Notes
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[1]
Marketing olfactif : Sensorys parfume Aéroport de Paris, accessible depuis l’adresse : http://lentreprise.lexpress.fr/marketing-vente/marketing-olfactif-sensorys-parfume-aeroport-de-paris_1517287.html
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[2]
Galimard invente le drapeau olfactif, accessible depuis l’adresse : http://www.lesechos.fr/03/10/2013/lesechos.fr/0203045586934_galimard-invente-le-drapeau-olfactif.htm
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[3]
Quand les marques soignent le parfum d’ambiance, accessible depuis l’adresse : http://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0211704169120-quand-les-marques-soignent-le-parfum-dambiance-2058187.php
-
[4]
“The smell of success grows stronger”, Trend e-magazine, n°5, 25-30.
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[5]
When a Scented Candle Just Won’t Do, accessible depuis l’adresse : https://www.nytimes.com/2017/08/02/business/smallbusiness/commercial-fragrance-systems-home-market.html
-
[6]
Boulanger innove pour le cœur de ville, accessible depuis l’adresse : https://www.lsa-conso.fr/boulanger-innove-pour-le-cœur-de-ville,121235
-
[7]
Chrea et al. (2009), Mapping the Semantic Space for the Subjective Experience of Emotional Responses to Odors, Chemical Senses, 34, 1, 49-62, https://doi.org/10.1093/chemse/bjn052
-
[8]
Delplanque et al. (2012), How to map the affective semantic space of scents, Cognition and Emotion, 26, 5. https://doi.org/10.1080/02699931.2011.628301
- [9]
-
[10]
L’indice Skweness est respectivement de 0.522 (responsabilité), – 0.823 (convivialité) et 0.873 (honnêteté) quand l’indice Kurtosis est de 0.103 (responsabilité), 0.328 (convivialité) et 0.872 (honnêteté).
-
[11]
Oxford dictionary : “Convivial : (of an atmosphere or event) friendly, lively, and enjoyable.” ; https://en.oxforddictionaries.com/definition/convivial
1En 2013, la ville de Lyon lançait « Lovely Lyon », sa signature olfactive. Disponible dans un premier temps à l’Office du Tourisme, ce parfum a été ensuite diffusé dans les principaux lieux emblématiques de la ville. D’autres exemples, tels que le parfum d’Aéroports de Paris [1], la signature olfactive de la Lituanie [2] ou encore le parfum d’ambiance de Thalys [3] (pour les trains), nous montrent également que l’ensemble des activités de services peut être concerné par ce type de marketing. Alors que le marketing olfactif représentait un marché de 300 millions de dollars en 2014, celui-ci, en pleine croissance, est évalué à 500 millions d’ici 2023 [4], stimulé par le marché des parfums d’intérieur réservés aux particuliers et estimé, lui, à 6,4 milliards de dollars [5]. L’ensemble des secteurs est aujourd’hui concerné par ce type de marketing et, alors que les points de vente parfumés restaient une exception au début des années 2000, le parfum pourrait devenir un standard de qualité perçue pour les consommateurs dans les prochaines années. Dans un contexte de concurrence accrue et dans une logique de démarche stratégique, les marques ont tout intérêt à développer leur propre signature olfactive, afin de renforcer leur identité et de renforcer leur reconnaissance à long terme par les clients (Hultén, Broweus et Van Dijk, 2009) ou visiteurs (Rieunier et al., 2017).
2Plusieurs techniques existent aujourd’hui sur le marché permettant de créer un logo olfactif mais aucune, à notre connaissance, n’a fait l’objet d’une recherche visant à montrer que la démarche proposée était efficace. Cet article vise donc à formaliser une méthode de création d’un logo olfactif par la mise en avant de sa démarche normalisée par rapport à d’autres techniques préexistantes.
3Créer sa propre signature olfactive doit permettre à une entreprise de renforcer son identité de marque (Rieunier et al., 2017). Cette dernière est composée de l’ensemble des éléments fondamentaux d’une marque permettant à une entreprise de se présenter à ses différentes parties prenantes (internes et externes) (Black et Veloutsou, 2017) mais également de se différencier des concurrents. Ainsi, à l’instar de la signature sonore (Rieunier et al., 2017), la signature olfactive permet d’identifier une marque grâce à des notes parfumées spécifiques. La revue de la littérature autour de ce concept d’identité de marque reste, à notre connaissance, assez faible concernant les éléments non-visuels qui pourraient solidifier ce concept. Dans cette perspective, la théorie de l’embodiment (Barsalou, 2008) souligne notamment que toute cognition est enracinée dans les états corporels et les systèmes sensoriels de l’individu. Dès lors, toute activité ou action entreprise dans notre quotidien, y compris dans un contexte de consommation, est dépendante d’une sollicitation du corps et des sens. Cet ancrage théorique donne un intérêt managérial particulier à ces éléments, soulignant notamment la nécessité de les intégrer dans le développement d’un produit, d’un service, d’une expérience de consommation dans un point de vente ou également pour développer l’identité de marque d’une entreprise.
4Au-delà de la création d’une signature olfactive en tant qu’élément d’identité pour une marque, cette signature devient également un élément majeur de l’atmosphère en point de vente. Ainsi, par le logo olfactif, l’entreprise va pouvoir développer autour du produit ou du service une atmosphère spécifique, en lien avec les valeurs de l’entreprise. La littérature a déjà démontré à travers certaines études réalisées in situ (Doucé et al., 2013 ; Kivioja, 2017 ; Nordfält et al., 2014) l’importance de l’influence qu’a l’atmosphère du point de vente sur le comportement d’achat du consommateur, et donc potentiellement, sur les ventes. Les résultats des études réalisées dans un univers marchand montrent ainsi de potentiels impacts positifs d’une diffusion de parfum sur la perception du point de vente (Spangenberg, Crowley et Henderson, 1996), sur la qualité perçue des produits (Chebat et Michon, 2003), sur la perception temporelle (Guéguen et Petr, 2006 ; Spangenberg, Crowley et Henderson, 1996) et sur les dépenses des individus dans un restaurant (Guéguen et Petr, 2006) ou encore une librairie (Doucé et al., 2013). D’autres études montrent également que la diffusion d’une senteur permet de « tangibiliser » le service (Goldkuhl et Styvén, 2007) et de jouer positivement sur l’évaluation et la mémorisation de l’expérience de service (Cirrincione, Estes et Carù, 2014). La création et la diffusion d’un parfum spécifique à une marque, une entreprise ou un lieu de vente pourrait donc impacter la perception et le comportement des consommateurs.
5Cependant, la difficulté réside encore aujourd’hui sur la création de ce stimulus spécifique. A la différence de la création des logos visuels ou sonores, le logo olfactif est extrêmement intime et sa présence ne peut être évitée aussi facilement qu’une musique ou qu’un visuel. En outre, les individus ne sont pas capables d’identifier de manière précise les fragrances (Daucé, 2000), ce qui complexifie le jugement final portant sur le logo olfactif et son adéquation avec la marque. De plus, ce sens est le plus direct, le plus basique et ne peut être ignoré par les individus (Herz, 2010 ; cité par Madzharov, Block et Morrin, 2015). La création d’un logo olfactif nécessite donc la formalisation d’une méthodologie permettant de réellement capter la symbolique des senteurs et leur lien avec une marque. Nous proposons ainsi, à travers cette recherche, de mettre en évidence un processus complet de création d’un logo olfactif pour une entreprise de services.
