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Article de revue

La théorie du droit de Georges Gurvitch et ses origines philosophiques russes

Pages 503 à 512

Notes

  • [1]
    Georges Gurvitch, « Mon itinéraire intellectuel ou l’exclu de la horde », in Georges Balandier, Georges Gurvitch, sa vie, son œuvre, Paris : PUF, 1972, p. 60.
  • [2]
    Georges Balandier, Georges Gurvitch, sa vie, son œuvre, op. cit., p. 49.
  • [3]
    Jean Carbonnier, « Gurvitch et les juristes », Droit et Société, 4, 1986, p. 347-351.
  • [4]
    Cet article se limite à la question de la réception de Gurvitch par la communauté juridique française, sans aborder les raisons de son succès ou de ses mésaventures dans d’autres pays européens et aux États-Unis, ni dans les autres sciences sociales telle la sociologie. Cf. : Jean-Christophe Marcel, « Georges Gurvitch : les raisons d’un succès », Cahiers internationaux de sociologie, 110, 2001, p. 97-119.
  • [5]
    Ce n’était pas seulement la réaction des positivistes français mais aussi des juristes d’orientation idéaliste ou thomiste (par exemple, Louis Le Fur qui initialement supportait Gurvitch, dirigeant sa thèse, mais ensuite s’est distingué de lui et de sa théorie).
  • [6]
    Georges Gurvitch, L’idée du droit social, Paris : Recueil Sirey, 1932 ; Id., Le temps présent et l’idée du droit social, Paris : J. Vrin, 1932 ; Id., L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, Paris : Pedone, 1935.
  • [7]
    Gurvitch est arrivé en France en 1925 pour un voyage de recherche en tant que chargé de cours à l’Institut russe à Prague, s’y est installé finalement en 1927 à l’Institut des études slaves à la Sorbonne, avant d’être naturalisé français en 1929.
  • [8]
    Georges Gurvitch, « Mon itinéraire intellectuel ou l’exclu de la horde », op. cit., p. 57.
  • [9]
    Mikhail Antonov, « Les influences russes sur la formation intellectuelle de G. Gurvitch : l’exemple de ses premiers ouvrages », Anamnèse, 1, 2005, p. 23-31.
  • [10]
    Mikhail Antonov et Étienne Berthold, « Sources russes de la pensée de Georges Gurvitch : écrits de jeunesse dans les annales contemporaines (1924-1931) », Cahiers internationaux de sociologie, 121, 2006, p. 197-226.
  • [11]
    Cecil Rol et Mikhail Antonov, « Rapport éditorial », in Georges Gurvitch, Écrits russes, écrits de jeunesse (textes trad. et éd. par Cécile Rol et Mikhail Antonov), Paris : L’Harmattan, 2006, p. 207-240.
  • [12]
    Qui désigne les deux premières décennies du xxe siècle en Russie. Cf. Jean-Claude Lanne (dir.), L’Âge d’argent dans la culture russe, Lyon : Université Jean Moulin, Centre d’études slaves, 2007.
  • [13]
    Ainsi, caractérisant le livre de 1935, Raymond Aron mettait en doute les références phénoménologiques de Gurvitch et suggérait qu’au fond sa théorie avait peu à voir avec la vraie philosophie phénoménologique. Cf. Raymond Aron, « Georges Gurvitch. L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit », Zeitschrift für Sozialforschung, 5, 1936, p. 119.
  • [14]
    Sauf à propos de Léon Petrazycki et de sa conception émotiviste du droit.
  • [15]
    La collection des poèmes qu’il a publiée en 1911 porte un titre caractéristique : « Les étincelles du moment » (Varsovie, 1911) [en russe] ; les éléments de son dossier maçonnique sont aussi éloquents pour comprendre les croyances eschatologiques de Gurvitch avant la révolution. Dans un article publié en 1918, il se montre comme un bolchevique convaincu et semble partager tous les idéaux de la révolution (Georges Gurvitch, « Tout le pouvoir aux soviets ! », Le recueil des articles sur la révolution prolétarienne et le droit [Sbornik statei po proletarskoi revolutsii i pravu], 1-4, 1918, Petrograd, p. 1-21 [en russe]).
  • [16]
    Ainsi, le philosophe russe Frank énumère les principes suivants : l’antirationalisme ; l’appui sur l’expérience en tant qu’une appropriation émotionnelle de l’objet ; l’anti-individualisme qui prône la quête collective du Pravda (le mot russe pour la synthèse de la vérité et de la justice) ; Semen Frank, Le sens de la vie [1926], Bruxelles : Zhizn’ s Bogom, 1971, p. 6-28 [en russe]. Cf. aussi Boris Jakovenko, L’histoire de la philosophie russe [1938], Moscou : Respublika, 1999, p. 314 [en russe].
  • [17]
    Nikolai Lossky, L’histoire de la philosophie russe [1951], Moscou : Vyshaja shkola, 1991, p. 513-514 [en russe].
  • [18]
    Georges Gurvitch, Le temps présent et l’idée du droit social, op. cit., p. 24 et suiv. ; Id., L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, op. cit, p. 96 et suiv.
  • [19]
    Id., « Une philosophie intuitionniste du droit : Léon Pétrasycki », Archives de philosophie du droit et de sociologie juridique, 3-4, 1931, p. 403-420.
  • [20]
