Notes
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[1]
E de li nostri sensi per li savii el vedere più nobile se conlcude.
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[2]
Onde non inmeritamente ancor da vulgari sia ditto l’occhio esser la prima porta per la qual lo intelletto intende e gusta.
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[3]
Traduction littérale d’un proverbe chinois.
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[4]
L’existence de la traduction anglaise de l’ouvrage de Morelli dans la bibliothèque d’Iwamura – désormais conservée dans le Musée de sculpture Asakura à Yanaka, Tokyo – a récemment été confirmée par Tanabe (2008 : 138). Soulignons qu’Iwamura se passionnait pour l’enthousiasme avec lequel Morelli s’était adonné à ses activités d’identification et de conservation du patrimoine artistique disséminé à travers toute l’Italie après le Risorgimento, activité qu’il commenta longuement.
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[5]
Le panorama très complet qu’a dressé Inaga de l’historiographie et de l’histoire de l’art japonais après la restauration Meiji mérite une lecture attentive.
L’Occhio si dice ch’è la prima portaPer la quale lo Intelletto intende e gustaLa Seconda è lo Audire con voce scortaChe fa la nostra mente essere robusta.
1C’est avec ces quelques lignes que Michael Baxandall conclut l’un de ses ouvrages les plus remarquables, L’Œil du Quattrocento (1985). Baxandall y défend l’idée que les formes et styles picturaux du quinzième siècle italien répondaient à l’expérience sociale de leur époque. Il y suggère parallèlement que l’interprétation de ces formes et styles picturaux pourrait en conséquence nous permettre de mieux comprendre les sociétés les ayant produits. De la sorte, nous pourrions envisager l’idée que les Italiens de la période auraient partagé des styles cognitifs similaires. C’est pourquoi il propose le concept de « l’œil de l’époque » sur lequel nous reviendrons.
2En 1509, le mathématicien Luca Pacioli, dont Léonard de Vinci fut l’ami et l’élève, publia sa théorie de l’art intitulée Divina Proportione, qu’accompagnaient des illustrations de Léonard. Il y écrit : « les sages en concluent que l’œil est le plus noble de tous les organes des sens [1] » ajoutant incidemment « c’est pourquoi n’ont pas tort ceux qui affirment que l’œil est la première porte par laquelle l’intellect apprend et goûte [2] » (Pacioli 1509: i.2 : 1v) – des mots qui renvoient ouvertement à la pièce de Belcari. Pacioli poursuit en s’en prenant au programme éducatif traditionnel, le quadrivium formé par l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie et la musique. Il soutient que « soit la musique devrait en être exclue, car elle est subordonnée aux trois autres, soit la perspective, c’est-à-dire la peinture, devrait y être incluse, et ce pour plusieurs raisons. » Et il ajoute : « S’il est dit que la musique comble l’oreille, l’un des sens naturels, la perspective comble l’œil qui est plus louable, car il est la première porte ouverte à l’intellect » (Pacioli 1509 : i.3 : 3r). Barasch (2000 : 135), à qui l’on doit une traduction partielle de ce passage, décréta que, à en juger par le contexte, cette phrase aurait pu être écrite par Léonard : or il est vrai que l’on trouve un passage similaire dans le Traité de la peinture de ce dernier (voir Kemp 1995 : 51-52 et Vinci 1803 : i, 25). Pour Léonard dans tous les cas, l’œil serait le dernier organe à être trompé : « l’occhio meno s’inganna » (Vinci 1803 : i, 25). Du point de vue de la théorie de l’art, la primauté de l’œil affirmée par ces théoriciens et artistes au détriment des autres sens, que l’on retrouve dans le traité Della pittura d’Alberti comme dans l’Éloge de l’œil de Léonard, reflétait clairement un désir de reconnaissance sociale de la part des artisans et artistes de la Renaissance. La plupart des artistes italiens des quinzième et seizième siècles attachaient en tout cas une grande importance à leur propre expérience visuelle du quotidien. Jusqu’à un certain point, cela était vrai également des gens du commun de l’époque, comme Baxandall a tenté de le montrer. Comme le dit le proverbe « voir, c’est croire » ou encore « Mieux vaut voir une fois que d’entendre cent fois [3]. » En conséquence, je définirai la Renaissance italienne comme une période de règne inégalé de l’œil.
3Cette période a produit nombre de traités sur l’art similaires à ceux mentionnés ci-dessus, ainsi que des textes d’obédience historiographique, en commençant par les Commentarii autobiographiques de Lorenzo Ghiberti (laissés inachevés à sa mort, vers 1455) et les Vies des plus grands peintres, sculpteurs et architectes de Giorgio Vasari (initialement publié en 1550, et revu et augmenté en 1568). À la même époque, une sorte de critique d’art commença, elle aussi, à émerger, comme en témoigne la parution du premier volume des Lettres de L’Arétin en 1538. Durant le règne des grands-ducs de Toscane au seizième siècle, Florence assista à l’inauguration des deux premières institutions artistiques d’importance dans le monde : l’Académie du dessin, en 1563, et la Galerie du grand-duc François 1er de Médicis, ouverte au public au deuxième étage du Palais des Offices en 1581. Ces institutions, en sus des Vies de Vasari, contribuèrent fortement à la promotion de la culture artistique de Florence et d’autres villes-États italiennes, à tel point que l’Italie resta désormais le centre artistique le plus prolifique et le plus foisonnant d’Europe. Ces institutions furent en outre essentielles à l’instauration de l’histoire de l’art.
4Compte tenu de ces circonstances, il ne fait aucun doute que l’histoire de l’art moderne est ancrée dans l’Italie du seizième siècle. Par la suite, au fil du temps, l’intérêt critique et historiographique envers l’art ne cessa de croître. L’on peut affirmer sans exagérer que, à l’instar des artistes créateurs d’œuvres d’art, ceux qui se sont consacrés à l’étude de l’art se sont principalement reposés sur l’œil, c’est-à-dire sur leurs propres expériences visuelles. Il s’agit là d’un point de référence fondamental pour la discussion qui va suivre.
