Notes
-
[1]
Le Roannais, une région, un pays ?, ouvrage collectif, Saint-Étienne, Centre d’études foréziennes, 1993.
-
[2]
Jean Jacquart, « Immobilisme et catastrophes », dans Histoire de la France rurale, dir. Georges Duby et Armand Wallon, t. 2, Paris, 1975, rééd., Le Seuil, 1992, p. 204-210.
-
[3]
La terre et les paysans. Productions et exploitations agricoles aux XVIIe et XVIIIe siècles en France et en Angleterre, Actes du Colloque d’Aix-en-Provence, 1998, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999.
-
[4]
Pour plus de détails sur la région, cf. Serge Dontenwill, Du terroir au pays et à la région. Les espaces sociaux en Roannais à l’époque préindustrielle (milieu du XVIIe siècle - fin du XVIIIe siècle) essai d’histoire géographique, Publication de l’Université de Saint-Étienne, 1997.
-
[5]
Cf. par exemple la mise au point de Jean-Pierre Poussou dans La terre et les paysans en France et en Grande-Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, SEDES, 1999, p. 491 sq.
-
[6]
Jean Jacquart définit la communauté d’habitants à la fois « en tant que groupe humain, solidarité fondamentale, lieu de sociabilité », et en tant que « institution, avec ses fonctions, ses organes, ses moyens d’action et les difficultés auxquelles elle est confrontée ». Cf. J. Jacquart, « Réflexions sur la communauté d’habitants », dans Bulletin du Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976, p. 1-25.
-
[7]
Définition donnée dans le libellé d’un questionnaire pour une enquête à la fin du XVIIIe siècle, mais valable pour le règne de Louis XIV.
-
[8]
Pour la partie du centre sud-est dépendant de la Bourgogne (généralité de Dijon), on dispose d’un certain nombre de rôles de taille pour le règne de Louis XIV généralement bien tenus (Arch. départ. Côte-d’Or, C7420 à C7475).
En ce qui concerne la généralité de Lyon, les rôles qui ont été conservés sont ceux des communautés du Haut-Beaujolais ; ils sont peu utilisables, car l’état social des chefs de feu est rarement indiqué. -
[9]
Pierre Goubert, L’Ancien Régime, t. 1 : La société, Paris, A. Colin, 1969, p. 85 ; Jean-Pierre Gutton, Villages du Lyonnais sous la monarchie, Lyon, Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1978, p. 65 sq.
-
[10]
Arch. départ. Côte-d’Or, C4843, C4844, C4845.
-
[11]
Pierre Goubert, ouvr. cité, L’Ancien Régime..., p. 81.
-
[12]
Cf. Jean Gallet, Seigneurs et paysans en France, 1600-1793, 1999, Éd. Ouest-France, p. 127 sq.
-
[13]
Par exemple sur les rôles de Laurent Pianello, trésorier de France à Lyon établis en 1680 (document publié dans le Bulletin de la société La Diana, t. XXII, 1925).
-
[14]
Enquête de l’intendant de Lyon Lambert d’Herbigny, 1698, Arch. départ. du Rhône, 1C5.
-
[15]
Enquête de l’intendant de Bourgogne Bouchu sur les dettes des communautés, 1666, Arch. départ. de la Côte-d’Or, C2884.
-
[16]
Ibid.
-
[17]
Arch. départ. de la Côte-d’Or, C4843 (PV de la visite de feux effectuée en 1654 par les états de Bourgogne).
-
[18]
Toujours d’après l’enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[19]
Ibid.
-
[20]
Enquête Bouchu, 1666, Arch. départ. Côte-d’Or, C2889.
-
[21]
Enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[22]
Archives de la médiathèque de Roanne, duché de Roannais, E133.
-
[23]
Jean Gallet, « La seigneurie bretonne du XVe siècle à la fin du XVIIe siècle, présentation de la thèse dans L’information historique, 1981, p. 63-77.
-
[24]
Louis Merle, La métairie et l’évolution agraire de la Gâtine poitevine de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Paris, SEVPEN, 1958 ; Annie Antoine, Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Étude de la seigneurie et de la vie rurale, Mayenne, Éd. de l’Ouest, 1994.
-
[25]
Plusieurs exemples dans Serge Dontenwill, Une seigneurie sous l’Ancien Régime. L’Étoile en Brionnais du XVIe au XVIIIe siècle, Roanne, Hovath, 1973, p. 43 sq.
-
[26]
Visite de feux de 1690, Arch. départ. Côte-d’Or, C4845.
-
[27]
Enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[28]
Serge Dontenwill, « Cours au XVIIIe siècle, la communauté rurale et la seigneurie », dans Cours-la-Ville et sa région, Lyon, Union des sociétés historiques du Rhône, 2004, p. 91-110.
-
[29]
Jean Tricart (dir.), Le village des Limousins. Étude sur l’habitat et la société rurale du Moyen Âge à nos jours, Limoges, PU, 2003.
-
[30]
Enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Cf. Annie Antoine, ouvr. cité, Fiefs et villages...
-
[33]
Cf. Jacques Dupâquier, La population française aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1993, p. 10.
-
[34]
Les chiffres proviennent des rôles de Laurent Pianello de 1680 pour les paroisses dépendant de la généralité de Lyon, des visites de feux de 1690, accessoirement de l’enquête Bouchu de 1666 pour les paroisses bourguignonnes.
-
[35]
On connaît la distinction entre ménage et famille ; alors que celle-ci groupe les personnes qui ont entre elles des liens de parenté, celui-là est constitué des personnes qui vivent sous le même toit, au même « foyer ». Cf. André Armengaud, La famille et l’enfant en France et en Angleterre du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1975, p. 11-12.
-
[36]
Cf. François Lebrun, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris, A. Colin, 1975, p. 23-28. Par exemple, dans les paroisses de la plaine de Roanne, comme Mably ou Riorges, plus des trois quarts des nouveaux époux au début du XVIIIe siècle sont originaires de la paroisse ou des paroisses immédiatement limitrophes ; encore s’agit-il de paroisses de plaine où existe une certaine mobilité démographique.
-
[37]
Arch. de Me Chazottier, notaire à Roanne et Changy, minutes Préfol, notaire à Saint-Haon, acte du 15 décembre 1707.
-
[38]
Ibid., minutes Duverger, notaire à Changy, acte du 22 octobre 1707.
-
[39]
Ibid., minutes Petit notaire à Monteguët, mariage-association, acte du 28 novembre 1707.
-
[40]
Arch. Chazottier, minutes Duverger, notaire à Changy, acte du 28 mars 1707.
-
[41]
Par exemple, le rôle de taille de Vindecy en Bas-Brionnais comporte 68 contribuables dont 38 ménages de chefs d’exploitation (laboureurs ou grangers) ; parmi eux, 10 sont qualifiés de « consorties » (Arch. départ. Côte-d’Or, C7474, rôle de 1683).
-
[42]
Denis Luya, « Structures familiales et pratiques communautaires dans la Côte roannaise au XVIIIe siècle », dans Bulletin du Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976, p. 37-68.
-
[43]
D’après la visite de feux de 1690, Arch. départ. Côte-d’Or, C4845.
-
[44]
Pierre Durix, Les structures sociales dans le Brionnais oriental aux XVIIe et XVIIIe siècles, thèse inédite, Université de Dijon, 1983, 2 vol., t. 1, p. 213-215.
-
[45]
Arch. départ. Côte-d’Or, C4720 à C4775.
-
[46]
Toujours d’après les réponses à l’enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C4 et 1C5.
-
[47]
Les six paroisses concernées sont : Anzy-le-Duc, Arch. départ. Côte-d’Or, C7422 ; Baugy, id., C7424 ; Briant, id., C7426 ; Saint-Christophe-en-Brionnais, id., C7454 ; Saint-Yan, id., C7465 ; Vindecy, id., C7474.
-
[48]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 2.
-
[49]
Id., fonds Vichy, carton 40, liasse 3.
-
[50]
Vauban, Projet d’une Dixme Royale, 1707, cité par Pierre Goubert, ouvr. cité, L’Ancien Régime..., p. 113.
-
[51]
D’après le terrier de la seigneurie de 1660, arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 33.
-
[52]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 4, pièce 47.
-
[53]
Id., pièce 55. « À la limite le granger peut être un pur locataire, il n’est pas dans ce cas le moins riche » (Pierre Léon).
-
[54]
François Tomas, « Géographie sociale du Forez à la fin de l’Ancien Régime », dans Bulletin de la société La Diana (Montbrison), 1965.
-
[55]
Serge Dontenwill, « Les vignerons du Roannais-Brionnais au dernier siècle de l’Ancien Régime », dans Clio dans les vignes, Mélanges offerts à Gilbert Garrier, Centre Pierre-Léon, Lyon, PUL, 1998, p. 45-64.
-
[56]
Pierre Goubert, ouvr. cité, L’Ancien Régime..., p. 100.
-
[57]
François Quesnay, Analyse de la formule arithmétique du tableau économique, 1766, cité par Pierre Goubert, L’Ancien Régime, t. 1, p. 134.
-
[58]
Arch. départ. Loire, enregistrement, 5048 et 10739 ; Arch. départ. Saône-et-Loire, C4085.
-
[59]
Arch. départ. Loire, 5E523 et 524 et Archives de Me Chazottier, minutes Duverger.
-
[60]
Arch. Me Chazottier, minutes Duverger, acte du 10 mars 1696.
-
[61]
Toujours arch. Me Chazottier.
-
[62]
Serge Dontenwill, « Un type social dans les campagnes brionnaises au XVIIe siècle : le procureur fiscal, fermier de seigneurie et crédirentier », dans Bulletin du Centre économique et social de la région lyonnaise (Centre Pierre-Léon), 1974, no 4, p. 1-41.
-
[63]
Arch. départ. Côte-d’Or, C2884.
-
[64]
Arch. départ. Rhône, C745.
-
[65]
Nombreux exemples, dans la seigneurie de l’Étoile en Brionnais au cours du XVIIe siècle (cf. arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 39).
-
[66]
Plainte du procureur fiscal de Charlieu, 1707, Arch. départ. Loire, B1354.
-
[67]
Arch. de la société La Diana, fonds Aubépin, pièce 1684.
-
[68]
Arch. départ. Loire, E supplément, Épercieux, cité par J. Philippe, Communautés d’habitants en Forez, mémoire de maîtrise, Lyon 2, 1975.
-
[69]
Arch. Diana, fonds Aubépin, pièce 1585.
-
[70]
Richard Cantillon, Essai sur la nature du commerce en général, 1755, Paris, Éd. INEd, 1952, p. 4.
-
[71]
Cf. par exemple l’Histoire de la France rurale, ouvr. cité, ou la synthèse de Benoît Garnot, Les campagnes françaises, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Paris-Gap, Ophrys, 1998.
-
[72]
Arch. départ. Saône-et-Loire, C376, pièce 16.
-
[73]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 4, pièce 55.
-
[74]
Id., pièce 47.
-
[75]
D’après le terrier de la seigneurie de 1633 (arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 40, liasse 3, pièce 74 bis), et d’après l’aveu et dénombrement de 1638 (Arch. Côte-d’Or, B10734.
-
[76]
Arch. de Me Chazottier, minutes Duvreger, notaire à Changy.
-
[77]
Enquête d’Herbigny, Arch. Rhône, 1C4.
-
[78]
Id., 1C5.
-
[79]
Bien que le centre sud-est ne soit pas une région où existent de fortes contraintes collectives, la vaine pâture existe comme l’attestent les « asservissages » consentis par le seigneur de l’Étoile au début du XVIIe siècle (cf. l’inventaire des pièces de la seigneurie, arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 39).
-
[80]
Jean-Pierre Gutton, La sociabitité villageoise dans la France d’Ancien Régime, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1998, p. 69 sq.
-
[81]
Arch. départ. Loire, B1075.
-
[82]
Id., 5E523.
-
[83]
Stéphane Prajolas, « Les assemblées communautaires de la Haute vallée des Lignon au dernier siècle de l’Ancien Régime », dans Bulletin de la Diana, t. LXV, no 2, 2006, p. 103-122.
-
[84]
Arch. Diana, fonds Génétines, pièce 674.
-
[85]
Pierre de Saint-Jacob, Les paysans de la Bourgogne du Nord au dernier siècle de l’Ancien Régime, Paris, 1960, rééd. Association d’Histoire des sociétés rurales, Rennes-Dijon, 1995, p. 88.
-
[86]
La Poix de Fréminville, Dictionnaire ou traité de police générale, 1778, p. 18 et 193 sq.
-
[87]
Arch. Diana, fonds Génétines, pièce 674.
-
[88]
Arch. départ. Loire, B1524.
-
[89]
Id., B1571 (assises de 1655).
-
[90]
Id.
-
[91]
Arch. départ. Loire, B1524.
-
[92]
Cf. Robert Muchembled, Société, culture et mentalités dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, A. Colin, 1994, p. 154 sq.
-
[93]
Jean-Pierre Gutton, ouvr. cité, La Communauté villageoise..., p. 231 sq.
-
[94]
Gabriel Audisio, Les Français d’hier. Des croyants. XVe-XIXe siècle, Paris, A. Colin, 1991.
-
[95]
Arch. départ. Saône-et-Loire, G77.
-
[96]
Dictionnaire de droit canonique, dir. R. Naz, Paris, 1953, vol. 5, p. 862.
-
[97]
Dictionnaire de spiritualité, dir. Ch. Baumgartner, Paris, 1953, t. 2, p. 1470 sq.
-
[98]
Toujours d’après le PV de la visite pastorale de 1705, Arch. départ. Saône-et-Loire, G77.
-
[99]
Serge Dontenwill, ouvr. cité, Une seigneurie..., p. 114-116.
-
[100]
Lors de ses visites pastorales, l’archevêque de Lyon juge le Forez comme un « bon pays » (sur le plan religieux) contrairement au Beaujolais viticole. Cf. Marie-Louise Rostagnat-Latreille, « Les visites pastorales de Mgr Camille de Neuville dans le diocèse de Lyon au XVIIe siècle », dans Cahiers d’histoire, 1960, p. 251-275.
-
[101]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 3.
-
[102]
« Le charivari est un bruit confus fait par des gens de bas étage avec des poêles, bassins, chaudrons et autres meubles propres à faire du bruit, avec des huées et des cris, pour faire injure à quelqu’un qui se marie et épouse une personne de grande disproportion d’âge... » (d’après Le Dictionnaire de La Poix de Fréminville, cité par Cabourdin et Viard, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, A. Colin, 1978, p. 59.
-
[103]
Arch. départ. Loire, B850.
-
[104]
Id., B842.
-
[105]
Id., B781.
-
[106]
« Ces révoltes paysannes manifestent à des titres divers, le refus des innovations fiscales qui marquent les progrès étatiques à cette époque » (Yves-Marie Bercé, Croquants et nu-pieds. Les soulèvements paysans en France du XVIe au XIXe siècle, Paris, Gallimard-Julliard, coll. « Archives », 1974, p. 13).
-
[107]
Serge Dontenwill, « Crise économique, crise démographique et crise sociale au milieu du XVIIe siècle : l’exemple du Roannais », dans Bulletin du Centre d’études foréziennes, no 5 (Université de Saint-Étienne), 1972, p. 167-195.
-
[108]
Arch. départ. Rhône, C745.
-
[109]
Cf. Marcel Lachiver, Les années de misère. La famine au temps du grand roi (1680-1720), Paris, Fayard, 1991.
-
[110]
Arch. départ. Loire, B785.
-
[111]
Id., B795.
-
[112]
Cf. Pierre Goubert, « Sociétés rurales françaises au XVIIIe siècle. Vingt paysanneries contrastées, quelques problèmes », dans Conjoncture économique, structures sociales. Hommage à Ernest Labrousse, Paris - La Haye, Mouton, 1974, p. 375-387.
-
[113]
Jean-Marc Moriceau, Les fermiers de l’Île-de-France. L’ascension d’un patronat agricole, XVe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1994.
-
[114]
Cf., ouvr. cité, La terre et les paysans..., Colloque d’Aix-en-Provence, 1998, particulièrement p. 153-194.
1Cette étude de quelques aspects significatifs de la vie des communautés paysannes au temps de Louis XIV concerne une petite région qu’on a qualifiée de « centre sud-est de la France ». Ce territoire est situé à l’ouest et au nord-ouest de Lyon, de part et d’autre du cours supérieur de la Loire. Il comprend plusieurs petits pays : le nord de la plaine du Forez, les versants occidentaux des montagnes de l’Ouest lyonnais, la plaine de Roanne et ses abords, le sud-ouest de la Bourgogne (Charolais, Brionnais, Haut-Mâconnais). Le cœur en est le pays roannais, espace structuré par un réseau de relations autour de la ville de Roanne [1].