    Dans l’œuvre de Gurvitch, cf. particulièrement son article en russe : « Éthique et religion », Annales contemporaines [Sovremennye zapiski], 19, 1926, p. 259-283 (où il développe les idéaux de l’auto-théurgie), ainsi que son Dialectique et sociologie (Paris : Flammarion, 1962) en français.
  • [21]
    Georges Gurvitch, Rousseau et la déclaration des droits, Petrograd : Izdatelstvo Volfa, 1918, p. 97 et suiv. [en russe].
  • [22]
    Roger Bastide, « La sociologie de Georges Gurvitch », Bastidiana, 35-36, 2001, p. 69.
  • [23]
    Ibid., p. 70.
  • [24]
    Georges Gurvitch, « Le discours » dans : « L’intuitivisme russe et le réalisme anglo-saxon. Discussion sur la conception de Nikolaï Lossky », Bulletin de la Société française de Philosophie, séance du 9 juin 1928, p. 171.
  • [25]
    Sergei Hessen, « Recension de : Georg Gurwitsch, Fichtes System der konkreter Ethik, 1924, B. Mohr », Annales contemporaines, 24, 1925, p. 459 [en russe]. Originellement, cet ouvrage de Gurvitch était le mémoire de recherche qu’il a soutenu en 1925 à Berlin comme une dissertation auprès de l’Union académique russe de Berlin.
  • [26]
    Sergei Hessen, « L’idée du droit social », Annales contemporaines [Sovremennye zapiski], 49, 1932, p. 423 [en russe]. Cette qualité a été justement soulignée par d’autres amis. Cf. Roger Bastide, « La sociologie de Georges Gurvitch », art. cité, p. 93-94.
  • [27]
    L’expression de l’« auto-théurgie », utilisée par Gurvitch dans l’un de ses articles russes, semble saisir parfaitement cette perspective (Georges Gurvitch, « Éthique et religion », art. cité [en russe]). Sur les affinités entre la conception philosophique de Gurvitch et certaines philosophies religieuses, cf. Jacques Le Goff, Georges Gurvitch. Le pluralisme créateur, Paris : Michalon, 2012 ; Id., « Georges Gurvitch et le droit social », Pravovedenie, 5, 2013, p. 97-111 [en russe].
  • [28]
    C’est ce qu’a remarqué l’auteur d’un compte rendu russe : Piotr Bitsilli, « Gurvitch G.D, L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, Paris, 1935 », Novyi Grad, 10, 1935, p. 139-142 [en russe]. Dans d’autres perspectives, il est vraiment difficile de comprendre la logique et l’applicabilité de la théorie gurvitchienne. Cf. Jean-Guy Belley, « Le “droit social” de Gurvitch : trop beau pour être vrai ? », Droit et Société, 88, 2014, p. 731-746.
  • [29]
    Georges Gurvitch, Les tendances actuelles de la philosophie allemande, Paris : J. Vrin, 1930.
  • [30]
    Cf. une telle vision du rôle de la phénoménologie pour l’œuvre de Gurvitch aussi dans Don Martindale, The Nature and Types of Sociological Theory, New York : Waveland Press, 1988, p. 577 et suiv. Or, très discutable est l’opinion de l’auteur de cet ouvrage selon qui : « l’orientation phénoménologique de Gurvitch est due à la tendance anti-collectiviste de cette doctrine, l’accentuation sur la personnalité individuelle, sur la liberté et la responsabilité malgré toutes les irrationalités auxquelles est confronté l’individu dans le monde » (ibid., p. 578, notre traduction) puisque rien n’était plus loin de la conception de Gurvitch que les principes individualistes.
  • [31]
    Georges Gurvitch, « La philosophie russe du premier quart du xxe siècle », Monde slave, 8, 1926, p. 269 et suiv.
  • [32]
    Id., La vocation actuelle de la sociologie, Paris : PUF, 1955, v. 1, p. 66 et suiv.
  • [33]
    Id., Les tendances actuelles de la philosophie allemande, op. cit., p. 60.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Ibid., p. 65.
  • [36]
    Armand Cuvillier, Où va la sociologie française, Paris : M. Rivière et Cie, 1953, p. 114.
  • [37]
    Ibid., p. 119.
  • [38]
    Ibid., p. 127.
  • [39]
    Georges Gurvitch, « L’État et le socialisme », Annales contemporaines, 25, 1925 [en russe] ; Id., « Proudhon et le temps présent », Annales contemporaines, 30, 1927 [en russe] ; Id., « Socialisme et propriété », Annales contemporaines, 36, 1928 [en russe].
  • [40]
    C’est pourquoi il semble contestable qu’on puisse considérer Gurvitch comme « un continuateur de Durkheim » (Philip Bosserman, Dialectical Sociology: An Analysis of The Sociology of Georges Gurvitch, Boston : Extending Horizons, 1968, p. 3). Même l’auteur de cette assertion (un élève et un thésard de Gurvitch) constate plusieurs points où Gurvitch se sépare de son prétendu maître (ibid., p. 48 et suiv.), lui reprochant « une manie des taxinomies » (Philip Bosserman, « Georges Gurvitch et les durkheimiens en France, avant et après la Seconde Guerre mondiale », Cahiers internationaux de Sociologie, 70, 1981, p. 124) – une attitude peu possible pour un vrai « durkheimien ». Certainement, on peut parler d’analogies dans les œuvres respectives de ces auteurs, mais il ne saurait s’agir d’une continuation directe.
  • [41]
    René König, « On Some Recent Developments in the Relation between Theory and Research », Transactions of the Fourth World Congress of Sociology, v. 2, 1959, p. 277.
  • [42]
    Ibid., p. 281-282.

