Notes
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[1]
Voici la présentation que donne du Recueil de Faret le Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire et le Groupe de recherche sur les discours de la morale (É. Méchoulan, dir.), à l’occasion des Journées d’études sur le Recueil Faret (Paris, 9-10 juin 2005) : « Le Recueil de lettres nouvelles, dédié à Mgr le cardinal de Richelieu, dit Recueil Faret, a été publié pour la première fois à Paris, chez Toussaint Du Bray, en 1627, et plusieurs fois réédité par la suite. L’ouvrage se présente comme une anthologie exemplaire des belles-lettres contemporaines, “la meilleure partie des plus belles choses que la France ait produites”, selon la dédicace à Richelieu, signée de N. Faret. Il rassemble des lettres de divers auteurs (Achille de Harlay, Boisrobert, Colomby, Godeau, Guez de Balzac, Malherbe, Molière d’Essertine, Racan, Silhon, parmi d’autres), dont certains sont alors déjà bien connus, tandis que d’autres y trouvent une première occasion de publication imprimée ».
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[2]
Sénèque, Ad Marciam De consolatione, VIII-1 : « Tamen illum efficacissimum mitigandae ferociae tempus enervat », éd. et trad. par R. Waltz, Paris, Les Belles Lettres, 1975.
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[3]
[François de] Malherbe, « Lettre première à M. de Termes. Il le console de la mort de son fils », dans N. Faret, Recueil, p. 1.
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[4]
Ibid., p. 1-2.
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[5]
Sénèque, Ad Marciam, IX-1 : « Quod nihil nobis mali antequam eveniat proponimus ».
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[6]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 3, p. 5, p. 6, p. 11.
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[7]
Les Épîtres de Sénèque, traduites par Fr. de Malherbe, à Paris, chez Antoine de Sommaville, 1637.
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[8]
Malherbe, « Consolation [... ] », dans N. Faret, Recueil, p. 3.
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[9]
Ibid., p. 7.
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[10]
Lettre de Messire Anthoine Faure [...], dans Tombeau de Laurens de Chaponay, Lyon, Amy de Polier, 1616, p. 26, cité par R. Baustert, La consolation érudite. Huit études sur les sources des lettres de consolation de 1600 à 1650, Tübingen, Gunter Narr Verlag, Biblio 17, 141, 2003, p. 157.
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[11]
Antoine de Nervèze, Lettre de consolation à Mgr le Duc de Montmorency [...], Lyon, Barthelemy Ancelin, 1614, p. 11.
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[12]
[Antoine] Godeau, « À M. L. C. B. S. Il le console de sa disgrâce », dans N. Faret, Recueil, p. 510.
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[13]
M. de Coulomby [François de Cauvigny, Sieur de Colomby, cousin de Malherbe], « Discours de consolation. À M. le président Jeannin sur la mort de sa femme », dans N. Faret, Recueil, p. 109. Voir R. Baustert, op. cit., p. 196 sq.
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[14]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 7.
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[15]
N. Elias, La dynamique de l’Occident [1939], Paris, Calmann-Lévy, 1975.
-
[16]
Voir R. Baustert, op. cit., p. 28 : « Consolations et théoriciens de l’honnêteté s’accordent pour affirmer la priorité de la raison ».
-
[17]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 9.
-
[18]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 105-106.
-
[19]
Sénèque, Ad Marciam [...], XXVI-6.
-
[20]
Saint Jérôme, Lettres, éd. par J. Labourt, Paris, Les Belles Lettres, 1953, LX, Ad Heliodorum, 16 : « Romanus orbis ruit ». Voir C. Favez, La consolation latine chrétienne, Paris, Vrin, 1937.
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[21]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 123.
-
[22]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 5-6.
-
[23]
Saint Jérôme, Lettres, LX-17 : « Heureux Népotien, car il ne voit pas tout cela ».
-
[24]
Sénèque, Ad Marciam, XXVI-1.
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[25]
Sénèque, Ad Helviam matrem De consolatione, I-3 : « Cum saepe vocem quoque ipsam [dolor] intercludat ». Voir C. Martha, « Les consolations dans l’Antiquité », dans Études morales sur l’Antiquité, Paris, Hachette, 1896, p. 135-189.
-
[26]
Saint Jérôme, Lettres, LX-16 : « Non, mihi si linguae centum sint oraque centum » (Virgile, Énéide, VI, v. 625).
-
[27]
Ibid., LX-18 : « Vincitur sermo » ; LX-16 : « Et Thucydides et Sallustius muti sunt ».
-
[28]
P. Charron, De la sagesse, Paris, Fayard, 1986, p. 195.
-
[29]
Sénèque, Ad Helviam, VI-1 : « [...] Videamus quid sit exsilium. Nempe loci commutatio ».
-
[30]
R. Baustert, « Les arguments généraux », dans La consolation érudite, op. cit., p. 175-198.
-
[31]
M. de Molière [d’Essertine], « À Thysis. Il le console de sa prison, et fortifie son esprit contre l’apréhension de la mort », dans N. Faret, Recueil, p. 331.
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[32]
É. Bréhier, Chrysippe et l’ancien stoïcisme, Paris, PUF, 1951, p. 66.
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[33]
Ibid., p. 63.
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[34]
G. Gusdorf, La parole, Paris, PUF, 1952, p. 50.
-
[35]
Cicéron, Ad familiares, éd. par É. Bailly, Paris, Garnier, 1933, V-xvi, 2 : « Or il est une consolation que nous devons toujours avoir sur les lèvres et dans le cœur, c’est de nous souvenir que nous sommes des hommes (homines nos ut esse meminerimus), et que tel est le lot de notre naissance que notre vie est exposée à tous les traits de la Fortune ».
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[36]
G. Gusdorf, op. cit., p. 55.
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[37]
C’est une contradiction dans les termes que de parler d’autoconsolation, comme le fait Thomas M. Carr, Jr, « La perte et l’autoconsolation », L’Autre au XVIIe siècle, Tübingen, Gunter Narr Verlag, « Biblio 17 », 1999, p. 367-373. Voir Alain Michel, « Sagesse et humanité », dans La Consolation. Mots pour maux, Paris, Autrement, coll. « Morales », 22, 1997, p. 124-137.
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[38]
Saint Jérôme, Lettres, LX-19.
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[39]
Marc-Aurèle, II-1.
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[40]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 110.
-
[41]
Cardinal Jacques Davy Du Perron, « Lettre de consolation [...], dans Œuvres diverses [1633], Genève, Slatkine Reprints, 1969, p. 771-775.
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[42]
Guillaume Bernard de Nervèze, À Mgr l’Illustre Cardinal de Gondy, dans R. Baustert, op. cit., p. 220.
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[43]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 130.
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[44]
Malherbe, « Consolation à M. du Peirier, v. 77-80, dans Œuvres, éd. par A. Adam, Paris, Gallimard, 1971, p. 43. Cf. Horace, Odes, I, 4.
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[45]
Malherbe, « Consolation... », dans N. Faret, Recueil, p. 5.
-
[46]
Cicéron, De oratore, éd. par Edmond Courbaud, Paris, Les Belles Lettres, 1966, II-50. De même, II-64 : « Le silence enveloppe beaucoup d’autres genres qui rentrent dans le domaine de l’orateur, exhortations, consolations, instructions, avertissements ».
-
[47]
Cicéron, Ad familiares, IV-viii, 1 : « Neque monere te audeo, praestanti prudentia virum » ; IV-viii, 2 : « Vel tu me monuisse vel censuisse puta ». Voir V. H. Zehnacker, « Officium consolationis. Le devoir de consolation dans la correspondance de Cicéron », Revue des études latines, 63, 1985, p. 69-86.
-
[48]
Cicéron, Ad familiares, IV-iii, 1 : « Monente et denuntiante te » ; IV-iii-4 : « Quare non equidem te moneo, sed mihi ita persuasi ».
-
[49]
Ibid., IV-iii, 1 : « Tamen multa jam consolantur maximeque conscientia consiliorum meorum ».
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[50]
Ibid., V-xvi, 6.
-
[51]
E. R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen Âge latin, t. I, Paris, PUF, 1956, p. 150 sq. De même, R. Baustert souligne que « l’aspect encomiastique fait partie du genre », op. cit., p. 116.
-
[52]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 100.
-
[53]
Ibid., p. 120.
-
[54]
[François Le Metel de] Bois-Robert, « À M. Des-Hameaux, Premier président en la Cour des Aydes de Normandie. Il le console de la mort de Monsieur son père », dans N. Faret, Recueil, p. 210.
-
[55]
M. Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 120.
-
[56]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante Isabelle. Il la console sur la mort du Roy d’Espagne son Frère, et de l’Archiduc Albert son Mary », dans N. Faret, Recueil, p. 395.
-
[57]
M. de Molière, « À Daphnis. Il le console de la perte de sa Maistresse », dans N. Faret, Recueil, p. 296 et 302. De même, p. 294 : « Je ne doute point, Daphnis, que vous ne treuviez mes conseils violens » ; p. 312 : « En peu de temps ses conseils [à la raison] auroient renversé tous les artifices d’Amour », etc.
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[58]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 396.
-
[59]
Ibid., p. 397 et 398.
-
[60]
D. Roth, Larmes et consolations en France au XVIIe siècle, Lyon, Éditions du Cosmogne, 1997, p. 23.
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[61]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 397.
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[62]
Ibid., p. 409.
-
[63]
Ibid., p. 404.
-
[64]
A. Godeau, « À Bellinde. Après la mort de son mary », dans N. Faret, Recueil, p. 549-553.
-
[65]
M. de Molière, « À Mme de Termes, sur la mort de Monsieur son fils », dans N. Faret, Recueil, p. 341.
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[66]
Ibid., p. 342.
