Notes
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[1]
Il fut toutefois impossible de procéder au lancement du navire au moment prévu en raison d’une marée trop forte et Charles dut laisser ce soin à Sir Robert Mansell qui procéda au lancement le jour suivant. Nos remerciements à Frank Fox pour cette information.
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[2]
Richard Endsor, The Restoration Warship: The design, Construction and Career of a Third Rate of Charles II’s Navy, 2009, p. 84-85.
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[3]
Une description particulièrement perspicace de l’arsenal de Deptford à la fin du xviie siècle a été récemment publiée par Sam Wills The Admiral of Benbow: The Life and Times of a Naval Legend, 2010, p. 124-134.
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[4]
Bien que cet arsenal ait été reconstruit à plusieurs reprises, le terrain initialement occupé par l’arsenal des Stuart est encore aujourd’hui le cœur des Chantiers navals de Chatham : aucune construction de cette époque n’a survécu à l’exception des caves à vin de la maison du commissionnaire.
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[5]
J. D. Davies, Pepys’s Navy: Ships, Men and Warfare, 1649-1689, 2008, p. 59.
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[6]
On peut avancer aussi que l’une des préoccupations majeures sur le plan politique, économique et stratégique était l’importance grandissante du commerce transatlantique tant pour le gouvernement que pour les investisseurs privés, commerce qui dut être protégé par des bâtiments de guerre opérant à partir de Plymouth et Portsmouth. Voir inter alia N. Zahedieh, « Economy », The British Atlantic world 1500-1800, éd. D’Armitage and M. J. Braddick (2de édition, Basingstoke 2009), p. 53-70.
-
[7]
Ray Riley, Portsmouth: Ships, Dockyards and Town (Stroud, 2002), p. 9-10.
-
[8]
J. D. Davies, Pepy’s Navy, p. 193-195.
-
[9]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 184-185.
-
[10]
N. A. M. Rodger, The Safeguard of the Sea: A Naval History of Britain, t. 1, p. 364-378, (1997).
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[11]
Michael Oppenheim, A History of the Administration of the Roayl navy, 1509-1660, (éd. 1988), p. 210.
-
[12]
Michael Oppenheim, « The Royal Dockyards » The Victoria Hictory of Kent (1908), II, 365; D. C. Coleman, « Naval Dockyards under the Later Stuarts », Economic History Review, second series, 6 (1935), 139n.
-
[13]
J. D. Davies, « The Secret Treaty of Dover, 1670, and the project for New Royal Dockyards », Transactions of the Naval Dockyards Society, éd. Ray Riley, VII (forthcoming, 2011).
-
[14]
J. D. Davies, Pepy’s Navy, p. 180.
-
[15]
The Diary of Samuel Pepys, 7 June 1663. Deptford also had the first purpose-built mast dock, dug in 1664-1666.
-
[16]
J. D. Davies, « Pepys and the Admiralty Commission of 1679-84 », Historical Research, 62 (1989), p. 47-48.
-
[17]
Nos sources sont ici sont les rapports présentés par Castle au député secrétaire d’État Joseph Williamson. Archives Nationales, Londres, sp 78/125, f. 26, 44, 57-62, 73-74.
-
[18]
Ann Veronica Coats, « A Radically Different Bureaucracy: Dockyard Administration in the Late Seventeenth Century » New Interpretations in Naval History, éd. W.B. Cogar (Annapolis, 1995), p. 70-73.
-
[19]
R. Winfield, British Warships in the Age of Sail, 1603-1714, (2009), p. 30.
-
[20]
Les travaux les plus récents sur l’œuvre de Dummer sont ceux de Celina Fox, « The Ingenious Mr Dummer: Rationalising the Royal Navy in Late Seventeeth Century England », eblj (Electronic British Library Journal), 2007 http:www.bl.uk/eblj/2007articles/article 10.htlm.
-
[21]
Jonathan Caod, « The Developpement and Organisation of Plymouth Dockyard, 1689-1815 », The New Maritime History of Devon, i (1992), p. 192-195.
-
[22]
Edmund Dummer’s, « Account of the General Progress and Advancement of His Majesty’s New Dock and Yard at Plymouth », December 1694’, ed. M Duffy, The Naval Miscellany, vi (Navy Records Society, vol. 146, 2003), p. 93-147.
-
[23]
Andrew Saunders, Fortress Builder: Bernard de Gomme, Charles II’s Military Engineer (Exeter, 2004), p. 106-129.
-
[24]
Saunders, Fortress Builder, p. 133-213.
-
[25]
Bernard Capp, Cromwell’s Navy : The Fleet and the English Revolution 1648-60 (Oxford, 1989), p. 4-6.
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[26]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 68.
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[27]
La mise en chantier du premier de ces « trente vaisseaux », le Lenox, a été récemment étudiée en détails par Richard Endsor dans son ouvrage The Restoration Warship, 2009. Avec une excellente analyse tant de la conception même du navire, que de la phase de construction, et de la carrière d’un vaisseau de guerre britannique de cette époque.
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[28]
Bodleian Library, Oxford, ms Rawlinson C429.
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[29]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 189.
-
[30]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 190.
-
[31]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 190-192.
1Au tout début du XVIIe siècle, il y avait en Angleterre quatre arsenaux royaux qui tous avaient été créés sous la monarchie des Tudor au siècle précédent : Deptford, Woolwich, Chatham et Portsmouth.
