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Article de revue

« Legal Consciousness Studies » et « Science and Technology Studies ». Croiser des parallèles ?

Pages 633 à 644

Notes

  • [1]
    Il n’est évidemment pas question pour nous d’affirmer que ces deux mouvements doivent être considérés comme similaires. Le mouvement des STS est bien plus large, visible et englobant que ne le sont les LCS qui, comme le suggèrent les correspondants-référents de Droit et Société, que nous remercions pour leurs remarques sur notre article, ne sont sans doute qu’un courant des socio-legal studies. Le choix de les traiter sur un même plan, comme deux domaines d’études interdisciplinaires nous a toutefois paru heuristique, en ce qui concerne les réflexions que certains membres de ces deux mouvements consacrent respectivement à des objets qui croisent le droit ou plus largement la régulation et les objets et pratiques scientifiques et techniques au moins.
  • [2]
    V. notamment Stéphanie Lacour, Sacha Loeve, Brice Laurent, Virginie Albe et al., « Deliberating Responsability: A Collective Contribution by the C’Nano IdF Nanoscience & Society Office », Foundations of Chemistry, 17 (3), 2015, p. 225-245.
  • [3]
    Virginie Albe, « Controverses », in Agnès Van Zanten et Patrick Rayou (dir.), Dictionnaire de l’éducation, Paris : PUF, 2017, p. 112-114.
  • [4]
    Stéphanie Lacour, Olivier Leclerc et Laurence Dumoulin, « Regards croisés sur les objets et les pratiques scientifiques et techniques », Les Cahiers Droit, Sciences et Techniques, 6, 2016, éditions PUAM, p. 11-22.
  • [5]
    Même si les écoles d’Édimbourg et de Bath constituent des contributions majeures au mouvement STS. En ce sens v. Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, Paris : La Découverte, 2006, p. 6.
  • [6]
    Susan S. Silbey (ed.), Law and Science (I): Epistemological, Evidentiary, and Relational Engagements, Aldershot : Ashgate Publishing Ltd., 2008, Introduction, p. xii : « Yet, despite their purportedly open and available procedures, both science and legality are experienced in popular culture as arcane, impenetrable and often uninterpretable. […] Neither law or science achieve the transparency to which it aspires. »
  • [7]
    Jacques Commaille, « À quoi nous sert le droit pour comprendre sociologiquement les incertitudes des sociétés contemporaines ? », Sociologies, 7 mars 2016, <http://sociologies.revues.org/5278>, plus largement, du même auteur, À quoi nous sert le droit ?, Paris : Gallimard, coll. « Folio essais », 2015, p. 65 et suiv.
  • [8]
    Id., À quoi nous sert le droit ?, op. cit., p. 2.
  • [9]
    Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris : La Découverte, 1991 ; et, plus récemment, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes, Paris : La Découverte, coll. « Hors collection Sciences Humaines », 2012.
  • [10]
    Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, loc.cit.
  • [11]
    V. en ce sens, notamment, Peter. L. Galison et David J. Stump, The Disunity of Science: Boundaries, Contexts, and Power, Stanford : Stanford University Press, 1996, ou encore Karin Knorr Cetina, Epistemic Cultures: How the Sciences Make Knowledge, Cambridge : Harvard University Press, 1999.
  • [12]
    Dominique Pestre, loc.cit.
  • [13]
    Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence : une anthropologie des Modernes, op. cit. (chapitres 1 et 13).
  • [14]
    Susan Silbey, « Studying Legal Consciousness: Building Institutional Theory from Micro Data », p. 692 dans ce dossier : « [… We] use the word “legality” to refer to the meanings, sources of authority, and cultural practices that are commonly recognized by actors as legal or associated with law, regardless of who employs them or for what ends. » (Susan Silbey, Étudier la « Conscience du droit » : construction d’une théorie de l’institution à partir de micro données, p. 741 pour la traduction française dans ce dossier).
  • [15]
    V. Liora Israël et Jérôme Pélisse, « Quelques éléments sur les conditions d’une “importation” (Note liminaire à la traduction du texte de S. Silbey et P. Ewick », Terrains & Travaux, 6, 2004, p. 101-111. Ces notions remontent en réalité à des travaux datant du début du xxe siècle. V. Roscoe Pound, « Law in Books and Law in Action », American Law Review, 44, 1910, p. 12-36.
  • [16]
    Sur la question de la coexistence de ce mythe avec la pluralité des pratiques quotidiennes du droit et des discours auxquels elles donnent lieu, v. Susan Silbey et Patricia Ewick, « The Rule of Law - Sacred and Profane », Society, 37 (6), 2000, p. 49-56.
  • [17]
    Dominique Pestre, « L’analyse de controverses dans l’étude des sciences depuis trente ans. Entre outil méthodologique, garantie de neutralité axiologique et politique », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 25, 2007, p. 29-43.
  • [18]
    En ce sens, Harry M. Collins, Changing Order. Replication and Induction in Scientific Practice, Chicago : The University of Chicago Press, 1985 puis 1992.
  • [19]
    Isabelle Stengers, L’invention des sciences modernes, Paris : La Découverte, 2010.
  • [20]
    Parmi lesquels les récits mythiques sur les sciences, autrement dit, la science « dorée » des manuels d’enseignement des sciences vis-à-vis des sciences en train de se faire, mais aussi celle qui séparerait les sachants des profanes, ces derniers étant désormais considérés comme étant co-producteurs de savoirs. En ce sens, voir par exemple Bernadette Bensaude-Vincent, La science contre l’opinion : histoire d’un divorce, Paris : Seuil, 2003.
  • [21]
    Union des rationalistes, Association française pour l'information scientifique (AFIS) par exemple.
  • [22]
    Dominique Pestre, « L’analyse de controverses dans l’étude des sciences depuis trente ans. Entre outil méthodologique, garantie de neutralité axiologique et politique », op. cit.
  • [23]
    En ce sens, v. l’introduction consacrée par Olivier Leclerc à la traduction qu’il a publiée d’une sélection de textes majeurs de cette auteure, Le droit et la science en action, Sheila Jasanoff traduite et présentée par Olivier Leclerc, Paris : Dalloz, coll. « Rivages du droit », 2013, notamment p. 9.
  • [24]
    Austin Sarat et Susan Silbey, « Critical Traditions in Law and Society Research », Law and Society Review, 21 (1), 1987, p. 164-174.
  • [25]
    Antoine Vauchez, « Entre droit et sciences sociales. Retour sur l’histoire du mouvement Law and Society », Genèses, 45, 2001, p. 134-149.
  • [26]
    Sur cette notion, v. Emanuel Adler et Peter M. Haas, « Conclusion: Epistemic Communities, World Order, and the Creation of a Reflective Research Program », International Organization, 46 (1), 1992, p. 367-390.
  • [27]
    En ce sens, v. Jérôme Lamy et Arnaud Saint-Martin, « Marx, un spectre qui ne hante plus les Science and Technology Studies ? », Le Portique [en ligne], 32, 2014, document 6, mis en ligne le 5 février 2016.
  • [28]
    Susan S. Silbey, « After Legal Consciousness », Annual Law Review of Law and Social Science, 1, 2005, p. 323-368.
  • [29]
    Susan Silbey et Patricia Ewick, « The Architecture of Authority: The Place of Law in the Space of Science », in Austin Sarat, Lawrence Douglas et Martha M. Umphrey (eds.), The Place of Law, Ann Arbor : University of Michigan Press, 2003, p. 77-108, mais aussi, Susan S. Silbey (ed.), Law and Science (I et II) : Epistemological, Evidentiary, and Relational Engagements, Aldershot : Ashgate Publishing Ltd., 2008.
  • [30]
    Rafael Encinas de Munagorri, « La communauté scientifique est-elle un ordre juridique ? », Revue trimestrielle de droit civil, 2, 1998, p. 247-283.
  • [31]
    V. Liora Israël, « Conseils de sociologues. Bruno Latour et Dominique Schnapper face au droit », Genèses, 87, 2012, p. 136-152.
  • [32]
    Maurice Cassier et Marilena Correa, Patents, Innovation and Public Health: Brazilian Public-Sector Laboratories’ Experience in Copying AIDS Drugs, ANRS, 2003 ; Malte Henkel, « Academic Identity and Autonomy in a Changing Policy Environment », Higher Education, 49 (1-2), 2005, p. 155-176 ; Grit Laudel, « The Art of Getting Funded: How Scientists Adapt to their Funding Conditions », Science and Public Policy, 33 (7), 2006, p. 489-504 ; Gary Rhoades et Sheila Slaughter, Academic Capitalism and the New Economy. Markets, State, and Higher Education, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 2004 ; Jean Thèves, Benedetto Lepori et Philippe Larédo, « Changing Patterns of Public Research Funding in France », Science and Public Policy, 34 (6), 2007, p. 389-399.
  • [33]
    Susan S. Silbey, « After Legal Consciousness », p. 580.
  • [34]
    Id., « J. Locke, op. cit.: Invocations of Law on Snowy Streets », Journal of Comparative Law, 5 (2), 2010, p. 90.
  • [35]
    À cet égard, l’exemple souvent mobilisé par Bruno Latour des ralentisseurs, parfois incorrectement nommés « gendarmes couchés », est éclairant. Images mêmes de la notion de médiation technique, ils n’exercent pas simplement une fonction – ralentir les automobilistes – mais incorporent dans leur trame bien d’autres dimensions, que l’auteur décrit comme autant d’actants, temps et lieux, mais que l’on peut également, selon nous, analyser en termes de normes. V. Bruno Latour, « La fin des moyens », Réseaux, 100, 2000, dossier « Communiquer à l’ère des réseaux », p. 39-58.
  • [36]
    Des travaux ont déjà été consacrés, il faut le noter, aux croisements des perspectives des STS avec les socio-legal studies dans leur ensemble, qui rejoignent parfois, d’ailleurs, une partie des pistes que nous suggérons. V. ainsi, sous la direction de Emilie Cloatre et Martyn Pickersgill (eds.), Knowledge, Technology and Law. At the Intersection of Socio-Legal and Science & Technology Studies, Londres : Routledge, 2016.

