Couverture de DRS_080

Article de revue

La « subsidiarité juridictionnelle », instrument de l'intégration communautaire ?

Pages 47 à 71

Notes

  • [1]
    Robert Lecourt, L’Europe des juges, Bruxelles : Bruylant, coll. « Droit de l’Union européenne », p. 8-9.
  • [2]
    Pour la justification de l’utilisation du concept de subsidiarité pour qualifier l’articulation des compétences juridictionnelles des juridictions internes et communautaire, cf. l’analyse de Denys Simon, « La subsidiarité juridictionnelle : notion-gadget ou concept opératoire ? », Revue des affaires européennes (RAE), 1998, spéc. p. 84-85).
  • [3]
    Le système de la Convention européenne des droits de l’homme connaît également une forme de subsidiarité puisque l’accès au juge n’est admis qu’après épuisement des voies de recours internes. Le juge national procède au contrôle de conventionnalité du droit national et est également juge de droit commun de la Convention. Cette subsidiarité n’a cependant pas les mêmes caractéristiques (Joël Antriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », RAE, 1998, p. 29) : alors que l’ordre juridique de l’Union européenne comporte des organes législatifs, exécutifs et judiciaires, celui de la CEDH a uniquement mis en place des organes de contrôle des actions des États membres.
  • [4]
    Pour une référence aux juges internes comme « juridictions communautaires décentralisées », cf. Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, spéc. p. 30.
  • [5]
    Il conviendrait sans doute aujourd’hui d’utiliser l’expression « juge européen de droit commun ». Dans le cadre de l’étude, nous maintiendrons l’utilisation de l’adjectif communautaire, lorsque sera désigné l’état du droit avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Nous utiliserons l’adjectif européen et nous référerons aux juridictions de l’Union européenne pour désigner l’état du droit depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
  • [6]
    TPICE, 10 juillet 1990, Tetra Pak Rausing SA c/ Commission, aff. T-51/89, Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance (ci-après Rec.), p. II-309, pt 42. L’expression n’a été reprise formellement par le Tribunal qu’une seule fois : TPICE, Ord., 22 décembre 1995, Danielsson ea c/ Commission, aff. T-219/95 R, Rec., p. II-3051, pt 77.
  • [7]
    Cf. l’avis 1/09 de la Cour de justice du 8 mars 2011 sur le projet d’accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire, pt 80.
  • [8]
    Cf. par exemple les conclusions de l’avocat général Cosmas présentées le 23 novembre 1999 dans l’affaire France c/ Ladbroke Racing Ltd et Commission (aff. C-83/98 P, Rec., p. I-3271, pt 92), les conclusions de l’avocat général Saggio présentées le 16 décembre 1999 dans l’affaire Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (aff. jtes C-240/98 à C-244/98, Rec., p. I-4941, pt 37), les conclusions de l’avocat général Bot présentées le 6 mai 2008 dans l’affaire Heemskerk BV (aff. C-455/06, Rec., p. I-8763, pt 128).
  • [9]
    Cf. notamment les thèses d’Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, Strasbourg : Université R. Schuman, 1983, et d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, Paris : Dalloz, 2001.
  • [10]
    Selon l’expression d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 19.
  • [11]
    En vertu de l’article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne (traité CEE), devenu ensuite l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) et enfin l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE).
  • [12]
    En vertu de l’article 183 du traité CEE, devenu ensuite l’article 240 du traité CE et enfin 274 du traité FUE.
  • [13]
    Cf. en ce sens le commentaire de l’article 240 du traité CE de Pierre Roseren, in Philippe Léger (dir.), Commentaire article par article des traités UE et CE, Paris : Dalloz, 2000, p. 1695.
  • [14]
    Cf. en ce sens TPICE, 18 juillet 1997, Ord., Oleifici c/ Commission, aff. T-44/96, Rec., p. II-1331 ; TPICE, 11 mars 2008, Guigard c/ Commission, aff. T-301/05, Rec., p. II-31 (Europe, 2008, comm. 144, obs. Valérie Michel) ; CJCE, 20 mai 2009, Guigard c/ Commission, aff. C-214/08 P, Rec., p. I-91, pt 41 (Europe, 2009, comm. 267, obs. Anne-Laure Mosbrucker) ou encore CJUE, 29 juillet 2010, Hanssens-Ensch c/ Communauté, aff. C-377/09.
  • [15]
    Cf. l’article 173 du traité CEE, devenu ensuite article 230 du traité CE, et enfin article 263 du traité FUE.
  • [16]
    Cf. l’article 175 du traité CEE, devenu ensuite article 232 du traité CE, et enfin article 265 du traité FUE.
  • [17]
    Cf. l’article 182 du traité CEE, devenu ensuite article 235 du traité CE, et enfin article 268 du traité FUE.
  • [18]
    Cf. l’article 169 du traité CEE, devenu ensuite article 226 du traité CE, et enfin article 258 du traité FUE.
  • [19]
    Elle doit se borner à constater le manquement. Voir en ce sens Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 56 et suiv.
  • [20]
    Selon l’expression de Pascal Gilliaux, « L’arrêt Unión de Pequeños Agricultores : entre subsidiarité juridictionnelle et effectivité », Cahiers de droit européen (CDE), 1-2, 2003, p. 183.
  • [21]
    Sénat, Projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, n° 24 rectifié, exposé des motifs (annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 2002). Pour Jacques Delors, le principe de subsidiarité consiste à « ne jamais confier à une plus grande unité ce qui peut être mieux réalisé par une plus petite » (Jacques Delors, Le nouveau concert européen, Paris : Odile Jacob, coll. « Politique », 1992, p. 315). Cf. aussi Laetitia Guilloud, « Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel », Les Petites affiches (LPA), 79, 19 avril 2007, p. 54.
  • [22]
    Pour une distinction entre subsidiarité juridictionnelle et substantielle, voir Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 29.
  • [23]
    Cf. en ce sens la communication de la Commission du 27 octobre 1992 sur le principe de subsidiarité, SEC (92) 1990 final ; Pierre-Alexis Feral, « Le principe de subsidiarité dans l’Union européenne », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger (RDP), 1, 1996, notamment p. 211 ; Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 30 ; Jean-Luc Sauron, « La mise en œuvre retardée du principe de subsidiarité », RMCUE, 423, 1998, spéc. p. 648 et 649 ; Julien Barroche, « La subsidiarité chez Jacques Delors. Du socialisme chrétien au fédéralisme européen », Politique européenne, 23, 2007, spéc. p. 168 et p. 171 ; Laetitia Guilloud, « Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel », art. cité, spéc. p. 53.
  • [24]
    Cf. en ce sens Jean-Luc Sauron, « La mise en œuvre retardée du principe de subsidiarité », art. cité, p. 645, et Laetitia Guilloud, « Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel », art. cité, spéc. p. 55.
  • [25]
    Cf. la communication de la Commission du 27 octobre 1992, précitée : « La règle est la compétence nationale, l’exception la compétence communautaire ». Voir aussi Jean-Luc Sauron, « La mise en œuvre retardée du principe de subsidiarité », art. cité, p. 646.
  • [26]
    Selon l’expression de Pascal Clément dans le rapport n° 376 rendu par l’Assemblée nationale au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi constitutionnelle n° 369 adopté par le Sénat relatif à l’organisation décentralisée de la République, 18 novembre 2002.
  • [27]
    Selon l’expression de Jacqueline Dutheil de la Rochère, « L’ère des compétences partagées. À propos de l’étendue des compétences extérieures de la Communauté européenne », RMCUE, 390, 1995, p. 470.
  • [28]
    CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec., 1963, p. 6. Pour les premières définitions de la notion d’effet direct, cf. notamment Robert Kovar, « Rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux », in Commission des Communautés européennes, Trente ans de droit communautaire, Luxembourg : OPOCE, 1982, spéc. p. 145 et suiv. Cf. également Pierre Pescatore, « L’effet direct du droit communautaire », Pasicrisie Luxembourgeoise, 1972, p. 1 et suiv., et Id., « Aspects judiciaires de l’“acquis communautaire” », Revue trimestrielle de droit européen (RTDE), 1981, spéc. p. 635 et suiv.
  • [29]
    Cf. en ce sens Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op. cit., spéc. p. 24. Cf. aussi Jean Boulouis, commentaire de l’affaire Simmenthal, L’Actualité juridique. Droit administratif (AJDA), 1978, p. 326 : « Si les droits et obligations conférés aux ressortissants communautaires ont, du fait de leur applicabilité directe, leur source immédiate dans le droit communautaire, c’est également dans celui-ci que les juges chargés de sanctionner ces droits et obligations trouvent directement leur titre à le faire, fussent-ils par ailleurs nationaux ; car à l’applicabilité directe du droit ne peut correspondre la médiatisation du titre du juge chargé d’appliquer ce droit ».
  • [30]
    Depuis l’arrêt Van Gend en Loos, une disposition est d’effet direct lorsqu’elle est claire, précise, inconditionnelle et « juridiquement parfaite ». Cf. l’explicitation des critères dans la jurisprudence ultérieure (voir notamment CJCE, 16 juin 1966, Lütticke, aff. 51/76, Rec., p. 293). Il est alors renvoyé au juge national pour leur appréciation.
  • [31]
    Voir l’arrêt fondateur Costa c/ ENEL (CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64, Rec., 1964, p. 1157).
  • [32]
    Cf. en ce sens Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op.cit., p. 20 et suiv. Cf. également les analyses d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., spéc. p. 31 et suiv.
  • [33]
    Selon l’expression à l’origine de Joël Rideau, « Le rôle des États membres dans l’application du droit communautaire », AFDI, 1972, p. 884. Cf. l’étude de Bernadette Le Baut-Ferrarèse, La Communauté européenne et l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres, thèse de sociologie (sous la direction de Thierry Debard), Lyon : Université de Lyon III, 1996 et plus récemment Vincent Couronne, « L’autonomie procédurale des États membres de l’Union européenne à l’épreuve du temps », CDE, 3-4, 2010, p. 273-309.
  • [34]
    Cf. notamment CJCE, 3 avril 1968, Molkerei Zentrale, aff. 28/67, Rec., 1968, p. 228 ; CJCE, 4 avril 1968, Lück, aff. 34/67, Rec., 1968, p. 370 ; CJCE, 19 décembre 1968, Salgoil, aff. 13/68, Rec., 1968, p. 675. Selon D. Simon, la Cour invite les juridictions à faire une « exploitation intensive des virtualités procédurales du droit national », Denys Simon, « Les exigences de la primauté du droit communautaire : continuité ou métamorphose ? », dans L’Europe et le droit. Mélanges en hommage à Jean Boulouis, Paris : Dalloz, 1991, p. 485).
  • [35]
    Conclusions de l’avocat général Roemer, présentées le 21 novembre 1972 dans l’affaire Marimex, aff. 84/71, Rec., 1972, p. 102. Cf. également Ami Barav, « La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire », dans L’Europe et le droit. Mélanges en l’honneur de Jean Boulouis, op. cit., p. 9.
  • [36]
    Voir en ce sens CJCE, 7 juillet 1981, Rewe-Handelsgesellschaft Nord, aff. 158/80, Rec., 1981, p. 1805.
  • [37]
    On peut renvoyer au remarquable document publié par la Cour de justice de l’Union européenne : « Les juridictions des États membres de l’Union européenne. Structure et organisation » (<http://curia.europa.eu>), proposant une description des systèmes juridictionnels de tous les États membres de l’Union. Par ailleurs, certaines informations générales peuvent être trouvées dans les ouvrages récents relatifs aux systèmes juridiques comparés : Michel Fromont, Grands systèmes de droit étrangers, Paris : Dalloz, 6e éd., 2009 ; Raymond Legeais, Grands systèmes de droit contemporains. Approche comparative, Paris : Litec, 2e éd., 2008 ; Gilles Cuniberti, Grands systèmes de droit contemporain, Paris : LGDJ, 2e éd., 2011.
  • [38]
    C’est bien sûr le choix fait par la France, dont les juges appartiennent soit à l’ordre administratif, soit à l’ordre judiciaire. Le Luxembourg a également fait ce choix et distribue les contentieux entre l’ordre judiciaire (avec des juridictions compétentes en matière civile, commerciale et pénale et d’autres compétentes en matière sociale) et l’ordre administratif. En Italie, le contentieux est séparé en deux ordres, mais différents : les juridictions ordinaires (compétentes en matière civile et pénale) et les juridictions spécialisées (notamment juridictions administrative, fiscale, comptable et militaire). Une même distinction est faite en Allemagne entre les juridictions ordinaires (compétentes en matière civile et pénale) et spécialisées (juridictions du travail, sociales, financières et administratives).
  • [39]
    En Espagne, par exemple, les juges sont répartis en quatre grandes matières : le contentieux civil, social, pénal ou administratif.
  • [40]
    On pense par exemple aux juridictions anglaises qui sont réparties entre les juridictions inférieures (en matière civile avec les tribunaux de comté et en matière pénale avec les juges de paix) et les juridictions supérieures (la Haute Cour, la Cour d’appel et la Cour suprême). Des juridictions spécialisées existent également (par exemple pour les litiges entre les citoyens et l’administration), mais elles sont subordonnées aux juridictions de droit commun. La répartition sera également différente dans les États fédéraux, où les compétences seront réparties entre juridictions fédérales et juridictions des États.
  • [41]
    Sans doute le modèle le plus répandu consiste à mettre en place trois degrés de juridiction. On pourra se référer au système particulier du Luxembourg dans lequel trois degrés de juridiction existent en matière judiciaire et seulement deux dans le contentieux administratif.
  • [42]
    Pour un exemple concret, cf. Josse Mertens de Wilmars, « L’efficacité des différentes techniques nationales de protection juridique contre les violations du droit communautaire par les autorités nationales et les particuliers », CDE, 1981, p. 381 et suiv.
  • [43]
    Selon l’expression d’Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op. cit., p. 77.
  • [44]
    Sur les premières résistances des hautes juridictions des États membres, cf. Giancarlo Olmi, « Les rapports entre droit communautaire et droit national dans les arrêts des juridictions supérieures des États membres », RMC, 1981, p. 178-191. Du même auteur, cf. aussi, « Les hautes juridictions nationales, juges du droit communautaire », dans Du droit international au droit de l’intégration. Liber Amicorum Pierre Pescatore, Baden-Baden : Nomos, 1987, p. 499-536.
  • [45]
    Voir l’attitude du Conseil d’État français dans l’affaire du 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule (Recueil Lebon, p. 149). Les juges italiens se sont également opposés à la primauté sur les règles internes postérieures. Cf. notamment les décisions de la Cour constitutionnelle du 7 mars 1964, Costa c/ ENEL, n° 14, Riv. internaz., 1964, p. 295 et suiv., ou du 27 décembre 1965, Acciaierie San Michele c/ Haute Autorité, Foro Italiano, 1964, p. 465 et suiv. (cf. à ce sujet Ami Barav, « Cour constitutionnelle italienne et droit communautaire », RTDE, 1985, p. 313).
  • [46]
    C’est la justification avancée par la Cour constitutionnelle italienne dans l’affaire Costa c/ ENEL, précitée.
  • [47]
    Cf. les critiques de l’attitude des juridictions nationales formulées par Astéris Pliakos, « La fonction communautaire/européenne du juge national mise en question », RMCUE, 545, 2011, p. 79-95 ou par Dominique Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », RTDE, 45 (4), 2009, p. 681-696. Au contraire, sur la remise en question de la prévalence, cf. notamment Jérôme Roux, « L’incidence de la construction européenne sur la norme constitutionnelle », in Bertrand Mathieu (dir.), Cinquantième anniversaire de la Constitution française, Paris : Dalloz, 2008, spéc. p. 700-701. Le débat est ancien, comme peut en témoigner le rapport d’information n° 2630 de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur les rapports entre le droit communautaire dérivé et les constitutions nationales déposé le 11 mars 1996 par Pierre Mazeaud.
  • [48]
    Les juges ordinaires acceptent de faire prévaloir les traités sur les lois conformément à l’article 55 de la Constitution, mais refusent encore aujourd’hui de faire de même pour la Constitution. Cf. en ce sens l’arrêt du Conseil d’État du 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique (Recueil Lebon, p. 624) et l’arrêt de la Cour de cassation, 2 juin 2000, Fraisse (Bull. Ass. Plén, 4, p. 7).
  • [49]
    Cf. par exemple l’arrêt du Conseil d’État grec, 25 septembre 1998, Katsarou, 3458/1998, Rec., 1998, p. 300.
  • [50]
    Sur le rôle du Conseil constitutionnel français, cf. notamment Anne Levade, « Le Conseil constitutionnel, régulateur des rapports de systèmes », in Bertrand Mathieu (dir.), Cinquantième anniversaire de la Constitution française, op. cit., p. 729-752.
  • [51]
    Cf. également la décision n° 2004-505 DC, du Conseil constitutionnel français, du 19 novembre 2004 et la déclaration du Tribunal constitutionnel espagnol, n° 1/2004, du 13 décembre 2004, relatives au traité établissant une Constitution pour l’Europe. Les deux juges constitutionnels présentent une lecture tout à fait « interne » de l’arrêt Costa c/ ENEL. Le juge français déclare que « le constituant a consacré l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne », tandis que le juge espagnol constate que « s’est trouvé intégré dans l’ordre juridique espagnol un système normatif autonome » du fait de l’adhésion de l’État aux Communautés. Les deux formules laissent supposer que c’est la volonté des États membres qui conditionne la place du droit communautaire. Cf. la critique formulée par Dominique Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », art. cité, p. 681.
  • [52]
    Cf. la décision n° 2007-560 DC du Conseil constitutionnel français, du 20 décembre 2007, Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ; cf. aussi les décisions n° Pl. US 19/08 et PL. US 29/09 de la Cour constitutionnelle tchèque, des 26 novembre 2008 et 3 novembre 2009 ; cf. enfin la décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, du 30 juin 2009, 2 BvE 2/08 ; 2 BvE 5/08, 2 BvR 1010/08, 2 BvR 1022/08, 2 BvR 1259/08, 2 BvR 189/99. Sur ces décisions, on renverra notamment à Hugues Dumont, « La traduction, ciment du “Pacte constitutionnel européen”. Une relecture du débat sur la primauté du droit européen par rapport aux Constitutions nationales », Revue belge de droit constitutionnel, 1, 2010, p. 15-54 (avec une postface sur l’arrêt Lisbonne de la Cour constitutionnelle allemande).
  • [53]
    Voir les paragraphes 150, 231, 235, 271, 298 et 334 de la décision 2 BvE 2/08, les paragraphes 206 et 146 de la décision Pl. US 19/08 et le paragraphe 55 de la décision Pl. US 29/09. Sur la « renationalisation » de la fonction communautaire du juge national, voir Astéris Pliakos, « La fonction communautaire/européenne du juge national mise en question », art. cité, p. 86 et suiv. Sur la tendance générale du « retour des États » dans le traité de Lisbonne, cf. Anne Rigaux, « Derrière les rideaux de fumée du traité de Lisbonne : le “retour des États” ? », dans La France, l’Europe et le monde. Mélanges en l’honneur de Jean Charpentier, Paris : Pedone, 2008, p. 447-465.
  • [54]
    Le Conseil constitutionnel a contrôlé les lois de transposition des directives jusqu’à sa décision n° 2004-496 DC, du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique (cf. infra). Le Conseil a même partiellement censuré une loi transposant une directive : voir la décision n° 94-348 DC, du 3 août 1994, Loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés.
  • [55]
    Pierre Pescatore, « L’application directe des traités européens par les juridictions nationales : la jurisprudence nationale », RTDE, 1969, p. 722.
  • [56]
    Cf. par exemple l’attitude de la Cour fédérale financière allemande qui a refusé l’effet direct des directives : voir les ordonnances du 16 juillet 1981, RTDE, 1981, p. 779. Cf. dans le même sens les arrêts du Conseil d’État (5 mai 1980, Société Helen Curtis et Unipro c/ Ministre de la santé, n° 4686) et de la Cour de cassation en Italie (7 octobre 1981, Ministre des finances c/ société Cartiere Timavo, n° 5266).
  • [57]
    Au nombre desquels figurent à l’origine seulement les Pays-Bas et le Luxembourg. Dans la Constitution luxembourgeoise, on trouve deux dispositions qui permettent de garantir l’effet direct des normes communautaires depuis l’entrée en vigueur du traité de Rome (voir spéc. l’article 49 bis). Quant aux Pays-Bas, cf. l’arrêt du College van Beroep voor het Bedrijfsleven, du 10 juillet 1963, in Eversen et Sperl, 1964, n° 1516, rendu juste après l’arrêt Van Gend en Loos, qui reconnaît l’effet direct de l’article 12 du traité CEE et l’inapplicabilité d’une disposition fiscale qui est incompatible.
  • [58]
    Dans certains États, l’effet direct est lié à la primauté des normes. Cf. notamment en Allemagne (Bundesfinanzhof, 10 juillet 1968, Neumann, in Eversen et Sperl, 1968, n° 3080-3085), ou en Belgique (Conseil d’État, 7 octobre 1968, Corveleyn, CDE, 1969, p. 350).
  • [59]
    Ce refus est symbolisé par l’arrêt du Conseil d’État du 22 décembre 1978, Ministre de l’intérieur c/ Cohn Bendit, Recueil Lebon, p. 524. C’est l’invocabilité de la directive à l’encontre d’un acte administratif individuel, en l’absence de mesures règlementaires de transposition, qui a été refusée par le juge. Cette position a tardivement évolué (cf. infra, note 123).
  • [60]
    L’effet direct des directives a été affirmé une première fois dans l’arrêt CJCE, 17 décembre 1970, Société SACE, aff. 33/70, Rec., 1970, p. 1213, puis confirmé par l’arrêt CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74, Rec., 1974, p. 1337.
  • [61]
    Selon l’expression du commissaire du gouvernement Bruno Genevois, qui n’a pas été suivi par la juridiction suprême, dans ses conclusions sous l’affaire Cohn Bendit.
  • [62]
    Cf. en ce sens Guy Canivet, « Le droit communautaire et l’office du juge national », Droit et Société, 20-21, 1992, p. 150. Cf. également Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., notamment p. 121.
  • [63]
    Cf. en ce sens les conclusions du commissaire du gouvernement Nicole Questiaux dans l’affaire Syndicat général des fabricants de semoule, paru dans RTDE, 4, 1968, p. 394 : « Certes, selon l’article 55 de la Constitution, tout traité régulièrement ratifié a, dès sa publication, une autorité supérieure à celle des lois. […] Mais le juge administratif ne peut faire l’effort qui lui est demandé sans modifier, de sa seule volonté, sa place dans les institutions. Il ne peut ni censurer ni méconnaître une loi. […] Mais la Constitution […] n’a pas jugé bon de définir d’une nouvelle manière les pouvoirs du juge ; la mission de celui-ci reste celle, subordonnée, d’appliquer la loi ». Cf. aussi l’analyse de Pierre Pescatore, « Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l’Europe », Revue internationale de droit comparé (RIDC), 1974, p. 16-18. Cf. enfin la décision de la Cour constitutionnelle italienne du 22 octobre 1975, n° 232, Société Industrie Chimiche Italia Centrale, RTDE, 1976, p. 396 : « Il ne semble pas possible non plus d’envisager l’inapplicabilité en tant qu’elle résulterait d’un choix que le juge italien serait parfois autorisé à faire entre la règle communautaire et la règle interne après en avoir pesé la valeur respective. Dans cette hypothèse, il faudrait reconnaître au juge italien […le pouvoir] de déterminer la seule règle applicable validement, ce qui équivaudrait à admettre qu’il aurait […] le pouvoir d’établir et de déclarer l’incompétence absolue de notre législateur, pouvoir qui ne lui est certainement pas attribué dans le cadre de l’ordre juridique ».
  • [64]
    Jean-Yves Chérot, « Le droit dans un ordre juridique faiblement ordonné. Le cas de l’Union européenne », dans Le dialogue des juges. Mélanges en l’honneur du Président Bruno Genevois, Paris : Dalloz, 2009, p. 178. Cf. également Denis Alland, « Consécration d’un paradoxe : primauté interne sur le droit international », Revue française de droit administratif (RFDA), 6, 1998, p. 1101 : « Toute l’ingéniosité du monde ne permettrait pas de trouver le moyen pour une Constitution ou un de ses organes de placer le droit international au-dessus d’elle-même. D’où leur viendrait la puissance de lévitation permettant de hisser la valeur de quelque norme que ce soit hors de leur propre portée ? ».
  • [65]
    Pierre Pescatore, « Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l’Europe », art. cité, p. 723.
  • [66]
    L’intervention de la Cour de justice sera envisagée dans une approche délibérément juridique. Une étude pourrait être également menée sous l’angle de la sociologie politique du juge, et on renverrait à ce titre aux travaux d’Andrew W. Green, Political Integration by Jurisprudence, Leyden : Sijthoff, 1969, ou à la thèse de Jean-Pierre Colin, Le gouvernement des juges dans les Communautés européennes, Paris : LGDJ, 1966. Pour des analyses plus récentes, cf. Pascal Mbongo et Antoine Vauchez (dir.), Dans la fabrique du droit européen, Bruxelles : Bruylant, coll. « Colloques », 2009.
  • [67]
    Pour une formulation explicite de cette exigence, voir notamment les conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Verholen, aff. jtes C- C-87/90, C-88/90 et C-89/90, Rec., p. I-3757, pt 19 : « La primauté du droit communautaire ne saurait être laissée à l’appréciation des juges nationaux, au risque d’entamer sérieusement le caractère uniforme de l’application de ce droit ». Voir également les développements d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 77-99.
  • [68]
    Cf. supra, partie I.2.
  • [69]
    Selon l’expression de Denys Simon, « Les exigences de la primauté du droit communautaire : continuité ou métamorphose ? », art. cité, p. 484.
  • [70]
    Ce paradoxe est également relevé par Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 37.
  • [71]
    Cf. en ce sens CJCE, 1er décembre 1965, Schwarze, aff. 16/65, Rec., 1965, p. 1081.
  • [72]
    CJCE, 1er décembre 1965, Schwarze, aff. 16/65, Rec., 1965, p. 1081. Sur le « rôle unificateur » et l’importance du renvoi, voir Pierre Pescatore, « Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l’Europe », art. cité, p. 723.
  • [73]
    Les arrêts rendus par la Cour de justice s’imposent au juge national de renvoi au titre de « l’autorité de la chose jugée » ainsi qu’aux autres juridictions au titre de « l’autorité de la chose interprétée ». Cf. notamment CJCE, 3 février 1977, Benedetti, aff. 52/76, Rec., 1977, p. 163. Sur l’autorité des arrêts, cf. la synthèse de Caroline Naômé, Le renvoi préjudiciel en droit européen. Guide pratique, Bruxelles : Larcier, 2010, p. 274-295 ou de Jacques Pertek, La pratique du renvoi préjudiciel en droit communautaire, Paris : Litec, 2001, p. 155-169.