Deptford et Woolwich
2Les deux plus anciens, Deptford et Woolwich, fondés au début du règne d’Henry VIII, étaient à beaucoup d’égards les arsenaux les plus importants et les plus prestigieux. Leur situation géographique – tous deux étaient proches de Londres et implantés sur les rives de la Tamise – facilitait grandement leurs approvisionnements de quelque nature qu’ils fussent. Les canons et la poudre pouvaient ainsi être rapidement amenés par bateaux depuis l’arsenal royal de la tour de Londres. Les affluents de la Tamise, tels que le Ware et la Lea, étaient des moyens de communication très commodes avec l’Essex, le Suffolk entre autres comtés, riches en bois de construction et proches de Londres. Et s’il fallait soudainement accroître la puissance de travail des arsenaux, que ce soit en raison d’une entrée en guerre ou pour de grands projets de construction (ou de reconstruction), il était facile de recruter le nombre d’ouvriers nécessaires à Londres et dans ses environs. Un tel regroupement des arsenaux royaux sur la Tamise était par ailleurs logique du point de vue militaire, la défense du plus grand port du pays se trouvant ainsi assurée. Et, dernier atout, ces deux arsenaux étaient de la plus grande commodité pour la famille royale : Deptford se trouvait littéralement à un jet de pierre du palais de Greenwich (où Henri VIII était né) et tout au long du siècle, les monarques purent assister au lancement d’un navire dans l’un ou l’autre des arsenaux tout en étant de retour à Whitehall le soir même. C’est ainsi qu’Henry, prince Galles, assista au lancement du Prince à Woolwich en 1610, Charles Ier à celui du Sovereign en 1637 [1], et Charles II fit procéder en sa présence à plusieurs lancements, tant à Deptford qu’à Woolwich, accompagné parfois de la reine ou de sa maîtresse du moment (la duchesse de Portsmouth assista au lancement du Lenox en 1677 [2]).
Pour autant cet emplacement n’était pas sans présenter des inconvénients. La Tamise était à l’époque la voie fluviale par excellence et le trafic y était intense : il aurait donc été peu réaliste de mettre en chantier plusieurs navires simultanément sur chacun des deux sites. Et bien que ces arsenaux aient été capables de construire les plus gros navires de l’époque, le manque de profondeur du chenal et les difficultés de navigation sur la Tamise rendaient absolument impossible le retour à l’arsenal des bâtiments armés et gréés pour le service [3]. Woolwich était de loin l’arsenal le plus malcommode : il occupait une étroite bande de terrain juste à l’aplomb d’une falaise de craie, et se retrouva littéralement coupé en deux lors du creusement de cales sèches au xviie siècle.
L’arsenal de Chatham
3Les inconvénients des arsenaux de la Tamise étaient, au moins en partie, dus à la croissance de l’arsenal de Chatham, établi sur « Gillingham Water » en 1547. Les eaux profondes, abritées et – jusqu’en 1667 tout au moins – sécurisées de la Medway offraient un vaste espace susceptible de recevoir au mouillage une grande partie de la flotte, y compris les bâtiments les plus grands. La rivière offrait en outre l’avantage d’une liaison directe avec les réserves de bois de construction du Weald (comté de Kent). En 1618, Chatham était alors et de loin l’arsenal le plus important des arsenaux royaux. Le chantier naval élisabéthain d’origine avait été relégué au rang de quai d’artillerie [4] lors de la construction d’un autre arsenal construit un peu plus au nord, beaucoup plus grand et pratiquement rectangulaire. Pour autant le site de Chatham présentait, lui aussi, certains défauts dont le plus important était de toute évidence qu’il se trouvait à onze miles de la mer. Le lit de la Medway était tortueux et imprévisible, avec vents et marées contraires il fallait parfois des journées entières, voire jusqu’à trois semaines à un bâtiment soit pour rejoindre le chantier naval soit pour gagner la mer. Pour remédier à cet inconvénient majeur, des systèmes de plus en plus ingénieux de remorquage furent élaborés tout au long du siècle, y compris ces « roues à aube » (paddler), actionnées par des chevaux [5]. Et tout au long du siècle le problème de l’envasement (dû principalement à l’étroitesse de Rochester Bridge) ne fit que croître, avec, en corollaire, l’élaboration de toute une série de moyens techniques destinés à draguer le lit de la rivière. Il y était aussi plus difficile de recruter de la main-d’œuvre car l’arrière-pays était relativement limité et les charpentiers de la Tamise envoyés à Chatham y étaient accueillis avec méfiance, comme des « étrangers ».
Portsmouth
4Le quatrième arsenal, Portsmouth, était unique sous plusieurs aspects. C’était le seul des arsenaux royaux qui ne se trouvait pas dans les environs immédiats de la Tamise et de ce fait son développement pâtit de l’éloignement de la capitale et des approvisionnements essentiels dont les autres arsenaux disposaient. L’éloignement du trafic fluvial et le manque d’infrastructures spécialisées dans la construction navale firent que le problème de la main-d’œuvre se posait de façon aiguë et récurrente lors de tout conflit armé.