L’histoire de l’art en tant que discipline
5Il a été montré de manière convaincante que l’histoire de l’art en tant que discipline académique fit ses débuts en Allemagne, plus précisément à l’université de Göttingen en 1799. En 1966, Udo Kultermann, un critique d’art allemand, publia son remarquable Geschichte der Kunstgeschichte, une histoire de l’histoire de l’art de Giorgio Vasari à Ernst Gombrich qui n’avait pas de précédent à l’époque et reste encore une référence aujourd’hui.
6Comme l’a judicieusement discerné André Chastel (1987 : 10), l’histoire de l’art, qui, en tant que discipline, était à son apogée dans les années 1910 avec le formalisme d’Aloïs Riegl et Heinrich Wölfflin, connut une régression dans les années qui suivirent pour se retrouver dans un état affligeant dans les années 1980. Mais, comme Chastel, je garde l’espoir que cet état ne soit pas devenu chronique. Il fut très probablement provoqué en partie par l’affirmation du modèle dit « linguistique » dans les sciences humaines et par l’entrée des disciplines linguistiques dans le domaine de l’histoire de l’art, un phénomène qui a investi les recherches universitaires dans les années 1960. On compte au nombre des principales méthodologies de l’histoire de l’art fondées sur le langage : l’iconographie et iconologie, l’histoire sociale ou marxiste de l’art, le féminisme, la psychanalyse ou approche psychanalytique de l’art, la sémiotique, le structuralisme et ainsi de suite (voir Belting et al. 1985 ; Hatt et Klonk 2006 : 95 s.).
7L’on doit également ce déferlement d’approches au fait qu’au cours des dernières années les historiens d’art ont élargi le champ des phénomènes visuels auxquels ils s’intéressent, ajoutant aux beaux-arts, tels que la peinture, la sculpture, l’architecture et les arts mineurs, tout un ensemble de nouveaux médias parmi lesquels les affiches publicitaires, les bandes dessinées, les dessins animés, la télévision, les jeux sur ordinateur… Une telle expansion du domaine traditionnel de l’histoire de l’art est en partie motivée par l’opinion que les méthodologies traditionnelles employées par cette discipline, y compris celles fondées sur le langage, peuvent accommoder, sans grosse difficulté, un plus large éventail d’objets d’étude. Mais cet élargissement s’explique également par la prolifération des travaux sur la culture « visuelle. » Ainsi, certains historiens de la culture, tels que Peter Burke et Carlo Ginzburg, ont très naturellement influencé la pratique de l’histoire de l’art (voir Ginzburg 1994, 1996 ; Burke 2001).
8Avant d’aller plus loin, je prendrai la liberté de définir dans mes propres termes l’œuvre d’art, cet objet auquel les historiens de l’art consacrent l’essentiel de leur travail. Une œuvre d’art se définit d’abord par ses formes, ses contours et ses couleurs. D’aucuns prétendent qu’elle n’a de sens qu’à condition d’être regardée. J’affirme néanmoins qu’une œuvre d’art possède une signification intrinsèque, voire, dans certains cas, plusieurs sens intrinsèques. Ceci me semble être le cas même s’il nous est objectivement impossible de pénétrer le(s) sens de l’œuvre faute d’avoir préalablement regardé et décodé (ou interprété) l’œuvre d’art à partir de son apparence visuelle et de son contexte historique. Les toiles des grands maîtres de la peinture nous permettront d’illustrer nos propos.
9Avant qu’un tableau de maître ne soit admis dans la pratique de l’histoire de l’art, il doit être identifié ; il fait l’objet d’une enquête permettant d’identifier ses origines historique et géographique, sa paternité ou son authenticité (afin de le distinguer d’une copie ou d’un faux). Sous l’action de figures comme Giovanni Morelli et Bernard Berenson, le connoisseurship émergea au dix-neuvième siècle, à peu près à la même époque où l’histoire de l’art était instaurée en tant que discipline académique dans les universités occidentales. À mes yeux, la pratique du connoisseurship demeure la base essentielle et indispensable de toute formation en histoire de l’art. Les méthodes traditionnelles à partir desquelles il a été défini, celles qui accordent la primauté à l’œil, ont connu des développements visant à permettre un examen visuel plus rigoureux de l’œuvre d’art. Un tel examen peut s’appliquer autant à des œuvres récemment réapparues sur le marché de l’art qu’à des toiles qui ont été mal identifiées et mal classifiées dans le passé. Grâce aux nouveaux moyens techniques et scientifiques d’analyse, telles que la dendrochronologie, la photographie aux rayons x, la réflectographie infrarouge et les analyses chimiques et spectrales, ce mode d’analyse continue à fournir des informations toujours plus utiles sur les différents tableaux. En dépit de ces contributions, le connoisseurship est néanmoins en déclin, sauf là où l’on continue à recueillir et classifier ces informations cruciales à l’histoire de l’art. En un sens, ce déclin résulte de la domination des méthodes fondées sur le langage dans le champ de l’histoire de l’art, étant donné que l’iconographie, la psychanalyse et d’autres approches de plus en plus dominantes, tels que la critique féministe ou marxiste, le structuralisme et la sémiotique, ne nécessitent pas d’accès direct à l’œuvre d’art. L’histoire de l’art ayant toujours été une entreprise pluridisciplinaire, on ne saurait pour autant sous-estimer les contributions que lui ont apportées les idées et théories développées dans d’autres disciplines, en particulier dans les différents domaines des sciences humaines.