  • [74]
    En vertu de l’article 177 du traité CEE, devenu ensuite l’article 234 du traité CE et enfin l’article 267 du traité FUE.
  • [75]
    Cette procédure est prévue par l’article 169 du traité CEE originaire, devenu ensuite article 226 du traité CE, et enfin article 258 du traité FUE.
  • [76]
    Cf. CJCE, 5 mai 1970, Commission c/ Belgique, aff. 77/69, Rec., 1970, p. 237, pt 15. Cf. également CJCE, 18 novembre 1970, Commission c/ Italie, aff. 8/70, Rec., p. 961, pt 9.
  • [77]
    Cf. CJCE, 9 décembre 2003, Commission c/ Italie, aff. C-129/00, Rec., p. I-4637 (Europe, 2004, chron. 4, obs. Denys Simon). Cette reconnaissance, indirecte, intervient tardivement par rapport aux invitations répétées des avocats généraux. Cf. par exemple les conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire Meyer Buckhard, aff. 9/75, Rec., 1975, spéc. p. 1187. Du même avocat, voir également les conclusions dans l’affaire Bouchereau, aff. 30/77, Rec., 1977, spéc. p. 2020.
  • [78]
    Cf. Joël Rideau, « Le contentieux de l’application du droit communautaire par les pouvoirs publics nationaux », Recueil Dalloz, 1974, chronique, p. 149, selon lequel ce recours constitue une « arme de dissuasion » aux mains du juge.
  • [79]
    C’est une éventualité d’autant plus envisageable que la Cour de justice a reconnu la responsabilité d’un État membre en raison du refus d’une juridiction supérieure de poser une question préjudicielle en dépit de son obligation de le faire : cf. en ce sens CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, aff. C-224/01, Rec., p. I-10239, confirmé par CJCE, 13 juin 2006 Traghetti del Mediterraneo, aff. C-173/03, Rec., p. I-5177. La doctrine soulève, elle, la possibilité d’un manquement dans cette hypothèse. Cf. notamment Denys Simon, « Recours en manquement », Jurisclasseur Europe, fascicule 380, 2010, pt 31.
  • [80]
    Sur ce point, cf. la synthèse de Denys Simon, « La subsidiarité juridictionnelle : notion-gadget ou concept opératoire ? », art. cité, p. 89-91. Cf. également Ami Barav, « La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire », art. cité, p. 3-20.
  • [81]
    CJCE, 4 avril 1968, Lück, précité, p. 370.
  • [82]
    CJCE, 13 juillet 1972, Commission c/ Italie, aff. 48/71, Rec., 1972, p. 529, pt 7.
  • [83]
    Le juge interne ne peut pas se prévaloir de l’impossibilité d’éliminer une norme législative. De même, est censurée l’attitude du juge constitutionnel italien qui, tout en reconnaissant la primauté du droit communautaire, a persisté pendant longtemps à exiger une déclaration d’inconstitutionnalité pour qu’une loi interne contraire puisse être considérée comme invalide. Cf. par exemple les décisions de la Cour constitutionnelle du 22 octobre 1975, Industrie Chimiche Italia Centrale, ou du 29 octobre 1977, Unil-It, précitées.
  • [84]
    CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77, Rec., 1978, p. 629. La doctrine a souligné la « sévérité du langage employé et l’extrémisme de la solution consacrée » (cf. Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op. cit., p. 69), mais a globalement approuvé le choix de la Cour de justice. Cf. notamment Dominique Carreau, « Droit communautaire et droits nationaux : concurrence ou primauté ? », RTDE, 1978, spéc. p. 390 ; Léon Goffin, « De la prééminence absolue du droit communautaire européen sur le droit national des États membres », Journal des tribunaux (JT), 1978, spéc. p. 393 ; Jean Boulouis, note, AJDA, 1978, p. 326.
  • [85]
    CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz, aff. 33/76, Rec., 1976, p. 1989, pt 11 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet, aff. 45/76, Rec., 1976, p. 2043, pt 13.
  • [86]
    CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci c/ Italie, aff. jtes C-6/90 et C-9/90, Rec., p. I-5337. Pour une application récente des règles posées, cf. CJUE, 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales SAL, aff. C-118/08.
  • [87]
    CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame, aff. jtes C-46/93 et C-48/93, Rec., p. I-1029.
  • [88]
    CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, précité.
  • [89]
    Cf. en ce sens les conclusions de Luc Derepas sur Conseil d’État, Assemblée, 8 février 2007, Gardedieu, RFDA, 2, 2007, p. 361.
  • [90]
    Cf. en ce sens Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 285 et suiv. Cf. également Guy Isaac, « Primauté du droit communautaire », Répertoire de droit communautaire Dalloz, p. 9.
  • [91]
    Selon l’expression d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 286.
  • [92]
    Ce droit consiste essentiellement à avoir accès au juge national pour lui demander la protection des droits tirés du droit communautaire. Cf. CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff. 222/84, Rec., 1986, p. 1651, pt 17. Plus récemment, cf. CJCE, 13 mars 2007, Unibet, aff. C-432/05, Rec., p. I-2271 (Europe, 2007, comm. 128, obs. Denys Simon).
  • [93]
    Ce droit implique d’interdire que ne soit exigé le versement d’un dépôt de garantie par les seuls ressortissants étrangers. Cf. CJCE, 1er juillet 1993, Hubbard, aff. C-20/92, Rec., p. I-3777, pts 9 et suiv. et CJCE, 26 septembre 1996, Data Delecta, aff. C-43/95, Rec., p. I-4661, pt 13.
  • [94]
    La Cour de justice va ainsi contraindre les États qui ne disposaient pas de ce mécanisme à le mettre en place lorsque le droit communautaire est en jeu : cf. CJCE, 19 juin 1990, Factortame, aff. 213/89, Rec., p. I-2433, pts 21 et suiv. et CJCE, 21 février 1991, Zuckerfabrick, aff. jtes C-143/88 et C-92/89, Rec., p. I-415, pts 20 et suiv.
  • [95]
    CJCE, 11 juillet 1991, Verholen, aff. jtes C-87/90 à C-89/90, Rec., p. I-3757, pt 16.
  • [96]
    CJCE, 14 décembre 1995, Peterbroeck, aff. C-312/93, Rec., p. I-4599, pt 21. Cf. aussi CJCE, 14 décembre 1995, Van Schijndel, aff. jtes C-430/93 et C-431/93, Rec., p. I-4705, pt 19. Cf. notamment les remarques de Frédéric Train, « Le renvoi préjudiciel et la subsidiarité », dans L’Europe et le droit. Mélanges en l’honneur de Jean Boulouis, op. cit., p. 104-107.
  • [97]
    CJCE, 7 juin 2007, Van der Weerd, aff. jtes 222/05 à 225/05, Rec., p. I-4233, pt 16 (Europe, 2007, comm. 199, obs. Denys Simon) et CJCE, 25 novembre 2008, Heemskerk, aff. C455/06, Rec., p. I-8763, pt 46 (Europe, 2009, comm. 6, obs. Anne Rigaux).
  • [98]
    Cf. notamment CJCE, 12 février 2008, Willy Kempter KG, aff. C-2/06, Rec., p. I-411 (Europe, 2008, comm. 107, obs. Denys Simon) ; CJCE, 18 juillet 2007, Lucchini, aff. C-119/05, Rec., p. I-6199 (Europe, 2007, comm. 235, obs. Denys Simon) ; CJCE, 16 mars 2006, Kapferer, aff. C-234/04, Rec., p. I-2585 (Europe, 2006, comm. 234, obs. Laurence Idot) ; CJCE, 13 janvier 2004, Kühne et Heitz, aff. C-453/00, Rec., p. I-837 (Europe, 2004, comm. 66, obs. Denys Simon).
  • [99]
    CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz, précité, pt 6 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet, précité, pt 13.
  • [100]
    CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz, précité, pt 5, alinéa 6 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet, précité, pt 16.
  • [101]
    Pour une étude plus poussée, cf. Pascal Girerd, « Les principes d’équivalence et d’effectivité : encadrement ou désencadrement de l’autonomie procédurale des États membres ? », RTDE, 2002, p. 75-102. Pour une utilisation récente, cf. CJUE, 8 juillet 2010, Bulicke, aff. C-246/09 (Europe, 2010, comm. 885, obs. Laetitia Driguez).
  • [102]
    Cf. en ce sens Pascal Gilliaux, « L’arrêt Unión de Pequeños Agricultores : entre subsidiarité juridictionnelle et effectivité », art. cité, p. 191 et suiv.
  • [103]
    Cf. dans le même sens Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 29. Il décrit la politique jurisprudentielle de la Cour de justice comme une alternance de phase active, caractérisée par le respect de la marge d’appréciation des juridictions nationales, et de phase passive qui permet de surveiller les actions étatiques.
  • [104]
    Cf. Denys Simon, Le système juridique communautaire, Paris : PUF, 3e éd., 2001, notamment p. 232 et 239. Du même auteur, cf. aussi « Étendue de la protection juridictionnelle », Lamy procédures communautaires, 2005, étude 220.
  • [105]
    Cf. en particulier les critiques de la position du juge communautaire concernant le relevé d’office, considérée comme trop respectueuse de l’autonomie des juges internes : cf. en ce sens A. Rigaux et D. Simon qui déplorent la « renationalisation de l’office du juge interne » (Anne Rigaux et Denys Simon « L’obligation pour le juge judiciaire d’appliquer d’office le droit communautaire au regard des arrêts Van Schindel et Peterbroeck », Europe, avril 1996, chronique 4). Cf. également Safia Cazet, « Retour sur le relevé d’office des moyens tirés du droit communautaire : bilan au lendemain de l’arrêt Heemskerk », Europe, 2009, p. 4-8, ainsi que les conclusions de l’avocat général Bot présentées le 6 mai 2008 dans l’affaire Heemskerk, aff. C-455/06, Rec., p. I-8763, pt 128. L’émergence d’une « culture de l’autonomie procédurale » est évoquée concernant les conditions de responsabilité de l’État pour violation du droit communautaire (à propos de CJCE, du 24 mars 2009, Danske Slagterier c/ Allemagne, aff. C-445/06, Rec., p. I-2119 : Europe, 2009, étude n° 5, obs. Denys Simon et Anne Rigaux).
  • [106]
    Cf. notamment Ami Barav, « La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire », art. cité, p. 20. Pour un bilan positif de l’attitude récente du juge administratif français, cf. Denys Simon, « Impact croissant du droit sur le contentieux administratif », Europe, 2005, alerte 42, et Bruno Genevois, « L’application du droit communautaire par le Conseil d’État », RFDA, 2, 2009, p. 201.
  • [107]
    Selon la formule célèbre de Pierre Pescatore, L’ordre juridique des Communautés européennes, Liège : Presses universitaires de Liège, 1975, p. 227.
  • [108]
    Il est même des États qui ont reconnu la primauté des règles communautaires sur les normes postérieures sans même y avoir été invités par la Cour : cf. par exemple l’arrêt du Tribunal de Luxembourg, 29 mai 1963, in Eversen et Sperl, 1963, n° 1245, ou encore l’ancien article 66 de la Constitution des Pays-Bas (devenu article 94). Cf. également l’arrêt de la Cour de cassation néerlandaise, du 18 mai 1962, Bosch, BMB 1965, p. 1850. Pour l’Italie, il a fallu en revanche attendre la décision de la Cour constitutionnelle italienne, 8 juin 1984, n° 170, SA Granital c/ Administration des finances, Giurisprudenza costituzionale, 1984, I, p. 1098. Les juges ordinaires ont également admis cette suprématie sur les normes postérieures : cf. notamment Tribunal de Turin, 12 juillet 1973, Divella, CMLR, 1975, p. 438, Tribunal de Milan, 4 avril 1974, Kraft, Diritto communitario e degli scambi internazionali, 1975, p. 445 ; Tribunal de Milan, 6 mars 1975, Vismara, CDE, 1977, p. 291. Pour l’Allemagne, cf. notamment Cour constitutionnelle allemande, 9 juin 1971, cité dans Christian Philip (dir.), Textes institutifs des Communautés européennes, Paris : PUF, 3e éd., 1993, p. 51. Pour la France, cf. l’arrêt de la Cour de cassation du 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabres, Recueil Dalloz, 1975, p. 497 et l’arrêt du Conseil d’État du 20 octobre 1989, Nicolo, Recueil Lebon, p. 190. Pour la Belgique, cf. l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 1971, Le Ski, JT, 1971, p. 460.
  • [109]
    L’exemple français est frappant puisque la Cour de cassation a reconnu la primauté sur les normes antérieures et postérieures dès 1975 (affaire Jacques Vabres, précitée) tandis que le Conseil d’État ne s’y est plié qu’en 1989 (affaire Nicolo, précitée). En Italie, on trouve le même type de discordances entre les juges : alors que la Cour constitutionnelle a attendu 1984 pour se conformer aux directives de la Cour de justice (décision du 8 juin 1984, Granital, précitée), les juges ordinaires ont été plus prompts à s’acquitter de leurs nouvelles obligations (voir les arrêts du Tribunal de Milan du 4 avril 1974 et du 6 mars 1975, précités).
  • [110]
    Cf. en France les arrêts SNIP du Conseil d’État et Fraisse de la Cour de cassation et en Grèce l’arrêt Katsarou du Conseil d’État, précités.
  • [111]
    Cf. notamment la décision de la Cour d’arbitrage belge, n° 12/94, du 3 février 1994, École européenne c/ Hermans Jacobs, Rec., 1994, p. 155. Plus récemment, cf. la position de la Cour constitutionnelle allemande dans sa décision du 30 juin 2009, précitée, paragraphe 331.
  • [112]
    Le contrôle de constitutionnalité des lois de transposition a été opéré par le Conseil constitutionnel jusqu’à sa décision n° 2004-496 DC, du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, spéc. le considérant n° 7. Cf. également la décision n° 2004-497 DC, du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, la décision n° 2004-498 DC, du 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique ou encore la décision n° 2006-540 DC, du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. Un contrôle sera toujours admis si la loi de transposition révèle une certaine marge de manœuvre de l’État, c’est-à-dire si elle n’est pas une transposition pure et simple de la directive. Dans le cas contraire, le Conseil ne fera plus de contrôle de constitutionnalité, sauf si la loi contrevient à une disposition expresse de la Constitution ou à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, ce qui en pratique sera probablement rare.
  • [113]
    Conseil d’État, 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine ea, Recueil Lebon, p. 55.
  • [114]
    Cf. les remarques de Denys Simon, « La jurisprudence récente du Conseil d’État : le grand ralliement à l’Europe des juges ? », Europe, 2007, repère n° 3, pts 16-18.
  • [115]
    Cf. les prémices de ce contrôle du juge constitutionnel dans la décision n° 2006-535 DC, du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, puis la confirmation par la décision n° 2006-543, DC, du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie. Ce contrôle est tout de même limité : il ne faut pas que la directive puisse permettre de méconnaître un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, et il faut que l’incompatibilité de la loi à la directive soit évidente. Cela pose la question de l’intégration par le Conseil constitutionnel du droit de l’Union dans le bloc de constitutionnalité, et relance donc le débat amorcé dans sa décision IVG du 15 janvier 1975. Pour le Conseil d’État, cf. l’arrêt du 10 avril 2008, Conseil national des Barreaux ea et Conseil des Barreaux européens, Recueil Lebon, p. 128.
  • [116]
    Cette référence à l’obligation constitutionnelle apparaît dans la décision du 10 juin 2004, précitée. Elle a ensuite été utilisée par le Conseil d’État dans les arrêts Arcelor et Conseil national des Barreaux, précités.
  • [117]
    Voir la jurisprudence dite « Solange » : tant que la Communauté ne protège pas les droits fondamentaux à un niveau équivalent à celui garanti par la loi fondamentale, le juge constitutionnel se réserve le droit de contrôler le droit dérivé à l’aune de sa norme suprême : cf. les décisions du 29 mai 1974, « Solange I », du 22 octobre 1986, « Solange II » et du 7 juin 2000, « Solange III ».
  • [118]
    Cf. la décision de la Cour constitutionnelle du 13 avril 1989, Société Fragd, Revue universelle des droits de l’homme (RUDH), 1989, p. 258, concernant une loi de transposition. Plus tard, elle acceptera même de vérifier a priori la constitutionnalité d’actes nationaux qui ne transposent pas des normes de droit dérivé, en cas de violation présumée du droit communautaire : cf. la décision du 10 novembre 1994, n° 384, Président du Conseil des ministres c/ Région d’Ombrie, Il Foro italiano, 1994, p. 3289.
  • [119]
    Déclaration du Tribunal constitutionnel espagnol, n° 1/2004, du 13 décembre 2004, précitée. Le juge procède de manière tout à fait similaire, n’envisageant en principe pas de contrôle de constitutionnalité, mais se réservant exceptionnellement une compétence en cas de mise en cause du « respect de la souveraineté de l’État, de nos structures constitutionnelles de base et du système de valeurs et de principes fondamentaux consacrés dans [la] Constitution ».
  • [120]
    Finalement, les juges constitutionnels acceptent de renoncer à leur contrôle si une protection équivalente est assurée au niveau de l’Union européenne. Leur attitude doit être différenciée de celle des juges français car ces derniers instaurent une réserve de constitutionnalité et feront un contrôle dans chaque espèce : cf. la comparaison entre les deux mouvements de Denys Simon, « L’autonomisation du contrôle d’euro-compatibilité : une rupture épistémologique dans les rapports de systèmes ? », dans La France, l’Europe et le monde. Mélanges en l’honneur de Jean Charpentier, op. cit., p. 512-513.
  • [121]
    On peut ainsi prendre pour exemples les juges espagnols qui peu de temps après l’adhésion se sont référés à l’effet direct du droit communautaire pour les citoyens : cf. notamment les déclarations du Tribunal constitutionnel du 14 février 1991, Élections au Parlement européen, n° 28/1991 et du 22 mars 1991, Apesco, n° 64/1991. De même, en Belgique, le Conseil d’État a reconnu l’effet direct des directives avant que la Cour de justice ne se prononce sur le sujet : Conseil d’État, 7 octobre 1968, Corveylen c/ Belgique, CDE, 1968, p. 550. L’effet direct des règlements n’a pas posé de problèmes non plus : Cour de cassation, 8 juin 1967, JT, 1967, p. 458. La Cour fédérale allemande, après quelques hésitations, a reconnu l’effet direct des directives : décision du 8 avril 1987, Kloppenburg c/ Bundesfinanzhof, BVerfGE 75, p. 223. Enfin on peut mentionner l’Italie où l’effet direct a fini par être reconnu aux directives : Cour constitutionnelle, 18 avril 1991, n° 168, Industria Dolciaria Giampaloli, Rivista di diritto internazionale, 1991, p. 108.
  • [122]
    Pour une synthèse, cf. notamment Louis Dubouis, « Bref retour sur la longue marche du Conseil d’État en terres internationales et européennes », dans Renouveau du droit constitutionnel. Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Paris : Dalloz, 2007, p. 391-402.
  • [123]
    Conseil d’État, 30 octobre 2009, Mme Perreux, Recueil Lebon, p. 407.
  • [124]
    Conseil d’État, 30 octobre 1996, Cabinet Revert et Badelon, Recueil Lebon, p. 397.
  • [125]
    Conseil d’État, 22 décembre 1989, Ministre du Budget c/ Cercle militaire mixte de la Caserne Mortier, Recueil Lebon, p. 260.
  • [126]
    Conseil d’État, 28 février 1992, Société Arizona Tobacco Products et S.A. Philip Morris France, Recueil Lebon, p. 78.
  • [127]
    Conseil d’État, 10 janvier 2001, France nature environnement, Recueil Lebon, p. 9.
  • [128]
    Denys Simon, Le système juridique communautaire, op. cit., p. 252 et p. 256.
  • [129]
    Ainsi, les juges internes ont pu faire obstacle à ce mécanisme de renvoi, même dans les hypothèses où ils y étaient contraints. En France, par exemple, les juridictions ont contourné l’obligation grâce à la théorie de « l’acte clair » : cf. l’utilisation de cette théorie par la Cour de cassation (arrêt du 5 janvier 1967, Lapeyre, Bull. crim., 1967, p. 16) et le Conseil d’État (arrêt du 19 juin 1964, Société des pétroles Shell-Berre, Recueil Lebon, p. 344). La Cour de justice a pris position pour tenter d’endiguer cette pratique en imposant certaines conditions pour pouvoir y recourir. Cf. CJCE, 6 octobre 1982, CILFIT, aff. 283/81, Rec., 1982, p. 3417, pt 16 : « l’application correcte du droit communautaire peut s’imposer avec une évidence telle qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre la question posée. Avant de conclure à l’existence d’une telle situation, la juridiction nationale doit être convaincue que la même évidence s’imposerait également aux juridictions des autres États membres et à la Cour de justice ».
  • [130]
    On peut excepter certains États membres dont les juridictions ont joué le jeu des questions préjudicielles très rapidement. L’exemple le plus évident est celui des juridictions italiennes qui ont posé des questions ayant donné lieu à des arrêts fondateurs, parmi lesquels Costa c/ ENEL, Simmenthal, Francovich, précités.
  • [131]
    Selon l’expression, désormais célèbre, du commissaire du gouvernement Bruno Genevois dans ses conclusions dans l’affaire Cohn Bendit (Recueil Dalloz, 1979, p. 161). On renverra aussi à François Lichère, Arnaud Raynouard et Laurence Potvin-Solis (dir.), Le dialogue entre les juges européens et nationaux : incantation ou réalité ?, Bruxelles : Bruylant, coll. « Droit et justice », 2004.
  • [132]
    Pour se faire une idée plus précise, on peut consulter les statistiques publiées par la Cour de justice sur son site internet chaque année. Pour un bilan positif, cf. également l’entretien avec Vassilios Skouris, publié dans Europe, avril 2007, p. 4-6.
  • [133]
    Le Tribunal constitutionnel portugais a également rapidement reconnu la possibilité de faire ce renvoi : décision n° 163/90, 23 mai 1990, Diaro da Republica, 1ère série, 240, 18 octobre 1990. La Cour constitutionnelle allemande envisage depuis très peu de temps d’y recourir : voir la décision du 2 mars 2010, 1 BvR 256/08, 1 BvR 263/08, 1 BvR 586/08. La première question préjudicielle émanant d’un juge constitutionnel a été posée par la Cour d’arbitrage belge (décision du 19 février 1997 et réponse de la CJCE du 16 juillet 1998, Fédération des chambres syndicales de médecins, aff. C-93/97, Rec., p. I-4837), suivie de la Cour constitutionnelle autrichienne (ordonnance du 10 mars 1999 et réponse de la CJCE du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline GmbH, aff. C-143/99, Rec., p. 8365), et enfin de la Cour constitutionnelle italienne (décision du 13 février 2008, n° 103).
  • [134]
    Cf. par exemple l’arrêt du Conseil d’État français du 11 décembre 2006, Société De Groot En Slot Allium B.V. et Société Bejo Zaden B.V., Recueil Lebon, p. 512. Le juge accepte d’appliquer l’intégralité de la réponse même si les réponses de la Cour de justice dépassent le champ de la question posée.
  • [135]
    Cf. la décision du Tribunal constitutionnel espagnol, du 19 avril 2004, n° 58/2004, qui a annulé un arrêt d’un juge ordinaire qui avait violé son obligation de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice.
  • [136]
    Cf. notamment CJCE, ord., 9 août 1994, La pyramide, aff. C-378/93, Rec., p. I-3999 et les observations d’Anne Rigaux à ce sujet, Europe, 1994, comm. 354. L’auteur évoque la « doctrine de l’irrecevabilité préjudicielle » adoptée par la Cour.
  • [137]
    Cf. la décision du Tribunal constitutionnel espagnol, du 19 avril 2004, précitée : selon lui, le renvoi préjudiciel est « un instrument de plus au service des juges et des Tribunaux pour l’épuration de l’ordre juridique ».
  • [138]
    Selon l’expression du commissaire du gouvernement Mattias Guyomar dans les conclusions de l’affaire Arcelor, précitées. Cf. aussi Dominique Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », art. cité, p. 695, qui observe la « pacification des relations entre les ordres juridiques ».
  • [139]
    Cf. l’arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2010, Melki et Abdeli, pourvoi n° 10-40.002, l’arrêt du Conseil d’État du 14 mai 2010, Rujovic, requête n° 312305 et la décision du Conseil constitutionnel DC n° 2010-605, du 12 mai 2010, Jeux d’argent et de hasard en ligne.
  • [140]
    On ne peut en donner qu’un aperçu tant le débat a déchaîné les esprits : cf. par exemple Laurence Burgorgue-Larsen, « Question préjudicielle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité. État des lieux de leurs relations (éventuellement dangereuses) dans le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 61 §1 de la Constitution », RFDA, 4, 2009, p. 787 ; Denys Simon, « Le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution : un risque d’incompatibilité avec le droit communautaire ? », Europe, 2009, repère n° 5 ; Philippe Manin, « La question prioritaire de constitutionnalité et le droit de l’Union européenne », AJDA, 2010, p. 1022 ; Paul Cassia et Emmanuelle Saulnier Cassia, « La QPC peut-elle être “prioritaire” ? », Recueil Dalloz, 26, 2010, p. 1636.
  • [141]
    CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. jtes C-188/10 et C-189/10.
  • [142]
    Marie Gautier, « QPC et droit communautaire. Retour sur une tragédie en cinq actes », Droit administratif, 10, 2010, p. 13 ; Pascale Deumier, « QPC : la question fondamentale du pouvoir d’interprétation », Revue trimestrielle de droit civil (RTDCiv), 3, 2010, p. 499 ; Matthieu Houser, « Question prioritaire de constitutionnalité et renvoi préjudiciel : la Cour de justice s’en mêle… sagement », LPA, 191, 2010, p. 5 ; Denys Simon et Anne Rigaux, « Solange, le mot magique du dialogue des juges… », Europe, 2010, repère n° 7.
  • [143]
    C’est la position qu’elle adopte dans son avis relatif à la création d’une juridiction du brevet européen et du brevet communautaire, avis 1/09 rendu le 8 mars 2011, précité, spécialement pt 69.
  • [144]
    Robert Lecourt, L’Europe des juges, op. cit.
  • [145]
    Cf. en ce sens les propos de Denys Simon, « La jurisprudence récente du Conseil d’État : le grand ralliement à l’Europe des juges ? », art. cité, p. 5.
  • [146]
    Pour des acceptations précoces, cf. notamment Cour suprême danoise, 27 septembre 1972, Grønborg, Common Market Law Report (CMLR), 1972, XI, p. 879 ; Cour d’appel d’Angleterre, 10 mai 1971, Blackburn c/ Attorney General, CMLR, 1971, X, p. 784 ; Scotland Court of Session, 7 mars 1975, Gibson c/ Lord Advocate, CMLR, 1975, XV, p. 563.
  • [147]
    Voir notamment les arrêts Van Gend en Loos et Costa c/ ENEL, précités. Les juridictions qui ont exprimé les plus grandes difficultés sont celles des États membres fondateurs ou des États ayant adhéré à la Communauté européenne rapidement. Quant aux autres États, ils ont été contraints de respecter l’acquis communautaire lors de leur adhésion et leur participation au processus d’intégration déjà amorcé leur a permis de se montrer plus conciliants.
  • [148]
    Hugues Dumont, « La traduction, ciment du “Pacte constitutionnel européen” », art. cité, p. 17-18. Ce processus consisterait pour le droit national à traduire la primauté du droit de l’Union en ajustant sa portée aux exigences constitutionnelles internes et pour le droit de l’Union à traduire à son tour la primauté des Constitutions nationales en ajustant sa portée à ses propres exigences. Tout serait donc une question d’« ajustement mutuel » (p. 24).
  • [149]
    Selon l’expression de Pierre Mazeaud, utilisée lors des échanges de vœux à l’Élysée le 3 janvier 2005, texte consultable sur le site internet du Conseil constitutionnel.