6Cet article se focalise plus spécifiquement sur les entreprises issues d’un univers de services « pur » au sens de Donovan, Brown et Mowen (2004), c’est-à-dire que le service ne s’accompagne d’aucun transfert de propriété, et donc qu’aucun bien n’est rattaché à cet échange. Le caractère intangible est donc prédominant et aucun attribut physique d’un produit ne peut être utilisé pour la création de la signature olfactive. Bien que certains éléments de servuction (Eiglier et Langeard, 1987) puissent participer à la création du logo olfactif, ces derniers peuvent ne représenter que des services auxiliaires au service principal et donc ne pas être un reflet des valeurs fondamentales de la marque. Ces entreprises de services se doivent donc de proposer une fragrance créée à partir (1) de leurs valeurs traduisant l’image de marque ainsi que (2) du lieu de vente, élément tangible pouvant participer à la perception de la qualité de ce service. En effet, l’individu expérimentant un « service total » comprenant également les éléments physiques du lieu de prestation (Bitner, 1992), les marques devraient s’assurer de mesurer l’adéquation entre la perception du lieu et la fragrance proposée. Nous allons dans un premier temps, nous attacher à présenter les principales techniques existantes sur le marché puis nous développerons notre approche, qui permettra d’établir un cadre méthodologique clair pour les entreprises désireuses de créer leur propre identité olfactive. Après avoir présenté les différentes phases de l’étude, un protocole permettant de développer une signature olfactive dans un univers de services est proposé. Enfin, les résultats, les limites et futures voies de recherche sont présentés.
Focus sur les principales techniques de développement de logos olfactifs
7A l’issue des échanges que nous avons eu avec différents prestataires, dont un entretien avec Stéphane Arfi, PDG de la société Emosens l’un des leaders du marketing olfactif en France (Annexe 5), il apparait que trois principales techniques semblent coexister sur le marché du développement de logos olfactifs.
- L’adéquation basique : dans ce cas de figure, les prestataires vont proposer aux marques de diffuser une fragrance qui devrait plaire à leur cœur de cible. Des parfums issus du catalogue du prestataire sont donc proposés au client qui va en sélectionner quelques-uns. Ces derniers vont alors faire l’objet d’une sélection, celle-ci étant réalisée uniquement en interne (parfum sélectionné par un comité de direction) ou couplée avec une étude réalisée auprès des clients. Par cette technique de l’adéquation basique, la recherche de congruence entre l’image de marque de l’entreprise et les fragrances choisies est réduite à son minimum. Cette démarche nécessite peu de temps et de moyens et peut donc être rapidement mise en œuvre. L’ancien logo olfactif de Abercrombie & Fitch, « Fierce », est un exemple représentatif de ce type de technique.
- L’adéquation fragrances/produits, fragrances/services : dans ces deux cas de figure, le prestataire va étudier le cœur de métier de la marque et va tenter de diffuser des parfums en adéquation avec les produits ou services proposés. Un cahier des charges est réalisé par la marque, reprenant ses pôles métiers, détaillant ses activités et présentant le design de ses points de vente. Une étude portant sur l’univers de vente de la marque est ainsi réalisée et certains parfums sont alors diffusés en adéquation avec les produits proposés (odeur de café au rayon des machines à café par exemple) [6].
- La création d’un logo olfactif : le troisième cas de figure porte sur une analyse plus fine des valeurs de l’entreprise (Daucé, 2017). Ici, le prestataire va tenter de comprendre de manière précise quelles sont les valeurs constitutives de l’identité de marque de l’entreprise. Cette compréhension peut passer par une phase qualitative ou quantitative, voire par la remise d’un brief explicatif des valeurs de l’entreprise. Cette adéquation entre la fragrance proposée et les valeurs d’une marque peut pourtant être difficile à trouver (Ardelet, 2011). Ainsi, certains outils existent permettant de mesurer notamment l’adéquation entre fragrances et émotions (Geneva Emotion and Odor Scale (GEOS) [7], Scentmove® [8]) ou fragrances et identité de la marque, en utilisant le processus d’imagerie mentale (Fragrances scoring® [9]). Se positionnant en milieu de processus, ils permettent de valider une adéquation entre la fragrance et les valeurs déclarées des marques mais ne permettent pas de valider le processus amont d’émergence des réelles valeurs de l’entreprise. En outre, ces techniques ne sont pas forcément utilisées à l’heure actuelle (Annexe 5).
8Suite à la présentation de ces techniques existantes, cette recherche se positionne comme un prolongement et une professionnalisation de la troisième approche. En effet, nous proposons de formaliser une méthodologie permettant de s’assurer de la réelle congruence entre fragrance et image de marque d’une entreprise. Comme signalé précédemment, les entreprises de marketing olfactif proposent à l’heure actuelle des parfums d’ambiance dont l’adéquation réelle avec la marque ne repose sur aucune étude tangible (peu de validation via des études qualitatives et pas de validation via des études quantitatives). Les processus présentés ci-dessus doivent donc être complétés par une méthode formelle que nous présentons dans cet article. Réalisée in situ avec une grande banque française, la méthodologie est itérative. Cette dernière consiste dans un premier temps à faire émerger les valeurs de l’entreprise (phase qualitative), puis à mesurer la congruence entre les valeurs obtenues et la perception de la marque (phase quantitative) et enfin à tester le niveau de congruence entre la fragrance et (1) les valeurs de l’entreprise et (2) le lieu, principal élément physique d’une entreprise de services (phase quantitative).
Les différentes phases de l’étude
1re étape : mise en évidence des valeurs de l’entreprise par une étude qualitative et rédaction du brief
9Comme énoncé précédemment, pour un service, l’image de marque est primordiale lors du développement d’une signature olfactive. Effectivement, le service ne présentant pas de lien direct avec un produit, le choix a été fait de s’intéresser à la marque et de comprendre si une signature olfactive pouvait se créer à partir des éléments constitutifs du territoire de marque de l’entreprise. Aux yeux des individus, cette image de marque va se traduire par des valeurs clés représentatives de l’image perçue de l’entreprise. Dans cette perspective, la première étape de la recherche a consisté à réaliser une étude qualitative portant sur la perception de l’image de la banque étudiée par les consommateurs et les employés, en cohérence avec les recommandations de certains auteurs (Rieunier, 2017) et le modèle de Bitner (1992).
10Pour mener cette phase qualitative, la méthodologie du portrait chinois a été utilisée, celle-ci faisant appel à des métaphores pour exprimer son ressenti (Boulaire et Balloffet, 1999). Cette technique permet principalement de diminuer les freins potentiels pouvant exister lorsque l’on demande aux individus de s’exprimer sur un produit ou une marque. Plus précisément, les intitulés utilisés dans cette recherche reposent sur les questions initiales développées par Boulaire et Balloffet (1999), mais ont été adaptés à notre contexte de recherche (Annexe 1). Une deuxième partie d’entretien classique complétait cette première phase afin d’obtenir des éléments plus précis sur les valeurs constitutives de l’image de marque. En définitive, nous avons interrogé 17 employés et 19 clients, arrêtant les entretiens dès l’atteinte d’une redondance des propos pour chacune de ces populations.
11Concernant l’analyse, les données collectées ont tout d’abord été traitées de façon manuelle par une analyse de contenu en classifiant les verbatims et en analysant les occurrences de ces derniers. Une analyse informatisée a ensuite été menée à l’aide de deux logiciels, TROPES et QDA Miner, afin de mettre en évidence le sens profond des propos de nos répondants. Suite à l’analyse manuelle, 41 termes ont été mis en évidence concernant les employés et 28 concernant les clients. Après regroupement des données, suppression des doublons et réalisation de dendrogrammes créés sous QDA Miner, une solution à 8 valeurs a émergé : convivialité, dynamisme, authenticité, solidité, sûreté, intégrité, serviabilité et responsabilité (ces 8 valeurs étant les valeurs les plus évoquées par les répondants lorsqu’ils sont interrogés sur la marque étudiée). Notons qu’ici le caractère positif de ces valeurs s’explique en partie par le choix de l’échantillon, composé de clients et d’employés de la marque, et donc potentiellement attachés à cette dernière. Cet attachement nous semble primordial pour répondre à l’objectif de cette recherche : la création d’un logo olfactif. Ainsi, suite à nos deux phases d’analyse (manuelle et assistée), nous souhaitons confirmer à l’aide d’une mesure quantitative cette solution à 8 valeurs.