Introduction

1 « Le sort a voulu que j’aille souvent, dans mes réflexions et dans mon effort, “contre le courant”. Le rythme de ma pensée a presque toujours été en décalage avec celui qui était à la mode. Je suis donc un “exclu de la horde”, par vocation pour ainsi dire » notait Gurvitch dans son portrait intellectuel  [1].

2 Quelles furent donc les causes et les origines de cette véritable guerre de positions où Gurvitch « n’a guère été épargné par ceux qui avaient paresseusement choisi de suivre le courant »  [2] ? S’agit-il du résultat de malentendus et de conflits de personnes, ou bien y a-t-il des motifs plus profonds ?

3 Cette seconde hypothèse est la plus pertinente. Elle prend en compte le fait que la pensée de Gurvitch puise ses sources ailleurs que dans les seuls systèmes occidentaux du savoir. Quel est cet « ailleurs » ? S’agit-il essentiellement des sources russes de sa philosophie du droit ? Chaque communauté juridique apporte sa réponse singulière à la justification de la force obligatoire du droit et à la configuration de la technologie juridique. Dans le cas présent, l’expérience de la Révolution russe aussi bien que l’apprentissage des idées de la philosophie russe avant son exil sont au fond de la conception juridique de Gurvitch, dont l’élaboration se poursuivra après son arrivée en France. Même si, dans ses ouvrages des années 1920 et du début des années 1930, Gurvitch prend en compte les auteurs français et leurs théories, il n’a pas renoncé à la conception antérieure forgée dans l’espace du discours philosophico-juridique russe. C’est l’hypothèse que nous souhaitons explorer dans cet article.

4 Il est en effet difficile de trouver, dans l’histoire des sciences sociales du xxe siècle, un penseur dont les idées auront provoqué de plus vifs débats, de plus virulentes polémiques et une telle hostilité des milieux scientifiques. C’est vrai pour le champ de la sociologie française (et américaine) où Gurvitch se heurtera à Claude Lévi-Strauss, Talcott Parsons et quelques autres. Cela l’est moins s’agissant des juristes qui manifesteront leur désaccord par une indifférence ostensible  [3]. D’où vient-elle  [4] ?

5 La rationalité qui travaille le droit occidental depuis les Lumières n’était presque pas prise en considération dans la théorie gurvitchienne. Les schèmes, les concepts et les autres éléments de la rationalité juridique, si chers aux positivistes, n’étaient pour lui qu’une écorce très superficielle sous laquelle vibraient les vrais niveaux de la réalité juridique accessibles in fine par l’intuition intellectuelle. C’est ici que se joue la vraie vie du droit et c’est par cette voie qu’on arrive au droit comme tel par un accès aux profondeurs spirituelles. Un fondement épistémologique plutôt étrange pour quelqu’un qui entendait mener une carrière de juriste-savant en France. Mais Gurvitch l’osera, en s’engageant ici, comme ailleurs, à contre-courant de la vulgate cartésienne et positiviste  [5]. Même s’il n’est pas parvenu à être reconnu par les juristes, son approche originale lui permettra de progresser sur un autre front, celui de la sociologie où il se fera un nom. Mais pourquoi a-t-il choisi une stratégie aussi incertaine dans les débuts de sa carrière ?

6 Les travaux majeurs de Gurvitch en sociologie (tel La vocation actuelle de la sociologie) sont parus dans les années de sa maturité académique alors qu’il était déjà imprégné de la culture scientifique française, maîtrisait la langue, la terminologie, les conceptions sociologiques françaises en s’y référant abondamment pour appuyer ses thèses et démontrer les erreurs de ses critiques. Mais c’était différent au début avec ses deux thèses françaises : L’idée du droit social (ainsi que sa continuation avec Le temps présent et l’idée du droit social de 1931) et L’Expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit (1935)  [6], parues peu de temps après son installation en France et ses premiers enseignements à l’Université  [7]. À cette époque, il se montre très discret sur les racines intellectuelles de ses recherches, avant de reconnaître plus tard, dans son autobiographie, que sa conception du droit social était déjà bien formée avant son départ de Russie en 1920  [8]. Ses thèses s’appuyaient sur la tradition russe qui ne favorisait guère, du moins avant la révolution de 1917, le formalisme en science du droit. Cette hypothèse vaut également pour son livre sur l’expérience juridique de 1935. Nous verrons par la suite comment, dans ce livre, il tentera de glisser sa conception dans les habits de la phénoménologie sans totalement y parvenir.

I. La dimension russe dans les premiers ouvrages de Gurvitch

7 En considérant l’ensemble de ses activités à la fin des années 1920 et au début des années 1930, on voit que Gurvitch reste fortement sous l’influence des milieux académiques russes  [9]. Ses articles  [10], aussi bien que sa participation à la loge franc-maçonnique Étoile du Nord, son implication dans les activités des émigrants, sa correspondance avec les intellectuels  [11], tout tend à prouver qu’au moins dans ses deux travaux magistraux de 1931 et de 1935, il ne cesse de réfléchir et de travailler sur quelques-uns des grands problèmes centraux de la philosophie russe, en s’efforçant de les acclimater dans le milieu académique français.

