Notes
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[1]
L’auteur tient à remercier Benoît Frydman et David Restrepo Amariles pour les relectures de cet article et pour leurs précieux conseils ; et adresse également ses remerciements à Bruno Deffains, Michel Séjean et Romain Espinosa pour avoir permis d’observer le fonctionnement de l’Index de la sécurité juridique de l’intérieur.
-
[2]
Kevin Davis, Angelina Fisher, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry (eds.), Governance by Indicators. Global Power through Quantification and Rankings, Oxford : Oxford University Press, 2012 ; Benoît Frydman et Arnaud Van Waeyenberge (dir.), Gouverner par les standards et les indicateurs : de Hume au Rankings, Bruxelles : Bruylant, 2013 ; David Restrepo Amariles, The Rise of Transnational Legal Indicators: Empirical Accounts of Law in a Global Society, thèse de doctorat, Université libre de Bruxelles, 2014 ; Kevin Davis, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry (eds.), The Quiet Power of Indicators Measuring Governance, Corruption, and Rule of Law, New York : Cambridge University Press, 2015.
-
[3]
Cette question a été beaucoup étudiée. Voy. notamment, Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, Paris : Presses de l’École des Mines, 2008 ; Id., Gouverner par les nombres. L’argument statistique II, Paris : Presses de l’École des Mines, 2008.
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[4]
W. N. Espeland et M. Sauder parlent de reactivity des indicateurs (Wendy Nelson Espeland et Michael Sauder, « Rankings and Reactivity: How Public Measures Create Social Worlds », American Journal of Sociology, 113 (1), 2007, p. 1) et A. Desrosières de rétroaction (Alain Desrosières, « Est-il bon, est-il méchant ? Le rôle du nombre dans le gouvernement de la cité néolibérale », communication au séminaire l’Informazione prima dell.’informazione. Conoscenza e scelte pubbliche, Université de Milan Bicocca, 27 mai 2010).
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[5]
Benoît Frydman, « Prendre les standards et les indicateurs au sérieux », in Benoît Frydman et Arnaud Van Waeyenberge (dir.), Gouverner par les standards et les indicateurs : de Hume au Rankings, op. cit., p. 62 et suiv. ; Id., « From Accuracy to Accountability: Subjecting Global Indicators to the Rule of Law », International Journal of Law in Context, 13, 2018, p. 454 et suiv.
-
[6]
Pauline Bégasse de Dhaem et Arnaud Van Waeyenberge, « Gouverner par les indicateurs : le cas des classements d’universités » in Thierry Tanquerel et Alexandre Flückiger (dir.), L’évaluation de la recherche en droit, Bruxelles : Bruylant, 2015, p. 255.
-
[7]
Bruno Colmant, Étienne de Callataÿ, Xavier Dieux et al., Les agences de notation financière, Bruxelles : Larcier, 2013.
-
[8]
Alors qu’on en recensait six avant l’année 2000, on en dénombre désormais plus d’une vingtaine. Voy. David Restrepo Amariles, « Les maths du droit – Pratiques et méthodologies des indicateurs juridiques », in Bruno Deffains et Michel Séjéan (dir.), L’Index de la sécurité juridique, Paris : Dalloz, 2018, p. 35.
-
[9]
Ainsi, on peut lire sur leur site Internet que, depuis la création de Doing Business, 3188 réformes réglementaires visant à faciliter les affaires ont été identifiées à travers le monde (<http://francais.doingbusiness.org/fr/reforms>).
-
[10]
Pour des exemples concrets de réformes inspirées par les rapports Doing Business, voy. Julian McLachlan, et David Restrepo Amariles, « Legal Indicators in Transnational Law Practice: A Methodological Assessment », Jurimetrics, 58 (2), p. 173.
-
[11]
Benoît Frydman, « Comment penser le droit global ? », in Jean-Yves Chérot et Benoît Frydman (dir.), La science du droit dans la globalisation, Bruxelles : Bruylant, 2012, p. 17.
-
[12]
David Restrepo Amariles, « Legal Indicators, Global Law and Legal Pluralism: An Introduction », The Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, 47 (1), 2015, p. 12.
-
[13]
Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification, op. cit., p. 103.
-
[14]
Alain Supiot, La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France (2012-2014), Paris : Fayard, 2015, p. 250.
-
[15]
David Nelken, « The Legitimacy of Global Social Indicators: Reconfiguring Authority, Accountability and Accuracy », Les Cahiers de droit, 59 (1), 2018, p. 78-79.
-
[16]
Voy. notamment Rafael La Porta, Florencio López-de-Silanes, Andrei Shleifer et Robert W. Vishny, « Legal Determinants of External Finance », The Journal of Finance, 52 (3), 1997, p. 1131 ; Id., « Law and Finance », Journal of Political Economy, 106 (6), 1998, p. 113.
-
[17]
Rafael La Porta, Florencio López-de-Silanes et Andrei Shleifer, « The Economic Consequences of Legal Origins », Journal of Economic Literature, 46 (2), 2008, p. 285-286.
-
[18]
Renaud Beauchard, Kevin Davis, Corinne Boisman et al., « Legal Origins, Doing Business, and Rule of Law Indicators: The Economic Evaluation of Legal Systems », Proceedings of the Annual Meeting (American Society of International Law), 105, 2011, p. 40.
-
[19]
Ibid.
-
[20]
Ralf Michaels, « Comparative Law by Numbers? Legal Origins Thesis, Doing Business Reports, and the Silence of Traditional Comparative Law », The American Journal of Comparative Law, 57, 2009, p. 771 ; Claude Ménard et Bertrand du Marais, « Can We Rank Legal Systems According to Their Economic Efficiency? », Washington University Journal of Law & Policy, 26, 2008, p. 60. On souligne également l’influence décisive de l’économiste de Soto.
- [21]
-
[22]
Association Henri Capitant, Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque Mondiale, Paris : Société de législation comparé, 2006 ; Bénédicte Fauvarque-Cosson et Anne-Julie Kerhuel, « Is Law an Economic Contest? French Reactions to the Doing Business World Bank Reports and Economic Analysis of the Law », The American Journal of Comparative Law, 57 (4), 2009, p. 811 ; Catherine Valcke, « The French Response to the World Bank’s Doing Business Reports », University of Toronto Law Journal, 60, 2010, p. 197.
-
[23]
Marie-Anne Frison-Roche, « L’idée de mesurer l’efficacité économique du droit », in Guy Canivet, Marie-Anne Frison-Roche et Michael Klein (dir.), Mesurer l’efficacité économique du droit, Paris : LGDJ, 2005, p. 19.
-
[24]
Association Henri Capitant, Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque Mondiale, op. cit., p. 8.
-
[25]
La fondation a été créée par le Conseil supérieur du notariat, le Conseil national des barreaux et la Caisse des dépôts et consignations (article 3.1 des statuts accessibles sur ce lien <http://www.fondation-droitcontinental.org/fr/wp-content/uploads/2013/12/statuts-de-la-fondation.pdf>). Parmi les membres du conseil d’administration siègent des représentants de ministères et de hautes juridictions du pays (article 5.1.).
-
[26]
Bénédicte Fauvarque-Cosson et Anne-Julie Kerhuel, « Is Law an Economic Contest? French Reactions to the Doing Business World Bank Reports and Economic Analysis of the Law », article cité, p. 819.
-
[27]
Patrick Papazian, « Appel à projet. Étude relative à un Index de la sécurité juridique », La Semaine juridique - Édition générale, 7 janvier 2013, n°1-2, p. 43.
-
[28]
Kevin Davis, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry, « Introduction: Global Governance by Indicators », in Kevin Davis, Angelina Fisher, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry (eds.), Governance by Indicators, op. cit., p. 19.
-
[29]
Bruno Deffains et Catherine Kessedjian (dir.), Index de la sécurité juridique. Rapport pour la Fondation pour le droit continental, 2015, accessible sur ce lien <http://www.fondation-droitcontinental.org/fr/wp-content/uploads/2015/04/Rapport-ISJ-Juin-2015.pdf> (ci-après, cité ISJ 2015).
-
[30]
Bruno Deffains et Michel Séjéan (dir.), L’Index de la sécurité juridique, Paris : Dalloz, 2018 (ci-après, cité ISJ 2018).
-
[31]
Notons que l’équipe de recherche a entretenu un dialogue constant avec la Banque mondiale. Elle s’est, en effet, rendue en 2015 et en 2016 à la Law, Justice and Development Week organisée par la Banque mondiale pour y présenter les travaux en cours sur l’indicateur. Elle a également organisé la présentation du Doing Business 2017 en France.
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[32]
ISJ 2015, p. 37.
-
[33]
Ibid., p. 39.
-
[34]
Voy. Association Henri Capitant, Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque Mondiale, op. cit., p. 88.
-
[35]
David Restrepo Amariles, « Transnational Legal Indicators: The Missing Link in a New Era of Law and Development Policy », in Pedro Fortes, Larissa Boratti, Andrés Palacios et Tom Daly (eds.), Law and Policy in Latin America: Transforming Courts, Institutions, and Rights, Londres : Palgrave Macmillan, 2017, p. 95 et suiv.
-
[36]
Amanda Perry-Kessaris, « Prepare your Indicators: Economics Imperialism on the Shores of Law and Development », International Journal of Law in Context, 7, 2011, p. 416.