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[67]
Ibid., p. 343.
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[68]
Ibid., p. 345.
-
[69]
Ibid., p. 351.
-
[70]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 404.
-
[71]
B. Beugnot, « Un discours critique », dans Le discours de la retraite au XVIIe siècle, Paris, PUF, 1996, p. 129-164.
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[72]
M. de Molière, « À Mme de Termes [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 347.
-
[73]
A. Godeau, « À M. L. C. B. S. Il le console [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 510.
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[74]
M. de Molière, « À Daphnis. Il le console [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 298.
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[75]
[Nicolas] Faret, « À la princesse Chrysante. Il la console de la mort de la princesse Élise sa fille », dans N. Faret, Recueil, t. II, p. 53.
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[76]
Ibid., p. 54.
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[77]
Fénelon, Les Aventures de Télémaque, livre III, éd. par J.-L. Goré, Paris, Garnier, 1987, p. 158 : « Quiconque ne sait se taire est indigne de gouverner ».
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[78]
N. Faret, « À la princesse Chrysante [...] », dans N. Faret, Recueil, t. II, p. 54.
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[79]
M. de Molière, « À Daphnis. Il le console [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 297. Voir M. Fumaroli, « La mélancolie et ses remèdes. Classicisme français et maladie de l’âme », dans La diplomatie de l’esprit de Montaigne à La Fontaine, Paris, Gallimard, 1998, p. 403-439.
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[80]
N. Faret, « À la princesse Chrysante [...] », dans N. Faret, Recueil, t. II, p. 63.
-
[81]
Ibid., p. 66.
LE TEMPS
1Il y a d’abord Chronos dévorant ses enfants. La source de tous les maux, de toutes les tristesses, c’est le temps. L’infortune, le désespoir, le trépas ne sont que ses humbles vassaux. Comme eux, les auteurs de consolations commencent par s’incliner devant « l’action souveraine du temps » [2]. Écrire une consolation, c’est reconnaître, en traçant le premier mot, qu’ici-bas son empire est absolu ; c’est accepter qu’une parole, à peine prononcée, soit déjà périmée.
2La consolation, non seulement prend de façon obsessive le temps pour objet, mais encore elle en multiplie de toutes les manières les marques dans l’écriture. C’est le premier caractère du genre : une fréquence élevée d’adverbes et de conjonctions de temps, un système complexe de formes verbales, avec de nombreux temps composés, des concordances audacieuses et des expressions apportant de subtiles nuances de durée ou d’aspect.
3Je viens d’apprendre la perte que vous avez faite de Monsieur vostre fils [...]. [3]
4Ainsi Malherbe commence-t-il sa Consolation à M. de Termes par un passé immédiat (venir de) se situant après le décès, et tout juste avant la rédaction de l’épître. Après deux passés composés, désignant l’un l’instant fatal de la perte (que vous avez faites), l’autre à la fois l’éloignement et la proximité du moment où le consolateur a pris connaissance de la triste nouvelle (a donné), on trouve deux présents, ne coïncidant ni avec le présent de l’épître, ni avec les passés que nous venons de relever, ni avec les deux futurs qui terminent la phrase :
et celuy mesme qui m’en a donné la nouvelle [...] croit que je suis celuy que vous escouterez le plus volontiers, et qui aura le plus de pouvoir sur vostre esprit. [4]
5Cette succession du passé, du présent et du futur, annonce dès les premières lignes la force à laquelle devra s’opposer le consolateur : la force de l’écoulement, du mouvement sans interruption. Il n’est pas indifférent que Malherbe, dans ce panorama initial des temps, use non pas d’un présent ponctuel, qui par définition se limite au moment de la parole, mais d’un présent à valeur générale, qu’on dit intemporel ou gnomique, qui affirme la possibilité de la permanence (croit), et qui offre, face à la souffrance de notre condition transitoire, le réconfort d’un fondement ontologique de la personne (je suis).
6Les deux futurs de cet exorde sont plus caractéristiques encore du genre. Ils révèlent tout de suite les intentions du consolateur, son projet : l’espoir qu’il a de vaincre le temps, le prenant pour ainsi dire de vitesse, par la prévision. C’est la première méthode thérapeutique préconisée par Sénèque. Nous sommes affligés parce que « nous ne nous représentons jamais un malheur avant (antequam) le moment où il arrive » [5]. D’une part, un choc depuis longtemps prévu s’amortit et fait moins mal. D’autre part, cette tactique de l’anticipation doit nous faire comprendre que « les infortunes sont communes à toute l’humanité ».
7Cette communauté de la souffrance est un postulat de la consolation stoïcienne, et chrétienne tout aussi bien, dont les implications déterminent profondément le genre. Pour dénommer cette action de se représenter à l’avance les malheurs qui menacent chacun de nous, Sénèque utilise le verbe proponere, qui donne une image spatiale de l’antériorité. Le préfixe pro- indique clairement qu’il s’agit de « placer devant », de « pré-senter ». À proponere se rattache le nom propositum, qui a le sens moral de « règle de conduite » et, surtout, le sens logique d’ « énoncé », de « proposition ». Cela signifie que la prévision est une opération qui s’effectue dans le cadre logique du langage, que c’est en cela même que consiste la consolation. Ce sont les mots qui, nommant le mal à venir, permettent en partie de le conjurer.
8Les verbes au futur rythment l’épître de Malherbe, et plantent des bornes dans le territoire immense de la douleur :
Quand vous vous serez abandonné au désespoir [...].
Nos portes auront le mesme parement [c’est-à-dire, elles seront tendues de noir en signe de deuil] [...].
Quand nous serons en lieu où la lumière sera plus grande [...].
Si j’y reüssy, j’auray touché le but que je me propose. [6]
9Dans ce dernier exemple, il est difficile de croire que le traducteur de Sénèque [7] ne donne pas tout son sens au verbe propose qui, par analogie avec son équivalent latin, renvoie mieux que nul autre à la représentation du temps dans le genre de la consolation.
10La prévision est un remède, parce que le temps lui-même en est un. Son pouvoir est si absolu qu’il n’est pas seulement le mal, mais encore la consolation : « Doutez-vous que le temps n’obtienne de vous ce que vous n’aurez pas voulu accorder à la raison ? » [8] Le temps finit par emporter sinon la passion, du moins le patient, qui va retrouver celui qu’il pleurait. L’oubli ou la mort fera quitter le deuil à ceux qui se croyaient inconsolables. La raison est la faculté qui permet de devancer le temps. Elle console, pourvu qu’elle gagne contre lui une course, dont les vainqueurs, à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, forment une nouvelle noblesse. « Ostez-vous ce trouble de l’esprit : il n’y sçauroit continuer qu’à la diminution de vostre honneur » [9].
11Le contrôle de soi est présenté comme une condition de la noblesse, qui se distingue ainsi du peuple tumultueux. La raison dont il est ici question, qui donne les moyens de maîtriser les passions, de mettre donc un frein à la tristesse, tient toujours son pouvoir d’une victoire sur le temps. Ceux qui savent « user dextrement du discours de la raison, assure Anthoine Faure, préviennent facilement, et anticipent par ce moyen les effects » [10] d’une consolation, dont les mérites autrement ne reviendraient qu’à une longue suite d’années. « Servez[-vous] plustost de vostre raison, écrit Antoine de Nervèze, que du vulgaire remède que le temps apporte aux afflictions humaines » [11]. À l’honneur d’user de cette raison capable d’accomplir des prouesses, s’oppose la honte de se laisser lâchement emporter par le cours du temps : « Il n’appartient qu’aux âmes foibles d’attendre la guérison de leurs douleurs, de la suitte des années » [12].
12Dans le même sens, on invoque « l’heureuse postérité, en laquelle nous nous voyons comme revivre en mourant » [13]. Mais il ne s’agit pas seulement de perpétuer l’espèce. Ce n’est pas l’instinct qui accorde le privilège de dominer le temps : c’est, au contraire, le courage de le défier, comme font les héros cornéliens, et de mépriser la nature qu’il tient asservie. Ce qui rend illustre la lignée, et qui donne leur vigueur aux « branches de la mesme souche » [14], suivant les mots de Malherbe, ce n’est pas le vulgaire désir de la durée, c’est la noble volonté d’abattre le temps.
13La renaissance du stoïcisme, la faveur que connaîtra pendant un siècle, de 1550 à 1650, la philosophie du Portique, s’explique en bonne partie par le besoin d’une morale cohérente qui, remplaçant l’idéal chevaleresque, répondît aux nouvelles exigences de la cour. La sagesse stoïcienne n’est le plus souvent que le masque du courtisan. La constance est l’appellation philosophique, mais fallacieuse, de la contenance, par laquelle le contrôle de soi devient l’outil du contrôle d’autrui, suivant les maximes impitoyables qu’énonceront les moralistes du XVIIe siècle. Le respect méticuleux, et bientôt machinal, de toutes les bienséances que s’imposent les honnêtes gens, mène à ce que Norbert Elias a nommé l’autocontrainte [15], soit une maîtrise permanente de la vie pulsionnelle, confondue un moment avec l’impassibilité du sage. Grâce à la vertu, les guerriers de naguère intériorisent les règles de conduite devenues indispensables dans l’entourage du roi. Et même la satire des mœurs, l’invective contre la débauche et la corruption du siècle (O tempora ! O mores !), sont des manières de combattre le temps, de l’emporter glorieusement sur lui.