12Pour ce faire, les échelles de mesure de la congruence développées jusqu’alors et déjà testées dans un contexte français (Daucé, 2000 ; Fleck-Dousteyssier, Roux et Darpy, 2005 ; Fleck-Dousteyssier, Korchia et Louchez, 2006 ; Fleck et Quester, 2007 ; Heckler et Childers, 1992) ont été utilisées. Notons que le concept de congruence est uniquement mobilisé dans cette recherche afin de mesurer l’adéquation entre les propositions de fragrances. Un questionnaire a été réalisé grâce à l’échelle bidimensionnelle (« pertinence » et « caractère attendu ») de Heckler et Childers (1992) et administré auprès de 78 répondants. Cet outil a permis de classer les 8 valeurs en fonction de leur niveau de congruence avec l’image de l’entreprise, ces dernières étant en effet notées par les répondants sur deux items. Pour la dimension « pertinence », l’item était le suivant : « Veuillez indiquer pour chacun des termes suivants, la mesure dans laquelle celui-ci est approprié pour qualifier la banque XX, compte tenu de l’image que vous en avez ». Pour la dimension « caractère attendu », le même item a été décliné. Après l’analyse des données, les valeurs portant sur la dimension « pertinence » présentent des différences significatives (Chi2 = 42.34 ; ddl = 28 ; p = 0.04), ce qui n’est pas le cas de la dimension « caractère attendu » (Chi2 = 27.11 ; ddl = 28 ; p = 0.512). Ainsi, lorsque les répondants sont interrogés sur la pertinence du lien entre les valeurs citées et l’entreprise, des différences significatives apparaissent entre les valeurs proposées (certaines valeurs sont plus pertinentes avec la marque que d’autres). Ces résultats sont cohérents avec des recherches antérieures mettant en évidence un rôle prédominant de la dimension « pertinence » (Fleck et Quester 2007). Seules les trois valeurs perçues comme les plus pertinentes avec la marque sur cette dimension ont ainsi été retenues, à savoir : la responsabilité, la convivialité et l’honnêteté.
13Avant la mise en œuvre de la seconde phase (quantitative), ces trois valeurs ont été intégrées au brief à destination du parfumeur en charge de la création de la signature olfactive de l’entreprise. Le brief remis au prestataire doit comporter plusieurs éléments afin que ce dernier puisse au mieux cerner les enjeux de la création et développer une fragrance en accord avec la marque et les valeurs qui lui sont fournies. Tout d’abord, le brief doit faire état des éléments d’ordre général relatifs à l’histoire de l’entreprise. Une seconde partie fait référence au logo, à l’historique de la marque si nécessaire (anciens logos) et à une analyse portant sur le choix des couleurs et à la forme même de celui-ci, ainsi qu’aux principaux éléments caractérisant le lieu de vente. Une troisième partie porte sur les résultats obtenus grâce au portrait chinois afin de donner une vision moins formelle de l’entreprise. Cette partie permet aux créateurs d’avoir une vision plus large concernant la réalisation de leur travail. Une quatrième partie porte sur l’analyse des dernières campagnes de communication utilisées par l’entreprise (les trois dernières campagnes télévisuelles dans cette étude) ainsi que sur le positionnement de la marque. Ce dernier était assez facile à obtenir dans le cadre de ce projet car la marque avec laquelle cette recherche a été réalisée est l’une des plus grandes banques en France, le positionnement a donc pu être obtenu facilement (de la part des clients et des collaborateurs), cela pourrait ne pas forcément être le cas avec des marques plus confidentielles. Ce brief avait pour objectif de donner des éléments précis au parfumeur pour que celui-ci puisse créer le parfum le plus congruent possible avec les principales valeurs de l’entreprise.
14Grâce à la rédaction de ce document adapté à cette recherche, deux fragrances ont été proposées par le parfumeur et ont pu être testées lors de la suite de notre démarche. Les parfums testés comprennent tous les deux des notes de musc et de cèdre reposant sur une symbolique plus masculine et plus rassurante que leurs notes de têtes respectives (notamment thé vert et agrumes). Cet équilibre permet ainsi de respecter le côté rassurant de la banque (notes de fond comprenant du cèdre) (Ardelet, 2011) et de coller aux spécificités de l’enseigne étudiée (notes de thé vert et agrumes notamment).
2e étape : vérification du niveau de congruence entre le parfum et le lieu de diffusion et entre le parfum et les valeurs de l’entreprise par une étude quantitative
15Comme évoqué précédemment, une entreprise de services se doit de développer un logo olfactif congruent avec (1) le lieu de vente, élément tangible pouvant participer à la perception de la qualité de ce service et (2) les valeurs-clés de l’entreprise, traduisant l’image de marque. L’objectif de cette seconde phase était donc de tester la congruence entre les deux parfums proposés et, d’une part, le lieu de vente (une agence bancaire) et, d’autre part, les valeurs de l’entreprise.
Pré-test du niveau de congruence entre les propositions de parfum et (1) le lieu de diffusion et (2) les valeurs de l’entreprise
16Dans un premier temps, un pré-test a été réalisé pour confirmer l’existence d’une congruence entre les deux parfums créés et les trois valeurs de la banque conservées et le lieu de diffusion. Ce pré-test a été mené auprès de 189 clients (au sein de 2 agences présentant les mêmes caractéristiques en termes de clientèle et de localisation géographique) et auprès de 64 collaborateurs (au sein de 12 agences). Ce processus, réalisé selon un plan inter-sujets, a ainsi permis de vérifier l’adéquation entre les parfums et le lieu de diffusion mais également, par un effet de validation en deux temps, le niveau de congruence entre les valeurs mises en évidence lors de l’étape qualitative et les deux fragrances proposées par le parfumeur. Notons que les parfums étaient présentés sur des touches à parfum. Ce protocole permet de faire sentir le parfum aux clients de manière précise, à moindres frais pour la marque, puisque cette dernière n’est pas obligée de créer une cartouche de parfum pour le tester. De plus, les touches à parfum étaient disposées en agence afin d’amorcer la perception du répondant vis-à-vis de la marque. Des variables telles que l’âge ou le genre des répondants ont également été contrôlées afin de s’assurer que la comparaison puisse être réalisée de manière pertinente. Aucune différence significative n’est apparue sur ces variables nous autorisant ainsi à poursuivre l’analyse.
17Pour la première évaluation (la congruence entre les parfums et le lieu de diffusion), le niveau de congruence est mesuré à l’aide de deux échelles de mesure : une échelle unidimensionnelle et une échelle bidimensionnelle afin d’obtenir une validation plus certaine des résultats. Concernant l’échelle unidimensionnelle, la proposition de Fleck et Quester (2007) a été retenue. Validée et traduite dans un contexte français, elle comprend trois items permettant de mesurer une « congruence globale » (Fleck et Quester, 2007, p. 989), que nous avons adaptés à notre contexte de recherche (Annexe 2). L’échelle de congruence globale permet également de mesurer la congruence du parfum avec les éléments physiques et le lieu dans lequel sera diffusé le logo olfactif. En effet, deux items permettent de comprendre si le parfum est en adéquation avec le lieu de diffusion ; ce point est important car, comme signalé précédemment, les éléments physiques servent à la création de ce type de logo olfactif. Les inférences créées par ces éléments physiques doivent être prises en compte par les prestataires de services afin de créer leur signature olfactive. Pour ce qui est de la mesure bidimensionnelle de la congruence, l’échelle proposée par Fleck-Dousteyssier, Korchia et Louchez (2006) comprenant six items et qui a déjà été modifiée et utilisée dans un contexte français a été utilisée (Annexe 2). Suite à un prétest réalisé afin de vérifier la compréhension du questionnaire par les répondants, l’un des items ne semblait pas adapté à notre recherche (« Avec cette diffusion de senteur, je découvre de nouveaux aspects de XXXX »). Après avoir sollicité l’avis de plusieurs chercheurs, et cet item ayant déjà été supprimé lors d’une recherche du fait de sa faible corrélation avec les autres (Fleck et Quester, 2007), il a été écarté de la suite de l’analyse. Notre mesure de la congruence (stimuli-valeurs) était donc composée au total de huit items (trois + cinq), évalués grâce à une échelle de Likert en six échelons. Signalons que les items étaient répartis dans l’ensemble du questionnaire et n’étaient pas présentés en « bloc ».