8 Ainsi, le thème central de L’idée du droit social – le droit en tant que système d’équilibres entre individu et communauté – apparaît comme la poursuite des articles russes de Gurvitch sur le Sobornost’ (idéal d’un équilibre social et spirituel discuté en philosophie russe au tournant du xxe siècle), de même que le terme de « communion » en tant que forme de sociabilité est évidement dérivé du Vseeedinstvo (un autre concept russe référant à l’unité sociale profonde). Les conceptions de l’idéal-réalisme, du sur-relativisme ou de l’intuitivisme révèlent elles aussi des affinités assez claires avec les idées philosophiques élaborées par Vladimir Soloviev et d’autres célèbres penseurs de l’Âge d’argent  [12]. Sans parler de l’influence méthodologique de son maître universitaire, Léon Petrazycki, jamais contestée par Gurvitch. Même lorsqu’il recherchait des conceptions analogues chez des auteurs occidentaux comme Mauss, Bergson, James ou les phénoménologues allemands, son interprétation n’en demeurait pas moins spécifique, leur terminologie servant à faire passer des idées d’une autre provenance  [13].

9 Ceci s’explique fort bien par le paramètre biographique. Il faut comprendre qu’au moment où Gurvitch veut s’intégrer aussi vite que possible dans le monde universitaire français, il n’a rien d’autre à offrir que des idées en provenance de la philosophie russe. Soutenir une thèse française, publier des articles défendant des idées plus ou moins originales étaient pour lui une nécessité absolue en vue d’obtenir une position académique alors qu’il ne disposait pas de longues années pour peaufiner sa réflexion. Par conséquent, il a simplement reformulé une conception du droit social issue d’un autre horizon intellectuel, en opérant un alliage de ses idées et de celles qui dominaient le milieu de son implantation avec une insistance particulière sur la pensée des Duguit, Hauriou, autres juristes français d’inclination sociologisante. Une tentative qui demeurera inaboutie et explique la mésalliance entre Gurvitch et la science française du droit du xxe siècle.

10 Au premier coup d’œil, l’élément russe est loin d’être évident dans les écrits français de Gurvitch où il n’en est pas fait mention  [14]. Pourtant, dans l’ensemble de son œuvre, les influences russes sont patentes, bien que rarement mentionnées. Non seulement Gurvitch publiera essentiellement en langue russe jusqu’à la fin des années 1920, mais encore ses contacts avec les intellectuels russes – qu’il s’agisse de ses maîtres universitaires ou de ses collègues durant ses années d’études puis de l’exil – furent très fréquents, cimentant fortement les emprunts répétés de Gurvitch aux grandes idées des philosophes russes.

11 Quel était l’environnement intellectuel où Gurvitch a conçu sa doctrine du droit social ? Le début du xxe siècle en Russie, celui des années de jeunesse de Gurvitch, comporte une nette dimension prophétique : philosophes, écrivains, ecclésiastiques s’engagent alors dans une polémique sur l’avenir de la Russie, sur sa mission dans l’histoire et plus globalement sur les vicissitudes du destin futur de l’humanité. Le jeune Gurvitch n’a pas échappé à l’atmosphère de cette décennie pétrie d’idées et croyances devenues l’axe central de ses théories  [15].

12 Parmi les principes de la philosophie russe de cette époque figure avant tout la thèse de l’ouverture au monde dans la contemplation intuitive immédiate des essences  [16], et c’est à ce propos que Nikolai Lossky souligne que le psychisme et le subjectivisme sont foncièrement étrangers à la pensée russe en comptant Gurvitch parmi les représentants classiques du réalisme russe  [17]. Pour les slavophiles du xixe siècle, la perception de la réalité est immédiate. Ils l’ont désignée du terme de « vision volitive » (volezrenie), ou Wesenschau, par emprunt au romantisme allemand. Cet idéal de perception totale du monde en tant que totalité organique amenait les successeurs de cette idée slavophile, au tournant du xxe siècle, au problème de l’expérience totale qui synthétise les différents aspects du monde (physique, idéal, rationnel) dans l’unité préalable de toute l’expérience (sensuelle, intellectuelle et mystique) – c’est l’approche que Gurvitch cherche à approfondir dans ses écrits juridiques  [18]. Son maître Petrazycki développait cet intuitivisme dans une autre direction, essayant de fonder la théorie du droit strictement sur l’analyse des émotions bilatérales (impératives-attributives)  [19].

13 Pour certains penseurs idéalistes russes (tels Vladimir Soloviev, Nikolai Lossky ou Semen Frank), le lien entre le monde empirique et les principes métaphysiques se situe dans un espace idéel-réel qu’on perçoit par une forme d’intuition mystique. Ainsi, la tendance vers un savoir intégral se combine dans l’œuvre de ces penseurs avec la constatation du caractère pluriel de l’expérience qui y amène. L’enjeu est de créer une théorie et une vision de l’être comme totalité organique dont la connaissance s’opère par le truchement de l’expérience pluridimensionnelle. Pour Soloviev, Frank et d’autres penseurs, cette tâche se résout dans le cadre de la philosophie religieuse, pour les autres (et cela semble être le cas de Gurvitch) il s’agit plutôt d’une théorie neutre sous le rapport religieux, ce qui n’empêche pas ces penseurs d’aller vers des formulations de connotation religieuse  [20].

14 C’est sous cet horizon problématique que Gurvitch soulève la question du droit, dès ses premiers ouvrages : quelles sont les bases du savoir juridique et peuvent-elles être détachées de la vie sociale ? Dans son mémoire d’étudiant sur la doctrine de Rousseau, il aborde déjà le sujet en reprochant à cet auteur une vue simplificatrice des fondements métaphysiques du droit. Le rationalisme, estime Gurvitch, est le vice majeur de cette approche  [21] qui soulève la question centrale des sources métaphysiques du savoir autres que la raison. Et c’est pour y répondre que le penseur mobilise les idées des philosophes russes.