1Les raisons qui nous ont poussées à tenter de tracer des parallèles [1] entre le mouvement des Legal Consciousness Studies (LCS), que nous étions en train d’étudier collectivement, et les Science and Technology Studies (STS) sont, au moins, au nombre de quatre.

2Nos parcours individuels, tout d’abord, nous avaient précédemment menées à croiser nos regards [2] au sujet d’objets et de pratiques scientifiques et techniques et à explorer, de ce fait, les ressources des STS, parmi d’autres approches, pour comprendre comment les controverses scientifiques se déploient dans diverses arènes et sont appréhendées par différents publics concernés, et notamment les jeunes [3], et quelles étaient les relations entre ces objets, pratiques et controverses et le droit [4].

3Les deux courants, ensuite, bien que distincts par leurs objets, puisaient leurs racines dans une même période, celle des années 1960 et 1970, une même aire culturelle, le monde anglo-saxon et en particulier les États-Unis [5] et illustraient une même volonté de renouveler, sans évidemment faire l’économie de débats internes, les cadres et méthodologies d’analyse de phénomènes sociaux majeurs, le droit et la science, en adoptant des postures critiques et politiquement engagées.

4Susan Silbey, enfin, dont les recherches ont servi de guide à nos réunions, consacre depuis le début des années 2000 des travaux de long cours à l’étude des relations entre droit et sciences, et en particulier à l’observation du droit dans l’espace des laboratoires de recherche.