10Il n’est donc pas surprenant que la critique historique ou la réévaluation des résultats obtenus par les auteurs mentionnés ci-dessus et par le connoisseurship en général aient nourri de virulents débats durant la phase de confusion que traversa l’histoire de l’art (voir Zerner 1978 ; Previtali 1978 ; Anderson 1987 ; Ginzburg 1983 ; Schwartz 1988 ; Ebitz 1988). Il fut alors fait grief aux méthodes démodées du connoisseurship de s’appuyer excessivement sur l’œil, l’intuition et l’expérience au détriment des critères intellectuels et documentaires de compréhension du texte. Cette critique visait tout particulièrement l’anhistorisme figuré par la méthode morellienne. Giovanni Morelli avait tendance à pratiquer une sorte de double détachement censé guider l’expert. Tout d’abord, il détachait la forme de l’œuvre d’art de son contenu (en réalité, il ne manifestait qu’un faible intérêt pour le sujet et la signification iconographique de l’œuvre). En second lieu, il se concentrait sur des détails minimes et insignifiants – tels le drapé d’un vêtement, le lobe d’une oreille ou la forme d’une main, détails qui échappent souvent à la conscience de l’artiste – qu’il jugeait plus révélateurs pour l’attribution d’un tableau que des caractères artistiques plus importants, tels que la composition, le style, la palette des couleurs…
11Il n’est pas surprenant que le connoisseurship ait été rapidement abandonné par les historiens de l’art « révisionnistes », qui examinaient leurs propres hypothèses à l’aune de méthodes empruntées aux disciplines linguistiques. Il est néanmoins indéniable que le connoisseurship a promu plusieurs aptitudes fondamentales à l’exercice de l’histoire de l’art : œil exercé, mémoire visuelle, sensibilité à la qualité et capacité à reconstituer le processus de création artistique. Avoir de l’œil, et surtout avoir un bon œil, exige un entraînement constant. La mémoire visuelle permet d’établir des comparaisons mentales, d’aiguiller la perception et de classifier l’œuvre d’art. Il devient alors possible d’élaborer la base concrète sur laquelle la structure conceptuelle et la pratique de l’histoire de l’art pourront s’appuyer. Aussi longtemps que nous souhaitons voir l’histoire de l’art différenciée d’autres formes d’histoire, le capacité de saisir la qualité des œuvres restera indispensable pour l’historien de l’art. C’est un point qu’a souligné Richard Offner (1951 : 24) lorsqu’il déclara que « l’histoire de l’art n’est pas une structure verbale, mais une structure physique », même si elle s’exprime à travers le langage. Notons que chaque individu regarde le même tableau d’un œil différent, avec son propre jugement esthétique et son interprétation qualitative. En conséquence, tout comme le sens d’une œuvre d’art varie selon ceux qui l’observent, l’interprétation qui peut en être faite est tout aussi variable. C’est là que, grâce à telle ou telle méthodologie, l’histoire de l’art peut permettre une meilleure compréhension de l’œuvre dans un contexte historique reconstitué par voie savante.
12Si l’historien de la culture tentait de regarder et d’interpréter une œuvre d’art qui aurait été préalablement étudiée et analysée par un historien de l’art, il est possible qu’une polémique survienne entre ces deux types d’érudits. Un exemple notoire d’une telle polémique fut l’affaire Guidoriccio. La controverse s’éleva sur deux opinions divergentes concernant le « Guido Riccio à Montemassi » peint dans la salle de la Mappemonde du Palais Public de Sienne. Cette controverse fut lancée en 1977 par Gordon Moran, un spécialiste américain en art médiéval, et connut un tournant en 1980, lorsqu’une nouvelle fresque fut découverte plus bas sur le même mur. Les conclusions de Moran furent appuyées par Michael Mallory et continuèrent de faire l’objet des commentaires d’historiens et d’historiens d’art jusqu’à la fin des années 1980 (voir entre autres Moran 1977 ; Moran et Mallory 1981-1982 ; Moran 1981-1982 ; Seidel 1982 ; Bellosi 1982 ; Ragionieri 1985 ; Mallory et Moran 1986 ; Martindal 1986 ; Bellosi 1987 ; Torriti 1988). Mallory et Moran (1986 : 250) déclarèrent que le « Guido Riccio n’est ni une œuvre avérée de 1330, ni de Simone [Martini] ni du Trecento ». Ils parvinrent à cette conclusion en se basant exclusivement sur la révision et la réinterprétation des sources documentaires et en avançant de nouvelles preuves qu’ils venaient de découvrir. Le Congrès international Simone Martini, qui se déroula à Sienne en 1985, devint la scène brûlante de la polémique sur le Guido Riccio. À la conclusion des séances, Ferdinando Bologna fit une déclaration éloquente et mémorable sur la déclaration de principe à laquelle sont soumis les historiens d’art : « ce ne sont pas les documents qui authentifient les œuvres d’art, mais les œuvres d’art qui authentifient les documents » (Bologna 1988 : 240).
13Incidemment, le Japon a connu une controverse similaire concernant la date et la paternité des deux exemplaires les plus célèbres de paravents représentant la ville de Ky?t?, connus sous le nom de rakuch? rakugai-zu (????? : littéralement, « Scènes dans et autour de Ky?t? »). Cette polémique prit la forme d’un débat entre l’historien Imatani Akira et le célèbre historien d’art Tsuji Nobuo durant les années 1980. La plupart des historiens d’art japonais estimaient que ces deux paravents avaient été peints dans les années 1560 ou 1570 par Kan? Eitoku, peintre officiel d’Oda Nobunaga. Imatani suggéra néanmoins que les paravents Uesugi reflétaient le plan de la capitale, telle qu’elle se présentait à compter de 1547, réfutant du coup les interprétations qu’avaient tirées les historiens d’art des sources documentaires se rattachant aux paravents. Il affirma qu’il fallait les considérer comme des shinkei zu (???), des « vues réelles ou exactes » du paysage existant. Tsuji soutenait en revanche que même des shinkei zu pouvaient inclure des interprétations imaginaires et fantasques de l’ancien paysage médiéval, soulignant le caractère subjectif des deux œuvres et insistant sur l’ouverture d’esprit requise pour interpréter les documents rattachés aux paravents (voir Imatani 1984 ; Tsuji 1986 ; Imatani 1988).
14La déclaration de Bologna sur l’authentification prône l’apprentissage du regard. Elle suggère que les étudiants en histoire de l’art devraient commencer par observer attentivement les œuvres d’art, de manière à développer leur œil, leur mémoire visuelle et cultiver leur sens de la qualité. Inutile de dire que les artistes et créateurs ne partent jamais du néant. Cette considération élémentaire permet aux étudiants en histoire de l’art et en connoisseurship d’acquérir une connaissance croissante de chaque œuvre, non seulement par le biais de comparaisons morphologiques et stylistiques avec d’autres œuvres connues, mais aussi en s’efforçant d’insérer ces œuvres dans le contexte géographique et/ou historique au sein duquel il est probable qu’elles aient été créées.