-
[37]
David Restrepo Amariles, « Supping with the Devil? Indicators and the Rise of Managerial Rationality in Law », International Journal of Law in Context, 13, 2018, p. 470.
-
[38]
Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, op. cit., p. 187.
-
[39]
David Restrepo Amariles, « Legal Indicators, Global Law and Legal Pluralism: An Introduction », article cité, p. 16.
-
[40]
ISJ 2015, p. 8.
-
[41]
Jacques Chevallier, « Le droit économique : insécurité juridique ou nouvelle sécurité juridique », in Laurence Boy, Jean-Baptiste Racine et Fabrice Siiriainen (dir.), Sécurité juridique et droit économique, Bruxelles : Larcier, 2008, p. 559 ; Jean-Pierre Puissochet et Hubert Legal, « Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes », Cahiers du Conseil constitutionnel, 11, 2001, p. 149.
-
[42]
Jacques Chevallier, « Le droit économique : insécurité juridique ou nouvelle sécurité juridique », op. cit., p. 559.
-
[43]
Lucien François, « La fiabilité du droit, dite sécurité juridique », in La sécurité juridique, Liège : Éditions du Jeune barreau de Liège, 1993, p. 10.
-
[44]
François Tulkens, « La sécurité juridique : un idéal à reconsidérer », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 24, 1990, p. 28.
-
[45]
Voy. notamment Patricia Popelier, « Legal Certainty and Principles of Proper Law Making », European Journal of Law Reform, 2, 2000, p. 321 ; Anne-Laure Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, Paris : LGDJ, 2005, p. 15 et suiv. ; Conseil d’État, Sécurité juridique et complexité du droit – rapport public 2006, Paris : La Documentation française, coll. « Études et documents du Conseil d’État », 2006, p. 281 et suiv. ; Dominique J. M. Soulas de Russel et Philippe Raimbault, « Nature et racines du principe de sécurité juridique : une mise au point », Revue internationale de droit comparé, 55, 2003, p. 85 ; Jean-Baptiste Racine et Fabrice Siiriainen, « Sécurité juridique et droit économique : propos introductifs », in Laurence Boy, Jean-Baptiste Racine et Fabrice Siiriainen (dir.), Sécurité juridique et droit économique, op. cit., p. 13. Pour une généalogie de cette notion : Jérémie Van Meerbeeck, De la certitude à la confiance. Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, Limal : Anthemis, Bruxelles : Presses de l’Université Saint-Louis, 2014.
-
[46]
Anne-Laure Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, op. cit., p. 15.
-
[47]
Patricia Popelier, « Five Paradoxes on Legal Certainty and the Lawmaker », Legisprudence. International Journal for the Study of the Legislation, 2 (2), 2008, p. 51 ; Jacques Chevallier, « Le droit économique : insécurité juridique ou nouvelle sécurité juridique », op. cit., p. 565.
-
[48]
Anne-Laure Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, op. cit., p. 237.
-
[49]
ISJ 2015, p. 24.
-
[50]
Allemagne, Argentine, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, France, Italie, Japon, Maroc, Norvège, Royaume-Uni, Sénégal.
-
[51]
Voy. les résultats par domaine : ISJ 2015, p. 104 et suiv.
-
[52]
Afrique du Sud, Espagne, Inde, Nigéria, Russie.
-
[53]
Voy. les résultats par domaine : ISJ 2018, p. 80.
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[54]
Voy. ISJ 2015, p. 81 et suiv.
-
[55]
Les notes attribuées aux différentes propositions ne sont pas mentionnées dans les questionnaires soumis aux experts.
-
[56]
ISJ 2018, p. 71.
-
[57]
Chaque domaine juridique est pondéré de la même manière et est donc considéré comme d’égale importance aux autres domaines.
-
[58]
ISJ 2015, p. 88.
-
[59]
Ibid. Nous soulignons.
-
[60]
Pour un aperçu des différents systèmes juridiques à travers le monde, consultez les travaux de JuriGlobe, groupe de recherche de l’Université d’Ottawa, disponibles sur le lien suivant : <http://www.juriglobe.ca/index.php>.
-
[61]
Notre étude portera sur les cas pratiques élaborés pour les quatre nouveaux domaines de droits étudiés pour la deuxième vague de l’indicateur dans la mesure où ils sont les plus récents. Pour consulter les cas pratiques et questionnaires, voy. IJS 2018, p. 100 et suiv.
-
[62]
Pour rappel, les points entre parenthèses indiquent la pondération. La réponse considérée comme la meilleure se voit attribuer 10 points et la moins bonne 0. Dans cet exemple, la deuxième réponse reçoit 6,666 points (20/3) et la troisième 3,333 (10/3).
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[63]
ISJ 2015, p. 103.
-
[64]
Article L611-6 du Code de commerce français.
-
[65]
Article L621-3 du Code de commerce français.
-
[66]
Kevin Davis, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry, « Introduction: Global Governance by Indicators », op. cit., p. 8.
Introduction [1]
1Depuis peu, certains juristes et théoriciens du droit étudient de près la place croissante occupée par les indicateurs dans nos sociétés [2]. Ceux-ci, participant du recours de plus en plus récurrent à la quantification [3], investissent de nombreux domaines de la vie sociale. La raison majeure de cet intérêt pour les indicateurs tient sans doute à leur caractère performatif. En effet, un indicateur est supposé jouer un rôle descriptif en mesurant une réalité sociale et en comparant des acteurs (tels des pays ou des entreprises) en fonction de leurs performances dans ce domaine. Cependant, dès lors qu’un indicateur atteint un minimum de notoriété, il devient susceptible d’influencer les acteurs concernés, lesquels peuvent être amenés à adapter leurs comportements en fonction de l’indicateur [4]. Les indicateurs ne se cantonnent ainsi pas à un simple rôle descriptif, mais acquièrent un réel pouvoir normatif à l’instar d’autres dispositifs de régulation qui ne rentrent pas dans la typologie des règles traditionnellement considérées comme juridiques et qui les concurrencent néanmoins [5]. Il suffit, pour s’en convaincre, de songer à l’influence qu’exercent les rankings d’université [6] ou les agences de notations de crédit [7].
2Le droit lui-même n’échappe pas à cette tendance de mesure des phénomènes sociaux : on observe, en effet, depuis une vingtaine d’années [8], l’émergence d’indicateurs – généralement appelé « indicateur juridique » – visant à mesurer un domaine juridique (tel l’État de droit ou le respect des droits humains). L’exemple le plus fameux est celui des indicateurs Doing Business de la Banque mondiale qui, de par leur influence à travers le monde, amènent de nombreux pays à entreprendre de grandes réformes juridiques afin de se hisser à une place plus élevée dans le classement [9]. Les rapports Doing Business sont en effet devenus un véritable instrument de régulation produisant des effets directement observables dans les droits positifs nationaux. Ainsi, depuis 2003, plus de cinquante pays ont mis en place des commissions destinées à proposer des réformes en fonction des résultats produits par ces rapports [10]. Par de nombreux aspects, le projet Doing Business prête à la critique ; particulièrement, en raison de la doxa néolibérale qu’il contribue à diffuser insidieusement dans les différentes économies du globe. En France, ces indicateurs furent d’autant plus mal accueillis que ceux-ci reposent sur le postulat selon lequel la tradition juridique de common law serait plus favorable au développement économique que la tradition continentale. Ce climat de relative hostilité vis-à-vis de Doing Business a d’abord donné lieu à des publications visant à en contester la pertinence ; l’idée a ensuite progressivement germé d’utiliser les mêmes armes que la Banque mondiale en élaborant un autre indicateur, destiné à rehausser l’image de la tradition continentale. Ainsi, en 2015, une première édition de l’Index de la sécurité juridique (ISJ) a vu le jour et une deuxième a été rendue publique en 2018. Créé à l’initiative d’un organisme français, la Fondation pour le droit continental (la Fondation), cet indicateur a pour objet d’étude la sécurité juridique et s’adresse aux décideurs politiques, au monde académique ou encore aux investisseurs.
3Cet article propose de fournir la première étude approfondie de cet indicateur. Il a pour ambition d’en retracer la genèse, de comprendre la stratégie des acteurs et de mettre au jour ce que produit l’indicateur à travers sa volonté de mesurer la sécurité juridique. L’article soutient que, derrière sa prétention à mesurer la sécurité juridique, l’ISJ élargit et altère la portée généralement conférée à cette notion et vise à évaluer dans quelle mesure le droit, dans un ordre juridique donné, permet de favoriser et de sécuriser les relations économiques.
4Suivant une approche pragmatique [11], l’article cherche à comprendre les intérêts des personnes impliquées et à mettre au jour les effets et les interactions avec d’autres dispositifs de régulation que l’indicateur est susceptible de provoquer [12]. Il s’appuie notamment sur l’expérience tirée d’un stage effectué au sein de l’équipe de recherche à qui a été confiée la mission d’élaborer l’ISJ.