Introduction

1En 1976, le président Robert Lecourt déclarait que « tout juge national est aussi juge communautaire » [1]. Dès l’institution de la Communauté européenne, le juge national a été investi du rôle primordial de garantie de l’application des règles communautaires et du contrôle de leur respect. La mission qui lui est confiée s’exerce au sein de l’ordre juridique national, car il va veiller à la bonne application des règles par les autorités nationales. La juridiction communautaire n’a pas été chargée de ce contrôle, tout du moins pas de manière principale. C’est donc une « subsidiarité juridictionnelle », caractérisée par une compétence de principe au profit du juge interne et une compétence subsidiaire du juge de la Communauté, qui a été instituée [2]. Cette subsidiarité juridictionnelle n’est d’ailleurs pas l’apanage du système mis en place par l’Union européenne [3].

2Le choix de recourir en priorité aux autorités juridictionnelles nationales n’est pas fortuit, la construction de la Communauté européenne étant marquée par un phénomène de « décentralisation ». L’exécution du droit de l’Union est ainsi largement décentralisée, à tel point qu’elle est qualifiée d’« exécution indirecte ». Le contrôle de la mise en œuvre des règles édictées par la Communauté est donc lui aussi marqué par une forme de décentralisation. Le contrôle « décentralisé » par les juridictions internes [4] s’inscrit donc parfaitement dans la logique des rapports entre les ordres juridiques national et communautaire. Contrairement au « principe de subsidiarité », qui n’a été consacré qu’au fil de la construction communautaire, le « principe de subsidiarité juridictionnelle » est inhérent au système mis en place par les traités institutifs, et ce malgré l’absence de consécration textuelle.

