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Article de revue

Comptes rendus

Pages 557 à 561

Florence de Caigny, Sénèque le Tragique en France (xvie-xviie siècles), Paris, Classiques Garnier, coll. Bibliothèque de la Renaissance, 3, 2011, 1 vol., 1122 p

1Il fallait plus de mille pages pour réaliser une étude minutieuse de l’histoire d’une esthétique tragique au long de deux siècles. La lecture de la table des matières suscite pourtant une interrogation : comment justifier le choix des pièces retenues ? Pour comprendre la spécificité de cette enquête, il faut revenir non à la page de titre, mais au sous-titre : « imitation, traduction, adaptation ». F. de Caigny privilégie les pièces dont les intrigues reprennent le sujet d’une tragédie de Sénèque. Ainsi son volume, qui aurait pu pâtir d’une inévitable dispersion, gagne au contraire en unité et en cohérence.

2La première partie de l’étude est consacrée à la spécificité de l’influence sénéquienne dans les années 1550 à 1610.

3Le modèle des tragédies de Sénèque s’imposait dans les années 1550 pour qui voulait distinguer la tragédie de la moralité, si spécifique de l’esthétique médiévale. Le choix de Sénèque, transmis notamment par les collèges, s’imposait en raison du dessein d’édification qu’on se plaisait à trouver dans les tragédies du philosophe latin. Après des pages de contextualisation historique et littéraire, F. de Caigny étudie comment la renaissance de la tragédie s’inscrit dans une entreprise d’enrichissement et d’illustration de la langue française. Situant les traductions ou adaptations de Sénèque dans le cadre des débats sur le statut de la traduction au xvie siècle, elle revient sur l’hésitation entre « traduction » et « imitation » et dessine une évolution esthétique très nette entre l’Agamemnon de Toutain (1556), l’Agamemnon de Le Duchat (1561), la Médée de La Péruse (1556) pour laquelle on doit parler de renouvellement du modèle de Sénèque, et trois tragédies de Garnier. Progressivement les sources s’entrecroisent : un double travail - d’imitation libre et d’imitation attachée - permet à Garnier d’atteindre à son tour le statut de modèle. F. de Caigny poursuit alors son enquête avec la Clytemnestre de Pierre Matthieu.

4S’attachant à la structure des intrigues, F. de Caigny montre ainsi comment les caractéristiques principales d’une intrigue sénéquienne (personnage protatique, annonce du dénouement, scènes d’agôn, importance des récits, musicalité du chœur, etc.) sont fidèlement imitées, par Toutain ou Le Duchat, mais aussi par La Péruse. Cette imitation se nourrit parallèlement d’autres influences (théâtre grec) et d’innovations personnelles. La tragédie se présente ainsi telle un laboratoire d’écriture en recherche constante de renouvellement esthétique. Le lecteur apprécie particulièrement les pages consacrées aux chœurs avec l’analyse précise de vers remarquables par leur musicalité ou les échos suggérés entre les images. Après cette analyse de la puissance de l’elocutio, F. de Caigny montre combien l’inuentio et la dispositio sont au cœur des préoccupations des poètes tragiques contemporains de Jean de La Taille pour renouveler l’esthétique de la tragédie et dynamiser l’action de celle-ci. Pour cela, elle prend l’exemple de la vengeance comme moteur tragique dans les pièces de Matthieu et de Garnier, en se situant dans le prolongement des analyses d’E. Forsyth. F. de Caigny insiste sur les limites de cet effort de « dynamisation » en constatant le poids récurrent d’un certain « statisme » dans la construction de l’intrigue. Pour compenser le « statisme » des intrigues sénéquiennes, les auteurs de la fin du xvie siècle recourent à des procédés d’écriture ; F. de Caigny explore ainsi le lyrisme des vers, la théâtralité des dialogues, le recours au registre épique, la surenchère dans l’horreur et la dimension certes musicale mais surtout éthique des chœurs dans les pièces de Garnier, Brisset et Regnault.

