1 – Introduction
1Les technologies du sens prennent aujourd’hui une importance de plus en plus stratégique dans de nombreuses applications émergentes. Elles jouent un rôle central tant dans les domaines du dialogue naturel personne-machine que dans celui de l’interopérabilité entre agents logiciels ; en ce sens elles apparaissent comme un support nécessaire au déploiement des web services et du web sémantique (Berners et al., 2001).
2Les technologies du sens sous-tendent sous des formes variées le comportement des agents ; ce sont des capacités à raisonner pour qu’un agent planifie et adapte ses réactions (Bretier et al., 1995 ; Sadek et al., 1997), mais aussi des capacités à représenter les connaissances, des capacités à communiquer et échanger au travers de langages de communication standard (FIPA) et d’ontologies partagées ou encore des capacités à produire en toutes circonstances quels que soient la sollicitation et le contenu de modèles sémantiques de connaissances, des réponses avec un contenu informatif réellement pertinent. C’est sur ce dernier point que porte notre contribution.
3France Télécom R&D a acquis depuis plusieurs années une expertise et un savoir-faire important dans ce domaine des technologies du sens ; la technologie Artimis qu’elle développe et valorise est un agent intelligent dialoguant. Artimis permet le développement de services offrant un niveau unique de convivialité, de souplesse et de simplicité dans les interactions (Sadek, 1999).
4Le contenu informatif des échanges entre client et service doit permettre d’assurer une coopération constructive et contribuer à la convivialité du dialogue.
5Une demande d’information du client peut être imprécise ou au contraire surchargée de contraintes. Le service sollicité doit être à même de trouver en temps réel les informations les plus pertinentes en exploitant toute l’essence informative de son modèle sémantique de connaissances pour assister le client dans sa recherche.
6A noter que cette problématique s’applique aussi dans un contexte d’intermédiation entre processus informatiques eux-mêmes, agents logiciels ou web services.
7La démarche que nous proposons dans cet article apporte une solution au problème de l’élaboration du contenu informatif des échanges entre agents ; elle fait l’objet d’une réalisation en tant que brique technologique de la plate-forme Artimis et est utilisée pour la sélection des connaissances et la construction des réponses dans plusieurs applications de cette plate-forme.
8Dans la suite de cet article, nous proposons d’exposer notre problématique de façon très pragmatique, puis nous décrivons les principes et caractéristiques essentiels de notre solution ; nous illustrons les résultats sur quelques exemples extraits d’applications réelles et donnons quelques indications de performances.
2 – Problématique
9La capacité à formuler des réponses coopératives (Cuppens et al., 1988 ; Demolombe, 1998 ; Kaplan, 1982 ; Sadek et al., 1996) est un élément essentiel des applications de dialogue.
10Les aptitudes coopératives d’un service de recherche d’informations peuvent être appréciées selon diverses directions, notamment :
- l’exactitude : lorsque l’utilisateur formule une requête, les informations transmises en réponse doivent être exactes et resituées exactement par rapport à la requête. Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté entre contenu des réponses et contenu des requêtes ;
- la qualité informative : lorsque l’utilisateur formule une demande, le contenu informatif de la réponse doit être le plus riche possible et représenter au mieux la synthèse des connaissances vis-à-vis de la demande ;
- la négociation : dans le cas où l’utilisateur formule une demande plutôt vague, le service doit pouvoir l’assister pour préciser sa demande afin d’accéder à des réponses mieux ciblées. Dans le cas où le service ne trouve pas de solution exacte, il doit pouvoir lui proposer des suggestions voisines pour l’amener à réajuster son objectif de départ ;
- la transparence (Karsenty, 2000) : lorsque l’utilisateur s’adresse au service pour la première fois, il en découvre les capacités ; l’information renvoyée par le service lors du traitement des demandes de l’utilisateur doit contribuer à une meilleure appréhension du service, en particulier de l’ontologie des connaissances sur laquelle il repose. Le souci de transparence augmentera l’efficacité future des interactions de l’utilisateur avec le service ;
- la rapidité de réaction : l’utilisateur doit obtenir sa réponse dans un délai conforme à celui d’une situation naturelle de dialogue.