3Pourtant, aussi nécessaire et évidente qu’elle puisse paraître, c’est non sans une certaine prudence et de nombreuses précautions que la subsidiarité juridictionnelle a été exprimée par la jurisprudence. L’affirmation explicite de cette subsidiarité interviendra tardivement et la première consécration officielle du juge national comme « juge communautaire de droit commun » [5] est le fait du Tribunal de première instance [6]. La Cour de justice a enfin eu recours à cette notion, très récemment [7], alors que cette formule était entrée dans le langage courant depuis de nombreuses années et malgré les références intensives de ses avocats généraux [8]. L’idée était toutefois sous-jacente dans la jurisprudence de la Cour qui s’en inspirait pour définir son propre rôle ainsi que celui des juges internes. C’est surtout la doctrine qui a extériorisé et analysé ce devoir du juge national [9].

4Les juges nationaux sont incontestablement des « acteurs du système juridique [de l’Union] » [10], en ce qu’ils en assurent l’application. La subsidiarité juridictionnelle a donc été pensée comme un facteur d’intégration du droit de l’Union. Elle a été instituée pour favoriser la construction du droit et donc être l’un des instruments de l’intégration. Des questions peuvent tout de même être soulevées sur son rôle et ses conséquences dans ce processus. En effet, la subsidiarité juridictionnelle est révélatrice d’un paradoxe persistant. Elle est la condition pour que l’intégration du droit de l’Union soit pleinement garantie, mais elle peut tout aussi bien l’entraver. L’analyse de la mise en place de cette subsidiarité ainsi que de sa consolidation révèlent que l’obstacle pour l’intégration qu’elle aurait pu constituer demeure théorique (I), et qu’au contraire elle va jouer un rôle central dans son développement (II).

I – La subsidiarité juridictionnelle, obstacle virtuel à l’intégration communautaire

5Si la subsidiarité juridictionnelle semblait s’imposer d’elle-même (I.1), elle n’en présentait pas moins des risques pour la construction du système juridique (I.2).

I.1 – Le bien-fondé de la subsidiarité juridictionnelle dans le processus d’intégration

6La pertinence de l’instauration de la subsidiarité juridictionnelle se révèle à deux égards. Elle paraît évidente au regard du schéma juridictionnel d’un genre nouveau mis en place. Les caractères spécifiques de cet ordre juridique la rendent également inéluctable.

Le choix d’un schéma juridictionnel inédit

7La subsidiarité juridictionnelle n’est pas explicitement formulée dans les traités. On ne trouve de références aux juges nationaux que dans les dispositions relatives au renvoi préjudiciel [11] ainsi que dans celles qui traitent de la responsabilité contractuelle de l’Union [12]. Le juge national peut donc interroger la Cour de justice sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union européenne. De même, il lui est implicitement confié la compétence de droit commun dans le champ de la responsabilité contractuelle [13], la Cour de justice n’étant compétente que lorsque c’est expressément mentionné [14].

8Le droit primaire ne se réfère ainsi pas formellement à l’office communautaire du juge national. Cependant, l’observation des voies de droit mises en place dans l’Union renseigne indirectement sur la volonté des auteurs des traités originaires. Le recours en annulation permet aux juges de l’Union de contrôler les actions des institutions [15], tandis que le recours en carence censure leurs inactions [16]. La responsabilité non contractuelle de l’Union peut également être engagée [17]. L’observation de ces différents recours, présentés devant les juridictions européennes, conduit à constater qu’ils sont tournés vers le contrôle du respect du droit issu des traités par les institutions, donc au niveau supranational. En revanche, aucun n’a pour objet de vérifier la mise en œuvre correcte des règles par les autorités nationales. Le juge de l’Union n’est pas véritablement chargé de ce contrôle. Tout au plus, un mécanisme de sanction des États membres en cas de manquements aux obligations qui leur incombent a été mis en place [18], mais sans que la Cour de justice ne soit autorisée à censurer le droit national contraire et encore moins à en tirer les conséquences elle-même [19]. On peut donc en déduire que le seul véritable moyen de vérifier que les États se conforment à leurs engagements et appliquent correctement les normes est de se tourner vers le juge national.

9Les auteurs des traités n’ont donc pas voulu mettre en place un système juridictionnel supranational complet, chargé du contrôle de l’application des normes à la fois au niveau de l’organisation et au niveau de ses membres. Ils n’ont pas plus été tentés d’avoir recours à un juge de type fédéral, le système juridique ne s’y prêtant pas. Ils ont préféré procéder à un « renvoi à l’échelon national » [20], parce que le juge national est le mieux à même d’appréhender les données de son ordre juridique et de contrôler l’action de ses autorités. La subsidiarité permet ainsi de « déterminer efficacement le niveau adéquat pour l’exercice » [21] de la compétence juridictionnelle.

10De fait, le contrôle concret de la mise en œuvre des normes européennes par les États est donc bien dévolu à titre principal à l’organe juridictionnel interne, tandis que la sanction de la méconnaissance de ces normes ne revient que marginalement au juge de l’Union. Inversement, le juge national ne peut remettre en cause les actes édictés au niveau de l’Union, leur respect se vérifiant uniquement au niveau des juridictions de l’Union. À la subsidiarité juridictionnelle qui place le juge interne au cœur du contrôle des États membres correspond une exclusivité des compétences du juge de l’Union pour contrôler les actes adoptés par ses institutions et organes. Ainsi, les deux types de juges ne sont pas habilités à exercer la même mission : tandis que les juges internes sont garants du respect des règles dans leur propre ordre juridique, le juge de l’Union est lui un juge du bon fonctionnement de l’organisation supranationale.

11La subsidiarité juridictionnelle est inhérente au fonctionnement de l’Union européenne. En ce sens, elle va se différencier de la « subsidiarité substantielle » [22], généralement entendue comme un mécanisme de régulation des compétences de l’Union et de ses États [23]. Le rôle du « principe de subsidiarité » consiste à protéger les compétences des États membres et à se prémunir d’une action, jugée invasive, de l’Union [24]. Cela donne à l’intervention des États membres une certaine forme de priorité par rapport à l’action de l’Union européenne qui, dès lors, apparaît comme secondaire [25]. Cependant, la subsidiarité « juridictionnelle » n’est pas seulement un mécanisme de régulation des compétences entre les juges mais un principe structurel de répartition de leurs compétences mutuelles. Par ailleurs, il n’existe pas ici de substitution des juridictions de l’Union en cas d’absence d’exercice par le juge national de ses compétences, puisque leurs interventions ne se situent pas au même niveau. Bien plus qu’un « principe de protection » [26] des compétences des États membres, le principe de subsidiarité dans son acception juridictionnelle se pose comme un principe d’organisation juridictionnelle, chaque juge étant chargé à son échelle de garantir la bonne application du droit de l’Union.

12En plus de la structure juridictionnelle particulière générée par les traités, les exigences liées à la spécificité de cet ordre juridique ont contribué à convaincre de l’importance du concours du juge interne dans la garantie des normes édictées.

Le produit de la spécificité du nouvel ordre juridique institué

13La Cour de justice a interprété les traités de sorte à inscrire la subsidiarité juridictionnelle comme le principe, et elle s’est attelée à démontrer le caractère impératif du recours au juge interne. Mue par un « esprit de subsidiarité » [27], la juridiction communautaire va mettre en œuvre cette logique en consacrant la compétence de droit commun du juge interne et ce, dès les premières années de sa jurisprudence. C’est la spécificité de l’ordre juridique nouvellement créé qui va imposer l’intervention active du juge interne.

14Par nature, le droit de l’Union a toujours eu vocation à déployer ses effets dans les ordres juridiques nationaux. Les règles édictées dans l’ordre juridique européen doivent trouver leur prolongement dans les systèmes nationaux. Pour ce faire, deux principes ont été considérés comme indispensables par la Cour de justice afin de garantir l’efficacité du droit alors en construction. Tout d’abord, l’effet direct des normes édictées par la Communauté offre la possibilité à celles-ci de produire immédiatement des effets dans l’ordre interne et d’être invoquées par les justiciables [28]. Ce principe d’effet direct incarne indiscutablement l’une des particularités les plus marquantes du système communautaire, et implique que le juge national soit le garant premier de la bonne application de ses dispositions [29]. L’importance de l’intervention du juge interne est également mise en lumière par la mission qui lui est confiée de vérifier que les critères de l’effet direct, établis par la Cour [30], sont remplis. La primauté permet quant à elle d’assurer la supériorité des règles communautaires sur les règles nationales [31]. Cette priorité s’impose en raison de la logique du système établi. On ne peut assurer l’application concrète des règles si les États membres peuvent y faire obstacle avec leurs propres dispositions. Il est alors attendu du juge interne qu’il assure le respect de la primauté du droit communautaire, même si cela suppose pour lui de mettre de côté une disposition nationale. Les principes d’effet direct et de primauté, inhérents au système des traités, révèlent l’importance du rôle dévolu au juge national, aussitôt « converti » en juge communautaire [32]. Le juge national se trouve donc directement impliqué dans la mise en œuvre pratique du droit adopté par la Communauté.

15Malgré l’évidence de la subsidiarité juridictionnelle ainsi instituée, elle révèle tout de même certains risques pour l’intégration.

I.2 – Les risques de la subsidiarité juridictionnelle pour l’intégration

16L’intégration juridique, voulue par la Communauté et perpétuée par l’Union, est conditionnée par le contrôle des normes adoptées. En confiant ce contrôle aux juridictions nationales, les auteurs des traités font courir certains risques à l’efficacité des règles. L’intégration peut d’abord être menacée par la liberté accordée au juge dans la réalisation de ses fonctions mais également par les réticences caractérisant l’attitude du juge interne.

Les risques liés à l’autonomie procédurale des juges nationaux

17Le système juridique communautaire confiant au juge interne l’application et le contrôle des normes, c’est en toute logique qu’il a également été renvoyé à ses règles de procédure. La Cour de justice, sitôt posée la nécessité de confier au juge national la garantie du respect du droit communautaire, a affirmé qu’il doit, pour ce faire, utiliser les règles de son ordre juridique. Les juges internes disposent pour exercer leur fonction de juge communautaire d’une « autonomie procédurale » [33], c’est-à-dire de la capacité à utiliser les voies de droit et les procédures établies par leur ordre interne. Cette autonomie a été posée très rapidement, le juge communautaire invitant le juge national à appliquer « parmi les divers procédés de l’ordre juridique interne, ceux qui sont appropriés pour sauvegarder les droits individuels conférés par le droit communautaire » [34]. Le juge interne doit donc tirer les conséquences des principes d’effet direct et de primauté au moyen des instruments juridictionnels disponibles dans son ordre juridique. Il est seul juge des moyens les plus adéquats pour exercer sa fonction et la subsidiarité dont il bénéficie lui permet d’utiliser en toute liberté les outils que lui offre son ordre juridique. Ainsi, le juge national « se trouve en face d’une obligation de résultat et non de moyen » [35].

18Cette autonomie est consubstantielle à la subsidiarité juridictionnelle : il n’a pas été envisagé de créer une juridiction chargée de garantir le droit primaire et dérivé, il n’a donc pas non plus été imaginé d’instaurer de nouvelles voies de droit dans les États membres [36]. Cette autonomie comporte tout de même des risques pour l’intégration puisqu’elle pourrait aboutir à une application non uniforme du droit de l’Union dans les différents États membres. Ce risque est d’autant plus flagrant que les systèmes juridictionnels des États membres sont marqués par une très grande hétérogénéité. Si l’on se place du point de vue institutionnel, il paraît évident que les États membres disposent de structures très différentes. Les choix concernant l’organisation des autorités juridictionnelles sont variés, même si un exercice de comparaison entre les différents États membres permet de répertorier plusieurs grandes tendances [37]. Le contentieux est globalement réparti entre plusieurs institutions, généralement soit dans le cadre d’une dualité juridictionnelle [38], soit dans le cadre d’une unité juridictionnelle caractérisée ensuite par un éclatement du contentieux en plusieurs ordres spécialisés [39]. Il existe également des ordres juridiques qui font d’autres types de partage des institutions [40]. Les États membres ont également institué plusieurs degrés de juridiction, mais encore une fois sans schéma commun [41]. Des différences qui caractérisent les systèmes juridictionnels étatiques découlent nécessairement de grandes variations entre les procédures utilisées par les juridictions des États membres [42]. Le renvoi aux procédures internes, bien qu’évident dans la conception diffusée par la Communauté européenne, n’en comporte pas moins des risques au vu de la diversité qui caractérise les systèmes juridictionnels et les procédures étatiques.

19Plus encore que l’autonomie octroyée aux juges internes, c’est leur attitude qui peut compromettre l’intégration.

Les risques liés à l’attitude des juges nationaux

20Incontestablement, les juges nationaux ont rencontré de grandes difficultés pour remplir la mission qui leur a été assignée et l’« acclimatation du droit communautaire » [43] a été le fruit d’une longue évolution. Aussi naturels que puissent paraître du point de vue communautaire les principes d’effet direct et de primauté, leur application par les juges nationaux a demandé un temps d’adaptation. Malgré les directives clairement posées par la Cour de justice pour l’effet direct et la primauté des normes communautaires, les juges internes ont montré des signes de résistance pendant une certaine période.

21Il leur a été difficile d’admettre d’emblée la primauté absolue des normes communautaires sur les normes nationales [44]. Les thèmes sensibles ont tout d’abord été la primauté sur les règles nationales postérieures [45], notamment parce que les limitations de souveraineté concédées au profit de la Communauté ont été considérées comme dépourvues de caractère définitif, ce qui permettrait au législateur d’adopter postérieurement des actes contraires aux actes édictés par la Communauté [46]. Mais c’est surtout la reconnaissance de la primauté sur les constitutions internes qui a posé – et qui pose toujours comme on pourra le constater – le plus grand nombre de difficultés, ce qui peut faire douter de l’efficacité réelle du principe de primauté [47]. Les juges ordinaires sont très réticents à reconnaître la supériorité du droit de l’Union à l’égard de leur norme fondamentale, aussi bien en France [48] que dans d’autres États membres [49]. Quant aux juges constitutionnels, bien que leurs fonctions ne les conduisent qu’indirectement à jouer un rôle de « juges communautaires », ils se montrent très protecteurs de la norme constitutionnelle [50]. On peut le constater tout d’abord quand ils sont saisis pour contrôler la conformité des traités révisés à leur Constitution. Les décisions relatives au traité de Lisbonne sont tout à fait révélatrices de la volonté des États de marquer leurs positions et d’exprimer leur consentement en cas d’intégration plus poussée de l’Union [51]. Qu’il s’agisse en effet des décisions tchèque, allemande ou française relatives au traité de Lisbonne [52], on ne peut qu’observer leur convergence sur certains points, les juridictions constitutionnelles allant jusqu’à qualifier les États de « maîtres des traités » [53]. Par ailleurs, le juge constitutionnel français n’a pas hésité, pendant longtemps, à procéder au contrôle des actes de transposition des directives, affirmant ainsi la sujétion du droit communautaire dérivé au respect de la norme fondamentale [54].

22Ensuite, des signes d’insoumission ont caractérisé l’application du principe d’effet direct. Les débats ont toutefois été moins sensibles car ils n’engageaient pas nécessairement des discussions relatives à l’articulation des ordres juridiques interne et communautaire. Cela n’a pas empêché le juge Pierre Pescatore de déclarer « préoccupante » la situation résultant de la jurisprudence des États membres, et ce, dès 1969 [55]. Les attitudes des juridictions internes des membres fondateurs, peu après l’affirmation du principe d’effet direct par la Cour de justice, ont été partagées entre les États qui ont refusé de garantir l’effet direct des normes [56], ceux qui ont accepté de se conformer à cette obligation [57], et enfin ceux qui ont appliqué partiellement le principe [58]. La France a fait à cet égard figure de « mauvais élève » puisque le juge administratif suprême a nié un tel effet aux directives [59], alors qu’il avait été affirmé explicitement par la Cour de justice [60], se rendant ainsi coupable d’un manque de « déférence » [61] à l’égard du juge communautaire et de ses attentes.

23Qu’il s’agisse du refus de laisser inappliquée une législation interne contraire au droit communautaire ou encore de garantir la suprématie du droit sur les constitutions internes, l’attitude des juridictions internes peut, à défaut d’être approuvée, du moins être expliquée. Le nouvel office communautaire du juge interne l’a placé tout d’abord dans une situation de « dédoublement fonctionnel », puisqu’il doit être à la fois garant de son ordre juridique et de l’ordre juridique communautaire [62]. Cette situation est éminemment difficile à appréhender pour le juge national, qui reste avant tout juge interne. Ce ne serait pas tant l’hostilité de principe à l’encontre d’un droit supérieur que la conséquence de la place du juge dans son propre ordre juridique qui pourrait expliquer les tergiversations premières du juge national. Lorsqu’on lui demande de remettre en cause une loi ou une disposition constitutionnelle, on place le juge interne dans une situation très inconfortable. Certaines juridictions ont ainsi refusé de reconnaître la primauté des règles sur les normes législatives tout simplement parce que le pouvoir de remettre en question les actes du législateur ne leur était pas accordé, le juge ne se considérant que comme l’organe d’application de la loi [63]. De même, attendre des juges internes qu’ils fassent échec à la Constitution, c’est en quelque sorte exiger « une loyauté communautaire qui exclut leur loyauté constitutionnelle » [64]. Toutefois, c’est « un problème qui relève beaucoup plus de la psychologie judiciaire que du droit proprement dit » [65], ce qui a permis au juge de reconsidérer sa position et de faire évoluer son attitude.

24La subsidiarité juridictionnelle a été pensée comme un instrument d’intégration du droit. Les risques qu’elle a pu comporter, si inquiétants qu’ils aient pu paraître, ont toutefois été réduits pour être finalement dépassés. Cette subsidiarité va donc pouvoir véritablement prouver qu’elle constitue un facteur d’évolution de l’intégration juridique.

II – La subsidiarité juridictionnelle, moteur réel de l’intégration communautaire

25Le juge national va progressivement assumer la responsabilité qui lui incombe dans le processus d’intégration, ce qui va lui permettre d’être un élément déterminant dans la consolidation et l’évolution de l’intégration de l’Union européenne. Dans un premier temps contraint de participer à cette dynamique (II.1), il va ensuite pleinement endosser son rôle (II.2).

II.1 – Un dynamisme provoqué

26La subsidiarité, qui dicte aux juridictions de l’Union de laisser une liberté importante aux juges nationaux, doit être relativisée. La délimitation de l’action du juge national est donc prégnante.