5Il nous est apparu, pour finir, que jusqu’à présent, et malgré des tentatives récentes en ce sens, le rendez-vous entre ces deux mouvements de recherche n’avait pas eu lieu, et nous souhaitions explorer les virtualités d’une telle rencontre entre deux positionnements qui, à bien des égards, nous paraissaient recouvrir des territoires qui sont, de plus en plus, appelés à se juxtaposer. Nous nous sommes, par conséquent, attachées à mieux cerner des parallèles entre le courant des « LCS » et le mouvement des « STS » pour nourrir ce questionnement sur un possible avenir des recherches en sciences sociales qui tirerait profit des apports des deux approches pour mieux comprendre les droits, les sciences et les techniques dans leurs interactions mutuelles.

I. Trois parallèles entre les LCS et les STS

I.1. Ouvrir des boîtes noires : les paradoxes du droit, des sciences et des techniques

6L’observation attentive du projet qui sous-tend les LCS, tel qu’il nous est apparu au fil de nos discussions, nous a semblé, fut-ce partiellement, faire écho aux travaux de certains chercheurs de STS. À tout le moins, pensons-nous, il est possible d’affirmer que ce projet met en lumière un parallèle entre l’appréhension du phénomène juridique et celle du phénomène scientifique, les deux étant, selon les propres termes de Susan Silbey, « perçus dans la culture populaire comme ésotériques, impénétrables et souvent incompréhensibles » [6]. Ces deux phénomènes sont néanmoins porteurs de vérité, alors même qu’ils se présentent fondamentalement comme des institutions et des processus visant à réguler la vie humaine et la société non plus en recourant à une force (physique ou métaphysique) arbitraire mais par l’usage de mots et d’une raison qui font l’objet de discussions institutionnalisées. Le constat de la présence simultanée, dans une société donnée, de plusieurs figures, également vraies et puissantes dans l’esprit des citoyens concernés, de la science et du droit, est sans doute la première pierre de touche des comparaisons auxquelles peuvent donner lieu les LCS et les STS.

7Pour comprendre comment les sciences présentent aux publics simultanément deux images, les STS ont concentré leurs analyses sur les boîtes noires que constituent les activités scientifiques et techniques. Les sciences et les techniques concourent en effet, selon ces chercheurs, en se présentant comme ontologiquement unifiées et méthodologiquement purifiées (La Science, La Technique), à entretenir l’apparence d’une objectivité hors de portée des citoyens profanes, un mythe de supériorité épistémologique. Pour les chercheurs des STS, dés-essentialiser la Science et la Technique, ouvrir ces boîtes noires, est une étape incontournable pour comprendre comment connaissances, rapports de force et pouvoirs contribuent à la production des savoirs scientifiques et techniques.

8Du côté des socio-juristes, ce constat a parfois été analysé et étudié comme relevant d’un modèle de légalité duale dans lequel « au droit comme “Raison” s’oppose un droit agi par le social » [7]. C’est ainsi que Jacques Commaille suggère que le droit peut, en dépassant cette opposition, être appréhendé de manière heuristique comme un « exceptionnel révélateur des transformations des sociétés et l’instrument privilégié pour procéder à un travail de théorisation de ces transformations » [8].

9Ainsi, pour Bruno Latour [9], documenter une « anthropologie des modernes » consiste à critiquer le double langage des « modernes » qui prétendent séparer les choses et les faits en produisant un discours purifié sur les choses et affirment ce faisant leur supériorité – toute occidentale et mythifiée – sur les autres peuples. Les travaux de Susan Silbey ont également, nous semble-t-il, pour objectif de dévoiler les mécanismes de domination des forts sur les faibles, au sein d’une même société, et les moyens par lesquels cette domination se perpétue par le droit, alors même que ce dernier peut exprimer, au moins au départ, le projet politique de faire autrement.

10Les parallèles entre les deux mouvements ne s’arrêtent toutefois pas là. STS comme LCS ont en effet développé – pour mettre au jour ce qu’on a appelé chez les premiers les diverses facettes de la co-production des sciences, des techniques et de la société, et chez les seconds la dimension constitutive du droit – des méthodologies inédites qui sont très signifiantes sur le plan épistémologique et ont marqué une véritable rupture dans l’évolution de la production de connaissances sur leurs objets.

I.2. Explorer des objets en contexte : droits, sciences et techniques en actes

11Tout comme les LCS ont marqué une étape de rupture avec la sociologie du droit telle qu’elle se pratiquait aux États-Unis dans les années 1960 et même 1970, axée principalement sur les professionnels du droit et des approches statistiques, les STS ont créé une rupture avec la philosophie des sciences. Cette dernière était en effet tout attachée à tracer des critères de démarcation entre science et non-science tandis que l’épistémologie historique des sciences mettait généralement en avant l’exceptionnalisme des savoirs scientifiques. Les STS ont conduit à abandonner l’idée d’une « essence de la science » [10]. Avec le choix méthodologique de privilégier des enquêtes empiriques, et le développement d’une anthropologie de laboratoire, elles ont centré leurs analyses sur les pratiques des sciences et des techniques – pratiques hétérogènes développées par des acteurs intéressés – et la circulation des savoirs dans des institutions diverses (laboratoires, agences de contrôle, instituts de normalisation, bureaux de métrologie, associations protestataires, professionnels, universités, start-ups…).

12C’est l’un des apports majeurs des STS, qui a profondément et radicalement renouvelé l’épistémologie des sciences, mettant l’accent sur l’hétérogénéité des pratiques de sciences [11], toujours situées et contingentes. Leur démarche est compréhensive, neutre sur le plan axiologique et pragmatique. Il s’agit de rester au plus près des acteurs, d’être en empathie avec eux, d’agir en « témoin modeste » [12]. Il s’agit également d’accorder la même attention et de déployer les mêmes ressources intellectuelles d’analyse, sans préjuger du vrai ou du faux, pour étudier tous les acteurs qui se mobilisent et les arguments qu’ils déploient dans les réseaux de production des connaissances scientifiques. Ainsi, les STS montrent comment, dans la diversité de leurs pratiques, de leurs acteurs et de leurs lieux, les sciences construisent une autorité commune [13].