5L’analyse d’un indicateur mesurant des phénomènes sociaux implique de garder à l’esprit qu’on ne peut mesurer de tels phénomènes comme on mesure la température d’une pièce [13]. En effet, perdre de vue la dimension construite d’un indicateur expose à confondre la carte et le territoire, pour parler comme Alain Supiot [14]. On peut, à l’inverse, considérer qu’un indicateur n’est que le produit des conventions ayant présidé à son élaboration. Cependant, comprendre en profondeur le fonctionnement d’un indicateur impose, nous semble-t-il, d’étudier plus avant comment la mesure est établie. Pour autant, comme le note David Nelken [15], pointer, d’un côté, les biais méthodologiques de tel indicateur tout en faisant valoir, de l’autre, que tout indicateur est nécessairement construit apparaît quelque peu paradoxal. Cela revient, en effet, à affirmer que (1) la mesure de tel phénomène social n’est pas bien établie et que (2) la mesure des phénomènes sociaux est, de toute façon, toujours impossible ; ce qui est contradictoire. Il nous semble, malgré tout, que la prise en compte de la dimension constructiviste et conventionnelle des indicateurs n’empêche pas de confronter la définition du phénomène mesuré qui est donnée par les concepteurs de l’indicateur avec la façon dont le phénomène est concrètement mesuré par l’indicateur.
6Notre recherche se divise en quatre étapes : dans un premier temps, nous revenons sur les circonstances animées dans lesquelles l’ISJ a vu le jour (I). Nous abordons ensuite le phénomène mesuré par l’index : la sécurité juridique (II). Nous nous intéressons, en troisième lieu, à la méthodologie observée dans la création de l’indicateur et nous discutons les choix opérés (III). Enfin, nous procédons à une analyse critique du mode d’élaboration de l’indicateur (en particulier, des questionnaires à partir desquels est établi l’indicateur) et cherchons à comprendre quelle conception de la sécurité juridique est produite par l’ISJ (IV).
I. De Doing Business à l’Index de la sécurité juridique (ISJ)
7Comprendre le contexte dans lequel l’ISJ a vu le jour implique de revenir brièvement sur les débats houleux ayant animé le monde académique autour des fondements théoriques sur lesquels reposent les rapports Doing Business, à savoir la théorie des origines légales (legal origin thesis).
8Cette dernière renvoie initialement aux travaux menés par Rafael La Porta, Florencio López-de-Silanes, Andrei Shleifer et Robert W. Vishny [16]. L’idée centrale portée par cette théorie est, on l’a dit, que la common law constituerait un cadre légal plus favorable au développement économique que le droit romano-germanique, en particulier que la tradition civiliste française. Plusieurs éléments conduisent à cette conclusion : la common law offrirait une meilleure protection des droits des investisseurs ; les systèmes de droit civil se caractériseraient par une réglementation plus lourde et par plus de propriété publique dans de nombreux domaines, avec pour conséquence davantage d’activités sur le marché noir, de corruption et de chômage ; la common law garantirait enfin moins de formalisme procédural et une justice plus indépendante, ce qui conduirait à une meilleure exécution des contrats et une meilleure sécurité des droits de propriété [17].
9Cette théorie a évolué et la thèse radicale selon laquelle la common law favorise le développement économique, contrairement à la tradition continentale, a été nuancée par la suite [18]. Il semble néanmoins que ce soit la version la plus rudimentaire des premiers travaux à laquelle on fait référence lorsqu’on parle de la théorie des origines légales [19]. Au-delà de l’influence et des réactions qu’elle a engendrées, la portée de cette théorie fut déterminante dans la mesure où elle a servi de fondement au projet Doing Business [20]. Cette influence est d’ailleurs directement observable dans le classement dès lors que les pays de tradition civiliste sont, en effet, généralement assez mal classés. À titre d’exemple, la France est située en trente deuxième position (sur 190) dans le classement de 2019 [21].
10Si de nombreuses critiques ont été soulevées à l’encontre de la théorie des origines légales, celles survenues suite à la publication des premiers rapports Doing Business le furent encore davantage. En France, en particulier, les réactions ont été virulentes [22], la publication du premier d’entre eux provoquant une importante « réaction de désapprobation » [23]. Ainsi, dans son propre rapport rédigé en réponse à ceux de Doing Business, l’Association Henri Capitant n’hésite pas à affirmer qu’à travers ces rapports, « la tradition juridique française [se] trouve ostensiblement critiquée et même mise en accusation », soulignant un ensemble de « contrevérités énoncées sur un ton péremptoire » [24]. Ce rapport s’emploie à relever un ensemble de critiques, tant générales que spécifiques, à l’encontre de la méthode et des postulats sur lesquels s’appuient les rapports Doing Business. D’autres organismes réagirent également suite à la publication de Doing Business tels les notaires de France, la Cour de cassation française ou encore certaines juridictions administratives.
11C’est dans ce contexte particulièrement animé que la Fondation pour le droit continental, à l’origine de l’ISJ, a vu le jour. Cette fondation d’utilité publique, créée en 2007, vise à contribuer au rayonnement et à l’influence du droit romano-germanique, en particulier du droit français. D’après ses statuts, elle entend occuper un rôle stratégique auprès de décideurs publics et privés et mène des recherches académiques, en particulier des études comparatives notamment liées à la question de l’attractivité des systèmes de droit nationaux [25]. C’est donc véritablement en réaction aux rapports Doing Business que cette fondation a été créée [26].
12En janvier 2013, elle a alors lancé, dans le cadre de sa mission de recherche scientifique, un appel à projet pour une étude relative à un Index de la sécurité juridique [27]. Il n’est, en effet, pas rare que des stratégies de contestation d’indicateurs conduisent à la création d’un autre [28]. Ce projet a finalement été confié à une équipe pluridisciplinaire composée d’économistes et de juristes et dirigée par Bruno Deffains, économiste, et Catherine Kessedjian, juriste, tous deux professeurs à l’université Paris 2 Panthéon-Assas. En 2015, les directeurs de ce projet ont remis un rapport [29] à la Fondation contenant l’ensemble des résultats obtenus ainsi que différentes contributions visant à expliquer la méthodologie suivie. La deuxième édition de cet indicateur, dirigée quant à elle par Bruno Deffains et Michel Séjean, a été publiée chez Dalloz en juillet 2018 [30].
13La volonté de la Fondation était donc clairement de proposer un indicateur offrant une vision alternative à celle des rapports Doing Business et de se départir des présupposés selon lesquels le droit continental (et le droit français en particulier) serait défavorable au développement économique [31]. À cet égard, le rapport de 2015 précise logiquement que la théorie des origines légales est « évidemment contestable » [32] et insiste sur la nécessité d’analyser les relations entre droit et économie en tenant compte de l’histoire et des cultures juridiques. Cela conduit les auteurs du rapport de 2015 à relativiser la distinction entre les deux traditions juridiques et à constater qu’elle « ne traduit plus la réalité théorique ou pratique du droit appliqué » [33]. En définitive, leur propos n’est pas tant de démontrer la plus grande efficacité de la tradition civiliste, mais bien de soutenir que la capacité d’un système juridique à favoriser le développement économique doit s’analyser indépendamment de la culture juridique à laquelle il appartient.
II. Le concept de sécurité juridique
14Le choix de l’objet mesuré par un indicateur n’est jamais anodin. Afin de faire valoir les qualités de la tradition continentale, il fallait logiquement choisir un objet reconnu comme l’une des vertus du droit continental. Or, comme en témoigne le rapport de l’Association Henri Capitant, la sécurité juridique constitue précisément un argument utilisé pour promouvoir la qualité des systèmes juridiques civilistes [34].
15Un indicateur, dès lors qu’il mesure un phénomène non directement observable, doit établir un certain nombre de conventions permettant de quantifier l’objet étudié [35], ce qui entraîne inévitablement une certaine simplification de la signification donnée au concept [36]. Pour mesurer le niveau de sécurité juridique (si tant est que ce soit possible), il faut donc s’appuyer sur un certain nombre de variables proxy [37], à savoir des variables non directement pertinentes, mais plus facilement observables et à partir desquelles peuvent être abstraites des informations au sujet du phénomène mesuré. Les composantes de la sécurité juridique identifiées par les auteurs de l’index jouent donc un rôle essentiel dans la mesure où elles sont susceptibles d’être mobilisées à titre de variable proxy. Or, les indicateurs instituent également du réel [38] : l’objet quantifié devient bien souvent une « nouvelle réalité du monde social » qui peut en retour transformer la définition originairement donnée au concept étudié [39]. Dès lors, il importe d’étudier la définition donnée à la sécurité juridique par l’ISJ afin de pouvoir mieux appréhender l’influence que l’indicateur est susceptible d’avoir sur le concept même qu’il mesure.
16Il apparaît également instructif de confronter la définition de la sécurité juridique établie par l’ISJ avec celle qui semble se dégager de la littérature pertinente en tâchant de comprendre ce qui explique les éventuels écarts entre les deux définitions.
17L’ISJ en propose la définition suivante :
Une sécurité juridique raisonnée ne sous-entend ni immobilisme, ni minimalisme voire absence de toute contrainte législative ou réglementaire. Toutefois, elle suppose l’accessibilité du droit effectivement applicable, son intelligibilité, sa prévisibilité, une certaine stabilité dans le temps, et enfin l’équilibre entre les intérêts économiques des parties en présence.