L’intervention nécessaire du juge communautaire

27Très rapidement, l’intervention – subsidiaire – de la Cour de justice s’est avérée indispensable [66]. Premièrement, c’est l’exigence d’uniformité dans l’application du droit communautaire qui a commandé l’entremise de la Cour de justice pour tempérer la liberté des juges internes [67]. Cette exigence est tout à fait comparable à celle qui a inspiré la mise en place dans les systèmes juridictionnels nationaux d’une juridiction suprême, dont le rôle est avant tout d’assurer une unité d’application et d’interprétation du droit. Les différences entre les États membres, notamment celles qui proviennent de leurs organisations juridictionnelles diverses, ont généré certains risques [68] qui sont compensés par l’intervention du juge communautaire. Les conséquences tirées des principes de primauté et d’effet direct et la nécessité de poursuivre l’intégration du droit issu des traités ont conduit le juge communautaire à s’immiscer dans le champ d’action du juge national et ce, afin de réduire le « coefficient d’incertitude » [69]. Deuxièmement, c’est un impératif d’efficacité qui a motivé le besoin du juge communautaire d’enserrer le juge national dans certaines contraintes. Lorsque le juge interne n’est pas en mesure d’appliquer le droit communautaire de manière effective, ou qu’il ne tire pas toutes les conséquences des exigences affirmées par l’ordre juridique de la Communauté, le juge communautaire doit pouvoir contrebalancer cette faiblesse.

28L’action du juge communautaire pourrait être considérée comme une atteinte à la subsidiarité juridictionnelle. Paradoxalement, la délimitation de l’office du juge interne a permis à ce dernier d’acquérir une efficacité supplémentaire et de perfectionner l’application du droit de la Communauté, ce qui va au contraire dans le sens d’une revalorisation de la subsidiarité juridictionnelle [70]. Par ailleurs, l’encadrement auquel va se livrer le juge communautaire vise principalement l’exercice par le juge des compétences qui lui ont été octroyées. Aussi, lorsque le juge interne ne parvient pas à exercer ses compétences d’une manière satisfaisante, le juge de l’Union n’hésite-t-il pas à venir en renfort et lui donner toute directive utile, ce qui n’est que la manifestation du principe de subsidiarité. En effet, il reviendra ensuite à nouveau au juge de droit commun de tirer toutes les conséquences dans son ordre juridique.

29Le juge communautaire disposait de plusieurs moyens pour fixer les obligations minimales des juges internes. C’est essentiellement au travers du renvoi préjudiciel et du recours en manquement que la Cour de justice va déterminer les règles imposées aux autorités internes. Grâce à ces deux voies de droit, l’ordre juridique communautaire va modérer les inconvénients de la subsidiarité juridictionnelle et réduire les risques qu’elle comporte pour l’intégration communautaire. Le renvoi préjudiciel, tout d’abord, est le moyen idéal pour fixer certaines obligations aux juges nationaux puisqu’il a été institué précisément pour garantir une uniformité d’interprétation et d’application du droit communautaire [71]. Le mécanisme du renvoi permet une « coopération judiciaire […] par laquelle juridiction nationale et Cour de justice, dans l’ordre de leurs compétences propres, sont appelées à contribuer directement et réciproquement à l’élaboration d’une décision en vue d’assurer l’application uniforme du droit communautaire dans l’ensemble des États membres » [72]. La liberté dont disposent les juridictions internes est ainsi en partie maîtrisée par la Cour de justice grâce au renvoi préjudiciel, d’autant que les réponses de la Cour sont contraignantes pour le juge national [73]. Par ailleurs, le juge est parfois soumis à une obligation de renvoyer une question à la Cour [74], ce qui augmente les possibilités d’intervention de celle-ci. C’est par le biais du recours en manquement que la Cour de justice peut, en outre, préciser certaines des obligations qui incombent au juge national, et donc limiter encore une fois son autonomie [75]. Le schéma juridictionnel mis en place par les traités originaires ne permet pas directement au juge communautaire de contrôler la mise en œuvre correcte du droit dans les États membres. Si les autorités nationales enfreignent le droit de l’Union, il est impossible pour les juridictions européennes de se substituer à elles ou d’invalider directement leurs actes. Du fait de la subsidiarité juridictionnelle, seul le juge national peut condamner les actions ou inactions incompatibles avec les obligations édictées par le droit de l’Union. S’il se refuse à jouer ce rôle, l’État membre pourra cependant faire l’objet d’une constatation de manquement, étant entendu que le manquement peut être le fait de n’importe quel organe de l’État [76]. Un « manquement judiciaire » a déjà été censuré par la Cour [77], cela peut donc constituer un moyen de dissuader le juge national de ne pas pleinement garantir l’application du droit de l’Union [78]. On pourrait même envisager qu’une action en manquement soit introduite si une juridiction nationale ne se plie pas à son obligation de poser une question préjudicielle à la Cour de justice, même si une telle hypothèse n’a pas encore été reconnue par la Cour de justice [79].

30La délimitation de l’action des juges internes par le juge communautaire s’inscrivant dans une logique d’ensemble, on ne peut donc être surpris par l’encadrement considérable qui a été réalisé.

L’encadrement notable de l’office du juge interne

31Même si l’autonomie institutionnelle et procédurale reconnue aux juges internes n’a pas été remise en cause, elle a été fortement aménagée [80]. De nombreuses obligations leur ont été imposées, afin de s’assurer qu’ils tiraient toutes les conséquences des principes d’effet direct et de primauté du droit communautaire. Dans un premier temps, le juge communautaire a encadré la marge de manœuvre des juges nationaux dans le cadre de la résolution des conflits de normes. La Cour de justice exige ainsi du juge interne, au minimum, qu’il mette de côté toute norme nationale incompatible, c’est-à-dire qu’il la déclare inapplicable [81]. Ensuite, une « prohibition de plein droit » d’appliquer une norme nationale contraire sera imposée au juge national [82]. Si les procédures internes permettant de faire disparaître la norme contraire n’ont pas été mises en œuvre, le juge interne est quand même contraint de laisser la règle inappliquée [83]. Le juge national est donc tenu « d’assurer le plein effet de ces normes en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire de la législation nationale, même postérieure, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel » [84].

32Dans un second temps, l’encadrement a consisté à obliger le juge national à tirer toutes les conséquences des principes de primauté et d’effet direct pour les justiciables. D’une part, il a été exigé du juge national qu’il garantisse la réparation des dommages nés des violations du droit de l’Union. Pour ce faire, la Cour de justice a d’abord posé certaines règles en matière de répétition de l’indu. Elle oblige les États à restituer les montants perçus en violation du droit communautaire, mais laisse aux juges internes le soin d’utiliser leurs procédures pour le faire [85]. Elle a également consacré le principe de la responsabilité de l’État pour les violations du droit communautaire [86], cette responsabilité pouvant résulter des actes du législateur [87] ou même des juridictions internes [88]. Toutefois, le juge européen a renvoyé aux juges nationaux la charge d’assurer la réparation concrète des conséquences des violations avec ses propres règles, se plaçant encore une fois dans une logique de subsidiarité [89]. D’autre part, le juge communautaire a imposé au juge national de garantir une protection juridictionnelle effective aux justiciables. Pour certains auteurs, la Cour dépasse le seuil de l’encadrement pour arriver à un « effacement » de l’autonomie procédurale, au nom toujours de l’effectivité des droits qui doit être permise [90]. Dans ce cas, l’autonomie procédurale est amoindrie pour assurer une « efficacité optimale » de la norme communautaire [91]. Trois exigences ont été imposées de manière certaine au juge national au nom de la protection juridictionnelle effective : doivent être garantis un droit au juge [92], un droit à un égal accès au juge [93] et un droit à une protection provisoire [94]. En revanche, concernant le relevé d’office des moyens tirés du droit communautaire, le juge communautaire fait preuve d’une immense prudence : il permet au juge national d’apprécier d’office l’éventuelle contrariété du droit national au droit communautaire [95], et précise que ce relevé doit être garanti pour les moyens tirés d’une violation du droit communautaire dès lors qu’il peut l’être pour une règle nationale, mais que tout dépendra des règles procédurales nationales en la matière [96]. Il se montre très respectueux, en ce domaine, de l’autonomie procédurale des États membres, ce qui sera largement confirmé par la jurisprudence ultérieure [97].

33Un troisième temps semble même se dessiner, puisqu’un nouveau contentieux fait apparaître des prises de position du juge communautaire concernant les conséquences à tirer de la primauté dans des circonstances où des décisions définitives sont intervenues en droit national [98].

34D’une manière générale, l’action des juridictions nationales est soumise au respect de deux exigences que le juge communautaire a fait valoir dans l’ensemble du contentieux régissant les rapports entre les ordres juridiques. Les juges nationaux doivent garantir que les procédures utilisées par les juges ne sont pas moins favorables lorsque sont en cause les règles communautaires [99] et que les recours permettent de rendre effective la protection des droits tirés du droit communautaire [100]. Ces deux principes, dits « d’équivalence » et « d’effectivité », visent à éviter qu’il ne soit fait échec à l’efficacité des normes communautaires, et sont donc utilisés par le juge communautaire de manière rituelle pour contrôler l’utilisation à bon escient par les juges internes de leurs procédures [101].

35L’observation de l’attitude du juge communautaire, qualifiée parfois d’« interventionniste » [102], montre qu’il oscille entre l’affirmation de l’autonomie des juges internes et la modération de cette liberté pour des raisons liées à l’uniformité d’application du droit et d’effectivité de ses garanties [103]. Ainsi, dans la mise en œuvre de cette subsidiarité juridictionnelle, un équilibre permanent doit être trouvé entre les exigences inhérentes à la primauté du droit de l’Union et l’autonomie indispensable des juridictions internes pour mener à bien leur mission [104]. La Cour est critiquée lorsque l’encadrement de l’autonomie est trop marqué mais également lorsque l’autonomie est trop préservée, au détriment de la construction communautaire [105].

36Après cette longue période d’incitation, les juges internes acceptent leur rôle de juge européen de droit commun et ils participent désormais avec conviction à la poursuite du processus d’intégration.

II.2 – Un dynamisme assumé

37Après y avoir été fortement incités par les juridictions de l’Union, les juges internes ont accepté de prendre au sérieux leur rôle de juge communautaire de droit commun. L’implication dans le processus d’intégration est désormais flagrante, par la participation active du juge national autant que par la construction d’un authentique dialogue entre les juges.

La participation active des juges internes au renforcement de l’intégration

38Au fil de la construction communautaire, les juges internes se sont appropriés leur mission de juridiction de droit commun et ont fait taire leurs hésitations premières. Progressivement, et plus ou moins rapidement selon les États, les juges internes ont accepté de respecter les exigences posées par l’ordre juridique communautaire et ont montré leur détermination à en tirer les conséquences [106]. La crainte qu’a pu inspirer instinctivement le principe de primauté aux juges nationaux était d’autant plus préjudiciable à l’intégration qu’il fait figure de « condition existentielle » du droit communautaire [107]. Peu à peu, la primauté sur les normes postérieures n’a plus été une source de discorde entre le juge communautaire et le juge national [108]. Par ailleurs, il est intéressant de noter qu’au sein du même ordre juridique, les résistances ont pu être de degrés divers selon les juridictions concernées [109]. Le seul îlot de résistance demeure l’acceptation de la primauté sur les normes constitutionnelles nationales, par les juges ordinaires [110] comme par les juges constitutionnels [111]. Malgré tout, certains infléchissements sont perceptibles. Il en est ainsi du refus partiel du Conseil constitutionnel [112] et du Conseil d’État français [113] de contrôler les actes de transposition des directives, même si les deux juges se réservent des possibilités de continuer à opérer ce contrôle. Au prix d’une jurisprudence très subtile, les juges français adoptent une position qui démontre leur souci de ne pas s’opposer frontalement au principe de primauté, même si on n’aboutit pas encore à la vision du principe de primauté véhiculée par la Cour de justice [114]. On est plus convaincu par leur attitude lorsqu’ils ont accepté de contrôler les actes de transposition non pas à la Constitution française, mais aux directives elles-mêmes : tous deux vont vérifier que les normes internes respectent les objectifs de la norme ainsi que ses dispositions inconditionnelles [115]. Ils font montre à cette occasion d’une volonté très nette de participer à la protection des normes adoptées par l’Union européenne, et se fondent pour pouvoir effectuer ce contrôle sur « l’obligation constitutionnelle posée à l’article 88-1 de la Constitution » de transposer les directives [116]. L’obligation de transposition obtient donc une assise constitutionnelle, ce qui démontre que le juge français tient à s’impliquer de manière constructive dans le processus d’intégration de l’Union. L’ouverture d’autres juridictions constitutionnelles à la primauté du droit de l’Union peut également être saluée. Les juges constitutionnels allemand [117], italien [118] et espagnol [119] acceptent également d’admettre la primauté du droit communautaire dérivé, même si elle demeure conditionnelle [120].

39De même, la reconnaissance pleine et entière de l’effet direct s’est généralisée dans les États membres. Si, dans la plupart des États, l’application de cette exigence n’a pas posé de difficultés [121], l’expérience française mérite d’être rappelée [122]. Ce n’est que dans son arrêt du 30 octobre 2009 que le Conseil d’État a fini par admettre complètement l’effet direct des directives [123]. Les critiques relatives à cette position du juge administratif français peuvent tout de même être tempérées puisque tout effet n’avait pas été dénié aux directives. C’est uniquement l’invocabilité de substitution, seule à caractériser l’effet direct, qui faisait l’objet d’un refus du Conseil d’État, lequel avait en revanche admis l’invocabilité d’exclusion [124], d’interprétation conforme [125], de réparation [126] et même de prévention [127]. Une « justiciabilité minimale » étant garantie, ne restait plus qu’à consacrer la « justiciabilité renforcée » [128] des normes de l’Union grâce à l’effet direct. L’efficacité du droit de l’Union a donc été, en partie, assurée par le juge administratif français qui a participé au mouvement de renforcement du processus d’intégration aux côtés de ses homologues.

40Par ailleurs, après avoir entretenu des relations troublées, les juges internes ont favorisé la naissance d’un « dialogue des juges » avec la Cour de justice.

La construction d’un véritable dialogue des juges

41Lorsque les États membres ont fait le choix, en fondant la Communauté européenne, de recourir à la subsidiarité juridictionnelle, le juge national n’a pas été livré à lui-même et il a pu être guidé dans l’exercice de la mission cruciale qui lui a été confiée. Le mécanisme du renvoi préjudiciel a été un moyen très efficace d’encadrement de ses pouvoirs, mais également d’accompagnement et de conseil. Considérée en droit interne pendant de nombreuses années comme un moyen de contrainte [129], la procédure préjudicielle a été peu à peu acceptée [130].

42Si cela a pu représenter pour la doctrine une utopie davantage qu’un objectif, un véritable « dialogue des juges » [131] est donc parvenu à s’instaurer. Plusieurs indices permettent de le confirmer. La progression croissante du nombre de questions préjudicielles posées, notamment par des juridictions qui n’y sont pas obligées, est un signe incontestable de cette volonté d’obtenir l’avis de la Cour de justice [132]. Le juge national y voit un instrument de coopération, et s’y plie beaucoup plus volontiers depuis quelques années. De même, les velléités des juridictions constitutionnelles d’y recourir ne trompent pas sur le changement des rapports entre les juges [133]. Enfin, les effets attribués aux réponses apportées par la Cour ont été élargis [134] et les juges internes tirent eux-mêmes les conséquences du refus de procéder à des renvois obligatoires [135]. De son côté, la Cour de justice a limité l’accès à son prétoire en interprétant strictement les conditions de recevabilité du renvoi [136], ce qui conforte le mécanisme de la subsidiarité.

43Les juges de l’Union européenne et des États membres tendent désormais vers des objectifs communs : garantir l’application effective des règles de l’Union européenne, faire disparaître les règles nationales incompatibles [137], et poursuivre l’intégration juridique. Après s’être livrés à une « guerre des juges », cristallisée autour des questions de la primauté sur les règles constitutionnelles nationales, les juridictions sont davantage tournées vers la recherche de solutions communes et leurs relations paraissent plus « apaisées » [138]. On en veut pour preuve la discussion entre la Cour de justice et les juges français [139] relative à la question prioritaire de constitutionnalité. Après avoir suscité des débats doctrinaux très vifs [140], ce problème a été résolu par le juge européen [141] de manière très pragmatique et les commentateurs s’accordent à féliciter l’effort conjugué des juges pour désamorcer une nouvelle crise [142]. Enfin, la Cour de justice a affirmé avec conviction que la fonction juridictionnelle doit être exercée en commun avec les juges internes [143].

Conclusion

44L’« Europe des juges », que le président R. Lecourt appelait de ses vœux [144] est à n’en plus douter en voie de réalisation [145]. Non seulement la plupart des résistances à l’application du droit de l’Union ont été vaincues, mais en plus les juges internes semblent disposés à admettre la spécificité du droit de l’Union, notamment par rapport au droit international. Certaines juridictions sont parvenues très tôt à cette conclusion [146], mais la majorité d’entre elles a été plus longue à se rallier à la conception exprimée pourtant très rapidement par la Cour de justice [147]. La collaboration entre les juges, qui est devenue une réalité, permet de relativiser l’importance de la question de la primauté du droit de l’Union sur les normes constitutionnelles. Ce sont les compromis auxquels sont parvenus les juges des deux ordres juridiques et le processus de « double traduction-incorporation constructive » [148] qui ont véritablement permis aux débats de s’adoucir.

45Prenant en compte le « resserrement des rapports entre droit national et droit européen » [149], les juges internes et européen ont fait taire une grande partie de leurs oppositions. La subsidiarité juridictionnelle, même s’il a fallu attendre des développements récents, a finalement tenu ses promesses puisqu’elle est aujourd’hui un instrument très convaincant de l’intégration du droit de l’Union.

L’auteur

Julie Dupont-Lassalle est maître de conférences en droit public à la Faculté de droit et d’économie de l’Université de la Réunion. Elle est chargée de la bibliographie sélective de la Revue trimestrielle de droit européen depuis 2005 et participe à la revue des revues de l’Annuaire de droit européen depuis 2003. Elle rédige également des notes et observations dans la revue Europe depuis janvier 2008.
Parmi ses publications :
  • Le principe de bonne administration en droit communautaire, Bruxelles : Bruylant (à paraître) ;
  • « Commentaire de l’arrêt du Tribunal du 19 octobre 2011, France c/ Commission, aff. T-139/06 », Revue des affaires européennes, 4, 2011 ;
  • « Commentaire de l’arrêt de la Cour de justice du 18 juillet 2007, Lucchini, aff. C-119/05 », Revue des affaires européennes, 2, 2007-2008.