5Le troisième et dernier chapitre de la première partie, consacré au statut des personnages sénéquiens entre 1550 et 1610, s’inscrit dans le prolongement des travaux de Florence Dupont sur les liens entre dolor, furor et nefas dans la tragédie sénéquienne, et la « métamorphose » du personnage en monstre. Tout en rappelant la malédiction héréditaire qui pèse sur les personnages, F. de Caigny insiste sur l’embarras des poètes tragiques de la fin du xvie siècle, de culture chrétienne, devant la puissance absolue du fatum antique. Plusieurs poètes essaient alors de prendre leurs distances avec ce qui pourrait apparaître comme un argument en faveur de la prédestination. Parallèlement, on s’efforce de montrer une divinité non plus seulement implacable, mais juste ; la figure et le statut du roi deviennent également un enjeu de la représentation théâtrale des pouvoirs à travers la tragédie.

6La deuxième partie du livre est consacrée aux « premières contestations d’un modèle installé (1610-1645) ».

7Les années 1610 accordent une place plus grande encore à l’inuentio à une époque où la tragédie subit la concurrence de la pastorale et de la tragi-comédie. Par ailleurs un goût prononcé pour le macabre sénéquien ne cesse de s’accentuer. La récurrence dans les pièces de l’époque de scènes de magie ou de sorcellerie participe de cette attirance pour un spectaculaire reposant sur l’effroi. F. de Caigny offre une étude de l’esthétique tragique des deux pièces de Jean Prévost, Hercule (1613) et Œdipe (1614), accompagnée d’un parallèle avec l’esthétique de la pièce Hercule de Mainfray (1616). Ces trois pièces constituent par leurs innovations une transition vers un théâtre plus détaché de son illustre modèle. La volonté de Jean Prévost de dynamiser l’action passe ainsi par l’invention d’un certain nombre de vers, la vivacité des dialogues, une moindre importance consacrée à l’épique, la recherche d’une expressivité encore plus grande du lyrisme, etc. Par ailleurs, la « christianisation » de Sénèque mais aussi d’Aristote permet de mettre en lumière la magnanimité des héros guidés par la vertu. F. de Caigny souligne l’influence du jésuite Tarquinio Galluzzi et renvoie aux travaux fondateurs de Marc Fumaroli. Nous renvoyons également aux études fondamentales de Bruna Filippi sur le théâtre composé dans le cadre du Collegio Romano.

8Le chapitre suivant explore les années 1634-1635 qui font suite à un désintérêt marqué pour la tragédie. Le modèle sénéquien est ainsi en partie remis en cause, notamment le goût trop prononcé pour la sentence et pour un dessein trop édifiant. L’organisation de l’intrigue est renouvelée : on accorde le primat à l’action sur la narration ; les auteurs pratiquent moins l’amplification que la contamination des sources et la suppression de certaines scènes ou des chœurs. D’autres tonalités littéraires, comme la galanterie telle qu’elle est exprimée dans la pastorale, sont convoquées dans la tragédie pour répondre à l’attente du public. F. de Caigny procède ainsi à une analyse détaillée de la réécriture de certaines pièces par Corneille (Médée), Rotrou (Hercule mourant) et La Pinelière (Hippolyte) en insistant sur le traitement des unités par chacun des poètes tragiques.

9Le succès obtenu par les pièces précédemment citées redonne à la tragédie une place importante dans la production théâtrale des années suivantes. La Marianne de Tristan l’Hermite de même que la « Querelle du Cid » placent l’étude des caractères au centre de l’activité théâtrale. F. de Caigny insiste sur l’importance de la Poétique de La Mesnardière : la source sénéquienne, désormais moins assumée, sert à nourrir des intrigues centrées sur l’expression des passions. F. de Caigny procède à l’étude des pièces de L’Héritier de Nouvelon, Rotrou, Sallebray, Monléon et Arnauld. Si les personnages secondaires, comme les confidents et les courtisans, gagnent en profondeur et en autonomie par rapport au modèle sénéquien, les passions continuent de dominer les héros.

10La troisième et dernière partie de l’ouvrage est consacrée à la réhabilitation puis à l’effacement de Sénèque dans la seconde moitié du siècle.