19D’après cette définition, la sécurité juridique n’implique pas un immobilisme complet mais ne plaide pas non plus pour une dérégulation totale. On voit bien par-là une volonté de se distinguer des rapports Doing Business. Les auteurs du rapport de 2015 affirmaient explicitement ne pas partager la vision de l’équipe de la Banque mondiale pour qui « la sécurité juridique semble être équivalente à moins de régulation et toujours plus de rapidité dans l’exercice des activités économiques, sans prendre en considération la qualité de la régulation et de sa mise en œuvre » [40]. L’ISJ prend cependant en considération le point de vue de l’opérateur économique. La sécurité juridique n’est donc pas uniquement envisagée dans l’absolu mais également telle qu’elle est que perçue par l’acteur économique. Par ailleurs, la définition donnée contient quatre éléments jugés essentiels : l’accessibilité du droit, sa prévisibilité, sa stabilité et, enfin, un équilibre entre les prestations réciproques et les intérêts économiques des parties.
20Si l’on confronte cette définition avec celle qui semble se dégager de la littérature, il faut d’abord constater que cette notion est relativement floue. Certains pointent d’ailleurs le caractère redondant, voire tautologique, de l’expression « sécurité juridique » [41]. Le propre du droit n’est-il pas de sécuriser les relations sociales en établissant un ordre permettant à chacun de connaître les droits dont il est titulaire et les obligations dont il est redevable ? La sécurité n’est-elle donc pas un élément inhérent à l’essence même du droit [42] ? à la réflexion, la notion de sécurité juridique ne fait pas référence à la fonction stabilisatrice de l’ordre social occupée par le droit mais vise plutôt à souligner la nécessité de lutter contre les dangers que le droit crée lui-même [43]. Pour reprendre un exemple de Lucien François, une réglementation qui est adoptée en vue de protéger des travailleurs contre les accidents du travail tend à garantir à ces derniers davantage de sécurité mais n’entraîne pas pour autant un gain de sécurité juridique. Ainsi compris, l’objectif poursuivi par l’exigence de sécurité juridique ne serait donc pas tant de veiller à la sécurité par le droit (comme dans le cas précédent d’une réglementation sur les accidents de travail) qu’à la sécurité du droit [44].
21Malgré ses contours quelque peu nébuleux, trois caractéristiques sont généralement associées à l’exigence de sécurité juridique [45]. Premièrement, la sécurité juridique impose d’assurer une certaine accessibilité du droit. Si l’adage veut que nul ne puisse prétexter l’ignorance de la loi pour s’exonérer d’un manquement dont il est responsable, encore faut-il que les règles puissent être connues. Il en découle des impératifs de publicité, de clarté et d’intelligibilité des règles de droit. Ensuite, la sécurité juridique renferme également une exigence de prévisibilité du droit. Ce deuxième critère insiste sur une dimension temporelle supplémentaire : la sécurité juridique implique une « certaine possibilité d’anticipation des évolutions de l’ordre juridique » [46]. Par conséquent, quand bien même le droit serait clair, si celui-ci fait l’objet de modifications législatives incessantes ou de trop nombreux revirements jurisprudentiels, la sécurité juridique ne serait pas garantie. À la prévisibilité du droit est enfin couplé un minimum de stabilité des règles juridiques. Plus concrètement, on rattache à ces critères le principe de non-rétroactivité de la loi qui se comprend par la nécessité de ne pas venir bousculer des situations et des relations juridiques établies, l’importance de mettre en place des régimes transitoires en cas de modifications réglementaires ou législatives, ainsi que la possibilité d’aménager dans le temps les effets des arrêts de juridictions afin de limiter la portée rétroactive de ces arrêts.
22Plusieurs auteurs insistent toutefois sur la portée relative qu’il convient d’accorder à la sécurité juridique [47]. En effet, comprise strictement, la sécurité juridique laisse entendre que le droit devrait être totalement accessible, prévisible et stable. Il est clair cependant que la complexité du droit rend impossible une intelligibilité totale mais, en outre, la loi est nécessairement rédigée selon un certain degré de généralité qui l’empêche d’envisager tous les cas particuliers. Si un tel ordre juridique n’est non seulement pas réalisable, il n’est pas non plus souhaitable. Le droit mais également les sujets de droit doivent pouvoir s’adapter aux évolutions sociales, économiques, technologiques, etc. Ces considérations conduisent de nombreux auteurs à relativiser l’idéal de sécurité juridique absolue et à lui préférer un degré raisonnable de sécurité juridique.
23Différentes perspectives peuvent également être adoptées lorsque l’on parle de sécurité juridique. D’une part, cette dernière peut être envisagée du point de vue macrojuridique, comprise comme visant à préserver le droit objectif et l’intérêt général. Du point de vue microjuridique d’autre part, la sécurité juridique renverrait plutôt à la protection des droits subjectifs et à la garantie de l’intérêt particulier du sujet de droit. Or, l’intérêt général peut bien souvent entrer en conflit avec l’intérêt particulier. La sécurité juridique peut en effet servir de fondement à une mesure d’intérêt général alors même que celle-ci porte atteinte aux attentes légitimes d’un acteur économique par exemple. Ainsi, une modification rétroactive d’une loi pourrait être justifiée par des motifs de sécurité juridique, ce qui risquerait pourtant de porter préjudice à la situation subjective de tel acteur économique et donc d’entraver sa confiance légitime [48].
24Les trois exigences reprises ci-dessus – accessibilité, stabilité et prévisibilité – font partie des quatre principaux éléments composant la définition de la sécurité juridique établie pour la construction de l’ISJ. Cette définition rejoint dans une large mesure la signification communément attribuée à la sécurité juridique. Les auteurs du rapport de 2015 insistent également sur l’équilibre délicat à maintenir entre fixité et flexibilité et rejettent une conception statique de la sécurité juridique [49]. Le quatrième élément – un certain équilibre entre les intérêts économiques et les parties en présence – n’est pas, en revanche, généralement associé au principe de sécurité juridique. Il traduit le fait que l’ISJ entend mettre l’accent sur le point de vue de l’acteur économique et que c’est à l’aune du cadre général des relations économiques que la sécurité juridique est étudiée. La focalisation sur ce point de vue de l’acteur économique est un point essentiel que ne révèle pas la dénomination de l’indicateur ; en ce sens, les préoccupations de l’index sont assez proches de celles de Doing Business puisqu’elles sont surtout liées à la vie économique et des affaires.
III. Méthodologie et résultats obtenus
25La première version de l’ISJ avait pour but d’étudier le niveau de sécurité juridique de treize pays [50] dans six domaines juridiques différents : le droit des contrats, le droit du règlement des différends, le droit immobilier, le droit de la responsabilité, le droit des sociétés et le droit du travail [51]. La deuxième version a étendu le champ d’études tant en ce qui concerne le nombre de pays que les domaines juridiques. Cinq nouveaux pays ont ainsi fait leur entrée [52] et quatre nouveaux domaines ont été investigués : le droit de l’environnement, le droit de l’insolvabilité, le droit de la propriété intellectuelle et le droit des contrats publics [53]. La deuxième version ne visait cependant pas à actualiser les résultats de la première mais seulement à agrandir le nombre de domaines et de pays étudiés ; les résultats de la première édition ont donc été intégrés à la deuxième.
26La méthodologie adoptée pour la construction de l’ISJ a été définie par l’équipe de recherche, en collaboration avec la Fondation et le comité de suivi spécialement institué à cet effet [54]. La méthode suivie est une « méthode de cas » et s’appuie, comme le fait Doing Business, sur des sondages d’experts. Elle consiste à élaborer des cas pratiques représentatifs des problématiques touchant à la sécurité juridique dans chacun des domaines de droit étudiés. Deux études de cas par domaine ont ainsi été créées. Les cas sont divisés en deux parties : la première comprend des questions générales identiques pour chacun des cas alors que la deuxième comporte des questions spécifiques au cas d’étude. Pour chaque pays et pour chaque domaine étudié, les cas pratiques sont censés être soumis au minimum à deux experts spécialisés dans ce domaine de droit. Les questions ne portent donc pas sur la perception des acteurs économiques mais tendent à mesurer l’organisation de l’ordre juridique national et le contenu de la législation en vigueur (telle qu’appliquée dans la pratique) à l’aune de la sécurité juridique. L’avantage du recours aux cas pratiques est qu’il permet d’envisager des situations concrètes plus en phase avec la réalité. Il présente cependant l’inconvénient de ne couvrir que très partiellement les domaines étudiés : à titre d’exemple, les deux cas pratiques relatifs au domaine de la propriété intellectuelle portent, d’une part, sur la création d’un site Internet et, d’autre part, sur le développement d’une imprimante 3D (et, notamment, du brevet susceptible de couvrir cette innovation) ; il est évident que de nombreux aspects de la propriété intellectuelle sont ainsi laissés de côté.
27Les questions sont rédigées sous la forme de choix multiples (des réponses ouvertes rendraient impossibles tout traitement statistique). Afin d’obtenir un résultat chiffré, les réponses doivent bien entendu être notées. Pour les questions binaires (réponses de type oui/non), une des deux réponses vaut dix points et l’autre zéro. Pour les questions catégorielles, à savoir celles qui proposent plus de deux réponses, une échelle normative doit être établie. La proposition dont le contenu est considéré comme le plus favorable à la sécurité juridique se verra attribuer dix points alors que la proposition qui contient la solution la moins protectrice du point de vue de la sécurité juridique se verra attribuer zéro point. Des intervalles sont établis pour les notes intermédiaires [55]. Le fait de proposer des choix multiples – et non pas uniquement un système binaire se limitant à vérifier si une procédure existe ou non – permet une appréciation plus nuancée et des analyses plus détaillées.
