Notes
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Interview réalisée dans les studios de Radio Libertaire, pour l’émission Bibliomanie, le 14 janvier 2016, à Paris.
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Du grec « rendre visible ». Substantif féminin : « Manifestation de ce que l’homme est en réalité » (voir Monier, Traité du caractère, 1946, p 208).
1C’est à la veille de Noël, le 23 décembre 2019, que Jean Blot nous a quittés à l’âge de 96 ans. Il avait l’œillet à la boutonnière et l’élégance chevillée au corps. Il devait son nom de plume à Albert Camus qui l’encouragea à signer ses livres de son nom de résistant. Il en gardait une chaleureuse reconnaissance, une acuité extrême pour l’essence même de la vie. Il n’en oubliait pas moins ses origines juives-russes et son véritable nom – Alexandre Blokh – qui fit de lui l’homonyme d’un célèbre poète russe : Alexandre Blok (1880-1921) rencontré par ses parents peu avant sa naissance. Sans doute incarnait-il aux yeux de son père un idéal littéraire. Un rêve d’écriture de prime abord inatteignable et d’autant plus intéressant à poursuivre. Difficile dès lors d’échapper à l’appel des mots ; impossible de se dérober à la vocation qui sera la sienne. Jean Blot deviendra romancier, nouvelliste, essayiste, traducteur et interprète, bref, écrivain au sens large du terme. Dès lors, sa poésie n’est jamais là où l’on croit et se situe plutôt dans des paysages amis ou dans une insularité heureuse qu’il vivra, chaque été, dans sa maison à Skyros, l’une des cinq îles de l’archipel des Sporades.
2Homme de lettres, homme d’action, homme d’engagement aussi, ce polyglotte était, comme il le disait lui-même, un cosmopolite, un arpenteur de grands chemins, un voyageur qui au soir de sa vie et, après mille et une étapes, redécouvrit le réconfort de l’ultime séjour. Le séjour est d’ailleurs le titre de son tout dernier livre et le premier tome de ses mémoires, qui s’achève sur cette phrase : « J’ai seize ans, j’en aurai bientôt dix-sept » (Blot 2019 : 445). Éternellement sur le départ, Jean Blot conclut ainsi toute une vie d’écriture par cette formule qui le situe au seuil de l’âge adulte. Le séjour qui serait, selon le dictionnaire, « une durée pendant laquelle quelqu’un demeure dans un lieu » désigne bien évidemment l’intervalle qui nous est donné à vivre. Cet entre-deux, qui relève moins de l’entre-soi que de l’entre-deux-mondes, est une référence à Louis Guilloux. L’écrivain-ami qui avait la manie d’être toujours en avance avait un jour évoqué devant lui ce titre qui fut remplacé par L’herbe d’oubli. Jean Blot, qui n’a jamais cessé de converser avec ses frères d’armes, le reprit à son tour comme pour prolonger ce compagnonnage littéraire. « La vie s’achève, note-t-il. Il est temps de faire connaissance, de se regarder en face sans honte et dans l’espoir que, pour un sept ou huit milliardièmes, le monde humain fût meilleur, plus gai, plus élégant grâce à notre séjour et pour sa durée » (Blot 2019 : 12). Ce droit de séjour qui lui fut refusé durant les sombres années de l’Occupation, il se l’accordera par le pouvoir des mots et par l’évocation de cette période décisive où rien n’est joué et où tout reste possible. Années d’apprentissage, de formation et de confrontation au monde. Années de tous les combats. Jean Blot appartient en effet à cette génération qui eut vingt ans au moment de la Seconde Guerre mondiale. Fils d’un responsable au Commissariat de la Défense et d’une avocate « pour enfants des rues », il était issu, par son père, d’une lignée de diamantaires de Saint-Pétersbourg. Après l’exil en Allemagne, puis en France, ses parents l’envoyèrent dans un pensionnat en Angleterre. Il y apprit l’anglais et s’y forgea un solide bagage culturel. Vint ensuite l’heure de la Résistance et des premiers combats comme lieutenant FFI dans le 1er régiment du Colonel Fabien. En 1945, Jean Blot participa en tant qu’interprète aux prémices de l’ONU à New York. Il poursuivit sa carrière aux Nations Unies puis à l’Unesco et contribua par diverses initiatives (dont la création d’un Pen Club à Moscou) au rayonnement de la langue française.