Mots-clés éditeurs : intégration, juge communautaire, juge national, subsidiarité juridictionnelle

Date de mise en ligne : 30/07/2012.

https://doi.org/10.3917/drs.080.0047

Notes

  • [1]
    Robert Lecourt, L’Europe des juges, Bruxelles : Bruylant, coll. « Droit de l’Union européenne », p. 8-9.
  • [2]
    Pour la justification de l’utilisation du concept de subsidiarité pour qualifier l’articulation des compétences juridictionnelles des juridictions internes et communautaire, cf. l’analyse de Denys Simon, « La subsidiarité juridictionnelle : notion-gadget ou concept opératoire ? », Revue des affaires européennes (RAE), 1998, spéc. p. 84-85).
  • [3]
    Le système de la Convention européenne des droits de l’homme connaît également une forme de subsidiarité puisque l’accès au juge n’est admis qu’après épuisement des voies de recours internes. Le juge national procède au contrôle de conventionnalité du droit national et est également juge de droit commun de la Convention. Cette subsidiarité n’a cependant pas les mêmes caractéristiques (Joël Antriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », RAE, 1998, p. 29) : alors que l’ordre juridique de l’Union européenne comporte des organes législatifs, exécutifs et judiciaires, celui de la CEDH a uniquement mis en place des organes de contrôle des actions des États membres.
  • [4]
    Pour une référence aux juges internes comme « juridictions communautaires décentralisées », cf. Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, spéc. p. 30.
  • [5]
    Il conviendrait sans doute aujourd’hui d’utiliser l’expression « juge européen de droit commun ». Dans le cadre de l’étude, nous maintiendrons l’utilisation de l’adjectif communautaire, lorsque sera désigné l’état du droit avant l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne. Nous utiliserons l’adjectif européen et nous référerons aux juridictions de l’Union européenne pour désigner l’état du droit depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne.
  • [6]
    TPICE, 10 juillet 1990, Tetra Pak Rausing SA c/ Commission, aff. T-51/89, Recueil de la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance (ci-après Rec.), p. II-309, pt 42. L’expression n’a été reprise formellement par le Tribunal qu’une seule fois : TPICE, Ord., 22 décembre 1995, Danielsson ea c/ Commission, aff. T-219/95 R, Rec., p. II-3051, pt 77.
  • [7]
    Cf. l’avis 1/09 de la Cour de justice du 8 mars 2011 sur le projet d’accord sur la juridiction du brevet européen et du brevet communautaire, pt 80.
  • [8]
    Cf. par exemple les conclusions de l’avocat général Cosmas présentées le 23 novembre 1999 dans l’affaire France c/ Ladbroke Racing Ltd et Commission (aff. C-83/98 P, Rec., p. I-3271, pt 92), les conclusions de l’avocat général Saggio présentées le 16 décembre 1999 dans l’affaire Océano Grupo Editorial et Salvat Editores (aff. jtes C-240/98 à C-244/98, Rec., p. I-4941, pt 37), les conclusions de l’avocat général Bot présentées le 6 mai 2008 dans l’affaire Heemskerk BV (aff. C-455/06, Rec., p. I-8763, pt 128).
  • [9]
    Cf. notamment les thèses d’Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, Strasbourg : Université R. Schuman, 1983, et d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, Paris : Dalloz, 2001.
  • [10]
    Selon l’expression d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 19.
  • [11]
    En vertu de l’article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne (traité CEE), devenu ensuite l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) et enfin l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (traité FUE).
  • [12]
    En vertu de l’article 183 du traité CEE, devenu ensuite l’article 240 du traité CE et enfin 274 du traité FUE.
  • [13]
    Cf. en ce sens le commentaire de l’article 240 du traité CE de Pierre Roseren, in Philippe Léger (dir.), Commentaire article par article des traités UE et CE, Paris : Dalloz, 2000, p. 1695.
  • [14]
    Cf. en ce sens TPICE, 18 juillet 1997, Ord., Oleifici c/ Commission, aff. T-44/96, Rec., p. II-1331 ; TPICE, 11 mars 2008, Guigard c/ Commission, aff. T-301/05, Rec., p. II-31 (Europe, 2008, comm. 144, obs. Valérie Michel) ; CJCE, 20 mai 2009, Guigard c/ Commission, aff. C-214/08 P, Rec., p. I-91, pt 41 (Europe, 2009, comm. 267, obs. Anne-Laure Mosbrucker) ou encore CJUE, 29 juillet 2010, Hanssens-Ensch c/ Communauté, aff. C-377/09.
  • [15]
    Cf. l’article 173 du traité CEE, devenu ensuite article 230 du traité CE, et enfin article 263 du traité FUE.
  • [16]
    Cf. l’article 175 du traité CEE, devenu ensuite article 232 du traité CE, et enfin article 265 du traité FUE.
  • [17]
    Cf. l’article 182 du traité CEE, devenu ensuite article 235 du traité CE, et enfin article 268 du traité FUE.
  • [18]
    Cf. l’article 169 du traité CEE, devenu ensuite article 226 du traité CE, et enfin article 258 du traité FUE.
  • [19]
    Elle doit se borner à constater le manquement. Voir en ce sens Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 56 et suiv.
  • [20]
    Selon l’expression de Pascal Gilliaux, « L’arrêt Unión de Pequeños Agricultores : entre subsidiarité juridictionnelle et effectivité », Cahiers de droit européen (CDE), 1-2, 2003, p. 183.
  • [21]
    Sénat, Projet de loi constitutionnelle relatif à l’organisation décentralisée de la République, n° 24 rectifié, exposé des motifs (annexe au procès-verbal de la séance du 16 octobre 2002). Pour Jacques Delors, le principe de subsidiarité consiste à « ne jamais confier à une plus grande unité ce qui peut être mieux réalisé par une plus petite » (Jacques Delors, Le nouveau concert européen, Paris : Odile Jacob, coll. « Politique », 1992, p. 315). Cf. aussi Laetitia Guilloud, « Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel », Les Petites affiches (LPA), 79, 19 avril 2007, p. 54.
  • [22]
    Pour une distinction entre subsidiarité juridictionnelle et substantielle, voir Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 29.
  • [23]
    Cf. en ce sens la communication de la Commission du 27 octobre 1992 sur le principe de subsidiarité, SEC (92) 1990 final ; Pierre-Alexis Feral, « Le principe de subsidiarité dans l’Union européenne », Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger (RDP), 1, 1996, notamment p. 211 ; Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 30 ; Jean-Luc Sauron, « La mise en œuvre retardée du principe de subsidiarité », RMCUE, 423, 1998, spéc. p. 648 et 649 ; Julien Barroche, « La subsidiarité chez Jacques Delors. Du socialisme chrétien au fédéralisme européen », Politique européenne, 23, 2007, spéc. p. 168 et p. 171 ; Laetitia Guilloud, « Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel », art. cité, spéc. p. 53.
  • [24]
    Cf. en ce sens Jean-Luc Sauron, « La mise en œuvre retardée du principe de subsidiarité », art. cité, p. 645, et Laetitia Guilloud, « Le principe de subsidiarité en droit communautaire et en droit constitutionnel », art. cité, spéc. p. 55.
  • [25]
    Cf. la communication de la Commission du 27 octobre 1992, précitée : « La règle est la compétence nationale, l’exception la compétence communautaire ». Voir aussi Jean-Luc Sauron, « La mise en œuvre retardée du principe de subsidiarité », art. cité, p. 646.
  • [26]
    Selon l’expression de Pascal Clément dans le rapport n° 376 rendu par l’Assemblée nationale au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi constitutionnelle n° 369 adopté par le Sénat relatif à l’organisation décentralisée de la République, 18 novembre 2002.
  • [27]
    Selon l’expression de Jacqueline Dutheil de la Rochère, « L’ère des compétences partagées. À propos de l’étendue des compétences extérieures de la Communauté européenne », RMCUE, 390, 1995, p. 470.
  • [28]
    CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62, Rec., 1963, p. 6. Pour les premières définitions de la notion d’effet direct, cf. notamment Robert Kovar, « Rapports entre le droit communautaire et les droits nationaux », in Commission des Communautés européennes, Trente ans de droit communautaire, Luxembourg : OPOCE, 1982, spéc. p. 145 et suiv. Cf. également Pierre Pescatore, « L’effet direct du droit communautaire », Pasicrisie Luxembourgeoise, 1972, p. 1 et suiv., et Id., « Aspects judiciaires de l’“acquis communautaire” », Revue trimestrielle de droit européen (RTDE), 1981, spéc. p. 635 et suiv.
  • [29]
    Cf. en ce sens Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op. cit., spéc. p. 24. Cf. aussi Jean Boulouis, commentaire de l’affaire Simmenthal, L’Actualité juridique. Droit administratif (AJDA), 1978, p. 326 : « Si les droits et obligations conférés aux ressortissants communautaires ont, du fait de leur applicabilité directe, leur source immédiate dans le droit communautaire, c’est également dans celui-ci que les juges chargés de sanctionner ces droits et obligations trouvent directement leur titre à le faire, fussent-ils par ailleurs nationaux ; car à l’applicabilité directe du droit ne peut correspondre la médiatisation du titre du juge chargé d’appliquer ce droit ».
  • [30]
    Depuis l’arrêt Van Gend en Loos, une disposition est d’effet direct lorsqu’elle est claire, précise, inconditionnelle et « juridiquement parfaite ». Cf. l’explicitation des critères dans la jurisprudence ultérieure (voir notamment CJCE, 16 juin 1966, Lütticke, aff. 51/76, Rec., p. 293). Il est alors renvoyé au juge national pour leur appréciation.
  • [31]
    Voir l’arrêt fondateur Costa c/ ENEL (CJCE, 15 juillet 1964, aff. 6/64, Rec., 1964, p. 1157).
  • [32]
    Cf. en ce sens Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op.cit., p. 20 et suiv. Cf. également les analyses d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., spéc. p. 31 et suiv.
  • [33]
    Selon l’expression à l’origine de Joël Rideau, « Le rôle des États membres dans l’application du droit communautaire », AFDI, 1972, p. 884. Cf. l’étude de Bernadette Le Baut-Ferrarèse, La Communauté européenne et l’autonomie institutionnelle et procédurale des États membres, thèse de sociologie (sous la direction de Thierry Debard), Lyon : Université de Lyon III, 1996 et plus récemment Vincent Couronne, « L’autonomie procédurale des États membres de l’Union européenne à l’épreuve du temps », CDE, 3-4, 2010, p. 273-309.
  • [34]
    Cf. notamment CJCE, 3 avril 1968, Molkerei Zentrale, aff. 28/67, Rec., 1968, p. 228 ; CJCE, 4 avril 1968, Lück, aff. 34/67, Rec., 1968, p. 370 ; CJCE, 19 décembre 1968, Salgoil, aff. 13/68, Rec., 1968, p. 675. Selon D. Simon, la Cour invite les juridictions à faire une « exploitation intensive des virtualités procédurales du droit national », Denys Simon, « Les exigences de la primauté du droit communautaire : continuité ou métamorphose ? », dans L’Europe et le droit. Mélanges en hommage à Jean Boulouis, Paris : Dalloz, 1991, p. 485).
  • [35]
    Conclusions de l’avocat général Roemer, présentées le 21 novembre 1972 dans l’affaire Marimex, aff. 84/71, Rec., 1972, p. 102. Cf. également Ami Barav, « La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire », dans L’Europe et le droit. Mélanges en l’honneur de Jean Boulouis, op. cit., p. 9.
  • [36]
    Voir en ce sens CJCE, 7 juillet 1981, Rewe-Handelsgesellschaft Nord, aff. 158/80, Rec., 1981, p. 1805.
  • [37]
    On peut renvoyer au remarquable document publié par la Cour de justice de l’Union européenne : « Les juridictions des États membres de l’Union européenne. Structure et organisation » (<http://curia.europa.eu>), proposant une description des systèmes juridictionnels de tous les États membres de l’Union. Par ailleurs, certaines informations générales peuvent être trouvées dans les ouvrages récents relatifs aux systèmes juridiques comparés : Michel Fromont, Grands systèmes de droit étrangers, Paris : Dalloz, 6e éd., 2009 ; Raymond Legeais, Grands systèmes de droit contemporains. Approche comparative, Paris : Litec, 2e éd., 2008 ; Gilles Cuniberti, Grands systèmes de droit contemporain, Paris : LGDJ, 2e éd., 2011.
  • [38]
    C’est bien sûr le choix fait par la France, dont les juges appartiennent soit à l’ordre administratif, soit à l’ordre judiciaire. Le Luxembourg a également fait ce choix et distribue les contentieux entre l’ordre judiciaire (avec des juridictions compétentes en matière civile, commerciale et pénale et d’autres compétentes en matière sociale) et l’ordre administratif. En Italie, le contentieux est séparé en deux ordres, mais différents : les juridictions ordinaires (compétentes en matière civile et pénale) et les juridictions spécialisées (notamment juridictions administrative, fiscale, comptable et militaire). Une même distinction est faite en Allemagne entre les juridictions ordinaires (compétentes en matière civile et pénale) et spécialisées (juridictions du travail, sociales, financières et administratives).
  • [39]
    En Espagne, par exemple, les juges sont répartis en quatre grandes matières : le contentieux civil, social, pénal ou administratif.
  • [40]
    On pense par exemple aux juridictions anglaises qui sont réparties entre les juridictions inférieures (en matière civile avec les tribunaux de comté et en matière pénale avec les juges de paix) et les juridictions supérieures (la Haute Cour, la Cour d’appel et la Cour suprême). Des juridictions spécialisées existent également (par exemple pour les litiges entre les citoyens et l’administration), mais elles sont subordonnées aux juridictions de droit commun. La répartition sera également différente dans les États fédéraux, où les compétences seront réparties entre juridictions fédérales et juridictions des États.
  • [41]
    Sans doute le modèle le plus répandu consiste à mettre en place trois degrés de juridiction. On pourra se référer au système particulier du Luxembourg dans lequel trois degrés de juridiction existent en matière judiciaire et seulement deux dans le contentieux administratif.
  • [42]
    Pour un exemple concret, cf. Josse Mertens de Wilmars, « L’efficacité des différentes techniques nationales de protection juridique contre les violations du droit communautaire par les autorités nationales et les particuliers », CDE, 1981, p. 381 et suiv.
  • [43]
    Selon l’expression d’Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op. cit., p. 77.
  • [44]
    Sur les premières résistances des hautes juridictions des États membres, cf. Giancarlo Olmi, « Les rapports entre droit communautaire et droit national dans les arrêts des juridictions supérieures des États membres », RMC, 1981, p. 178-191. Du même auteur, cf. aussi, « Les hautes juridictions nationales, juges du droit communautaire », dans Du droit international au droit de l’intégration. Liber Amicorum Pierre Pescatore, Baden-Baden : Nomos, 1987, p. 499-536.
  • [45]
    Voir l’attitude du Conseil d’État français dans l’affaire du 1er mars 1968, Syndicat général des fabricants de semoule (Recueil Lebon, p. 149). Les juges italiens se sont également opposés à la primauté sur les règles internes postérieures. Cf. notamment les décisions de la Cour constitutionnelle du 7 mars 1964, Costa c/ ENEL, n° 14, Riv. internaz., 1964, p. 295 et suiv., ou du 27 décembre 1965, Acciaierie San Michele c/ Haute Autorité, Foro Italiano, 1964, p. 465 et suiv. (cf. à ce sujet Ami Barav, « Cour constitutionnelle italienne et droit communautaire », RTDE, 1985, p. 313).
  • [46]
    C’est la justification avancée par la Cour constitutionnelle italienne dans l’affaire Costa c/ ENEL, précitée.
  • [47]
    Cf. les critiques de l’attitude des juridictions nationales formulées par Astéris Pliakos, « La fonction communautaire/européenne du juge national mise en question », RMCUE, 545, 2011, p. 79-95 ou par Dominique Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », RTDE, 45 (4), 2009, p. 681-696. Au contraire, sur la remise en question de la prévalence, cf. notamment Jérôme Roux, « L’incidence de la construction européenne sur la norme constitutionnelle », in Bertrand Mathieu (dir.), Cinquantième anniversaire de la Constitution française, Paris : Dalloz, 2008, spéc. p. 700-701. Le débat est ancien, comme peut en témoigner le rapport d’information n° 2630 de la Délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne sur les rapports entre le droit communautaire dérivé et les constitutions nationales déposé le 11 mars 1996 par Pierre Mazeaud.
  • [48]
    Les juges ordinaires acceptent de faire prévaloir les traités sur les lois conformément à l’article 55 de la Constitution, mais refusent encore aujourd’hui de faire de même pour la Constitution. Cf. en ce sens l’arrêt du Conseil d’État du 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique (Recueil Lebon, p. 624) et l’arrêt de la Cour de cassation, 2 juin 2000, Fraisse (Bull. Ass. Plén, 4, p. 7).
  • [49]
    Cf. par exemple l’arrêt du Conseil d’État grec, 25 septembre 1998, Katsarou, 3458/1998, Rec., 1998, p. 300.
  • [50]
    Sur le rôle du Conseil constitutionnel français, cf. notamment Anne Levade, « Le Conseil constitutionnel, régulateur des rapports de systèmes », in Bertrand Mathieu (dir.), Cinquantième anniversaire de la Constitution française, op. cit., p. 729-752.
  • [51]
    Cf. également la décision n° 2004-505 DC, du Conseil constitutionnel français, du 19 novembre 2004 et la déclaration du Tribunal constitutionnel espagnol, n° 1/2004, du 13 décembre 2004, relatives au traité établissant une Constitution pour l’Europe. Les deux juges constitutionnels présentent une lecture tout à fait « interne » de l’arrêt Costa c/ ENEL. Le juge français déclare que « le constituant a consacré l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne », tandis que le juge espagnol constate que « s’est trouvé intégré dans l’ordre juridique espagnol un système normatif autonome » du fait de l’adhésion de l’État aux Communautés. Les deux formules laissent supposer que c’est la volonté des États membres qui conditionne la place du droit communautaire. Cf. la critique formulée par Dominique Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », art. cité, p. 681.
  • [52]