5Pour autant le port de Portsmouth, vaste et facilement défendable, avec les sites de mouillages tout proches de Solent et de la baie de Sainte-Hélène, avait depuis le Moyen Âge attiré l’attention des monarques anglais, surtout pour les commodités qu’offrait cette baie lorsqu’il fallait assembler les flottes embarquant les troupes d’invasion vers la France ! La première cale sèche y fut certes creusée en 1497, mais ce ne fut en quelque sorte qu’un faux départ pour l’arsenal qui, au début du xviie siècle, souffrait terriblement de son éloignement des autres chantiers navals. La cale sèche d’Henri VII fut endommagée (et inondée) par la mer en 1623 et il fallut attendre les années 1950 pour que soit prise la décision d’en creuser une autre. Ce fut une véritable renaissance pour la ville, due peut-être au fait que la ville avait clairement affiché sa loyauté envers le Parlement durant les années de guerre civile, que Charles II avait des liens personnels avec la ville et connaissait bien les avantages naturels de son port (il y avait épousé Catherine de Bragance en 1662). Portsmouth profita également des changements dans l’orientation de la politique étrangère de l’Angleterre : de la période antiespagnole (1560-1630) l’on passa à une politique antihollandaise (1650-1680) pour arriver à la période antifrançaise à partir de 1689 : la double nécessité de juguler la puissance économique des Hollandais (la liberté de navigation dans la Manche en dépendait) d’une part, et de disposer d’une base navale qui permettait tout autant d’organiser une invasion de la France que de se protéger d’une invasion française d’autre part, remirent Portsmouth sur le devant des préoccupations stratégiques [6]. Une nouvelle cale sèche fut alors creusée en 1656, suivie par une corderie en 1663, et une nouvelle « maison du commissaire » en 1664. De 1658 et 1677 l’arsenal de Portsmouth tripla en taille [7].
Les arsenaux secondaires
6La configuration du littoral britannique aussi étendue que tourmentée fit que certains petits « ports secondaires » se développèrent tels Kinsale et Dublin qui furent utilisés comme base navale pour des opérations sur les côtes irlandaises : dans les années 1950, les vaisseaux en pouvaient radouber et refaire leurs provisions à Kinsale. Et de nombreux petits ports de province tels que Douvres Milford, Milford Haven, Hull, Leith offraient des possibilités de ravitaillement. Le plus important d’entre eux était Great Yarmouth : ce port, largement favorisé sous le gouvernement du Commonwealth devint la principale base navale pendant la courte période de la première guerre anglo-hollandaise. D’autres aménagements moins conséquents, comme la possibilité de faire de l’eau, étaient soigneusement entretenus partout où se trouvaient les points de mouillage utilisés par les vaisseaux opérant en mer du Nord, par exemple dans les baies de Southwold et Birdlington. De toutes les bases navales excentrées, la plus importante était bien sûr Portsmouth. Pourtant, en raison de son rôle stratégique durant la campagne de l’Armada en 1588, puis de sa croissance spectaculaire jusqu’à devenir un véritable arsenal royal, l’importance de cet arsenal en ce qui concerne le xviie siècle a été largement surestimée : Portsmouth n’était en réalité qu’une base mineure pour les quelques vaisseaux qui croisaient en attente de convoyer les bâtiments commerciaux abordant la zone des Western Approaches. Dans les années 1650, en guise d’aménagement, il n’y avait qu’un bâtiment désaffecté mouillé devant Cattewater, le port oriental de Plymouth (donc face à l’embouchure de la rivière Hamoaze où sera construit un arsenal dans les années 1690), avec quelques magasins d’approvisionnement dans le périmètre de ce que nous appelons encore aujourd’hui Barbican [8].
7Deux autres petits chantiers navals connurent une forte croissance à cette période, ceux de Harwich et de Sheerness qui devaient remédier aux défauts criants des grands arsenaux de la Tamise et de la Medway, situés trop loin de la mer pour pouvoir procéder à des réparations d’urgence en temps des guerres contre la Hollande. Vers 1650, Harwich fut conçu comme une base avancée, mais les difficultés de navigation s’y avérèrent redoutables et l’arsenal ne put jamais que suppléer aux premières urgences. Il ne s’y trouvait aucune cale sèche, pas plus d’ailleurs qu’à Sheerness, où les travaux commencèrent en 1665 sur le site d’une ancienne cale de radoub. Sheerness supplanta rapidement Harwich qui fut donné à bail à la Société Royale des Pêches dans les années 1670, bien que « trente nouveaux bâtiments » y aient été construits. Sheerness était proche du chenal profond et du principal mouillage, la bouée de la Nore. Des brises – lames furent édifiés à l’aide de carcasses de navires et l’on construisit une cale sèche. Mais trop isolé et malsain, ce site fut très impopulaire pour ceux qui s’y trouvaient assignés. Pris par les Hollandais en 1667, l’arsenal fut fermé en 1686 puis ouvert à nouveau en 1689, jusqu’à sa fermeture définitive en 1960 [9].
8Le déclin de la marine pendant le règne de Jacques Ier est devenu proverbial dans l’histoire de la marine anglaise : les quinze premières années de son règne furent celles d’un grave déclin de la puissance navale et d’une corruption généralisée. Une ferme volonté de réforme se concrétisa avec la commission de 1618 chargée d’enquêter sur la prévarication généralisée dans la marine (cette commission fut placée sous l’égide du favori royal Georges Villiers, qui fut fait peu de temps après duc de Buckingham et lord High Admiral [10]). Entre 1621 et 1628 un vaste programme de réaménagement de tous les arsenaux fut entrepris : Chatham fut et de loin le plus concerné. Les efforts entrepris à cette période furent tels que les chantiers navals non seulement firent face au défi d’un accroissement spectaculaire du nombre de vaisseaux en service après 1649, mais de plus une proportion non négligeable de ces bâtiments de guerre atteignait des dimensions inimaginables dans les années 1620. De 1619 à 1626, pas moins de deux cales sèches (dont l’une double), un bassin de radoub, deux quais à mâter et une corderie furent construits à Chatham qui devint ainsi le plus grand des arsenaux [11]. En revanche, jusqu’aux années 1680-1690, il n’y eut à Deptford et à Woolwich que peu de transformations ou aménagements : les travaux des années 1820 constituèrent l’infrastructure de ces bases navales jusqu’à leur fermeture en 1860.