15Bien entendu, l’aptitude à juger de la qualité d’une œuvre d’art n’est pas la prérogative de la seule histoire de l’art. Le discernement et l’interprétation qualitative sont également cruciaux pour la philosophie de l’esthétique. Les différences entre ces deux disciplines ne sont néanmoins pas négligeables. Si la première a pour objectif d’inclure les résultats d’un tel discernement dans un contexte historique ou géographique donné, la seconde, qui s’intéresse davantage aux spécificités universelles de la perception du beau et à l’histoire du goût, tend à utiliser cette faculté sur un mode plus conceptuel ou anhistorique.
16En un mot, l’histoire de l’art est tout simplement une discipline humaniste qui, en commençant par l’observation minutieuse et attentive d’une œuvre d’art ou d’un objet visuel particulier, s’applique à dresser la carte historique et géographique, et si possible mondiale, de l’art. Il n’est pour autant pas certain que l’on puisse parvenir à dresser la carte complète de l’art à l’échelle globale, sur laquelle nous serions en mesure de nous pencher abstraction faite de tout préjugé d’ordre historique ou géographique. C’est un fait que la méthode adoptée par tel ou tel historien de l’art dépend des motifs qui le poussent à s’intéresser à telle ou telle œuvre et des interrogations auxquelles il va la soumettre. Il est inévitable qu’il ait recours à des méthodologies variant selon ses objectifs. Aucune méthode ne pouvant assurer l’interprétation exhaustive d’une œuvre d’art, la création d’une carte mondiale de l’art semble vouée à l’impossible.
17À partir des années 1980, c’est-à-dire durant la phase de confusion qui a affligé l’histoire de l’art, une tendance bipolaire s’y est manifestée. On constata d’un côté l’émergence chez les savants d’une préoccupation que l’on pourrait appeler « études globales de l’art » (world art studies) ou « histoire globale de l’art » (world art history) ; de l’autre, on vit apparaître une pratique à vocation régionale, une forme traditionnelle d’histoire de l’art se réclamant des méthodologies d’analyse, d’interprétation et de narration propres à l’histoire de l’art occidental. Cette seconde tendance a été de plus en plus marquée par l’adoption, au niveau local, de termes techniques, conceptions et procédés historiographiques « autochtones. » Mais, malgré la prolifération des thèmes auxquels se consacrent les historiens de l’art aujourd’hui, l’iconographie reste une approche incontournable du travail savant.
18James Elkins a récemment tenté de formuler cinq arguments favorables et cinq arguments opposés à l’idée que l’histoire de l’art constitue, ou puisse constituer, une initiative unitaire et cohérente à l’échelle mondiale. Il exposa ces arguments lors de la présentation d’un colloque d’art intitulé Is Art History Global ?, qui se déroula sous forme d’une table ronde informelle à l’University College de Cork (Elkins 2007 : 3-23). Il conclut son intervention en soutenant que les cinq arguments favorables à la notion d’une histoire de l’art à l’échelle mondiale l’emportaient sur les arguments adverses et que l’histoire de l’art était effectivement en passe de devenir une entreprise globale. Je ne voudrais en aucun cas démentir cette perspective. Pourtant, Elkins souligne avec justesse qu’il n’existe pas de tradition non occidentale de l’histoire de l’art, si l’on entend par cela une tradition qui s’appuierait sur ses propres argumentations et stratégies interprétatives.
19Il importe de reconnaître qu’une histoire de l’art à vocation globale comme à vocation régionale comporte, dans les deux cas, un certain nombre de limitations pour la recherche savante. Tant que l’histoire de l’art est introduite comme discipline académique dans un pays ou une région comme l’Australie ou l’Asie de l’est, même une approche régionale ne pourra fonctionner correctement sans avoir recours à des méthodologies occidentales telles que l’analyse formelle, l’iconographie et la périodisation. Parallèlement, comme l’a souligné Elkins, une approche globale court le risque de dissoudre l’histoire de l’art dans des « études visuelles » ou des recherches sur les cultures visuelles comme celles que l’on a évoquées plus haut. Le soutien que les gouvernements accordent à cette approche à l’échelle nationale comme régionale risque de mettre à mal l’histoire de l’art comme discipline académique indépendante.
20Il ne fait guère de doute aujourd’hui, comme le répète Elkins (2007), que l’histoire de l’art est tributaire des schémas conceptuels occidentaux. Elkins fait mention d’un certain nombre d’efforts récents visant à contester « l’occidentalité » de l’histoire de l’art à partir d’une pluralité de perspectives. Parmi les plus ambitieux, il évoque une publication particulièrement intéressante, Real Spaces, le maître ouvrage de David Summers (2003). Elkins estime que ce livre représente l’unique tentative récente d’écrire une histoire mondiale de l’art sans prendre la chronologie comme principe organisateur de base, tout en introduisant de nouvelles notions ou en reformulant d’anciens concepts susceptibles d’être appliqués à l’art créé où que ce soit dans le monde. C’est un ouvrage qui comporte un haut degré d’abstraction. Il tente d’établir un cadre conceptuel permettant de considérer toutes les traditions culturelles sur un pied d’égalité. Parallèlement, il s’efforce de tenir compte de et de comprendre les oppositions et conflits existant au sein des cultures et entre elles. L’idée principale de Summers consiste à remplacer le concept occidental moderne d’« arts plastiques » par la notion d’« arts spatiaux. » Le concept d’espace est à son tour articulé en espace coordonné, espace métaoptique, espace métrique, espace personnel, espace réel, espace social, espace du spectateur et espace virtuel. Elkins s’interroge sur la pertinence du concept d’espace réel, qui donne son titre à l’ouvrage, pour l’art de la pré-Renaissance et pour l’art non occidental : et il conclut à juste titre que le concept d’espace constitue un point de départ problématique pour une analyse historique de l’art cherchant à jeter un pont entre les cultures occidentales et non occidentales.