14La vogue du genre littéraire de la consolation correspond exactement à cette période au cours de laquelle la noblesse féodale, sous le couvert des valeurs stoïciennes, se transforme en noblesse de cour. Le lien est évident entre les contraintes que la vie mondaine exerce sur les mœurs, au nom de la politesse, et la modération, dans la démonstration et la durée de sa peine, que demande le consolateur à l’affligé, au nom de la raison [16]. Malherbe explique la signification politique de cette retenue. Il rappelle à M. de Termes « l’honneur que vous fait le Roy, de se servir de vous aux principales charges de son armée » [17], il mêle la gloire de triompher de soi-même, et la guerre menée sans répit contre la Fortune, avec le réel métier des armes que pratique une noblesse s’identifiant avec les sages qu’on cite en exemples. La mention du Louvre, de ce lieu où, trouvant ce qu’il y a de plus « grand au monde », on trouve aussi le deuil, montre encore dans quel contexte Malherbe invite son interlocuteur à se dominer.
15Atténuer la tristesse, c’est déjà consoler. Suivant la doctrine des premiers mouvements, même le sage n’est pas imperturbable. Mais rapidement la raison reprend le contrôle de son âme. Limiter le temps, c’est déjà le vaincre. C’est quand il passe, et que rien ne l’endigue, que son action est dévastatrice. Le consolateur tente de sauver le patient d’une éternité de douleur. La sagesse ne demande pas « que nous ayons [les yeux] perpétuellement baignez de larmes ».
La Philosophie veut que nous ressentions du desplaisir de la mort de nos amis, et non que nous nous en tourmentions éternellement. [18]
16Le langage structure le temps humain, fixe à la souffrance muette des limites. Fût-elle cruelle et très longue, elle n’est pas interminable depuis qu’elle est nommée. C’est le salut qu’offre le consolateur à l’affligé : le temps de mon épître, votre mal échappe à l’infini.
17La lutte contre le temps mène à une guerre totale. Les futurs, sur lesquels dès le départ le consolateur appuyait ses raisons, conduisent de proche en proche à des perspectives si vastes sur l’avenir, que le temps lui-même paraît s’y abîmer. Ainsi, dans un célèbre passage [19], Sénèque proclame la toute-puissance du temps qui non seulement tue les hommes, mais qui, renversant les montagnes, asséchant les mers, embrasant les astres, anéantira l’univers, avant de s’anéantir. Le point de vue apocalyptique est implicitement celui de tous les consolateurs. Sénèque relie la morale à la physique stoïcienne, le genre de la consolation à la théorie de l’ekpurôsis, c’est-à-dire de la conflagration universelle. De la même manière, saint Jérôme établit une étroite relation entre la consolation et l’eschatologie chrétienne. S’il emprunte beaucoup à la philosophie pour la poétique générale du genre, il s’en distingue nettement par sa conception de la fin des temps. Pour Sénèque, une palingénésie succède à la ruine de l’univers. Le monde et le temps renaissent de leurs cendres, de sorte que la fin n’est en réalité que la fin d’un cycle. Pour Jérôme, l’Apocalypse, le Jugement dernier marquent bien l’arrêt définitif du temps.
18Néanmoins, la lutte que mène contre lui le consolateur chrétien, ressemble beaucoup à celle que menait le philosophe païen. L’arrière-plan de la Consolation à Héliodore est l’écroulement du monde romain [20], envahi par les Barbares. Jérôme prévoit l’effondrement de l’humanité tout entière. Puisant alors à la culture classique, il cite l’exemple de Xerxès qui, contemplant d’une éminence la foule des hommes de ses armées, aurait versé des larmes, à l’idée qu’aucun d’entre eux, dans un siècle, ne serait plus vivant. Jérôme s’élève encore, de manière à voir toute la terre et tous ceux qui meurent ou qui, s’agitant, sont promis à une mort prochaine. L’espace est ici la figure du temps. Cette ascension qui fait voir la masse des condamnés représente l’avenir qui n’épargnera personne. Il s’agit d’une véritable vision, au sens fort que donne à ce terme la littérature chrétienne. Mais elle prend sa source dans la littérature grecque classique, et ne se distingue pas essentiellement, dans le genre de la consolation, de la tradition païenne. Elle exprime, comme chez Sénèque, si différentes qu’en soient les conséquences pour la théologie, l’espoir de vaincre le temps, de le faire entrer dans les limites du langage. Elle démontre la possibilité de le battre sur son propre terrain, par l’acte de voir à l’avance.
19Il est un trait du genre qui paraît à première vue en contradiction avec cette course contre le temps, mais qui, en fait, la confirme. C’est le délai, souligné par tous les consolateurs, qu’on accorde à l’affligé pour pleurer et se plaindre, avant d’essayer quelque remède. Il faut attendre que passent les premières et violentes expressions de la douleur. Car tenter de la soulager tout de suite ne ferait que l’irriter. En apparence, un tel sursis donne à l’ennemi, au temps, la possibilité d’accomplir son œuvre destructrice. En réalité, le consolateur en tire ce paradoxal avantage qui consiste à laisser courir, se débattre et s’épuiser une proie, avant de la frapper. Il donne à l’adversaire pour mieux le tromper ensuite. Il déclare ainsi son intention de dépasser, voire d’abolir le temps. Cette avance, que lui laisse le consolateur au départ, n’est qu’une ruse, une annonce à peine voilée, qui prend tout son sens d’être faite dans le prologue, de la tactique qu’il compte lui-même utiliser.
20Deux voies, traditionnellement, conduisent à cette éclatante victoire que promet le consolateur : la constance du sage, demeurant immobile face au changement universel ; l’espérance du chrétien, regardant les vicissitudes de notre monde à la lumière des vérités éternelles. Mais il est une troisième voie, moins glorieuse. Elle concerne aussi l’âme du patient, en ce qu’elle tient à la psychologie, mais elle s’éloigne de l’ascèse que préconisent les deux autres méthodes. Elle consiste à prendre conscience que le temps n’a de réalité que subjective. Ainsi, le rapport de force s’inverse. Le temps ne possède plus sur l’homme un pouvoir absolu. L’homme maintenant peut modifier à son gré la durée des phénomènes. Quelques moments deviennent des siècles ; et les siècles, un moment, suivant que le malheur ou le bonheur les remplissent. « Une mesme quantité de temps est diversement estimée selon les divers intérest de ceux qui en font le calcul » [21].
21L’argument a son origine dans la consolation stoïcienne. Il vise à rendre acceptable la mort précoce d’un proche, en particulier d’un enfant, en démontrant que la durée de la vie est chose parfaitement indifférente. Sénèque le développe en des pages fameuses. Montaigne l’invoque à maintes reprises. Malherbe ne l’oublie pas :
Les années sont toutes de douze mois. C’est une borne où tousjours elles arrivent, et qu’elles n’outrepassent jamais. Il n’en est pas de mesme de nos vies. Leur durée est courte ou longue, comme il plaist à celuy qui nous les donne. [22]
22L’opposition de la durée objective, toujours égale à elle-même, et de l’âge variable qu’atteignent les individus, fauchés à n’importe quel moment, pour des raisons incompréhensibles, ne peut se résoudre pour Malherbe que dans la soumission de la créature à son Créateur. Les Stoïciens expliquent que la valeur d’une vie ne se mesure pas au nombre des années, mais à la grandeur de la vertu. Par ailleurs, chrétiens et philosophes s’entendent pour dire que les années volées à celui qui meurt prématurément sont autant de malheurs et de maux qui lui sont épargnés [23].
23L’argument de la relativité de la durée va beaucoup plus loin. Colomby l’invoque pour le réfuter, pour dénoncer « une mesure si fausse ». Pourtant, on présentera bientôt cette perception subjective comme une véritable victoire sur le temps : comme une troisième voie. L’argument prendra de plus en plus d’importance, nourrissant la morale épicurienne qui, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, fera de la cour la principale consolation.
LE POUVOIR DU LANGAGE
24La consolation intègre à son discours de nombreuses réflexions sur le langage, et notamment sur le pouvoir du langage. C’est le second caractère du genre. Ainsi, Malherbe évoque le « pouvoir » qu’il aurait « sur l’esprit » de M. de Termes. La rhétorique, bien sûr, le lui confère. Le consolateur doit persuader l’affligé de se dépouiller de sa peine, de repousser la mort qui le charme.
25Mais, avant d’aborder la tradition rhétorique, remarquons qu’une grande partie de ce pouvoir tient à la fonction thérapeutique du langage. Les mots réconfortent, permettent d’extérioriser la tristesse qui étouffe. La croyance à l’effet curatif de la parole remonte bien au-delà des conceptions rationnelles. Elle se rattache à la mentalité primitive qui voit dans les mots des forces naturelles, voire surnaturelles, dont l’action est très puissante. Cette langue magique fut longtemps le fondement de la médecine. Au fond de la consolation, dans la mémoire du genre, se trouve la conviction, qui affleure à tous moments, que la parole en elle-même peut guérir, que les mots sont des philtres et des amulettes, et que leur pouvoir réside moins dans la signification que dans l’incantation et la conjuration.
26La consolation, c’est le langage considéré comme instrument de thérapie. L’affirmation est explicite chez Sénèque. Le philosophe se présente comme un médecin de l’âme. Il connaît, dans chaque cas, les mots qu’il faut dire, afin de chasser le trouble de l’esprit qu’il soigne, afin d’y faire entrer un peu de tranquillité. Tu souffres, mais des mots peuvent te soulager, sinon te guérir : c’est la formule élémentaire de toutes les consolations. C’est un caractère du genre, le discours met en évidence la valeur performative du discours lui-même. Les premiers mots servent à parler du pouvoir des mots.