15 Il cherche les fondements du savoir social et juridique dans la sphère intermédiaire entre l’idéel et le réel, en se référant non seulement aux idées des penseurs occidentaux du type de Fichte ou Bergson, mais aussi à celles des philosophes idéalistes (dans le sens large de ce mot) russes. Ce qui conduit à nuancer le jugement de Roger Bastide selon qui la philosophie de Fichte aurait marqué d’une façon définitive l’esprit de Gurvitch  [22]. Il tempérera d’ailleurs par la suite son point de vue en limitant l’influence du penseur allemand à deux aspects : la pluri-dimensionnalité du réel et la fusion des consciences  [23]. Notons que Gurvitch lui-même limite le rôle de Fichte dans la construction de l’idéal-réalisme : « Cette synthèse a été peut-être, dans une certaine mesure, pressentie dans les derniers ouvrages de Fichte  [24]. »

16Sans contester l’influence de Fichte sous ce rapport, il semble plus juste d’en souligner le caractère très relatif dans le développement intellectuel de Gurvitch qui a trouvé dans son œuvre plus une source d’inspiration que des réponses toutes prêtes. La recension que le philosophe russe Sergei Hessen a faite sur Fichtes System der konkreter Ethik  [25] de Gurvitch est très révélatrice de la subtilité des interprétations gurvitchiennes qui finissent par devenir parfois complètement indépendantes des idées de Fichte. Ainsi, en donnant la formule de la conception sociale de Fichte, Gurvitch inconsciemment dépasse les limites de la philosophie de celui-ci et élabore une théorie tout à fait indépendante sur le mouvement social où l’individu, à la fois, se trouve saisi par l’élan de l’activité spirituelle et, en même temps, construit cet élan et lui-même en s’élevant vers le monde idéel, ce dernier étant séparé de la sphère morale.

17 Il faut ajouter, sur ce point, une mise en garde. Incontestablement, Gurvitch fut formé par les différentes cultures, et l’affirmation de l’importance des influences russes ne signifie pas qu’elles furent premières ou supérieures aux autres : allemandes, anglo-saxonnes ou françaises. Le fait de tenir compte des influences russes ne revient pas à en affirmer la prépondérance. Il s’agit plutôt de combler une lacune, rien de plus. Faut-il rappeler que Gurvitch a percé, dans le milieu scientifique français, en tant qu’expert et médiateur de la philosophie allemande ? Et dans son activité académique en Russie, si brève fût-elle, Gurvitch n’était-il pas reconnu comme l’expert de la philosophie de Rousseau, profondément marqué par les idéaux de Proudhon ? Un des traits les plus originaux de la personnalité de Gurvitch (qui était quand même une personne vraiment dure et difficile à tant d’égards) est qu’il cherchait toujours, presque instinctivement, à trouver une synthèse et à bâtir des ponts entre les cultures intellectuelles différentes. C’est une démarche particulièrement manifeste dans sa philosophie juridique.

18 Revenant sur la question de la perspective russe dans l’œuvre de Gurvitch, remarquons d’ailleurs que le russe fut sa langue maternelle, et c’est en russe qu’il a rédigé ses premiers écrits. Elle fut aussi la langue principale de sa formation universitaire, et c’est en russe que Gurvitch a formulé les premiers concepts et a développé ses premières réflexions écrites. Jusqu’aux années 1930, nous trouvons de nombreux articles qu’il écrivit en russe, comme le furent aussi ses trois premiers livres consacrés au philosophe russe Théophane Prokopovitch (1915), aux idées politiques de Rousseau (1918) et à la théorie du droit international (1923), et c’est en russe que Gurvitch a d’abord écrit la plupart de ses articles avant de les publier ensuite dans des revues françaises au cours des années 1920. L’étude de ces textes russes révèle certaines sources de l’inspiration de Gurvitch demeurées dans l’ombre et son souci de traduire le discours juridico-philosophique russe dans la terminologie des autres cultures académiques, particulièrement française. Un ancien ami de Gurvitch, Sergei Hessen, caractérise très justement ce projet central en ces termes : « Ayant appris trois cultures – russe, allemande et française – notre auteur [Gurvitch] essaie de trouver une synthèse dans laquelle le rôle de l’élément russe n’est pas négligeable. Non seulement il a réussi à exprimer dans son ouvrage certains motifs caractéristiques de la pensée russe, mais il a aussi réussi à enrichir, par ces motifs, la science européenne et même la terminologie philosophique et juridique française  [26]. »

II. Entre la phénoménologie et la métaphysique

19 On peut à juste titre dire que la conception du droit que Gurvitch élabore dans les années 1930 porte la marque de la phénoménologie. C’est par son truchement qu’il cherche à expliquer la structure eidétique du droit, en recourant à la réduction pour démontrer la pluri-dimensionnalité du phénomène juridique. L’Expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit (1935) est une tentative de penser le droit dans la terminologie de Husserl, Scheler ou Rauh. Gurvitch insiste sur le fait que le droit est un phénomène social total inclus dans la réalité intégrale de la société. Il n’est pas séparable de la société et des autres phénomènes sociaux et est indissociablement lié au Tout social. Un schème d’intelligence délicate, même pour des vrais phénoménologues, spécialement dans son énoncé gurvitchien si prolixe en abstractions et métaphores. Ceci est révélateur : pour rendre compte du fond de sa pensée, il ne trouve pas mieux que de reprendre l’aphorisme de Nicolas de Cues « Tout est l’Un et l’Un est Tout » renvoyant à une cosmologie ou une théologie qui s’accorde mal avec les engagements d’un sociologue « hyper-empiriste », sauf si l’empirisme en question renvoie à un ordre de réalité supérieure et à l’expérience sublime qu’on peut en avoir  [27]. Mais là encore, l’interprétation gurvitchienne de la phénoménologie manifeste bien la profondeur de son enracinement dans le champ philosophique russe du début du xxe siècle  [28].