21Plus problématique encore est l’argument basé sur « l’hypothèse de la relativité linguistique », selon lequel le langage posséderait une structure universelle donnant lieu à une expérience partagée du monde. En réalité, les historiens d’art doivent constamment prêter attention aux langages propres à chaque culture et s’efforcent de comprendre les œuvres d’art au travers de concepts déjà utilisés par leurs créateurs et leurs premiers spectateurs. En dépit de sa nature multilingue, le livre de Summers néglige de manière spectaculaire les langues non occidentales. Cette lacune limite la portée d’un ouvrage par ailleurs ambitieux et qui prétend trouver « le moyen d’aborder autant d’histoires qu’il est permis et autant que possible dans leurs propres termes, afin d’ouvrir la voie à de nouvelles discussions interculturelles » (Summers 2003 : 12).
22Une seconde proposition intéressante en faveur d’une étude globale de l’art est celle récemment avancée par John Onians (2007). Il l’a baptisée « neuro-histoire de l’art » (neuroarthistory). Onians s’est toujours intéressé aux origines de la création artistique depuis le perspective de la biologie neuronale ou neuroscience. Cet intérêt dérive de sa conviction que la culture ne peut jamais expliquer les raisons pour lesquelles une œuvre d’art a vu le jour, et l’a conduit à défendre l’idée que les origines de l’art puisent manifestement dans la biologie du créateur artistique, et particulièrement dans sa neurobiologie. Onians a été encouragé dans cette voie par les développements récents de la neuroscience, tels que la découverte de différents groupes de neurones et de leurs « champs réceptifs », de la « plasticité neuronale » du cerveau et ainsi de suite. Il a expliqué ailleurs les raisons pour lesquelles l’utilisation des neurosciences pouvait présenter nombre d’avantages pour l’étude de l’art. L’aspect théorique de son argument n’est pas sans intérêt :
L’une de ces raisons tient au fait que si les explications culturelles ne peuvent s’appliquer que culture par culture, les principes de la neuroscience sont applicables à toutes les populations, de la préhistoire à aujourd’hui.
Une autre tient au fait que si les explications culturelles sont en compétition les unes avec les autres, les marxistes avec les freudiennes, les positivistes avec les postmodernes, de sorte que si vous en acceptez une, vous rejetterez probablement les autres, la neuro-histoire de l’art est foncièrement inclusive. Étant donné que toutes les explications culturelles formulent des suppositions quant à la manière dont opère l’esprit humain, la neuroscience est en mesure de les étayer toutes.
La neuro-histoire de l’art ne remplace pas les autres approches ; elle les complète. Il ne faudrait pas non plus penser que la neuro-histoire de l’art cherche à imposer un cadre théorique européen au reste du monde.
24Comme le précise Onians lui-même, la position qu’il adopte vis-à-vis de l’histoire de l’art doit beaucoup à son maître, Ernst Gombrich, ainsi qu’à son élève le plus éminent, Michael Baxandall. L’un comme l’autre se sont intéressés à la psychologie de la perception et ont étudié la physiologie de l’œil et de la rétine, comme le montrent L’Art et l’illusion et surtout The Sense of Order de Gombrich, ainsi que l’Œil du Quattrocento de Baxandall. Au moment d’introduire la notion d’un « œil de l’époque », basée sur l’idée que l’appareil neuronal différencie chaque individu, ce dernier explique :
Le cerveau doit interpréter l’information brute sur la lumière et la couleur qu’il reçoit des cônes, et cela à l’aide de capacités innées ou acquises par l’expérience. […] Mais du fait que chacun de nous a connu une histoire particulière, les savoirs et les capacités interprétatives diffèrent d’un individu à l’autre. Chacun traduit en fait le donné transmis par l’œil avec un équipement différent.
26Cette conviction l’amène à affirmer dans sa préface que « les dispositions visuelles élaborées au cours des expériences de la vie quotidienne dans une société donnée deviennent un élément déterminant du style du peintre » (Baxandall 1985 : 7). Onians s’aventure beaucoup plus profondément au cœur du cerveau, jusqu’aux deux réseaux neuronaux qui associent les réponses sensorielles aux réponses motrices. Il s’intéresse également aux maillons chimiques à l’origine de la plasticité du cortex cérébral.
27Cette sorte de déterminisme écologique alimenté par les progrès des neurosciences mérite une sérieuse considération. Les nouvelles découvertes à propos de la plasticité synaptique montrent que l’exposition prolongée à certaines formes de conditionnement visuel mène à réorganiser les connexions synaptiques et peut déterminer des configurations particulières d’aptitudes visuelles. Il a été démontré que la plasticité du cerveau ne s’arrête pas aux premières phrases de son ontogenèse, mais s’accorde et s’ajuste constamment en réponse aux stimuli visuels et empiriques auxquels il est soumis. Ces recherches suggèrent que notre manière de regarder et interpréter les objets qui nous entourent est déterminée par notre structure neuronale et l’influence à son tour. Cette plasticité synaptique s’accorde avec l’idée de styles cognitifs spécifiques, semblables à ceux qu’engendre « l’œil de l’époque » de Baxandall, que l’on pourrait par la suite associer aux différentes cultures, à certains groupes démographiques, voire à certaines couches sociales.
28Indépendamment de ses nombreux mérites, la neuro-histoire de l’art présente pourtant certaines limitations intrinsèques en vue d’une histoire globale de l’art. Non sans ironie, elle court même le risque de subsumer à des catégories abstraites plus larges, tel que l’art occidental, oriental, chinois ou japonais, la présence d’une tradition locale ou d’un « œil de l’époque » rattachés à un contexte historique et géographique particulier. De plus, les neuroscientifiques ont remarqué qu’au niveau de notre inconscient, nous sommes mentalement enclins à voir ce que l’on souhaite voir.