27Cette œuvre salutaire de la parole est souvent proclamée par d’ostentatoires figures de rhétorique, au nombre desquelles la prosopopée arrive au premier rang, puisqu’elle consiste à faire parler une personne absente ou morte. Dans ce dernier cas, la parole, qui non seulement guérit, mais ressuscite, apparaît vraiment toute-puissante. Dans son épître à Marcia, Sénèque donne la parole à Cremutius Cordius [24], défunt père de la destinataire. La prosopopée actualise un discours au second degré, doublement consolateur, qui tire sa force de lui-même – combien cette voix arrivant de l’au-delà est émouvante ! – et du discours du philosophe qui le remémore. La personnification de Philosophie, dans la Consolation de Boèce, donne le plus spectaculaire exemple de mise en scène du pouvoir thérapeutique de la parole.
28D’où cette idée, sans cesse rappelée, qu’il n’y a pire douleur que la douleur muette, poussant la cruauté jusqu’à priver du langage celui qu’elle accable. Si la parole guérit, le silence enlève tout espoir. En perturbant la raison, la passion ne peut que s’attaquer au langage. Aussi tout désordre de l’âme, qu’il soit causé par la tristesse ou par quelque autre passion, détermine-t-il un trouble équivalent du langage, une tendance au mutisme, voire à l’aphasie qui marque le point ultime de la douleur. Les Consolations de Sénèque, isolé, peuvent se comprendre comme une réaction contre le danger permanent du silence : « La souffrance nous ôte si souvent jusqu’à l’usage de la parole » [25], écrit-il à sa mère Helvia. Quant à Jérôme, citant Virgile (« Non, même si j’avais cent langues et cent bouches » [26]), il avoue que « la parole est dépassée » par l’ampleur du désastre. « Thucydide même et Salluste demeureraient muets. » [27] Pierre Charron, dans son traité De la sagesse (1601), écrit que « la tristesse nous ôte l’usage du discours » [28]. Consoler, c’est donc faire sortir de l’indicible. La consolation nomme le malheur, c’est-à-dire transforme une manifestation silencieuse, confuse ou inintelligible de la souffrance – le soupir, le cri, le sanglot – en paroles.
29La psychanalyse trouve derrière le langage un autre langage que l’individu tient à son insu, qui témoigne d’une instance plus profonde. Les mots permettent d’accéder à d’autres signes qu’ils révèlent et qu’ils nient. La thérapie stoïcienne ne procède pas ainsi. Elle ne dédouble pas ni n’approfondit le sens : elle le rectifie. C’est la seconde méthode thérapeutique préconisée par Sénèque, une sorte d’orthologie, qu’il joint à sa méthode de prévision des malheurs : elle consiste à corriger le sens d’un mot, à en donner une définition paradoxale qui transforme le mal en une chose indifférente, voire en un bien. Sénèque pratique régulièrement cette sémantique philosophique. Le cas le plus frappant est celui du mot exil : « L’exil n’est qu’un changement de lieu. » [29] Et poursuivant sa définition dans un développement de plusieurs pages, Sénèque montre que l’exil n’a rien pour effrayer le sage, qu’au contraire il comporte des agréments, qu’à l’exil se ramènent tous les principes fondamentaux du stoïcisme : l’âme est en perpétuel mouvement ; le destin veut que rien au monde ne soit stable ; la nature, peu importe le lieu, reste la même ; nos vertus nous suivent, où qu’on aille ; le sage est partout chez soi.
30Cette méthode se rattache à la théorie stoïcienne de la connaissance. Le malheur ne tient qu’à la fausse représentation qu’on se fait d’une situation. La souffrance vient plus de l’ignorance que de la mauvaise fortune. Le consolateur corrige, détrompe, enfin persuade l’affligé d’abandonner l’erreur qu’il chérit, et de renoncer une fois pour toutes aux illusions qui le font souffrir. Vous croyez que l’exil est une calamité ? Le sage vous désabusera, vous obligera par une argumentation serrée à déclarer que l’exil est un bienfait.
31Le consolateur appuie sa démonstration sur un ensemble de lieux communs, qui sont autant d’arguments déjà prêts, qu’il trouve à sa disposition. Ils se répètent inlassablement d’un texte à l’autre depuis l’Antiquité [30]. Le christianisme ajoutera les siens, supprimant rarement ceux dont il hérite. Tous les genres ont leurs poncifs. Mais la consolation leur donne une très grande place, et le consolateur, de toute évidence, prend plaisir à les multiplier, et un soin particulier à les mettre si bien en évidence, qu’on a parfois l’impression qu’il n’use que d’une langue toute faite.
32Si l’expression lieux communs n’est pas fausse d’un point de vue rhétorique, sans doute serait-il plus juste, d’un point de vue logique, de parler de notions communes : opinions que se forment naturellement les êtres raisonnables, et qui servent de base à la discussion, parce que tous les admettent.
33C’est ce qu’entend M. de Molière, quand il écrit à Thysis que la mort, en réalité, s’avère moins tragique que la maladie : « J’accommode presque en toutes choses mes sentimens à ceux du peuple » [31]. Car il n’exprime pas ici quelque élan de sympathie pour le peuple, il ne veut pas dire non plus qu’il raisonnerait ainsi que raisonne le vulgaire, mais seulement qu’il est des propositions auxquelles adhèrent spontanément tous les esprits. Notions naturelles, mais non pas innées, elles se forment à partir des perceptions sensibles, et constituent, dans leur ensemble, ce que les Stoïciens appellent, à proprement parler, le sens commun. « Le but du Stoïcien sera toujours de ramener son opinion à une de ces notions communes » [32], considérées comme des prémisses universelles. Ainsi, les Stoïciens « transforment la logique entière en dialectique » [33]. Il ne s’agit pas de démontrer les propriétés d’un être en partant de son essence, mais de soutenir une thèse en s’appuyant sur les propositions acceptées par l’interlocuteur.
L’AUTRE
34Le consolateur n’est pas seulement un interlocuteur. C’est l’Autre par excellence, qui par la parole s’interpose entre le monde et moi. S’introduisant dans la conscience qui souffre, il intervient, par des arguments éprouvés, dans le dialogue intérieur du patient, il tente de remplacer la plainte par le raisonnement.
35Le langage parvient à soulager la douleur, parce qu’il « manifeste l’être relationnel de l’homme » [34]. C’est ce qu’exprime Cicéron, lorsqu’il fait du rappel de notre humanité la plus efficace des consolations [35]. Celui qui se sentait isolé par la douleur, quand il la dit, reconnaît sa dépendance vis-à-vis des mots qui l’ont précédé dans le monde, et donc vis-à-vis des autres.
36C’est le sens des lieux communs qui constituent la trame de toutes les consolations. Ils ne dépendent pas seulement de la technique rhétorique. Ils affirment la préexistence du langage. Ils permettent l’expression de la peine, mais plus encore ils exigent la soumission aux mots, aux formules toutes faites du langage. D’une manière solennelle, l’affligé que met en scène la consolation doit se résigner, non pas tant aux arrêts du destin ou de la providence, qu’à la nécessité du langage. La faute de l’affligé, passion stoïcienne ou péché chrétien, ce n’est pas la tristesse, mais le silence : « la rupture du pacte social du langage » [36]. La première tâche du consolateur consiste à libérer celui qui souffre du cachot de l’ineffable.
37Aussi n’est-il pas surprenant que le consolateur défende, dans un esprit très conservateur, l’ordre social existant. Comment pourrait-il en être autrement, puisqu’une société, pour transmettre ses règles, se sert avant tout du langage ? Le genre de la consolation culmine en France au moment où Richelieu, auquel du reste Faret dédie son Recueil, travaille à l’entreprise de faire régner l’ordre dans le langage. Ce ne sont pas tant la providence divine ni l’harmonie cosmique, invoquées par les consolateurs, qui justifient le pouvoir en place, que l’affirmation du caractère inviolable des lois du langage.
38La consolation parle de la présence de l’Autre. Tout le langage le révèle, et d’une manière précise le mot lui-même qui désigne l’entreprise d’apaiser la douleur : consoler (cum + solari), c’est d’abord être « avec » quelqu’un, l’étymologie l’indique clairement. C’est obtenir une assistance, passer de l’individuel au collectif [37]. C’est pourquoi les pages que Sénèque consacre à l’exil apparaissent comme le cri de la pure souffrance. Par définition, l’exil condamne l’individu à s’éloigner de sa communauté, à rompre la communication, voire à se couper du langage, comme l’éprouve si pathétiquement Ovide.
39La consolation n’est pas un dialogue au sens strict, les interlocuteurs ne sont pas ensemble. Mais, par des arguments caractéristiques du genre, par toutes sortes de marques linguistiques, le destinataire se veut beaucoup plus présent dans la consolation qu’il n’est d’une manière générale dans l’épître.
40La consolation ne saurait guérir ce qui est incurable. Le temps même que passent les épistoliers à écrire, à lire, sera soustrait de leur vie. Nous ne gagnons qu’une seule chose à ce commerce, écrit saint Jérôme, c’est d’être « mutuellement associés (sociamur) par l’amour du Christ » [38]. Non seulement Héliodore, le destinataire, malgré la distance « embrasse » (complectitur) de la sorte Jérôme, mais encore Népotien, malgré la mort, devient « présent » (absens praesens est). La consolation n’a plus pour fonction de tarir les larmes, elle réunit, dans un acte proprement religieux, la communauté de ceux qui souffrent, au nom de Celui qui a souffert pour racheter les hommes. Le stoïcisme affirmait que nous sommes tous « parents » : sungenês, étymologiquement « nés avec ». Nul mieux que Marc Aurèle ne développe cette idée que nous sommes faits pour « coopérer » [39] (pros sunergian). Dans les consolations des XVIe-XVIIe siècles « le parfaict amour conjugal » [40] symbolise parfois cette force unificatrice. La consolation de Du Perron « À M. l’Admiral de Joyeuse » [41] fait ainsi de l’épouse disparue le principe éternel de l’union des sexes.