3Quand je l’ai connu, sa carrière de haut fonctionnaire international était derrière lui. La fréquentation des ambassades n’était plus qu’un lointain souvenir. Et les us et coutumes des prix littéraires ne le concernaient pour ainsi dire plus. Il n’avait plus rien à prouver, mais sa combativité demeurait intacte et sa curiosité plus vive que jamais. Nombreux furent les habitués de l’impasse du square Montsouris. Nombreux aussi ceux qui considéraient sa conversation comme un instant privilégié, car Jean Blot parlait comme il écrivait. Ses fulgurances et son art de l’aparté faisaient de lui un conteur hors-pair. Ses échanges avec Roger Caillois, Eugène Ionesco, Marcel Arland, Albert Cohen, Pierre Emmanuel, Lawrence Durrell, Nathalie Sarraute, Louis Guilloux, Denis de Rougemont, Michel Butor et Jean Starobinski – pour ne citer qu’eux – le confortèrent dans cette idée que la littérature, la vraie, nous rend autre et aurait de ce fait un « rôle déterminant de création intérieure ». Un feu sacré qu’il aimait à transmettre en œuvrant dans les coulisses de la langue. Il fut ainsi l’un des premiers à traduire en français la grande poétesse russe Anna Akhmatova, à publier une thèse sur Ivan Gontcharov et à s’intéresser à l’œuvre de Marguerite Yourcenar, d’Albert Cohen, d’Ossip Mandelstam, de Vladimir Nabokov ou du groupe Bloomsbury, auxquels il consacra des essais qui firent date. Reprenant volontiers à son compte cette phrase de Saint-John Perse selon laquelle « Il n’est d’histoire que de l’âme », Jean Blot est en outre l’auteur d’une impressionnante trilogie – L’Histoire du Passé – où il s’interroge sur cet éveil si particulier qu’on appelle l’anthropophanie [2]. Dans Affaire de cœur, il retrace ce moment bouleversant où la vie sépare celles et ceux qui se sont aimés. Combattre l’irréversible fut sans doute la ligne directrice de celui qui, à l’orée du grand âge, se disait « riche en projets et en rires » et en tout point fidèle à l’épitaphe qu’il s’était choisie : « Il fut gai, énergique, et tendre tous les jours de sa vie » (Blot 2012 : 38). Jusqu’à la dernière heure, Jean Blot a exprimé sa gratitude envers les livres et les rencontres qui nous construisent. « Les écrivains, notait-il, ne meurent jamais tout à fait. Il suffit d’ouvrir leurs livres pour retrouver leur présence, les phrases familières, le style de pensée et de vie » (Blot 2015b : 5). Il nous reste une œuvre foisonnante de sens qui mérite d’être redécouverte, pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle nous transmet et pour ces chemins de traverse qui pourraient bien ouvrir toutes grandes les portes de la connaissance de soi…
4Valère-Marie Marchand. Si l’on en croit ces deux ouvrages qui paraissent quasiment en même temps – Tout sera paysage et En amitié – vous avez à la fois, Jean Blot, l’âme d’un paysagiste et le regard d’un portraitiste. Vous êtes toujours, me semble-t-il, l’homme des voyages et de la rencontre…
5Jean Blot. On peut le dire ainsi. Et je le suis toujours. Disons pour être plus précis que je l’ai longtemps été. Et j’espère comme l’hirondelle de la Fontaine avoir un peu retenu de tout ce que j’ai vu !
6Tout sera paysage est un titre très beau qui fait référence à Jules Supervielle… Celui-ci a écrit « Denise, écoute-moi, tout sera paysage. Un frais mystère trempe mon cœur aujourd’hui, la tristesse et la joie ont leurs propres feuillages, et j’en sais dessiner l’enlacement fortuit ». Phrase que vous complétez par cet autre formule mise en exergue : « Pour que tout soit paysage, il faut accepter de rester en tête à tête avec lui » Or, c’est ce que vous avez fait à maintes reprises en Europe ou ailleurs, en prolongeant vos dialogues avec certains lieux. On n’est pas loin des Rêveries d’un promeneur solitaire…
7Ce goût pour le voyage remonte à très loin, à 1929, très exactement, sur un balcon, lors d’une nuit au clair de lune, à Cagnes-sur-Mer. Sur ce balcon, il y a mon père, mon oncle et ma modeste personne. Étant donné la beauté du clair de lune, on a permis au garçon de cinq ans que je suis d’assister à cette scène. À un moment, mon oncle dit à mon père : « C’est tout de même extraordinaire voilà des millénaires que nous admirons le clair de lune et personne n’a réussi à dire pourquoi… » Et le petit crétin qui est là, réplique aussitôt : « moi je saurai ! ». Bon, évidemment, il n’y est pas parvenu, mais rendons-lui justice, il a au moins essayé… Je rapporte un jour cette histoire à Louis Guilloux que j’aime beaucoup. Celui-ci m’écoute du haut de sa pipe et me dit avec l’air le plus méchant qu’il pouvait prendre : « Ah oui, jeune homme et la douleur des hommes ? ». Et, voyez-vous, cela a été pour moi une phrase clef. Il faut dire que pour ma génération, les années 40-45 ont été terribles. Nous autres Juifs nous n’étions pas exactement à la fête. J’ai toujours regretté de n’avoir pas un « talent engagé » et je n’ai jamais oublié cette phrase de Louis Guilloux, même si ma plume a toujours été plus encline au paysage qu’au personnage.