18Pour la seconde évaluation, le niveau de congruence entre les valeurs de l’entreprise et les deux fragrances proposées par le parfumeur, un item sur une échelle de Likert en six échelons, déjà validé dans un contexte réel (Daucé, 2000) est utilisé. Les trois valeurs prédominantes de l’entreprise (responsabilité, convivialité et honnêteté) ont donc été testées par les répondants qui devaient se positionner, en association aux parfums, par rapport à l’affirmation suivante : « Diriez-vous que cette senteur puisse être associée aux termes suivants ? ». Conformément aux recherches déjà réalisées (Daucé, 2000 ; Spangenberg, Crowley et Henderson 1996), un item portait également sur la valence hédonique des parfums testés. Concernant les réponses apportées, l’analyse des indices Skweness et Kurtosis nous conforte dans le fait que les données suivent une distribution normale (l’indice Skweness est inférieur à 2 et l’indice Kurtosis inférieur à 1) [10]. Cela indique que les répondants sont parvenus à positionner leurs réponses, et donc faire un choix quant à l’adéquation entre un parfum et des valeurs.
19Les qualités psychométriques de l’ensemble des échelles sont satisfaisantes, exceptée pour la dimension « caractère attendu » de la congruence (KMO = 0.601 et α de Cronbach = 0.609) ; cette dimension a donc été écartée pour la suite de l’analyse. Concernant les résultats portant sur le niveau de congruence des parfums avec le lieu de diffusion et le niveau de congruence des parfums avec les valeurs proposées, les résultats sont synthétisés dans le tableau 1. Les items portant sur la dimension « pertinence » de la congruence ont été regroupés, de même que les trois items mesurant la congruence globale.
Résultats du pré-test portant sur la congruence entre les parfums et le lieu de diffusion et entre les parfums et les valeurs de l’entreprise
Items | Moyenne « Universalité »* | Moyenne « Dynamisme »* | t (sig.) | |
---|---|---|---|---|
Evaluation congruence « parfums – lieu » | Dimension pertinence | 3,83 | 3,91 | -0,464 (0,643) |
Congruence globale | 4,20 | 4,05 | 0,829 (0,408) | |
Evaluation congruence « parfums – valeurs » | Responsabilité | 3,28 | 4,05 | 1,539 (0,125) |
Convivialité | 4,47 | 2,83 | 2,374 (0,017) | |
Honnêteté | 3,20 | 3,98 | 1,469 (0,143) |
Résultats du pré-test portant sur la congruence entre les parfums et le lieu de diffusion et entre les parfums et les valeurs de l’entreprise
* Noms des parfums proposés par le parfumeur.20Comme le soulignent ces premiers résultats, les deux parfums ne présentent pas de différence significative majeure concernant leur niveau de congruence avec le lieu. La seule différence significative porte sur le niveau de congruence entre les parfums et l’une des valeurs de l’entreprise – la convivialité. Le parfum dénommé « Universalité » est ainsi mieux associé à cette dernière. Nous ne pouvons ainsi prendre le risque de conserver ce parfum en affirmant que ce dernier est congruent (au moins partiellement) avec la marque, puisqu’en effet une seule valeur diffère significativement des deux autres. Cette première phase permet uniquement de mettre en évidence une différence entre les deux parfums concernant l’adéquation avec une valeur de l’entreprise. Une seconde phase a donc été nécessaire pour parvenir à créer une signature olfactive.
21Suite à ces premiers résultats, une nouvelle demande a été formulée au parfumeur afin de faire deux nouvelles propositions en tenant compte des remarques faites par les répondants. Cette nouvelle demande exigeait de garder « 80 % de l’essence du parfum Universalité ». Deux nouveaux parfums furent donc présentés, nommés respectivement, « Universalité 2 » et « Universalité 3 ». Un nouveau pré-test a été effectué en ne retenant, lors de notre mesure de congruence (entre le lieu et le parfum), que la mesure de congruence globale (la mesure bi-dimensionnelle n’ayant pas obtenu les qualités psychométriques requises dans la précédente étude). La mesure de la congruence globale en trois items (Fleck et Quester, 2007) a donc été retenue.
L’étude confirmatoire
22La seconde collecte fut réalisée auprès de 79 clients et 42 collaborateurs. Afin de ne pas introduire de biais dans la recherche, ces deux nouveaux parfums ont été testés dans des agences différentes de celles dans lesquelles s’étaient déroulés les prétests initiaux. Les parfums étaient présentés, comme lors de l’étape précédente, sur des touches à parfum. L’échelle de congruence globale (Fleck-Dousteyssier, Roux et Darpy, 2005), réutilisée ici, présente l’avantage d’être courte et possède des qualités psychométriques une nouvelle fois satisfaisantes (KMO = 0,725 ; α de Cronbach = 0,885). Lors de cette étape, réalisée avec les parfums retravaillés, des différences significatives existent concernant la congruence des parfums avec une partie des valeurs de l’entreprise mais également concernant la congruence avec le lieu de diffusion. Les résultats synthétisés dans le tableau suivant mettent en lumière ces différences significatives (Tableau 2).
Résultats de l’étude confirmatoire portant sur la congruence entre les parfums et le lieu de diffusion et entre les parfums et les valeurs de l’entreprise
Items | Moyenne « Universalité 2 » | Moyenne « Universalité 3 » | t (sig.) | |
---|---|---|---|---|
Evaluation congruence « parfums – lieu » | Dimension pertinence | 4,21 | 3,79 | 1,848 (0,067)* |
Congruence globale | 4,21 | 3,65 | 2,655 (0,009) | |
Evaluation congruence « parfums – valeurs » | Responsabilité | 3,68 | 3,08 | 2,257 (0,026) |
Convivialité | 4,13 | 3,29 | 3,153 (0,002) | |
Honnêteté | 3,37 | 2,98 | 1,382 (0,170) |
Résultats de l’étude confirmatoire portant sur la congruence entre les parfums et le lieu de diffusion et entre les parfums et les valeurs de l’entreprise
* Sig. au seuil des 10 %.23Les résultats nous montrent des différences significatives entre les deux parfums concernant la perception de la congruence de ces fragrances avec le lieu de diffusion et deux des trois valeurs de l’entreprise. Signalons qu’une seule valeur ne présente pas de différence significative concernant la congruence perçue entre les deux parfums : l’honnêteté. La perception des individus diffère, tant sur la congruence globale du logo olfactif avec le lieu de diffusion, que sur la congruence entre ce logo et les valeurs de l’entreprise. A partir de ces résultats, l’entreprise peut donc choisir la signature olfactive la plus congruente avec ses valeurs ainsi qu’avec le lieu de diffusion, à savoir « Universalité 2 ».
3e étape : mesure d’évocation spontanée par une étude qualitative
24Ces deux premières étapes ont permis de mesurer un niveau de congruence déclaré avec les valeurs de l’enseigne. Néanmoins, il est important de pouvoir également mesurer de manière spontanée les évocations provoquées par le parfum. En effet, le processus d’imagerie mentale joue un rôle important lorsque l’on traite de marketing olfactif (Herz et Cupchik, 1992 ; Herz et Schooler, 2002). Ainsi, le fait de vérifier si les évocations spontanées sont cohérentes avec les résultats obtenus sur les deux premières étapes par une « mesure assistée » (proposition des valeurs de l’entreprise) permet de confirmer la réelle congruence du parfum avec des valeurs et/ou des évocations spécifiques de la marque. Pour cette étape, les mesures proposées par Ardelet (2011) ont été utilisées et des entretiens directifs ont été réalisés auprès de 15 personnes ne connaissant pas le projet, ni l’enseigne pour laquelle le parfum avait été créé. Les participants devaient ainsi sentir le parfum retenu (parfum le plus congruent) à l’aide encore une fois de touches à parfum et exprimer leur ressenti concernant cette fragrance (Annexe 3). Notons que la dernière partie des entretiens portait sur l’adéquation spontanée entre le parfum et les valeurs universelles proposées par Schwartz (2006) (Annexe 3), afin de mettre en évidence une éventuelle évocation spontanée des valeurs de l’entreprise grâce au parfum retenu.