41La mort même travaille à cette collaboration universelle, « sans esgard à l’aage, sexe ou qualité » [42]. Le commun trépas abolit les différences qui séparent, afin qu’au dernier moment tous soient pareils. « La condition de tous les hommes [est] esgalle quant à ce regard » [43], écrit Colomby. Ce thème de la mort qui unit est particulièrement cher à Malherbe : le roi meurt au Louvre comme « le pauvre en sa cabane » [44].
42L’une des marques linguistiques les plus visibles du destinataire s’avère sans doute l’usage fréquent de l’impératif, qui ponctue l’argumentation comme autant de rappels du lien unissant le thérapeute au patient : « Représentez-vous », écrit Malherbe exhortant M. de Termes à la constance, « Ôtez-vous ce trouble de l’esprit », « Remettez-vous devant les yeux », « Ne faites point qu’on vous demande ce qu’est devenu votre courage ». Ce mode du commandement manifeste le pouvoir qu’en ouvrant son épître Malherbe se flattait d’avoir sur l’esprit de l’affligé. Il s’agit bien sûr de convaincre, mais l’enjeu est si grave, et l’issue de toute manière à ce point inexorable, que la persuasion tourne à l’exigence. Le temps consolera, si la raison avec honneur n’y parvient pas. L’impératif applique sur les verbes, et sur toute la consolation, l’empreinte de la nécessité. Le mode qui sert à donner des ordres exprime l’ordre du langage et du monde auquel le sage accepte de se conformer.
43Pour l’élocution, la prolepse est certainement la figure la plus caractéristique : « Je sçay bien que vous direz que [...] » [45], écrit Malherbe à M. de Termes, corrigeant à l’avance une objection de son interlocuteur. Prévoyant, rectifiant, manifestant dans le discours la voix de l’Autre, la prolepse rassemble les principaux caractères du genre. Elle résume la méthode du consolateur.
44Si l’on tente maintenant de préciser la définition rhétorique de la consolation, force est de constater, non sans une certaine surprise, étant donnée son importance dans la littérature antique, que la tradition l’a presque ignorée :
Pour ces autres matières [...], elles n’ont pas leur place parmi les différents genres de discours, elles ne sont pas soumises à des règles particulières [...] : telles sont les réprimandes, les exhortations, les consolations. [46]
45En réalité, la situation de la consolation n’est pas si incertaine que Cicéron semble le dire ici. Dans les épîtres que lui-même rédige, il la caractérise beaucoup plus clairement. Le vocabulaire qu’il utilise oriente vers le genre délibératif. Deux familles de mots reviennent continuellement sous la plume de Cicéron : celle du verbe moneo, ui, itum, ere ; celle du verbe consulo, sului, sultum, ere.
46Moneo se rattache à mens, tis ( « l’esprit » ) et à memini, isse ( « se souvenir » ) : il signifie : « faire songer à », « avertir », « conseiller ». « Je n’ose donner un conseil (monere) à un citoyen comme toi », écrit Cicéron à Marcellus. Mais il trouve vite l’audace de le faire : « Que tu considères mes paroles comme un conseil ou comme un avis » [47]. Cicéron remercie Servius de ses « conseils » et de ses « avertissements », mais il ne termine pas sa lettre sans lui en donner à son tour, malgré la prétérition : « Aussi, sans te donner de conseil, me suis-je persuadé que [...] » [48]. Dans les épîtres consolatoires de Cicéron, moneo et ses dérivés présentent le colloque de celui qui souffre et de celui qui réconforte comme un prolongement du dialogue de l’âme avec elle-même. Le consolateur ne fait que rappeler à l’affligé des arguments que celui-ci connaît déjà.
47Consulo concerne directement la question des genres oratoires, car le mot signifie « délibérer ». Consilium, ii traduit le grec boulê, ês : « délibération » et, comme nom propre, « le Conseil des Cinq-Cents ou Sénat ». Consilium, tout comme monitum, glisse facilement vers un sens réflexif, pour désigner la délibération intérieure de la conscience. Cicéron affirme en ce sens : « Ma plus grande consolation reste le sentiment d’avoir fait de prudentes réflexions [49] (consiliorum) ». Édouard Bailly traduit par « prévisions », autorisé par le contexte et par le sens général du terme, qui comporte en effet une notion de temps. La délibération se déroule non seulement dans la durée, mais en fonction des événements futurs. Le lien est évident entre le conseil donné à l’ami, ou tenu dans les profondeurs de l’intelligence, et la méthode stoïcienne d’anticipation et d’amortissement du malheur. C’est pourquoi le mot consilium peut servir à formuler cette lutte contre le temps, que nous avons définie comme un trait distinctif de la consolation : « Nous devons, écrit Cicéron à Titius, puiser à l’avance dans la réflexion (consilio anteferre) les consolations qu’apporterait l’avenir et ne pas attendre du temps le remède » [50].
48Il semble donc que le grand médiéviste Ernst Curtius fasse erreur, quand il rattache la consolation au genre épidictique [51], encore que les genres oratoires ne s’excluent pas, et qu’un discours puisse relever à la fois de la délibération et en partie de la louange ou du blâme.
49En français, il ne fait pas de doute que les consolateurs n’usent du mot conseil en ayant dans bien des cas conscience de traduire le latin consilium, en respectant, donc, en pleine connaissance de cause, les règles du genre délibératif. Ainsi, Colomby commence son épître en soulignant qu’ « une des plus dignes, et des plus loüables [coustumes], est de se donner conseil les uns les autres » [52]. Il dénigre, plus loin, « des esprits tellement opiniâtres [...] qu’ils rejettent de salutaires conseils » [53]. Boisrobert s’étonne qu’un malheureux n’ait « point eu besoin du conseil d’autruy » [54].
50De manière toute rhétorique, le consolateur adopte tel ou tel caractère moral (ethos) en fonction de son auditoire : « La prudence des consolateurs doit avoir esgard à la diverse complexion des affligez qu’on veut consoler » [55]. Ce type de preuve n’est pas propre au genre délibératif, mais la sincérité, la sagesse et l’intégrité de l’orateur n’ont jamais tant d’importance qu’au moment qu’il conseille.
51La nature politique du genre délibératif laisse d’ailleurs sa marque sur la consolation, qu’un lecteur moderne pourrait croire dévolue au soulagement des seules peines privées. Il n’en est rien, et peut-être même les origines grecques de la consolation sont-elles liées aux discours entourant les deuils publics. Cicéron déplore-t-il ses propres malheurs ou ceux de ses interlocuteurs, en tant qu’individus, ou bien la tragédie de Rome, en tant que République mourante ?
52Dans le Recueil de Faret, la consolation publique occupe une grande place. Malherbe, consolant M. de Termes, évoque sa brillante carrière militaire, les charges que lui a confiées le roi. Il rappelle qu’Anne d’Autriche vient de perdre son père. Colomby console le président Jeannin, tandis que Boisrobert conseille le premier président de la Cour des aides de Normandie. Godeau, réconfortant un disgracié, brosse le portrait d’une cour où règne l’hypocrisie. Faret écrit à la princesse Chrysante. Enfin, Le Brun console Isabelle d’Espagne. Maintes consolations de la première moitié du XVIIe siècle sont des ouvrages de commande ou des œuvres de clients qui s’adressent à des protecteurs, en tout cas à de grands personnages.
53Les personnes meurent, mais l’État doit perdurer. À travers les princes et les princesses, c’est le pouvoir qu’il faut réconforter, c’est-à-dire reconnaître et confirmer, dans les moments critiques où il change de visage. Autant que le permet la monarchie, l’épître ouvre l’espace fictif d’un « parlement » où le consolateur, donnant avec ostentation ses conseils et son appui, participe au pouvoir :
Où serions-nous réduits, Madame, s’il arrivoit que la continuation de vos regrets affoiblist tant soit peu vostre santé ? [...] Pensez à nous, Madame, et que le désir de nous conserver soit plus fort, que celuy que vous avez d’aller retreuver dans le Ciel, ce Prince que vous regrettez. [56]
54Par ailleurs, chez les épistoliers du Recueil de Faret, comme chez Cicéron, la délibération touche au fondement de la raison elle-même, suivant la théorie, propre au naturalisme stoïcien, des notions communes. Ainsi le consolateur exhorte-t-il l’affligé : « Aidez à vostre raison à résister contre vostre désespoir, et goustez les conseils de vostre fidelle Lysis ». Puis il ajoute : « Aux choses qui se font par raison, je prends conseil de la nature » [57].
RAISONS
Je rechercherois des raisons pour vous consoler.
56L’affligé doit finalement se rendre aux raisons du consolateur qui, pas à pas, s’appuyant sur le sens commun, le force d’admettre l’absurdité ou l’impiété de la tristesse. Jusqu’au XVIIe siècle, la constance ou l’espérance, qui du reste ne s’excluent pas, fondent le raisonnement de toutes les consolations.
57La consolation chrétienne possède ses raisons propres, sa conception particulière du temps. Mais, pour la structure, elle ne diffère pas essentiellement de la consolation stoïcienne, dont elle assimile les caractères génétiques distinctifs, quitte à en critiquer le contenu philosophique. Le chef-d’œuvre de Boèce est le meilleur exemple de l’inextricable imbrication, dans la consolation, de la culture païenne et de la culture chrétienne.