8Mais votre plume est voyageuse… Vous passez volontiers du paysage au personnage…
9Je suis plus et mieux inspiré par le paysage, plus à l’aise aussi, car le paysage ne cause pas. Il laisse causer. Tandis que le personnage, il cause, il s’exprime et dispose de cette chose insupportable pour un écrivain : le libre-arbitre. Vous vous trouvez dès lors dans une situation bien embarrassante où c’est à vous de décider pour un autre. Or, je ne suis pas Dieu et n’ai pas l’intention de l’être…
10Dans Tout sera paysage, on trouve beaucoup de matière littéraire, beaucoup de substances, de sensations… Vous écrivez comme un peintre. Vous abordez le paysage de manière très colorée et très tactile alors que vos portraits sont beaucoup plus nuancés. Vous procédez par petites touches pour évoquer l’aspect vivant de tel ou tel personnage. Vous êtes à la fois – et c’est là votre grande force – un portraitiste du paysage et un paysagiste de l’âme humaine. « Derrière chaque pays, précisez-vous, il est un arrière-pays qui parle une langue oubliée ». Vous êtes d’ailleurs toujours à la recherche d’un arrière-pays, quel qu’il soit.
11C’est vrai. J’y crois profondément. Et c’est cet arrière-pays qui nous réconciliera tous, non seulement avec les hommes mais aussi avec le vivant et l’inanimé. Ces deux livres sont très différents. La seule manière qui me permette de saisir un personnage, c’est tout bêtement le moment où il ne se contrôle pas, et où il se révèle le mieux. Ce sont les incidents, les inattendus de la vie qui nous mettent face à nous-même. Pour qu’un portrait soit réussi, il faut savoir cueillir l’anecdote. Cela vaut également pour le romancier. Le romancier se doit d’être aussi attentif au personnage qu’au paysage. Le cosmopolite que je suis a toujours oscillé entre ces deux pôles. Et c’est sur le tard que j’ai voulu cloisonner les genres et séparer très nettement ces deux registres littéraires. Il n’y a pour ainsi dire pas de personnages dans Tout sera paysage et très peu de paysages dans En amitié.
12Il subsiste néanmoins un personnage : l’hirondelle de Jean de la Fontaine dont vous citez ce vers : « Une hirondelle en ses voyages avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu, peut avoir beaucoup retenu ». Il y a dans votre livre cette idée d’une écriture en perpétuel mouvement et une réflexion sur le temps qui passe. Autre présence tutélaire : celle de Jules Supervielle. L’avez-vous rencontré ?
13Je l’ai vu et Marcel Arland m’a pas mal parlé de lui. Sinon ce vers de La Fontaine m’a beaucoup inspiré. Je le trouve très vrai. Dans tout sentiment sommeille un paysage. Et dans tout paysage il y a de la joie ou des larmes.
14Braque disait que de la racine à la fleur, il y a tout un chemin…
15Oui, cela s’appelle la vie.
16On ne trouve pas Marguerite Yourcenar dans votre recueil de portrait. Vous avez pourtant été l’un de ses premiers biographes…
17Son œuvre m’a beaucoup intéressé, mais je n’ai eu aucun rapport d’amitié avec elle. Cela dit, je continue à croire que c’est un écrivain important.
18Si j’évoque Marguerite Yourcenar, c’est que l’on sent dans Tout sera paysage la présence de la Grèce. Vous êtes sensible à cette géographie-là.
19C’est vraiment l’endroit où je me plais le mieux. J’ai la chance d’avoir depuis une cinquantaine d’années une petite baraque à Skyros. J’ai donc énormément aimé la Grèce. Je crois l’avoir comprise. Le paysage grec est toujours habité par la mythologie. C’est une terre originelle.
20D’où peut-être votre goût pour l’archéologie, les pierres, la lumière…
21Oui, la lumière c’est la vie. C’est une telle merveille… Vous savez, lorsque l’on prend de l’âge, les choses s’épurent. On découvre mieux ce que l’on a aimé. Mon premier livre commence par « Je suis né un jour de grand soleil. Ce soleil est resté dans mes yeux. J’en fus ébloui une fois pour toutes » (Blot 1956). En réalité, je suis né à Moscou un 31 mars. Il devait faire un temps ignoble, mais je me suis imaginé l’inverse.
22Êtes-vous attaché à l’Europe de l’Est ?