25Concernant les résultats et les associations spontanées, le parfum est majoritairement perçu comme étant un parfum masculin [« odeur masculine » (femme, 34 ans ; femme, 36 ans) ; « Eau de toilette pour homme » (femme, 39 ans) ; « Parfum d’homme…cuir, musc, vanille » (femme, 48 ans) ; « En même temps, odeur de parfum masculin » (Femme, 34 ans), « Un parfum pour homme » (Femme, 19 ans), « musc » (femme, plus de 30 ans)]. Ces associations, en lien avec l’image d’une banque perçue comme peu féminine (Paviot, 2001), montre que le parfum proposé peut correspondre à une banque : le côté musqué étant une base de la fragrance (note de fond) devant marquer le côté masculin et rassurant d’une enseigne bancaire. D’autres éléments ressortent portant sur le côté floral, frais et sucré de la senteur [« Je trouve cette odeur fraîche et sucrée » (femme, 43 ans) ; « la senteur donne comme une sensation de fraicheur » (homme, 26 ans) ; « note sucrée sur la fin » (femme, 48 ans) ; « Mais fait penser à des éléments floraux forts » (femme, 19 ans), « quelque chose de rafraichissant » (homme, 31 ans)]. Ces éléments évoquent par la suite des lieux agréables à fréquenter pour les répondants « c’est apaisant, elle évoque un espace naturel fleuri […] cette odeur est optimiste, positive, féminine, agréable » (homme, 48 ans) ; « boutique de vêtements, chic et luxe […] bien-être » (femme, 36 ans) ; « m’évoque des couleurs claires et froides » (femme, 31 ans) ; « une fraîcheur d’été après une journée au soleil ou à la plage » (homme, 26 ans)]. Lorsque nous faisons un parallèle avec les valeurs évoquées précédemment pour la banque avec laquelle ce projet a été réalisé, nous retrouvons la notion de convivialité qui correspond à la définition d’un lieu « sympathique, animé et agréable » [11].
26Enfin, sur l’ensemble des valeurs universelles proposées, deux répondants n’ont pas réussi à faire de lien avec le parfum testé. Pour les 13 autres répondants, seules les valeurs universelles correspondantes aux valeurs mises en évidence pour la marque ont été retenues et analysées. Deux d’entre elles correspondent aux valeurs de la marque : « bienveillance » et « hédonisme » ; quand une troisième correspond plus à l’activité de l’entreprise : « sécurité » (en lien avec le secteur bancaire). Concernant cette dernière valeur, les répondants font un lien avec la propreté [« l’odeur évoque la propreté et donc, je me sens rassuré, je me sens clean » (homme, 31 ans) ; « L’odeur de propre est associée à la notion de rangement et d’ordre et donc de confort dans la maison » (femme, 45 ans)]. Certaines notes du parfum sont donc reliées à cette notion de sécurité ceci ayant déjà été partiellement mis en évidence dans la littérature notamment via des concepts de moralité ou de pureté (Liljenquist, Zhong et Galinsky, 2010). Concernant les deux autres notions de « bienveillance » et d’« hédonisme », les répondants ne font pas le lien avec l’une des valeurs de la marque étudiée, à savoir l’honnêteté. Cependant, la notion de convivialité ressort de cette phase d’évocation assistée. Les répondants considèrent le parfum comme « plaisant et léger, ce qui me fait penser à la bienveillance » (homme, 48 ans) ; « le côté bienveillance me fait penser au bien-être chez soi à la détente et au calme », (femme, 45 ans). La mesure d’évocation spontanée permet donc ici de vérifier que des associations sont réalisées avec le parfum retenu suite à l’étape 2 de cette étude et que ces dernières présentent un certain niveau de congruence avec les valeurs de la marque.
27Suite à ces trois étapes, nous constatons qu’une signature olfactive peut réellement être créée dans une entreprise de services, mais le processus nécessite une démarche itérative et une procédure précise de collecte et d’analyse des données. Le tableau présenté en Annexe 4 offre une synthèse de la méthodologie développée spécifiquement dans cette recherche pour parvenir à développer la signature olfactive de la banque étudiée.
Proposition d’une démarche permettant de développer une signature olfactive dans un univers de services
28Cette recherche, à travers une application réelle du développement d’une signature olfactive pour une entreprise de services, permet de souligner un protocole particulier. Nous proposons ainsi de suivre six étapes afin qu’une entreprise de services puisse réaliser sa propre signature olfactive. Afin de clarifier l’ensemble du processus, un résumé des étapes de la démarche est proposé (Figure 1).
Résumé des étapes à suivre dans le cadre du processus de création d’un logo olfactif pour une entreprise de services
Résumé des étapes à suivre dans le cadre du processus de création d’un logo olfactif pour une entreprise de services
1re étape : réalisation d’une étude d’image
29La première étape consiste à réaliser une étude portant sur l’image de marque de l’entreprise. Certains auteurs définissent la marque comme « un indice qui permet au client ou prospect de se retrouver sur un marché, souvent encombré, comme un phare permet de retrouver le bon port dans la nuit. Ce service, cette “fonction de repérage”, le client comme le navigateur comprend bien qu’il a un coût et par conséquent qu’il y a un prix complémentaire à payer » (Lewi et Lacoeuilhe, 2012, p. 15). Cette définition montre que la marque joue un rôle de reconnaissance dans l’esprit des individus. Le logo olfactif peut donc se positionner comme un « marqueur » de l’identité de marque, soulignant l’importance pour les entreprises de développer ce type de logo. Les entreprises de services n’ayant, par définition, pas de produits sur lesquels faire reposer leur signature olfactive, ces dernières doivent donc réaliser une étude portant sur leur image, et sur l’ensemble des dimensions constituant celle-ci, à savoir : les valeurs, la perception et la signification du logo, la perception de la communication, la perception du lieu de vente, etc. Cette étude, par la méthodologie singulière qu’elle mobilise (portrait chinois), doit être réalisée par des professionnels indépendants afin de respecter une certaine impartialité vis-à-vis de l’analyse. Concernant les répondants, ces derniers doivent comprendre des clients mais également des employés. En effet, ces deux catégories de populations seront amenées à sentir le logo olfactif, et chacune a sa propre vision de l’entreprise. La fragrance doit donc refléter la perception de ces deux catégories de populations. Ces recommandations rejoignent les conclusions d’autres chercheurs, qui expriment l’intérêt de prendre en compte l’avis des employés (Bitner, 1992 ; Rieunier, 2017).
2e étape : validation quantitative des valeurs mises en évidence lors de l’étude qualitative
30Cette deuxième étape a pour objectif de valider la congruence entre les valeurs mises en évidence par l’étude qualitative et le ressenti réel des clients et des employés. Il s’agit ici d’un processus itératif permettant de présenter les résultats de l’étude qualitative aux individus et de vérifier si les résultats sont conformes à l’image de l’entreprise et si une hiérarchie peut être réalisée. Une fois le niveau de congruence mesuré pour chaque valeur constitutive de l’image de l’entreprise, cela pourra permettre de réaliser une hiérarchie et de proposer un brief précis au parfumeur. Les analyses précédentes de cette recherche montrent que certains éléments peuvent varier concernant les perceptions des collaborateurs et des clients (cf. nombre d’items ressortant de l’analyse manuelle pour chaque catégorie d’individus). Ainsi, cette étape est nécessaire pour confirmer les résultats obtenus.
3e étape : réalisation d’un brief
31Ce document, à destination du parfumeur, doit lui permettre de réaliser le parfum correspondant parfaitement à l’identité olfactive de l’entreprise.
32Le brief remis au prestataire doit comprendre les éléments suivants :
- Tout d’abord, des éléments d’ordre général relatifs à l’histoire de l’entreprise.
- Une seconde partie fait référence au logo, à son historique (anciens logos) et à une analyse portant sur le choix des couleurs et sur la forme même de celui-ci ainsi qu’aux principaux éléments caractérisant le lieu de vente.
- Une troisième partie présentant les résultats obtenus grâce au portrait chinois, ce qui donne une vision moins formelle de l’entreprise. Cette partie peut permettre aux créateurs d’avoir une vision plus large concernant la réalisation de leur travail.
- Une quatrième partie présentant l’analyse des trois dernières campagnes de communication utilisées par l’entreprise. Ces éléments permettent au prestataire d’avoir une vision précise des types de messages et du style de musique utilisés durant les campagnes de communication.