2Ce territoire est de dimension modeste (environ 2 500 à 2 600 km2), peuplé de quelque 120 000 à 130 000 habitants vers 1660. Il est divers dans ses caractères physiques et ses traditions culturelles. Administrativement, il est partagé entre les élections de Roanne et de Villefranche dépendant de la généralité de Lyon, les bailliages de Semur-en-Brionnais, de Charolles et de Mâcon dépendant de la généralité de Dijon (cf. cartes, fig. 1 et 2, p. 99).
3Malgré son caractère hétérogène, le centre sud-est possède quelques traits spécifiques :
4— D’abord, il s’agit d’un espace varié et compartimenté qui fait partie de la vaste zone que Jean Jacquart a qualifiée de « France moyenne », zone qui s’étend de l’Atlantique au Jura et aux Alpes en passant par le centre du royaume ; ces régions se distinguent à la fois des plaines du Nord et du Bassin parisien, et de la France du Midi [2] ; l’économie agricole est moins exclusivement céréalière que dans d’autres régions françaises et l’élevage y tient une place notable [3].
5— Ensuite, c’est un territoire profondément rural où n’existent, pour structurer et organiser l’espace, que des bourgs et de très petites villes dont la population ne dépasse guère 2 000 habitants au temps de Louis XIV. Seule Roanne émerge avec un peu plus de 4 000 habitants et fait un peu figure de petite capitale régionale.
6— Enfin, on y trouve des seigneuries nombreuses qui quadrillent l’espace et gardent une forte emprise sur les populations paysannes [4].
7Comme on le sait, sous l’Ancien Régime, l’homme compte d’abord comme membre d’une collectivité, d’une communauté. Les paysans n’échappent évidemment pas à la règle.
8Aussi, pour appréhender quelques aspects significatifs de la vie des paysans dans un espace provincial au temps de Louis XIV, le choix de la communauté villageoise paraît s’imposer comme objet d’étude pertinent. Dans cette perspective il s’agira de situer les communautés paysannes dans leurs cadres, d’analyser leur contenu humain et leur sociologie, de mettre en lumière quelques traits caractéristiques de la vie sociale et des comportements collectifs des populations concernées.
PRÉSENTATION DES COMMUNAUTÉS PAYSANNES DU CENTRE SUD-EST DE LA FRANCE DANS LEURS CADRES JURIDIQUES ET SPATIAUX
9Les communautés paysannes s’intègrent dans les communautés rurales dont la composante sociale dépasse le simple milieu paysan bien que la population paysanne y soit largement majoritaire. Cependant, le terme « communauté rurale », assez vague, recouvre en réalité trois entités juridiques et administratives qui définissent les formes de groupement des populations des campagnes à la base.
Les formes juridiques et administratives des communautés rurales
10Il s’agit là de notions bien connues [5] qu’on se permettra de rappeler sommairement dans un souci de cohérence.
111. Les communautés rurales en tant que « communautés d’habitants ». — La notion de communauté d’habitants est surtout utilisée par les administrateurs en fonction de leurs préoccupations administratives et fiscales [6]. Au sens strict et précis du terme, la communauté d’habitants désigne la communauté fiscale, celle des contribuables soumis à la taille, cet impôt roturier universel qui pèse tout particulièrement sur les populations rurales. Le territoire qui correspond à cette communauté est la « parcelle fiscale ». En Lyonnais et en Bourgogne la taille est dite « personnelle » ; il s’agit d’un impôt de répartition dont la perception est assurée par les collecteurs ou « consuls » désignés par la communauté. La liste des contribuables soumis à la taille (auxquels on a parfois ajouté le nom des « exempts »), figure sur le rôle de taille avec leur cote.
12Le montant de la taille est fondé sur la richesse estimée du contribuable « chef de feu ». « On entend par “feu” chaque ménage domicilié dans la paroisse à titre de propriétaire, fermier, cultivateur, locataire payant taille ou exempt à l’exception néanmoins des maisons bourgeoises ou de plaisance dans lesquelles les propriétaires n’ont qu’un domicile de passage et momentané étant domiciliés ailleurs » [7]. L’intérêt des rôles de taille comme source historique est de donner, malgré quelques réserves, un assez bon reflet de la hiérarchie sociale [8]. On y reviendra.
132. Les communautés rurales en tant que communautés paroissiales. — La communauté rurale, en même temps que communauté d’habitants, est aussi communauté paroissiale. La paroisse est à la fois collectivité socioreligieuse, celle des « fidèles » groupés autour de l’église, et circonscription territoriale, support spatial de cette collectivité et champ d’action du curé dans ses fonctions pastorales [9].
14Bien que de nature différente, la paroisse interfère avec la communauté d’habitants, d’autant plus que des questions matérielles se mêlent à la vie spirituelle (entretien de l’église et du cimetière, parfois organisation de la vie agraire...). En Roannais-Brionnais les limites entre paroisse et communauté d’habitants coïncident souvent. Quand elles ne coïncident pas, la parcelle fiscale ou bien groupe deux paroisses, ou bien correspond à une partie de paroisse ; le cadre paroissial est presque toujours respecté. D’ailleurs, beaucoup de documents administratifs entretiennent la confusion en utilisant en même temps les termes de paroisse, communauté d’habitants ou villages. Par exemple les visites de feu effectuées par les états de Bourgogne dans la deuxième moitié du XVIIe siècle désignent du terme « paroisse » les communautés d’habitants [10]. La liste des localités qui forment l’élection de Roanne créée en 1629 est présentée comme celle des « paroisses et villages » (les villages en l’occurrence étant les hameaux formant une parcelle fiscale).
15Compte tenu de ces observations, on pourrait finalement définir la communauté rurale comme une « communauté villageoise » (en donnant à village son sens actuel), à la fois laïque et religieuse, fondée sur la résidence, le voisinage, la solidarité paroissiale et des relations à un support territorial qui en constitue la limite spatiale. À cela il faudrait ajouter qu’économiquement, la communauté villageoise, dans la mesure où elle est constituée très majoritairement de paysans, est aussi une communauté d’exploitants.
16En somme, cette collectivité territoriale apparaît comme la notion de référence lorsqu’on évoque le « corps », c’est-à-dire la communauté en tant que personne juridique et morale.
17Reste à appréhender une troisième structure d’encadrement des communautés paysannes, différente de celles qui viennent d’être présentées, car il s’agit d’une forme de domination qui soumet le groupe paysan à un « maître », à savoir, la seigneurie.
183. Une structure particulière d’encadrement des communautés paysannes, la seigneurie rurale. — Rappelons la définition classique de la seigneurie donnée par Pierre Goubert : « Une seigneurie est un ensemble de terres soigneusement délimitées qui constituent la propriété éminente et la zone de juridiction d’un personnage individuel ou collectif nommé seigneur » [11].
19Territorialement, la seigneurie rurale est à la fois un ensemble de terres et d’exploitations agricoles d’où émerge le « domaine » seigneurial, et un espace de pouvoir (la zone de juridiction) qui place la communauté rurale en tant que communauté seigneuriale sous l’autorité du seigneur-maître.
20Dans le centre sud-est, il est très rare que les limites entre communauté d’habitants ou paroisse d’une part et seigneurie d’autre part coïncident, de sorte que la structure seigneuriale se superpose aux autres collectivités territoriales, avec ses limites propres. Ces limites correspondent à la « mouvance » de la seigneurie, espace où s’exerce la « propriété éminente » du seigneur avec les droits inhérents à cette situation dominante. C’est à ce titre que les terres paysannes situées dans cette mouvance sont soumises aux redevances liées au système de la « propriété féodale », système qui limite juridiquement la pleine propriété des héritages dits « roturiers », de sorte que les paysans sont des « tenanciers » plutôt que de vrais « propriétaires ». De plus, comme détenteur d’un pouvoir de juridiction le seigneur exerce un droit de justice et de police sur ses « sujets justiciables ».
21Structure de domination, la seigneurie est en même temps une communauté humaine. Le paysan appartient à cette communauté dirigée, tout comme il appartient à la paroisse ou à la communauté d’habitants. Pour le « sujet justiciable » d’une même seigneurie, la communauté seigneuriale est vécue concrètement dans la même soumission aux redevances et obligations fixées par le terrier, dans la dépendance à l’égard de la même justice, dans l’obéissance aux mêmes règlements et ordonnances de police, dans la fréquentation des rassemblements périodiques que sont les « assises seigneuriales », etc. Ainsi se manifeste une solidarité du groupe paysan par rapport au seigneur [12].
22Tous les documents de l’époque qui font l’inventaire des paroisses ne manquent jamais de préciser l’appartenance seigneuriale de chacune d’elles [13]. Parmi les seigneuries les plus notables de la région au XVIIe siècle, on peut citer des seigneuries laïques comme le duché de Roannais appartenant au duc de La Feuillade, le marquisat d’Urfé situé à la fois dans la plaine du Forez et dans les monts de la Madeleine, la seigneurie de Saint-André d’Apchon, possession de la famille de Saint-George sur la côte roannaise, le comté de Chamrond appartenant aux Vichy, le marquisat de Maulèvrier et la baronnie d’Oyé, possession des Andrault de Langeron, ces trois dernières seigneuries situées en Brionnais. On trouve aussi quelques puissantes seigneuries ecclésiastiques comme celle de l’abbaye cistercienne de La Benisson Dieu, au nord de Roanne, ou celles des prieurés d’Ambierle, de Charlieu, de Marcigny ou d’Anzy-le-Duc par exemple.
23Il est bien clair que les communautés rurales, quel que soit leur statut juridique ou administratif, ne sont pas des groupes d’existence déspatialisés, mais des collectivités territoriales, c’est-à-dire des communautés étroitement liées à un support spatial.
Le support territorial des communautés rurales : caractérisation des lieux habités
241. L’espace villageois. — Dans la présentation des paroisses, les enquêteurs du XVIIe siècle précisent toujours les limites du « finage » défini comme étant le territoire d’une communauté. Il s’agit là d’un élément essentiel d’identification qui permet à cette collectivité de se distinguer spatialement de ses voisines.
25Les limites sont habituellement indiquées en référence aux points cardinaux. Ainsi le curé de Chandon, paroisse située à l’est de Charlieu, précise que sa paroisse « est bornée au midi par la paroisse de Mars, une partie de celle de Villers, au nord par Saint-Denis de Cabanne, au levant par Mars, au couchant par Saint-Hilaire et partie de la ville de Charlieu » [14].
26Le finage se définit aussi par sa dimension et sa forme. Tantôt on évalue la dimension de l’espace villageois par la circonférence : à Anzy-le-Duc « le finage a une lieue de tour » ; tantôt on le fait par l’étendue, c’est-à-dire par l’évaluation de la distance d’un bout à l’autre du territoire paroissial comme à Saint-Germain-l’Espinasse où la paroisse « a une lieue d’étendue » ; ailleurs on donne la circonférence et le diamètre comme à Saint-Julien de Cray (aujourd’hui Saint-Julien de Jonzy) où « le finage a une lieue de tour » y compris les hameaux et un quart de lieue de largeur [15].
27Il arrive aussi que l’on mesure le finage par le temps nécessaire pour en faire le tour comme à Baugy, près de Marcigny, paroisse dont « le finage est de deux heures de tour » [16].
28Comme on le voit, les critères utilisés pour appréhender l’espace villageois, correspondent à ceux de l’espace vécu, c’est-à-dire à une vision très concrète, expérimentale en quelque sorte, des limites et de la forme du territoire des communautés rurales. On se réfère aux distances et au temps, les unités de surface, d’un caractère plus abstrait, ne sont guère utilisées en l’occurrence.
29Les observateurs du XVIIe siècle sont également attentifs au site, à la situation géographique des lieux habités ainsi qu’à la présence de rivières. Ici, on insiste sur la topographie, par exemple à Saint-Martin la Vallée, village situé « dans la vallée sur le penchant de deux coteaux en contre-bas de la ville de Semur-en-Brionnais » [17]. (Ce village étant le prolongement direct de la petite ville, en quelque sorte associé à elle.) Là, la description topographique s’accompagne de remarques écologiques. À Sail-les-Châteaumorand, comme le précise le curé : « Il y a une chaîne de montagne qui commence à l’Orient, qui continue au midi, va finir au couchant d’été... Comme une partie de la paroisse est au pied des montagnes, la chaleur de l’été étant enfermée dans ce vallon est presque insupportable quant à ceux qui sont sur les hauteurs ils sont bien situés l’été mais je les plains en hiver, le froid les attaque sans cesse » [18].
30La présence de rivières n’est pas toujours perçue positivement. On évoque souvent les dégâts des eaux comme à Saint-Pierre-la-Noaille, au nord de Charlieu où « les terres proches de la Loire sont emportées et ruinées par les inondations et les gelées » [19]. Toutefois, ailleurs, on reconnaît aussi l’utilité des rivières pour l’irrigation ainsi que l’avantage économique que peut procurer la proximité de la Loire.
31Cependant, la communauté territoriale de base, telle qu’elle est définie et limitée en tant qu’entité administrative (paroisse ou communauté d’habitants), ne correspond pas toujours, loin de là, à la première forme de groupement, c’est-à-dire à l’espace collectif réellement vécu, à la base, par les habitants ; une partie au moins de la vie quotidienne des communautés paysannes du centre sud-est de la France se déroule à une échelle plus petite que l’espace administratif : c’est ce que montre l’organisation interne des localités.
322. Espaces de vie à l’intérieur du territoire paroissial. — Dans la région étudiée domine l’habitat semi-dispersé, de sorte que rares sont les paroisses où la grande majorité de la population est groupée en un même lieu (comme c’est le cas par exemple pour les communautés viticoles de la côte roannaise). La plupart du temps, le territoire administratif de la communauté comporte plusieurs unités de peuplement ou « espaces de vie ».
33Dans cet ordre d’idées, voici trois citations qui appellent quelques précisions de vocabulaire concernant les lieux habités.
34— « À Anzy-le-Duc il y a un fief nommé le Lac-les-Anzy proche du bourg... les hameaux sont le Bourg, Tours, Vassyot, le Cray, le Haut- et Bas-Pressis, Chevigné... ».
35— « À Amanzé, il n’y a aucun fief, il y a le bourg d’Amanzé, les hameaux Cirot, Deveau, Parigny, le Rocher et trois métairies » [20].
36— « À Saint-Pierre-la-Noaille il y a quatre fiefs et des maisons dispersées çà et là sans hameaux » [21].
37Le terme fief dans le cas présent désigne une maison forte avec son domaine et quelques droits sur les terres voisines dépendant de cette maison forte qui, elle, se trouve exemptée de cens et servis. Par exemple, le fief de Senouchet, relevant du duc de Roannais et appartenant aux Jésuites du collège de Roanne, est présenté dans un aveu et dénombrement de 1683 comme « fief noble exempt de toutes charges, maison forte avec dépendances (suit une énumération de biens fonciers), cens servis, lods et vends, reconnaissances... ». D’après un autre aveu et dénombrement, toujours daté de 1683, le fief de Chamarande comporte « une maison forte appelée Chamarande (avec ses dépendances en terres, prés et bois), une rente de cens et servis avec lods et vends aux us et coutumes du pays roannais sur divers habitants » (de quatre paroisses proches) [22].
38Comme on le voit, le fief, en l’occurrence, n’est pas synonyme de seigneurie, car il ne comporte pas de juridiction. Mais le « domaine » du fief est exempt de cens et servis alors que les terres paysannes qui en dépendent y sont soumises précisément en vertu des droits de fief. Ce genre de fief est à rapprocher des « sieuries » étudiées dans le Vannetais par Jean Gallet [23].
39Les métairies dont il s’agit ici, ressemblent à celles décrites dans la France de l’Ouest ou du Centre-Ouest par Louis Merle et Annie Antoine [24].
40Dans le Brionnais en tout cas, avant de correspondre à un mode de faire valoir (le métayage à mi-fruits), la métairie est une forme de propriété et d’exploitation : le terme désigne avant tout une exploitation importante, riche en bestiaux, généralement d’un seul tenant, close, foyer d’individualisme agraire, exploitée en faire-valoir indirect [25]. Ainsi, à Saint-Yan, près de Paray-le-Monial, il y a 12 métairies closes appartenant aux bourgeois de Charolles et Paray [26].