23Oui et non. Non, parce que j’en suis parti à l’âge de six mois. Ce qui fut certainement la décision la plus sage de ma vie. Oui, parce que lorsqu’on fuit quelque-chose, on y reste attaché. Mes parents ont quitté Moscou l’année même de ma naissance et j’ai été élevé en partie à Londres. Je garde néanmoins un lien profond avec ce pays. J’aime beaucoup la langue russe. Nombre de mes livres sont consacrés à des écrivains russes ou à des réflexions sur la Russie. Dans Tout sera paysage, j’évoque ce moment où tout d’un coup le communisme s’est effondré tel un château de cartes. Or, à cette époque, j’étais le secrétaire international du Pen Club et j’ai eu la chance d’aller dans les pays de l’Est pour y créer des Pen club défendant la liberté d’expression… Il subsiste dans ces pays un espace sensible que j’ai voulu saluer. J’espère qu’il en restera quelque chose.
24L’exil est très important dans votre œuvre. Exil politique, exil intérieur aussi. En dépit de cet exil, quelles sont vos filiations littéraires ?
25Proust, évidemment, Flaubert, surtout les Russes bien sûr, Tolstoï plus que Dostoïevski, Tchekhov, Nabokov, mais aussi des auteurs anglais et l’incontournable Shakespeare. Je suis à peu près trilingue. C’est à dire que je parle aussi bien (et aussi mal) le russe, l’anglais et le français. Cependant, la littérature relève à mes yeux de la langue française. Pour quelle raison ? Je me le suis souvent demandé et je ne suis pas sûr de l’avoir totalement élucidé. Lorsque je travaillais aux Nations Unies et à l’Unesco, j’ai beaucoup écrit en anglais, mais l’idée d’écrire des livres en anglais me paraissait impensable. En russe, c’était impossible. Le français a l’avantage de la clarté. C’est une langue admirable à laquelle je suis infiniment reconnaissant.
26Il y a un côté pastelliste dans votre écriture qui est très visuelle. On pourrait dire que chaque paragraphe est porteur d’un certain regard.
27En fait, ce que je cherche dans le paysage c’est sa signification. Cela peut paraître idiot de prêter un sens au paysage, mais c’est ma profonde conviction. Tout paysage a un sens. Lorsque vous conduisez, ce n’est pas le feu rouge ou le feu vert qui est décisif, c’est le signe qui en résulte. Quel que soit mon ressenti, j’impose un sens à ce que je vois, et c’est ce sens-là que je cherche. Claudel a écrit cette phrase : « Je suis venu pour écouter. » Et je suis aussi venu pour écouter et pour traduire ce que je vois.
28Vous êtes à l’écoute de vos yeux. Chacune de vos descriptions est une lecture visuelle…
29Il y a effectivement une lecture du paysage. C’est ce qui lui donne sens. Or, ce que le paysage nous dit ne se remarque pas toujours ou du moins pas tout de suite. Et lorsque cela se produit, vous dites « Ah ! ». Mais bien au-delà de l’évidence, il y a un secret que j’ai tenté de traduire…
30Voyagez-vous avec ou sans livres ?
31Du côté conjugal, on se plaint un peu du nombre de livres qui m’accompagnent. À vrai dire, le voyage a toujours fait partie de ma vie. À ma sortie de l’armée, j’ai eu la chance de commencer ma carrière aux Nations Unies. J’avais alors 22 ans et les Nations Unies m’ont envoyé en Grèce, en Extrême-Orient et en Amérique latine. Ensuite j’ai travaillé à l’Unesco où de nouveau je devais voyager. Ceci dit, j’ai beaucoup voyagé pour le plaisir de voyager. Et j’ai réussi, me semble-t-il, à toujours garder un œil sur le paysage.
32Comment avez-vous écrit Tout sera paysage ? S’agit-il de notes prises en cours de route ? D’impressions écrites sur le motif et réécrites a posteriori ?
33En général, j’écris sur place ou lorsque je m’apprête à quitter un lieu, en essayant de garder la fraîcheur du moment vécu. Ensuite, bien évidemment, je retravaille mes textes. Il y a souvent un intervalle de quelques années entre la prise de notes et l’écriture proprement dite. Comme l’hirondelle de la Fontaine, j’ai voulu savoir ce que voyager pouvait bien vouloir dire.
34Il y a aussi une interrogation sur l’écriture…
35Oui, c’est la vraie problématique.
36L’été, Jean Blot, vous vivez en mode insulaire, puisque vous rejoignez votre maison de l’île de Skyros. À vous lire, on a l’impression que chaque paysage est une île, un ilot de solitude propice à la rêverie ou à la méditation.