29Pour Onians, la neuro-histoire de l’art ne remplace pas les autres approches employées par l’histoire de l’art mais les complète. Lorsqu’il défendit la nature interactive du « dialogue » entre la statue reliquaire et le dévot dans l’occident médiéval, Scott B. Montgomery (2009 : 64, 112-115) cita en exemple la célèbre description de l’animation de la statue de Saint Géraud à Aurillac due à Bernard d’Angers : « Son visage était animé d’une si vivante expression, que ses yeux semblaient fixer ceux qui le considéraient et que le peuple prétendait discerner, à l’éclat de son regard, si la demande était exaucée » (Wagner 2004 : 251). À première vue simple exagération rhétorique, cette description pourrait être crédible si on l’interprétait à la lumière de la neuroscience. Imaginons un dévot du Moyen Âge contemplant la statue reliquaire de saint Géraud ; elle pourrait bien sembler vivante sur l’autel à la lueur des bougies vacillant sur l’or de la relique. Un tel éclairage pourrait faire croire au suppliant qu’il a vu briller les yeux de saint Géraud, renforçant de la sorte sa disposition mentale à voir ce qu’il désirait inconsciemment voir. De tels exemples vont dans le sens de l’argumentation d’Onians lorsqu’il défend l’intérêt de la neuroscience pour une histoire de l’art à l’échelle mondiale.
L’histoire de l’art au Japon : passé et présent
30Giacomo Agosti (1996 : 16) a attiré notre attention sur la manière par laquelle l’histoire de l’art fut introduite en Italie, remarquant qu’à l’origine cette discipline n’était pas enseignée dans les universités mais dans les Académie des Beaux-Arts. Cette anomalie put être due en partie au fait que, peu de temps après l’unification du pays, il fut jugé urgent par la nation de classifier et de cataloguer le patrimoine artistique particulièrement riche de l’Italie. Un phénomène similaire survint au Japon. Après la restauration Meiji en 1868, le Japon dut inventorier son patrimoine culturel et artistique, éparpillé dans les anciens temples. Cet effort fut entrepris, avec grand enthousiasme, par l’Américain Ernest F. Fenollosa, par Okakura et par d’autres. Fenollosa, que l’université de Tokyo avait invité en 1878, est responsable de l’introduction de l’histoire de l’art moderne au Japon. Outre les cours de sciences politiques, d’économie et de philosophie qu’il dispensait à l’université, c’était également un critique d’art et conférencier très actif, puis, à partir de 1884, l’auteur de livres et de comptes rendus d’exposition qui paraissaient dans des journaux anglophones tel que le Japan Weekly Mail.
31Le 12 novembre 1898, Fenollosa signa un curieux article intitulé The present exhibitions of paintings. Il s’agissait du compte rendu de la première exposition de tableaux organisée par les peintres de l’École des Beaux-Arts (???) fondée le mois précédent. Fenollosa y compare les efforts méritoires des peintres de l’École aux deux cents ans de développement de la Renaissance italienne, de Giotto à Michel-Ange. Il conclut son article par une expression d’admiration imprégnée d’historiographie de la Renaissance : « Il [Shimomura Kanzan] s’est indubitablement imposé et se tient maintenant à la tête de la nouvelle école de peinture nippone, comme le jeune Giotto domina naguère toute la peinture italienne… C’est le résultat concret de la prophétie lancée par le regretté Kan? Hogai avant sa mort en 1888 ; car si Hogai fut le Giunta Pisano de son école et [Hashimoto] Gaho son Cimabue, nous avons là, je le répète, notre Giotto » (Fenollosa 1898 : 489). Jamais plus une telle admiration ne fut manifestée dans l’histoire de l’art japonais.
32Okakura Kakuz? (plus connu sous le nom de Tenshin), un élève de Fenollosa, fut le premier à enseigner l’histoire de l’art moderne au Japon. De 1890 à 1892, il donna des cours sur l’histoire de l’art occidental comme sur l’histoire de l’art nippon à l’École des Beaux-Arts de Tokyo (connue aujourd’hui sous le nom d’université des Arts et de Musique de Tokyo). C’est à cette date que l’histoire de l’art s’établit comme discipline académique distincte au Japon. Quoique l’histoire de l’art ait été mentionnée dans le premier cours d’esthétique donné par Fenollosa en 1881, la première chaire d’esthétique, incluant l’histoire de l’art, ne fut créée qu’en 1893 à l’université de Tokyo. La chaire d’histoire de l’art proprement dite ne fut créée qu’en 1914. Dès le début, à l’École des Beaux-Arts comme à l’université de Tokyo, l’on enseigna et pratiqua deux formes d’histoire de l’art : l’histoire de l’art japonais ou d’Asie de l’est et l’histoire de l’art occidental. Leurs méthodes et terminologies étaient, et sont toujours, distinctes l’une de l’autre. Quoique ces deux disciplines existent depuis un certain temps et se soient considérablement développées, les échanges interdisciplinaires entre elles comme les études comparatives restent exceptionnelles.
33Prenons pour exemple l’introduction de la méthode morellienne du connoisseurship au Japon. Sauf erreur de ma part, il en fut fait mention pour la première fois dans un essai intitulé An urgent artistic business signé par Okakura dans le numéro 93 de ???? (Jiji-Shinp?), le 19 février 1908 :
À l’ouest, pourtant, il y a encore d’autres moyens de pratiquer le connoisseurship. Ils essayent par exemple de se faire leur propre jugement, particulièrement en comparant la touche ou le coup de pinceau ou le trait de dessin, c’est-à-dire les formes du nez ou des ongles, que l’on peut reconnaître dans le tableau qui est examiné. Il s’agit d’une nouvelle méthode développée par un certain Morelli. L’on peut aussi étudier une toile à partir des propriétés originelles des pigments et des matériaux utilisés pour la peinture.