41Le terme « hameau » signifie lieu habité à l’intérieur de l’espace paroissial dès qu’il y a plusieurs maisons. C’est, en quelque sorte, la première forme de groupement de l’habitat rural. Ainsi, le curé de Sail-les-Chateaumorand indique que la paroisse est composée « de petits hameaux de deux à quatre maisons, parfois six, voire dix dans un cas » [27].
42En Haut-Beaujolais, à Cours par exemple, le terme « mas » est utilisé dans le sens de hameau [28]. On retrouve ce terme avec la même signification en Limousin ; il est caractéristique des montagnes du pourtour du Massif central [29].
43Les maisons dispersées signalées à Saint-Pierre-la-Noaille sont de simples fermes paysannes ou maisons de vignerons qu’il ne faut pas confondre avec les « métairies séparées » qui sont, comme on vient de le voir, de gros domaines appartenant à des notables rentiers du sol et exploitées généralement en faire-valoir indirect.
44Le terme bourg a deux sens : ou bien il désigne une localité dans son ensemble, intermédiaire entre ville et village, ou bien il désigne un lieu habité à l’intérieur de l’espace villageois. C’est alors le cœur de la paroisse où se trouve l’église ; c’est le sens de « bourg » dans les citations ci-dessus. Le bourg est donc un lieu comme les autres, pas nécessairement le plus peuplé de la paroisse, mais valorisé par sa situation et la présence de l’église. La description du curé de Mars (paroisse située près de Charlieu) est assez éclairante à cet égard : « Il y a (à Mars) sept petits villages ou hameaux... et chaque hameau a pour le moins cinq à six maisons... les maisons qui sont le plus proche de l’église qu’on appelle bourg de Mars mais qui n’est pas un hameau par ce qu’elles font un grand circuit et sont éloignées les unes des autres » [30]. Dans ce cas, le curé associe hameau à la première forme de groupement de l’habitat ; mais pour le bourg, c’est la présence de l’église qui compte d’abord, même s’il n’y a pas agglomération de maisons.
45Il faut encore évoquer le terme « village », lui aussi ambigu. Lorsqu’on parle de « communauté villageoise », c’est en donnant à village son sens actuel, à peu près synonyme de paroisse. Or, dans le centre sud-est, à l’époque de Louis XIV, comme on l’a constaté dans la citation du curé de Mars, le terme « village » est le plus souvent synonyme de hameau. Par exemple, la paroisse de Saint-Just-en-Chevalet dans les monts de la Madeleine, est composée « d’un petit bourg et de 42 petits villages dispersés [31].
46Ainsi, dans la région étudiée au XVIIe siècle, sauf exceptions, l’occupation de l’espace paroissial est fondée sur la trilogie :
47— « bourg », cœur de la paroisse et lieu d’implantation de l’église ;
48— « hameau » ou « village », groupement de quelques maisons hors du centre paroissial ;
49— habitations isolées, fermes paysannes ou « métairies ».
50Ces éléments illustrent bien le caractère semi-dispersé de l’habitat.
51Le paysage rural dominant peut être qualifié de « semi-bocager » : il s’explique par la forme de l’habitat, le relatif cloisonnement du finage, avec la présence fréquente de « métairies entourées de haies ». Cette forme d’organisation de l’espace villageois résulterait d’un peuplement en ordre dispersé et d’une mise en valeur par des groupes familiaux plutôt que par une communauté organisée. En tout cas, ce paysage rural, assez proche de celui de la France de l’Ouest [32], est bien différent des « campagnes » du nord et de l’est qui associent villages groupés et espaces ouverts suggérant une forte organisation collective dans la mise en valeur du sol.
52Il reste maintenant à se situer à l’échelle de la région et à présenter les communautés paysannes dans leur espace géographique.
Les communautés villageoises situées dans leur espace géographique : brève présentation du peuplement rural
53L’inventaire des communautés du centre sud-est permet d’esquisser une présentation du peuplement rural de la région. Pour cette démarche, on a choisi la paroisse qui est l’espace de vie relativement le plus facile à appréhender, compte tenu des sources disponibles. En se référant aux différentes enquêtes, on a relevé environ 150 à 160 paroisses constituant le peuplement de la région étudiée. L’état de la documentation a permis d’en retenir 135 qui se répartissent administrativement comme suit :
54— 70 dépendent de l’élection de Roanne, elles se répartissent autour de la ville, surtout à l’ouest ;
55— 26 dépendent de l’élection de Villefranche, elles se trouvent à l’est de la Loire sur les versants occidentaux des monts du Beaujolais ;
56— 39 sont situées dans la généralité de Dijon, principalement en Brionnais (bailliage et recette de Semur), accessoirement en Haut-Mâconnais et en Charolais (cf. carte, fig. 3).
57Le poids démographique de ces différentes paroisses est très divers. En prenant comme repère une densité par paroisse de 9 feux au kilomètre carré (soit environ 40 habitants, chiffre proche de la densité moyenne du royaume de France à l’époque de Louis XIV) [33], on peut distinguer deux groupes de paroisses :
58— un premier groupe de 85 paroisses relativement peu peuplées dont la densité est inférieure à 9 feux au kilomètre carré, souvent même inférieure à 4 ou 5 feux ;
59— un deuxième groupe de 50 paroisses plutôt bien peuplées, avec des densités supérieures à 9 feux au kilomètre carré.
60Les paroisses les moins peuplées sont en grande majorité des petites paroisses dont la population dépasse très rarement 100 feux. La répartition géographique de ces 85 communautés est la suivante :
61— plaine de Roanne, 22 paroisses ; par exemple, Lentigny, Riorges, Ouches, Saint-Léger, Briennon..., localités dont la densité est inférieure à 7 feux au kilomètre carré ;
62— Brionnais, 39 paroisses situées surtout en Bas-Brionnais, dans la plaine drainée par la Loire, comme Baugy, Anzy-le-Duc, Chambilly, Vindecy, Saint-Martin-du-Lac..., avec des densités inférieures à 6 feux au kilomètre carré ;
63— monts de la Madeleine et seuil de Neulise, 16 paroisses, comme Arcon, Bully, Chérier, Saint-Bonnet des Quarts, Saint-Rirand, Saint-Priest-La-Prune... dont les densités se situent entre 6 et 3 feux au kilomètre carré.
64Les 8 paroisses restantes sont situées dans les montagnes de l’Est.
65Les 50 paroisses plus densément peuplées sont surtout de grosses paroisses qui se répartissent géographiquement de la façon suivante :
66— Haut-Brionnais, 9 paroisses parmi lesquelles Saint-Christophe-en-Brionnais, Mailly, Briant ;
67— montagne beaujolaise à l’est de Roanne, 21 paroisses, comme Belmont, Belleroche, Écoches, Mardore, Saint-Vincent-de-Reins, Saint-Victor-sur-Rhins (près de Thizy), qui ont des densités supérieures à 10 feux au kilomètre carré ;
68— paroisses viticoles de la côte roannaise, soit 10 grosses paroisses comme Ambierle, Renaison, Changy, Saint-André-d’Apchon, Saint-Haon... ; les densités y sont particulièrement élevées, supérieures à 13 feux au kilomètre carré.
69Restent une dizaine de paroisses de cette catégorie dispersées dans l’ensemble de la région [34].
70Comme on peut le constater, les zones les plus densément peuplées sont situées plutôt aux pourtours des plaines centrales (côte viticole à l’ouest, Haut-Beaujolais à l’est), alors que les paroisses les moins peuplées, où la densité de la population est nettement plus faible, se trouvent dans certaines zones accidentées, comme les Monts de la Madeleine ou le seuil de Neulise, mais aussi et surtout dans les plaines centrales drainées par la Loire (plaine de Roanne, Bas-Brionnais).
71On n’analysera pas la démographie de la région ; c’est un autre sujet.
72Remarquons simplement que les différences constatées dans le peuplement et le poids démographique des paroisses ne s’expliquent pas uniquement par des facteurs d’ordre physique. Certes, le relief accidenté, le climat rude et les sols médiocres peuvent expliquer le faible peuplement des Monts de la Madeleine par exemple, tout comme le mauvais drainage des eaux favorisant les épidémies peut rendre compte, dans une certaine mesure au moins, des faibles densités des plaines qui bordent la Loire, du Forez au Bas-Brionnais. Mais les facteurs d’ordre économique et social comptent au moins autant, sinon on comprendrait mal pourquoi, par exemple, la plaine de Roanne, plutôt favorisée par la géographie, malgré un état sanitaire assez médiocre, est moins densément peuplée que les montagnes du Haut-Beaujolais, qu’on a pu qualifier d’ « ingrates, mais non répulsives ».
73Parmi ces facteurs d’ordre économique et social, on peut citer le type de culture ; ainsi, la côte roannaise est densément peuplée à cause de la viticulture qui concentre une main-d’œuvre importante sur un espace relativement réduit. La présence d’activités annexes qui complètent l’agriculture, permet aussi à des populations relativement nombreuses de subsister dans des régions peu favorisées par la nature : c’est le cas en Haut-Beaujolais pénétré par l’artisanat textile. Plus généralement, les conditions sociales de la vie agraire interviennent incontestablement. Il paraît à peu près certain que la mise en valeur des plaines et des zones proches des petites villes, caractérisée par la fréquence de gros domaines appartenant à des rentiers du sol et exploités en faire-valoir indirect (comme c’est le cas autour de Roanne ou de Marcigny), n’est pas favorable à un peuplement dense contrairement aux espaces où dominent les petites et moyennes propriétés paysannes.
74Après cette présentation des communautés rurales dans leurs cadres, il est temps d’étudier le contenu humain et la situation sociale de ces collectivités.
CONTENU HUMAIN ET SOCIOLOGIE DES COMMUNAUTÉS RURALES
75Les communautés rurales forment des microsociétés, avec leurs structures et leurs hiérarchies. À l’intérieur même de ces communautés, le groupe paysan majoritaire n’échappe pas à une diversité sociologique et à une hiérarchie, même si le clivage social essentiel sépare d’abord le groupe paysan, celui des travailleurs de la terre, du groupe des catégories sociales dominantes, appartenant peu ou prou aux rentiers du sol.
76À la base, les communautés territoriales, paroisse ou communauté d’habitants, sont constituées d’un certain nombre de cellules sociales élémentaires correspondant au premier niveau de la vie quotidienne, celui de l’espace privé.
Les cellules élémentaires constitutives des communautés paysannes
77La cellule sociale élémentaire des communautés paysannes est constituée par l’entité « ménage-famille-habitation ». Le ménage est l’unité de base où se déroule la vie quotidienne des paysans, unité à la fois de production et de consommation. Au ménage correspond généralement un groupe familial [35]. La famille se forme par le mariage qui, dans les campagnes en tout cas, obéit à des rites et à certaines règles traditionnelles comme l’endogamie et l’homogamie, éléments bien connus que l’on ne développera pas ici [36].
78En ce qui concerne les structures familiales, dans le centre sud-est comme dans la plus grande partie du royaume, c’est la famille conjugale, dite « nucléaire », qui domine numériquement au XVIIe siècle, soit un couple (éventuellement un veuf ou une veuve), habituellement avec enfants.
79Dominante, cette structure familiale n’est pas pour autant exclusive et diverses formes de familles élargies existent aussi, notamment dans les zones quelque peu marginales comme les monts de la Madeleine et les confins bourbonnais. On peut les repérer grâce, surtout, aux sources notariales.
80Le cas le plus simple de famille dite « élargie » correspond à la cohabitation de deux générations d’adultes, avec très souvent des enfants, situation qui se produit quand, au moment du mariage, un couple s’engage à accueillir des parents âgés incapables de subvenir à leurs besoins. Généralement, le parent âgé fait une donation en faveur du couple actif. Par exemple, lors du mariage de François Décoray, habitant de Saint-Haon avec Isabelle Préfol, la mère du futur époux « fait donation de biens meubles et immeubles sous la réserve de 50 livres et d’être nourrie et entretenue dans la maison en travaillant de son pouvoir et en cas d’incompatibilité se réserve sa vie durant le quart de ses fruits en payant le quart des charges annuelles et sa résidence dans une chambre de la maison » [37]. Le cas d’incompatibilité est prévu, ce qui signifie que la cohabitation n’était pas toujours facile. Ce type de famille peut aussi s’élargir aux collatéraux, frères et sœurs célibataires du couple marié. Ces cas peuvent parfois correspondre à de fausses familles élargies, c’est-à-dire à une situation d’attente : attente du décès du ou des parents, attente du mariage avec départ de la famille des collatéraux.
81On se trouve en présence de vraies familles élargies, dites « familles-souche », quand le représentant de la génération ancienne accueille sous son toit un fils ou une fille mariés. Le jeune couple bénéficie généralement d’une donation qui lui accorde pratiquement la gestion de l’exploitation, mais l’ « ancien » reste le chef du ménage. Il se réserve le droit « de régir la communauté » [38].
82On rencontre aussi, dans la région, quelques ménages dits « polynucléaires », constitués de plusieurs noyaux familiaux plus ou moins apparentés. Cette structure est connue sous le nom de « consortie », de « société de parsonniers », ou encore de « communauté familiale agricole ». Le contrat d’association de ces familles précise que les couples « vivant en communs parsonniers... seront communs associés en tous biens meubles, immeubles, chacun par égale portion... et ensemble vivant sous le même couvert à même pain, vin, viande et feu... s’engageant en travaillant pour le bien de la société et entretien de maladie et infirmité » [39].
83Ce type de communauté peut se former soit au moment d’un mariage (mariage-association), soit lorsqu’un nouveau couple vient intégrer une communauté existante. Dans certains cas, le contrat de mariage prévoit, dans le choix du conjoint, la consultation du groupe, au-delà du cercle familial, par l’institution « d’assemblées d’amis et parents ». Quand Jacques Boucher, sabotier de Saint-Bonnet-des-Quarts, dans les monts de la Madeleine, épouse Claudine Relize, fille d’un laboureur de la même paroisse, c’est « de l’avis de leurs parents et amis assemblés » [40]. La proximité de l’espace habité crée des liens de voisinage qui interfèrent avec les liens du sang, mais vont au-delà. L’union conjugale est portée et soutenue par le groupe, ce qui témoigne de la force de la communauté familiale élargie au voisinage, donc à un réseau d’amitié, comme l’atteste aussi le nombre et la qualité des témoins assistant au mariage, acte social autant qu’individuel.
84Il n’est pas possible de faire des statistiques pour mesurer l’importance des familles élargies. Il apparaît néanmoins, au vu des contrats de mariage, et de certains rôles de taille où les consorties sont signalées, que ces familles élargies peuvent être relativement nombreuses, du moins parmi les chefs d’exploitation [41]. À Ambierle, paroisse viticole aux pieds des monts de la Madeleine, un quart des ménages correspond à une famille élargie, et cela encore au XVIIIe siècle [42].
85Bien entendu, le groupe familial est étroitement lié à son habitat, cadre par excellence de l’espace privé. Les visites de feu et les enquêtes, assez vagues à ce propos, nous apprennent néanmoins que l’habitat paysan est construit avec les matériaux locaux (torchis, argile dans la plaine roannaise, pierres en roches cristallines dans les monts de la Madeleine et en Haut-Beaujolais, calcaire sur le plateau brionnais, etc.). Au XVIIe siècle, beaucoup de maisons sont encore couvertes de paille, d’autres sont couvertes de tuiles, surtout plates au nord de la région, plutôt creuses au sud [43].
86À la maison d’habitation sont étroitement associés les bâtiments d’exploitation (étable, grenier, grange, éventuellement cuvage). Ceux-ci occupent généralement une surface supérieure (parfois le double) à celle du logement familial, du moins chez les chefs d’exploitation. Ces dépendances abritent le bétail, avec sa nourriture d’hiver, les instruments de culture, les récoltes... Naturellement, l’aspect des fermes varie avec le niveau social du paysan (chef d’exploitation ou journalier), et avec le lieu (« grands couverts » dans la plaine roannaise, maisons-blocs ou bâtiments entourant une cour dans les montagnes) [44].
87À l’entité ménage-habitation correspond évidemment une unité de production ou de travail qui assure la subsistance du groupe familial. Il s’agit de l’exploitation, support économique du ménage paysan, que le chef de ménage soit un vrai chef d’exploitation, à la tête d’une unité économique qui lui donne une relative indépendance, ou qu’il travaille, pour l’essentiel, au service d’autrui, gros exploitant ou notable.