37Chaque paysage a sa personnalité. C’est même une personne à part entière. En ce sens, on pourrait dire que c’est une île. Or il y a dans toute île un mystère que je ne prétends pas avoir élucidé. Depuis près de cinquante ans, je passe mes étés dans cette petite île grecque. C’est très étrange mais à partir du moment où vous mettez le pied dans une île, le reste du monde semble ne plus exister. Pourquoi – alors que je parle affreusement mal le grec – me suis-je à ce point attaché à ce lieu ? Je n’en sais rien. Un tel phénomène ne peut se produire que dans une île… Mais il y a des îles qui sont infiniment tristes. Les îles de l’océan Atlantique sont insupportables de tristesse. Même Madère, qui est pourtant la merveille des merveilles, devient sinistre lorsque la nuit tombe. Dans les îles de la Méditerranée, il y a au contraire une forme d’apaisement qui correspond davantage au désir de se retrouver. Mais ce n’est sans doute qu’un a priori… En revanche, ce dont je suis sûr, c’est qu’il y a affectivement une manière d’habiter une île et que ce mode de vie n’existe nulle part ailleurs. L’île apporte quelque chose que je ne sais pas nommer, mais à laquelle je suis très sensible.
38Vous êtes toujours à la recherche de ce qui fait signe. À un moment donné, vous évoquez les nœuds des paysans et vous décrivez leurs gestes, leur façon de fabriquer des liens, ce qui n’est pas sans évoquer votre écriture qui fait lien, qui fait sens et se déroule un peu à la manière d’un fil d’Ariane.
39Oh ! J’aimerais bien que mes écrits laissent des liens aussi solides que ceux du paysan, mais de manière moins dissuasive. Car le nœud du paysan a été conçu pour empêcher telle ou telle bête du troupeau de franchir la clôture.
40En psychanalyse, on parle de nœud gordien, et vous, ce qui vous intéresse, c’est surtout de dénouer les nœuds : nœuds des origines qui nous lient (ou non) à un lieu, nœuds de l’espace-temps inhérents à notre histoire. Vous sentez-vous concerné par la notion de racine ?
41En russe, on dit que l’homme n’est pas un navet et qu’il n’a pas de racines. (rires). Moi je ne sais pas si je suis un navet (ou non), mais je n’ai pas eu la chance d’avoir quelque chose qui ressemble à des racines. Je suis Russe émigré en France, élevé en Angleterre, travaillant souvent ici ou là. Donc pour moi, la notion de racine est proprement inaccessible. Dans Les Cosmopolites, je raconte justement le destin d’hommes tels que moi. Si je peux rêver de racines, il m’est impossible d’en connaître le sens, puisque j’ai toujours été astreint au voyage.
42Vous avez été un marcheur. Et vous évoquez à maintes reprises le silence que cela induit, puisqu’il faut, dites-vous, trouver le juste équilibre entre marcher et parler.
43C’est l’un des bonheurs du marcheur. Plus il progresse, plus les choses apparaissent avec une précision qu’elles n’avaient pas auparavant. La marche a été l’une de mes plus belles expériences. Lorsque vous regardez là où vous poser les pieds, la pierre commence à vous parler, la terre aussi, même l’herbe a tout à coup une personnalité étonnante, on a l’impression de ne l’avoir jamais vue et l’on se demande où elle se cachait. Cette solitude, ce partage silencieux vécu au milieu des plantes, de la terre, de l’eau et des pierres, correspond, me semble-t-il, au rythme de la marche. Car on ne les voit qu’en marchant et en faisant l’effort de marcher. J’ai essayé à ma façon d’établir un lien entre le logos et le cosmos, entre le monde et la sensibilité. L’homme est un animal antinaturel dans le sens où il s’est construit contre la nature. Il en souffre, mais, de temps à autre, il éprouve le besoin de se confronter à la nature, de ressentir soudain qu’il lui appartient.
44Est-il essentiel, pour vous, de vous sentir en osmose avec le vivant et d’être au diapason du monde ?
45Oui. La marche m’a procuré des moments de bonheur intense et des instants qui furent entre guillemets quasiment « mystiques ». J’ai écrit un livre sur le mont Athos où j’ai séjourné à plusieurs reprises. Bien évidement dans un tel cadre, la nature est intacte et totalement préservée des hommes. On peut s’y promener des jours sans y croiser âme qui vive. Dès lors, tous nos sens sont en éveil et tout ce qui nous entoure est intensément vécu. Votre façon de vous déplacer devient naturelle et ne vous appartient plus.
46À ce sujet, voici ce que vous notez : « Écoute l’arbre et ses feuillages : ils te parlent de ton prochain ; vois la pierre, elle mime sa peine ; entends le ruisseau, il chante sa joie ; regarde le nuage, il raconte son rêve » (Blot 2015a : 18). Vous donnez des mots à cette nature, à ces moments de silence partagé…
47Ce serait impossible avec les personnages… Ils sont trop bavards. Je me sens plus à l’aise avec ce qui se tait. Mais je suis très heureux que vous ayez cité ce passage. Il est, intiment et moralement, très important pour moi. On pourrait en effet avoir le sentiment, quand on a vécu ce que j’ai vécu, que le paysage se défile ou qu’il finit par vous échapper, surtout lorsqu’on a été apatride, exilé et réfugié dans un autre pays que celui de ses origines. Ayant connu le déracinement, j’ai tout de même su reconnaître au sein même du paysage la condition humaine. C’est très réconfortant pour le cosmopolite que je suis. En dialoguant avec le paysage, je ne me trahis pas, je reste fidèle aux idéaux et aux combats de ma génération.