58Le Recueil de Faret atteste cet enchevêtrement de la philosophie et de la foi. Les consolateurs passent sans transition de l’une à l’autre, invoquant, comme Malherbe, tantôt « l’ordre de la nature », « la Fortune », « les victoires que nous avons sur nos passions », tantôt « les secrets de Dieu » et « la submission que doivent les créatures à leur Créateur ». Les paroles de la sagesse, voire les mots mêmes de Sénèque s’entrelacent sans difficulté avec les paroles de l’Évangile et les mots de Notre Sauveur. Chaque consolation, mais aussi bien l’ensemble du Recueil reflète ce mélange, des consolations profanes, voire parodiques, voire galantes comme celle de Godeau à Bellinde, alternant avec des consolations dévotes, comme celle de Le Brun à l’infante Isabelle.
59La tristesse est contraire non seulement à la foi, mais à la logique. Quelle raison y aurait-il de s’attrister de ce qu’un être cher a quitté notre monde de « tourmente », de « trouble », pour « le séjour ordinaire des âmes bienheureuses » [58] ? La promesse de la vie éternelle inverse les modalités naturelles de l’affliction. Ce serait « folie », continue Le Brun, de pleurer celui qui vit maintenant dans la « compagnie des Anges ». Les joies que dispense le Ciel rendent inutiles, qui plus est, « interdisent les larmes et les regrets » [59]. Une remarquable étude de Danielle Roth a mis en évidence le trait sans doute le plus caractéristique de la consolation religieuse au XVIIe siècle : pleurer serait mépriser l’ordre providentiel, à moins que les pleurs n’expriment la contrition qu’éprouve le pécheur confronté à l’évidence de la mort, ou bien la joie qui découle de l’acceptation des volontés de Dieu : « Les larmes du XVIIe siècle tournent l’animalité en sainteté, et traduisent la lutte contre la nature au lieu d’en être la manifestation » [60]. S’opposant au regard, baissé vers le sol, du mélancolique, le regard, tourné vers le ciel, du saint, du martyr ou simplement du fidèle, s’avère la marque de cette fonction surnaturelle des larmes. Ainsi, écrit Le Brun, le frère et l’époux défunts « regardent de là haut » Isabelle, ils l’ « assistent par leurs prières », « entrent dans [son] Conseil », tandis qu’en retour elle « dresse [ses] pensées au Ciel » [61]. On trouve un tel symbole de la Contre-Réforme, non seulement dans les consolations littéraires, mais encore partout dans la peinture.
60Le temps est vaincu par l’éternité, la prévision s’incline devant l’incompréhensibilité de la Providence, et la victoire sur la Fortune est remplacée par l’humble obéissance. « Il suffit de dire que Dieu l’a voulu de cette sorte. Vous estes trop obéïssante à ses commandemens pour en murmurer » [62]. Les raisons stoïciennes ne sont pas abandonnées, mais, au contraire, exaltées, quand elles passent, sous l’effet de l’esprit, de la nature au surnaturel. Il s’agit bien d’un dépassement, d’une sorte de rédemption de la logique philosophique, et non pas d’un reniement. Dans une consolation toute chrétienne, Le Brun conserve le vocabulaire et les arguments de Sénèque. L’ « inconstance » règne sur notre monde et l’Autre monde est le lieu de « la tranquillité », avant d’être celui de « la charité ». La raison est « souveraine ». Elle doit « succéder à ces furieux mouvements » qui agitent d’abord l’âme surprise par le désespoir. On trouve, sans même que Le Brun se donne la peine de le reformuler en termes chrétiens, l’argument fondamental de la consolation stoïcienne : « Recevez des mains de vostre constance, le soulagement que les autres reçoivent de celles du temps » [63].
61Il existe une espèce de démonstration par l’absurde des raisons du consolateur. C’est la parodie, à laquelle la consolation se prête aisément, avec son langage très codé. La Consolation à Madame de Termes sur la mort de son fils, par M. de Molière, prend systématiquement le contre-pied des lieux communs du genre. En résulte un curieux contraste entre le discours contestataire, voire ludique de la parodie, établissant une distance critique ; et le discours consolatoire qui appelle une forme d’approbation des règles de la vie sociale, de même qu’un certain ton d’intimité. Godeau, écrivant à Bellinde après la mort de son mari, pousse la bouffonnerie jusqu’à la déconstruction du genre [64]. Il console l’épouse d’une si dure perte, alors même qu’il se félicite de la trouver enfin dans la situation de pouvoir l’aimer librement. Mais la parodie que donne M. de Molière est plus intéressante, parce qu’elle est plus ambiguë, conservant toute sa gravité, alors même qu’elle contredit les principales propositions du genre.
62La consolation de M. de Molière est intéressante encore, parce qu’elle est écrite à Mme de Termes, de toute évidence en vue d’être rapprochée de la consolation de Malherbe sur la mort du même fils. Molière console la mère en renversant les arguments qu’utilisait Malherbe pour consoler le père. « Je ne puis apreuver, commence M. de Molière, la coustume de ceux qui s’opposent aux premiers mouvemens de la douleur » [65]. Il ne peut ignorer que Malherbe, et avec lui tous les consolateurs de la tradition stoïcienne disent exactement le contraire, soit qu’aucun remède ne saurait avoir quelque effet sur une âme, avant que ne soit passé le premier choc de l’affliction. Il faut que la raison ait en partie recouvrer ses droits pour que le consolateur puisse se mettre à l’œuvre. Par ailleurs, le mot « coustume » n’est pas neutre. Il désigne ironiquement la thérapeutique philosophique, qui paraît ainsi beaucoup plus proche de la Fortune et de ses vicissitudes, que de la raison et de ses lois.
63L’argument suivant de M. de Molière est tout aussi paradoxal : « Il est des afflictions où tout ce que l’on peut faire jusqu’au désespoir est permis » [66]. Ici non plus le consolateur ne peut ignorer qu’il s’oppose directement à l’enseignement de l’Église, en donnant cette permission sacrilège de violer le dogme de l’espérance : vertu théologale qui est au principe de toutes les consolations chrétiennes. L’épistolier atténue le blasphème en ajoutant que « de cette espèce de maux, il n’y a que la bonté de Dieu qui vous puisse retirer ». Mais il faudrait plus que cette correction pour que sa consolation fût orthodoxe.
64M. de Molière retourne contre elle les arguments de la philosophie : « Il faut laisser faire au temps ce que les plus fortes raisons ne sçauroient faire sans luy » [67]. C’est la négation d’un argument spécifique de la consolation, alors que tous les épistoliers prédisaient la défaite finale du temps. Molière dénonce ouvertement les « vains artifices » du stoïcisme. Sénèque n’était qu’un prétentieux personnage qui enseigna une « coustume » qu’il ne put lui-même pratiquer dans le malheur. La sagesse prône la modération. Or l’épître de M. de Molière est une apologie de « l’excès », de l’outrance, des cris et des larmes qui répondent à la démesure de la douleur. Il est tout à fait légitime de « passer mesme les bornes que prescrit la nature » [68].
LES CONSOLATIONS DE LA COUR
65Mais le parodiste ne méprise pas la raison : nous ne pouvons espérer de remède qu’en « contraignant nostre âme à se servir de son conseil » [69]. Le Brun, dans sa pieuse épître, se servait du même terme pour formuler le premier des préceptes stoïciens : « Ce que vous devriez souffrir par contrainte, souffrez-le volontairement » [70]. Mais, c’est moins dans le contexte de la sagesse stoïcienne, que dans celui de la curialisation de la noblesse qu’il faut comprendre ce mot. La « contrainte » qui doit devenir « volontaire », c’est ce que Norbert Elias a nommé l’autocontrainte, soit le contrôle d’abord conscient, puis inconscient des pulsions. Et l’affranchissement tient moins à la vertu, à l’héroïsme, qu’à la désinvolture. Pendant deux ou trois générations, à partir du milieu du XVIe siècle, les courtisans ont pu se déguiser en sages, jouant sur l’ambiguïté de ce que signifie le contrôle de soi. La cour devint une pépinière de philosophes, et la scène se remplit de héros déclamant des maximes stoïciennes.
66Tous ne furent pas dupes de ce qui n’était que l’autre nom de l’hypocrisie. On attaqua bientôt cette fausse sagesse. C’est l’un des sens au XVIIe siècle du discours de la retraite et du désert [71] : il récupère temporairement les vertus de la philosophie antique et du christianisme primitif, telles qu’on a cru un moment que les pratiquaient des nobles métamorphosés en sages ou en ascètes. Godeau consolant M. L. C. B. S. « de sa disgrâce » ne voit plus de salut que loin de la cour : « le repos ni la liberté » ne sauraient se trouver dans le repaire de toutes les ambitions. Godeau se souvient des pages que Sénèque a consacrées à l’exil. Il n’y a pas meilleur exemple des dangers de la cour, encore qu’il soit dangereux, parce qu’un soupçon de servilité pèse sur le philosophe, qui aurait offert à Polybe une consolation, dans le seul espoir qu’il favoriserait son rappel.
67Cette défiance est générale au XVIIe siècle. M. de Molière n’est pas le seul épistolier qui se défende contre l’accusation d’écrire « par flatterie », dans l’intention « d’acheter une bonne fortune par un mensonge » [72]. Ce qui veut dire que la consolation est un genre de cour, qui suppose une certaine complaisance. Le modèle du consolateur par profession, du courtisan qui tarit les larmes en chantant les louanges, qui avance des arguments servant au réconfort des affligés autant qu’à son propre avancement, c’est Malherbe, qui pousse l’ambiguïté morale jusqu’au bout, en élevant le genre à sa perfection esthétique.