88Ces remarques nous font aborder la question des rapports juridiques des paysans à la terre. Dans le centre sud-est de la France, moins de la moitié des terres exploitées appartiennent aux paysans (en tant que « tenanciers »), le reste est possédé par des rentiers du sol non exploitants, de sorte que le faire-valoir indirect compte au moins autant que le faire-valoir direct. La mise en valeur du sol par le mode de faire-valoir indirect implique l’établissement d’un contrat de location, soit un bail à ferme (paiement d’un loyer annuel fixe, le plus souvent en argent), soit un bail à grangeage, c’est-à-dire « à partage de fruits ».
89C’est donc la réunion d’un nombre variable de ces cellules de base, de ces unités humaines et économiques que sont les entités « ménage-habitation » qui constitue la communauté rurale dont il convient maintenant de préciser le contenu sociologique.
Structures et hiérarchies sociales des communautés paysannes
90Sur les quelque 150 à 160 communautés environ que compte le centre sud-est de la France dans les limites indiquées plus haut, toutes ne peuvent pas faire l’objet d’une analyse sociologique précise compte tenu de la documentation disponible. C’est pourquoi on s’est plus particulièrement attaché, dans cette perspective, aux 35 paroisses du Brionnais pour lesquelles on dispose, pour le règne de Louis XIV, de rôles de taille relativement bien tenus [45]. Incidemment on pourra aussi donner quelques indications sur les 32 paroisses des élections de Roanne et de Villefranche dont les réponses à l’enquête d’Herbigny de 1698 ont été conservées. Malgré son caractère partiel, cette documentation donne une assez bonne image de la structure sociale des communautés paysannes de la région.
91Il apparaît d’emblée, et ce n’est pas une surprise, que les communautés paysannes ne sont pas socialement homogènes. Elles se distinguent et se hiérarchisent en fonction de plusieurs critères dont trois retiennent plus particulièrement l’attention.
92Le premier est évidemment le niveau des revenus, donc la richesse du ménage. Il n’est pas facile de chiffrer les revenus paysans ; toutefois les rôles de taille permettent de hiérarchiser les ménages en fonction du montant de la taille qu’ils paient. Car, malgré quelques réserves, on peut considérer que pour la paysannerie, la hiérarchie fiscale est un assez bon reflet de la hiérarchie sociale, même en pays de taille personnelle où le montant de l’impôt est établi d’après la richesse estimée du contribuable.
93Le deuxième critère est l’exploitation. Les documents fiscaux qui indiquent l’état social du contribuable distinguent les chefs d’exploitation des autres membres de la communauté paysanne. Les chefs d’exploitation sont désignés par le terme « laboureur » ou « laboureur-granger ». Ils disposent d’une exploitation de dimension variable, mais qui leur fournit, en principe, l’essentiel de leurs revenus. Les autres membres de la communauté paysanne, sont généralement qualifiés de « manouvriers », « journaliers », voire « locataires et pauvres ». Pour les membres de ces catégories sociales (sauf rares exceptions), ce n’est pas leur éventuelle exploitation, au demeurant fort modeste, qui fournit l’essentiel de leur activité et de leurs ressources, mais les travaux divers qu’ils effectuent ailleurs.
94Le troisième critère de différenciation concerne le statut des exploitants : il distingue les « laboureurs propriétaires » (au sens de l’époque) des « laboureurs pour autrui », fermiers et surtout grangers qualifiés aussi de « cultivateurs à mi-fruits ». Les contemporains attachent une grande importance à ce critère, car, à leurs yeux, posséder une exploitation « en propre », comme patrimoine familial, est signe de stabilité. Une forte proportion de laboureurs propriétaires est interprétée comme un signe de solidité, de stabilité de la communauté paysanne. Aux yeux des curés du Roannais et du Haut-Beaujolais qui répondent à l’enquête de l’intendant Lambert d’Herbigny en 1698, les propriétaires sont les vrais « habitants », attachés à leur paroisse et à leur capital foncier. être granger, au contraire, signifie être instable, changer de paroisse au gré des occasions pour trouver une exploitation à louer, celle-ci étant, de surcroît, fréquemment la propriété de « forains », étrangers à la paroisse. Même si ce n’est pas toujours le cas dans la réalité, c’est ainsi que la situation des grangers est souvent perçue. Par exemple, le curé de Saint-Bonnet-de-Cray, paroisse dépendant de la seigneurie ecclésiastique du prieuré de Charlieu, déplore que « l’essentiel de la paroisse est composé de grangers dont les maisons sont hors de la paroisse et ne payent aucune taille (car) les domaines sont aux étrangers ». Le curé de Villerest va jusqu’à expliquer l’appauvrissement de sa paroisse par la présence d’un trop grand nombre d’exploitants non propriétaires [46].
95En prenant en compte ces éléments, et plus particulièrement la hiérarchie fiscale révélée par les rôles de taille, il est possible de donner une idée de la structure sociale de la paysannerie du centre sud-est. On s’est particulièrement appuyé sur les rôles de l’année 1690 de six paroisses du Brionnais qui regroupent 590 contribuables dont 579 ménages paysans au sens large [47]. Malgré l’étroitesse de la base statistique, les résultats donnent une image assez représentative de la hiérarchie paysanne de la région ; ils sont consignés dans le tableau suivant :
96À la lumière de ce tableau, on peut présenter la hiérarchie sociale paysanne comme suit.
97À la base se trouve un groupe de ménages très pauvres, à la situation économique précaire. Ce sont ceux que les rôles de taille désignent par le terme « locataires et pauvres ». Les plus misérables ne paient qu’une taille symbolique de quelques sols, au maximum une livre. Cette catégorie de population, d’après le tableau ci-dessus, représente 7 à 8 % des ménages, mais probablement davantage, car certains individus, à la limite de l’errance, ne figurent pas sur le rôle de taille. On a placé ce groupe dans la paysannerie par commodité ; le statut social de ses membres est en réalité précaire et mal défini.
98Au-dessus se trouve une masse importante constituée principalement de « manouvriers et journaliers ». Cette catégorie sociale est, en réalité, hétérogène. Elle est constituée des ménages qui paient entre 1 et 20 livres de taille. Quelques exemples pris en dehors des six paroisses de référence (car nous sommes tributaires des sources) permettent de préciser un peu leur situation.
99Sébastien Seguin est bien représentatif de la frange inférieure du groupe. Il est qualifié de « vigneron journalier ». D’après un inventaire après décès de 1658 [48] son logement se limite à une seule pièce ; son mobilier se borne à une table, deux bancs, un petit coffre, une maie à pain, un lit, objets dont la valeur totale ne dépasse pas une dizaine de livres. S’y ajoutent quelques outils, des cuves et fûts, ainsi que du petit bétail. La valeur de l’ensemble de ses biens peut être évaluée à une cinquantaine de livres.
100D’autres manouvriers sont dans une situation un peu meilleure, comme Claude Ginoix qui, d’après le terrier de la seigneurie de l’Étoile, possède une petite propriété de 5 ha environ dont les revenus annuels peuvent être estimés à environ 50 à 60 livres vers 1640 [49], ce qui ne suffit pas à assurer correctement sa subsistance.
101Les ménages de cette catégorie des « manouvriers et journaliers » peuvent disposer d’une petite exploitation, à l’exemple de Ginoix, mais le plus souvent l’essentiel de leurs revenus ne provient pas de celle-ci ; les ressources qui assurent leur subsistance résultent de diverses tâches effectuées ailleurs comme l’explique Vauban dans un texte célèbre.
102« Parmi le menu peuple, notamment celuy de la campagne il y a un très grand nombre de gens qui ne faisant profession d’aucun métier en particulier ne laissent pas d’en faire plusieurs très nécessaires et dont on ne saurait se passer... travaillant à la journée ou pour entreprise par qui les veut employer. Ce sont eux qui font toutes les grandes besognes comme de faucher, moissonner, battre à la grange, couper les bois, labourer la Terre et les Vignes, défricher, boucher les héritages, faire ou relever les Fossés, porter la terre dans les vignes et ailleurs, servir les maçons et faire plusieurs autres ouvrages qui sont très rudes et pénibles » [50].
103Si on ajoute à ces « manouvriers et journaliers » les petits exploitants et autres ruraux qui paient entre 1 et 20 livres de taille dans les paroisses brionnaises, on se trouve en présence d’un groupe nombreux, économiquement plutôt divers, dont les membres sont parfois qualifiés de « paysans parcellaires ». Ce groupe est majoritaire dans les six paroisses de référence (autour de 60 %) et probablement dans l’ensemble de la région. Cela s’explique par le contexte socio-économique de l’époque ; la productivité du travail agricole est faible, les artisans qualifiés sont rares ; il faut une main-d’œuvre nombreuse d’ « ouvriers agricoles » ou autres manœuvres peu spécialisés et relativement polyvalents pour effectuer divers travaux indispensables à l’économie locale, notamment au moment des récoltes.
104Reste la catégorie des vrais « chefs d’exploitation » disposant d’une dizaine d’hectares au moins, soit en propriété, soit en fermage ou grangeage. Ils paient plus de 20 livres de taille et représentent 28 % des ménages recensés dans les six paroisses brionnaises de référence. Ils jouissent normalement d’une relative indépendance économique, grâce à une exploitation viable, du moins en temps normal. Des exemples pris à Montceau l’Étoile, près de Marcigny (grâce à des sources disponibles pour cette paroisse) permettent de donner quelques précisions sur la situation des membres de ce groupe.
105François Robin est propriétaire d’une maison et d’une terre d’environ 15 ha [51]. Un inventaire après décès de 1685 estime la valeur de ses meubles à 104 livres et celle de son capital de culture à 337 livres [52].
106Claude Boulat, en association avec un certain Loreau, est granger du seigneur de Saint-George. Il est représentatif des exploitants qui mettent en valeur un domaine important appartenant à un notable rentier du sol (en l’occurrence le seigneur local). Il dispose d’un matériel de culture d’une valeur de 160 livres et d’un important troupeau estimé à 644 livres sans qu’il soit possible de savoir si le bétail appartient à lui ou au bailleur [53]. Quoi qu’il en soit, Boulat n’est peut-être pas un propriétaire important, mais il est un gros exploitant et se trouve très bien placé dans la hiérarchie paysanne.
107Au total, dans la catégorie supérieure de la paysannerie, parmi ceux qui paient plus de 30 livres de taille et disposent d’une exploitation viable, les grangers l’emportent numériquement sur les « laboureurs propriétaires ». Parmi les 84 chefs d’exploitations de cette catégorie recensés dans les six paroisses étudiées, 26 sont propriétaires et 58 sont principalement « exploitants pour autrui », même s’ils disposent par ailleurs de quelques terres « en propre ». Rien d’étonnant à cela. C’est que, d’une manière générale, les plus beaux domaines, ceux des rentiers du sol, sont exploités en faire-valoir indirect par des grangers. En réalité, il y aurait deux catégories de grangers : ceux qui prennent à bail quelques parcelles et qui sont proches des manouvriers, et les « grangers de domaine » qui sont de gros exploitants et figurent parmi les paysans les plus aisés à l’exemple des consorts Boulat et Loreau cités plus haut.
108Cette situation, à savoir la supériorité numérique des grangers, vaut probablement pour l’ensemble du centre sud-est mais d’une manière inégale. Ainsi, d’après les rôles de taille de 35 paroisses brionnaises pour l’année 1690, le rapport entre le nombre des grangers et celui des propriétaires est à peu près équilibré dans 4 paroisses, il est en faveur des propriétaires dans 10 paroisses situées principalement en Haut-Brionnais (Saint-Christophe, Briant, Amanzé) ; il est en faveur des grangers dans 21 paroisses situées principalement dans la plaine, le long de la Loire à l’exemple de Baugy, Saint-Yan, Anzy-le-Duc (cf. le tableau ci-dessus).
109Dans les paroisses dépendant de la généralité de Lyon, il est difficile d’apporter des précisions compte tenu de la mauvaise qualité des sources disponibles. Il ressort néanmoins des enquêtes de la fin du XVIIe siècle que là encore les grangers l’emportent numériquement dans les plaines, autour de Roanne tout comme dans la plaine du Forez [54], alors que les paysans propriétaires sont généralement majoritaires dans les montagnes du Haut-Beaujolais et des monts de la Madeleine. Dans le vignoble de la côte roannaise les deux catégories d’exploitants s’équilibrent à peu près [55].
110C’est donc surtout dans les zones centrales de la région, dans les plaines le long de la Loire et leurs abords, près des villes de Saint-Germain-Laval, Roanne, Charlieu, Marcigny, Paray-le-Monial que le faire-valoir indirect domine. Là résident de nombreux notables rentiers du sol (hommes de loi, administrateurs, marchands, nobles, bourgeois, institutions religieuses), propriétaires de domaines qu’ils font exploiter par des grangers.
111Incontestablement la société paysanne est complexe et hétérogène. Mais cette hétérogénéité n’empêche pas que, globalement, la paysannerie, même dans ses franges relativement favorisées, reste dans une situation de dépendance : dépendance inégale selon la situation économique du ménage, mais dépendance tout de même par rapport aux gros possédants et par rapport aux autorités de tutelle, tout particulièrement la seigneurie, ce qui conduit à aborder la question des relations sociales dans les communautés rurales. Effectivement, le groupe paysan ne peut pas être isolé des autres catégories sociales, en particulier des « dominants », car la vie quotidienne des communautés paysannes est constamment liée à celle des catégories sociales supérieures étant donné les conditions socio-économiques de la mise en valeur du sol ainsi que les rapports de pouvoir dans les campagnes.
Communautés paysannes et catégories sociales dominantes
112Pour la clarté de l’exposé on a distingué parmi les dominants, d’une part ceux qui s’imposent aux paysans essentiellement en tant que possédants, par l’emprise économique que leur permet la possession de terres et d’argent, d’autre part ceux qui exercent un pouvoir institutionnel du fait de leur titre, des fonctions et des positions qu’ils occupent dans l’État et la société, étant entendu que les deux formes de domination et d’influence peuvent interférer, voire coexister chez la même personne.
1131. Paysans et possédants. — Pour Pierre Goubert le clivage essentiel qui sépare la société rurale, voire toute la société française sous l’Ancien Régime, est la rente du sol, c’est-à-dire le prélèvement effectué par les possédants sur le travail paysan. « Les percepteurs de rente et leurs agents sont les dominants, les payeurs de rente sont les dominés. Dans ce contraste élémentaire peuvent se ranger au moins les neuf dixièmes des habitants du royaume » [56]. Cette distinction recouvre à peu près celle des physiocrates entre « classe productive » et « classe propriétaire », celle-ci étant constituée par le groupe des propriétaires fonciers, seigneurs et décimateurs qui « subsistent par le revenu produit net de la culture qui lui est payé annuellement par la classe productive » [57] (la classe productive étant, pour l’essentiel, la paysannerie).
114On a vu que le faire-valoir indirect occupait une grande place dans la mise en valeur du sol dans le centre sud-est de la France sous Louis XIV, c’est dire qu’une bonne partie de la paysannerie est constituée de fermiers et de grangers qui assurent la mise en valeur des terres de la « classe propriétaire », donc des rentiers du sol, dans les conditions fixées par les contrats agraires. Ces actes précisent les obligations de l’exploitant : celui-ci est tributaire de la durée du bail (habituellement trois ou six ans, exceptionnellement neuf), ce qui entretient une certaine précarité ; il est soumis à l’obligation de résidence et à des règles destinées à un bon fonctionnement de l’exploitation. À l’aube du XVIIIe siècle, les baux les plus nombreux sont les baux à grangeage, c’est-à-dire « à partage de fruits ». Le dépouillement du contrôle des actes notariés des bureaux de Roanne, Semur-en-Brionnais et Saint-Just-en-Chevalet, donne, pour 611 baux enregistrés au cours des années 1700 à 1705 ; fermes 33,1 %, cheptel 26,5 % et grangeage à mi-fruits 40,4 % [58].
115Ces contrats, et plus particulièrement les baux à grangeage, entretiennent un cadre de relations bien caractéristiques entre bailleur et preneur, voire une certaine solidarité dans la mise en valeur des terres. Le propriétaire bailleur fournit le capital foncier et une partie du capital d’exploitation (en particulier tout ou partie du bétail, d’où les baux à cheptel souvent associés aux clauses des baux à grangeage), tandis que le paysan exploitant donne sa force de travail et, éventuellement, l’autre partie du capital d’exploitation.