48Vous écrivez encore : « La pierre éblouissante est une consonne, la terre rougeâtre une voyelle et les mots se suivent sans rien me dire sinon le lien qui nous unit. Ils m’emportent vers le silence ébloui dont ils sont les fils et qui me rend heureux, doucement heureux, sans hâte ni exclamation » (Blot 2015a : 23). Il semblerait, Jean Blot, que vous soyez toujours à la recherche de cette unité première. L’unicité et la diversité du paysage vous confortent dans votre histoire.
49Tout à fait. Vous savez, c’est un peu une philosophie que l’on prête à tort ou à raison à l’antiquité grecque. Dans ce que l’on appelle le cosmos, il n’y a pour ainsi dire pas de distinction entre l’objet et le sujet, l’homme et la nature. Platon dit que si nous n’avions jamais eu d’étoiles, nous n’aurions pas pu en dire quoi que ce soit. Autrement dit : tout le savoir est affaire de sensations et toute sensation est sujet à réflexion.
50Sans oublier l’audace : « Osons, dites-vous, le mot, osons la pensée ». On sent, au cours de ces longues marches, que vous aimez vous confronter au vivant, que vous ne reculez pas devant la difficulté, même si ce n’est pas de tout repos…
51Dans la marche, essence et existence se confondent. Quand vous marchez, vous existez, votre fatigue vous rapproche de ce quelque chose d’indéfinissable que l’on appelle la vie, vous faites corps avec les éléments. En tous cas, cet élan, cette plénitude, cette constance dans l’effort m’auront rendu très heureux.
52Au cours de vos nombreux voyages, vous n’avez pas oublié l’Europe de l’Est. Vous écrivez notamment de Prague : « À Prague,, il y a vingt ans, si quelque chose en vous – la langue, le vêtement, le port, la mine, l’allure – révélaient l’étranger, personne ne vous entendait, ne vous parlait, ne répondait. Mieux ne vous voyait. Hormis les spécialistes appointés » (Blot 2015a : 41). Bref, vous évoquez à mi-mots les mystères de Prague et vous précisez plus loin que « Chaque ville a son secret » et que « chacune porte en elle une vérité » (ibid. : 43). Vous dépeignez l’âme de cette ville-mystère, dans l’obscurité de sa nuit… On sent combien vous avez aimé ce lieu.
53Oui, beaucoup. Ces extraits se réfèrent à un certain moment politique à cette période très particulière qui a suivi le Printemps de Prague et que j’ai intitulée « la Révolution de velours ». Les années qui ont suivi ont ravivé cette impression que l’on peut effectivement ressentir à Prague. Il y a un mystère dans cette ville. C’est un territoire complexe, à la fois trop vaste et trop restreint. Trop grand pour être une province. Trop petit pour être une nation. Et enfin trop civilisé pour adopter une autre culture. Et malheureusement trop faible pour imposer la sienne. Et ce paradoxe, cette dualité profonde, s’inscrit dans un lieu très particulier, dans un paysage très prenant, que l’on pourrait qualifier comme le chef d’œuvre du baroque. Prague est une ville d’énigmes avec un E majuscule ! On pourrait presque parler à son sujet de « ville-sphinx ».
54Vous rappelez qu’étymologiquement parlant, Prague signifie « Le Seuil » et vous évoquez ses « rêves captifs », comme si cette ville était éternellement « au seuil de l’intériorité » et captive de ses rêves. Y aurait-il un sortilège praguois ?
55C’est ce que j’ai cru ressentir. Le déisme est très présent à Prague ainsi qu’une part non négligeable de refoulé. Cette ville est très mystérieuse et extrêmement séduisante.
56Au sujet de Bucarest, vous faites référence à Ovide. « Ici, notez-vous, Ovide a chanté. Ici est né, ou tout au moins a pris forme, l’un des sentiments majeurs de notre civilisation : la nostalgie. Un jour peut-être, on fera l’histoire des sentiments. Ce jour-là, il faudra revenir ici ». Votre destination préférée semble être le « royaume du sensible », un espace mouvant que les fleuves incarnent selon vous à merveille : « Les fleuves, ajoutez-vous, s’en vont, s’en vont, s’en vont, si bien qu’on les dirait le signifiant de cette immense nostalgie. S’en vont comme nous nous en allons – ensemble et chacun pour soi » (Blot 2015a : 58). Cette route qui vous emporte, vous conduit tantôt vers l’énigme tantôt vers la clarté. Vous parlez même de « métaphysique de la clarté » et vous précisez ensuite que les voyages forment la vieillesse…
57En fait, tout forme la vieillesse. À condition d’avoir la chance ou la malchance de vieillir… Quand vous êtes jeune, vous êtes actif, vous participez à un mouvement du monde. Quand vous êtes vieux, vous n’y participez plus, et c’est à ce moment-là que les mouvements que vous avez faits antérieurement commencent à prendre tout leur sens. Enfin, pour ce qui est de la « métaphysique de la clarté » ou plus exactement de la « clarté métaphysique », ce que je voulais dire c’est que la métaphysique peut être de l’ordre de l’évidence. On est devant un paysage et l’on a l’impression qu’il est la clarté même. Ce sentiment de proximité immédiate est peu explicable en soi.