2.1 – Définition du besoin
11L’objectif ciblé est la production de réponse à une requête quelconque par le choix judicieux de connaissances pertinentes dans un modèle sémantique de connaissance. La requête, contenant les souhaits du demandeur, est une composante de sa démarche de recherche d’information. La réponse sera d’autant plus judicieuse qu’elle apporte des éléments constructifs pour progresser dans la recherche d’information et l’exploration du modèle sémantique de connaissances. Une réponse contenant trop d’éléments donne une vue extensionnelle des informations qui s’avère difficilement exploitable dans une démarche de recherche d’information. Inversement, une réponse vide donne une information pertinente mais insuffisante pour guider la démarche.
12Précisément, nous souhaitons confronter une requête multicritère plus ou moins précise au contenu réel d’un modèle sémantique des connaissances et en produire en temps réel une synthèse selon certains axes pertinents tels que :
- la vérification: détecter si une contrainte d’intégrité du domaine est violée par la requête ou un de ses présupposés et décider de la pertinence du modèle sémantique pour traiter la requête ;
- la correction: détecter si un présupposé de la requête n’est pas invalidé par le contenu du modèle sémantique ;
- l’identification: décider de l’existence de solutions à la requête, évaluer la cardinalité de l’ensemble des solutions et produire les solutions ;
- la restriction: en cas de solutions trop nombreuses à la requête, proposer les meilleurs critères à faire préciser par le demandeur pour restreindre de manière significative l’espace des solutions ;
- la relaxation: si l’espace des solutions est vide, exhiber les propositions les plus pertinentes par rapport à la requête, ou proposer au demandeur les critères les plus intéressants à relâcher.
- Identification
requête: je recherche un restaurant grec pour environ quarante-cinq euros.
réponse: j’ai trouvé deux restaurants grecs pour 45 euros. Le premier restaurant est le restaurant Apollon, le deuxième est O’Biblos. - Restriction
requête: je recherche un restaurant asiatique du côté du métro Saint-Michel.
réponse: vous recherchez un restaurant asiatique près du métro Saint-Michel. J’en ai trouvé 9. Vous pouvez préciser, par exemple le type de cuisine asiatique ou consulter les solutions. - Relaxation
requête: je voudrais un restaurant gastronomique pas cher du côté du métro Saint-Michel.
réponse: il n’y a pas de restaurant gastronomique pour moins de 25 euros près du métro Saint-Michel. Par contre, il y a des restaurants gastronomiques pour 58 euros près du métro Saint-Michel, pour 50 euros près du musée Delacroix et pour 33 euros près du Jardin du Luxembourg. L’une de ces propositions vous convient-elle ? - – Correction et relaxation
requête: je recherche un restaurant bolivien pour moins de 30 euros.
réponse: il n’y a pas de restaurant bolivien à Paris. Par contre, il y a des restaurants de type cuisine du monde pour moins de 30 euros. Cette proposition vous convient-elle ?
2.2 – Analyse des principales difficultés
13Les besoins en traitement de connaissances définis ci-dessus font appel à des résultats tant sur l’adéquation globale de la requête au modèle sémantique de connaissances que sur la proximité locale entre requête et certains objets du modèle sémantique de connaissances.
14Plus précisément, deux étapes sont nécessaires : la confrontation en temps réel d’une spécification partielle d’objet issue d’une requête, avec l’ensemble des définitions multicritères (ou multidimensions) des objets réels présents dans le modèle sémantique de connaissances et l’élaboration de la réponse synthétique à partir des résultats de cette confrontation.
15Les problèmes sous-jacents sont des problèmes de représentation des connaissances sur les objets du domaine ciblé, des problèmes de codification efficace de ces connaissances et des problèmes de calcul de proximité entre spécifications d’objets référencés dans les requêtes et spécifications d’objets réels.
16La représentation des connaissances doit prendre en compte la structuration de la connaissance, la déclaration des relations unissant les objets de la connaissance, mais aussi les mesures de proximité sémantique entre objets primitifs de la connaissance. Elle doit également fournir les moyens d’une traduction fidèle de la spécification d’objet, plus ou moins précise, plus ou moins complète issue de la requête utilisateur.
17Une codification efficace est nécessaire pour assurer une exploitation en temps réel de la complexité des connaissances représentées.
18Les calculs de proximité entre spécifications imprécises d’objets et objets réels posent des problèmes de combinaison de distances sur des dimensions de natures sémantiques hétérogènes, et de représentation de voisinage pour des objets tant numériques que symboliques. L’élaboration des synthèses réclame en particulier la réalisation d’algorithmes de factorisation et de généralisation des connaissances.