116Cependant, dans ces relations, le propriétaire bailleur se trouve en position de force en tant que possédant et pourvoyeur d’emploi. D’ailleurs l’état social de la grande majorité des bailleurs montre que ceux-ci appartiennent aux catégories supérieures. L’examen de 137 baux passés devant les notaires Vincent de Roanne et Duvergier de Changy entre 1696 et 1703, le démontre sans conteste [59] :
117Quant aux preneurs à bail, ils sont pratiquement tous paysans quand il s’agit de grangers, mais parmi les fermiers près de la moitié sont des marchands qui sous-amodient la terre à des paysans exploitants par un bail à grangeage. Ces propriétaires fonciers (et d’autres notables), sont bien souvent en même temps des hommes d’argent, des hommes d’affaires qui exercent une forte emprise sur la paysannerie en tant que créanciers.
118L’endettement paysan est un phénomène endémique au XVIIe siècle, tout particulièrement pendant la longue période de déflation du règne personnel de Louis XIV (qui alourdit en termes réels une valeur nominale constante), situation encore aggravée par les crises de subsistances de la fin du règne. Les formes que prennent les créances sont connues : obligations (reconnaissances de dettes généralement à court terme), ou rentes constituées. Celles-ci sont en réalité des prêts à intérêt à long terme, voire perpétuels, qui prennent la forme d’un contrat de rente ; le créancier ou crédirentier « achète » une rente annuelle et, en principe, perpétuelle, contre le versement d’un capital ou « principal de rente » ; la rente payée par le débiteur ou débirentier correspond à un taux de 5 % à la fin du XVIIe siècle. Le débiteur ou « payeur de rente » ne peut se libérer que par remboursement du capital. Par exemple, Claude Vialon, habitant de Saint-Haon-le-Châtel « confesse devoir à maître Achille Maret, notaire royal, la somme de 500 livres, ledit Maret a présentement presté audit Vialon en louis d’or neuf et autre bonne monnaie et pour le paiement de laquelle somme ledit Vialon a constitué au profit dudit Maret une rente annuelle et perpétuelle de 25 livres au principal de ladite jusqu’au rachat que pourra faire quand bon lui semblera en un seul paiement et pour sûreté du paiement de ladite somme, ledit Vialon affecte et hypothèque sur tous ses biens meubles et immeubles » [60].
119Ajoutons que la rente constituée peut être un moyen de transformer des prêts à court terme (des obligations) en créances à long terme sous forme d’une consolidation des obligations, transformées en capital de rente. Les sources notariales sont remplies de ces sortes de créances qui révèlent des relations de dépendance économique et financière de la paysannerie par rapport aux hommes d’argent (mais aujourd’hui, beaucoup de pièces ont disparu des archives). Une petite statistique portant sur 41 créances conservées chez les notaires Duverger et Petit entre 1695 et 1710 montre que la majorité des débiteurs sont des paysans (27 sur les 41 débiteurs), tandis que les créanciers sont surtout des seigneurs (11), des marchands (15), des hommes de loi (6), et quelques ecclésiastiques (4) [61].
120Certains des hommes d’affaires avec lesquels les paysans sont en relation sont aussi des agents de notables, seigneurs et décimateurs. Il s’agit d’hommes de loi ou de marchands qui prennent à ferme la perception de dîmes, de droits seigneuriaux ou les revenus de gros domaines ; ils n’hésitent pas, en outre, à exercer les fonctions de juge ou de procureur fiscal, ce qui en fait des agents du pouvoir judiciaire dans les campagnes.
121Un certain Guillaume Perret, praticien demeurant à Ligny-en-Brionnais, est un bon exemple de ce type social. À son décès, en 1683, ce personnage laisse un document qui s’apparente à une sorte de donation-partage. Il apparaît à la lecture de ce texte que Perret laisse un capital de créances de 18 737 livres dont 3 912 livres en obligations, le reste en rentes constituées. Par ailleurs, ce « bourgeois rural » a été fermier et procureur fiscal de la seigneurie de Chamrond dont il assurait la gestion et la perception des revenus. Il laisse en outre plusieurs domaines exploités par des grangers. Son influence locale est grande et de nombreux paysans sont sous sa dépendance en tant que grangers, débiteurs ou sujets de la seigneurie de Chamrond. Ce qui explique l’emprise d’un personnage comme Perret sur les paysans, c’est qu’en plus de ses biens propres, il dispose d’une délégation de pouvoir en tant qu’agent seigneurial [62].
1222. Paysans et pouvoirs de tutelle locaux. — Les paysans sont évidemment en relations constantes avec les autorités de tutelle locales que sont le curé, tuteur spirituel, et le seigneur, tuteur temporel. La solidarité de la communauté villageoise et le souci de défendre une certaine marge d’autonomie par rapport aux dominants expliquent que les relations avec les autorités de tutelle sont parfois tendues et peuvent perturber le cours de la vie quotidienne ; cependant, en temps ordinaire, les rapports ne sont pas nécessairement conflictuels.
123Le curé est le maître spirituel et moral de la communauté paroissiale. Son prestige et son influence sur les paysans dépendent largement de l’image que les paroissiens se font de lui. Si l’on se réfère aux procès-verbaux de la visite pastorale de l’archiprêtré de Charlieu, en 1705, il apparaît que l’image du curé est largement favorable puisque sur 37 paroisses visitées, 8 seulement expriment des réserves à l’encontre de leur pasteur. Dans l’enquête Bouchu de 1666, les appréciations sont le plus souvent positives : les curés « s’acquittent fort bien de leur devoir » [63].
124Les curés surveillent les confréries traditionnelles où existent des abus pour développer les nouvelles confréries spirituelles, en premier lieu celles du Rosaire. Ils utilisent en plus du prône et du catéchisme, le décor des églises, retables, statues et bannières comme instruments de pédagogie spirituelle. Matériellement, l’emprise du curé s’exerce par la dîme directement ou indirectement (quand la dîme est perçue par un « gros décimateur ») et par la rémunération du casuel. Quelle que soit l’influence du curé, largement acceptée, les relations avec les paroissiens ne sont pas toujours idylliques dans la mesure où certains curés se montrent trop intéressés par les avantages matériels que peut leur procurer leur situation, ou quand le contrôle moral est ressenti comme trop pesant : nombreux sont les paroissiens qui tiennent à conserver leur autonomie culturelle, en particulier des formes de culture festive qui ne s’accordent pas toujours avec le contrôle moral préconisé par la Réforme catholique qui se déploie au cours du XVIIe siècle.
125L’autre autorité de tutelle à laquelle les communautés paysannes ont constamment affaire est naturellement la seigneurie. Comme on l’a vu, cette structure de domination s’exerce sur les terres par la « propriété éminente » du seigneur, et sur les hommes par la juridiction.
126Les relations entre seigneur et paysans peuvent être définies comme un mélange de solidarité et de tension. Au XVIIe siècle, le seigneur est encore perçu, assez souvent, comme une autorité protectrice de la communauté paysanne ; de plus, il est le premier habitant de la paroisse et respecté comme tel. Ainsi, lors des révoltes populaires qui ont eu lieu au cours de la crise des années 1648-1651, en opposition à l’accroissement de l’emprise de l’État monarchique notamment sous la forme de l’alourdissement de la pression fiscale, les communautés paysannes ont trouvé le soutien de leur seigneur (même si ce soutien est ambigu). Les trésoriers du bureau des finances de Lyon, dans une déclaration du 2 avril 1649, écrivent : « Nous ayant esté rapporté qu’aucuns seigneurs justiciers desdits bourgs et paroisses favorisent lesdits reffus et desobeyssances et encore les principaux habitants, lesquels au lieu d’apporter ayde... authorisent lesdits reffus » [64].
127Toutefois, les sources de tension entre pouvoir seigneurial et communautés paysannes ne manquent pas, même si, au XVIIe siècle, les paysans restent, en général, soumis à l’autorité de leur seigneur.
128Un sujet fréquent de litiges concerne les redevances seigneuriales. Des actions judiciaires répétées sont engagées par des seigneurs à l’encontre de paysans censitaires qui répugnent à payer régulièrement les « cens et servis » (droits sur la terre « recognitifs de seigneurie ») ou les lods et vends (droits de mutation) [65]. Aux différentes assises les récalcitrants sont régulièrement rappelés à l’ordre. Il y a là une sorte de résistance passive, une guerre d’usure qui oblige de nombreux seigneurs à déployer une énergie incessante pour faire rentrer les redevances et obtenir que les justiciables fassent « les corvées tant d’hommes que de bétail » [66].
129Cependant, plus que les questions relatives aux redevances et obligations féodales et seigneuriales, c’est surtout autour de l’utilisation de l’espace que les communautés paysannes peuvent entrer en conflit avec le pouvoir seigneurial.
130Celles-ci réagissent à la prétention de certains seigneurs de vouloir contrôler complètement l’espace correspondant à la mouvance de leur seigneurie au nom de la « propriété éminente ». On peut citer, par exemple, le conflit qui oppose en 1687 le seigneur de Ressis et les habitants de la paroisse de Chirassimont aux limites des monts du Lyonnais et du Haut-Beaujolais. Les justiciables de cette seigneurie se sont emparés de plusieurs terres correspondant à une ancienne forteresse construite au moment des guerres de religion et où fut édifiée l’église. Le seigneur les accuse d’usurper « les biens vacants appartenant au seigneur haut justicier (pour) construire sur les chemins sans prendre des officiers aucun alignement » [67]. L’enjeu est bien le contrôle de l’espace territorial de la seigneurie qui est en même temps un espace paroissial : pour le seigneur, l’espace public est avant tout seigneurial et son utilisation est soumise à l’autorisation du maître. La communauté paysanne oppose à la conception juridique de « mouvance seigneuriale » leurs droits d’habitants et la notion d’utilité socio-économique. Ils défendent ainsi une certaine autonomie de l’espace villageois en face de l’autorité seigneuriale qui reste attachée à une conception rigide de la notion de mouvance, cela d’autant plus que l’église, lieu par excellence de rassemblement de la communauté paroissiale, est située sur le territoire contesté.
131On peut rapprocher de cette lutte de la communauté villageoise pour l’espace public la défense des droits de passage. Ce fut le cas en 1711 à Épercieux, paroisse située près de Feurs, dans la plaine du Forez. Les habitants obtiennent le soutien du curé qui fait passer une procession pour empêcher la prescription d’un droit de passage « convoité par le seigneur » [68].
132Le « saltus », c’est-à-dire les espaces en friche, couverts de bois, de landes ou de pâturages, font aussi l’objet de litiges, car les paysans admettent mal le monopole seigneurial de chasse, de pêche et d’utilisation des forêts, d’où des pâturages sauvages et de nombreux délits forestiers tels que des coupes clandestines, du braconnage, etc. En 1667, le procureur fiscal de la seigneurie de l’Aubépin se plaint des individus qui « au préjudice des ordonnances du seigneur s’ingénient d’aller continuellement dans les bois du seigneur pour couper ce qu’il y a de meilleur », et aussi de laisser vagabonder les chèvres qui « portent grand préjudice aux bois, haies, arbres fruitiers » [69].
133On voit donc que les relations sociales dans les communautés rurales sont complexes au temps de Louis XIV ; les formes de solidarités se mêlent effectivement aux tensions dans la vie quotidienne des paysans. On en aura une confirmation en analysant les manifestations de la vie collective des communautés paysannes.
VIE SOCIALE ET COMPORTEMENTS COLLECTIFS DANS LES COMMUNAUTÉS PAYSANNES
134La vie quotidienne des paysans se déroule sur plusieurs plans ; on peut distinguer la vie matérielle qui permet à la communauté d’assurer sa subsistance, la vie socioculturelle institutionnalisée ou spontanée, entretenue par la tradition, et les comportements collectifs qui révèlent des traits significatifs de la mentalité paysanne.
Aspects de la vie matérielle : l’exploitation du terroir villageois
135Si le finage correspond au territoire de la communauté rurale qui le distingue de celui des communautés voisines, le terroir se définit comme l’ensemble des terres mises en valeur par la communauté paysanne en tant que « communauté d’exploitants ».
136Dans sa définition du village, Richard Cantilon souligne le lien étroit entre l’existence du village, sa dimension, le nombre des habitants et l’exploitation du terroir. « Quelque emploi qu’on fasse de la terre, il faut que les fermiers ou laboureurs qui en conduisent le travail résident tout proche. De ce point dépend la nécessité des villages répandus dans toutes les campagnes et terres cultivées... la grandeur d’un village est naturellement proportionnée en nombre d’habitants à celui que les terres qui en dépendent demandent pour le travail journalier et à celui des artisans qui y trouvent assez d’occupations pour le service des fermiers et laboureurs » [70].
137La mise en valeur du terroir se fait d’abord à l’échelle des différentes exploitations dont le revenu provient du travail paysan. On ne détaillera pas ici les méthodes de culture, ni les rythmes quotidiens et saisonniers du travail paysan, depuis le début de l’année agricole, le 1er ou le 11 novembre après les semailles d’automne, jusqu’aux moissons et aux vendanges en passant par les travaux d’entretien d’hiver, les éventuelles semailles de printemps, les tailles de la vigne, la récolte de foin, etc. Cette question a été largement étudiée par les historiens ruralistes [71].
138Rappelons simplement que la mise en valeur du sol suppose un capital de culture (le cheptel mort et le cheptel vif) et obéit à certaines règles communément admises. Les inventaires après décès donnent quelques indications à propos des moyens dont pouvaient disposer les exploitants, moyens qui évidemment dépendaient de leur niveau social.
139Un manouvrier ordinaire de Saint-Christophe-en-Brionnais, à la tête d’une exploitation d’environ 2 ha consistant en un petit pré et quelques parcelles de « terres en seigle » dispose des outils manuels habituels et de « quatre petites vaches pour cultiver ». Certes, ce témoignage est tardif (1758), mais vaut pour le XVIIe siècle [72]. Les « bons laboureurs » ou les grangers de domaine, à l’exemple des consorts Boulat et Loreau présentés plus haut, en tant que grangers du seigneur de Montceau l’Étoile en Brionnais sont bien mieux équipés. Ces consorts exploitent, dans les années 1680, une métairie polyculturale de 15 ha. Ils disposent d’un cheptel abondant (6 bœufs de trait, 4 taureaux, une « tourie » et 7 « vaches garnies », soit un cheptel de bovins d’une valeur de 644 livres, sans compter les brebis et pourceaux). L’outillage de cette exploitation comporte bêches, pioches, charrues (en fait plutôt des araires que de véritables charrues à versoir), sans compter les fûts et cuves [73]. Il en est de même du capital de culture de François Robin, laboureur dans la même paroisse qui, en plus d’un troupeau d’une valeur de 337 livres, possède de l’outillage estimé à 88 livres (pioches, bêche, faucille, scie, charrue, charrette [74]).
140En tout état de cause, la présence de bétail bovin est particulièrement importante dans le centre sud-est, région accidentée où les prairies et les pâturages souvent mieux adaptés aux conditions physiques que les champs cultivés, sont relativement étendus, où l’on a appris, comme dans l’ouest, à « valoriser l’inculte » (Annie Antoine). Le troupeau fournit la force motrice, les engrais, les produits laitiers et la viande, cela au point qu’on a tendance, au XVIIe siècle, à juger la valeur d’une exploitation par le nombre de têtes de bétail qu’elle comporte. Reste que la production céréalière constitue toujours la production dominante, car les céréales continuent de fournir la base de la nourriture paysanne. Ainsi, dans les domaines de la seigneurie de l’Étoile en Brionnais, les terres consacrées aux céréales correspondent à 47 % des surfaces, les prés à environ 16 %, le reste étant en friches, bois et pâturages [75].
141Les soins à donner aux cultures sont précisées dans les contrats agraires. Ceux-ci, et tout particulièrement les baux à grangeage, fixent les règles et obligations auxquelles est soumis l’exploitant pour assurer une bonne mise en valeur de l’exploitation et la conservation du capital productif. À titre d’exemple, on peut indiquer les clauses d’un bail passé en 1696 par la comtesse du Bourg, seigneur de Changy, au nord-ouest de Roanne, « à titre de grangeage à moitié de tous fruits » [76]. Le laboureur preneur à bail est soumis aux obligations suivantes :
142— demeurer au domaine « avec une main-d’œuvre suffisante » ;
143— effectuer les labours nécessaires ;
144— veiller à la clôture des terres pour les protéger du bétail ;
145— drainer et curer les fossés ;
146— entretenir les haies ;
147— veiller au bon fonctionnement de l’irrigation des prés ;
148— bien faucher et recueillir le foin dans les granges ;
149— récolter en temps voulu ;
150— entretenir les vergers par la plantation et la greffe de « sauvageons » ;
151— assurer les charrois nécessaires...