58Quels sont vos musiciens et compositeurs favoris ?
59Je suis très impressionné par Mozart. Je lui ai consacré un livre et il ne m’en a pas voulu ! (rires) Ses opéras m’ont offert mes plus grandes émotions, les bonheurs les plus durables qui m’aient été donnés de vivre. Je pense notamment à Don Juan et aux Noces de Figaro où il y a des passages absolument prodigieux. Il y a toujours du signifiant dans Mozart, même lorsqu’il paraît insignifiant. On a vraiment l’impression que sa musique est très explicite et que si vous ne la comprenez pas, vous n’avez qu’à vous en prendre à vous-même. La musique de Mozart parle directement à l’affect. Il n’y a pas de mots assez forts pour traduire ce qu’elle exprime et ce qu’elle nous dit est proprement angélique. Une amie m’a raconté qu’un jour Cortot lui aurait dit : « Vous savez, pour jouer Mozart c’est très simple, mon petit… Avez-vous déjà tenu un oiseau dans la main ? Et bien lorsque vous le ferez, vous sentirez son cœur battre. Et c’est ainsi qu’il faut jouer Mozart. »
60Peut-être est-ce aussi de cette façon qu’il faudrait écrire ?
61L’écriture, c’est tout de même plus violent.
62Dans En Amitié, on retrouve les écrivains que vous avez admirés et que vous avez eu la chance, pour certains, de fréquenter. Le premier d’entre eux, c’est Albert Camus que vous appelez d’ailleurs « Le prince de l’absurde ». Camus, dites-vous, était toujours très gentil avec ses interlocuteurs auxquels il déclarait souvent : « Vous le savez aussi bien que moi. » Camus avait toujours, selon vous, le sens inné de l’amitié.
63Oh, c’est mieux que le sens de l’amitié. Il a eu un sens de l’humanité. Voyez-vous, moi qui ne suis plus très jeune, il m’est impossible de l’évoquer sans avoir les larmes aux yeux. C’était un homme d’une qualité si grande, d’une présence si solaire, et d’une sensibilité si profonde, que pour une fois, l’homme dépassait l’œuvre… Je n’aime pas vraiment parler de Camus comme d’un écrivain, tellement j’ai de respect devant tout ce que j’ai connu (qui est très peu), ce que j’ai entrevu et qui, je l’espère, est beaucoup dans cet homme d’exception. Cela me rappelle cette phrase de Shakespeare dans Jules César. Quand Marc-Antoine apprend la mort de Brutus, voilà ce qu’il dit : « Sa vie fut noble, et les divers éléments étaient si bien mêlés en lui que la nature pouvait se lever et dire au monde entier “Celui-là était un homme !” ». Eh bien la seule chose que je puisse dire c’est que Camus était un homme !
64Votre rencontre avec Roger Caillois fut elle aussi très marquante. On a l’impression que ces grands disparus ne vous ont jamais quitté…
65Et je fais en sorte qu’ils ne me quittent pas. Effectivement, dans mes rêves, comme dans la vie, Roger se moque toujours un peu de moi… Et il a bien raison car il est tellement au-dessus de ce que j’ai pu faire ou écrire. Son rire, c’est sans doute sa façon à lui de me trouver sympathique.
66Vous avez eu une belle amitié avec Lawrence Durrell et vous citez cette phrase de lui que vous aimez beaucoup : « De nouveau, la mer est haute » (Blot 2015b : 115).
67Oui, cette phrase est un peu bizarre et a une sonorité très particulière. Il y a une résonnance inexplicable et inexpliquée dans l’écriture de Lawrence Durrel. Le Quatuor d’Alexandrie est vraiment une grande œuvre. Durrell a été mon ami. J’adorais la façon avec laquelle il parlait l’anglais. Il y avait une véritable musique dans son phrasé et l’homme était très séduisant, très différent des autres. Il incarnait à merveille un univers typiquement anglo-saxon que j’avais tout de même bien connu puisque j’ai passé mon adolescence à Londres. Si la Seconde Guerre mondiale avait été déclarée non pas le 2 septembre 1939 mais le 15 septembre 1939, je serais retourné en pension en Angleterre et je serais probablement devenu Anglais.