11Durant les années 1645-1660, on assiste à un regain d’intérêt pour la traduction des tragédies de Sénèque. Cet intérêt est a priori paradoxal puisque, au même moment, les poètes tragiques s’éloignent de l’esthétique sombre de Sénèque pour privilégier un « héroïsme tendre » dans un contexte où le néo-stoïcisme n’est plus la pensée philosophique dominante. La Pratique du Théâtre de l’abbé d’Aubignac accorde même un intérêt tout relatif à Sénèque. Les traductions de Linage, de Marolle ou de L. B. se présentent alors comme une entreprise de réhabilitation. Les tragédies ne sont plus appréciées en fonction du goût du public du xviie siècle, mais situées dans leur contexte d’écriture.

12Le théâtre de Sénèque est réhabilité, mais au prix d’une nécessaire adaptation dans le but de plaire au public : les uns plaident pour l’intrusion de la galanterie et du romanesque dans l’univers tragique, les autres pour un retour à la représentation de la violence des passions. Le traitement des mythes de Phèdre et d’Œdipe est révélateur des divergences entre les auteurs, entre 1645 et 1677. F. de Caigny étudie notamment l’influence de Sénèque sur l’inspiration de Corneille, puis de Racine. Elle porte ensuite son regard sur les pièces de Pradon et de Longepierre pour dégager la spécificité des emprunts, mais aussi les raisons de la disparition de certains personnages et de la suppression de certaines scènes : la dette envers Sénèque devient de plus en plus mince. Si les titres traduisent un emprunt, les intrigues sont profondément modifiées. Les mythes sont ainsi revisités et renouvelés de manière à nourrir l’intérêt du public grâce à l’entrecroisement des intrigues politiques et amoureuses.

13Le dernier chapitre insiste sur la distance prise avec le modèle de Sénèque pour la construction des personnages entre 1645 et 1697. On assiste à la composition de « tragédies à la française » qui deviennent elles-mêmes modèles. La place de l’amour galant dans l’intrigue renouvelle la conception du héros. Les deux personnages qui symbolisent cette métamorphose du héros sont Hippolyte dans la pièce de Gilbert et Thésée dans celle de Corneille. F. de Caigny mène une étude comparée des héros de Gilbert, Bidar, Pradon, Corneille et Racine avant de conclure en donnant une synthèse de son étude diachronique de la réception des pièces de Sénèque.

14Les 35 pages de la bibliographie sont très denses. Il faudrait ajouter l’édition des tragédies de Sénèque par Otto Zwierlein : L. Annaei Senecae Tragoediae, Oxford University Press, 1986 ; pour l’histoire de la tragédie, il existe une synthèse très précise sous la direction de Gianni Guastella : Le rinascite della tragedia: origini classiche e tradizioni europee, Roma, Carocci, 2006 (avec un chapitre de Giacomo Cardinali sur la renaissance de la tragédie en France, p. 243-286) ; pour le théâtre du xvie siècle, nous renvoyons à l’article de Charles Mazouer, « Ce que tragédie et tragique veulent dire dans les écrits théoriques du xvie siècle », RHLF 1 (2009), p. 71-84.

15L’enquête menée était particulièrement ardue. Il fallait choisir comme corpus toute la production théâtrale empruntant un titre à Sénèque et distinguer les moindres fluctuations par rapport au modèle consacré. Ce livre, autant par sa perspective générale que par les études minutieuses consacrées à chaque pièce, est destiné à devenir un « classique », que tout chercheur dans le domaine du théâtre des xvie et xviie siècles lira avec profit.

16Jean-Frédéric Chevalier

François Lecercle, Le Retour du mort. Débats sur la sorcière d’Endor et l’apparition de Samuel (xvie-xviiie siècle), Genève, Droz, Coll. Les Seuils de la Modernité n° 13, 2011, 504 p

17On sera peut-être surpris de lire, dès l’avant-propos, l’aveu de François Lecercle : ce livre sur l’apparition de Samuel au roi Saül dans l’antre de la sorcière d’Endor serait la « réponse tardive » de l’auteur à une expérience adolescente de contact avec un spectre. Cet aveu situe pourtant d’emblée l’enjeu de l’enquête : ce lieu biblique est celui où toute une tradition exégétique a débattu sur l’existence des revenants et les pratiques nécromantiques.