152Le domaine bénéficie de la présence d’un troupeau important (notamment 4 bœufs arables) estimé à 359 livres.
153Cet exemple est assez représentatif des dispositions contenues dans les contrats agraires de la région.
154Cependant, le terroir villageois ne doit pas être considéré seulement comme une juxtaposition d’exploitations agricoles, mais aussi comme un espace spécifique dont la mise en valeur obéit à des règles qui s’imposent à la communauté paysanne. L’assolement, indispensable à la conservation des sols est généralement biennal (une année de culture de seigle, éventuellement de froment, alternant avec une année de jachère). Mais il arrive, notamment dans les montagnes, que la jachère soit plus longue, laissant davantage d’espaces pour la nourriture du bétail. On relève des cas où les terres « ne rapportent que de trois en trois ans » comme à Noirétable en Haut-Forez [77]. Dans la montagne beaujolaise se pratique la culture sur brûlis. Au Thel « on sème le seigle et un peu d’avoine dans les terres défrichées et brûlées, lesquelles ne se sèment que de dix en dix ans » [78].
155Il est vrai que la jachère est rarement totale ; l’orge, l’avoine, les fèves peuvent grignoter les terres laissées libres de seigle sans que pour autant ces « cultures dérobées » ne modifient le système fondamental de l’assolement biennal. En tout cas, dans l’ensemble, les sols sont médiocres et les rendements faibles (de quatre à six fois la semence au mieux).
156C’est aussi à l’échelle du terroir villageois que s’organise la vaine pâture qui consiste à laisser le bétail paître sur les parties de l’espace agricole en jachère ou débarrassé des récoltes [79]. Il en est de même des droits d’usage collectifs dans le « saltus » quand ils existent (ramassage de bois, glandées, zones de parcours pour le bétail), ainsi que du ban des vendanges décidé par le seigneur dont c’est une des prérogatives importantes dans l’organisation de la vie agraire.
157Cependant le travail des paysans pour assurer leur subsistance ne remplit pas toute leur vie. Les communautés s’expriment aussi par des manifestations qui animent une vie sociale et illustrent une forme de solidarité collective.
Aspects de la vie socioculturelle
158Dans les manifestations collectives qui se rattachent à la vie socioculturelle, on peut distinguer deux formes : l’une, institutionnelle, consiste dans les assemblées d’habitants chargées de régler les questions qui touchent à l’organisation de la vie collective ; l’autre, plus spontanée, coutumière, souvent ritualisée, à savoir, la « sociabilité villageoise ».
1591. Les assemblées d’habitants. — Si la communauté rurale entretient entre ses membres des relations économiques, notamment par « les trocs compensatoires entre les cellules famille-production » (Pierre Chaunu), des échanges de services, des rapports de pouvoir, elle organise aussi sa vie en tant que « corps » et collectivité dont l’identité se fonde sur des traditions et des besoins. Cette vie communautaire s’exprime institutionnellement par les assemblées d’habitants. Celles qui illustrent une certaine autonomie de la communauté villageoise se réunissent le plus souvent dans le cadre de la paroisse, éventuellement dans celui de la communauté d’habitants, celles qui apparaissent comme des « assemblées dirigées », ont lieu dans le cadre de la seigneurie.
160La place publique, généralement à proximité de l’église, est le lieu par excellence des rassemblements des communautés paroissiales. Cependant, les communautés rurales du centre sud-est n’ayant guère laissé d’archives avant le milieu du XVIIIe siècle, ces assemblées sont surtout connues de manière indirecte. On sait que ce n’est pratiquement jamais l’ensemble des chefs de ménage de la communauté villageoise qui se réunit, mais « la plus saine partie et principaux habitants » ou les « laboureurs et propriétaires composant la majeure partie des habitants », soit, quand une estimation est possible, environ un tiers des chefs de ménage. La « majeure partie » signifie la part des habitants les plus aisés et les plus influents de la paroisse et non la majorité en nombre.
161Au temps de Louis XIV ces assemblées se réunissent le plus souvent pour désigner un responsable en charge des intérêts de la communauté (échevin, « consul » ou marguillier), ou quand se pose un problème à propos de la répartition des tailles [80].
162Ainsi, à Perreux, en novembre 1712, on procède à la désignation des marguilliers de la paroisse : « En la maison curiale à l’yssue des vespres par-devant nous Emmanuel de Monchanin advocat en parlement juge civil et criminel de la chastellenie dud. Perreux... sont comparus (suivent les noms du procureur fiscal, d’un notaire, du curé, du vicaire, d’un prêtre sociétaire, d’un avocat, de deux sacristains, d’un chirurgien, de deux maréchaux et de trois autres habitants)... faisant et représentant la plus grande et saine partie desd. habitants dud. lieu... les susnommés nomment dès à présent pour marillier François Chasselet et Claude Guyet vignerons dud. lieu ci présent » [81].
163À Vernay, paroisse située au sud de Roanne au bord de la Loire, le 17 décembre 1703, une assemblée met en demeure les consuls (ou collecteurs) de revoir le rôle de taille afin d’améliorer la répartition de cet impôt, notamment en faisant payer davantage les fermiers de domaine et de dîme [82].
164En réalité, les sujets traités par les assemblées villageoises sont divers, aussi bien dans le cadre de la paroisse que dans celui de la communauté d’habitants comme ce fut le cas dans la haute vallée du Lignon dans la montagne forézienne entre 1673 et 1707 : nomination de consuls pour la perception des tailles, discussions à propos de l’aménagement ou des réparations à effectuer dans un presbytère, demande d’exemption de taille à la suite de grêles qui ont détruit les récoltes [83], etc. Ce sont là des cas qui ont laissé des traces écrites ; cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu, par ailleurs, des réunions informelles. En tout cas, l’autonomie des assemblées d’habitants au temps de Louis XIV est relative, car beaucoup sont des assemblées dirigées : ce sont les « assises » contrôlées par le pouvoir seigneurial.
165On connaît assez bien ces assises grâce aux archives des justices seigneuriales. Ces rassemblements illustrent concrètement l’existence d’une « communauté seigneuriale » ; elles ont pour objet de régler les relations entre le seigneur et ses « sujets justiciables » en vue d’organiser et de contrôler la vie du groupe.
166Les assises seigneuriales ont lieu dans un espace public, le plus souvent sur la place près de l’église, mais parfois en dehors du village, comme à Génétines, dans les monts de la Madeleine, près de Saint-Just-en-Chevalet, où les assises de 1672 ont réuni 38 justiciables « sur le grand pré », en bordure de la paroisse [84]. En principe, ces rassemblements annuels ont lieu lors d’une fête religieuse, par exemple celle du saint patron de la paroisse. L’importance de ces assemblées varie suivant les seigneuries ; mais dans le centre sud-est, du moins au XVIIe siècle, elles occupent une place importante dans la vie de nombreuses communautés paysannes. À propos de la Bourgogne, Pierre de Saint-Jacob a pu écrire : « Les assises étaient les plus importantes des assemblées et symbolisaient plus que toute autre l’existence de la collectivité ». Quitte à le nuancer localement, ce jugement vaut largement pour le centre sud-est au XVIIe siècle [85].
167Le premier objectif des assises est de bien mettre en évidence l’appartenance des sujets justiciables à la seigneurie et de bien préciser, en même temps, les limites du territoire seigneurial ainsi que la localisation de la résidence des habitants. C’est l’occasion de faire reconnaître périodiquement le contrôle du seigneur sur l’espace et les hommes qui l’occupent. Comme l’explique le juriste La Poix de Fréminville : « Nous avons établi le droit qu’ont les seigneurs de faire tenir les Assises par leurs officiers pour leurs propres intérêts afin que l’on n’empiète pas sur leur justice et qu’on ne distraye point leurs justiciables dans les justices étrangères... et le procureur fiscal fait écrire sur le registre des greffes les noms et qualités de tous les justiciables chefs de famille... afin de reconnaître pour eux-mêmes la justice de laquelle ils dépendent » [86]. Ainsi, dans la seigneurie de Génétines-Ogerolles, lors des assises de 1672, les justiciables prêtent serment, promettent d’être fidèles sujets du roi et du seigneur et « reconnaissent être justiciables couchant et levant dans lad. juridiction » [87].
168La mobilisation des hommes est inséparable de l’attachement aux lieux qui constituent le support spatial à la fois du domicile particulier de chaque justiciable et de la justice seigneuriale. Ainsi, très souvent, les grangers non propriétaires dans la zone de la juridiction sont désignés non par leur patronyme, mais par le nom du domaine qu’ils exploitent. Aux assises de la seigneurie de Mars-Genouilly, près de Charlieu, réunies en 1674, le greffier utilise des formules comme : « pour la maison x, pour le domaine y » [88]. Ce souci de bien contrôler le territoire seigneurial explique les injonctions de ne pas modifier l’habitat et le parcellaire. À Saint-Bonnet-de-Cray, seigneurie appartenant au prieuré bénédictin de Charlieu, il est interdit « de démolir aucune maison ni feu sans le consentement du seigneur à peine de 150 livres d’amende » [89].
169Les assises sont, pour le seigneur, l’occasion de publier des ordonnances de police et des règlements destinés à régler la vie sociale à l’intérieur de l’espace seigneurial. Habituellement on trouve trois séries d’injonctions ou interdictions visant à une sorte de régulation sociale de la vie quotidienne des communautés paysannes.
170En premier lieu, est imposé aux communautés rurales le respect d’un ordre moral et religieux, préoccupation qui se renforce au cours du XVIIe siècle avec l’influence croissante de la Réforme catholique. Par exemple, lors des assises de Saint-Bonnet-de-Cray de 1655, est proclamée l’interdiction « de jurer et blasphémer le saint nom de Dieu à peine de 50 livres d’amende pour la première fois et avoir la langue percée pour la seconde », et aussi « de donner à boire, manger ou jouer au cabaret pendant le service divin à peine de 5 livres d’amende », ou encore « de ne souffrir qu’on prêche dans l’église aucune chose contre la foi par aucuns étrangers sous prétexte de dévotion ou autrement... à peine d’être poursuivis extraordinairement » [90]. Comme on le voit, l’ordre religieux doit s’imposer à l’encontre des blasphémateurs et des prédicateurs étrangers dont on doute de l’orthodoxie ; il vise aussi à promouvoir une pratique religieuse fervente en opposant la sociabilité des cérémonies religieuses à celle, concurrente, des cabarets.
171En second lieu, les seigneurs veulent réaffirmer leur pouvoir en matière administrative, judiciaire et d’ordre public. Aux assises de Mars-Genouilly de 1671, il est rappelé que les justiciables ne doivent reconnaître « d’autres officiers que le juge et le lieutenant du seigneur à peine de 50 livres d’amende ». Il leur est interdit, par ailleurs de posséder des armes sans l’autorisation du seigneur, de mettre en cause le monopole seigneurial de la chasse et de la pêche, « de faire des assemblées, royaumes, battre le tambour, de jouer des instruments sans permission » [91]. Ces dernières interdictions vont à l’encontre de la culture festive chère aux communautés paysannes.
172En troisième lieu, les règlements d’assises imposent un contrôle de la vie matérielle, en particulier de la vie économique à l’intérieur de l’espace seigneurial, qu’il s’agisse du contrôle des prix et des poids et mesures, de l’entretien des chemins, ou de la surveillance des bestiaux dont les errances incontrôlées peuvent provoquer des dégâts.
173Finalement, ce qui frappe dans les dispositions contenues dans les ordonnances et règlements d’assises, c’est la diversité des domaines que le pouvoir seigneurial veut contrôler pour réguler la vie des paysans, conformément à ses conceptions et à ses intérêts. Il va de soi que ces intentions peuvent provoquer des tensions avec les communautés paysannes, dont les intérêts et les désirs ne coïncident pas nécessairement avec ceux du seigneur.
174À côté des « assemblées d’habitants » qui correspondent à l’aspect institutionnel de la vie sociale, s’expriment, dans la vie quotidienne, des formes plus spontanées, mais en même temps plus ou moins ritualisées, de la vie collective : il s’agit des manifestations de la « sociabilité villageoise ».
1752. Brèves observations concernant la sociabilité villageoise. — Ces manifestations se déroulent également dans quelques lieux symboliques. La place publique n’est pas seulement le lieu des « assemblées organisées » et des foires périodiques, mais aussi celui des fêtes telles que les « fêtes balladoires » à l’occasion de la fête du saint patron de la paroisse. Cette culture festive qui mélange volontiers le sacré et le profane, est de plus en plus mal acceptée par les autorités qui veulent introduire dans les campagnes « la civilisation des mœurs » [92]. Cela n’empêche pas que l’église paroissiale, qui fait un peu figure de maison commune, soit aussi un lieu de sociabilité, surtout dans une région comme le centre sud-est où domine l’habitat semi-dispersé. Là s’exprime une sociabilité spirituelle qui réunit l’ensemble des paroissiens dans les cérémonies religieuses et entretient le sentiment d’appartenance à la communauté paroissiale. L’église est prolongée par le cimetière qui associe les morts aux vivants, manifestation de la pérennité de la communauté à travers les générations.
176Le cabaret est un lieu de sociabilité profane, rivale de la sociabilité spirituelle. C’est un lieu de rencontre privilégié où se conclut la plupart des affaires. La boisson prise en commun favorise le lien social, facilite les relations et permet un certain défoulement susceptible de désamorcer des tensions plus graves dans l’univers clos des villages où tous se connaissent et s’observent. Mais le rôle du cabaret reste ambigu car l’excès de boisson peut favoriser les violences qui d’une certaine manière font aussi partie de la sociabilité, du moins quand elles peuvent être canalisées.
177Si la sociabilité villageoise s’attache à certains lieux, elle se manifeste aussi à travers des groupes spécifiques qui assurent la transmission des rôles sociaux. Cette transmission se fait sans trop de heurts quand elle obéit à des règles que chacun intériorise plus ou moins : sociabilité des hommes chefs de famille qui contrôlent et gèrent la communauté villageoise, sociabilité des femmes autour du lavoir et de la fontaine ou dans l’organisation des veillées, sociabilité des jeunes gens célibataires qui se groupent dans des « abbayes de jeunesse » et compensent les frustrations liées au mariage tardif et à la séparation des sexes en organisant jeux et fêtes, en contrôlant le marché matrimonial, en se faisant les gardiens des traditions et en surveillant la morale villageoise [93].
178Les fêtes entrent naturellement dans le cadre de cette sociabilité villageoise : fêtes liturgiques, avec, éventuellement une procession, feux de la Saint-Jean, fêtes de la fin des moissons et des vendanges, etc.
179Ces diverses formes de sociabilité valorisent l’appartenance au groupe face aux éléments extérieurs ; elles contribuent à contrôler et à canaliser les tensions sous-jacentes ou potentielles de la communauté villageoise, elles procurent une compensation aux difficultés de la vie quotidienne. À la lumière de ces observations, on peut s’interroger sur quelques traits caractéristiques de la mentalité paysanne.
Quelques traits significatifs de la mentalité paysanne
180La défense des traditions socioculturelles, en particulier celle d’une culture festive qui va à l’encontre de l’austérité des mœurs souhaitée par les autorités politiques et religieuses, n’empêche pas que les campagnes du centre sud-est, à l’époque de Louis XIV, soient profondément imprégnées par la religion catholique. C’est là une caractéristique essentielle de la mentalité des communautés paysannes [94].
1811. L’imprégnation religieuse. — Les autorités s’attachent à entretenir la foi et la pratique religieuse qui fait partie de l’ordre sociopolitique. On l’a vu à propos des règlements seigneuriaux qui condamnent le blasphème et la fréquentation des cabarets pendant le service divin. Les curés, par le prône, le catéchisme, la sacralisation de l’espace (les croix aux carrefours, les processions, à commencer par les rogations), et plus généralement à travers la pratique obligatoire, entretiennent la ferveur religieuse et affirment leur autorité morale sur la communauté paroissiale.