68Godeau, après avoir assumé la double tradition, philosophique et chrétienne, du genre, après avoir remarqué qu’il ne trouve dans la bouche du disgracié ni « les plaintes » ni « le blasphème », se tourne finalement vers le vocabulaire moral du courtisan : le malheur « n’a pas causé le moindre changement sur vostre visage » [73]. Le sage était impassible, mais le malheureux apparaît ici impénétrable. De même, pour convaincre Daphnis de renoncer à la Belle Sylvie qui le fait souffrir, M. de Molière ne trouve pas meilleur moyen que de lui décrire la « malice » des courtisans qui font une « honte » de sa tristesse, et qui se moquent du peu de courage qu’il montre devant les peines de l’Amour : « Desja tout l’entretien de la Cour est de vostre absence, chacun treuve estrange de ne vous voir point auprès du Roy » [74].
69Nicolas Faret opère une remarquable synthèse. Les « raisons » qu’il avance, écrit.il en commençant, ne sont pas nouvelles, il ne fait que « les remettre en la mémoire » de la princesse Chrysante, qu’il console de la mort d’Élise, sa fille. Cette affirmation n’est pas exacte, car l’importance que Faret donne à la cour, face au Portique et face à l’Église, est bien nouvelle. Il a clairement conscience de proposer une troisième voie, un honnête remède, brisant le binôme de la constance et de l’espérance. Sans exagérer, on peut dire que sa consolation marque une date dans l’histoire du genre en France.
70Faret vante d’abord « la constance » de Chrysante. Elle est un « exemple de sagesse ». Pour qui ? Pour « toute la cour ». Dès les premières lignes, alors que le consolateur n’en est qu’à produire les arguments traditionnels de la philosophie, il introduit ce qu’il donnera à la princesse comme la troisième raison de contenir ses larmes. Il vante la vertu de Chrysante en des termes dont la rigueur peut surprendre. Le contrôle qu’elle doit exercer sur elle-même est si étroit, qu’il ne laisse pas « la liberté d’obeïr à ces premiers mouvemens » [75] que les maîtres les plus sévères pourtant permettaient. Faret ne saurait tolérer les moindres soupirs, à moins qu’ils ne fussent « bien secrets et bien modérez » [76]. Cette dernière épithète entre sans difficulté dans le vocabulaire stoïcien, la modération est l’un des maîtres mots de la sagesse du Portique. Mais le secret ? Il laisse voir peu de choses, mais pour d’autres raisons. La modération appartient à la philosophie, le secret appartient à la morale de cour, telle que la définissent tous les traités des XVIe-XVIIe siècles. Le discours de Télémaque à Narbal, dans le roman de Fénelon, explique parfaitement l’importance du secret pour celui qui entend régner, sur lui-même et sur les autres [77]. Faret se sentirait « contrainct de rougir pour [la Princesse] » [78], s’il voyait des larmes tomber de ses yeux. Le consolateur néglige ici la signification surnaturelle qu’elles peuvent avoir. Il parle de maîtrise, et plus en courtisan qu’en philosophe. Il décrit l’un des mécanismes de dressage corporel qui accompagnent les nouvelles attitudes mentales. Pleurer, comme rire, est un acte involontaire pour la plus grande part. Faret exige de la princesse qu’elle le contrôle. Sinon, il va « rougir », ce qui est aussi une réaction physique involontaire, que le courtisan doit apprendre à maîtriser. Il s’agit de la menace d’une certaine contagion, ou de l’émulation dans la contrainte.
71Suivant une stricte disposition, Faret arrive aux raisons chrétiennes, d’autant plus nécessaires qu’Élise, la fille de Chrysante, « faisait profession de Religieuse ». Peut.on regretter une femme dont l’ordinaire méditation était la mort ? Elle est enfin parvenue là où elle avait toujours souhaité de se rendre. Voici le syllogisme, fréquent dans les consolations chrétiennes : Élise est morte sans avoir péché ; or, plus la vie est longue, et plus nombreuses sont les occasions de succomber ; on doit donc se réjouir que la mort d’Élise soit tôt survenue. La jeune âme gagne en éternité les années qu’elle a perdues ici-bas. D’ailleurs, Élise, entrant dans l’Église, avait renoncé au monde, elle n’appartenait plus à sa mère, elle n’était plus sa fille, bien avant de mourir.
72Puis, sans transition, alors que la phrase précédente traite encore de « nostre salut », il expose les honnêtes raisons de se consoler. À côté de la constance, de l’espérance, il place les divertissements : « Songez à [les] chercher », écrit Faret exhortant Chrysante. On voit tout de suite la différence qui sépare le troisième terme des deux autres. Ceux-ci donnent des armes contre le malheur, tandis que le divertissement n’offre, au mieux, qu’une arme défensive, une sorte de bouclier qui pare les coups, ou plutôt une sorte d’écran qui masque les calamités, de manière qu’on les oublie provisoirement. Pascal le répète, le divertissement permet à l’homme de fermer les yeux sur son malheur. La stratégie du courtisan est celle du Scythe qui combat en fuyant.
73Le divertissement, lui aussi, lutte contre le temps, mais il cherche moins à le vaincre qu’à l’éviter, moins à le dépasser comme le sage ou le saint, que, de manière magnifique, à le faire simplement passer. Le divertissement, lui aussi, transforme le mal en un bien, ce qui est à proprement parler l’acte de consoler, mais il ne cherche pas à le rectifier en regard de la vérité de la vertu, il ne le métamorphose pas non plus sous l’effet de la rédemption. Le divertissement ne fait qu’attirer ailleurs le regard de celui qui souffre de ce qu’il voit. Pour la première fois, du moins dans l’histoire du genre, sinon dans celle de la pensée, on propose sérieusement, non au vulgaire, mais à une personne souveraine, le divertissement comme un remède à la douleur, et le plaisir comme le soulagement de tous les maux. À partir de 1650, l’épicurisme remplace peu à peu le stoïcisme en tant que morale de la consolation. La constance devient un mot vide. La Providence poursuit sa mystérieuse mission, mais dans le discours profane, la cour est consolatrice. C’est alors que s’inverse la signification de la retraite, à laquelle s’opposent « Paris et la fréquentation de la Court », comme l’antidote au poison. La solitude sécrète les rêveries et la mélancolie. Faret tente, lui en montrant tous les dangers, d’amener Chrysante à renoncer à la vie champêtre. M. de Molière reprochait de même à l’amant éconduit de s’être « retiré en [la] solitude [...] contre le conseil de tous [ses] amis » [79].
74Le plus puissant des divertissements, c’est bien sûr la conversation, qui par son « charme » a bien souvent « destourné de la mort, des personnes qui estoient opiniastres à la chercher » [80]. Cette méthode, qui n’offre ni le salut ni la tranquillité, s’avère pourtant très efficace. On trouve à la cour des divertissements si grands et si doux, « qu’il n’y a que les douleurs désespérées qui n’y puissent recevoir de consolation » [81]. La conversation devient ainsi, de manière inattendue, l’instrument de la conservation.
75À première vue, rien n’est plus étranger au naturel, à la spontanéité, à la grâce d’une conversation que le ton du conseil philosophique ou chrétien. Mais, nous l’avons vu à propos des mots latins consilium et monitum, en français à propos du mot conseil, la consolation n’est souvent que la mise en scène d’un dialogue intérieur. Dans le cadre de la parénétique, de l’exhortation, de l’homélie, les deux interlocuteurs ne sont pas sur le même pied : le maître s’adresse à l’élève, le ministre à la troupe des fidèles. La conversation qui console fait éclater ce cadre séculaire. Elle multiplie les voix et transgresse les hiérarchies. En principe, pendant le temps que dure cet exercice de l’honnêteté, nul n’a de droit particulier à la parole, prise dans le respect de la correction, des bienséances, de la qualité de chaque interlocuteur, mais sans privilèges. La conversation est une consolation polyphonique, elle est certainement plus apte que les duos, ou que les monodies, à rendre compte de la conscience moderne, de la complexité des drames qui s’y nouent, des malheurs qui l’agitent, du réconfort qu’elle recherche, le divertissement devenant d’autant plus nécessaire, que deviennent plus fortes les contraintes qui s’exercent sur l’esprit.
Notes
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[1]
Voici la présentation que donne du Recueil de Faret le Groupe de recherches interdisciplinaires sur l’histoire et le Groupe de recherche sur les discours de la morale (É. Méchoulan, dir.), à l’occasion des Journées d’études sur le Recueil Faret (Paris, 9-10 juin 2005) : « Le Recueil de lettres nouvelles, dédié à Mgr le cardinal de Richelieu, dit Recueil Faret, a été publié pour la première fois à Paris, chez Toussaint Du Bray, en 1627, et plusieurs fois réédité par la suite. L’ouvrage se présente comme une anthologie exemplaire des belles-lettres contemporaines, “la meilleure partie des plus belles choses que la France ait produites”, selon la dédicace à Richelieu, signée de N. Faret. Il rassemble des lettres de divers auteurs (Achille de Harlay, Boisrobert, Colomby, Godeau, Guez de Balzac, Malherbe, Molière d’Essertine, Racan, Silhon, parmi d’autres), dont certains sont alors déjà bien connus, tandis que d’autres y trouvent une première occasion de publication imprimée ».
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[2]
Sénèque, Ad Marciam De consolatione, VIII-1 : « Tamen illum efficacissimum mitigandae ferociae tempus enervat », éd. et trad. par R. Waltz, Paris, Les Belles Lettres, 1975.
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[3]
[François de] Malherbe, « Lettre première à M. de Termes. Il le console de la mort de son fils », dans N. Faret, Recueil, p. 1.
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[4]
Ibid., p. 1-2.
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[5]
Sénèque, Ad Marciam, IX-1 : « Quod nihil nobis mali antequam eveniat proponimus ».
-
[6]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 3, p. 5, p. 6, p. 11.
-
[7]
Les Épîtres de Sénèque, traduites par Fr. de Malherbe, à Paris, chez Antoine de Sommaville, 1637.
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[8]
Malherbe, « Consolation [... ] », dans N. Faret, Recueil, p. 3.