18Le champ ainsi couvert est extrêmement vaste et sort largement des sentiers battus, puisqu’il s’étend de l’exégèse rabbinique et patristique jusqu’au traité d’un encyclopédiste sur la ventriloquie, en passant par une abondante moisson de traités de démonologie : ce n’est pas le moindre mérite de l’ouvrage que de donner au lecteur accès à des textes dont la rareté est souvent loin d’être synonyme de manque d’intérêt. Le parcours s’organise en sept chapitres et quatre étapes principales : à une présentation du texte biblique (chap. I) et de ses interprétations antiques et médiévales (ch. III) succède un diptyque sur la cristallisation, entre les xvie et xviie siècles, d’une opposition entre l’interprétation protestante de l’épisode, défendant l’hypothèse d’une tromperie diabolique (chap. III), et l’interprétation catholique, exposée notamment par le cardinal Bellarmin, qui affirme au contraire que le récit biblique raconte la véritable apparition de l’esprit de Samuel (chap. IV) : l’enjeu de la controverse est alors de « statuer sur la possibilité d’un contact avec les morts » (p. 442). Mais cette ligne de partage apparemment claire se voit brouillée par le fait que l’épisode devient aussi, à partir du xvie siècle, « une pièce à conviction dans les débats sur la sorcellerie » (p. 443) : aux démonologues de tous bords qui lisent l’épisode comme une caution biblique apportée à la réalité des pratiques qu’ils combattent vont bientôt s’opposer des esprits forts partisans de l’hypothèse d’une ruse de la pythonisse qui aurait trompé Saül par ses artifices. Cette hypothèse de la ruse et les polémiques qu’elle suscite sont étudiées aux chapitres V et VI, essentiellement dans le domaine anglais, de la fin du xvie siècle (Reginald Scot) à la fin du xviie. Enfin, un dernier chapitre (chap. VII) évoque les conséquences que le développement de l’hypothèse de la ruse aura au xviiie siècle, cette fois principalement dans le domaine français : la ligne de fracture passe désormais entre les « réalistes » qui s’arc-boutent sur l’explication surnaturelle sans plus trop se focaliser sur son origine divine ou diabolique, et les « sceptiques » dont les positions se radicalisent, par exemple chez Voltaire, au point de transformer l’épisode en farce démontrant l’inanité des « faux mystères » bibliques qui abusent un « peuple crédule » (p. 445). À la fin du siècle, la pythonisse devient même l’ancêtre des illusionistes et prestidigitateurs qui multiplient leurs spectacles fantasmagoriques dans les capitales européennes, tandis que l’illusion dont Saül est victime ne tardera pas, sous la plume de certains psychiatres du siècle suivant, à être identifiée comme une pathologie hallucinatoire.

19Si l’étude présente un intérêt évident pour l’historien des religions, des mœurs ou des idées (notamment en raison des va-et-vient entre exégèse biblique et études de cas modernes d’apparition ou de possession, ainsi que de la mise en lumière de ce que F. Lecercle nomme le « réflexe clanique » qui surdétermine les prises de position au prisme des polémiques confessionnelles), il n’est peut-être pas inutile de souligner qu’elle est aussi susceptible de nourrir la théorie littéraire, dans la mesure où elle constitue un cas d’école de méthodologie herméneutique. Ceci vaut autant pour la manière dont l’enquête est conduite, en portant une attention exemplaire au détail des textes et des protocoles exégétiques, que pour les stratégies interprétatives qu’adoptent les nombreux auteurs évoqués. L’une des questions posées par l’épisode d’Endor consiste en effet à déterminer comment il convient de lire ou de ne pas lire ce livre paradigmatique qu’est la Bible : la cartographie des divers modes de lecture de l’épisode que dresse F. Lecercle pourrait alors revêtir une portée qui dépasse le cas d’espèce pour nous dire quelque chose de plus général sur les problèmes posés par l’acte herméneutique.