28En ce qui concerne l’agrégation des données, les questions générales, identiques pour chacun des cas, sont pondérées afin de diminuer leur influence par rapport aux questions spécifiques. Cette pondération vise à accorder moins d’importance à la structure du système juridique en tant que telle et davantage à l’application du droit et au traitement des litiges dans la pratique [56]. La note d’un pays dans un domaine de droit correspond à la moyenne des notes obtenues aux deux questionnaires et la note finale est la moyenne des notes obtenues dans chacun des domaines [57]. L’index comprend le détail des classements et des notes par domaine, ce qui présente un intérêt indéniable puisqu’il permet d’analyser les domaines individuellement voire même de constituer son propre indicateur en établissant la moyenne des notes de certains domaines spécifiques.
29Du point de vue de sa robustesse méthodologique, une des faiblesses de l’ISJ réside sans doute dans le relativement petit nombre de répondants : le rapport de 2015 précise ainsi que le comité scientifique avait fixé comme objectif de « retenir au moins deux répondants par pays et par domaine du droit » [58] mais ajoute ensuite que l’équipe de recherche « a contacté plus de 300 spécialistes afin de respecter dans la mesure du possible la contrainte d’avoir au moins deux répondants par domaine et par pays » [59] ; ce qui laisse entendre que, dans certains domaines et dans certains pays, seul un expert aurait complété les questionnaires.
30Il ressort des résultats que les trois pays les mieux classés sont l’Espagne, la Norvège et l’Allemagne suivis par la France et le Royaume-Uni. Les états-Unis sont, quant à eux, classés quatorzième. L’index indique donc que les pays de common law ne présentent pas un meilleur niveau de sécurité juridique. Pour autant, si les quatre pays les mieux classés sont de tradition civiliste, la Russie ou le Brésil, également de tradition continentale [60], sont respectivement classés douzième et quinzième. Selon l’ISJ, les pays de droit romano-germanique ne se caractérisent donc pas, par essence, par une meilleure sécurité juridique. Les auteurs du rapport interprètent les résultats comme invitant à minimiser l’influence des traditions juridiques sur le niveau de sécurité juridique.
IV. Quelle conception de la sécurité juridique est produite par l’ISJ ?
31Dans cette dernière partie, nous tentons de comprendre quelle conception de la sécurité juridique est produite par l’ISJ. Pour ce faire, nous avons analysé les différents cas pratiques et les questions à choix multiples qui sont posées pour établir l’indicateur [61]. Nous avons également tenu compte des notations attribuées aux réponses possibles dans la mesure où elles permettent de déceler ce qui est considéré comme favorisant la sécurité juridique.
IV.1. Examen des questionnaires au regard des trois critères classiques composant la définition de la sécurité juridique
32Dans un premier temps, nous tâchons d’identifier les questions qui se rapportent aux trois critères généralement associés à la sécurité juridique : l’accessibilité, la prévisibilité et, enfin, la stabilité du droit. Plusieurs questions peuvent être épinglées. La majorité des questions générales tendent à vérifier si les règles qui trouveraient à s’appliquer dans le cas d’espèce sont accessibles et connaissables ce qui suppose donc qu’elles soient publiques, claires et intelligibles.
Exemple n° 1
Exemple n° 1
Exemple n° 2
Exemple n° 2
Exemple n° 3
Exemple n° 3
33Ces quelques exemples illustrent bien ce que l’on entend par l’accessibilité et l’intelligibilité du droit. Si l’on s’intéresse aux questions spécifiques, de nombreuses questions poursuivent le même objectif. Un exemple suffira à l’illustrer : en matière de propriété intellectuelle, une question du cas n° 1 relatif à la création d’un site Internet.
Exemple n° 4
Exemple n° 4
34Cette question est rédigée de telle sorte qu’aucun jugement n’est posé sur la pertinence d’autoriser ou d’interdire la reproduction sur un site web de courts extraits d’articles provenant d’un autre site. En effet, il s’agit d’une question d’opportunité qui n’a, semble-t-il, pas de lien avec la sécurité juridique. En revanche, et c’est ce qu’entend évaluer cette question, il importe qu’il soit clairement établi si cela constitue une violation ou non du droit de la propriété intellectuelle. Un droit dont les règles juridiques ne permettent pas de répondre clairement à cette question présente une faiblesse du point de vue de la sécurité juridique. Certaines questions générales portent, quant à elles, sur les exigences de prévisibilité et de stabilité raisonnable du droit.
Exemple n° 5
Exemple n° 5
Exemple n° 6
Exemple n° 6
35On retrouve, dans le premier exemple, la nécessité d’établir des régimes transitoires pour assurer la bonne implémentation d’une modification législative ou réglementaire que l’on a évoquée supra. De même, nous avions également souligné que des modifications réglementaires trop récurrentes risquent de nuire à la stabilité et la prévisibilité d’un corps de règles. C’est ce qui est visé dans le deuxième exemple. Les questions spécifiques qui portent directement sur les exigences de prévisibilité et de stabilité sont cependant plus rares que celles relatives à l’accessibilité du droit. Ces deux critères sont néanmoins évalués systématiquement dans chaque cas pratique par le biais des deux questions générales ci-dessus.
IV.2. Examen des questionnaires au regard du point de vue de l’opérateur économique
36L’ISJ, nous l’avons dit, entend prendre en compte le point de vue de l’opérateur économique et de l’investisseur et non pas uniquement celui du système juridique dans son ensemble. Ces deux perspectives peuvent cependant entrer en contradiction. Notre enquête nous permet de mettre en évidence plusieurs questions qui témoignent de cette focalisation sur l’acteur économique.
37Si l’on s’intéresse, d’abord, aux questions générales, deux d’entre elles retiennent en particulier notre attention.
38Cette question porte sur l’intervention ou non de règles d’ordre public en cas de litige porté devant des juridictions qui viendraient éventuellement perturber l’application des règles normalement applicables. Si l’on se réfère aux notations attribuées à chacune des réponses, on remarque que l’intervention de l’ordre public est considérée comme neutre, voire néfaste, du point de vue de la sécurité juridique. En effet, les première et dernière réponses sont considérées comme les meilleures du point de vue de la sécurité juridique et le caractère incontestable de l’application de dispositions d’ordre public est connoté négativement. Un investisseur n’a effectivement pas intérêt à ce que des principes dont il n’avait pas connaissance viennent perturber l’application de dispositions contractuelles. Si l’on se place d’un point de vue macrojuridique, il en va peut-être autrement. En effet, dans la mesure où la sécurité juridique nécessite également que le corps de règles juridiques constitue un ensemble cohérent, le respect de l’ordre public joue un rôle important en tant qu’il participe du respect de la hiérarchie des normes et donc de la cohérence du système juridique.
39Passons maintenant à la deuxième question que nous souhaitions examiner.
Exemple n° 8
Exemple n° 8
40Cette question souligne l’importance, aux yeux des auteurs du rapport de 2015, de la consultation des destinataires de la règle avant son adoption. On peut s’interroger sur la relation qui unit la sécurité juridique avec la prise en compte de l’avis des catégories de personnes concernées par la future réglementation. Si l’on peut convenir que la consultation permet de rendre la règle plus adaptée aux besoins du domaine visé, il n’en découle pas pour autant que cela garantira nécessairement une plus grande sécurité juridique. En effet, que les destinataires d’une législation aient été entendus n’implique pas que cette législation soit plus accessible, prévisible ou stable. En revanche, elle répondra sans doute plus aux attentes des personnes concernées. Aux yeux de l’acteur économique, le fait que le processus d’élaboration de la règle inclut en son sein la prise en considération des réalités de la vie économique et des affaires est un gage d’efficacité de la règle.
41Le cas relatif à l’exécution des contrats en matière de marchés publics (cas n° 2) offre de bonnes illustrations de cette focalisation sur l’opérateur économique. Il y est question d’une société K qui est titulaire d’un contrat de construction et d’exploitation d’une autoroute.
Exemple n° 9
Exemple n° 9
42Au vu des notations, le fait que l’autorité adjudicatrice puisse modifier unilatéralement le contrat est considéré comme négatif. Or, il est tout à fait concevable que des règles très claires et précises prévoient que, pour certains motifs d’intérêt général, l’autorité publique puisse modifier unilatéralement un contrat public. Dans ces circonstances, la sécurité juridique resterait garantie. Cependant, les réponses proposées n’envisagent pas ces conditions. La question se limite à considérer que des modifications unilatérales constituent une atteinte à la sécurité juridique. On voit bien, à nouveau, surgir la prévalence de l’intérêt de l’acteur économique mais également du respect de l’autonomie de la volonté et de la force obligatoire des contrats. Un investisseur étranger, par exemple, verrait en effet d’un mauvais œil que ses obligations ou ses droits se voient modifiés pour des raisons d’intérêt général qui lui sont étrangères et sur lesquelles il n’a pas de prise.
43Un autre exemple du cas n° 1 relatif aux entreprises en difficulté confirme cette orientation. Il est question d’une société C fabriquant des roulements à billes dont le chiffre d’affaires s’élève à dix millions d’euros. Plusieurs de ses débiteurs lui ayant annoncé être en retard de paiement, elle souhaite restructurer sa dette afin d’anticiper les difficultés financières à venir.
Exemple n° 10
Exemple n° 10
44La confidentialité ou non d’un accord de restructuration de dette n’a pas de lien avec l’exigence de sécurité juridique. En revanche, cela représente un intérêt indéniable pour des investisseurs, par exemple, qui souhaiteraient reprendre une société en difficulté et qui ne voudraient pas que l’image de cette société soit écornée à cause de l’absence de confidentialité.