19Enfin, un problème transversal est d’assurer le caractère générique de la technologie proposée ; il s’agit de proposer des solutions suffisamment universelles et de spécifier et réaliser des supports qui permettront l’interface entre cette technologie et un domaine applicatif particulier.
3 – Principes de conception d’une solution
20La description d’objets se fait à partir de concepts de nature sémantique différente. Sur chaque dimension représentant une même nature sémantique, on peut assez facilement comparer la proximité de couple de concepts. Par exemple, dans l’application de recherche de restaurants à Paris, la cuisine chinoise est plus proche de la cuisine japonaise que de la cuisine texane. Les distances élémentaires entre chaque concept d’une même dimension peuvent être obtenues selon des algorithmes applicatifs assemblés par le concepteur ou des algorithmes génériques utilisant la structuration des connaissances dans le modèle sémantique (notamment les hiérarchies de classes et les relations avec d’autres concepts de même ou d’autres dimensions).
21Reste le problème de la combinaison de ces distances monodimensionnelles pour la comparaison de description d’objet. La solution proposée repose sur l’idée d’unifier en un concept de distance numérique les notions hétérogènes de proximité sémantique interconcept.
22Cette unification par la notion de distance scalaire est la clé qui permet d’exploiter les connaissances avec beaucoup d’efficacité, que ce soit au niveau du rendu sémantique, ou au niveau du temps de réponse.
23Envisageons le cas d’une phase de dialogue concernant une classe d’objets dont la caractérisation sémantique fait intervenir n critères répartis sur un graphe de relations. Avec notre solution, l’évaluation de la pertinence globale d’un objet face à une spécification plus ou moins précise de requête devient assimilable à un calcul de distance entre 1 point de l’espace à n dimensions des objets réels et 1 sous-espace de l’espace à n dimensions des requêtes ; l’efficacité de ce calcul purement numérique permet de le répéter sur chaque objet et donc de classer les objets selon leur pertinence relative.
24Le caractère générique de la solution est obtenu par la déclaration d’un modèle propre à l’application et définissant les règles d’extraction et de restitution de connaissances entre le monde sémantique applicatif et l’univers scalaire.
25Ce modèle sert de support à la projection des objets du modèle sémantique dans l’univers scalaire multidimensionnel ; la projection du modèle sémantique, élaborée lors d’une phase de compilation applicative préalable, se matérialise par un ensemble d’index et de matrices de distances entre objets primitifs. Le modèle est aussi le support pour la projection au vol des requêtes dans l’univers multidimensionnel ; enfin, il pilote également la restitution (projection inverse) vers le monde sémantique, des éléments de connaissance calculés pour une réponse judicieuse à la requête.
4 – Modélisation n dimensionnelle des connaissances
26Nous supposons la connaissance applicative représentée sous forme d’un modèle sémantique de type réseau sémantique, c’est-à-dire un ensemble d’objets structurés en classes et sous-classes et liés par des relations orientées et nommées.
27Par exemple, l’application dédiée aux restaurants de Paris peut se modéliser selon une structure de réseau en étoile (figure 1) ; la classe Restaurant est au centre de la structure en étoile dont les branches sont matérialisées par les relations aboutissant aux classes des attributs définissant un restaurant.
Exemple de structure de modèle sémantique
Exemple de structure de modèle sémantique
28Une classe d’objets est qualifiée de classes cibles (par exemple la classe Restaurant) si elle peut être l’objet d’une recherche de connaissances par un demandeur. Le langage de requêtes est le langage de spécification des objets recherchés, en termes de concepts du modèle sémantique.
29A chaque classe cible est associé un ensemble de classes satellites (par exemple les classes Spécialité, Lieu, Arrondissement, Prix, Cadre) ; les objets des classes satellites sont en relation avec ceux de la classe cible ; les classes satellites correspondent en fait aux critères multiples retenus pour diriger la sélection d’objets de la classe cible dans le modèle sémantique. A chaque classe satellite correspond un vocabulaire de requêtes ; c’est un ensemble de noms de concepts primitifs présents dans le modèle sémantique et pouvant intervenir dans l’élément de requête propre à cette classe satellite. Par similitude, on désignera par vocabulaire de données les noms d’instances de la classe satellite.