13Susan Silbey et, avec elle, d’autres chercheurs des LCS, ont quant à eux mis l’accent sur la notion de « légalité ». Celle-ci est définie comme une « référence aux ssignifications, aux sources de l’autorité, et aux pratiques culturelles qui sont habituellement reconnues par les acteurs comme juridiques ou associées au droit, peu importe qui les emploie et dans quels buts » [14]. Cette notion, on le voit, intègre dans un même mouvement les deux figures du droit. La production de connaissances à son sujet appelait par conséquent tout à la fois un changement d’optique et un renouvellement méthodologique.

14Le premier a précédé les LCS et consiste en l’affirmation fondamentale que le droit en actes n’est pas identique au droit des livres [15], sans qu’une hiérarchie ne puisse, pour autant, être supposée entre les deux. La seconde leur est propre. L’approche qu’ils privilégient, celle de la microsociologie, permet en effet de mettre en lumière tout à la fois la contingence des conceptions que les acteurs dévoilent de ce qu’ils estiment être le droit qui s’applique à eux et la permanence de leur croyance dans la supériorité d’un système juridique mythifié [16]. L’approche suscite des critiques, comme l’illustre, notamment, le texte rédigé par Emilia Schijman, Daniela Piana et Noé Wagener dans ce dossier. Ces dernières n’effacent pas pour autant l’apport de cette microsociologie par rapport aux recherches antérieures ni l’intérêt que le contexte individuel représente pour une meilleure connaissance du droit.

15Ce second parallèle entre les deux mouvements de recherche mérite d’être approfondi, car il rappelle les dimensions militantes qui ont présidé à la création de ces mouvements. S’il s’agissait, et s’il s’agit toujours de produire des connaissances robustes et partagées sur les sciences, les techniques ou le droit, l’objectif des STS, comme celui des LCS ne s’arrête pas là. Bien au contraire, il nous semble que leurs résultats témoignent d’une attention toute particulière aux dimensions idéologiques que ces objets incorporent.

I.3. Mettre au jour les idéologies embarquées : droits, sciences et techniques au pouvoir

16Malgré leur diversité et les débats permanents qui opposent les différentes branches de ce mouvement de recherche, il semble possible d’affirmer, comme le fait Dominique Pestre, que les STS constituent un « projet philosophique articulé sur une démarche méthodologique » [17]. Ces recherches ont permis de mettre en évidence plusieurs invariants, parfois contre-intuitifs, dans le champ scientifique et technique. Tout d’abord, les preuves scientifiques sont toujours locales et contingentes, il n’en existe pas de nécessité transcendante, et bien juger de leur pertinence est précisément ce en quoi consiste le travail scientifique [18]. Ensuite, le dissensus est premier dans les sciences, autrement dit la controverse est, comme le souligne Isabelle Stengers, le milieu natal des faits scientifiques[19]. Enfin, parce que la réalité ne s’appréhende que par bribes et toujours à travers des prismes (cognitifs et sociaux, linguistiques et matériels) toujours déformants, il est normal qu’émerge une pluralité de propositions légitimes et intéressantes.

17Un tel renouvellement du regard sur les sciences a eu pour conséquences, d’une part, l’abandon d’un certain nombre de dichotomies qui étaient jusque-là considérées comme opérantes dans les manières traditionnelles d’envisager les sciences [20] – dont l’illusion d’une exclusion symétrique des savoirs et des pratiques –, et, d’autre part, la remise en cause de l’hégémonie des sciences lorsqu’elles prétendent à un monopole d’accès à la vérité et se présentent comme les seules voies et voix légitimes dans l’espace public [21] pour traiter de questions sociales impliquant les sciences (par exemple l’énergie, le climat, l’alimentation, la santé). Les STS ont ainsi contribué à miner les positions d’autorité qui se reconstruisent en permanence autour des sciences. Politiques et militantes, elles ont contesté la neutralité des savoirs scientifiques et montré leur lien organique au pouvoir [22].

18Il nous semble, à l’analyse des travaux des LCS, que l’approche mise en œuvre par Susan Silbey et ses collègues présente bien des points communs avec celle des STS. On y retrouve, dans des termes différents, un souci similaire de modestie et de symétrie pour accéder à la connaissance du droit via l’étude de la conscience du droit dans toutes les strates de la population. De la même manière, les Legal Consciousness Studies se construisent, nous semble-t-il, sur la base d’une remise en cause radicale de certaines dichotomies et oppositions parmi les plus irréductibles en apparence, qui fondaient les connaissances sur le droit : entre le droit des livres et le droit en actes, entre professionnels du droit et simples citoyens. Elles visent ainsi à remettre en cause l’hégémonie du droit lorsqu’il prétend à un monopole d’accès à la vérité et, à terme, à contester la nécessaire autorité et prévalence de certaines interprétations du droit, portées par les puissants, sur le droit vécu et expérimenté au quotidien par les citoyens. En décidant de prendre au sérieux la légalité, soit la vie du droit dans ses manifestations quotidiennes, les LCS prennent le contrepied des recherches menées par les juristes américains, critiques du droit et réalistes confondus, sans nier le rôle et la place du droit des livres, du mythe du Droit. Leur apport, par conséquent, est loin d’être seulement méthodologique, puisque leur approche microsociologique s’articule très clairement avec une perspective beaucoup plus générale de critique de l’hégémonie du droit tendant à remettre le pouvoir qui est associé à ce dernier entre les mains de tous ses acteurs.