45Une question, toujours en droit de l’insolvabilité mais provenant du cas n° 2, apparaît également pertinente. Dans ce deuxième questionnaire, la même société C est devenue insolvable et une procédure visant à liquider les actifs a été lancée.
Exemple n° 11
Exemple n° 11
46Cette question donne à voir la confrontation potentielle des intérêts de l’acteur économique avec d’autres catégories de personnes. En effet, en l’espèce, le fait qu’un agent, type syndic, vise généralement à sauvegarder les emplois d’une société presque insolvable plutôt qu’à désintéresser les créanciers est considéré comme néfaste au regard de la sécurité juridique. Il y a là une confirmation explicite que c’est l’intérêt de l’investisseur que l’ISJ entend mesurer au détriment de celui des travailleurs par exemple.
47Une dernière question issue du cas n° 1 relatif aux règles d’attribution en matière de marchés publics peut être examinée.
Exemple n° 12
Exemple n° 12
48Si l’absence de clarté des règles en la matière est logiquement connotée négativement, cette question traduit aussi la nécessité de traiter des candidats à un contrat public sur un pied d’égalité, quelle que soit leur nationalité. En effet, le fait de limiter l’accès aux marchés publics aux seuls ressortissants nationaux est considéré comme néfaste. On voit clairement se dessiner en arrière-fond le principe de non-discrimination, pierre angulaire du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) notamment. Plus que le simple opérateur économique, ce sont les intérêts de l’investisseur étranger qui sont directement visés ici. Il s’agit bien des mêmes intérêts que ceux pris en compte par les rapports Doing Business.
49Ces quelques exemples de questions rendent compte de la prévalence d’une approche microjuridique. L’ISJ adopte le point de vue de l’opérateur économique, celui de l’investisseur étranger en particulier, et privilégie ses intérêts au détriment de ceux de l’état ou d’autres catégories de personnes tels les employés. Ces questions témoignent déjà d’un certain éloignement vis-à-vis de l’acception traditionnellement conférée à la sécurité juridique.
IV.3. Examen de questions présentant un lien contestable avec la sécurité juridique
50L’examen des questionnaires nous conduit à identifier des questions qui paraissent véritablement éloignées de considérations de sécurité juridique et qui portent davantage sur des points d’opportunité, telle l’existence ou non de certains mécanismes ou protections, sans qu’un lien évident ne puisse être établi avec la sécurité juridique.
51En droit d’auteur, par exemple, le cas n° 2 déjà mentionné relatif au développement d’une imprimante 3D par une société (la société Brinter) mérite notre attention.
Exemple n° 13
Exemple n° 13
52La possibilité de déposer un nom à titre de marque est donc considérée comme meilleure du point de vue de la sécurité juridique, ce qui ne va pourtant pas de soi. La question suivante envisage le cas où une société concurrente développerait des cartouches compatibles avec l’imprimante développée par la société Brinter.
Exemple n° 14
Exemple n° 14
53C’est ici la possibilité de pouvoir développer ces cartouches et d’utiliser la marque de la société Brinter dans leur communication qui est connotée positivement. Nous pouvons à nouveau questionner le gain, en termes de sécurité juridique, qu’apporterait le fait de pouvoir se prévaloir du fait que son produit est compatible avec un autre. L’indicateur valorise en fait une certaine souplesse du droit des brevets et des marques afin de favoriser l’innovation et le développement commercial de nouveaux produits.
54En droit de l’insolvabilité, une dernière question du cas n° 1 déjà mentionné suscite également l’interrogation.
Exemple n° 15
Exemple n° 15
55Le fait que la créance soit déductible ou non est une question d’opportunité en droit fiscal. La possibilité de déduire le montant d’une créance à laquelle a renoncé un créancier profite à celui-ci mais également à la société débitrice dans la mesure où cela lui permet d’obtenir plus facilement des abandons de créance. Il n’en demeure pas moins que l’existence ou non d’une telle possibilité de déduction n’impacte pas la sécurité juridique.
56Ces divers exemples ont pour point commun de ne pas porter directement sur la sécurité juridique. En effet, au regard des caractéristiques du concept identifiées par les auteurs du rapport eux-mêmes, il n’est pas aisé de les relier à l’une d’entre elles. Au fond, dans chacun des cas, la question entend vérifier l’existence de certaines garanties ou de certains mécanismes juridiques qui semblent essentiels aux yeux des auteurs. Mais cela leur semble indispensable non pas parce que cela garantirait davantage de sécurité juridique mais plutôt dans la mesure où cela participe du cadre nécessaire au bon développement des relations économiques.
IV.4. Quels biais sont susceptibles d’affecter l’indicateur ?
57Les auteurs du rapport, on le voit, cherchent à mesurer le droit tel qu’il est effectivement appliqué et, pour ce faire, envisagent des situations concrètes en se référant à des institutions juridiques ou des mécanismes bien identifiés. Une des difficultés presque inévitable susceptible d’en découler est que certaines questions ne soient pas pertinentes ou adaptées à certains des systèmes juridiques étudiés. La rédaction des questions et les types de réponses proposées jouent donc un rôle essentiel.
58Il ressort des questions générales que sont favorisés les systèmes de droit civil par opposition aux pays de common law. Sans reprendre une à une ces questions, soulignons que sont ainsi considérés comme meilleurs les systèmes où les lois sont codifiées et où elles font l’objet d’un contrôle de constitutionnalité avant et après l’adoption de la règle. Les auteurs le reconnaissent eux-mêmes et admettent, dans le rapport de 2015, qu’« il apparaît clairement que la formulation même des questions générales pénalise les pays ayant un système trop différent du droit français » [63]. Comme déjà mentionné supra, afin d’y remédier, le poids accordé aux questions générales a été diminué au profit des questions spécifiques.
59Il nous semble cependant que certaines questions spécifiques témoignent également de l’influence quelque peu irrémédiable qu’exerce la culture juridique à laquelle appartiennent les rédacteurs des questionnaires. Prenons, par exemple, une question du cas n° 1 en matière de marchés publics. Le montant du marché est de 120 000 euros.
Exemple n° 16
Exemple n° 16
60Au vu des différences de niveau de vie qui existent inévitablement entre certains des pays évalués, il paraît éminemment arbitraire de fixer un montant et d’en faire dépendre la réponse alors même que la valeur de ce montant risque fort de varier sensiblement d’un pays à l’autre. En matière d’insolvabilité, une question issue du cas n° 1 est également intéressante.
Exemple n° 17
Exemple n° 17
61On peut s’interroger sur le choix du délai de six mois dans les réponses. S’il s’agit sans doute d’un délai qui est apparu, aux yeux des rédacteurs des questionnaires, raisonnable ; ils ont cependant pu être influencés par les délais applicables en France. Ainsi, le Code de commerce français prévoit une procédure de conciliation et une procédure de sauvegarde. La première ne peut durer plus de cinq mois [64]. La deuxième peut s’étendre sur une période de six mois, renouvelable une fois (un an maximum donc) [65]. La bonne réponse à la question reproduite ci-dessus serait donc la deuxième en ce qui concerne le droit français, soit la réponse considérée comme la meilleure, au vu des points accordés.
62Étant donné le choix limité des réponses possibles (les répondants ne peuvent cocher une case « autre » où ils mettraient leur propre réponse), il est également des cas où aucune des réponses proposées ne sera tout à fait correcte, obligeant le répondant à cocher la réponse qu’il juge « la moins mauvaise ». En définitive, le choix et la rédaction des questions sont dépendants de la conception du droit et des connaissances juridiques des rédacteurs des questionnaires. S’affranchir totalement des catégories et institutions composant notre droit positif n’est pas concevable. Certaines questions, dans certains pays, risquent inévitablement de s’avérer inadéquates. Les distinctions que l’on retrouve en droit de l’environnement ou en droit de l’insolvabilité ne permettent peut-être pas de rendre compte des règles existantes en la matière en droit indien ou chinois par exemple. Cela étant, les questionnaires ont été élaborés par des juristes français, mais disposant néanmoins d’une expertise internationale, et ils ont été validés par des juristes étrangers. Cette critique peut, par ailleurs, être adressée à tout indicateur dès lors que l’objet qu’il mesure est un phénomène non directement observable.
63Cela nous amène néanmoins à suggérer que la France et les pays présentant le plus de traits communs (du point de vue de leur ordre juridique) avec celle-ci sont probablement quelque peu avantagés par rapport aux autres. Quand on sait l’importance qu’occupe le droit européen dans les ordres juridiques nationaux composant l’Union européenne, ce n’est sans doute pas sans raison – au-delà de la question des origines juridiques – que quatre des cinq pays les mieux classés sont membres de l’Union européenne, la Norvège (en deuxième position) étant, quant à elle, membre de l’Espace économique européen.
Conclusion
64Cet article visait à montrer comment l’ISJ avait été conçu pour répondre aux défis que posaient les rapports Doing Business à la tradition juridique française. Derrière cette entreprise se trouvait la volonté de proposer une alternative crédible à l’indicateur de la Banque mondiale susceptible de réfuter la thèse selon laquelle la common law serait plus propice au développement des affaires. Le choix du phénomène étudié n’avait, à cet égard, rien d’anodin étant donné la place importante qu’occupe la sécurité juridique au rang des atouts généralement avancés pour vanter le droit continental.