4e étape : création des signatures olfactives par le parfumeur
33A la suite de la remise du brief, le parfumeur choisi par l’entreprise développera deux signatures olfactives qui seront par la suite soumises à validation par la mesure du niveau de congruence avec les valeurs de l’entreprise et le lieu de diffusion. Concernant le choix du parfumeur, rappelons ici que malgré l’absence de lois, des normes internationales peuvent être respectées. Ainsi, les normes IFRA (International FRagrance Association) sont reconnues au niveau mondial comme étant des règles permettant de protéger au mieux les individus contre la diffusion de substances néfastes. Le certificat IFRA garantit notamment qu’aucune molécule cancérigène n’est présente dans les parfums diffusés.
5e étape : validation du niveau de congruence
34Cette cinquième étape doit permettre de valider le niveau de congruence entre les parfums proposés, les valeurs de l’entreprise et le lieu de diffusion afin de s’assurer que les fragrances correspondent bien aux valeurs perçues par les individus (clients et employés). Les outils présentés ci-dessus, notamment les items de l’échelle de congruence globale de Fleck-Dousteyssier, Roux et Darpy (2005), permettent ainsi de comprendre si les senteurs proposées sont réellement congruentes avec les valeurs de l’entreprise et le lieu de vente. De même que l’étape précédente, celle-ci relève d’un cycle itératif. L’entreprise ne doit donc pas hésiter à réaliser de nouvelles études afin de s’assurer de la réelle congruence entre ses valeurs et les parfums proposés.
6e étape : mesure d’évocation spontanée
35Par la mesure d’évocation spontanée, il est tout d’abord possible de mesurer les associations d’idées spontanées pouvant apparaître par rapport au parfum sélectionné. Dans un second temps, cette mesure permet de vérifier si ces associations présentent un certain niveau de congruence entre les parfums et les valeurs de la marque. Les évocations spontanées permettent ainsi de s’assurer (au moins de façon partielle) que le parfum proposé in fine correspond bien à des éléments symboliques ayant trait à l’image de la marque étudiée. Comme déjà mis en avant dans certaines études, les évocations spontanées des parfums peuvent être complexes à analyser ; cependant, le fait de coupler cette analyse avec une phase quantitative permet de limiter les risques d’erreur.
36Une fois ces six étapes réalisées, l’entreprise aura maximisé les chances de création d’un logo olfactif le plus congruent avec son image. Cette démarche est, à notre connaissance, la première proposant aux entreprises de services de pouvoir créer leur logo olfactif de manière approfondie et reposant sur une combinaison de mesures de congruence et d’études qualitatives.
Discussion
37La méthodologie présentée recouvre ainsi un intérêt certain pour les entreprises de services désireuses de créer leur propre logo olfactif qui soit en réelle cohérence avec leur image de marque et le lieu de vente. Nous recommandons aux entreprises une démarche formalisée, c’est-à-dire un processus précis et strict, devant leur permettre de créer leur signature olfactive de manière fiable et efficiente.
38Les entreprises se contentent, dans la majorité des cas, de sélectionner des parfums sur le catalogue de leurs prestataires qui, bien souvent, ne correspondent pas exactement aux valeurs de l’entreprise. Cette recherche valorise ainsi l’intérêt de cette démarche pour obtenir un logo olfactif qui soit un réel élément différenciant et efficient de l’identité de marque de l’entreprise. La combinaison des études qualitative et quantitative permet d’atteindre l’objectif de création d’une signature olfactive adaptée à des entreprises de services et ainsi, de diminuer le risque d’échec et d’investissements inutiles. Le fait de compléter une approche qualitative avec une approche quantitative lors de ce processus de création semble indispensable. En effet, comme nous avons pu le voir lors de la première phase de l’étape quantitative, certains parfums ne présentent en réalité pas de différence significative pour les individus concernant le niveau de congruence entre le parfum et les valeurs de l’entreprise. Il est donc nécessaire de réaliser une étude d’image, puis de comparer de manière quantitative les perceptions. L’utilisation d’une mesure d’association spontanée permet également de compléter et d’affiner les mesures qualitatives et quantitatives des deux premières phases de la méthode.
39Ce processus complet et « en miroir » n’est pas encore proposé par les prestataires de marketing olfactif à l’heure actuelle d’où le principal enjeu de cette recherche (Annexe 5). Cette démarche, bien que demandant un certain budget et nécessitant également plus de temps, est indispensable pour réaliser sa signature olfactive. Dans le cas contraire, les entreprises prendraient le risque de diffuser une fragrance qui ne reflèterait pas ses valeurs aux yeux des clients, atténuant ainsi tout impact sur la perception de l’identité de marque.
40En définitive, cette recherche propose une méthodologie complète pour les entreprises de services afin qu’elles puissent créer leur propre signature olfactive de manière cohérente et fiable (Figure 1). En complément à la présentation des différentes techniques présentes sur le marché dans la première partie de cet article, le tableau 3 compare les différents protocoles existants avec leurs points forts et les limites, soulignant l’intérêt de mettre en œuvre la démarche établie dans cette recherche.
Comparatif des principales techniques de développement de logos olfactifs existantes sur le marché
Comparatif des principales techniques de développement de logos olfactifs existantes sur le marché
41Un apport méthodologique important de cette recherche repose sur le fait d’avoir utilisé différentes méthodologies de recherche (qualitative et quantitative) et différents outils de traitement (Tropes et QDA Miner). La démarche consistant à mettre à jour les valeurs de l’entreprise, puis à réaliser un logo olfactif en fonction de ces valeurs ainsi qu’à tester in fine la congruence entre le parfum proposé et les valeurs et le lieu de diffusion constitue également un protocole original en marketing olfactif.
42Enfin, concernant les recommandations managériales, nous positionnons le logo olfactif au cœur de notre recherche comme un nouveau « marqueur » de l’identité de marque d’une entreprise. Ainsi, le développement d’un logo olfactif peut se positionner comme un facteur déterminant dans la communication de l’identité de marque d’une entreprise auprès de ses différentes parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes. Cette recherche répond donc en partie aux besoins des entreprises de savoir comment construire et développer une réelle identité de marque. De plus, au-delà de la création d’une signature olfactive en tant qu’élément d’identité pour une marque, cette signature se positionne également comme un élément majeur de l’atmosphère en point de vente, ayant un impact direct sur le comportement du consommateur. De même, la démarche reposant sur une mesure « en miroir » proposée dans cette recherche est une technique supplémentaire implémentable par les entreprises, qu’il s’agisse des prestataires de marketing olfactif ou des entreprises clientes, ayant des qualités spécifiques comparées aux autres techniques du marché (Tableau 3).
43Cette recherche n’est pas exempte de limites. Tout d’abord, des limites peuvent porter sur l’étude qualitative, notamment sur les valeurs mises en évidence lors de cette phase. En effet, il nous faut signaler que ces résultats ont été obtenus alors que d’autres grandes banques étaient prises dans des scandales financiers et que le groupe avec lequel nous avons travaillé n’étaient pas (encore) pris dans ce genre d’affaires. Il est donc possible qu’un effet de contingence ait impacté cette étude, et plus particulièrement, les termes (bienveillants) utilisés par les clients et les employés pour décrire l’image de marque de l’entreprise étudiée. Un autre biais à signaler peut également porter sur l’attachement des individus (clients et collaborateurs) à cette banque. Cependant, la notion d’attachement à la marque est nécessaire pour créer un logo olfactif ; ainsi, ce biais, bien qu’objectif, pourrait se retrouver dans l’ensemble des secteurs d’activité et pour l’ensemble des marques. Les valeurs citées par les clients interrogés seraient alors sans doute, comme c’est le cas dans cette étude, positives. Enfin, ces valeurs peuvent certainement pour certaines d’entre elles être communes à d’autres banques, cet élément n’a pas été contrôlé et pourrait faire l’objet de recherches futures. Néanmoins, chaque marque possédant sa propre identité et son propre positionnement, les clients pourraient alors voir certaines valeurs comme communes à différentes enseignes, mais d’autres valeurs seront réellement propres à la marque étudiée. Notons que l’ensemble des points précédemment cités ne remettent pas en cause la validité des résultats de cette recherche, ces derniers ayant été obtenus après une double mesure et portant sur les valeurs retenues après que la congruence ait été validée ; le processus est donc fiable. Enfin, l’interview d’un seul prestataire de services n’est certainement pas représentative de toutes les techniques pouvant être utilisées dans l’ensemble des secteurs. Ainsi, si cet entretien donne des tendances, il aurait pu être complété par des interviews d’autres acteurs du marché.