    Cf. la décision n° 2007-560 DC du Conseil constitutionnel français, du 20 décembre 2007, Traité de Lisbonne modifiant le traité sur l’Union européenne et le traité instituant la Communauté européenne ; cf. aussi les décisions n° Pl. US 19/08 et PL. US 29/09 de la Cour constitutionnelle tchèque, des 26 novembre 2008 et 3 novembre 2009 ; cf. enfin la décision de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, du 30 juin 2009, 2 BvE 2/08 ; 2 BvE 5/08, 2 BvR 1010/08, 2 BvR 1022/08, 2 BvR 1259/08, 2 BvR 189/99. Sur ces décisions, on renverra notamment à Hugues Dumont, « La traduction, ciment du “Pacte constitutionnel européen”. Une relecture du débat sur la primauté du droit européen par rapport aux Constitutions nationales », Revue belge de droit constitutionnel, 1, 2010, p. 15-54 (avec une postface sur l’arrêt Lisbonne de la Cour constitutionnelle allemande).
  • [53]
    Voir les paragraphes 150, 231, 235, 271, 298 et 334 de la décision 2 BvE 2/08, les paragraphes 206 et 146 de la décision Pl. US 19/08 et le paragraphe 55 de la décision Pl. US 29/09. Sur la « renationalisation » de la fonction communautaire du juge national, voir Astéris Pliakos, « La fonction communautaire/européenne du juge national mise en question », art. cité, p. 86 et suiv. Sur la tendance générale du « retour des États » dans le traité de Lisbonne, cf. Anne Rigaux, « Derrière les rideaux de fumée du traité de Lisbonne : le “retour des États” ? », dans La France, l’Europe et le monde. Mélanges en l’honneur de Jean Charpentier, Paris : Pedone, 2008, p. 447-465.
  • [54]
    Le Conseil constitutionnel a contrôlé les lois de transposition des directives jusqu’à sa décision n° 2004-496 DC, du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique (cf. infra). Le Conseil a même partiellement censuré une loi transposant une directive : voir la décision n° 94-348 DC, du 3 août 1994, Loi relative à la protection sociale complémentaire des salariés.
  • [55]
    Pierre Pescatore, « L’application directe des traités européens par les juridictions nationales : la jurisprudence nationale », RTDE, 1969, p. 722.
  • [56]
    Cf. par exemple l’attitude de la Cour fédérale financière allemande qui a refusé l’effet direct des directives : voir les ordonnances du 16 juillet 1981, RTDE, 1981, p. 779. Cf. dans le même sens les arrêts du Conseil d’État (5 mai 1980, Société Helen Curtis et Unipro c/ Ministre de la santé, n° 4686) et de la Cour de cassation en Italie (7 octobre 1981, Ministre des finances c/ société Cartiere Timavo, n° 5266).
  • [57]
    Au nombre desquels figurent à l’origine seulement les Pays-Bas et le Luxembourg. Dans la Constitution luxembourgeoise, on trouve deux dispositions qui permettent de garantir l’effet direct des normes communautaires depuis l’entrée en vigueur du traité de Rome (voir spéc. l’article 49 bis). Quant aux Pays-Bas, cf. l’arrêt du College van Beroep voor het Bedrijfsleven, du 10 juillet 1963, in Eversen et Sperl, 1964, n° 1516, rendu juste après l’arrêt Van Gend en Loos, qui reconnaît l’effet direct de l’article 12 du traité CEE et l’inapplicabilité d’une disposition fiscale qui est incompatible.
  • [58]
    Dans certains États, l’effet direct est lié à la primauté des normes. Cf. notamment en Allemagne (Bundesfinanzhof, 10 juillet 1968, Neumann, in Eversen et Sperl, 1968, n° 3080-3085), ou en Belgique (Conseil d’État, 7 octobre 1968, Corveleyn, CDE, 1969, p. 350).
  • [59]
    Ce refus est symbolisé par l’arrêt du Conseil d’État du 22 décembre 1978, Ministre de l’intérieur c/ Cohn Bendit, Recueil Lebon, p. 524. C’est l’invocabilité de la directive à l’encontre d’un acte administratif individuel, en l’absence de mesures règlementaires de transposition, qui a été refusée par le juge. Cette position a tardivement évolué (cf. infra, note 123).
  • [60]
    L’effet direct des directives a été affirmé une première fois dans l’arrêt CJCE, 17 décembre 1970, Société SACE, aff. 33/70, Rec., 1970, p. 1213, puis confirmé par l’arrêt CJCE, 4 décembre 1974, Van Duyn, aff. 41/74, Rec., 1974, p. 1337.
  • [61]
    Selon l’expression du commissaire du gouvernement Bruno Genevois, qui n’a pas été suivi par la juridiction suprême, dans ses conclusions sous l’affaire Cohn Bendit.
  • [62]
    Cf. en ce sens Guy Canivet, « Le droit communautaire et l’office du juge national », Droit et Société, 20-21, 1992, p. 150. Cf. également Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., notamment p. 121.
  • [63]
    Cf. en ce sens les conclusions du commissaire du gouvernement Nicole Questiaux dans l’affaire Syndicat général des fabricants de semoule, paru dans RTDE, 4, 1968, p. 394 : « Certes, selon l’article 55 de la Constitution, tout traité régulièrement ratifié a, dès sa publication, une autorité supérieure à celle des lois. […] Mais le juge administratif ne peut faire l’effort qui lui est demandé sans modifier, de sa seule volonté, sa place dans les institutions. Il ne peut ni censurer ni méconnaître une loi. […] Mais la Constitution […] n’a pas jugé bon de définir d’une nouvelle manière les pouvoirs du juge ; la mission de celui-ci reste celle, subordonnée, d’appliquer la loi ». Cf. aussi l’analyse de Pierre Pescatore, « Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l’Europe », Revue internationale de droit comparé (RIDC), 1974, p. 16-18. Cf. enfin la décision de la Cour constitutionnelle italienne du 22 octobre 1975, n° 232, Société Industrie Chimiche Italia Centrale, RTDE, 1976, p. 396 : « Il ne semble pas possible non plus d’envisager l’inapplicabilité en tant qu’elle résulterait d’un choix que le juge italien serait parfois autorisé à faire entre la règle communautaire et la règle interne après en avoir pesé la valeur respective. Dans cette hypothèse, il faudrait reconnaître au juge italien […le pouvoir] de déterminer la seule règle applicable validement, ce qui équivaudrait à admettre qu’il aurait […] le pouvoir d’établir et de déclarer l’incompétence absolue de notre législateur, pouvoir qui ne lui est certainement pas attribué dans le cadre de l’ordre juridique ».
  • [64]
    Jean-Yves Chérot, « Le droit dans un ordre juridique faiblement ordonné. Le cas de l’Union européenne », dans Le dialogue des juges. Mélanges en l’honneur du Président Bruno Genevois, Paris : Dalloz, 2009, p. 178. Cf. également Denis Alland, « Consécration d’un paradoxe : primauté interne sur le droit international », Revue française de droit administratif (RFDA), 6, 1998, p. 1101 : « Toute l’ingéniosité du monde ne permettrait pas de trouver le moyen pour une Constitution ou un de ses organes de placer le droit international au-dessus d’elle-même. D’où leur viendrait la puissance de lévitation permettant de hisser la valeur de quelque norme que ce soit hors de leur propre portée ? ».
  • [65]
    Pierre Pescatore, « Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l’Europe », art. cité, p. 723.
  • [66]
    L’intervention de la Cour de justice sera envisagée dans une approche délibérément juridique. Une étude pourrait être également menée sous l’angle de la sociologie politique du juge, et on renverrait à ce titre aux travaux d’Andrew W. Green, Political Integration by Jurisprudence, Leyden : Sijthoff, 1969, ou à la thèse de Jean-Pierre Colin, Le gouvernement des juges dans les Communautés européennes, Paris : LGDJ, 1966. Pour des analyses plus récentes, cf. Pascal Mbongo et Antoine Vauchez (dir.), Dans la fabrique du droit européen, Bruxelles : Bruylant, coll. « Colloques », 2009.
  • [67]
    Pour une formulation explicite de cette exigence, voir notamment les conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Verholen, aff. jtes C- C-87/90, C-88/90 et C-89/90, Rec., p. I-3757, pt 19 : « La primauté du droit communautaire ne saurait être laissée à l’appréciation des juges nationaux, au risque d’entamer sérieusement le caractère uniforme de l’application de ce droit ». Voir également les développements d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 77-99.
  • [68]
    Cf. supra, partie I.2.
  • [69]
    Selon l’expression de Denys Simon, « Les exigences de la primauté du droit communautaire : continuité ou métamorphose ? », art. cité, p. 484.
  • [70]
    Ce paradoxe est également relevé par Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 37.
  • [71]
    Cf. en ce sens CJCE, 1er décembre 1965, Schwarze, aff. 16/65, Rec., 1965, p. 1081.
  • [72]
    CJCE, 1er décembre 1965, Schwarze, aff. 16/65, Rec., 1965, p. 1081. Sur le « rôle unificateur » et l’importance du renvoi, voir Pierre Pescatore, « Rôle et chance du droit et des juges dans la construction de l’Europe », art. cité, p. 723.
  • [73]
    Les arrêts rendus par la Cour de justice s’imposent au juge national de renvoi au titre de « l’autorité de la chose jugée » ainsi qu’aux autres juridictions au titre de « l’autorité de la chose interprétée ». Cf. notamment CJCE, 3 février 1977, Benedetti, aff. 52/76, Rec., 1977, p. 163. Sur l’autorité des arrêts, cf. la synthèse de Caroline Naômé, Le renvoi préjudiciel en droit européen. Guide pratique, Bruxelles : Larcier, 2010, p. 274-295 ou de Jacques Pertek, La pratique du renvoi préjudiciel en droit communautaire, Paris : Litec, 2001, p. 155-169.
  • [74]
    En vertu de l’article 177 du traité CEE, devenu ensuite l’article 234 du traité CE et enfin l’article 267 du traité FUE.
  • [75]
    Cette procédure est prévue par l’article 169 du traité CEE originaire, devenu ensuite article 226 du traité CE, et enfin article 258 du traité FUE.
  • [76]
    Cf. CJCE, 5 mai 1970, Commission c/ Belgique, aff. 77/69, Rec., 1970, p. 237, pt 15. Cf. également CJCE, 18 novembre 1970, Commission c/ Italie, aff. 8/70, Rec., p. 961, pt 9.
  • [77]
    Cf. CJCE, 9 décembre 2003, Commission c/ Italie, aff. C-129/00, Rec., p. I-4637 (Europe, 2004, chron. 4, obs. Denys Simon). Cette reconnaissance, indirecte, intervient tardivement par rapport aux invitations répétées des avocats généraux. Cf. par exemple les conclusions de l’avocat général Warner dans l’affaire Meyer Buckhard, aff. 9/75, Rec., 1975, spéc. p. 1187. Du même avocat, voir également les conclusions dans l’affaire Bouchereau, aff. 30/77, Rec., 1977, spéc. p. 2020.
  • [78]
    Cf. Joël Rideau, « Le contentieux de l’application du droit communautaire par les pouvoirs publics nationaux », Recueil Dalloz, 1974, chronique, p. 149, selon lequel ce recours constitue une « arme de dissuasion » aux mains du juge.
  • [79]
    C’est une éventualité d’autant plus envisageable que la Cour de justice a reconnu la responsabilité d’un État membre en raison du refus d’une juridiction supérieure de poser une question préjudicielle en dépit de son obligation de le faire : cf. en ce sens CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, aff. C-224/01, Rec., p. I-10239, confirmé par CJCE, 13 juin 2006 Traghetti del Mediterraneo, aff. C-173/03, Rec., p. I-5177. La doctrine soulève, elle, la possibilité d’un manquement dans cette hypothèse. Cf. notamment Denys Simon, « Recours en manquement », Jurisclasseur Europe, fascicule 380, 2010, pt 31.
  • [80]
    Sur ce point, cf. la synthèse de Denys Simon, « La subsidiarité juridictionnelle : notion-gadget ou concept opératoire ? », art. cité, p. 89-91. Cf. également Ami Barav, « La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire », art. cité, p. 3-20.
  • [81]
    CJCE, 4 avril 1968, Lück, précité, p. 370.
  • [82]
    CJCE, 13 juillet 1972, Commission c/ Italie, aff. 48/71, Rec., 1972, p. 529, pt 7.
  • [83]
    Le juge interne ne peut pas se prévaloir de l’impossibilité d’éliminer une norme législative. De même, est censurée l’attitude du juge constitutionnel italien qui, tout en reconnaissant la primauté du droit communautaire, a persisté pendant longtemps à exiger une déclaration d’inconstitutionnalité pour qu’une loi interne contraire puisse être considérée comme invalide. Cf. par exemple les décisions de la Cour constitutionnelle du 22 octobre 1975, Industrie Chimiche Italia Centrale, ou du 29 octobre 1977, Unil-It, précitées.
  • [84]
    CJCE, 9 mars 1978, Simmenthal, aff. 106/77, Rec., 1978, p. 629. La doctrine a souligné la « sévérité du langage employé et l’extrémisme de la solution consacrée » (cf. Ami Barav, La fonction communautaire du juge national, op. cit., p. 69), mais a globalement approuvé le choix de la Cour de justice. Cf. notamment Dominique Carreau, « Droit communautaire et droits nationaux : concurrence ou primauté ? », RTDE, 1978, spéc. p. 390 ; Léon Goffin, « De la prééminence absolue du droit communautaire européen sur le droit national des États membres », Journal des tribunaux (JT), 1978, spéc. p. 393 ; Jean Boulouis, note, AJDA, 1978, p. 326.
  • [85]
    CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz, aff. 33/76, Rec., 1976, p. 1989, pt 11 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet, aff. 45/76, Rec., 1976, p. 2043, pt 13.
  • [86]
    CJCE, 19 novembre 1991, Francovich et Bonifaci c/ Italie, aff. jtes C-6/90 et C-9/90, Rec., p. I-5337. Pour une application récente des règles posées, cf. CJUE, 26 janvier 2010, Transportes Urbanos y Servicios Generales SAL, aff. C-118/08.
  • [87]
    CJCE, 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame, aff. jtes C-46/93 et C-48/93, Rec., p. I-1029.
  • [88]
    CJCE, 30 septembre 2003, Köbler, précité.
  • [89]
    Cf. en ce sens les conclusions de Luc Derepas sur Conseil d’État, Assemblée, 8 février 2007, Gardedieu, RFDA, 2, 2007, p. 361.
  • [90]
    Cf. en ce sens Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 285 et suiv. Cf. également Guy Isaac, « Primauté du droit communautaire », Répertoire de droit communautaire Dalloz, p. 9.
  • [91]
    Selon l’expression d’Olivier Dubos, Les juridictions nationales, juge communautaire, op. cit., p. 286.
  • [92]
    Ce droit consiste essentiellement à avoir accès au juge national pour lui demander la protection des droits tirés du droit communautaire. Cf. CJCE, 15 mai 1986, Johnston, aff. 222/84, Rec., 1986, p. 1651, pt 17. Plus récemment, cf. CJCE, 13 mars 2007, Unibet, aff. C-432/05, Rec., p. I-2271 (Europe, 2007, comm. 128, obs. Denys Simon).
  • [93]
    Ce droit implique d’interdire que ne soit exigé le versement d’un dépôt de garantie par les seuls ressortissants étrangers. Cf. CJCE, 1er juillet 1993, Hubbard, aff. C-20/92, Rec., p. I-3777, pts 9 et suiv. et CJCE, 26 septembre 1996, Data Delecta, aff. C-43/95, Rec., p. I-4661, pt 13.
  • [94]
    La Cour de justice va ainsi contraindre les États qui ne disposaient pas de ce mécanisme à le mettre en place lorsque le droit communautaire est en jeu : cf. CJCE, 19 juin 1990, Factortame, aff. 213/89, Rec., p. I-2433, pts 21 et suiv. et CJCE, 21 février 1991, Zuckerfabrick, aff. jtes C-143/88 et C-92/89, Rec., p. I-415, pts 20 et suiv.
  • [95]
    CJCE, 11 juillet 1991, Verholen, aff. jtes C-87/90 à C-89/90, Rec., p. I-3757, pt 16.
  • [96]
    CJCE, 14 décembre 1995, Peterbroeck, aff. C-312/93, Rec., p. I-4599, pt 21. Cf. aussi CJCE, 14 décembre 1995, Van Schijndel, aff. jtes C-430/93 et C-431/93, Rec., p. I-4705, pt 19. Cf. notamment les remarques de Frédéric Train, « Le renvoi préjudiciel et la subsidiarité », dans L’Europe et le droit. Mélanges en l’honneur de Jean Boulouis, op. cit., p. 104-107.
  • [97]
    CJCE, 7 juin 2007, Van der Weerd, aff. jtes 222/05 à 225/05, Rec., p. I-4233, pt 16 (Europe, 2007, comm. 199, obs. Denys Simon) et CJCE, 25 novembre 2008, Heemskerk, aff. C455/06, Rec., p. I-8763, pt 46 (Europe, 2009, comm. 6, obs. Anne Rigaux).
  • [98]
    Cf. notamment CJCE, 12 février 2008, Willy Kempter KG, aff. C-2/06, Rec., p. I-411 (Europe, 2008, comm. 107, obs. Denys Simon) ; CJCE, 18 juillet 2007, Lucchini, aff. C-119/05, Rec., p. I-6199 (Europe, 2007, comm. 235, obs. Denys Simon) ; CJCE, 16 mars 2006, Kapferer, aff. C-234/04, Rec., p. I-2585 (Europe, 2006, comm. 234, obs. Laurence Idot) ; CJCE, 13 janvier 2004, Kühne et Heitz, aff. C-453/00, Rec., p. I-837 (Europe, 2004, comm. 66, obs. Denys Simon).
  • [99]
    CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz, précité, pt 6 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet, précité, pt 13.
  • [100]
    CJCE, 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz, précité, pt 5, alinéa 6 ; CJCE, 16 décembre 1976, Comet, précité, pt 16.
  • [101]
    Pour une étude plus poussée, cf. Pascal Girerd, « Les principes d’équivalence et d’effectivité : encadrement ou désencadrement de l’autonomie procédurale des États membres ? », RTDE, 2002, p. 75-102. Pour une utilisation récente, cf. CJUE, 8 juillet 2010, Bulicke, aff. C-246/09 (Europe, 2010, comm. 885, obs. Laetitia Driguez).
  • [102]
    Cf. en ce sens Pascal Gilliaux, « L’arrêt Unión de Pequeños Agricultores : entre subsidiarité juridictionnelle et effectivité », art. cité, p. 191 et suiv.
  • [103]
    Cf. dans le même sens Joël Andriantsimbazovina, « La subsidiarité devant la Cour de justice des Communautés européennes et la Cour européenne des droits de l’homme », art. cité, p. 29. Il décrit la politique jurisprudentielle de la Cour de justice comme une alternance de phase active, caractérisée par le respect de la marge d’appréciation des juridictions nationales, et de phase passive qui permet de surveiller les actions étatiques.
  • [104]
    Cf. Denys Simon, Le système juridique communautaire, Paris : PUF, 3e éd., 2001, notamment p. 232 et 239. Du même auteur, cf. aussi « Étendue de la protection juridictionnelle », Lamy procédures communautaires, 2005, étude 220.
  • [105]
    Cf. en particulier les critiques de la position du juge communautaire concernant le relevé d’office, considérée comme trop respectueuse de l’autonomie des juges internes : cf. en ce sens A. Rigaux et D. Simon qui déplorent la « renationalisation de l’office du juge interne » (Anne Rigaux et Denys Simon « L’obligation pour le juge judiciaire d’appliquer d’office le droit communautaire au regard des arrêts Van Schindel et Peterbroeck », Europe, avril 1996, chronique 4). Cf. également Safia Cazet, « Retour sur le relevé d’office des moyens tirés du droit communautaire : bilan au lendemain de l’arrêt Heemskerk », Europe, 2009, p. 4-8, ainsi que les conclusions de l’avocat général Bot présentées le 6 mai 2008 dans l’affaire Heemskerk, aff. C-455/06, Rec., p. I-8763, pt 128. L’émergence d’une « culture de l’autonomie procédurale » est évoquée concernant les conditions de responsabilité de l’État pour violation du droit communautaire (à propos de CJCE, du 24 mars 2009, Danske Slagterier c/ Allemagne, aff. C-445/06, Rec., p. I-2119 : Europe, 2009, étude n° 5, obs. Denys Simon et Anne Rigaux).