30Vocabulaire de requêtes et vocabulaire de données sont parfois confondus. Si nous reprenons l’exemple de l’application de recherche de restaurants à Paris, il en est ainsi pour le critère concernant l’arrondissement d’appartenance des restaurants. Par contre la nécessité de distinguer vocabulaire de requête et vocabulaire de données peut y être illustrée sous deux aspects :
- deux référentiels indispensables pour le critère implantation : si le lieu d’implantation d’un restaurant (vocabulaire de données) peut être assimilé à un point sur une carte (coordonnées GPS), un lieu de recherche (vocabulaire de requête) exprimé dans une requête orale ou restitué dans une réponse verbalisée sera plutôt représenté par un quartier ou une station de métro.
- deux référentiels non interchangeables pour le critère spécialité : si la distance entre une requête concernant la cuisine asiatique et un objet restaurant chinois peut être évaluée comme nulle, celle entre une requête sur la cuisine chinoise et un objet restaurant asiatique ne sera en général pas nulle.
31Chaque vue du modèle sémantique est ainsi identifiée à un double espace à n dimensions si n est le nombre de classes satellites de la vue. L’espace est double du fait de la nécessaire distinction entre espace des requêtes Er et espace des données Ed. Er et Ed sont les espaces produits cartésiens construits respectivement sur les vocabulaires de requête RI et vocabulaire de données DI :
32Er = R1 x R2 x … x Rn
33Ed = D1 x D2 x … x Dn
34Sur chaque dimension i, une matrice de distances primitives associe une valeur scalaire d(wri, wdi) modélisant la distance sémantique sur cette dimension entre 1 requête portant sur le mot de vocabulaire wri et 1 réponse par un objet dont le critère de dimension i correspond au mot de données wdi.
35Par exemple, si chinois, vietnamien et cambodgien sont des instances de cuisine asiatique dans la hiérarchie des connaissances, une simple analyse de cette hiérarchie permet l’attribution d’un jeu de distances tel que :
36Une table relationnelle à n colonnes répertorie les objets réels de la vue. Chaque ligne de la table identifie 1 objet par la valeur ou liste de valeurs de chacun de ses n critères.
37Un modèle dit de projection/restitution est défini par le concepteur d’application pour chaque vue du modèle sémantique ; il spécifie dans un formalisme logique la vue extraite du modèle sémantique et sa correspondance avec le double espace multidimensionnel.
5 – Calcul de distance entre objets de connaissance
38Dans le modèle n dimensionnel,
- une requête R est un vecteur à n dimensions:
R = (C1, C2, …, Cn)
où Ci représente un critère de recherche; - un objet réel de la vue est un vecteur à n dimensions:
O = (L1, L2, …, Ln)
39Les critères de recherche sont spécifiés dans un langage permettant sur chaque dimension, l’expression : de critères vides, de voisinages sur des dimensions tant numériques que symboliques, d’écarts minimaux sur des dimensions tant numériques que symboliques, de disjonctions et/ou de conjonction de mots de requête.
40Cette souplesse introduit la prise en compte de requêtes incomplètes, imprécises telles que :
- disjonction de spécialités et intervalle de prix :
« je recherche un restaurant chinois ou cambodgien servant des repas entre 30 et 45 euros » ; - voisinage symbolique sur la spécialité :
« je recherche un restaurant genre chinois » - conjonction sur le cadre de l’établissement :
« je recherche un restaurant gastronomique au bord de l’eau et avec jardin » ; - voisinage numérique :
« je recherche un restaurant à moins d’un km du métro St-Michel ».
41A partir des matrices de distances primitives d(wrr, wdr), il est alors aisé de définir des algorithmes de calcul de distances entre er et ed.
42Nous avons défini des algorithmes de calcul qui produisent la distance globale sous forme d’une somme pondérée des distances partielles calculées sur chaque dimension de l’espace n dimensionnel.
Exemple
43Reprenons l’application propre aux restaurants de Paris ; nous supposerons 5 critères de recherche : spécialité, lieu, arrondissement, prix, cadre.