65L’examen détaillé des questionnaires élaborés dans le cadre de la deuxième vague de l’indicateur aura permis de montrer que l’ISJ produit une conception de la sécurité juridique bien différente de celle à laquelle on l’associe traditionnellement. Si plusieurs questions visent bien à évaluer l’accessibilité, la stabilité et la prévisibilité du droit dans les différents domaines étudiés, il n’en demeure pas moins que ce ne sont pas les seuls critères pris en compte par l’index. Non seulement l’adoption du point de vue de l’opérateur économique peut entrer en contradiction avec celui de l’ordre juridique, mais, de plus, nombre de questions portent sur des points d’opportunité qui n’ont peu voire pas de lien avec la sécurité juridique.
66La notion de sécurité juridique, nous l’avons dit, fait moins référence à la sécurité par le droit qu’à la sécurité du droit. Or, en l’occurrence, si l’ISJ entend certes mesurer la sécurité du droit, il examine également si le droit évalué répond à certains critères qui apparaissent comme nécessaires, aux yeux des auteurs du rapport, pour assurer la sécurité et le bon déroulement des relations économiques. Il évalue donc aussi la sécurité par le droit ou, en d’autres mots, la présence ou non des conditions juridiques jugées optimales au développement de l’investissement et des échanges économiques dans un ordre juridique délimité. On observe, en effet, pour chacun des domaines étudiés, des questions qui tendent à vérifier l’existence de certains recours, institutions ou protections considérés comme essentiels. C’est ainsi, à chaque fois, une certaine conception de ce que doit être le droit dans chacun des domaines qui est véhiculée.
67Cette conception reste sans doute bien éloignée de celle en faveur de la dérégulation promue, par exemple, par les rapports Doing Business. Elle est cependant influencée, outre l’emprise quelque peu inévitable de la culture juridique à laquelle appartiennent les auteurs du rapport, en ce qu’elle est motivée par la protection des acteurs économiques et, en particulier, des investisseurs étrangers. Cela se traduit par un grand attachement au respect de l’autonomie de la volonté et de la force obligatoire des contrats et par une certaine méfiance vis-à-vis de l’intervention de la puissance publique. Comme le disent Kevin Davis, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry, « le nom [de l’indicateur] est généralement une simplification de ce qu’il prétend mesurer » [66]. Ici, l’évaluation de la sécurité juridique doit plutôt se comprendre comme l’évaluation de la présence de conditions qui apparaissent nécessaires au développement des affaires et à la sécurisation des échanges économiques dans le système juridique étudié.
68Les résultats, on l’a dit, corroborent l’idée selon laquelle l’origine juridique n’est pas un critère pertinent pour évaluer l’aptitude d’un droit à permettre le développement économique et à attirer des investisseurs. À cet égard, on peut s’interroger sur l’influence qu’est susceptible d’exercer l’ISJ aujourd’hui. Il a été conçu tant comme un guide au service d’investisseurs et de décideurs politiques qu’un travail destiné aux académiques. Cependant, si la première version était librement téléchargeable sur Internet, la deuxième version a, quant à elle, été publiée chez Dalloz. Cette décision a de quoi surprendre étant donné qu’une publication chez un éditeur spécialisé a nettement moins de chance d’intéresser des investisseurs ou même des décideurs politiques étrangers. Peut-être faut-il y voir la marque que la Fondation entend désormais se positionner essentiellement sur le terrain du débat académique. De plus, la deuxième version de l’index comporte un chapitre destiné à confronter ses résultats avec ceux d’autres indicateurs tels le produit intérieur brut (PIB) ou le Doing Business. Elle propose également un indicateur agrégé qui combine les résultats de l’ISJ avec ceux de l’indicateur Rule of law. Cela témoigne, là encore, de la volonté de la Fondation de prendre part à la large discussion qu’a suscitée le déploiement de nombreux indicateurs juridiques. Il est en effet indéniable que l’ISJ peut jouer un rôle déterminant dans la mesure où il constitue un argument de taille pour mettre en cause la théorie des origines légales. Beaucoup trouveront dans cet indicateur une preuve de l’efficacité du droit continental ; ce qui est bien l’objectif principal de la Fondation pour le droit continental.
Notes
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[1]
L’auteur tient à remercier Benoît Frydman et David Restrepo Amariles pour les relectures de cet article et pour leurs précieux conseils ; et adresse également ses remerciements à Bruno Deffains, Michel Séjean et Romain Espinosa pour avoir permis d’observer le fonctionnement de l’Index de la sécurité juridique de l’intérieur.
-
[2]
Kevin Davis, Angelina Fisher, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry (eds.), Governance by Indicators. Global Power through Quantification and Rankings, Oxford : Oxford University Press, 2012 ; Benoît Frydman et Arnaud Van Waeyenberge (dir.), Gouverner par les standards et les indicateurs : de Hume au Rankings, Bruxelles : Bruylant, 2013 ; David Restrepo Amariles, The Rise of Transnational Legal Indicators: Empirical Accounts of Law in a Global Society, thèse de doctorat, Université libre de Bruxelles, 2014 ; Kevin Davis, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry (eds.), The Quiet Power of Indicators Measuring Governance, Corruption, and Rule of Law, New York : Cambridge University Press, 2015.
-
[3]
Cette question a été beaucoup étudiée. Voy. notamment, Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, Paris : Presses de l’École des Mines, 2008 ; Id., Gouverner par les nombres. L’argument statistique II, Paris : Presses de l’École des Mines, 2008.
-
[4]
W. N. Espeland et M. Sauder parlent de reactivity des indicateurs (Wendy Nelson Espeland et Michael Sauder, « Rankings and Reactivity: How Public Measures Create Social Worlds », American Journal of Sociology, 113 (1), 2007, p. 1) et A. Desrosières de rétroaction (Alain Desrosières, « Est-il bon, est-il méchant ? Le rôle du nombre dans le gouvernement de la cité néolibérale », communication au séminaire l’Informazione prima dell.’informazione. Conoscenza e scelte pubbliche, Université de Milan Bicocca, 27 mai 2010).
-
[5]
Benoît Frydman, « Prendre les standards et les indicateurs au sérieux », in Benoît Frydman et Arnaud Van Waeyenberge (dir.), Gouverner par les standards et les indicateurs : de Hume au Rankings, op. cit., p. 62 et suiv. ; Id., « From Accuracy to Accountability: Subjecting Global Indicators to the Rule of Law », International Journal of Law in Context, 13, 2018, p. 454 et suiv.
-
[6]
Pauline Bégasse de Dhaem et Arnaud Van Waeyenberge, « Gouverner par les indicateurs : le cas des classements d’universités » in Thierry Tanquerel et Alexandre Flückiger (dir.), L’évaluation de la recherche en droit, Bruxelles : Bruylant, 2015, p. 255.
-
[7]
Bruno Colmant, Étienne de Callataÿ, Xavier Dieux et al., Les agences de notation financière, Bruxelles : Larcier, 2013.
-
[8]
Alors qu’on en recensait six avant l’année 2000, on en dénombre désormais plus d’une vingtaine. Voy. David Restrepo Amariles, « Les maths du droit – Pratiques et méthodologies des indicateurs juridiques », in Bruno Deffains et Michel Séjéan (dir.), L’Index de la sécurité juridique, Paris : Dalloz, 2018, p. 35.
-
[9]
Ainsi, on peut lire sur leur site Internet que, depuis la création de Doing Business, 3188 réformes réglementaires visant à faciliter les affaires ont été identifiées à travers le monde (<http://francais.doingbusiness.org/fr/reforms>).
-
[10]
Pour des exemples concrets de réformes inspirées par les rapports Doing Business, voy. Julian McLachlan, et David Restrepo Amariles, « Legal Indicators in Transnational Law Practice: A Methodological Assessment », Jurimetrics, 58 (2), p. 173.
-
[11]
Benoît Frydman, « Comment penser le droit global ? », in Jean-Yves Chérot et Benoît Frydman (dir.), La science du droit dans la globalisation, Bruxelles : Bruylant, 2012, p. 17.
-
[12]
David Restrepo Amariles, « Legal Indicators, Global Law and Legal Pluralism: An Introduction », The Journal of Legal Pluralism and Unofficial Law, 47 (1), 2015, p. 12.
-
[13]
Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification, op. cit., p. 103.
-
[14]
Alain Supiot, La gouvernance par les nombres. Cours au Collège de France (2012-2014), Paris : Fayard, 2015, p. 250.
-
[15]
David Nelken, « The Legitimacy of Global Social Indicators: Reconfiguring Authority, Accountability and Accuracy », Les Cahiers de droit, 59 (1), 2018, p. 78-79.
-
[16]
Voy. notamment Rafael La Porta, Florencio López-de-Silanes, Andrei Shleifer et Robert W. Vishny, « Legal Determinants of External Finance », The Journal of Finance, 52 (3), 1997, p. 1131 ; Id., « Law and Finance », Journal of Political Economy, 106 (6), 1998, p. 113.
-
[17]
Rafael La Porta, Florencio López-de-Silanes et Andrei Shleifer, « The Economic Consequences of Legal Origins », Journal of Economic Literature, 46 (2), 2008, p. 285-286.