Il est généralement admis que cet état des choses résultait d’un manque de moyens financiers, tout particulièrement après 1660. Pourtant, un moment, Charles II eut l’intention de construire un vaste arsenal à Greenhithe, projet qui reçut un début de réalisation en 1670. Mais le terrain s’avéra impropre et le projet fut transféré à Erith (où Henri VIII avait un temps établi un arsenal dont les magasins existaient encore lorsque l’on commença les travaux voulus par Charles II). Cet arsenal d’Erith avait été planifié sur une échelle vraiment impressionnante, avec un bassin à flot qui permettait de procéder tant aux réparations sur les œuvres mortes du navire qu’à son désarmement, et un quai à mâter : à cette époque, seul l’arsenal de Chatham avait des docks comparables. Une fois fini, cet arsenal d’Erith aurait dû avoir une longueur totale de quais de 900 pieds (Chatham en avait environ 1 300, ce qui compensait l’absence de bassins à flot). Erith aurait dû avoir plusieurs magasins, le plus grand de 1 000 pieds, soit plus du double des magasins de Deptford ou de Portsmouth. Le tout devait être entouré d’un mur de briques, de douze pieds de haut, protégé par six tours de garde. Le budget prévu était de 63 014 £ alors que pour Chatham, souvent regardé par les contemporains comme l’un des plus prodigieux spectacles du royaume, l’enveloppe n’était que de 45 000 £ : Erith devait coûter autant que le vaste château de Westminster conçu pour rivaliser avec Versailles et dont les travaux avaient débuté en 1682 [12]. Et il était prévu de le protéger par un nouveau fort d’artillerie dont les travaux débutèrent en septembre 1670 à Tilbury (l’architecte en était Bernard de Gomme, élève de Vauban). Les dimensions d’Erith laissent à penser que cet arsenal était conçu pour remplacer Chatham où les problèmes récurrents d’envasement avaient été exacerbés lors de la descente hollandaise de 1667 qui avait démontré la vulnérabilité de l’arsenal britannique (due principalement à la difficulté d’acheminer rapidement les secours nécessaires de Londres). Il semblerait que Charles II avait espéré pouvoir financer ces travaux par les bénéfices d’un succès militaire lors de la coalition anglo-française contre les Provinces-Unies en 1672-1674 : l’échec militaire et la banqueroute de l’État qui s’ensuivit, ainsi que l’éclatement de la « Cabale » ministérielle qui avait sponsorisé la guerre, tout ceci fit que les travaux ne furent jamais commencés [13].
Les principaux aménagements des arsenaux royaux au milieu du xviie siècle
9Le rôle des arsenaux était avant tout d’effectuer toutes les opérations de réparation et de maintenance des navires. Chaque bâtiment de la flotte était supposé entrer en radoub tous les trois ans. Dans l’intervalle, les réparations courantes étaient effectuées à bord, le bâtiment étant simplement à quai. Autant de règles qui prévalaient pour l’ensemble de la flotte en temps de paix, et surtout pour les plus grosses unités qui étaient alors amarrées démâtées et désarmées et sur lesquels demeurait un équipage réduit. La Medway (près de Chatham) était suffisamment vaste pour abriter la plupart des très gros vaisseaux de la flotte, un site a priori bien protégé par les batteries du château d’Upnor – et qui pouvait sembler idéal –, mais qui en fait fut la cause du désastre de l’attaque hollandaise de 1667. Dans les années 1660, et tout particulièrement après le raid sur la Medway, un nombre toujours plus important de vaisseaux fut envoyé en maintenance à Portsmouth qui semblait moins vulnérable en cas d’attaque ennemie.
10Dans chaque arsenal au moins un grand magasin général et d’autres plus petits répondaient à l’approvisionnement prévu pour l’ensemble de la flotte et aux besoins de chaque bâtiment en particulier. Une sorte de « division du travail », certes très limitée, avait été instaurée entre les différents arsenaux : Chatham avait la responsabilité des mâts, Deptford, outre les pavillons avait l’exclusivité de l’entretien des yachts royaux ; Wollwich était doté de la plus grande corderie et produisait une plus grande variété de cordages que Chatham et Portsmouth [14]. Seul l’arsenal de Deptford était équipé d’un bassin à flot, un équipement vital pour ce chantier naval pour pouvoir effectuer tous les travaux de maintenance à l’abri du trafic de la Tamise. De fait, les administrateurs de l’époque étaient plus que réservés quant au bien-fondé de ces bassins à flot : pour Pepys, parce qu’elles mettaient côte à côte un grand nombre de vaisseaux, ces installations présentaient un risque majeur d’incendies [15]. Et lorsque la question d’en construire un à Chatham au tout début des années 1680 fut posée, ce furent les opposants aux bassins à flot qui enlevèrent la décision, tant pour des raisons de sécurité que pour des raisons financières… et politiques [16].