II. Deux croisements pour la recherche de sciences sociales sur les interactions entre droits, sciences et techniques

II.1. Développer des mouvements de recherche stabilisés : STS et LCS en action

19Dans les deux mouvements, LCS comme STS, on peut relever le souci permanent, peut-être pour faire face aux soupçons d’illégitimité de l’approche choisie et aux résistances des communautés épistémiques précédemment titulaires du pouvoir de dire le Droit ou la Science, de prendre l’objet étudié réellement au sérieux, en s’acquittant, le cas échéant, de droits d’entrée potentiellement élevés dans ces domaines, en ne faisant pas l’impasse sur les détails, la littérature, les connaissances mobilisées par ailleurs. Une telle attention aux contextes, formes et discours qui entourent les objets et les acteurs du droit, des sciences et des techniques ont, dans les deux cas, bien qu’avec un succès différent, poussé les tenants des approches LCS et STS, malgré le fait que leurs mouvements recouvraient en fait des positionnements scientifiques – disciplinaires comme méthodologiques – divers, à une institutionnalisation de ces courants de recherche.

20C’est ainsi que les STS, sous l’influence, en particulier aux États-Unis, de Sheila Jasanoff [23], ont créé des chaires, soutenu des revues dédiées, des rendez-vous annuels, etc., afin de donner à leurs travaux des espaces d’expression – et de recrutement – propres à leur conférer de la stabilité, malgré les difficultés d’accès aux terrains, la longueur des enquêtes, la technicité des objets explorés, etc. Cette entreprise, bien qu’encore à l’œuvre aujourd’hui, a connu un succès certain et a durablement positionné la recherche, mais aussi l’enseignement des STS dans le tableau des approches académiquement reconnues.

21Malgré tous leurs efforts, les LCS – en tant que telles ou même en tant que partie d’un rassemblement plus large des approches les plus critiques des études socio-juridiques [24] –, n’ont, aux États-Unis, pas connu la même félicité, doublés dans cette entreprise par des initiatives moins critiques, telles que l’analyse économique du droit, comme le montre Antoine Vauchez [25]. Le déploiement de ces approches en Europe est également demeuré relativement modeste, ce que l’on peut, en partie, expliquer, comme nous le faisons en introduction de ce dossier, par les spécificités des contextes culturels juridiques des deux côtés de l’Atlantique, mais qui ne peut sans doute pas se résumer à cela.

22Les questions que l’on peut soulever, en partant de ces constats divergents, pour l’avenir des deux mouvements sont multiples. Elles concernent évidemment les moyens et mobilisations qu’il est nécessaire de déployer, dans une perspective de communautés épistémiques [26], pour acquérir, face à des disciplines scientifiques installées de longue date, l’opportunité de publier, discuter, recruter légitimement. Elles croisent également, sur un versant plus militant peut-être, le souci d’être entendu par les pouvoirs publics et les citoyens, lorsque l’on est à la source d’une rupture aussi franche dans les praxis attachées à des thématiques proches du pouvoir.

23Pour les Science and Technology Studies, cette réussite sur le plan académique s’est, selon certains commentateurs, opérée au prix d’une atténuation regrettable de la dimension et de la portée critique des recherches en cause [27]. Les Legal Consciousness Studies sont-elles, de leur côté, parvenues à conserver une unité, critique ou plus largement politique ? On peut a minima remarquer que cet objectif est toujours présent chez une partie non négligeable des auteurs qui continuent à travailler dans cette veine. Susan Silbey, en 2005, appelait la communauté à ne pas oublier cette dimension fondatrice des LCS, dans son article « After Legal Consciousness » [28] traduit en ouverture de ce dossier. Pour y parvenir, l’une des voies qu’il est possible, selon nous, d’envisager, concerne plus directement les travaux que cette auteure développe, depuis plus de 10 ans, au sujet de la conscience du droit dans les laboratoires de recherche. Au tournant des préoccupations qu’elle explore dans ces lieux spécifiques, en effet, se trouve l’espace d’une rencontre pour l’instant inaboutie entre les LCS et les STS. C’est au sujet des conditions de cette rencontre que nous lui avons adressé nos questions.

II.2. Des droits dans les sciences ? Et vice versa ?

24Dans ses travaux sur les lieux de la recherche (en sciences de la matière, du vivant et de l’ingénieur) [29], Susan Silbey étudie comment la réglementation en matière de gestion des risques au laboratoire (pour l’environnement, la santé et la sécurité) cherche à créer un modèle de compliance et une chaîne de responsabilités dans un univers dont l’organisation est habituellement basée sur une autorité distribuée et une tradition historique d’autonomie. La question qui se pose est alors, selon l’auteure, de savoir si et, dans l’hypothèse où la réponse serait positive, comment, les règlementations en matière de gestion des risques s’appliquent dans les laboratoires sans détruire pour autant des valeurs portées par les communautés concernées : la liberté académique, les relations entre chercheurs et les espaces d’invention et d’imagination.

25L’histoire des sciences et surtout l’histoire des disciplines scientifiques qu’elle prend pour référence mettent en effet en avant l’autonomie et la régulation interne des communautés disciplinaires. Ce faisant, ne maintient-elle pas aussi une vision idéalisée de la Science ? Le droit ainsi que les nouvelles formes de management qu’étudie Susan Silbey, ne constituent en réalité, au sein des laboratoires de recherche, qu’une source externe parmi d’autres de normes juridiques, dont il s’agit, dans son optique, d’étudier l’appropriation – ou non – par les communautés visées. La variabilité des rapports qu’entretiennent les chercheurs scientifiques avec les normes, juridiques, éthiques ou encore déontologiques, qui les entourent est en partie liée au positionnement de ces derniers dans les hiérarchies tacites comme officielles des communautés épistémiques auxquelles ils appartiennent, comme l’a brillamment démontré Rafael Encinas de Munagorri [30]. Prendre appui, pour évaluer la dimension constitutive de cette norme, sur une vision idéalisée du terrain exploré, ici les « top laboratories » nous semble tout à fait regrettable. Une critique identique a d’ailleurs pu être adressée, comme en miroir, au travail auquel s’est livré Bruno Latour dans La fabrique du droit, qui prenait appui sur l’ethnographie des pratiques contentieuses déployées au sein d’un espace exceptionnel, le Conseil d’État [31].

