1EN INTRODUCTION, Pierre Chapignac, consultant en stratégie, a retracé l’évolution de la prise en compte de l’information dans la stratégie de l’entreprise. Les années soixante-dix ont d’abord vu la gestion de l’information prendre une place de plus en plus grande, par exemple à travers l’échange de données informatisé mais également avec le début du travail en réseau. Les problèmes d’émission de l’information (image et positionnement de l’entreprise) se sont alors posés, bientôt suivis, au cours de la décennie suivante, par le concept de projet d’entreprise et les débuts de l’intelligence économique. L’irruption d’Internet puis des intranets a accru de manière intense la nécessaire gestion des flux d’information par l’entreprise qui a peu à peu intégré le management des connaissances (KM) comme vecteur important de son développement.
Formation en ligne et entreprise apprenante
2L’entreprise découvre ainsi les différentes facettes de l’information et se les approprie petit à petit. On assiste donc à un changement de paradigme : l’entreprise opère un glissement de la valorisation de son capital matériel vers celle de son capital immatériel. Et les frontières s’estompent entre formation, travail, information, capitalisation des connaissances...
3L’« entreprise apprenante » s’organise dès lors autour de quatre grandes sources de connaissance : la recherche, le data mining, l’intelligence économique et le knowledge management, qu’elle doit intégrer à l’aide de systèmes d’information efficaces, de travail coopératif (en réseau) et de plates-formes d’e-learning.
Industrialisation et personnalisation de la formation
4Une expérience concrète, dans le secteur automobile, a été présentée par Christophe Limon, responsable du Centre de compétences techniques e-learning chez Renault. Dans ce secteur très concurrentiel, la durée de vie des produits est très brève ; il faut donc être très réactif à tous les niveaux. Un projet d’ingénierie assistée par ordinateur (IAO), initié dès 1997, a permis de faire émerger certains constats : diversité des besoins, complexité et évolution constante des logiciels, internationalisation croissante. La maintenance des compétences des utilisateurs devenait par conséquent un enjeu majeur.
5Un dispositif d’e-learning (CBT, Computer Based Training) a alors été mis en place, s’appuyant sur une documentation en ligne constituée de fiches techniques, véritables documents de capitalisation des connaissances (utilisation des outils, retours d’expérience, méthodologie de conception, etc.). Les propositions de fiches peuvent émaner de n’importe quel acteur. Elles sont alors étudiées par un comité qui décide ou non de les formaliser.
Les interventions
• E-learning et entreprise apprenante, par Pierre Chapignac, consultant en stratégie, Stratégie et Mutation, Montpellier
• E-learning : industrialisation et personnalisation de la formation, par Patrick Chevalier, consultant en formation (ASKA) et directeur R&rD de l’European Institute for E-learning (Eifel, www. eife-l. org)
• Lien entre formation et gestion des connaissances, par Christphe Limon, responsable du Centre de compétences techniques e-learning, Direction des technologies et systèmes d’information de Renault
• Le Nomadeur : espace de communication et de formation des services liés aux TIC, par François Mathieux, directeur délégué, délégation RATP.net
What’s new in eLearning est une revue électronique publiée mensuellement par la Commission européenne. Elle propose de nombreuses informations sur les événements importants, des réflexions, une veille technologique sur ce sujet. <http:// europa. eu. int/ comm/ education/ elearning/ what. htm>
6Actuellement, quarante pour cent du contenu du CBT est issu du processus de capitalisation. Ses usagers lui reconnaissent une dimension structurante et son objectif, capitaliser les savoirs et savoir-faire sur l’IAO, semble atteint. La principale difficulté rencontrée pour la mise en œuvre de ce dispositif a été la transition du papier à l’électronique. Et, avec le recul, les concepteurs expriment le regret de n’avoir intégré ni moteur de recherche ni thésaurus au sein du dispositif CBT.
La formation en ligne, lien entre formation et gestion des connaissances
7L’intervention de Patrick Chevalier, consultant en formation et directeur R&D au sein de l’EIfEL a porté sur la relation entre e-learning et industrialisation et personnalisation. Car ces deux aspects, qui peuvent sembler contradictoires, constituent le phénomène le plus important apparu ces dernières années dans l’activité de formation. Les années soixante-dix ont vu débuter l’approche industrielle de la formation, avec par exemple l’open university dans les pays anglo-saxons (dont le but était d’ouvrir au maximum l’accès à la formation) et la formation à distance. En revanche la formation individualisée mais artisanale n’a pas pu se développer d’une manière conséquente, car elle n’est pas viable financièrement.
8Par sa flexibilité, sa souplesse, son caractère orienté service, la formation à distance arrive au contraire à concilier massification et personnalisation. On peut la qualifier d’« industrie personnalisée ». En s’appuyant sur toute la palette des outils Internet et des outils de communication synchrone/ asynchrone, il permet à la fois de s’adresser au plus grand nombre et de respecter les besoins et les parcours personnels des « apprenants ».
9Un processus de substitution est ainsi en œuvre sur le marché de la formation : la formation en ligne remplacera à terme la formation classique, prédit Patrick Chevalier. Ses avantages, tant sur le plan pédagogique que sur le plan organisationnel, permettent une véritable approche service, de l’entreprise vers le stagiaire. Pour les professionnels de la formation, cette évolution conduit à développer de nouvelles compétences qui consistent en l’accompagnement de l’apprentissage, la planification de la formation, la gestion des offres par rapport à des marchés, la gestion des ressources et des connaissances.
Un espace de communication et de formation sur les services liés aux TIC
10La RATP n’échappe pas aux évolutions liées aux TIC et est aujourd’hui confrontée à de nouveaux enjeux liés à sa volonté stratégique de développer des services d’accompagnement de la mobilité urbaine ; ce qui suppose une mutation du service et un enrichissement des métiers. Pour sensibiliser son personnel au nouveau positionnement de l’entreprise, elle a mis en place des outils et projets innovants comme l’expérience du « Nomadeur », dont est venu parler ici François Mathieux. C’est un espace situé dans les locaux de la RATP et qui se veut un lieu de communication et de formation sur les services liés aux TIC. Il a trois fonctions principales : alimenter la réflexion, le débat et la rencontre ; sensibiliser et informer ; s’ouvrir sur l’extérieur, accepter le changement et l’innovation permanente. Concrètement, son objectif est de permettre au personnel mais également aux partenaires de la RATP de s’approprier les TIC à travers des illustrations technologiques et intellectuelles de leur utilisation. Le Nomadeur devient ainsi un véritable outil pédagogique, original dans sa formule, et qui va à l’encontre des logiques e-learning dans le sens institutionnel du terme.
Un important développement est prévisible
11On le constate à travers ces différentes interventions, la formation en ligne s’inscrit totalement, au-delà de sa séduction technologique, dans la stratégie de l’entreprise et notamment dans celle de la gestion des connaissances. Si le marché français est encore à l’état embryonnaire, il devrait connaître un développement considérable au cours des prochaines années. À noter que l’offre actuelle en matière de solutions est déjà florissante.