Les cales sèches étaient alors de simples trous cuvelés de bois et devaient être fréquemment réparées, éboulements des murs et envasement récurrent étant inhérents à ce type de construction. Chaque arsenal se devait donc d’avoir de bonnes équipes de déblayeurs chargés de vider et d’assécher régulièrement ces cales. Les Anglais avaient bien évidemment eu connaissance des progrès technologiques réalisés à Rochefort à la fin des années 1660 (les cales construites en pierre), et malgré toute la docilité de Charles II à l’égard de Louis XIV, des espions avaient été dépêchés dans les arsenaux français : c’est ainsi qu’en 1668, le constructeur Thomas Castle avait été envoyé en reconnaissance à Brest et à Rochefort [17]. Pour autant il n’était pas question en Angleterre de construire des bassins « en dur », même à Erith, dont la construction aurait dû être à peu près contemporaine de celle de Rochefort. Les raisons en étaient peut-être financières, peut-être était-ce dû à un conservatisme bien enraciné, ou bien avait-on peur que la pierre n’occasionne beaucoup de dégâts si d’aventure une coque venait à glisser de ses bers ? Peut-être. Mais peut-être aussi y avait-il à la base une dose certaine de xénophobie, une mauvaise volonté à reconnaître que les Français avaient eu une bonne idée… Ce petit nombre de cales sèches (particulièrement criant en période de conflits) ajouté au fait que les vaisseaux les plus gros ne pouvaient entrer ou sortir des cales que lors des marées de printemps, obligeaient certainement les autorités à prévoir exactement les travaux à faire en période de grande activité : de fréquents échanges épistoliers entre les autorités portuaires et le Navy Board de Londres montrent toute la difficulté qu’il y avait pour établir un ordre minutieux d’entrée et de sortie des bateaux ainsi qu’un calendrier très précis des réparations à faire sur chacun d’entre eux [18]. Une tâche encore plus compliquée pour les cales doubles où il était essentiel que le vaisseau entré le premier en cale soit celui qui nécessitait les réparations les plus longues. Par un manque criant de prévoyance la double cale de Chatham se retrouva inutilisable pendant presque toute la durée de la seconde guerre anglo-hollandaise car on y radoubait à grands frais le vieux Victory, un vaisseau de seconde classe [19].
Plymouth
11Cette opposition aux formes de radoub en pierre disparaît grâce à Edmund Dummer. Fils d’un fermier du Hampshire, Dummer devint constructeur naval à Portsmouth peu après la fin de la seconde guerre anglo-hollandaise : sa réputation à la fois de dessinateur hors pair et de partisan convaincu de l’utilité des principes scientifiques et mathématiques dans l’art de la construction navale ne fut bientôt plus à faire [20]. En 1682 Charles II l’envoya en mission en Méditerranée pour étudier les aménagements des principaux ports de cette mer et d’en faire des relevés. Le magnifique volume de dessin de Dummer (conservé à la British Libray), contient des dessins très précis de Marseille et Toulon, et le déclenchement des hostilités avec la France en 1689 lui donna l’occasion de mettre en pratique ce qu’il avait appris durant sa mission. L’agrandissement spectaculaire de l’arsenal de Portsmouth fut son œuvre, avec la création d’un bassin à flot et d’une cale sèche, qui, construite en pierre, marquait la rupture avec la méthode traditionnelle de construction en bois. Mais sa grande œuvre fut la création d’un arsenal entièrement nouveau à Plymouth. Car l’entrée en guerre contre la France en 1689 avait démontré la nécessité d’avoir des arsenaux proches des zones de combats : après la bataille de Bantry Bay les vaisseaux endommagés avaient dû aller chercher refuge jusqu’à Portsmouth. Immédiatement après cette défaite, à la fin donc de l’été 1689, une inspection des sites potentiellement utilisables fut menée, Dummer en personne se rendant sur place en septembre. Bien qu’ayant eu un a priori favorable pour Dartmouth, il opta pour un site à l’embouchure de la rivière Hamoaze, à l’ouest de Plymouth et de son port (qu’il aurait été beaucoup trop onéreux de développer) : le site ainsi choisi, un espace « vert », évitait aux concepteurs du projet toutes les contraintes qu’un urbanisme préexistant fait normalement peser sur de telles implantations, et qui était le lot de tous les autres arsenaux [21]. Pour autant, cet emplacement ne présentait pas que des avantages. Au sud du nouvel arsenal, la rivière Hamoaze décrit un coude serré vers l’est et passe à travers un estuaire étroit et encombré de rochers : il était nécessaire de pouvoir prendre des mouillages non protégés à l’extérieur de cet estuaire (comme dans le Sund de Plymouth et dans la baie Cawsand adjacente), ce qui causa un certain nombre de naufrages catastrophiques comme celui de l’Henrietta en 1689 ou encore celui du Couronnement en 1691.
12Le dispositif central de l’arsenal de Plymouth devait être une forme de radoub en pierre, de toute évidence calquée sur celle de Rochefort, en gradins et équipée d’une double porte (alors que les constructions anglaises présentaient des portes tripartites de triple épaisseur). Le contrat fut signé le 30 décembre 1690, mais peu après, en raison de l’insistance de Dummer, le plan en fut changé pour qu’un bassin à flot puisse être construit juste devant cette forme de radoub. La surface initialement prévue de l’arsenal prit rapidement de l’importance, et en 1692 – l’année de la nomination de Dummer au poste de Géomètre de la Navy –, le projet incluait une corderie, bâtiment dont était doté à l’époque tout arsenal complet, et plus impressionnant que tout, des logements pour les officiers (les terrace) furent construits à l’extrémité de la forme de radoub en pierre, d’où l’on embrassait d’un seul coup d’œil tout l’arsenal. Un autre bâtiment d’importance était le grand quadrilatère du magasin à Point Froward, à cette époque la partie extrême sud de l’arsenal, qui semblait avoir été copié sur le Zeemagazijn d’Amsterdam construit en 1656 (l’actuel Sheepvaart muséum, le musée national de la Marine hollandais). La construction s’avéra plus coûteuse que prévu, (en 1698 plus de 67 000 ? avaient déjà été dépensées alors que les travaux n’étaient toujours pas finis), mais l’arsenal fut opérationnel en juin 1695, puisqu’en le vaisseau de 48 canons Weymouth y fut caréné. Cet arsenal s’avéra vital pour la Navy non seulement pendant les conflits de 1689-97, 1702-13, mais également par la suite [22].