20Faut-il, pour commencer, chercher à établir une « vérité du texte » qui soit intangible, ou bien est-il possible d’hésiter entre deux lectures (comme le font par exemple Augustin ou Thomas), de suspendre son jugement, voire de postuler que l’obscurité du Livre est insondable pour les lumières humaines ? Si l’on cherche pourtant à sonder les obscurités du récit, comment convient-il de procéder ? Est-il légitime, comme le font les tenants de l’intervention diabolique puis ceux de la ruse, de supposer que la vérité révélée peut s’exprimer au moyen d’un discours complexe, dont le décryptage nécessite le recours à un appareil critique très élaboré, relevant de ce qu’on appellerait aujourd’hui la sémiotique ou la narratologie, si l’on veut déjouer les pièges de la lecture littérale ? Une fois le loup de la critique littéraire introduit dans la bergerie biblique, doit-on combler les silences du Livre en reconstituant la scénographie implicite de l’épisode, comme le fait par exemple John Webster (p. 326-328), qui découvre les coulisses vétéro-testamentaires afin de démasquer les mécanismes de l’artifice ? Peut-on, comme Bekker (p. 353-354), déduire des ellipses de la Bible qu’il ne se passe rien à Endor, si ce n’est une illusion, ou tirer argument de ce qui apparaît comme incohérent pour affirmer que l’absence d’évidence biblique est ici un symptôme de la ruse, et que « le récit (…) est un piège qui se dénonce subtilement pour éviter au lecteur d’en être aussi dupe que le héros » (p. 378, à propos de Coward) ? Est-on fondé à aller jusqu’à faire de cette incohérence, sédimentée à travers des siècles d’exégèses contradictoires, la manifestation emblématique de l’ineptie fabuleuse du texte biblique, telle que lui donne forme le « non-spectacle dérisoire, à mi-chemin entre Jarry et Beckett » (p. 395) offert par l’épisode d’Endor dans le Saül de Voltaire ? Faut-il, au contraire, dénoncer ces raffinements comme une offuscation et préserver la lecture littérale et objective comme seule compatible avec le statut théologique du Livre ? Ne risque-t-on pas alors de sombrer dans les outrances de l’abbé Fiard, qui fait de la sophistication exégétique elle-même l’arme du démon ? Autrement dit, le principe d’économie herméneutique doit-il se rapporter d’abord au texte lui-même (auquel cas on privilégie la lecture littérale et l’hypothèse de l’apparition vraie), ou bien plutôt aux phénomènes dont le texte est témoin (auquel cas on privilégie la lecture sophistiquée et, selon qu’on est démonologue ou esprit fort, l’hypothèse démoniaque ou celle de l’imposture de la pythonisse) ?

21Cet enjeu herméneutique apparaît avec une particulière netteté dans l’analyse de certains des exemples évoqués dans le dernier chapitre (les fantasmagories de l’entrepreneur de spectacle Robertson, les Essais d’Elia de Charles Lamb) : l’épisode d’Endor est par excellence propre à susciter une hésitation entre explications rationnelles et croyance au surnaturel, entre la posture critique de celui qui cherche à lire entre les lignes et la tendance de l’enfant qui sommeille en nous à accréditer ce que dit le texte, quitte à se faire l’avocat d’une willing suspension of disbelief qui, en l’espèce, brouille la frontière entre foi religieuse et adhésion à une fiction littéraire. Ce constat amène F. Lecercle à proposer un rapprochement avec le mécanisme bien connu de la fiction fantastique, qui naît justement au tournant des xviiie et xixe siècles : « En ravivant les frissons de l’enfance, l’épisode d’Endor devient une annexe de la fiction gothique » (p. 447). C’est assez dire que, par les voies détournées de l’exploration d’un labyrinthe exégétique, F. Lecercle retrouve l’intuition de Borgès décrivant un monde – le nôtre ? – où la théologie est devenue « une variété de la littérature fantastique » (selon la paraphrase de R. Caillois dans sa préface à L’aleph).

22Guillaume Navaud


Date de mise en ligne : 27/08/2012

https://doi.org/10.3917/dss.123.0557

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