20 En lisant sa courte présentation de la phénoménologie allemande publiée sur la base des notes de son premier cours à la Sorbonne  [29], on peut se demander si l’on a vraiment affaire à la phénoménologie  [30]. L’article en français où Gurvitch défend l’idée d’une préfiguration, par le courant intuitiviste russe, de la phénoménologie occidentale  [31], confirme tout ce que sa pensée doit à l’intuitivisme russe. Et, dès lors, elle se découvre sous un autre aspect : celui de la philosophie religieuse. Dans nombre de ses publications russes, il décrit en effet la réalité sociale comme une théophanie uniquement accessible par une intuition suprême, par un Wesenschau qui perce le visible pour aller, en profondeur, au non visible et pourtant terriblement actif.

21 Dans ses livres ultérieurs sur la sociologie générale, Gurvitch prendra nettement ses distances avec la phénoménologie  [32]. Mais, dès son ouvrage de 1930, il avait déjà fait part de sérieux doutes. C’est ainsi qu’il avait reproché à Edmund Husserl l’absence d’un critère incontestable du vrai qui, sous la plume du maître allemand, « n’est pas autant établi par une analyse phénoménologique que simplement postulé sans argumentation suffisante »  [33]. Gurvitch reprend ici les termes de la philosophie religieuse de Vladimir Soloviev (en y trouvant des affinités avec les idées de Fichte), et proclame que cette tâche ne s’avère possible que « comme affirmation du rapport d’un relatif avec l’Absolu, regardé comme le terme d’un Infini actuel »  [34], tandis que la phénoménologie cherche un substitut à l’Absolu dans la conscience intentionnelle et le Je pur – le plus grave écueil du système husserlien  [35].

22 En disant que la thèse de Gurvitch sur l’immanentisme entre la société et l’individu où « tout est immanent à tout » était empruntée à la phénoménologie  [36], Armand Cuvillier ne se rend pas compte qu’une telle définition n’a jamais été formulée par les phénoménologues et se rapporte plutôt aux idées des philosophes occidentaux et russes d’inclination théologique. Par contre, c’est à cause de l’insuffisance de cette vision « immanentiste » de la société (le point central de la doctrine du philosophe russe Nikolai Lossky) que Gurvitch critique vigoureusement les phénoménologues. Mais la critique formulée par A. Cuvillier de l’immanentisme gurvitchien entre individu et société, qui fait « absorber le “je” par le “nous” »  [37] et « dominer la totalité sociale sur l’individualité »  [38], ne prend pas en compte la dimension « russe » de l’œuvre de Gurvitch, c’est-à-dire la manière dont il traite de ce sujet dans le contexte des débats dans la philosophie religieuse russe du début du xxe siècle, expliquant la notion d’individualité comme un ensemble d’expériences sociales et spirituelles qui, en fin de compte, font qu’un être humain s’individualise et se construit dans son autonomie.

23 En surimpression des philosophies politiques russe, allemande et française, Gurvitch découpe les contours de son idéal politique, en mettant en relief les moments principaux des doctrines qu’il utilise – celles de Léon Petrazycki, de Paul Novgorodtsev ou encore de Proudhon et Fichte. Dans les débats avec les émigrés russes Vichniak, Vycheslavtsev et Hessen  [39], notre auteur affine son argumentation en faveur de la démocratie pluraliste se basant sur les conceptions fondamentales de la philosophie religieuse russe – celle du Vseedinstvo ou du Sobornost’. Ses formulations révèlent le foyer de son inspiration qui reste incomprise tant qu’on veut lui trouver des racines durkheimiennes  [40].

24 Ce qui est le cas de René König dont la critique confirme bien cette mésinterprétation. Pour lui, Gurvitch cherche à expliquer la conception de la totalité de Marcel Mauss dans les termes d’un « ancien empirisme durkheimien » en réintroduisant la philosophie hégélienne dans la sociologie  [41]. L’orientation holiste et métaphysique de Gurvitch ne lui permettait pas d’arriver à une théorie objective et l’avait, au contraire, vainement embarqué dans « des spéculations sans fin avec des théories monolithiques »  [42].

Conclusion

25 La vérité est que la sociologie de Gurvitch tend vers une vision totale de la réalité sociale opposée à la causalité individuelle et c’est justement ce qu’exprime cette tendance holiste qu’il a faite sienne déjà pendant ses années d’études en Russie, avant qu’il ne commence ses recherches sur la phénoménologie. Cette tendance dans l’œuvre de Gurvitch ne résulte pas d’abord de l’influence des penseurs occidentaux, de l’importance de Fichte ou Proudhon, mais de la spécificité de la culture philosophique russe où Gurvitch fut initialement formé.

26 On voit à quel point l’œuvre de Gurvitch constitue un excellent terrain d’analyse des affinités et des contrastes entre les philosophies juridiques françaises et russes.