68À propos de Lawrence Durrell, vous écrivez : « Dans ses yeux de fleurs de montagne, je voulais lire son enfance au pied de l’Himalaya, imaginant le rêve que le spectacle leur imposait » (Blot 2015b : 125). Il y a eu une réelle connivence entre vous mais avec de l’humour et juste ce qu’il faut de distance pour un respect mutuel. « Ce fut, dites-vous, une amitié anglaise, pardon irlandaise, brillante par la surface mais à laquelle la profondeur était interdite par le refus de se prendre au sérieux » (ibid. : 123).
69Pour un Russe, se lier d’amitié avec un Irlandais est presque impensable. Tout les sépare, à commencer par l’humour. Quand vous discutez avec un Russe, dès la troisième phrase, il vous demande ce que vous pensez de Dieu, à la quatrième, c’est pire encore… Pour le Russe que je suis tout de même, mon amitié avec Durrell était totalement improbable, mais nous avons bien ri ensemble !
70Puisque nous évoquons la culture russe. Vous parlez abondamment de Nathalie Sarraute avec laquelle vous avez eu une longue et belle amitié. Vous dites qu’elle était tout intériorité alors que vous aviez la passion de l’extériorité. Donc, au départ, vous n’étiez pas forcément sur la même longueur d’ondes…
71Non, nous n’étions pas vraiment destinés à devenir amis. D’un point de vue littéraire, non plus, encore que… Je l’ai connue à la suite d’une chronique que j’avais écrite sur l’un de ses livres dans la Nouvelle Revue Française. Elle en a été très contente et nous avons lié amitié. Nous nous entendions très bien comme Juifs russes, même si Nathalie Sarraute faisait partie d’une autre génération. Ses parents avaient eu la chance d’émigrer un 1905, après la première Révolution alors que ma famille avait attendu 1917 avant de venir en France. Nos origines communes et nos parcours respectifs nous ont rapprochés. On s’entendait très bien. Il y avait entre nous un rire commun, un humour commun, quelque chose qui n’est pas facile de définir, une vision de la vie et une approche de l’autre spécifiquement russes.
72Pour décrire votre ami Denis de Rougemont, vous écrivez « Denis était un penseur, un philosophe, c’est-à-dire qu’il ne laissait rien passer de la vie sans le retenir ; pour y réfléchir et l’évaluer » (2015b : 184). C’est ce que vous avez fait à votre tour en tamisant des fragments d’existence.
73C’est encore plus ridicule que cela. Ce que je veux dire c’est que j’ai toujours eu l’impression qu’il est de mon devoir d’écrire ce que j’ai vécu. Cette obsession peut paraître un peu étrange, j’ai pensé à tort ou à raison qu’à partir du moment où une idée était écrite, elle existait, elle était quelque part, préservée du temps. Je sais bien que c’est absurde, mais mieux vaut avoir un absurde qui fait vivre qu’un absurde qui vous décourage. Et, à l’âge qui est le mien aujourd’hui, j’écris toujours, tous les matins, trois heures (ou plus) avec le plus grand bonheur. J’ai le sentiment, sans doute un peu naïf, qu’écrire contribue à rendre ce qui m’a été donné par la vie. Les écrivains ne meurent jamais tout à fait. Chacun de leurs livres témoigne de leur présence au monde !
Bibliographie
Références
- Blot, J. (1956) Le Soleil de Cavouri. Paris : Gallimard, Collection Blanche.
- Blot, Jean (2008) Mozart. Paris : Gallimard, Folio biographie.
- Blot, Jean (2012) Affaire de cœur. Paris : Éditions Pierre-Guillaume de Roux.
- Blot, Jean (2015a) Tout sera paysage. Paris : Gallimard, collection « Le sentiment géographique ».
- Blot, Jean (2015b) En Amitié. Paris : La Bibliothèque, collection « Les Cosmopolites ».
- Blot, Jean (2016) L’Histoire du passé, tome I : L’Égypte. Paris : L’Âge d’Homme.
- Blot, Jean (2017) Le rêve d’une ombre, Histoire du passé, tome II : La Grèce. Paris : L’Âge d’Homme.
- Blot, Jean (2018a) Histoire du passé, tome III : Rome. Paris : L’Âge d’Homme.
- Blot, Jean (2018b) Récits de jeunesse. Paris : La Bibliothèque, collection « Les Cosmopolites ».
- Blot, Jean (2019) Le séjour, I – L’enfance. Paris : La Bibliothèque, collection « Les Cosmopolites ».
Notes
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[1]
Interview réalisée dans les studios de Radio Libertaire, pour l’émission Bibliomanie, le 14 janvier 2016, à Paris.
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[2]
Du grec « rendre visible ». Substantif féminin : « Manifestation de ce que l’homme est en réalité » (voir Monier, Traité du caractère, 1946, p 208).