26La seconde question que nous souhaitons soulever, dans l’optique d’un rapprochement de ses travaux avec ceux relevant des STS, est celle de l’objet normatif, au sens large, choisi par l’auteure. Si focaliser l’étude sur les règles de sécurité permet bien de documenter les rapports au droit des différents acteurs qui interviennent, directement ou indirectement, dans les laboratoires, il nous semble néanmoins qu’il pourrait être intéressant d’inclure dans l’observation d’autres normes qui cherchent, avec plus ou moins de succès, à s’imposer dans la vie quotidienne de ces laboratoires de recherche. Une telle méthodologie, moins centrée sur un corps de règles particulier, se rapprocherait en outre davantage de l’approche que Susan Silbey et Patricia Ewick avaient adoptée dans The Common Place of the Law, en choisissant d’interroger leurs interlocuteurs sur leur vie quotidienne et les pratiques qui s’y déploient afin d’être en mesure de percevoir tout aussi bien les façons dont ils ne se réfèrent pas au droit que les discours qu’ils développent à son sujet.

27Qu’en est-il des règles relatives à la propriété intellectuelle, et spécialement la propriété industrielle ? Quelle est la portée réelle, dans la vie des laboratoires, des règlementations qui s’appliquent, encore une fois depuis l’extérieur, en matière de gestion budgétaire ou de management de projets, ou encore de financement de la recherche et de l’enseignement ? Dans le même ordre de questionnement, sans se focaliser sur le droit étatique, on peut observer qu’un certain nombre de règles disciplinaires s’imposent aux cultures épistémiques de chacun de ces laboratoires.

28Si toutes ces questions, ou presque, ont fait l’objet d’études dans le champ des STS [32], presqu’aucun de ces travaux ne les observe sous l’angle, pourtant passionnant, de la légalité, telle qu’elle est définie par Susan Silbey. Le rapprochement entre les connaissances issues des deux mouvements académiques présenterait l’intérêt de replacer le droit dans l’ensemble des dimensions que les STS peuvent observer au sein des réseaux à l’œuvre dans la production des connaissances. Il permettait également de regarder, en prenant cette dimension réellement au sérieux, en quoi ces connaissances et les dispositifs qu’elles produisent (qu’ils soient techniques, organisationnels ou autres) influencent le droit en train de se faire, et, vice versa, en quoi ce droit influence la production des savoirs et de fonctionnement des disciplines, le tout sur un ensemble de questionnements dont la portée politique est loin d’être anecdotique.

29Une autre de nos questions concernait la spécificité des apports de cette recherche sur les laboratoires de sciences de la nature et de l’ingénieur pour le courant des Legal Consciousness Studies. La démarche adoptée par Susan Silbey, dont les travaux sont encore en cours, semble correspondre au projet de focaliser l’étude sur la façon dont des acteurs que l’on peut aisément qualifier d’« élites » en sciences expriment une conscience du droit spécifique, « négocient » avec le droit. Le terrain qu’elle a choisi pour ce projet constituait d’ailleurs, de son propre aveu, une réponse directe à certaines des critiques qui lui avaient été adressées à l’issue de ses travaux précédents. Accusée de ne se préoccuper que du peuple, de citoyens lambda très, voire trop éloignés des cercles de pouvoir pour agir sur les institutions du droit, elle a choisi d’observer ensuite la vie quotidienne de ce dernier dans les espaces occupés par l’élite de la recherche.

30Pour autant, on peut se demander, à rebours des critiques précédentes, si on est encore, à ce niveau, dans l’ordre de la vie quotidienne du droit ? Pour le moins, il nous semble que ces acteurs pourraient parfois être qualifiés d’«  intermédiaires » du droit et pas seulement de « dominés » vis-à-vis de son autorité, dans la mesure où celle-ci menacerait leur autonomie créatrice. Comment, dès lors, interpréter leurs pratiques, leur quotidien, au regard des schèmes de légalité que Susan Silbey et Patricia Ewick ont décrits dans l’ouvrage fondateur des LCS, méta-récits au sujet de la légalité qu’elles ont rassemblés à l’aide des expressions « face au droit », « avec le droit » et « contre le droit » ? N’aurait-il pas été plus pertinent, pour répondre aux critiques reçues précédemment, de cibler une variété plus importante d’acteurs de la recherche scientifique ? Quelle(s) influence(s), enfin, les positionnements – conscients ou non – de ces acteurs particuliers – l’élite des sciences contemporaines de la nature et de l’ingénieur – produisent-ils sur les modes de production des savoirs et le fonctionnement des disciplines concernées, si on met ces schèmes en relation, conceptuellement au moins, avec les connaissances dont on dispose sur l’organisation des communautés épistémiques et le rôle, en leur sein, des « top scientists » ? Toutes ces questions restent ouvertes aujourd’hui, nous semble-t-il, et offrent des perspectives à la recherche de sciences sociales, qu’elle s’intéresse au droit, aux sciences et techniques, ou aux deux…

31Enfin, pour pousser le raisonnement symétrique un peu plus loin, nous nous sommes demandé s’il ne serait pas possible de transposer l’approche que Susan Silbey et ses coauteurs ont développée pour comprendre la conscience du droit à l’étude d’autres formes de normativité que l’on peut mettre en évidence grâce à l’étude des sciences et des techniques. La dimension performative d’une partie au moins des énoncés et dispositifs qui matérialisent les sciences et techniques dans nos sociétés est bien réelle. Tout comme le droit, pour reprendre les termes de Susan Silbey, « est une invention humaine durable et puissante parce qu’une bonne part de la légalité est justement cette contrainte invisible, qui imprègne et sature notre vie quotidienne » [33], les connaissances et dispositifs scientifiques et techniques constituent, de façon souvent invisible mais néanmoins très efficace, des normes qui sont omniprésentes dans nos vies quotidiennes.