35Iwamura Toru, maître de conférences puis, à partir de 1899, professeur d’histoire de l’art occidental à l’École des Beaux-Arts de Tokyo, était également critique d’art. En juin de la même année (1908) il fit paraître un commentaire explicatif sur la méthodologie de Morelli intitulé « La méthode d’authentification des tableaux anciens de Morelli » (« ????????? ») dans le premier numéro de la revue ?? (Kofu : Iwamura 1913). Il est très vraisemblable qu’un cours donné quelques temps plus tôt par Okakura sur la méthode du connoisseurship morellien fût à l’origine de cet explicatif. Iwamura affirma pourtant qu’il était lui-même familier de cette méthode depuis une quinzaine d’années (soit depuis environ 1893) et entreprit d’expliquer en détail la méthode de Morelli. Il est quasiment certain qu’il tira ses connaissances de la lecture de la traduction anglaise de Della pittura italiana, studii storico critici di Giovanni Morelli, qui fut publiée à Londres en 1892. Il conservait une copie de cette traduction dans sa bibliothèque et sa citation du terme technique anglais art morphology en lieu et place du mot allemand utilisé dans l’original nous prouve qu’il y fit référence [4].
36Certains spécialistes japonais ont défendu l’idée que la méthode morellienne pouvait s’appliquer avec succès à l’étude de la peinture japonaise. À partir des années 1930, par exemple, des historiens d’art tels que Tsuchida Kyoson et Doi Tsugiyoshi l’ont utilisée dans le but de différencier et d’individualiser la « manière » de Kan? Sanraku et celle d’Hasegawa T?haku, deux peintres célèbres du seizième siècle. Ils ont examiné tout particulièrement la « touche » des branches d’arbre sur les panneaux peints des temples de Daikakuji, Chishaku-in et Myorenji à Ky?t? (Tsuchida 1982 : 143). Ces efforts ne semblent pourtant pas avoir fait d’émules, dans les années qui suivirent, parmi les historiens d’art japonais. Comme le signale Okakura, ce phénomène est dû principalement au fait que des traditions locales hautement développées de connoisseurship existaient déjà au Japon, bien avant la transplantation de l’histoire de l’art moderne durant l’ère Meiji.
37Une approche originale et plus efficace fut adoptée par Matsuki Hiroshi, qui employa la méthode morellienne pour définir les distinctions entre les authentiques estampes sur bois ukiyo-e (??? : « image du monde flottant ») réalisées par Sharaku et celles faites par son copiste, dont l’identité véritable n’a jamais été révélée. Matsuki, inspiré par la description succincte mais éloquente que faisait Edgar Wind de la méthode morellienne dans Art et anarchie, développa son propre système pour identifier la physionomie de l’oreille dans les estampes de Shakaru. Il tenta ainsi de résoudre le mystère entourant la véritable identité de l’artiste (Matsuki 1985 : 130-141). Ce système permettait de constater que les oreilles dépeintes dans les représentations d’acteurs de kabuki (???) ou de lutteurs de sumo sur les estampes ukiyo-e de taille moyenne, réalisées aux alentours du onzième mois de 1794, étaient différentes de celles qui apparaissaient sur des estampes réalisées à d’autres périodes et attribuées avec certitude à Sharaku.
38Quoique certains spécialistes en histoire de l’art japonais ou d’Asie de l’est aient adopté, de manière sporadique, le langage savant ou les approches de l’histoire de l’art occidental, ces tentatives n’ont mené à aucune contribution de taille chez les savants japonais. Comme Inaga Shigemi l’a fait remarquer, « une résistance théorique au sophisme inhérent à la tentative de globaliser l’histoire de l’art a été clairement formulée par le pionnier de l’histoire de l’art japonais [c’est-à-dire Okakura Tenshin] au début du xxe siècle » (Inaga 2007 : 255 [5]).
39Je suis particulièrement séduit par une proposition concernant l’histoire comparée de l’art formulée par Jan Bialostocki (1982) lors du 24e Congrès international d’histoire de l’art tenu à Bologne en 1979. Intitulée « Une histoire comparée de l’art mondial est-elle possible ? », elle nous invite à élaborer une plate-forme de recherche commune en vue de collaborations et d’échanges entre spécialistes de différents pays dans le but de bâtir une histoire globale de l’art. Afin d’y parvenir, Bialostocki propose que nous puisions dans les divers modèles méthodologiques adoptés par les études comparatistes en littérature et en religion.
40Je défendrai brièvement l’utilité d’une histoire comparée de l’art. Doit-on la considérer comme une approche de plus ? Dans tous les cas, elle me semble susceptible de réduire l’écart existant entre histoires de l’art à vocation globale et à vocation régionale, en particulier eu égard à l’histoire de l’art japonais.
41Jusqu’à récemment, seule une poignée de spécialistes, surtout ceux en histoire de l’art occidental, ont sérieusement plaidé la cause d’une histoire comparée de l’art au Japon. En mars 2003, j’ai organisé une conférence intitulée Visioni dell’aldilà in Oriente e Occidente: arte et pensiero qui s’est tenue à la bibliothèque des Offices de Florence (Osano 2003). À la faveur du programme de recherche « Construction des études sur la vie et la mort en relation avec la culture et la valeur de la vie » du 21e centre d’excellence de l’école doctorale en sciences humaines et sociales de l’université de Tokyo, cette réunion nous fournissait une excellente occasion de promouvoir la recherche comparée. Inutile de préciser que la mort n’est pas un sujet limité à la biologie ; il s’agit d’un problème culturel dont la nature varie selon l’endroit et l’époque. Or, pour étudier les cultures visuelles orientales et occidentales, il semble judicieux d’adopter des méthodologies bien établies dans les domaines des littératures et des religions comparées.