Mots-clés éditeurs : Idée du droit social, Intuitivisme, Pluralisme, Phénoménologie, Philosophie religieuse russe

Date de mise en ligne : 13/12/2016

https://doi.org/10.3917/drs.094.0503

Notes

  • [1]
    Georges Gurvitch, « Mon itinéraire intellectuel ou l’exclu de la horde », in Georges Balandier, Georges Gurvitch, sa vie, son œuvre, Paris : PUF, 1972, p. 60.
  • [2]
    Georges Balandier, Georges Gurvitch, sa vie, son œuvre, op. cit., p. 49.
  • [3]
    Jean Carbonnier, « Gurvitch et les juristes », Droit et Société, 4, 1986, p. 347-351.
  • [4]
    Cet article se limite à la question de la réception de Gurvitch par la communauté juridique française, sans aborder les raisons de son succès ou de ses mésaventures dans d’autres pays européens et aux États-Unis, ni dans les autres sciences sociales telle la sociologie. Cf. : Jean-Christophe Marcel, « Georges Gurvitch : les raisons d’un succès », Cahiers internationaux de sociologie, 110, 2001, p. 97-119.
  • [5]
    Ce n’était pas seulement la réaction des positivistes français mais aussi des juristes d’orientation idéaliste ou thomiste (par exemple, Louis Le Fur qui initialement supportait Gurvitch, dirigeant sa thèse, mais ensuite s’est distingué de lui et de sa théorie).
  • [6]
    Georges Gurvitch, L’idée du droit social, Paris : Recueil Sirey, 1932 ; Id., Le temps présent et l’idée du droit social, Paris : J. Vrin, 1932 ; Id., L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, Paris : Pedone, 1935.
  • [7]
    Gurvitch est arrivé en France en 1925 pour un voyage de recherche en tant que chargé de cours à l’Institut russe à Prague, s’y est installé finalement en 1927 à l’Institut des études slaves à la Sorbonne, avant d’être naturalisé français en 1929.
  • [8]
    Georges Gurvitch, « Mon itinéraire intellectuel ou l’exclu de la horde », op. cit., p. 57.
  • [9]
    Mikhail Antonov, « Les influences russes sur la formation intellectuelle de G. Gurvitch : l’exemple de ses premiers ouvrages », Anamnèse, 1, 2005, p. 23-31.
  • [10]
    Mikhail Antonov et Étienne Berthold, « Sources russes de la pensée de Georges Gurvitch : écrits de jeunesse dans les annales contemporaines (1924-1931) », Cahiers internationaux de sociologie, 121, 2006, p. 197-226.
  • [11]
    Cecil Rol et Mikhail Antonov, « Rapport éditorial », in Georges Gurvitch, Écrits russes, écrits de jeunesse (textes trad. et éd. par Cécile Rol et Mikhail Antonov), Paris : L’Harmattan, 2006, p. 207-240.
  • [12]
    Qui désigne les deux premières décennies du xxe siècle en Russie. Cf. Jean-Claude Lanne (dir.), L’Âge d’argent dans la culture russe, Lyon : Université Jean Moulin, Centre d’études slaves, 2007.
  • [13]
    Ainsi, caractérisant le livre de 1935, Raymond Aron mettait en doute les références phénoménologiques de Gurvitch et suggérait qu’au fond sa théorie avait peu à voir avec la vraie philosophie phénoménologique. Cf. Raymond Aron, « Georges Gurvitch. L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit », Zeitschrift für Sozialforschung, 5, 1936, p. 119.
  • [14]
    Sauf à propos de Léon Petrazycki et de sa conception émotiviste du droit.
  • [15]
    La collection des poèmes qu’il a publiée en 1911 porte un titre caractéristique : « Les étincelles du moment » (Varsovie, 1911) [en russe] ; les éléments de son dossier maçonnique sont aussi éloquents pour comprendre les croyances eschatologiques de Gurvitch avant la révolution. Dans un article publié en 1918, il se montre comme un bolchevique convaincu et semble partager tous les idéaux de la révolution (Georges Gurvitch, « Tout le pouvoir aux soviets ! », Le recueil des articles sur la révolution prolétarienne et le droit [Sbornik statei po proletarskoi revolutsii i pravu], 1-4, 1918, Petrograd, p. 1-21 [en russe]).
  • [16]
    Ainsi, le philosophe russe Frank énumère les principes suivants : l’antirationalisme ; l’appui sur l’expérience en tant qu’une appropriation émotionnelle de l’objet ; l’anti-individualisme qui prône la quête collective du Pravda (le mot russe pour la synthèse de la vérité et de la justice) ; Semen Frank, Le sens de la vie [1926], Bruxelles : Zhizn’ s Bogom, 1971, p. 6-28 [en russe]. Cf. aussi Boris Jakovenko, L’histoire de la philosophie russe [1938], Moscou : Respublika, 1999, p. 314 [en russe].
  • [17]
    Nikolai Lossky, L’histoire de la philosophie russe [1951], Moscou : Vyshaja shkola, 1991, p. 513-514 [en russe].
  • [18]
    Georges Gurvitch, Le temps présent et l’idée du droit social, op. cit., p. 24 et suiv. ; Id., L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, op. cit, p. 96 et suiv.
  • [19]
    Id., « Une philosophie intuitionniste du droit : Léon Pétrasycki », Archives de philosophie du droit et de sociologie juridique, 3-4, 1931, p. 403-420.
  • [20]