32Dans l’exemple maintes fois mobilisé par Susan Silbey [34] de chaises déposées sur les espaces de stationnement public déneigés dans certaines villes nord-américaines, les normativités à l’œuvre sont sans doute, au moins partiellement, juridiques, comme le souligne l’auteur. Elles sont toutefois aussi, très certainement, le fruit de producteurs non étatiques de normes, telles une vision largement répandue de la justice sociale (quelqu’un a pris le temps de déneiger cet espace, il n’est pas illogique qu’il en retire un bénéfice) et une contrainte technique qui relève d’une normativité autre (pour se garer sur cet emplacement, il faudrait stopper son véhicule au milieu du flot de la circulation, en sortir, prendre l’initiative de déplacer la chaise sans savoir à qui elle appartient ni où la poser, puis refaire le chemin inverse avant d’entamer une manœuvre, cette contrainte croisant celle qui découle de la taille moyenne des véhicules terrestres à moteur, laquelle empêche matériellement de faire fi de l’avertissement pour se garer sur une demi-place, etc.) [35]. Croiser, à leur sujet, les apports des travaux issus de deux mouvements de recherche aussi riches que les STS et les LCS nous paraît être une piste prometteuse qui n’a, pour l’instant, été totalement explorée par aucun des mouvements en question [36].