44Suite à cette étude, plusieurs pistes de recherche pourront être engagées à l’avenir. Tout d’abord, il pourrait être intéressant de réaliser des travaux complémentaires portant sur la bi-dimensionnalité de la congruence. En effet, comme nous avons pu le constater, la dimension « surprise » (caractère attendu) n’est pas stable, ceci avait déjà été mis en évidence dans d’autres recherches (Caldara, 2010 ; Fleck-Dousteyssier, Roux et Darpy, 2005 ; Fleck-Dousteyssier, Korchia et Louchez, 2006). Des recherches complémentaires sur la congruence et les deux dimensions la caractérisant pourraient ainsi être réalisées. Le présent protocole pourrait ensuite être testé dans divers environnements de services afin d’être validé ou infirmé ; nous pensons ici à un environnement hôtelier, à un environnement culturel ou encore à un environnement d’administration publique. De même, la congruence perçue du logo olfactif avec le lieu pourrait aussi être approfondie. En effet, les entreprises peuvent avoir des bureaux présentant des singularités et donc, n’être pas strictement identiques les uns par rapport aux autres. Ainsi, une entreprise souhaitant diffuser son logo olfactif dans l’ensemble de ses bureaux (comme dans le cadre de cette recherche) mais pour lesquels des différences apparaissent, devra tester le niveau de congruence. D’une manière similaire au développement de la signature olfactive, ce protocole pourrait être testé sur le développement d’une signature sonore, autre signature très prisée par les marques actuellement. Ceci pourrait être complété par une réflexion autour du développement d’une double-signature – olfactive et sonore – en cohérence avec certains environnements. Des travaux portant sur la corrélation entre plaisir ressenti, bien-être de l’individu et intention d’achat, ou achat réel, pourraient également être réalisés suite à la création d’un logo olfactif. En effet, ce dernier, bien que congruent avec la marque et agréable à sentir peut-il susciter des réponses neutres de la part des clients ? Cet aspect constitue une piste de recherche intéressante. En effet, certaines entreprises pourraient être désireuses de créer un logo olfactif dans le but de se différencier de la concurrence mais également afin de créer une atmosphère agréable dans laquelle ses clients se sentent bien. En allant plus loin, une recherche nécessitant une étude longitudinale pourrait également être menée afin de déterminer si la signature olfactive peut être développée dans l’objectif de modifier l’image d’une entreprise.
Annexe 1 : Portrait Chinois, intitulés utilisés pour la recherche
Portrait Chinois |
---|
Si c’était une ville, que serait XXX ? Si c’était un moyen de transport, que serait XXX ? Si c’était un sport, que serait XXX ? Si c’était un animal, que serait XXX ? Si c’était une couleur, que serait XXX ? Si c’était un personnage célèbre, réel ou fictif, qui serait XXX ? Si c’était une œuvre d’art, que serait XXX ? Si c’était un slogan ? |
Annexe 2 : Mesures de congruence utilisées lors du pré-test
Congruence globale (échelle adaptée de Fleck et Quester, 2007) | Cette senteur et XXX vont bien ensemble | |
Cette senteur me paraît appropriée à une diffusion au sein de cette agence XXX | ||
Cette senteur est adaptée aux services proposés par cette agence XXX | ||
Echelle bidimensionnelle (adaptée de Fleck-Dousteyssier, Korchia et Louchez, 2006) | Pertinence | Le fait que cette agence XXX diffuse cette odeur m’apprend quelque chose sur l’entreprise |
Quand je sens cette odeur, cela me permet de mieux comprendre la marque XXX | ||
Caractère attendu | On pouvait s’attendre à ce que XXX diffuse ce type d’odeur | |
Cela ne me surprend pas que XXX diffuse cette senteur | ||
C’était prévisible que XXX diffuse ce type de senteur |
Annexe 3 : Mesure d’évocation spontanée
- A présent, pourriez-vous nous dire à quoi cette odeur vous fait-elle penser ? (Ardelet, 2011, adaptée de l’item proposé par Urdapilleta et al., 2006).
- Pouvez-vous citer toutes les idées (images, souvenirs, lieux, personnes, bruits, couleurs, saveurs, sensations, etc.) qui vous viennent à l’esprit en sentant cette odeur ? N’hésitez pas à rentrer dans le détail et à étoffer vos propos (Ardelet, 2011).
- Pourriez-vous à présent nous dire si la senteur présentée vous fait penser à certains termes présentés ci-après (Schwartz, 2006).
OUI | NON | |
---|---|---|
Bienveillance (honnête, responsable…) | ||
Universalisme (égalité, justice…) | ||
Autonomie (liberté, indépendance…) | ||
Stimulation (vie passionnante, variée…) | ||
Hédonisme (profiter de la vie…) | ||
Réussite (réussite sociale, professionnelle…) | ||
Pouvoir (richesse, pouvoir social…) | ||
Sécurité (ordre, propreté, sécurité…) | ||
Conformité (obéissance, politesse…) |
46Si des associations sont identifiées, il est demandé au répondant de préciser sa pensée : Pour les termes auxquels vous avez répondu oui, pourriez-vous expliquer plus en détail cette relation ? Pourquoi avez-vous fait cette association ?
Annexe 4 : Synthèse de la méthodologie
Validation d’une méthode de création d’un logo olfactif | |
---|---|
Etapes détaillées | Protocole détaillé |
1re étape : mise en évidence des valeurs de l’entreprise par une étude qualitative | Entretiens portant sur les valeurs de la marque réalisés auprès de 19 clients et 17 collaborateurs. Guide d’entretien portant sur les valeurs du groupe. Utilisation du portrait Chinois. Analyse des données (manuelle et informatisée). Mise en évidence de 8 valeurs. |
2e étape : mesure du niveau de congruence des valeurs mises en évidence avec la marque (mesure confirmatoire) | Utilisation de l’échelle de Heckler et Childers (1992) N= 78 répondants. Différences significatives entre les 8 valeurs sur la dimension « pertinence ». En accord avec les résultats, sélection des 3 valeurs les plus « pertinentes » avec l’entreprise (dans cette étude : responsabilité, convivialité et l’honnêteté). |
3e étape : création d’un brief à destination d’un parfumeur | Suite à la mise en évidence des valeurs, création d’un brief complet, comprenant les valeurs mais également les éléments suivants : histoire du groupe, du logo, symbolique des couleurs, 3 dernières campagnes publicitaires, positionnement de la marque, principaux éléments caractérisant le lieu de vente … |
4e étape : création de deux fragrances différentes par un parfumeur | |
5e étape : mesure de la congruence entre le parfum et le lieu et entre le parfum et les valeurs par une étude quantitative | Mesure effectuée grâce à deux échelles de mesure de la congruence à savoir, celles de Fleck-Dousteyssier, Korchia et Louchez (2006) et de Fleck-Dousteyssier, Roux et Darpy (2005). La mesure comprenait donc 8 items au total et a été mesurée sur une échelle à 7 échelons. N = 189 clients et 64 collaborateurs. |
Mise en évidence d’une différence significative uniquement sur une valeur de l’entreprise. Mise en place d’un processus itératif. Deux nouveaux parfums proches de la fragrance présentant le score le plus élevé sur la valeur en question ont été proposés par le parfumeur. | |
5e étape : deuxième mesure de congruence entre le parfum et le lieu et entre le parfum et les valeurs par une étude quantitative | Mesure globale de la congruence (Fleck Dousteyssier, Roux et Darpy, 2005). Echelle à 3 items, mesurés grâce à 7 échelons. N = 79 clients et 42 collaborateurs. Obtention de différences significatives concernant la congruence entre les fragrances et les valeurs. |
6e étape : mesure d’évocation spontanée | Entretien portant sur les images et les évocations déclenchées liées au parfum. Etude qualitative réalisée auprès de 15 personnes. |
L’étude s’est arrêtée à ce stade car des différences significatives portant sur le niveau de congruence ont été mises en évidence, mais le processus itératif aurait pu continuer si une absence de différence avait été mise en évidence. |
Annexe 5 : Processus de création d’une signature olfactive, interview de Stéphane Arfi, PDG de la société Emosens, un des leaders du marketing olfactif en France
47Pourriez-vous nous indiquer quel est le processus classique de création d’une signature olfactive ?