-
[18]
Renaud Beauchard, Kevin Davis, Corinne Boisman et al., « Legal Origins, Doing Business, and Rule of Law Indicators: The Economic Evaluation of Legal Systems », Proceedings of the Annual Meeting (American Society of International Law), 105, 2011, p. 40.
-
[19]
Ibid.
-
[20]
Ralf Michaels, « Comparative Law by Numbers? Legal Origins Thesis, Doing Business Reports, and the Silence of Traditional Comparative Law », The American Journal of Comparative Law, 57, 2009, p. 771 ; Claude Ménard et Bertrand du Marais, « Can We Rank Legal Systems According to Their Economic Efficiency? », Washington University Journal of Law & Policy, 26, 2008, p. 60. On souligne également l’influence décisive de l’économiste de Soto.
- [21]
-
[22]
Association Henri Capitant, Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque Mondiale, Paris : Société de législation comparé, 2006 ; Bénédicte Fauvarque-Cosson et Anne-Julie Kerhuel, « Is Law an Economic Contest? French Reactions to the Doing Business World Bank Reports and Economic Analysis of the Law », The American Journal of Comparative Law, 57 (4), 2009, p. 811 ; Catherine Valcke, « The French Response to the World Bank’s Doing Business Reports », University of Toronto Law Journal, 60, 2010, p. 197.
-
[23]
Marie-Anne Frison-Roche, « L’idée de mesurer l’efficacité économique du droit », in Guy Canivet, Marie-Anne Frison-Roche et Michael Klein (dir.), Mesurer l’efficacité économique du droit, Paris : LGDJ, 2005, p. 19.
-
[24]
Association Henri Capitant, Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque Mondiale, op. cit., p. 8.
-
[25]
La fondation a été créée par le Conseil supérieur du notariat, le Conseil national des barreaux et la Caisse des dépôts et consignations (article 3.1 des statuts accessibles sur ce lien <http://www.fondation-droitcontinental.org/fr/wp-content/uploads/2013/12/statuts-de-la-fondation.pdf>). Parmi les membres du conseil d’administration siègent des représentants de ministères et de hautes juridictions du pays (article 5.1.).
-
[26]
Bénédicte Fauvarque-Cosson et Anne-Julie Kerhuel, « Is Law an Economic Contest? French Reactions to the Doing Business World Bank Reports and Economic Analysis of the Law », article cité, p. 819.
-
[27]
Patrick Papazian, « Appel à projet. Étude relative à un Index de la sécurité juridique », La Semaine juridique - Édition générale, 7 janvier 2013, n°1-2, p. 43.
-
[28]
Kevin Davis, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry, « Introduction: Global Governance by Indicators », in Kevin Davis, Angelina Fisher, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry (eds.), Governance by Indicators, op. cit., p. 19.
-
[29]
Bruno Deffains et Catherine Kessedjian (dir.), Index de la sécurité juridique. Rapport pour la Fondation pour le droit continental, 2015, accessible sur ce lien <http://www.fondation-droitcontinental.org/fr/wp-content/uploads/2015/04/Rapport-ISJ-Juin-2015.pdf> (ci-après, cité ISJ 2015).
-
[30]
Bruno Deffains et Michel Séjéan (dir.), L’Index de la sécurité juridique, Paris : Dalloz, 2018 (ci-après, cité ISJ 2018).
-
[31]
Notons que l’équipe de recherche a entretenu un dialogue constant avec la Banque mondiale. Elle s’est, en effet, rendue en 2015 et en 2016 à la Law, Justice and Development Week organisée par la Banque mondiale pour y présenter les travaux en cours sur l’indicateur. Elle a également organisé la présentation du Doing Business 2017 en France.
-
[32]
ISJ 2015, p. 37.
-
[33]
Ibid., p. 39.
-
[34]
Voy. Association Henri Capitant, Les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque Mondiale, op. cit., p. 88.
-
[35]
David Restrepo Amariles, « Transnational Legal Indicators: The Missing Link in a New Era of Law and Development Policy », in Pedro Fortes, Larissa Boratti, Andrés Palacios et Tom Daly (eds.), Law and Policy in Latin America: Transforming Courts, Institutions, and Rights, Londres : Palgrave Macmillan, 2017, p. 95 et suiv.
-
[36]
Amanda Perry-Kessaris, « Prepare your Indicators: Economics Imperialism on the Shores of Law and Development », International Journal of Law in Context, 7, 2011, p. 416.
-
[37]
David Restrepo Amariles, « Supping with the Devil? Indicators and the Rise of Managerial Rationality in Law », International Journal of Law in Context, 13, 2018, p. 470.
-
[38]
Alain Desrosières, Pour une sociologie historique de la quantification. L’argument statistique I, op. cit., p. 187.
-
[39]
David Restrepo Amariles, « Legal Indicators, Global Law and Legal Pluralism: An Introduction », article cité, p. 16.
-
[40]
ISJ 2015, p. 8.
-
[41]
Jacques Chevallier, « Le droit économique : insécurité juridique ou nouvelle sécurité juridique », in Laurence Boy, Jean-Baptiste Racine et Fabrice Siiriainen (dir.), Sécurité juridique et droit économique, Bruxelles : Larcier, 2008, p. 559 ; Jean-Pierre Puissochet et Hubert Legal, « Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes », Cahiers du Conseil constitutionnel, 11, 2001, p. 149.
-
[42]
Jacques Chevallier, « Le droit économique : insécurité juridique ou nouvelle sécurité juridique », op. cit., p. 559.
-
[43]
Lucien François, « La fiabilité du droit, dite sécurité juridique », in La sécurité juridique, Liège : Éditions du Jeune barreau de Liège, 1993, p. 10.
-
[44]
François Tulkens, « La sécurité juridique : un idéal à reconsidérer », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, 24, 1990, p. 28.
-
[45]
Voy. notamment Patricia Popelier, « Legal Certainty and Principles of Proper Law Making », European Journal of Law Reform, 2, 2000, p. 321 ; Anne-Laure Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, Paris : LGDJ, 2005, p. 15 et suiv. ; Conseil d’État, Sécurité juridique et complexité du droit – rapport public 2006, Paris : La Documentation française, coll. « Études et documents du Conseil d’État », 2006, p. 281 et suiv. ; Dominique J. M. Soulas de Russel et Philippe Raimbault, « Nature et racines du principe de sécurité juridique : une mise au point », Revue internationale de droit comparé, 55, 2003, p. 85 ; Jean-Baptiste Racine et Fabrice Siiriainen, « Sécurité juridique et droit économique : propos introductifs », in Laurence Boy, Jean-Baptiste Racine et Fabrice Siiriainen (dir.), Sécurité juridique et droit économique, op. cit., p. 13. Pour une généalogie de cette notion : Jérémie Van Meerbeeck, De la certitude à la confiance. Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, Limal : Anthemis, Bruxelles : Presses de l’Université Saint-Louis, 2014.
-
[46]
Anne-Laure Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, op. cit., p. 15.
-
[47]
Patricia Popelier, « Five Paradoxes on Legal Certainty and the Lawmaker », Legisprudence. International Journal for the Study of the Legislation, 2 (2), 2008, p. 51 ; Jacques Chevallier, « Le droit économique : insécurité juridique ou nouvelle sécurité juridique », op. cit., p. 565.
-
[48]
Anne-Laure Valembois, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, op. cit., p. 237.
-
[49]
ISJ 2015, p. 24.
-
[50]
Allemagne, Argentine, Brésil, Canada, Chine, États-Unis, France, Italie, Japon, Maroc, Norvège, Royaume-Uni, Sénégal.
-
[51]
Voy. les résultats par domaine : ISJ 2015, p. 104 et suiv.
-
[52]
Afrique du Sud, Espagne, Inde, Nigéria, Russie.
-
[53]
Voy. les résultats par domaine : ISJ 2018, p. 80.
-
[54]
Voy. ISJ 2015, p. 81 et suiv.
-
[55]
Les notes attribuées aux différentes propositions ne sont pas mentionnées dans les questionnaires soumis aux experts.
-
[56]
ISJ 2018, p. 71.
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[57]
Chaque domaine juridique est pondéré de la même manière et est donc considéré comme d’égale importance aux autres domaines.
-
[58]
ISJ 2015, p. 88.
-
[59]
Ibid. Nous soulignons.
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[60]
Pour un aperçu des différents systèmes juridiques à travers le monde, consultez les travaux de JuriGlobe, groupe de recherche de l’Université d’Ottawa, disponibles sur le lien suivant : <http://www.juriglobe.ca/index.php>.
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[61]
Notre étude portera sur les cas pratiques élaborés pour les quatre nouveaux domaines de droits étudiés pour la deuxième vague de l’indicateur dans la mesure où ils sont les plus récents. Pour consulter les cas pratiques et questionnaires, voy. IJS 2018, p. 100 et suiv.
-
[62]
Pour rappel, les points entre parenthèses indiquent la pondération. La réponse considérée comme la meilleure se voit attribuer 10 points et la moins bonne 0. Dans cet exemple, la deuxième réponse reçoit 6,666 points (20/3) et la troisième 3,333 (10/3).
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[63]
ISJ 2015, p. 103.
-
[64]
Article L611-6 du Code de commerce français.
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[65]
Article L621-3 du Code de commerce français.
-
[66]
Kevin Davis, Benedict Kingsbury et Sally Engle Merry, « Introduction: Global Governance by Indicators », op. cit., p. 8.