44La table relationnelle décrit des objets restaurants tels que :
45O1 = ([chinois, vietnamien], xyl, 15, 10/25, calme_et_reposant)
46O2 = (asiatique, xy2, 6, 20/35, [chic, affaires–et–contrats])
47O3 = ([vietnamien], xy3, 14, 25/40, [décontracté, calme_et_reposan])
48Ainsi O1 décrit un restaurant proposant des spécialités chinoises et thaïlandaises dans un cadre calme et reposant, situé dans le 15e arrondissement en un lieu de coordonnées xy1 ; les prix s’échelonnent de 10 à 25 euros.
49Une requête telle que « je recherche un restaurant chinois ou cambodgien servant des repas entre 30 et 45 euros » se projette en un vecteur :
50R = (ou(chinois, cambodgien), _, _, 30/45, _)
51En affectant une pondération de 5 aux écarts de spécialité et de 1 aux écarts de prix, et en nous appuyant sur les extraits de matrice de distances primitives proposés ci-dessus, les calculs donnent :
52d(R, O1) = 5x0 + 0 + 0 + (30 – 25)x1 + 0 = 5
53d(R, O2) = 5x1 + 0 + 0 + 0x1 + 0 = 5
54d(R, O3) = 5x2 + 0 + 0 + 0x1 + 0 = 10
55Le calcul ne produit aucune solution exacte à la requête, mais deux solutions approchées (distance 5) pourront être suggérées en réponse.
56Comme le montre cet exemple, le réglage des pondérations offre un moyen puissant et très simple d’adapter le comportement des algorithmes.
6 – Mise en œuvre
6.1 – Principaux algorithmes pour l’interrogation des connaissances
57Le module d’interrogation des connaissances s’appuie sur trois familles d’algorithmes génériques mettant en œuvre les procédés brevetés :
- les algorithmes de projection/restitution assurent la communication bidirectionnelle entre le modèle sémantique applicatif et sa modélisation n dimensionnelle : projection de la requête vers un vecteur requête à n dimensions et restitution des vecteurs réponses vers le modèle sémantique. Ils utilisent un modèle de projection/restitution spécifié par le concepteur de l’application pour chaque vue du modèle sémantique ;
- les algorithmes d’exploration de la connaissance n dimensionnelle ; ce sont par exemple des algorithmes de calcul de distances, de parcours et classification des connaissances selon leur distance à la requête, ou encore de calcul du diamètre de dispersion sur des dimensions ou sous-ensembles de dimension. Ce sont ces algorithmes qui produisent tant la vision globale que locale de l’adéquation entre requête et modèle sémantique de connaissances ;
- les algorithmes de synthèse élaborent les réponses selon l’axe choisi (vérification, restriction, identification, relaxation ou correction) ; les décisions à prendre pour la mise en œuvre de ces algorithmes découlent naturellement des résultats issus des algorithmes d’exploration. Ainsi par exemple les algorithmes de restriction et identification construisent leurs réponses à partir des objets solution, c’est-à-dire les objets à distance nulle de la requête ; en l’absence d’objets solution, l’algorithme de relaxation travaille sur la mise en forme de propositions regroupant des descriptions d’objets à distance faible de la requête. Divers algorithmes de factorisation de connaissances complètent ces algorithmes pour obtenir une formulation plus conviviale des réponses.
6.2 – Architecture de mise en œuvre
58L’exploitation du module d’interrogation des connaissances nécessite des étapes préliminaires reposant sur des procédés brevetés de préparation et compilation des connaissances. La mise en œuvre complète de la brique technologique fait intervenir trois modules génériques réutilisables sur chaque vue du modèle sémantique :
- le module de compilation sémantique: il se compose d’algorithmes génériques d’attribution de distances scalaires entre concepts primitifs (symboliques ou numériques) du modèle sémantique ; ces algorithmes associent des évaluations numériques proposées par le concepteur d’application et des mesures calculées sur les graphes de structuration des connaissances et les graphes de relations entre objets. Par exemple, pour l’application concernant les restaurants, les distances entre concepts de lieux sont calculées en s’appuyant sur des données de géolocalisation, tandis que celles entre concepts de spécialités reposent sur les résultats produits par des algorithmes de parcours de la structuration hiérarchique des spécialités ;
- le module de compilation syntaxique: produit une codification compacte et performante des informations issues du modèle sémantique de l’application ou calculées (distances) par le compilateur sémantique. Cette codification se retrouve dans un ensemble de tables support : tables de vocabulaire, matrices de distances, tables d’indexation, table relationnelle des objets de la classe cible ;
- le module d’interrogation: il regroupe les trois familles d’algorithmes décrites ci-dessus.
