Le recours pour abus est un fruit du gallicanisme d’Ancien Régime en France. La monarchie française s’est toujours distinguée par son caractère sacral liant le pouvoir politique à la puissance spirituelle dans une union scellée par le serment du sacre, au cours duquel le Roi jure de protéger l’Église et de lui apporter le concours de sa puissance. La doctrine gallicane reprend des vues déjà anciennes (celles de Gélase notamment) en les infléchissant néanmoins : l’Église et l’État forment non plus un seul ordre, mais deux sociétés distinctes poursuivant chacune une finalité propre. La première mène les hommes au salut ; la seconde œuvre à la réalisation du bien commun ou de la félicité publique. Or les moyens utilisés par chacune des deux puissances pour parvenir à sa fin doivent être proportionnés et adaptés. La fin spirituelle de l’Église lui impose de recourir à des armes spirituelles ; la fin temporelle poursuivie par l’État l’autorise à recourir à tous les moyens temporels pour y parvenir, jusqu’à user de la contrainte physique. À ces domaines distincts correspondent des champs de compétences propres dont la délimitation est toujours une affaire délicate. Elle suscite des conflits de puissance à puissance, que le gallicanisme a tenté de résoudre en faisant prévaloir les intérêts de l’État. Cette répartition des pouvoirs a été rapidement interprétée comme prescrivant une distinction, et non une séparation entre les pouvoirs spirituels et temporels. L’articulation des deux sphères aurait pu faire l’objet d’un usage apaisé si elle n’avait été le jeu des rivalités politiques médiévales, dont les démêlés de Philippe le Bel avec Boniface VIII nous sont les plus connues…
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