13Durant toute la décennie 1660, la défense des arsenaux royaux n’était assurée que par les fortifications érigées sous les Tudor (quand elles n’étaient pas plus anciennes…). L’entrée de Portsmouth était gardée par les tours l’une ronde et l’autre carrée datant du xve siècle d’un côté, et de l’autre par un fort édifié à Gosport. Plus à l’est se trouvait le château de Southsea construit par Henry VIII, d’où le monarque fut le témoin du naufrage tragique de la Mary Rose en 1545. L’arsenal de Chatham était, comme nous l’avons déjà dit, défendu par le château d’Upnor dont la construction était contemporaine de celle de l’arsenal (donc entre 1559 et 1567), et par quelques petites batteries érigées un peu en aval. Quant aux approches de Deptford, Woolwich et Londres, elles étaient défendues par les forts des Tudor dont le plus important était celui de Gravesend. Il est évident que ces fortifications étaient obsolètes avant même la descente des Hollandais sur la Medway en 1667. Des travaux destinés à renforcer la protection des arsenaux furent entrepris au tout début de la seconde guerre anglo-hollandaise : cette tâche fut confiée à l’ingénieur hollandais Bernard de Gomme, qui avait servi le prince Rupert pendant les années de guerre civile en Angleterre. Il avait initialement été envoyé à Portsmouth, puis de là à Plymouth, où les travaux de construction d’une énorme citadelle royale démarrèrent en 1665, peut-être afin d’« intimider » une ville qui avait fermement soutenu les Parlementaires pendant les années de guerre civile tout autant que pour protéger les aménagements navals peu conséquents de Cattewater [23].
Le raid sur Chatham fut le véritable déclencheur de ces travaux. Dans la Medway elle-même, le nouvel arsenal de Sheerness fut reconfiguré de manière à s’intégrer dans le nouveau système de fortifications conçu par de Gomme, dont l’élément central ressemblait à un donjon normand de construction tardive. Entre 1669 et 1672, de nouvelles batteries furent installées à Cockham Wood et à Gillingham, colmatant ainsi l’espace vide si cruellement utilisé par le Hollandais. Sur la Tamise, en protection donc des accès à Deptford et Woolwich, les travaux de construction d’un fort à Tilbury commencèrent en septembre 1670 sur les plans de de Gomme, qui s’était largement inspiré des principes de Vauban. Le dispositif fut complété en 1683 avec l’aménagement d’un vieux fort sur la rive opposée de la Tamise à Gravesend, de façon à pouvoir opposer un tir croisé à toute menace. Au même moment, le port de Portsmouth fut fermé par une nouvelle chaîne, utilisée pour la première fois en 1672, alors qu’elle était tendue entre deux fortifications anciennes, la « tour ronde » du côté de Portsmouth et le petit fort de Gosport Point (devenu le fort « Blockhouse », et la base sous-marine du hms Dolphin). L’approche terrestre de l’arsenal et la rive vulnérable de Gosport furent toutes deux renforcées par une série massive de fortifications réalisées par de Gomme en deux tranches de travaux, 1665-1669 et 1677-1685. Bien que toutes ces constructions aient depuis longtemps disparu, le tracé angulaire tout à fait inhabituel des routes et constructions sur le bord de mer révèlent leurs emplacements [24].
Les arsenaux étaient historiquement les chantiers navals de la Navy. Jusque dans les années 1650, ils eurent de fait le monopole de ces constructions, mais l’accroissement aussi rapide que spectaculaire de la Navy pendant cette décade (entre 1649 et 1660 pas moins de deux-cent-seize bâtiments rejoignirent les cinquante en service en 1649 [25]) implique qu’il était désormais impossible de construire tous les vaisseaux dans les arsenaux royaux.
La taille des vaisseaux en fonction de leur rang, 1625-1688
La taille des vaisseaux en fonction de leur rang, 1625-1688
14En dépit des réserves très sérieuses de l’administration quant à la qualité des vaisseaux sortant des chantiers privés, une part non négligeable des bâtiments de guerre y était construite. On fit appel dans un premier temps à ceux qui étaient situés sur la Tamise, puis à ceux qui se trouvaient plus éloignés comme Bristol, Hull et Southampton [26]. Pour autant la construction des très grands vaisseaux de guerre, ceux des premier et deuxième rangs, resta un monopole des arsenaux royaux et jusqu’en 1660, Chatham et Woolwich furent les arsenaux les plus importants du royaume : c’est à Woolwich que furent lancés les trois vaisseaux amiraux de l’époque, le Prince en 1610, le Sovereign of the Seas en 1637 et le Naseby en 1655, renommé Royal Charles à la Restauration.
15Après 1660, la situation évolua. Chatham et Portsmouth devinrent les deux chantiers les plus importants, tandis qu’Harwich et des arsenaux privés reçurent eux aussi des commandes pour des vaisseaux de grande taille. Surtout à partir de 1677 lorsque la nécessité de contrer l’expansion de la marine française amena le Navy Board à ordonner la mise en chantier de trente nouvelles unités, engageant ainsi toutes les ressources naturelles du pays et exploitant toutes les possibilités des chantiers navals [27]. L’importance grandissante de Portsmouth à cette époque peut d’ailleurs être en grande partie attribuée à l’épuisement des forêts situées à proximité de Londres (Waltham) et donc à la nécessité de recourir aux réserves constituées par les forêts de New Forest et de Alice Holt dans le Hampshire. De même Harwich pouvait compter sur les ressources forestières du Suffolk et du nord de l’Essex, tandis que les chantiers privés de Bristol et Lydney prenaient les bois nécessaires dans la forêt de Dean. Des essais pour faire venir des matériaux de construction d’Écosse ou d’Irlande ont échoué, tant en raison du coût du transport que du peu de rendement des forêts de ces pays.