6.3 – Résultats
59Le procédé décrit dans cet article est disponible sous forme d’une brique logicielle et intervient comme l’un des composants de la plate-forme technologique Artimis. Artimis est une technologie d’agents rationnels dialoguant développée à France Télécom R&D (Bretier et al., 1995 ; Sadek et al., 1997 ; Amiel et al., 2003). Cette technologie comporte une unité rationnelle capable de raisonnements avancés sur des représentations d’attitudes cognitives (croyances, intentions, etc.) et sur des connaissances du domaine. Elle met en œuvre un ensemble d’axiomes logiques génériques qui formalisent des principes de base du comportement rationnel : l’introspection, la communication et la coopération.
60Ainsi le procédé décrit participe dans plusieurs applications réelles de dialogue homme/machine, à la préparation et à la sélection des connaissances de l’agent rationnel dialoguant ; ce sont, par exemple, des applications de recherche dans un annuaire type Pages Jaunes ou encore de recherche de sites web à partir d’un portail d’entreprise.
61Nous donnons ci-dessous quelques exemples de réponse formulée par l’agent rationnel dialoguant et illustrant la pertinence du procédé de sélection des connaissances ; ces exemples sont extraits de trois applications opérationnelles ; l’une concerne la recherche dans l’annuaire des serveurs Audiotel, une autre la recherche de restaurants à Paris et une troisième la recherche de pages spécifiques dans un portail internet bancaire.
Exemples de réponse
62– Il n’y a pas de serveur météo pour Nantes. Par contre, il y en a un pour la Loire-Atlantique.
63– Vous recherchez un restaurant africain près du métro Rue Montmartre. J’en ai trouvé un qui s’appelle Backstage.
64– Il n’y a pas de restaurant grec près de la Tour Montparnasse. Par contre, il y en a près du métro Montparnasse-Bienvenüe.
65– Il n’y a pas de restaurant grec pour environ cinquante euros près du métro Montparnasse-Bienvenüe. Par contre, il y a des restaurants grecs pour environ trente-deux euros, pour environ vingt-deux euros et pour environ seize euros.
66– Vous recherchez une page concernant les assurances vie. Vous êtes intéressées par quelle assurance vie ? Les assurances vie en général, les assurances vie multisupport, les plans retraites ou les assurances vie en francs.
67Pour donner une indication des performances, les temps de traitement complet d’une requête par le module d’interrogation s’échelonnent de 10 à 100 ms ; cette évaluation concerne l’application des restaurants de Paris (base d’environ 10 000 restaurants) exécutée sur un processeur type UltraSPARC-II 360MHz.
7 – Conclusion
68Nous avons présenté un procédé breveté de sélection de connaissances permettant, en toutes circonstances, de produire des réponses avec un contenu informatif réellement pertinent. Ce procédé guide efficacement un demandeur lors d’une recherche d’information. Dans un contexte d’interaction client-service ou humain-agent logiciel, il contribue fortement à la convivialité des échanges.
69La solution proposée repose sur l’idée d’unifier en un concept de distance numérique les notions hétérogènes de proximité sémantique interconcept et de construire des tables relationnelles pour le calcul performant des distances entre connaissances et requête.
70L’efficacité du procédé permet en toutes circonstances d’établir une réponse tenant compte tant de l’adéquation de la requête à la globalité de la connaissance source que de la proximité locale entre requête et certains objets de la connaissance.
71Le caractère générique du procédé en permet la réutilisation quel que soit le domaine sémantique applicatif.
72Sa mise à disposition en tant que brique logicielle de la plate-forme technologique de dialogue Artimis développée par France Télécom R&D, lui apporte un champ d’expérimentations très varié qui confirme les qualités génériques d’une telle approche dans la conduite d’un dialogue constructif.
73Certains travaux devant assurer une meilleure prise en compte de l’aspect dynamique de la connaissance sont à l’étude ; ce sont par exemple la réalisation d’un compilateur incrémental pour la mise à jour rapide du modèle n dimensionnel lors d’une évolution des modèles sémantiques de connaissances ou encore l’agrégation des connaissances n dimensionnelles avec des éléments dynamiques acquis depuis des sources externes pendant le déroulement d’un dialogue.
Bibliographie
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Mots-clés éditeurs : coopération, modèle sémantique, traitement des connaissances