Notes

  • [1]
    Il n’est évidemment pas question pour nous d’affirmer que ces deux mouvements doivent être considérés comme similaires. Le mouvement des STS est bien plus large, visible et englobant que ne le sont les LCS qui, comme le suggèrent les correspondants-référents de Droit et Société, que nous remercions pour leurs remarques sur notre article, ne sont sans doute qu’un courant des socio-legal studies. Le choix de les traiter sur un même plan, comme deux domaines d’études interdisciplinaires nous a toutefois paru heuristique, en ce qui concerne les réflexions que certains membres de ces deux mouvements consacrent respectivement à des objets qui croisent le droit ou plus largement la régulation et les objets et pratiques scientifiques et techniques au moins.
  • [2]
    V. notamment Stéphanie Lacour, Sacha Loeve, Brice Laurent, Virginie Albe et al., « Deliberating Responsability: A Collective Contribution by the C’Nano IdF Nanoscience & Society Office », Foundations of Chemistry, 17 (3), 2015, p. 225-245.
  • [3]
    Virginie Albe, « Controverses », in Agnès Van Zanten et Patrick Rayou (dir.), Dictionnaire de l’éducation, Paris : PUF, 2017, p. 112-114.
  • [4]
    Stéphanie Lacour, Olivier Leclerc et Laurence Dumoulin, « Regards croisés sur les objets et les pratiques scientifiques et techniques », Les Cahiers Droit, Sciences et Techniques, 6, 2016, éditions PUAM, p. 11-22.
  • [5]
    Même si les écoles d’Édimbourg et de Bath constituent des contributions majeures au mouvement STS. En ce sens v. Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, Paris : La Découverte, 2006, p. 6.
  • [6]
    Susan S. Silbey (ed.), Law and Science (I): Epistemological, Evidentiary, and Relational Engagements, Aldershot : Ashgate Publishing Ltd., 2008, Introduction, p. xii : « Yet, despite their purportedly open and available procedures, both science and legality are experienced in popular culture as arcane, impenetrable and often uninterpretable. […] Neither law or science achieve the transparency to which it aspires. »
  • [7]
    Jacques Commaille, « À quoi nous sert le droit pour comprendre sociologiquement les incertitudes des sociétés contemporaines ? », Sociologies, 7 mars 2016, <http://sociologies.revues.org/5278>, plus largement, du même auteur, À quoi nous sert le droit ?, Paris : Gallimard, coll. « Folio essais », 2015, p. 65 et suiv.
  • [8]
    Id., À quoi nous sert le droit ?, op. cit., p. 2.
  • [9]
    Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, Paris : La Découverte, 1991 ; et, plus récemment, Enquête sur les modes d’existence. Une anthropologie des Modernes, Paris : La Découverte, coll. « Hors collection Sciences Humaines », 2012.
  • [10]
    Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, loc.cit.
  • [11]
    V. en ce sens, notamment, Peter. L. Galison et David J. Stump, The Disunity of Science: Boundaries, Contexts, and Power, Stanford : Stanford University Press, 1996, ou encore Karin Knorr Cetina, Epistemic Cultures: How the Sciences Make Knowledge, Cambridge : Harvard University Press, 1999.
  • [12]
    Dominique Pestre, loc.cit.
  • [13]
    Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence : une anthropologie des Modernes, op. cit. (chapitres 1 et 13).
  • [14]
    Susan Silbey, « Studying Legal Consciousness: Building Institutional Theory from Micro Data », p. 692 dans ce dossier : « [… We] use the word “legality” to refer to the meanings, sources of authority, and cultural practices that are commonly recognized by actors as legal or associated with law, regardless of who employs them or for what ends. » (Susan Silbey, Étudier la « Conscience du droit » : construction d’une théorie de l’institution à partir de micro données, p. 741 pour la traduction française dans ce dossier).
  • [15]
    V. Liora Israël et Jérôme Pélisse, « Quelques éléments sur les conditions d’une “importation” (Note liminaire à la traduction du texte de S. Silbey et P. Ewick », Terrains & Travaux, 6, 2004, p. 101-111. Ces notions remontent en réalité à des travaux datant du début du xxe siècle. V. Roscoe Pound, « Law in Books and Law in Action », American Law Review, 44, 1910, p. 12-36.
  • [16]
    Sur la question de la coexistence de ce mythe avec la pluralité des pratiques quotidiennes du droit et des discours auxquels elles donnent lieu, v. Susan Silbey et Patricia Ewick, « The Rule of Law - Sacred and Profane », Society, 37 (6), 2000, p. 49-56.
  • [17]
    Dominique Pestre, « L’analyse de controverses dans l’étude des sciences depuis trente ans. Entre outil méthodologique, garantie de neutralité axiologique et politique », Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, 25, 2007, p. 29-43.
  • [18]
    En ce sens, Harry M. Collins, Changing Order. Replication and Induction in Scientific Practice, Chicago : The University of Chicago Press, 1985 puis 1992.
  • [19]
    Isabelle Stengers, L’invention des sciences modernes, Paris : La Découverte, 2010.
  • [20]
    Parmi lesquels les récits mythiques sur les sciences, autrement dit, la science « dorée » des manuels d’enseignement des sciences vis-à-vis des sciences en train de se faire, mais aussi celle qui séparerait les sachants des profanes, ces derniers étant désormais considérés comme étant co-producteurs de savoirs. En ce sens, voir par exemple Bernadette Bensaude-Vincent, La science contre l’opinion : histoire d’un divorce, Paris : Seuil, 2003.
  • [21]
    Union des rationalistes, Association française pour l'information scientifique (AFIS) par exemple.
  • [22]
    Dominique Pestre, « L’analyse de controverses dans l’étude des sciences depuis trente ans. Entre outil méthodologique, garantie de neutralité axiologique et politique », op. cit.
  • [23]
    En ce sens, v. l’introduction consacrée par Olivier Leclerc à la traduction qu’il a publiée d’une sélection de textes majeurs de cette auteure, Le droit et la science en action, Sheila Jasanoff traduite et présentée par Olivier Leclerc, Paris : Dalloz, coll. « Rivages du droit », 2013, notamment p. 9.
  • [24]
    Austin Sarat et Susan Silbey, « Critical Traditions in Law and Society Research », Law and Society Review, 21 (1), 1987, p. 164-174.
  • [25]
    Antoine Vauchez, « Entre droit et sciences sociales. Retour sur l’histoire du mouvement Law and Society », Genèses, 45, 2001, p. 134-149.
  • [26]
    Sur cette notion, v. Emanuel Adler et Peter M. Haas, « Conclusion: Epistemic Communities, World Order, and the Creation of a Reflective Research Program », International Organization, 46 (1), 1992, p. 367-390.
  • [27]
    En ce sens, v. Jérôme Lamy et Arnaud Saint-Martin, « Marx, un spectre qui ne hante plus les Science and Technology Studies ? », Le Portique [en ligne], 32, 2014, document 6, mis en ligne le 5 février 2016.
  • [28]
    Susan S. Silbey, « After Legal Consciousness », Annual Law Review of Law and Social Science, 1, 2005, p. 323-368.
  • [29]
    Susan Silbey et Patricia Ewick, « The Architecture of Authority: The Place of Law in the Space of Science », in Austin Sarat, Lawrence Douglas et Martha M. Umphrey (eds.), The Place of Law, Ann Arbor : University of Michigan Press, 2003, p. 77-108, mais aussi, Susan S. Silbey (ed.), Law and Science (I et II) : Epistemological, Evidentiary, and Relational Engagements, Aldershot : Ashgate Publishing Ltd., 2008.
  • [30]
    Rafael Encinas de Munagorri, « La communauté scientifique est-elle un ordre juridique ? », Revue trimestrielle de droit civil, 2, 1998, p. 247-283.
  • [31]
    V. Liora Israël, « Conseils de sociologues. Bruno Latour et Dominique Schnapper face au droit », Genèses, 87, 2012, p. 136-152.
  • [32]
    Maurice Cassier et Marilena Correa, Patents, Innovation and Public Health: Brazilian Public-Sector Laboratories’ Experience in Copying AIDS Drugs, ANRS, 2003 ; Malte Henkel, « Academic Identity and Autonomy in a Changing Policy Environment », Higher Education, 49 (1-2), 2005, p. 155-176 ; Grit Laudel, « The Art of Getting Funded: How Scientists Adapt to their Funding Conditions », Science and Public Policy, 33 (7), 2006, p. 489-504 ; Gary Rhoades et Sheila Slaughter, Academic Capitalism and the New Economy. Markets, State, and Higher Education, Baltimore : Johns Hopkins University Press, 2004 ; Jean Thèves, Benedetto Lepori et Philippe Larédo, « Changing Patterns of Public Research Funding in France », Science and Public Policy, 34 (6), 2007, p. 389-399.
  • [33]
    Susan S. Silbey, « After Legal Consciousness », p. 580.
  • [34]
    Id., « J. Locke, op. cit.: Invocations of Law on Snowy Streets », Journal of Comparative Law, 5 (2), 2010, p. 90.
  • [35]
    À cet égard, l’exemple souvent mobilisé par Bruno Latour des ralentisseurs, parfois incorrectement nommés « gendarmes couchés », est éclairant. Images mêmes de la notion de médiation technique, ils n’exercent pas simplement une fonction – ralentir les automobilistes – mais incorporent dans leur trame bien d’autres dimensions, que l’auteur décrit comme autant d’actants, temps et lieux, mais que l’on peut également, selon nous, analyser en termes de normes. V. Bruno Latour, « La fin des moyens », Réseaux, 100, 2000, dossier « Communiquer à l’ère des réseaux », p. 39-58.
  • [36]
    Des travaux ont déjà été consacrés, il faut le noter, aux croisements des perspectives des STS avec les socio-legal studies dans leur ensemble, qui rejoignent parfois, d’ailleurs, une partie des pistes que nous suggérons. V. ainsi, sous la direction de Emilie Cloatre et Martyn Pickersgill (eds.), Knowledge, Technology and Law. At the Intersection of Socio-Legal and Science & Technology Studies, Londres : Routledge, 2016.
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