Le nombre de vaisseaux de premier et de deuxième rang construits en Angleterre entre 1603 et 1688
Le nombre de vaisseaux de premier et de deuxième rang construits en Angleterre entre 1603 et 1688
L’administration britannique
16La façon de gérer administrativement les arsenaux variait en fonction de l’éloignement de chaque arsenal de Londres. Certes il y avait toujours eu à Chatham un commissaire permanent de la Navy (d’ailleurs membre du Navy Board), mais dans la réalité l’arsenal s’était toujours géré de façon indépendante. Portsmouth ne fut doté d’un tel commissaire qu’à partir de 1649 lorsque l’arsenal devint réellement important, et Harwich n’en eut un que brièvement, pendant les deux guerres anglo-hollandaises. Deptford et Woolwich, beaucoup plus proches de la capitale, semblent avoir été dirigés directement par le board, les carnets personnels de Pepys mentionnent d’ailleurs nombre de visites faites à chacun des arsenaux. Son collègue inspecteur (« surveyor ») était censé faire un examen général des bateaux une fois par an, et il semble que toutes les semaines les arsenaux aient envoyé des rapports détaillés sur les travaux effectués (qui ont été pour la plupart d’entre eux perdus [28]).
17Chaque chantier dispose d’une hiérarchie précise d’officiers : le plus important était le maître constructeur qui dressait les plans de chaque nouveau bâtiment et en supervisait la construction ; il jouissait en outre d’une autorité en matière de discipline, assez mal définie il est vrai, ce qui amenait fréquemment à des conflits entre lui et le commissaire du board. L’intendant en chef « master attendant » avait la responsabilité des bateaux qui se trouvaient dans l’arsenal ; le commis du trésorier supervisait la main-d’œuvre, celui de l’inspecteur avait un rôle de surveillance sur tous les autres afin d’éradiquer autant que faire se pouvait la corruption endémique qui régnait dans les arsenaux. Pendant les années 1680 l’officier d’arsenal le plus ancien était payé 200 £ par an, mais ce salaire étant en général payé avec beaucoup de retard, une tradition avait vu le jour, celle du commerce privé comme « second emploi » pour suppléer aux revenus officiels [29].
18Les effectifs en main-d’œuvre variaient beaucoup : les hommes étaient embauchés en nombre lorsqu’éclatait un conflit armé ou qu’un grand programme de constructions était lancé, puis ils étaient logiquement débauchés avec le retour de la paix ou une politique d’austérité budgétaire. Pour l’administration ce système présentait un risque certain quant aux travailleurs qualifiés comme les charpentiers : les arsenaux royaux de la Tamise étaient en compétition permanente avec les chantiers navals privés installés sur le cours de cette même rivière et qui bien souvent rémunéraient mieux leurs ouvriers. À de nombreuses reprises pendant les guerres anglo-hollandaises, le gouvernement dut avoir recours à la contrainte.
19Une telle configuration de l’offre et de la demande renforçait la position de force de la main-d’œuvre : les ouvriers veillaient jalousement à la conservation de leurs droits tels qu’heures de repas et congés et se mettaient facilement en grève lorsque les paiements avaient du retard. Ce qui d’ailleurs arrivait assez souvent : certaines sommes dues pour l’exercice 1666 n’étaient toujours pas versées en 1671 [30]. Un des « à-côtés » parmi les plus anciens et les plus jalousement préservés était le droit « aux copeaux » : les ouvriers étaient autorisés à sortir de l’arsenal pour leur compte personnel les chutes de bois inutilisables sur le chantier car trop petites. Ce droit pouvait certes grandement améliorer l’ordinaire d’hommes non payés, en leur évitant notamment le recours aux crédits, mais qui présentait également beaucoup d’avantages du point de vue administratif : le chantier se trouvait nettoyé à bon compte et ainsi mis hors de danger d’incendie. Bien entendu la taille des « copeaux » fut bientôt source de désaccord bien qu’un accord tacite de part et d’autre impliquât que les hommes ne pouvaient emporter que des pièces de bois n’excédant pas trois pieds (0,9 m) de long. C’est cette pratique d’emmener des pièces de bois sur son dos qui est à l’origine de l’adage bien connu de la langue anglaise « il a un copeau sur les épaules », pour une personne ayant une attitude négative ou rancunière (une allusion donc à la position toujours sur la défensive des ouvriers quant à leurs droits acquis). Les ouvriers étaient de plus largement suspectés de passer une bonne partie de leur temps de travail à scier des pièces de bois juste de la longueur admise et de toute évidence cette coutume des « copeaux » nuisait grandement à la productivité des arsenaux. Des tentatives pour supprimer ce droit furent de temps à autre tentées sans trop y croire : à chaque fois l’administration dut admettre sa défaite. Le droit aux « copeaux » ne fut supprimé qu’en 1801 [31].
Le xviie siècle fut pour les arsenaux royaux en Angleterre une période de croissance spectaculaire avec un bouleversement complet des priorités. Ainsi l’ordre hiérarchique des arsenaux : Portsmouth, considéré comme un arsenal de peu d’importance au début du siècle, devint l’un des plus importants, voire le tout premier. Et ce, au moment où la construction d’un tout nouvel arsenal à Plymouth marquait un tournant stratégique dans la politique anglaise : jusque-là focalisée sur la mer du Nord cette politique s’était tournée vers la Manche et l’océan Atlantique. Et dans le même temps les arsenaux de la Tamise et de la Medway qui certes restaient des chantiers navals de grande importance, perdaient leur suprématie. Une situation qui a prévalu jusqu’aux premières années du XXe siècle.