-
[9]
Ibid., p. 7.
-
[10]
Lettre de Messire Anthoine Faure [...], dans Tombeau de Laurens de Chaponay, Lyon, Amy de Polier, 1616, p. 26, cité par R. Baustert, La consolation érudite. Huit études sur les sources des lettres de consolation de 1600 à 1650, Tübingen, Gunter Narr Verlag, Biblio 17, 141, 2003, p. 157.
-
[11]
Antoine de Nervèze, Lettre de consolation à Mgr le Duc de Montmorency [...], Lyon, Barthelemy Ancelin, 1614, p. 11.
-
[12]
[Antoine] Godeau, « À M. L. C. B. S. Il le console de sa disgrâce », dans N. Faret, Recueil, p. 510.
-
[13]
M. de Coulomby [François de Cauvigny, Sieur de Colomby, cousin de Malherbe], « Discours de consolation. À M. le président Jeannin sur la mort de sa femme », dans N. Faret, Recueil, p. 109. Voir R. Baustert, op. cit., p. 196 sq.
-
[14]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 7.
-
[15]
N. Elias, La dynamique de l’Occident [1939], Paris, Calmann-Lévy, 1975.
-
[16]
Voir R. Baustert, op. cit., p. 28 : « Consolations et théoriciens de l’honnêteté s’accordent pour affirmer la priorité de la raison ».
-
[17]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 9.
-
[18]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 105-106.
-
[19]
Sénèque, Ad Marciam [...], XXVI-6.
-
[20]
Saint Jérôme, Lettres, éd. par J. Labourt, Paris, Les Belles Lettres, 1953, LX, Ad Heliodorum, 16 : « Romanus orbis ruit ». Voir C. Favez, La consolation latine chrétienne, Paris, Vrin, 1937.
-
[21]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 123.
-
[22]
Malherbe, « Consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 5-6.
-
[23]
Saint Jérôme, Lettres, LX-17 : « Heureux Népotien, car il ne voit pas tout cela ».
-
[24]
Sénèque, Ad Marciam, XXVI-1.
-
[25]
Sénèque, Ad Helviam matrem De consolatione, I-3 : « Cum saepe vocem quoque ipsam [dolor] intercludat ». Voir C. Martha, « Les consolations dans l’Antiquité », dans Études morales sur l’Antiquité, Paris, Hachette, 1896, p. 135-189.
-
[26]
Saint Jérôme, Lettres, LX-16 : « Non, mihi si linguae centum sint oraque centum » (Virgile, Énéide, VI, v. 625).
-
[27]
Ibid., LX-18 : « Vincitur sermo » ; LX-16 : « Et Thucydides et Sallustius muti sunt ».
-
[28]
P. Charron, De la sagesse, Paris, Fayard, 1986, p. 195.
-
[29]
Sénèque, Ad Helviam, VI-1 : « [...] Videamus quid sit exsilium. Nempe loci commutatio ».
-
[30]
R. Baustert, « Les arguments généraux », dans La consolation érudite, op. cit., p. 175-198.
-
[31]
M. de Molière [d’Essertine], « À Thysis. Il le console de sa prison, et fortifie son esprit contre l’apréhension de la mort », dans N. Faret, Recueil, p. 331.
-
[32]
É. Bréhier, Chrysippe et l’ancien stoïcisme, Paris, PUF, 1951, p. 66.
-
[33]
Ibid., p. 63.
-
[34]
G. Gusdorf, La parole, Paris, PUF, 1952, p. 50.
-
[35]
Cicéron, Ad familiares, éd. par É. Bailly, Paris, Garnier, 1933, V-xvi, 2 : « Or il est une consolation que nous devons toujours avoir sur les lèvres et dans le cœur, c’est de nous souvenir que nous sommes des hommes (homines nos ut esse meminerimus), et que tel est le lot de notre naissance que notre vie est exposée à tous les traits de la Fortune ».
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[36]
G. Gusdorf, op. cit., p. 55.
-
[37]
C’est une contradiction dans les termes que de parler d’autoconsolation, comme le fait Thomas M. Carr, Jr, « La perte et l’autoconsolation », L’Autre au XVIIe siècle, Tübingen, Gunter Narr Verlag, « Biblio 17 », 1999, p. 367-373. Voir Alain Michel, « Sagesse et humanité », dans La Consolation. Mots pour maux, Paris, Autrement, coll. « Morales », 22, 1997, p. 124-137.
-
[38]
Saint Jérôme, Lettres, LX-19.
-
[39]
Marc-Aurèle, II-1.
-
[40]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 110.
-
[41]
Cardinal Jacques Davy Du Perron, « Lettre de consolation [...], dans Œuvres diverses [1633], Genève, Slatkine Reprints, 1969, p. 771-775.
-
[42]
Guillaume Bernard de Nervèze, À Mgr l’Illustre Cardinal de Gondy, dans R. Baustert, op. cit., p. 220.
-
[43]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 130.
-
[44]
Malherbe, « Consolation à M. du Peirier, v. 77-80, dans Œuvres, éd. par A. Adam, Paris, Gallimard, 1971, p. 43. Cf. Horace, Odes, I, 4.
-
[45]
Malherbe, « Consolation... », dans N. Faret, Recueil, p. 5.
-
[46]
Cicéron, De oratore, éd. par Edmond Courbaud, Paris, Les Belles Lettres, 1966, II-50. De même, II-64 : « Le silence enveloppe beaucoup d’autres genres qui rentrent dans le domaine de l’orateur, exhortations, consolations, instructions, avertissements ».
-
[47]
Cicéron, Ad familiares, IV-viii, 1 : « Neque monere te audeo, praestanti prudentia virum » ; IV-viii, 2 : « Vel tu me monuisse vel censuisse puta ». Voir V. H. Zehnacker, « Officium consolationis. Le devoir de consolation dans la correspondance de Cicéron », Revue des études latines, 63, 1985, p. 69-86.
-
[48]
Cicéron, Ad familiares, IV-iii, 1 : « Monente et denuntiante te » ; IV-iii-4 : « Quare non equidem te moneo, sed mihi ita persuasi ».
-
[49]
Ibid., IV-iii, 1 : « Tamen multa jam consolantur maximeque conscientia consiliorum meorum ».
-
[50]
Ibid., V-xvi, 6.
-
[51]
E. R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen Âge latin, t. I, Paris, PUF, 1956, p. 150 sq. De même, R. Baustert souligne que « l’aspect encomiastique fait partie du genre », op. cit., p. 116.
-
[52]
M. de Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 100.
-
[53]
Ibid., p. 120.
-
[54]
[François Le Metel de] Bois-Robert, « À M. Des-Hameaux, Premier président en la Cour des Aydes de Normandie. Il le console de la mort de Monsieur son père », dans N. Faret, Recueil, p. 210.
-
[55]
M. Coulomby, « Discours de consolation [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 120.
-
[56]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante Isabelle. Il la console sur la mort du Roy d’Espagne son Frère, et de l’Archiduc Albert son Mary », dans N. Faret, Recueil, p. 395.
-
[57]
M. de Molière, « À Daphnis. Il le console de la perte de sa Maistresse », dans N. Faret, Recueil, p. 296 et 302. De même, p. 294 : « Je ne doute point, Daphnis, que vous ne treuviez mes conseils violens » ; p. 312 : « En peu de temps ses conseils [à la raison] auroient renversé tous les artifices d’Amour », etc.
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[58]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 396.
-
[59]
Ibid., p. 397 et 398.
-
[60]
D. Roth, Larmes et consolations en France au XVIIe siècle, Lyon, Éditions du Cosmogne, 1997, p. 23.
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[61]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 397.
-
[62]
Ibid., p. 409.
-
[63]
Ibid., p. 404.
-
[64]
A. Godeau, « À Bellinde. Après la mort de son mary », dans N. Faret, Recueil, p. 549-553.
-
[65]
M. de Molière, « À Mme de Termes, sur la mort de Monsieur son fils », dans N. Faret, Recueil, p. 341.
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[66]
Ibid., p. 342.
-
[67]
Ibid., p. 343.
-
[68]
Ibid., p. 345.
-
[69]
Ibid., p. 351.
-
[70]
M. Le Brun, « À la Sérénissime Infante [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 404.
-
[71]
B. Beugnot, « Un discours critique », dans Le discours de la retraite au XVIIe siècle, Paris, PUF, 1996, p. 129-164.
-
[72]
M. de Molière, « À Mme de Termes [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 347.
-
[73]
A. Godeau, « À M. L. C. B. S. Il le console [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 510.
-
[74]
M. de Molière, « À Daphnis. Il le console [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 298.
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[75]
[Nicolas] Faret, « À la princesse Chrysante. Il la console de la mort de la princesse Élise sa fille », dans N. Faret, Recueil, t. II, p. 53.
-
[76]
Ibid., p. 54.
-
[77]
Fénelon, Les Aventures de Télémaque, livre III, éd. par J.-L. Goré, Paris, Garnier, 1987, p. 158 : « Quiconque ne sait se taire est indigne de gouverner ».
-
[78]
N. Faret, « À la princesse Chrysante [...] », dans N. Faret, Recueil, t. II, p. 54.
-
[79]
M. de Molière, « À Daphnis. Il le console [...] », dans N. Faret, Recueil, p. 297. Voir M. Fumaroli, « La mélancolie et ses remèdes. Classicisme français et maladie de l’âme », dans La diplomatie de l’esprit de Montaigne à La Fontaine, Paris, Gallimard, 1998, p. 403-439.
-
[80]
N. Faret, « À la princesse Chrysante [...] », dans N. Faret, Recueil, t. II, p. 63.
-
[81]
Ibid., p. 66.