  • [106]
    Cf. notamment Ami Barav, « La plénitude de compétence du juge national en sa qualité de juge communautaire », art. cité, p. 20. Pour un bilan positif de l’attitude récente du juge administratif français, cf. Denys Simon, « Impact croissant du droit sur le contentieux administratif », Europe, 2005, alerte 42, et Bruno Genevois, « L’application du droit communautaire par le Conseil d’État », RFDA, 2, 2009, p. 201.
  • [107]
    Selon la formule célèbre de Pierre Pescatore, L’ordre juridique des Communautés européennes, Liège : Presses universitaires de Liège, 1975, p. 227.
  • [108]
    Il est même des États qui ont reconnu la primauté des règles communautaires sur les normes postérieures sans même y avoir été invités par la Cour : cf. par exemple l’arrêt du Tribunal de Luxembourg, 29 mai 1963, in Eversen et Sperl, 1963, n° 1245, ou encore l’ancien article 66 de la Constitution des Pays-Bas (devenu article 94). Cf. également l’arrêt de la Cour de cassation néerlandaise, du 18 mai 1962, Bosch, BMB 1965, p. 1850. Pour l’Italie, il a fallu en revanche attendre la décision de la Cour constitutionnelle italienne, 8 juin 1984, n° 170, SA Granital c/ Administration des finances, Giurisprudenza costituzionale, 1984, I, p. 1098. Les juges ordinaires ont également admis cette suprématie sur les normes postérieures : cf. notamment Tribunal de Turin, 12 juillet 1973, Divella, CMLR, 1975, p. 438, Tribunal de Milan, 4 avril 1974, Kraft, Diritto communitario e degli scambi internazionali, 1975, p. 445 ; Tribunal de Milan, 6 mars 1975, Vismara, CDE, 1977, p. 291. Pour l’Allemagne, cf. notamment Cour constitutionnelle allemande, 9 juin 1971, cité dans Christian Philip (dir.), Textes institutifs des Communautés européennes, Paris : PUF, 3e éd., 1993, p. 51. Pour la France, cf. l’arrêt de la Cour de cassation du 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabres, Recueil Dalloz, 1975, p. 497 et l’arrêt du Conseil d’État du 20 octobre 1989, Nicolo, Recueil Lebon, p. 190. Pour la Belgique, cf. l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mai 1971, Le Ski, JT, 1971, p. 460.
  • [109]
    L’exemple français est frappant puisque la Cour de cassation a reconnu la primauté sur les normes antérieures et postérieures dès 1975 (affaire Jacques Vabres, précitée) tandis que le Conseil d’État ne s’y est plié qu’en 1989 (affaire Nicolo, précitée). En Italie, on trouve le même type de discordances entre les juges : alors que la Cour constitutionnelle a attendu 1984 pour se conformer aux directives de la Cour de justice (décision du 8 juin 1984, Granital, précitée), les juges ordinaires ont été plus prompts à s’acquitter de leurs nouvelles obligations (voir les arrêts du Tribunal de Milan du 4 avril 1974 et du 6 mars 1975, précités).
  • [110]
    Cf. en France les arrêts SNIP du Conseil d’État et Fraisse de la Cour de cassation et en Grèce l’arrêt Katsarou du Conseil d’État, précités.
  • [111]
    Cf. notamment la décision de la Cour d’arbitrage belge, n° 12/94, du 3 février 1994, École européenne c/ Hermans Jacobs, Rec., 1994, p. 155. Plus récemment, cf. la position de la Cour constitutionnelle allemande dans sa décision du 30 juin 2009, précitée, paragraphe 331.
  • [112]
    Le contrôle de constitutionnalité des lois de transposition a été opéré par le Conseil constitutionnel jusqu’à sa décision n° 2004-496 DC, du 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, spéc. le considérant n° 7. Cf. également la décision n° 2004-497 DC, du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, la décision n° 2004-498 DC, du 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique ou encore la décision n° 2006-540 DC, du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information. Un contrôle sera toujours admis si la loi de transposition révèle une certaine marge de manœuvre de l’État, c’est-à-dire si elle n’est pas une transposition pure et simple de la directive. Dans le cas contraire, le Conseil ne fera plus de contrôle de constitutionnalité, sauf si la loi contrevient à une disposition expresse de la Constitution ou à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, ce qui en pratique sera probablement rare.
  • [113]
    Conseil d’État, 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine ea, Recueil Lebon, p. 55.
  • [114]
    Cf. les remarques de Denys Simon, « La jurisprudence récente du Conseil d’État : le grand ralliement à l’Europe des juges ? », Europe, 2007, repère n° 3, pts 16-18.
  • [115]
    Cf. les prémices de ce contrôle du juge constitutionnel dans la décision n° 2006-535 DC, du 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, puis la confirmation par la décision n° 2006-543, DC, du 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie. Ce contrôle est tout de même limité : il ne faut pas que la directive puisse permettre de méconnaître un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, et il faut que l’incompatibilité de la loi à la directive soit évidente. Cela pose la question de l’intégration par le Conseil constitutionnel du droit de l’Union dans le bloc de constitutionnalité, et relance donc le débat amorcé dans sa décision IVG du 15 janvier 1975. Pour le Conseil d’État, cf. l’arrêt du 10 avril 2008, Conseil national des Barreaux ea et Conseil des Barreaux européens, Recueil Lebon, p. 128.
  • [116]
    Cette référence à l’obligation constitutionnelle apparaît dans la décision du 10 juin 2004, précitée. Elle a ensuite été utilisée par le Conseil d’État dans les arrêts Arcelor et Conseil national des Barreaux, précités.
  • [117]
    Voir la jurisprudence dite « Solange » : tant que la Communauté ne protège pas les droits fondamentaux à un niveau équivalent à celui garanti par la loi fondamentale, le juge constitutionnel se réserve le droit de contrôler le droit dérivé à l’aune de sa norme suprême : cf. les décisions du 29 mai 1974, « Solange I », du 22 octobre 1986, « Solange II » et du 7 juin 2000, « Solange III ».
  • [118]
    Cf. la décision de la Cour constitutionnelle du 13 avril 1989, Société Fragd, Revue universelle des droits de l’homme (RUDH), 1989, p. 258, concernant une loi de transposition. Plus tard, elle acceptera même de vérifier a priori la constitutionnalité d’actes nationaux qui ne transposent pas des normes de droit dérivé, en cas de violation présumée du droit communautaire : cf. la décision du 10 novembre 1994, n° 384, Président du Conseil des ministres c/ Région d’Ombrie, Il Foro italiano, 1994, p. 3289.
  • [119]
    Déclaration du Tribunal constitutionnel espagnol, n° 1/2004, du 13 décembre 2004, précitée. Le juge procède de manière tout à fait similaire, n’envisageant en principe pas de contrôle de constitutionnalité, mais se réservant exceptionnellement une compétence en cas de mise en cause du « respect de la souveraineté de l’État, de nos structures constitutionnelles de base et du système de valeurs et de principes fondamentaux consacrés dans [la] Constitution ».
  • [120]
    Finalement, les juges constitutionnels acceptent de renoncer à leur contrôle si une protection équivalente est assurée au niveau de l’Union européenne. Leur attitude doit être différenciée de celle des juges français car ces derniers instaurent une réserve de constitutionnalité et feront un contrôle dans chaque espèce : cf. la comparaison entre les deux mouvements de Denys Simon, « L’autonomisation du contrôle d’euro-compatibilité : une rupture épistémologique dans les rapports de systèmes ? », dans La France, l’Europe et le monde. Mélanges en l’honneur de Jean Charpentier, op. cit., p. 512-513.
  • [121]
    On peut ainsi prendre pour exemples les juges espagnols qui peu de temps après l’adhésion se sont référés à l’effet direct du droit communautaire pour les citoyens : cf. notamment les déclarations du Tribunal constitutionnel du 14 février 1991, Élections au Parlement européen, n° 28/1991 et du 22 mars 1991, Apesco, n° 64/1991. De même, en Belgique, le Conseil d’État a reconnu l’effet direct des directives avant que la Cour de justice ne se prononce sur le sujet : Conseil d’État, 7 octobre 1968, Corveylen c/ Belgique, CDE, 1968, p. 550. L’effet direct des règlements n’a pas posé de problèmes non plus : Cour de cassation, 8 juin 1967, JT, 1967, p. 458. La Cour fédérale allemande, après quelques hésitations, a reconnu l’effet direct des directives : décision du 8 avril 1987, Kloppenburg c/ Bundesfinanzhof, BVerfGE 75, p. 223. Enfin on peut mentionner l’Italie où l’effet direct a fini par être reconnu aux directives : Cour constitutionnelle, 18 avril 1991, n° 168, Industria Dolciaria Giampaloli, Rivista di diritto internazionale, 1991, p. 108.
  • [122]
    Pour une synthèse, cf. notamment Louis Dubouis, « Bref retour sur la longue marche du Conseil d’État en terres internationales et européennes », dans Renouveau du droit constitutionnel. Mélanges en l’honneur de Louis Favoreu, Paris : Dalloz, 2007, p. 391-402.
  • [123]
    Conseil d’État, 30 octobre 2009, Mme Perreux, Recueil Lebon, p. 407.
  • [124]
    Conseil d’État, 30 octobre 1996, Cabinet Revert et Badelon, Recueil Lebon, p. 397.
  • [125]
    Conseil d’État, 22 décembre 1989, Ministre du Budget c/ Cercle militaire mixte de la Caserne Mortier, Recueil Lebon, p. 260.
  • [126]
    Conseil d’État, 28 février 1992, Société Arizona Tobacco Products et S.A. Philip Morris France, Recueil Lebon, p. 78.
  • [127]
    Conseil d’État, 10 janvier 2001, France nature environnement, Recueil Lebon, p. 9.
  • [128]
    Denys Simon, Le système juridique communautaire, op. cit., p. 252 et p. 256.
  • [129]
    Ainsi, les juges internes ont pu faire obstacle à ce mécanisme de renvoi, même dans les hypothèses où ils y étaient contraints. En France, par exemple, les juridictions ont contourné l’obligation grâce à la théorie de « l’acte clair » : cf. l’utilisation de cette théorie par la Cour de cassation (arrêt du 5 janvier 1967, Lapeyre, Bull. crim., 1967, p. 16) et le Conseil d’État (arrêt du 19 juin 1964, Société des pétroles Shell-Berre, Recueil Lebon, p. 344). La Cour de justice a pris position pour tenter d’endiguer cette pratique en imposant certaines conditions pour pouvoir y recourir. Cf. CJCE, 6 octobre 1982, CILFIT, aff. 283/81, Rec., 1982, p. 3417, pt 16 : « l’application correcte du droit communautaire peut s’imposer avec une évidence telle qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable sur la manière de résoudre la question posée. Avant de conclure à l’existence d’une telle situation, la juridiction nationale doit être convaincue que la même évidence s’imposerait également aux juridictions des autres États membres et à la Cour de justice ».
  • [130]
    On peut excepter certains États membres dont les juridictions ont joué le jeu des questions préjudicielles très rapidement. L’exemple le plus évident est celui des juridictions italiennes qui ont posé des questions ayant donné lieu à des arrêts fondateurs, parmi lesquels Costa c/ ENEL, Simmenthal, Francovich, précités.
  • [131]
    Selon l’expression, désormais célèbre, du commissaire du gouvernement Bruno Genevois dans ses conclusions dans l’affaire Cohn Bendit (Recueil Dalloz, 1979, p. 161). On renverra aussi à François Lichère, Arnaud Raynouard et Laurence Potvin-Solis (dir.), Le dialogue entre les juges européens et nationaux : incantation ou réalité ?, Bruxelles : Bruylant, coll. « Droit et justice », 2004.
  • [132]
    Pour se faire une idée plus précise, on peut consulter les statistiques publiées par la Cour de justice sur son site internet chaque année. Pour un bilan positif, cf. également l’entretien avec Vassilios Skouris, publié dans Europe, avril 2007, p. 4-6.
  • [133]
    Le Tribunal constitutionnel portugais a également rapidement reconnu la possibilité de faire ce renvoi : décision n° 163/90, 23 mai 1990, Diaro da Republica, 1ère série, 240, 18 octobre 1990. La Cour constitutionnelle allemande envisage depuis très peu de temps d’y recourir : voir la décision du 2 mars 2010, 1 BvR 256/08, 1 BvR 263/08, 1 BvR 586/08. La première question préjudicielle émanant d’un juge constitutionnel a été posée par la Cour d’arbitrage belge (décision du 19 février 1997 et réponse de la CJCE du 16 juillet 1998, Fédération des chambres syndicales de médecins, aff. C-93/97, Rec., p. I-4837), suivie de la Cour constitutionnelle autrichienne (ordonnance du 10 mars 1999 et réponse de la CJCE du 8 novembre 2001, Adria-Wien Pipeline GmbH, aff. C-143/99, Rec., p. 8365), et enfin de la Cour constitutionnelle italienne (décision du 13 février 2008, n° 103).
  • [134]
    Cf. par exemple l’arrêt du Conseil d’État français du 11 décembre 2006, Société De Groot En Slot Allium B.V. et Société Bejo Zaden B.V., Recueil Lebon, p. 512. Le juge accepte d’appliquer l’intégralité de la réponse même si les réponses de la Cour de justice dépassent le champ de la question posée.
  • [135]
    Cf. la décision du Tribunal constitutionnel espagnol, du 19 avril 2004, n° 58/2004, qui a annulé un arrêt d’un juge ordinaire qui avait violé son obligation de renvoyer une question préjudicielle à la Cour de justice.
  • [136]
    Cf. notamment CJCE, ord., 9 août 1994, La pyramide, aff. C-378/93, Rec., p. I-3999 et les observations d’Anne Rigaux à ce sujet, Europe, 1994, comm. 354. L’auteur évoque la « doctrine de l’irrecevabilité préjudicielle » adoptée par la Cour.
  • [137]
    Cf. la décision du Tribunal constitutionnel espagnol, du 19 avril 2004, précitée : selon lui, le renvoi préjudiciel est « un instrument de plus au service des juges et des Tribunaux pour l’épuration de l’ordre juridique ».
  • [138]
    Selon l’expression du commissaire du gouvernement Mattias Guyomar dans les conclusions de l’affaire Arcelor, précitées. Cf. aussi Dominique Ritleng, « De l’utilité du principe de primauté du droit de l’Union », art. cité, p. 695, qui observe la « pacification des relations entre les ordres juridiques ».
  • [139]
    Cf. l’arrêt de la Cour de cassation du 16 avril 2010, Melki et Abdeli, pourvoi n° 10-40.002, l’arrêt du Conseil d’État du 14 mai 2010, Rujovic, requête n° 312305 et la décision du Conseil constitutionnel DC n° 2010-605, du 12 mai 2010, Jeux d’argent et de hasard en ligne.
  • [140]
    On ne peut en donner qu’un aperçu tant le débat a déchaîné les esprits : cf. par exemple Laurence Burgorgue-Larsen, « Question préjudicielle de constitutionnalité et contrôle de conventionnalité. État des lieux de leurs relations (éventuellement dangereuses) dans le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 61 §1 de la Constitution », RFDA, 4, 2009, p. 787 ; Denys Simon, « Le projet de loi organique relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution : un risque d’incompatibilité avec le droit communautaire ? », Europe, 2009, repère n° 5 ; Philippe Manin, « La question prioritaire de constitutionnalité et le droit de l’Union européenne », AJDA, 2010, p. 1022 ; Paul Cassia et Emmanuelle Saulnier Cassia, « La QPC peut-elle être “prioritaire” ? », Recueil Dalloz, 26, 2010, p. 1636.
  • [141]
    CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. jtes C-188/10 et C-189/10.
  • [142]
    Marie Gautier, « QPC et droit communautaire. Retour sur une tragédie en cinq actes », Droit administratif, 10, 2010, p. 13 ; Pascale Deumier, « QPC : la question fondamentale du pouvoir d’interprétation », Revue trimestrielle de droit civil (RTDCiv), 3, 2010, p. 499 ; Matthieu Houser, « Question prioritaire de constitutionnalité et renvoi préjudiciel : la Cour de justice s’en mêle… sagement », LPA, 191, 2010, p. 5 ; Denys Simon et Anne Rigaux, « Solange, le mot magique du dialogue des juges… », Europe, 2010, repère n° 7.
  • [143]
    C’est la position qu’elle adopte dans son avis relatif à la création d’une juridiction du brevet européen et du brevet communautaire, avis 1/09 rendu le 8 mars 2011, précité, spécialement pt 69.
  • [144]
    Robert Lecourt, L’Europe des juges, op. cit.
  • [145]
    Cf. en ce sens les propos de Denys Simon, « La jurisprudence récente du Conseil d’État : le grand ralliement à l’Europe des juges ? », art. cité, p. 5.
  • [146]
    Pour des acceptations précoces, cf. notamment Cour suprême danoise, 27 septembre 1972, Grønborg, Common Market Law Report (CMLR), 1972, XI, p. 879 ; Cour d’appel d’Angleterre, 10 mai 1971, Blackburn c/ Attorney General, CMLR, 1971, X, p. 784 ; Scotland Court of Session, 7 mars 1975, Gibson c/ Lord Advocate, CMLR, 1975, XV, p. 563.
  • [147]
    Voir notamment les arrêts Van Gend en Loos et Costa c/ ENEL, précités. Les juridictions qui ont exprimé les plus grandes difficultés sont celles des États membres fondateurs ou des États ayant adhéré à la Communauté européenne rapidement. Quant aux autres États, ils ont été contraints de respecter l’acquis communautaire lors de leur adhésion et leur participation au processus d’intégration déjà amorcé leur a permis de se montrer plus conciliants.
  • [148]
    Hugues Dumont, « La traduction, ciment du “Pacte constitutionnel européen” », art. cité, p. 17-18. Ce processus consisterait pour le droit national à traduire la primauté du droit de l’Union en ajustant sa portée aux exigences constitutionnelles internes et pour le droit de l’Union à traduire à son tour la primauté des Constitutions nationales en ajustant sa portée à ses propres exigences. Tout serait donc une question d’« ajustement mutuel » (p. 24).
  • [149]
    Selon l’expression de Pierre Mazeaud, utilisée lors des échanges de vœux à l’Élysée le 3 janvier 2005, texte consultable sur le site internet du Conseil constitutionnel.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.9.170

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions