que quelques pistes. Nous espérons du moins que ce bref parcours suscitera des enquêtes plus approfondies qui, au-delà d’une meilleure connaissance de l’œuvre propre des Perrault, peuvent déboucher sur une interprétation plus nuancée des débats littéraires du « Grand Siècle ».


Date de mise en ligne : 19/09/2014

https://doi.org/10.3917/dss.143.0447

Notes

  • [1]
    Parallèle des Anciens et des Modernes en ce qui regarde l’Eloquence, t. II, Paris, J.-B. Coignard, 1690, p. 4 ; nous suivrons cette édition d’après le reprint publié et préfacé par H. R. Jauss (Munich, Eidos Verlag, 1964).
  • [2]
    Op. cit., p. 7 et surtout pp. 12-14 ; on se souvient que cette traduction de Lucien donna lieu à l’invention, par Gilles Ménage, de l’expression « belle infidèle » pour désigner ce genre de traduction où le mérite littéraire l’emporte sur la fidélité à l’original (voir, à ce sujet, Roger Zuber, Les Belles Infidèles et la formation du goût classique, Paris, A. Colin, 1968, pp. 195-196).
  • [3]
    Outre la thèse déjà citée, il convient de se reporter aussi au recueil d’essais que le même auteur a publié sous le titre Les Émerveillements de la raison. Classicismes littéraires du xviie siècle français, Paris, Klincksieck, 1997, notamment au chapitre sur « Création littéraire et théoriciens de la traduction », pp. 111-126 et celui sur « L’idée d’imitation », pp. 163-174.
  • [4]
    Revue d’Histoire littéraire de la France, 1901, 1, pp. 110-142.
  • [5]
    Sur le rapport entre burlesque et réflexion critique, on peut consulter désormais l’édition très éclairante des œuvres burlesques et des textes théoriques des frères Perrault due aux soins de Jean Leclerc et de Claudine Nédelec, parue sous le titre Le Burlesque selon les Perrault. Œuvres et critiques, Paris, Champion, 2013 : voir notamment l’« Introduction générale », p. 10, et l’étude conjointe de l’Énéide burlesque et des Murs de Troye qui constitue l’introduction à ces textes, en particulier les pp. 51-84.
  • [6]
    Charles Perrault, Recueil de divers ouvrages en prose et en vers, dédié à son altesse Monseigneur le Prince de Conti, Paris, J.-B. Coignard, 1675 (BNF : Z 4036), pp. 119-139.
  • [7]
    Hymne de Saint Nicolas, Paris, S. Langronne, 1689, in-8o (BNF : FB-19869), texte latin avec traduction française en regard.
  • [8]
    « Charles Perrault littérateur et académicien. L’opposition à Boileau », Revue d’histoire littéraire de la France, 1905, 4, pp. 549-610 : sur les hymnes, voir pp. 571-574.
  • [9]
    Mazarine, ms 3925 et 3926 ; voir Paul Bonnefon, art. cité, p. 571.
  • [10]
    Mazarine, ms 3933 ; voir Paul Bonnefon, art. cité, p. 573.
  • [11]
    Ibid. ; Bonnefon signale d’autres pièces du même ordre que l’on peut trouver dans divers manuscrits qu’il a repérés à la BNF ou dans des catalogues de vente.
  • [12]
    Charles Perrault, Les Hommes illustres. Avec leurs portraits au naturel, texte établi par D. J. Culpin, Tübingen, G. Narr Verlag, 2003 (Biblio 17, no 142), p. 292.
  • [13]
    Nous reprenons ici l’expression employée par Antoine Picon, dans l’essai introductif qu’il a placé en tête de la réédition des Mémoires de ma vie de Charles Perrault, publiés par Bonnefon en 1909 : « Un moderne paradoxal », Paris, Macula, 1993.
  • [14]
    Voir Paul Bonnefon, « Charles Perrault. Essai sur sa vie et ses ouvrages », Revue d’histoire littéraire de la France, 1904, 3, pp. 365-420, avec le rappel de la carrière de Pierre, pp. 370-372. Les circonstances de la disgrâce de Pierre sont rapportées en détail par Charles, dans ses Mémoires, éd. citée, pp. 217-223.
  • [15]
    Paris, Les Presses Modernes, 1930 ; voir la notice liminaire à l’édition du manuscrit de 1679, « Pierre Perrault. Sa vie et ses ouvrages », p. 13-69, et particulièrement les pp. 36-63 sur « le goût des lettres ». Sur Pierre Perrault critique littéraire, voir ici-même la contribution de J. Leclerc et Cl. Nédelec.
  • [16]
    On peut lire commodément ce texte dans le recueil de Jean Leclerc et Claudine Nédelec, op. cit., pp. 349-358 ; on y trouve aussi en annexe les deux premiers chants traduits par P. Perrault, p. 397-425 ; l’ouvrage a été publié chez G. de Luynes et J.-B. Coignard, à Paris, en 1678, en 2 vol. in 12o (BNF : Yd 2551 et 2552).
  • [17]
    Éd. citée, p. 349-350.
  • [18]
    Nous résumons ici la teneur des pp. 351-356.
  • [19]
    Op. cit., pp. 357-360.
  • [20]
    Op. cit., p. 360.
  • [21]
    Op. cit., p. 361.
  • [22]
    Ibid.
  • [23]
    Sur ces critères, voir les analyses de Roger Zuber, Les Belles infidèles…, op. cit., chap. III de la 3e partie, « L’art de la prose », pp. 334-376.
  • [24]
    Op. cit., p. 362.
  • [25]
    Op. cit., p. 363.
  • [26]
    « Un moderne paradoxal », op. cit., pp. 9-10.
  • [27]
    Voir, à ce sujet, l’étude déjà citée de Roger Zuber, « L’idée d’imitation », op. cit., pp. 172-174.
  • [28]
    Op. cit., p. 364.
  • [29]
    La Secchia Rapita, canto II, ottave 28-60 ; nous suivons l’édition d’Ottavio Besomi, Padoue, Antenore, 1990 (Medioevo e umansimo, 76).
  • [30]
    Éd. citée, p. 52.
  • [31]
    Op. cit., pp. 365-366.
  • [32]
    Sur le contexte de cette entreprise, voir Antoine Picon Claude Perrault ou la curiosité d’un classique, Paris, Picard/CNMHS/DAAVP, 1988, notamment p. 115-127.
  • [33]
    Antoine Picon, op. cit., p. 115.
  • [34]
    Antoine Picon, op. cit., p. 117 ; nous ne reviendrons pas ici sur le détail de l’ouvrage, traité par ailleurs dans ce volume.
  • [35]
    Une édition variorum de Vitruve, parue à Amsterdam en 1649, donnait un accès commode à certains de ces commentaires et annotations : M. Vitruvii Pollionis de Architectura libri decem, cum notis, castigationibus et observationibus Guilielmi Philandri integris, Danielis Barbari excerptis et Claudii Salmasii passim inserti, Amsterdam, Elzevier, 1649.
  • [36]
    Préface des Dix livres d’architecture de Vitruve, corrigez et traduits nouvellement en françois, avec des notes et des figures, Paris, J.-B. Coignard, 1673, non paginée, fol. i ro.
  • [37]
    Op. cit. fol i vo.
  • [38]
    Ibid.
  • [39]
    Ibid.
  • [40]
    Op. cit., fol i2 ro.
  • [41]
    Ibid.
  • [42]
    Ibid.
  • [43]
    Op. cit., fol o ro.
  • [44]
    Op. cit., fol o ro-vo.
  • [45]
    Op. cit., fol o vo.
  • [46]
    Op. cit., livre III, chap. II, p. 76, note ; cf. son ouvrage de 1683 sur l’Ordonnance des cinq espèces de colonnes selon la méthode des anciens (Paris, J.-B. Coignard).
  • [47]
    Antoine Picon, op. cit., p. 137, parle, à propos de ces suggestions glissées au fil de la traduction de Vitruve, d’une « pensée provocatrice » à l’égard des traditions architecturales qui prévalaient à cette époque.
  • [48]
    Comme l’attestent les Mémoires, dans le récit qu’il fait de ses études libérées du collège avec son ami Beaurain, op. cit., pp. 111-112 : « Nous lûmes Virgile, Horace, Corneille Tacite et la plupart des auteurs classiques, dont nous fîmes des extraits que j’ai encore. »
  • [49]
    Sur les traductions de Virgile au xviie siècle, on se reportera avec fruit aux analyses de Ludivine Goupillaud, De l’or de Virgile aux ors de Versailles, Genève, Droz, 2005, Première partie, chap. 1er, pp. 32-54.
  • [50]
    Parallèle, op. cit., t. II, pp. 5-6.
  • [51]
    Voir Roger Zuber, Les Belles infidèles…, op. cit., p. 54 ; cf. Marc Fumaroli, L’Âge de l’éloquence, Genève, Droz, 1980, p. 620.
  • [52]
    Op. cit., p. 7.
  • [53]
    Pierre Perrault, op. cit., p. 364 : « Quelque plaisir qu’il ayent à lire les Auteurs estrangers en leur langue originalle, ils en ont encore un plus grand à les lire dans la langue de leur païs, parce que quelques habiles qu’ils soient, en ces langues estrangeres, ils le sont davantage en la leur, laquelle ils entendent toûjours mieux que pas une autre » ; cf. Parallèle, op. cit., pp. 10-11.
  • [54]
    Nous résumons ici le propos de l’Abbé, op. cit., pp. 11-12.
  • [55]
    Op. cit., p. 13.
  • [56]
    Op. cit., p. 16.
  • [57]
    Op. cit., pp. 18-19.
  • [58]
    Op. cit., p. 27.
  • [59]