48Stéphane Arfi : Tout d’abord, la création d’une signature olfactive va passer par la rencontre avec l’entreprise, la marque, qui souhaite s’orienter dans un processus de création. Des rencontres sont organisées avec des visites. Le contenu des échanges va dépendre également de la marque, par exemple dans le cas d’un hôtel qui souhaiterait créer sa signature olfactive, une discussion avec l’architecte peut être envisagée, des éléments ayant un rapport avec l’histoire du lieu sont aussi importants, l’histoire a beaucoup d’importance pour certaines marques. Les valeurs constituent également quelque chose d’important dans la création de cette identité olfactive. Nous allons également faire compléter un brief au client et tenter d’obtenir un maximum de visuels. Nous échangeons ensuite avec un nez qui va se charger de retranscrire sous forme de parfum les éléments transmis via le brief notamment. Nous avons plusieurs échanges avec le nez à qui nous fournissons les éléments issus du brief et les visuels afin de rentrer au mieux dans le projet. Certaines fois, plusieurs nez sont consultés et nous fournissent des propositions différentes, nous pouvons donc imaginer partir sur différentes pistes à partir d’un même brief. Les différences viennent de la perception et de l’histoire racontée avec le parfum. Chaque parfum raconte une histoire et il s’agit ainsi de faire naître des émotions par rapport à l’expérience personnelle des clients.
49Je sais que vous proposez également des senteurs issues de votre catalogue, vous arrive-t-il ainsi d’adapter vos parfums à des demandes de clients ?
50Stéphane Arfi : Nous avons en effet un catalogue de fragrances que nous pouvons diffuser de manière rapide chez les clients, mais je dirais que nous pouvons tout imaginer. On tient compte de l’importance aussi du parfum et de la raison pour laquelle le client souhaite avoir une identité olfactive, et on fait bien la distinction d’ailleurs entre création d’une identité olfactive ou choix dans la collection de parfums. Il y a deux extrémités, un choix dans le catalogue d’un côté et la création d’une signature olfactive de l’autre. Certains clients nous demandent de recréer leur parfum corporel, d’autres de modifier des parfums de notre collection, d’autres encore de recréer des odeurs spécifiques. Par exemple, un gérant qui voulait un parfum pour ses centres commerciaux nous a fait recréer une senteur d’un hôtel qu’il apprécie particulièrement, nous avons fait un contretype et nous le diffusons dans ses magasins. Certains clients souhaitent qu’on utilise un de nos parfums mais qu’on le modifie car ils le trouvent trop masculin ou trop féminin… Ou certains souhaitent un parfum de la gamme mais veulent l’assurance qu’ils seront les seuls à l’utiliser donc on apporte quelques petites modifications pour personnaliser la fragrance à la marque. Dans le même sens, nous pouvons partir d’un brief afin de créer une fragrance à partir des éléments fournis par la marque.
51Concernant les clients, est-ce que ces derniers interviennent directement dans le processus ?
52Stéphane Arfi : Alors bien sûr, les clients interviennent, ce sont eux qui vont faire la sélection finale. Nous, on a l’habitude de présenter plusieurs fragrances, de présenter plusieurs choses parce que le fait de proposer un choix aux clients ça permet d’avoir plusieurs pistes différentes. Nous, quand on travaille sur une identité olfactive on revient vers le client au bout d’un mois avec au minimum deux pistes de fragrances différentes et très souvent c’est quatre ou cinq. Ensuite le client ne les fait pas obligatoirement tester, parce qu’on se rend compte que ce n’est pas toujours la meilleure des solutions. Dès que vous demandez l’avis à quelqu’un il va se poser des questions qu’en parfumerie on n’a pas besoin de se poser parce qu’on joue énormément sur les émotions. Le client quand il va rentrer dans un hôtel, il va pas se poser la question « ah tiens là j’aurais mis plante ou plus boisé », il ne va pas se poser ces questions-là, ça sent bon, ça sent pas bon, c’est agréable, c’est pas agréable et ensuite les émotions vont jouer en fonction de chaque personne et c’est là qu’il y a le petit plus, soit sur l’effet « Waouh » qu’on peut mettre en place avec le parfum, soit tout simplement sur des émotions qui vont naître par rapport à l’expérience personnelle de chaque client… Et en fonction de ça, ça permet d’avoir des retours assez intéressants, différents… Donc nous c’est vrai que quand on va fournir plusieurs échantillons à notre client, on aime bien avoir les commentaires… Parfois on arrive on a tout de suite un coup de cœur sur un parfum, ça c’est vrai que c’est appréciable le coup de cœur et puis quand il n’y a pas de coup de cœur, on va procéder par élimination, on va en éliminer un puis deux, puis savoir, ceux qui restent, pourquoi ils restent mais pourquoi c’est pas le coup de cœur. Qu’est-ce qui manque ? Et ça, ça fait partie d’un second travail avec les parfumeurs justement pour la touche finale, pour améliorer et s’approcher un peu plus du souhait du client en prenant aussi en considération une chose très importante c’est que nos clients ont beaucoup de mal, on se rend compte, à se déconnecter de leurs goûts personnels. Donc on essaie de les éduquer par rapport à ça et on les met en garde pour que le choix du parfum ne se fasse pas par rapport à ses propres goûts mais pour bien se mettre à la place du client final, du client, ou de la personne à qui est destiné ce parfum, à qui il doit plaire. Et concernant le brief, on a un petit questionnaire qui part un peu dans tous les sens mais qui permet de faire parler nos clients. On demande les couleurs qui sont mises en avant, on demande quel est le positionnement, quelles sont les valeurs… ça part un peu dans tous les sens mais ça permet de faire parler le client.
Bibliographie
Références
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Notes
-
[1]
Marketing olfactif : Sensorys parfume Aéroport de Paris, accessible depuis l’adresse : http://lentreprise.lexpress.fr/marketing-vente/marketing-olfactif-sensorys-parfume-aeroport-de-paris_1517287.html
-
[2]
Galimard invente le drapeau olfactif, accessible depuis l’adresse : http://www.lesechos.fr/03/10/2013/lesechos.fr/0203045586934_galimard-invente-le-drapeau-olfactif.htm
-
[3]
Quand les marques soignent le parfum d’ambiance, accessible depuis l’adresse : http://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0211704169120-quand-les-marques-soignent-le-parfum-dambiance-2058187.php
-
[4]
“The smell of success grows stronger”, Trend e-magazine, n°5, 25-30.
-
[5]
When a Scented Candle Just Won’t Do, accessible depuis l’adresse : https://www.nytimes.com/2017/08/02/business/smallbusiness/commercial-fragrance-systems-home-market.html
-
[6]
Boulanger innove pour le cœur de ville, accessible depuis l’adresse : https://www.lsa-conso.fr/boulanger-innove-pour-le-cœur-de-ville,121235
-
[7]
Chrea et al. (2009), Mapping the Semantic Space for the Subjective Experience of Emotional Responses to Odors, Chemical Senses, 34, 1, 49-62, https://doi.org/10.1093/chemse/bjn052
-
[8]
Delplanque et al. (2012), How to map the affective semantic space of scents, Cognition and Emotion, 26, 5. https://doi.org/10.1080/02699931.2011.628301
- [9]
-
[10]
L’indice Skweness est respectivement de 0.522 (responsabilité), – 0.823 (convivialité) et 0.873 (honnêteté) quand l’indice Kurtosis est de 0.103 (responsabilité), 0.328 (convivialité) et 0.872 (honnêteté).
-
[11]
Oxford dictionary : “Convivial : (of an atmosphere or event) friendly, lively, and enjoyable.” ; https://en.oxforddictionaries.com/definition/convivial