182À cet égard, les visites pastorales restent, en dépit de certaines réserves, « les documents les plus capables de nous informer sur la pratique religieuse d’autrefois » (Jean Delumeau). Les visites du XVIIe siècle sont à la fois facteur et reflet du renouveau spirituel qui accompagne la Réforme catholique, y compris dans la paysannerie. Les procès-verbaux de la visite pastorale de l’archiprêtré de Charlieu [95] en 1705 par exemple, donnent l’image de fidèles bons pratiquants, voire pratiquants zélés.
183Le zèle de nombreux paroissiens se traduit par des formes de dévotion qui dépassent la pratique ordinaire ; il s’agit plus particulièrement des fondations pieuses et des confréries spirituelles.
184Comme on le sait, les fondations pieuses consistent « en des biens temporels donnés à toute personne morale, ecclésiastique, à charge de célébrer des messes avec les revenus annuels, à perpétuité ou pendant un long délai... ou d’accomplir certaines œuvres de piété et de charité » [96]. Les fondations, dans les 33 paroisses rurales visitées en 1705, consistent en des messes à diverses intentions, célébrées souvent dans des chapelles particulières, comme « contrepartie dévote » du versement annuel d’une certaine somme. Cette pratique touche la majorité de la population paysanne.
185Les confréries, forme de dévotion collective, correspondent au souci, pour un groupe social « de constituer une union spirituelle et charitable ayant pour but le soutien pendant la vie, le secours après la mort » [97]. Avec la Réforme catholique se multiplient les confréries pieuses, de pure spiritualité, organisées dans le cadre de la paroisse. Certes, les confréries sont surtout des phénomènes urbains. Pour autant, elles ne sont pas absentes du milieu paysan. Sur les 27 confréries relevées sur les procès-verbaux de la visite pastorale de 1705 dans l’archiprêtré de Charlieu, 14 sont réparties dans les quatre petites villes ou bourgs, 13 le sont dans des paroisses purement rurales. Parmi elles, on trouve 2 confréries du Saint-Sacrement, 1 du Saint-Esprit et 10 du Rosaire ; celles-ci sont incontestablement dominantes en relation avec l’essor du culte marial.
186Les formes de piété et de dévotion qui s’expriment dans les paroisses rurales font davantage appel à la sensibilité qu’à l’intelligence, aux sentiments qu’à la raison. On peut le constater par la place du culte de la Vierge et des saints intercesseurs, ainsi que par les « images » (statues et tableaux qui ornent les églises, bannières déployées lors des processions, etc.). Cette iconographie est utilisée par le clergé dans un but pédagogique pour capter l’attention des fidèles, nourrir leur imagination, pénétrer leur esprit et leur cœur. Si l’on se réfère toujours aux indications de la visite pastorale de 1705, on relève plus particulièrement les thèmes suivants dans les différentes représentations religieuses (par ordre décroissant) :
187— la Vierge (représentations de la nativité, de Vierges à l’enfant, de Vierges au Rosaire...) ;
188— les saints ;
189— la vie et la passion du Christ ;
190— la sainte famille.
191Les sujets dominants sont incontestablement liés au culte marial, à la nativité du Christ et à la vie des saints. Les saints qui sont le plus souvent représentés sont Antoine, Laurent, Claude, Jacques et Jean, saints populaires, qui ont souvent donné leur nom aux habitants de la région.
192Dans le même ordre d’idées, quand l’occasion se présente, les fidèles sont volontiers attirés par des formes de piété et de dévotion hors de la paroisse, surtout si le lieu de culte baigne dans une atmosphère de mystère et de miracle. C’est le cas par exemple à Ligny-en-Brionnais, où le curé se plaint de ce que les paroissiens « abandonnent leur paroisse les dimanches et fêtes, vont à la chapelle Saint-Amable, n’entendent ni prônes ni catéchisme par un mépris sans pareil » [98].
193Cette chapelle avait été fondée par le seigneur de l’Étoile et consacrée à saint Amable, saint d’Auvergne, province d’origine des Duclaux, seigneurs de l’Étoile au XVIIe siècle. Ce saint aurait guéri, vers 1680, l’héritier de la seigneurie atteint du « haut-mal », à la suite de quoi d’autres malades auraient été miraculeusement guéris [99]. Cette attirance pour un lieu de culte issu d’une fondation liée à un « miracle » exprime un sentiment religieux fortement marqué par l’affectivité et la sentimentalité. Les manifestations religieuses dans un tel lieu sont susceptibles d’émouvoir les fidèles davantage que le culte paroissial traditionnel, ressenti peut-être comme plus convenu et plus routinier.
194Reste évidemment, à propos du sentiment religieux des paysans, tout comme de celui des autres catégories sociales d’ailleurs, une interrogation essentielle, celle des rapports entre les apparences et la réalité. Il y a les manifestations extérieures de piété, relatées par les sources ; il y a les sentiments intimes des personnes. Dans les comportements religieux visibles, quelle est d’un côté la part du conformisme social, de la soumission à des règles et à des autorités, et d’un autre côté la part des convictions profondes et de l’adhésion à une foi authentique ? La réponse n’est pas possible ; il faudrait pouvoir sonder les reins et les cœurs. Il n’en demeure pas moins que, dans l’ensemble, une réelle ferveur religieuse existe dans la paysannerie du centre sud-est au XVIIe siècle [100], ce qui n’exclut nullement la persistance en même temps de manifestations de violence.
1952. Des prédispositions à la violence. — Il s’agit là d’un autre trait significatif de la mentalité paysanne au temps de Louis XIV. « En parcourant les sources qui nous sont parvenues, on ne peut manquer de remarquer une quotidienneté de la violence dans les rapports sociaux » (Yves-Marie Bercé) ; cela ne veut pas dire que la vie des communautés paysannes se passe dans des affrontements permanents.
196On n’insistera pas sur les cas de violences individuelles qui se manifestent par des actes de délinquance ou de criminalité de la part d’individus ou de très petits groupes. À cet égard, on se limitera à un seul exemple dans la mesure où il éclaire assez bien les conditions dans lesquelles s’exerce la violence physique en milieu paysan. Il s’agit de l’affaire Benoît Laval qui eut lieu en 1666 dans la paroisse de Montceau l’Étoile. Un certain Benoît Laval et son fils Jehan pêchaient dans la rivière l’Arconce lorsqu’ils furent agressés, sans raisons apparentes, par un groupe de quatre personnes qui se rendaient à la procession du lundi de Pâques après avoir passé un bon moment au cabaret. Selon un témoignage présenté devant la justice seigneuriale, les agresseurs « accoururent armés d’une épée et d’une serpette et se ruant sur eux en frappa ledict Jehan Laval de ladite épée qui s’enfuist et donnant plusieurs coups de ladite serpette et espée dans le coup, sur la teste par bras et jambes led. Benoit lequel estant renversé par terre le jetent dans ladite rivière » [101].
197Ce fait divers tragique (Benoît Laval y laisse la vie), est révélateur de plusieurs éléments ; on peut relever :
198— le rôle ambigu du cabaret lieu de sociabilité, mais aussi lieu qui, par la consommation excessive d’alcool, risque de mettre les buveurs en condition d’extérioriser brutalement une agressivité diffuse ;
199— une prédisposition à privilégier la violence physique, des réactions brutales, passionnelles, de sorte que les conflits se traduisent par des affrontements directs avant que les parties échangent des arguments devant l’institution judiciaire ; c’est l’expression d’une mentalité où « le geste prime le discours » (Robert Mandrou) ;
200— une attitude qui va de pair avec un réel sentiment religieux (au moment de l’agression les meurtriers se rendaient à une procession) ; il n’y a donc pas, dans l’esprit des protagonistes, contradiction entre le pacifisme évangélique, promu, en principe, par la religion catholique et les manifestations de violence.
201Plus significatives, sans doute, dans une étude sur les communautés paysannes, sont les violences qui impliquent l’ensemble, ou au moins une grande partie, voire la majorité du groupe. Ces violences collectives se manifestent plus particulièrement en trois occasions.
202Premier cas : quand la communauté réagit contre un individu qui ne respecte pas les règles, généralement non écrites, mais défendues par la communauté au nom de ses traditions culturelles. C’est ainsi qu’on peut interpréter les charivaris [102] à l’encontre de ceux qui transgressent les règles tacites du marché matrimonial considéré comme un facteur d’équilibre socioculturel de la communauté. Cet équilibre est mis en cause notamment à l’occasion de mariages mal assortis. Les sources manquent pour le XVIIe siècle, mais on connaît plusieurs exemples pour le XVIIIe siècle dans la région : des charivaris ont été relevés, notamment à Vendranges, sur le seuil de Neulise [103], et à Belmont en Haut-Beaujolais [104] où des violences ont été exercées à l’encontre d’un veuf âgé qui voulait épouser une jeune fille. Dans l’organisation de ces « chahuts » plus ou moins violents, on retrouve le rôle des « grands garçons », c’est-à-dire des jeunes adultes célibataires directement frustrés par la perturbation du marché matrimonial.
203Deuxième cas : quand la communauté paysanne réagit violemment contre des personnes ou des groupes extérieurs dont l’attitude est interprétée comme une agression susceptible de mettre en cause l’honneur du groupe. C’est souvent au nom de l’ « honneur » de la communauté qu’éclatent des rixes entre jeunes gens de paroisses voisines, particulièrement à l’occasion des « fêtes balladoires ». Par exemple, le 25 juin 1683, lors de la fête patronale de Saint-Rirand dans les monts de la Madeleine, une troupe de 40 personnes de la paroisse de Saint-Bonnet-des-Quarts, « avec tambours et fifres et quelques armes » agresse les garçons de la paroisse voisine d’Ambierle « au lieu où l’on dansait » [105]. C’est bien l’honneur du groupe qui est en cause en l’occurrence, avec, à l’arrière-plan, une probable rivalité entre jeunes gens pour la conquête des jeunes filles à marier (puisque l’affrontement a lieu sur la place de danse).
204Troisième cas : quand la communauté paysanne réagit contre des institutions, éventuellement des personnes, extérieures qui mettent en cause l’autonomie et les ressources matérielles du groupe. Au XVIIe siècle, c’est le renforcement de l’emprise de l’État monarchique et de sa fiscalité qui suscite des oppositions violentes [106]. Ce fut notamment le cas lors de la grave crise contemporaine de la Fronde qui a touché de nombreuses paroisses du Roannais entre 1648 et 1652. Cette crise a revêtu une triple dimension : économique (forte hausse des prix des grains à la suite de mauvaises récoltes), démographique (une des plus fortes mortalités du siècle), et sociale avec des révoltes paysannes [107].
205C’est ainsi qu’au printemps de l’année 1649, une bonne partie du Forez et une dizaine de paroisses du Roannais sont entrées en rébellion. L’objectif de ces révoltes est de protester contre l’augmentation considérable des tailles et plus généralement de refuser l’alourdissement de l’emprise étatique incarnée par les sergents et huissiers envoyés par les officiers de l’élection de Roanne pour faire payer les récalcitrants. À Saint-Maurice-sur-Loire, les représentants de l’administration fiscale sont molestés par « une troupe de femmes, filles, servantes, garçons en grand nombre qui crient tue, tue ces voleurs c’est trop endurer d’eux ». Dans les monts de la Madeleine, les agents du fisc tombent dans une embuscade « montée par une quinzaine d’hommes armés de longues arquebuses et fusils ». À Naulieu, près de Saint-Germain-Laval, l’huissier et ses compagnons sont terrassés par un groupe de femmes. La plupart des notables et des seigneurs soutiennent les émeutiers. À Belleroche, en Haut-Beaujolais, c’est le seigneur local qui, au témoignage du commis en la recette des tailles, est le meneur de la sédition. Ainsi se manifeste une solidarité de la communauté paroissiale, au nom du voisinage, de la défense d’un espace local et d’une certaine autonomie face à ce qui est ressenti comme une agression extérieure [108].
206Les émeutes frumentaires peuvent aussi, d’une certaine façon, être interprétées comme une réaction à une agression. Ces émeutes paysannes résultent d’un contexte de misère amplifié par une crise de subsistance [109]. Cependant, les violences, en l’occurrence, s’expliquent moins par la famine elle-même que par un sentiment d’injustice et l’impression d’être agressé par les nantis épargnés par la crise. Ainsi, lors de la fameuse crise dite du « grand hiver » en 1709-1710, les violences se traduisent par le pillage de greniers de notables accusés d’accaparement ou par des attaques de convoi. À Arfeuilles, paroisse située aux limites du Roannais et du Bourbonnais, « un groupe d’hommes armés de faux, de longs bois de pierres et de fusils » s’est livré au pillage d’un grenier en s’emparant de 80 mesures de blé que le propriétaire voulait vendre à l’extérieur [110]. En avril 1709, une troupe de marchands qui transportait du blé acheté dans des paroisses près de la Pacaudière pour aller le vendre dans la ville de Charlieu, est attaquée entre Changy et La-Benisson-Dieu par une quarantaine de paysans « armés et masqués ». Les agresseurs veulent s’opposer au transport de blé hors de la zone de production [111]. Les violences s’exercent contre des personnes qui veulent faire des profits dans une ville où résident des acheteurs solvables aux dépens des communautés rurales locales qui souffrent de la famine, ce qui est ressenti comme une provocation.
207Le point commun de ces violences collectives est de révéler, d’une manière paroxystique, une réalité sociale profonde, à savoir les conditions de vie difficiles de la majorité des membres des communautés paysannes au temps de Louis XIV. Sauf quelques « coqs de villages », « bons laboureurs » et grangers de gros domaines, les communautés paysannes sont pauvres, disposant de relativement peu de terres « en propre », de peu d’argent liquide. Elles sont soumises au pouvoir des seigneurs, aux prélèvements des décimateurs et, souvent, d’autres « possédants » propriétaires et hommes d’argent ; elles sont victimes de l’accroissement de la pression fiscale (taille, impôts indirects...) exercée par une « monarchie militaire » qui tire l’essentiel de ses ressources du travail paysan ; elles subissent de plein fouet les aléas de la conjoncture.
208Le caractère souvent brutal, incontrôlé des violences paysannes qui dégénèrent vite en affrontements physiques, n’est pas sans relation avec le caractère parfois exalté, fortement affectif du sentiment religieux. C’est là l’expression d’une « mentalité baroque » qui a du mal à intégrer la maîtrise de soi, l’intériorisation de la contrainte, la discipline sociopolitique et socioreligieuse conformes à l’idéal de l’ « homme classique ».
209Cette étude des communautés paysannes du centre sud-est de la France au temps de Louis XIV ne prétend pas à l’exhaustivité. Beaucoup d’aspects de la vie quotidienne des paysans n’ont pas été abordés. D’autre part, il s’agit d’une étude régionale, donc limitée, qui ne saurait témoigner pour l’ensemble de la paysannerie française, incontestablement diverse à l’échelle du royaume [112].
210Il reste que si on veut porter un jugement sur la situation des communautés paysannes du centre sud-est, on doit admettre que la situation de ce groupe social est plutôt difficile durant le règne du « grand roi », d’autant plus que la conjoncture est souvent mauvaise (crises de « la Fronde », déflation des années 1670-1690, famines et épidémies de la fin du règne). Les paysans qui jouissent d’une relative indépendance économique sont une minorité et les communautés rurales sont composées davantage de manouvriers, journaliers et autres « paysans parcellaires » que de laboureurs aisés ou de grangers de gros domaines. Contrairement à ce qui se passe dans d’autres régions, dans le Bassin parisien par exemple, on ne trouve guère de très gros exploitants, de ces « entrepreneurs de culture » engagés dans un vrai « capitalisme agraire » dès le XVIIe siècle [113]. Dans le centre sud-est la catégorie sociale qui domine les campagnes est, à côté des seigneurs, celle des « fermiers généraux », marchands et hommes de loi qui prennent à ferme les revenus de seigneuries, de gros décimateurs ou d’ensembles fonciers, ou alors celle des notables des petites villes voisines, donc des personnages ou des institutions en marge et au-dessus du milieu paysan.
211Si la région étudiée témoigne surtout pour elle-même, elle est aussi, à certains égards, exemplaire et représentative de la « France moyenne », celle de la petite et moyenne culture, d’une certaine diversification dans l’organisation de son économie et d’une certaine complexité dans ses structures et ses relations sociales [114]*.
212* Les cartes qui illustrent le texte ont été réalisées par Carole Bessenay, cartographe du département d’Histoire-Géographie de l’Université de Saint-Étienne.
Notes
-
[1]
Le Roannais, une région, un pays ?, ouvrage collectif, Saint-Étienne, Centre d’études foréziennes, 1993.