Notes
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[1]
Il fut toutefois impossible de procéder au lancement du navire au moment prévu en raison d’une marée trop forte et Charles dut laisser ce soin à Sir Robert Mansell qui procéda au lancement le jour suivant. Nos remerciements à Frank Fox pour cette information.
-
[2]
Richard Endsor, The Restoration Warship: The design, Construction and Career of a Third Rate of Charles II’s Navy, 2009, p. 84-85.
-
[3]
Une description particulièrement perspicace de l’arsenal de Deptford à la fin du xviie siècle a été récemment publiée par Sam Wills The Admiral of Benbow: The Life and Times of a Naval Legend, 2010, p. 124-134.
-
[4]
Bien que cet arsenal ait été reconstruit à plusieurs reprises, le terrain initialement occupé par l’arsenal des Stuart est encore aujourd’hui le cœur des Chantiers navals de Chatham : aucune construction de cette époque n’a survécu à l’exception des caves à vin de la maison du commissionnaire.
-
[5]
J. D. Davies, Pepys’s Navy: Ships, Men and Warfare, 1649-1689, 2008, p. 59.
-
[6]
On peut avancer aussi que l’une des préoccupations majeures sur le plan politique, économique et stratégique était l’importance grandissante du commerce transatlantique tant pour le gouvernement que pour les investisseurs privés, commerce qui dut être protégé par des bâtiments de guerre opérant à partir de Plymouth et Portsmouth. Voir inter alia N. Zahedieh, « Economy », The British Atlantic world 1500-1800, éd. D’Armitage and M. J. Braddick (2de édition, Basingstoke 2009), p. 53-70.
-
[7]
Ray Riley, Portsmouth: Ships, Dockyards and Town (Stroud, 2002), p. 9-10.
-
[8]
J. D. Davies, Pepy’s Navy, p. 193-195.
-
[9]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 184-185.
-
[10]
N. A. M. Rodger, The Safeguard of the Sea: A Naval History of Britain, t. 1, p. 364-378, (1997).
-
[11]
Michael Oppenheim, A History of the Administration of the Roayl navy, 1509-1660, (éd. 1988), p. 210.
-
[12]
Michael Oppenheim, « The Royal Dockyards » The Victoria Hictory of Kent (1908), II, 365; D. C. Coleman, « Naval Dockyards under the Later Stuarts », Economic History Review, second series, 6 (1935), 139n.
-
[13]
J. D. Davies, « The Secret Treaty of Dover, 1670, and the project for New Royal Dockyards », Transactions of the Naval Dockyards Society, éd. Ray Riley, VII (forthcoming, 2011).
-
[14]
J. D. Davies, Pepy’s Navy, p. 180.
-
[15]
The Diary of Samuel Pepys, 7 June 1663. Deptford also had the first purpose-built mast dock, dug in 1664-1666.
-
[16]
J. D. Davies, « Pepys and the Admiralty Commission of 1679-84 », Historical Research, 62 (1989), p. 47-48.
-
[17]
Nos sources sont ici sont les rapports présentés par Castle au député secrétaire d’État Joseph Williamson. Archives Nationales, Londres, sp 78/125, f. 26, 44, 57-62, 73-74.
-
[18]
Ann Veronica Coats, « A Radically Different Bureaucracy: Dockyard Administration in the Late Seventeenth Century » New Interpretations in Naval History, éd. W.B. Cogar (Annapolis, 1995), p. 70-73.
-
[19]
R. Winfield, British Warships in the Age of Sail, 1603-1714, (2009), p. 30.
-
[20]
Les travaux les plus récents sur l’œuvre de Dummer sont ceux de Celina Fox, « The Ingenious Mr Dummer: Rationalising the Royal Navy in Late Seventeeth Century England », eblj (Electronic British Library Journal), 2007 http:www.bl.uk/eblj/2007articles/article 10.htlm.
-
[21]
Jonathan Caod, « The Developpement and Organisation of Plymouth Dockyard, 1689-1815 », The New Maritime History of Devon, i (1992), p. 192-195.
-
[22]
Edmund Dummer’s, « Account of the General Progress and Advancement of His Majesty’s New Dock and Yard at Plymouth », December 1694’, ed. M Duffy, The Naval Miscellany, vi (Navy Records Society, vol. 146, 2003), p. 93-147.
-
[23]
Andrew Saunders, Fortress Builder: Bernard de Gomme, Charles II’s Military Engineer (Exeter, 2004), p. 106-129.
-
[24]
Saunders, Fortress Builder, p. 133-213.
-
[25]
Bernard Capp, Cromwell’s Navy : The Fleet and the English Revolution 1648-60 (Oxford, 1989), p. 4-6.
-
[26]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 68.
-
[27]
La mise en chantier du premier de ces « trente vaisseaux », le Lenox, a été récemment étudiée en détails par Richard Endsor dans son ouvrage The Restoration Warship, 2009. Avec une excellente analyse tant de la conception même du navire, que de la phase de construction, et de la carrière d’un vaisseau de guerre britannique de cette époque.
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[28]
Bodleian Library, Oxford, ms Rawlinson C429.
-
[29]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 189.
-
[30]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 190.
-
[31]
J. D. Davies, Pepys’s Navy, p. 190-192.