    Dans l’œuvre de Gurvitch, cf. particulièrement son article en russe : « Éthique et religion », Annales contemporaines [Sovremennye zapiski], 19, 1926, p. 259-283 (où il développe les idéaux de l’auto-théurgie), ainsi que son Dialectique et sociologie (Paris : Flammarion, 1962) en français.
  • [21]
    Georges Gurvitch, Rousseau et la déclaration des droits, Petrograd : Izdatelstvo Volfa, 1918, p. 97 et suiv. [en russe].
  • [22]
    Roger Bastide, « La sociologie de Georges Gurvitch », Bastidiana, 35-36, 2001, p. 69.
  • [23]
    Ibid., p. 70.
  • [24]
    Georges Gurvitch, « Le discours » dans : « L’intuitivisme russe et le réalisme anglo-saxon. Discussion sur la conception de Nikolaï Lossky », Bulletin de la Société française de Philosophie, séance du 9 juin 1928, p. 171.
  • [25]
    Sergei Hessen, « Recension de : Georg Gurwitsch, Fichtes System der konkreter Ethik, 1924, B. Mohr », Annales contemporaines, 24, 1925, p. 459 [en russe]. Originellement, cet ouvrage de Gurvitch était le mémoire de recherche qu’il a soutenu en 1925 à Berlin comme une dissertation auprès de l’Union académique russe de Berlin.
  • [26]
    Sergei Hessen, « L’idée du droit social », Annales contemporaines [Sovremennye zapiski], 49, 1932, p. 423 [en russe]. Cette qualité a été justement soulignée par d’autres amis. Cf. Roger Bastide, « La sociologie de Georges Gurvitch », art. cité, p. 93-94.
  • [27]
    L’expression de l’« auto-théurgie », utilisée par Gurvitch dans l’un de ses articles russes, semble saisir parfaitement cette perspective (Georges Gurvitch, « Éthique et religion », art. cité [en russe]). Sur les affinités entre la conception philosophique de Gurvitch et certaines philosophies religieuses, cf. Jacques Le Goff, Georges Gurvitch. Le pluralisme créateur, Paris : Michalon, 2012 ; Id., « Georges Gurvitch et le droit social », Pravovedenie, 5, 2013, p. 97-111 [en russe].
  • [28]
    C’est ce qu’a remarqué l’auteur d’un compte rendu russe : Piotr Bitsilli, « Gurvitch G.D, L’expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, Paris, 1935 », Novyi Grad, 10, 1935, p. 139-142 [en russe]. Dans d’autres perspectives, il est vraiment difficile de comprendre la logique et l’applicabilité de la théorie gurvitchienne. Cf. Jean-Guy Belley, « Le “droit social” de Gurvitch : trop beau pour être vrai ? », Droit et Société, 88, 2014, p. 731-746.
  • [29]
    Georges Gurvitch, Les tendances actuelles de la philosophie allemande, Paris : J. Vrin, 1930.
  • [30]
    Cf. une telle vision du rôle de la phénoménologie pour l’œuvre de Gurvitch aussi dans Don Martindale, The Nature and Types of Sociological Theory, New York : Waveland Press, 1988, p. 577 et suiv. Or, très discutable est l’opinion de l’auteur de cet ouvrage selon qui : « l’orientation phénoménologique de Gurvitch est due à la tendance anti-collectiviste de cette doctrine, l’accentuation sur la personnalité individuelle, sur la liberté et la responsabilité malgré toutes les irrationalités auxquelles est confronté l’individu dans le monde » (ibid., p. 578, notre traduction) puisque rien n’était plus loin de la conception de Gurvitch que les principes individualistes.
  • [31]
    Georges Gurvitch, « La philosophie russe du premier quart du xxe siècle », Monde slave, 8, 1926, p. 269 et suiv.
  • [32]
    Id., La vocation actuelle de la sociologie, Paris : PUF, 1955, v. 1, p. 66 et suiv.
  • [33]
    Id., Les tendances actuelles de la philosophie allemande, op. cit., p. 60.
  • [34]
    Ibid.
  • [35]
    Ibid., p. 65.
  • [36]
    Armand Cuvillier, Où va la sociologie française, Paris : M. Rivière et Cie, 1953, p. 114.
  • [37]
    Ibid., p. 119.
  • [38]
    Ibid., p. 127.
  • [39]
    Georges Gurvitch, « L’État et le socialisme », Annales contemporaines, 25, 1925 [en russe] ; Id., « Proudhon et le temps présent », Annales contemporaines, 30, 1927 [en russe] ; Id., « Socialisme et propriété », Annales contemporaines, 36, 1928 [en russe].
  • [40]
    C’est pourquoi il semble contestable qu’on puisse considérer Gurvitch comme « un continuateur de Durkheim » (Philip Bosserman, Dialectical Sociology: An Analysis of The Sociology of Georges Gurvitch, Boston : Extending Horizons, 1968, p. 3). Même l’auteur de cette assertion (un élève et un thésard de Gurvitch) constate plusieurs points où Gurvitch se sépare de son prétendu maître (ibid., p. 48 et suiv.), lui reprochant « une manie des taxinomies » (Philip Bosserman, « Georges Gurvitch et les durkheimiens en France, avant et après la Seconde Guerre mondiale », Cahiers internationaux de Sociologie, 70, 1981, p. 124) – une attitude peu possible pour un vrai « durkheimien ». Certainement, on peut parler d’analogies dans les œuvres respectives de ces auteurs, mais il ne saurait s’agir d’une continuation directe.
  • [41]
    René König, « On Some Recent Developments in the Relation between Theory and Research », Transactions of the Fourth World Congress of Sociology, v. 2, 1959, p. 277.
  • [42]
    Ibid., p. 281-282.

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