-
[2]
Jean Jacquart, « Immobilisme et catastrophes », dans Histoire de la France rurale, dir. Georges Duby et Armand Wallon, t. 2, Paris, 1975, rééd., Le Seuil, 1992, p. 204-210.
-
[3]
La terre et les paysans. Productions et exploitations agricoles aux XVIIe et XVIIIe siècles en France et en Angleterre, Actes du Colloque d’Aix-en-Provence, 1998, Paris, Presses de l’Université de Paris-Sorbonne, 1999.
-
[4]
Pour plus de détails sur la région, cf. Serge Dontenwill, Du terroir au pays et à la région. Les espaces sociaux en Roannais à l’époque préindustrielle (milieu du XVIIe siècle - fin du XVIIIe siècle) essai d’histoire géographique, Publication de l’Université de Saint-Étienne, 1997.
-
[5]
Cf. par exemple la mise au point de Jean-Pierre Poussou dans La terre et les paysans en France et en Grande-Bretagne aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, SEDES, 1999, p. 491 sq.
-
[6]
Jean Jacquart définit la communauté d’habitants à la fois « en tant que groupe humain, solidarité fondamentale, lieu de sociabilité », et en tant que « institution, avec ses fonctions, ses organes, ses moyens d’action et les difficultés auxquelles elle est confrontée ». Cf. J. Jacquart, « Réflexions sur la communauté d’habitants », dans Bulletin du Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976, p. 1-25.
-
[7]
Définition donnée dans le libellé d’un questionnaire pour une enquête à la fin du XVIIIe siècle, mais valable pour le règne de Louis XIV.
-
[8]
Pour la partie du centre sud-est dépendant de la Bourgogne (généralité de Dijon), on dispose d’un certain nombre de rôles de taille pour le règne de Louis XIV généralement bien tenus (Arch. départ. Côte-d’Or, C7420 à C7475).
En ce qui concerne la généralité de Lyon, les rôles qui ont été conservés sont ceux des communautés du Haut-Beaujolais ; ils sont peu utilisables, car l’état social des chefs de feu est rarement indiqué. -
[9]
Pierre Goubert, L’Ancien Régime, t. 1 : La société, Paris, A. Colin, 1969, p. 85 ; Jean-Pierre Gutton, Villages du Lyonnais sous la monarchie, Lyon, Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1978, p. 65 sq.
-
[10]
Arch. départ. Côte-d’Or, C4843, C4844, C4845.
-
[11]
Pierre Goubert, ouvr. cité, L’Ancien Régime..., p. 81.
-
[12]
Cf. Jean Gallet, Seigneurs et paysans en France, 1600-1793, 1999, Éd. Ouest-France, p. 127 sq.
-
[13]
Par exemple sur les rôles de Laurent Pianello, trésorier de France à Lyon établis en 1680 (document publié dans le Bulletin de la société La Diana, t. XXII, 1925).
-
[14]
Enquête de l’intendant de Lyon Lambert d’Herbigny, 1698, Arch. départ. du Rhône, 1C5.
-
[15]
Enquête de l’intendant de Bourgogne Bouchu sur les dettes des communautés, 1666, Arch. départ. de la Côte-d’Or, C2884.
-
[16]
Ibid.
-
[17]
Arch. départ. de la Côte-d’Or, C4843 (PV de la visite de feux effectuée en 1654 par les états de Bourgogne).
-
[18]
Toujours d’après l’enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[19]
Ibid.
-
[20]
Enquête Bouchu, 1666, Arch. départ. Côte-d’Or, C2889.
-
[21]
Enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[22]
Archives de la médiathèque de Roanne, duché de Roannais, E133.
-
[23]
Jean Gallet, « La seigneurie bretonne du XVe siècle à la fin du XVIIe siècle, présentation de la thèse dans L’information historique, 1981, p. 63-77.
-
[24]
Louis Merle, La métairie et l’évolution agraire de la Gâtine poitevine de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Paris, SEVPEN, 1958 ; Annie Antoine, Fiefs et villages du Bas-Maine au XVIIIe siècle. Étude de la seigneurie et de la vie rurale, Mayenne, Éd. de l’Ouest, 1994.
-
[25]
Plusieurs exemples dans Serge Dontenwill, Une seigneurie sous l’Ancien Régime. L’Étoile en Brionnais du XVIe au XVIIIe siècle, Roanne, Hovath, 1973, p. 43 sq.
-
[26]
Visite de feux de 1690, Arch. départ. Côte-d’Or, C4845.
-
[27]
Enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[28]
Serge Dontenwill, « Cours au XVIIIe siècle, la communauté rurale et la seigneurie », dans Cours-la-Ville et sa région, Lyon, Union des sociétés historiques du Rhône, 2004, p. 91-110.
-
[29]
Jean Tricart (dir.), Le village des Limousins. Étude sur l’habitat et la société rurale du Moyen Âge à nos jours, Limoges, PU, 2003.
-
[30]
Enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C5.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
Cf. Annie Antoine, ouvr. cité, Fiefs et villages...
-
[33]
Cf. Jacques Dupâquier, La population française aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, PUF, 1993, p. 10.
-
[34]
Les chiffres proviennent des rôles de Laurent Pianello de 1680 pour les paroisses dépendant de la généralité de Lyon, des visites de feux de 1690, accessoirement de l’enquête Bouchu de 1666 pour les paroisses bourguignonnes.
-
[35]
On connaît la distinction entre ménage et famille ; alors que celle-ci groupe les personnes qui ont entre elles des liens de parenté, celui-là est constitué des personnes qui vivent sous le même toit, au même « foyer ». Cf. André Armengaud, La famille et l’enfant en France et en Angleterre du XVIe au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1975, p. 11-12.
-
[36]
Cf. François Lebrun, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris, A. Colin, 1975, p. 23-28. Par exemple, dans les paroisses de la plaine de Roanne, comme Mably ou Riorges, plus des trois quarts des nouveaux époux au début du XVIIIe siècle sont originaires de la paroisse ou des paroisses immédiatement limitrophes ; encore s’agit-il de paroisses de plaine où existe une certaine mobilité démographique.
-
[37]
Arch. de Me Chazottier, notaire à Roanne et Changy, minutes Préfol, notaire à Saint-Haon, acte du 15 décembre 1707.
-
[38]
Ibid., minutes Duverger, notaire à Changy, acte du 22 octobre 1707.
-
[39]
Ibid., minutes Petit notaire à Monteguët, mariage-association, acte du 28 novembre 1707.
-
[40]
Arch. Chazottier, minutes Duverger, notaire à Changy, acte du 28 mars 1707.
-
[41]
Par exemple, le rôle de taille de Vindecy en Bas-Brionnais comporte 68 contribuables dont 38 ménages de chefs d’exploitation (laboureurs ou grangers) ; parmi eux, 10 sont qualifiés de « consorties » (Arch. départ. Côte-d’Or, C7474, rôle de 1683).
-
[42]
Denis Luya, « Structures familiales et pratiques communautaires dans la Côte roannaise au XVIIIe siècle », dans Bulletin du Centre d’histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1976, p. 37-68.
-
[43]
D’après la visite de feux de 1690, Arch. départ. Côte-d’Or, C4845.
-
[44]
Pierre Durix, Les structures sociales dans le Brionnais oriental aux XVIIe et XVIIIe siècles, thèse inédite, Université de Dijon, 1983, 2 vol., t. 1, p. 213-215.
-
[45]
Arch. départ. Côte-d’Or, C4720 à C4775.
-
[46]
Toujours d’après les réponses à l’enquête d’Herbigny, Arch. départ. Rhône, 1C4 et 1C5.
-
[47]
Les six paroisses concernées sont : Anzy-le-Duc, Arch. départ. Côte-d’Or, C7422 ; Baugy, id., C7424 ; Briant, id., C7426 ; Saint-Christophe-en-Brionnais, id., C7454 ; Saint-Yan, id., C7465 ; Vindecy, id., C7474.
-
[48]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 2.
-
[49]
Id., fonds Vichy, carton 40, liasse 3.
-
[50]
Vauban, Projet d’une Dixme Royale, 1707, cité par Pierre Goubert, ouvr. cité, L’Ancien Régime..., p. 113.
-
[51]
D’après le terrier de la seigneurie de 1660, arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 33.
-
[52]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 4, pièce 47.
-
[53]
Id., pièce 55. « À la limite le granger peut être un pur locataire, il n’est pas dans ce cas le moins riche » (Pierre Léon).
-
[54]
François Tomas, « Géographie sociale du Forez à la fin de l’Ancien Régime », dans Bulletin de la société La Diana (Montbrison), 1965.
-
[55]
Serge Dontenwill, « Les vignerons du Roannais-Brionnais au dernier siècle de l’Ancien Régime », dans Clio dans les vignes, Mélanges offerts à Gilbert Garrier, Centre Pierre-Léon, Lyon, PUL, 1998, p. 45-64.
-
[56]
Pierre Goubert, ouvr. cité, L’Ancien Régime..., p. 100.
-
[57]
François Quesnay, Analyse de la formule arithmétique du tableau économique, 1766, cité par Pierre Goubert, L’Ancien Régime, t. 1, p. 134.
-
[58]
Arch. départ. Loire, enregistrement, 5048 et 10739 ; Arch. départ. Saône-et-Loire, C4085.
-
[59]
Arch. départ. Loire, 5E523 et 524 et Archives de Me Chazottier, minutes Duverger.
-
[60]
Arch. Me Chazottier, minutes Duverger, acte du 10 mars 1696.
-
[61]
Toujours arch. Me Chazottier.
-
[62]
Serge Dontenwill, « Un type social dans les campagnes brionnaises au XVIIe siècle : le procureur fiscal, fermier de seigneurie et crédirentier », dans Bulletin du Centre économique et social de la région lyonnaise (Centre Pierre-Léon), 1974, no 4, p. 1-41.
-
[63]
Arch. départ. Côte-d’Or, C2884.
-
[64]
Arch. départ. Rhône, C745.
-
[65]
Nombreux exemples, dans la seigneurie de l’Étoile en Brionnais au cours du XVIIe siècle (cf. arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 39).
-
[66]
Plainte du procureur fiscal de Charlieu, 1707, Arch. départ. Loire, B1354.
-
[67]
Arch. de la société La Diana, fonds Aubépin, pièce 1684.
-
[68]
Arch. départ. Loire, E supplément, Épercieux, cité par J. Philippe, Communautés d’habitants en Forez, mémoire de maîtrise, Lyon 2, 1975.
-
[69]
Arch. Diana, fonds Aubépin, pièce 1585.
-
[70]
Richard Cantillon, Essai sur la nature du commerce en général, 1755, Paris, Éd. INEd, 1952, p. 4.
-
[71]
Cf. par exemple l’Histoire de la France rurale, ouvr. cité, ou la synthèse de Benoît Garnot, Les campagnes françaises, XVIe, XVIIe, XVIIIe siècles, Paris-Gap, Ophrys, 1998.
-
[72]
Arch. départ. Saône-et-Loire, C376, pièce 16.
-
[73]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 4, pièce 55.
-
[74]
Id., pièce 47.
-
[75]
D’après le terrier de la seigneurie de 1633 (arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 40, liasse 3, pièce 74 bis), et d’après l’aveu et dénombrement de 1638 (Arch. Côte-d’Or, B10734.
-
[76]
Arch. de Me Chazottier, minutes Duvreger, notaire à Changy.
-
[77]
Enquête d’Herbigny, Arch. Rhône, 1C4.
-
[78]
Id., 1C5.
-
[79]
Bien que le centre sud-est ne soit pas une région où existent de fortes contraintes collectives, la vaine pâture existe comme l’attestent les « asservissages » consentis par le seigneur de l’Étoile au début du XVIIe siècle (cf. l’inventaire des pièces de la seigneurie, arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 39).
-
[80]
Jean-Pierre Gutton, La sociabitité villageoise dans la France d’Ancien Régime, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 1998, p. 69 sq.
-
[81]
Arch. départ. Loire, B1075.
-
[82]
Id., 5E523.
-
[83]
Stéphane Prajolas, « Les assemblées communautaires de la Haute vallée des Lignon au dernier siècle de l’Ancien Régime », dans Bulletin de la Diana, t. LXV, no 2, 2006, p. 103-122.
-
[84]
Arch. Diana, fonds Génétines, pièce 674.
-
[85]
Pierre de Saint-Jacob, Les paysans de la Bourgogne du Nord au dernier siècle de l’Ancien Régime, Paris, 1960, rééd. Association d’Histoire des sociétés rurales, Rennes-Dijon, 1995, p. 88.
-
[86]
La Poix de Fréminville, Dictionnaire ou traité de police générale, 1778, p. 18 et 193 sq.
-
[87]
Arch. Diana, fonds Génétines, pièce 674.
-
[88]
Arch. départ. Loire, B1524.
-
[89]
Id., B1571 (assises de 1655).
-
[90]
Id.
-
[91]
Arch. départ. Loire, B1524.
-
[92]
Cf. Robert Muchembled, Société, culture et mentalités dans la France moderne, XVIe-XVIIIe siècle, Paris, A. Colin, 1994, p. 154 sq.
-
[93]
Jean-Pierre Gutton, ouvr. cité, La Communauté villageoise..., p. 231 sq.
-
[94]
Gabriel Audisio, Les Français d’hier. Des croyants. XVe-XIXe siècle, Paris, A. Colin, 1991.
-
[95]
Arch. départ. Saône-et-Loire, G77.
-
[96]
Dictionnaire de droit canonique, dir. R. Naz, Paris, 1953, vol. 5, p. 862.
-
[97]
Dictionnaire de spiritualité, dir. Ch. Baumgartner, Paris, 1953, t. 2, p. 1470 sq.
-
[98]
Toujours d’après le PV de la visite pastorale de 1705, Arch. départ. Saône-et-Loire, G77.
-
[99]
Serge Dontenwill, ouvr. cité, Une seigneurie..., p. 114-116.
-
[100]
Lors de ses visites pastorales, l’archevêque de Lyon juge le Forez comme un « bon pays » (sur le plan religieux) contrairement au Beaujolais viticole. Cf. Marie-Louise Rostagnat-Latreille, « Les visites pastorales de Mgr Camille de Neuville dans le diocèse de Lyon au XVIIe siècle », dans Cahiers d’histoire, 1960, p. 251-275.
-
[101]
Arch. médiathèque de Roanne, fonds Vichy, carton 32, liasse 3.
-
[102]
« Le charivari est un bruit confus fait par des gens de bas étage avec des poêles, bassins, chaudrons et autres meubles propres à faire du bruit, avec des huées et des cris, pour faire injure à quelqu’un qui se marie et épouse une personne de grande disproportion d’âge... » (d’après Le Dictionnaire de La Poix de Fréminville, cité par Cabourdin et Viard, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, A. Colin, 1978, p. 59.
-
[103]
Arch. départ. Loire, B850.
-
[104]
Id., B842.
-
[105]
Id., B781.
-
[106]
« Ces révoltes paysannes manifestent à des titres divers, le refus des innovations fiscales qui marquent les progrès étatiques à cette époque » (Yves-Marie Bercé, Croquants et nu-pieds. Les soulèvements paysans en France du XVIe au XIXe siècle, Paris, Gallimard-Julliard, coll. « Archives », 1974, p. 13).
-
[107]
Serge Dontenwill, « Crise économique, crise démographique et crise sociale au milieu du XVIIe siècle : l’exemple du Roannais », dans Bulletin du Centre d’études foréziennes, no 5 (Université de Saint-Étienne), 1972, p. 167-195.
-
[108]
Arch. départ. Rhône, C745.
-
[109]
Cf. Marcel Lachiver, Les années de misère. La famine au temps du grand roi (1680-1720), Paris, Fayard, 1991.
-
[110]
Arch. départ. Loire, B785.
-
[111]
Id., B795.
-
[112]
Cf. Pierre Goubert, « Sociétés rurales françaises au XVIIIe siècle. Vingt paysanneries contrastées, quelques problèmes », dans Conjoncture économique, structures sociales. Hommage à Ernest Labrousse, Paris - La Haye, Mouton, 1974, p. 375-387.
-
[113]
Jean-Marc Moriceau, Les fermiers de l’Île-de-France. L’ascension d’un patronat agricole, XVe-XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1994.
-
[114]
Cf., ouvr. cité, La terre et les paysans..., Colloque d’Aix-en-Provence, 1998, particulièrement p. 153-194.