    Poëme de S. Prosper contre les Ingrats […] traduit du Latin en vers et en prose, Paris, Vve M. Durand, 1647 : Avant-Propos, non paginé, fol. e1vo : « J’ay creu qu’il seroit advantageux pour la gloire de la verité, de mettre en vers une matiere si sainte & si importante. Car s’il y avoit quelque faute en cecy, ce grand Saint Auteur de ce Poëme auroit esté le premier coupable : puis que c’est luy qui […] a jugé qu’il devoit, à l’imitation de David, dissiper ses [du démon] enchantemens, & le chasser des ames des fidelles par le son de la lyre, & par l’harmonie de ses divines chansons. » Roger Zuber, Belles infidèles…, pp. 126-127, attire l’attention sur ce texte qui montre, à la fin des années 1640, un renouveau de la traduction en vers.
  • [60]
    Roger Zuber, op. cit., p. 127, rapproche la traduction de Sacy de l’entreprise de Perrin, qui propose son Énéide en vers l’année suivante (1648) ; sur cette traduction, voir Ludivine Goupillaud, op. cit., pp. 38-41.
  • [61]
    Jean Leclerc et Claudine Nédélec, op cit., p. 52, attirent l’attention sur l’influence probable de la traduction de Perrin sur l’entreprise des trois frères en 1649.
  • [62]
    Antoine Le Maistre de Sacy, Poëme de S. Prosper, op. cit., fol. ã4 ro-vo.
  • [63]
    Pierre Perrin, L’Énéide de Virgile fidellement traduite en vers heroïques, Paris, Loyson, 1664 (2e édition), Première partie, « Avant propos », fol. 1vo ; pour un commentaire de ce passage, voir Ludivine Goupillaud, op. cit., p. 39.
  • [64]
    Cf. supra, note 6.
  • [65]
    Discours au Roy, contenant une brefve et salutaire instruction pour bien et heureusement régner, accommodée à ce qui est plus nécessaire aux mœurs de nostre temps, escript premièrement en vers latins… et présenté au roy François II, peu après son sacre, par messire Michel de L’Hospital,… et depuis mis en vers françois, par feu Joachim Du Bellay, Paris, F. Morel, 1566.
  • [66]
    Nous suivons le texte latin de l’édition des Œuvres complètes de Michel L’Hospital, Paris, A. Boulland, 1825, t. III : l’épître, qui ouvre le livre V, se trouve aux pp. 353-366, ici, p. 353 ; une traduction en prose du xixe siècle donne ceci : « Le jeune prince a reçu l’onction céleste sur l’autel de la Vierge Marie : prions Dieu pour verser sur lui ses bénédictions, et de lui accorder des jours aussi longs qu’à Tithon ou Nestor. Qu’il apprenne à régner par des maîtres plus habiles que n’en eurent jamais les rois dans aucun siècle, plus habiles que n’en choisit la mère d’Achille pour élever son fils » (Poésies complètes de Michel de L’Hospital, Paris, Hachette, 1857, pp. 256-257).
  • [67]
    Marc Fumaroli, « Les Fables et la tradition humaniste de l’apologue ésopique », en tête des Fables de La Fontaine, « La Pochothèque », Paris, Le Livre de Poche, 1995, pp. lxxxix-xc.
  • [68]
    Nous suivons l’édition de cette traduction que donne le Recueil de Lettres choisies de MM. de l’Académie françoise, Paris, 1708, pp. 302-303.
  • [69]
    À ce sujet, voir notre ouvrage, L’Esthétique de La Fontaine, Paris, SEDES, 1996, pp. 113-116.
  • [70]
    Charles Perrault, op. cit., pp. 387-388.
  • [71]
    Op. cit., p. 390 : Perrault évoque les élèves nobles de Dangeau, et il explique qu’il a achevé cette traduction en vue de servir à leur instruction morale.
  • [72]
    Voir le « Tableau chronologique » placé en tête de l’édition des Œuvres diverses de La Fontaine, par P. Clarac, Paris, Gallimard (« Bibliothèque de la Pléiade »), 1958, p. xxxix ; les enjeux académiques peuvent expliquer les liens entre Perrault et Dangeau ; de plus, ce qui pouvait rapprocher les deux hommes était leur intérêt pour la grammaire et la modernisation de la langue française.
  • [73]
    Sur la complexité des positions de La Fontaine en la matière, voir notre article : « Fable et science de l’homme : la paradoxale paideia d’un moderne » [in] La Fontaine 1695-1995, Colloque du Tricentenaire, Le Fablier, 8, 1996, pp. 103-109.
  • [74]
    Voir son édition des Pensées chrétiennes de Charles Perrault, Paris-Seattle-Tübingen, PFSCL (Biblio 17, no 34), 1987.
  • [75]
    Sur cette conception de « l’idée », à l’œuvre à la fois dans la traduction et dans l’imitation, voir Roger Zuber, Les Émerveillements…, op. cit., pp. 135-136 et pp. 169-172.
  • [76]
    Mazarine, ms. 3925, p. 29 : cette version sera reprise à la lettre près dans le ms. 3926, p. 30.

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