Dans une étude consacrée aux relations du sociologue et du droit, Liora Israël relevait qu’il était « possible de repérer un statut épistémologique conféré au droit : celui d’un révélateur “objectif” des relations sociales, sans que soient véritablement posées les modalités d’appariement entre droit et société ». D’où l’ambivalence de l’office du juge, qui doit tenir compte de toutes les dimensions tant sociales que juridiques du procès. Le décalage possible entre le droit et la réalité de la société peut rapidement placer le juge face à l’incertitude factuelle de sa connaissance tout en le confrontant à la nécessité de démêler l’écheveau complexe de la situation qui lui est soumise. Le juge doit, pour exercer sa mission, dépasser l’incertitude du discours ou de la réalité des faits pour dire le droit et rendre la justice.
La mise en perspective de l’office du juge et de l’incertitude ne renvoie pas, dans ces travaux, aux conceptions classiquement développées en sciences sociales. Il s’agit d’éprouver l’office du juge à l’aune des incertitudes auxquelles il est confronté. Appréhendées du point de vue systémique, celles-ci paraissent correspondre à deux niveaux d’analyse : d’une part, l’incertitude du juge quant à la fiabilité de sa connaissance du réel à l’origine de la situation qui lui est soumise ; d’autre part, l’incertitude affectant l’avenir, qui reste à construire par le juge au moyen de la décision qu’il prendra au regard de cette situation.
L’intérêt des sciences sociales pour cette question a permis de tracer un cadre théorique surmontant l’imprécision notionnelle qui embarrasse le juriste…