42J’ai donc tenté de comparer les images de l’enfer décrites par Dante et Genshin, un exégète bouddhiste japonais du xe siècle (Osano 2003). J’ai essayé en particulier d’établir une comparaison entre les illustrations de l’Enfer de Dante réalisées par Sandro Botticelli et les rouleaux peints (??) faisant partie d’un ensemble appelé « Les Six Royaumes de l’Existence » (??) et inspiré par les Principes essentiels pour la renaissance dans la Terre pure (????) de Genshin. Je me penchais d’abord sur la géographie et la structure des illustrations, avant de poursuivre par l’analyse des différents tourments et de leurs causes respectives. Ce parallèle ne me semblait pas injustifié étant donné que les Principes de Genshin, comme l’a remarqué une fois Arthur Waley (1960 : 12), forment un traité « dantesque » qui décrit son sujet à la manière des arts visuels. L’enfer de Dante se présente sous la forme d’un cône renversé compartimenté en neuf larges cercles concentriques, tandis que les enfers de Genshin en contiennent huit, auxquels s’ajoutent des sites mineurs de torture. Les châtiments décrits dans l’enfer de Dante, comme le déclare l’inscription qui figure sur la porte de l’enfer, sont éternels, ce que ne sont pas ceux de Genshin. En Orient comme en Occident, les punitions sont infligées aux damnés selon la loi du contrappasso (par analogie ou par contraste). Dante estimait que les péchés dus aux appétences instinctives de l’homme ne méritaient qu’un léger châtiment dans les cercles supérieurs de l’enfer, alors que ceux qui avaient pour cause les méfaits des hommes entraînaient des supplices plus terribles dans les cercles plus profonds. Les damnés de Genshin en revanche sont destinés à être diversement punis selon leur incapacité à se libérer eux-mêmes, au cours de leur existence, de tous les attachements terrestres et à atteindre le nirv?na.
43Je comparais également la cérémonie rituelle du lit de mort (????, rinju gyogi), minutieusement décrite et recommandée par Genshin, à l’ars moriendi occidental. Les rouleaux peints qui forment la Biographie illustrée du prêtre H?nen (??????), classé « Trésor national » (fig. 1) dépeignent un tel rituel, durant lequel le moine Ryuken Risshi est assis en prière sur le point de quitter ce monde pour la Terre Pure occidentale de la Béatitude.
44On peut également comparer l’art occidental et l’art d’Asie de l’est en termes de leurs lexiques descriptifs, de leurs catégories esthétiques et de leurs critères de jugement esthétique. J’aimerais mentionner ici la manière dont ces deux traditions représentent l’ombre. Le mot japonais ? (kage : ombre) ne dénotait pas seulement l’âme ou l’esprit du défunt, comme ce fut le cas ab antiquo dans Le Dit du Genji (????, en particulier les livres 34 – ?? (?) : Wakana, 1 – et 49 – ?? : Yadorigi), mais se référait également à la figure de la personne absente, présente à l’esprit de ceux qui se languissaient d’elle. De telles significations nous font aussitôt penser à la similitude du portrait-souvenir. Le mot ?? (i’ei), un dérivé de ?, signifie « ombre laissée pour la postérité » et indique en même temps le portrait en mémoire du disparu.
45Comme le rapporte Pline, Butadès, un potier sicyonien, fut le premier à confectionner un buste de terre cuite en retraçant les contours de l’ombre projetée sur un mur par la silhouette d’un jeune homme dont sa fille était éprise (Pline, Hist. Nat. xxxv, 43). Une histoire similaire est rapportée en 1685 par Kurokawa Doyu dans son journal (????, Hinami kiji). Selon Kurokawa, quand mourut le célèbre moine zen Gensan Daishi, ses disciples demandèrent au peintre Awataguchi Ryuko d’en faire le portrait. Cette nuit-là, le défunt lui apparut en rêve. Au réveil, il trouva l’ombre du moine laissée sur un sh?ji (??), une porte coulissante en papier, et en traça les contours pour réaliser le portrait. À partir du début du dix-neuvième siècle, certains portraits étaient réalisés d’après les contours d’une ombre humaine. Ils étaient peut-être destinés à servir de portrait-souvenir comme l’auto-portrait d’une ombre réalisé par Tani Bunch? en 1834 (fig. 3). En termes d’effet artistique, ces images sont similaires à celles réalisées pour Johann Kaspar Lavater, mais leurs finalités sont foncièrement différentes. Il était rare que l’on représentât l’ombre projetée par une silhouette humaine ou un objet dans les tableaux japonais, à l’exception de certains cas délibérément exagérés et impressionnants. Pourtant, un genre pictural connu sous le nom de « tableaux d’ombres » (??) dans lesquels une silhouette ou motif était représenté sur des sh?ji ou en filigrane de portes coulissantes, était populaire auprès des artistes, à commencer par le mouvement ??? (ukiyo-e), en tant qu’expression de cet esprit jubilatoire qui caractérise l’art japonais (Tsuji 1986).
46La représentation de silhouettes évanescentes sur des portes coulissantes en papier n’était qu’une suggestion de l’image, conformément à une deuxième caractéristique de la peinture traditionnelle japonaise.
47On trouve une forme de suggestivité plus typique dans un genre de tableaux connus sous le nom de tagasode by?bu (????? : À qui sont ces manches ?). Il s’agissait de paravents dépliants représentant uniquement des vêtements ((??, kosode, ou ?, hakama) posés sur un portant à kimonos ou sur un paravent, en l’absence de toute présence humaine (fig. 4). Inspirés par les contes (??, monogatari) et poèmes (??, waka) traditionnels japonais tels que Le Dit de Genji, ces œuvres pouvaient fournir un moyen pictural de se souvenir de l’absent ou du défunt grâce à la contemplation des kosode qu’il avait coutume de porter. À cet égard, les tagasode by?bu rappellent certaines célèbres natures mortes de Van Gogh, tels que Les Souliers ou Vieux souliers aux lacets (fig. 5). Récusant l’interprétation purement philosophico-esthétique qu’en fit Heidegger, Meyer Schapiro réussit à démontrer à partir d’un point de vue sémiotique que pour Van Gogh les souliers dépeints sur ce tableau représentaient une part de sa propre existence, « une part de lui-même » (selon les termes de La Faim de Knut Hamsum, 1890). Schapiro (1968 : 203-209) évoquait à cet égard un épisode des plus émouvants concernant les chaussures de Van Gogh, que relate Gauguin dans ses souvenirs du temps où ils partageaient un logis en Arles en 1888. Autant les tagasode by?bu que les Souliers de Van Gogh constituent une formidable métonymie visuelle de la personne absente ou du propriétaire de l’objet dépeint.
Conclusion
48L’histoire de l’art japonais tend par sa propre nature à se dissoudre dans la mouvance des « Études de la culture visuelle. » En effet, les genres de la sous-culture contemporaine, tels que le manga et l’anime, sont profondément ancrés dans l’art visuel traditionnel japonais, et notamment dans les nombreux monogatari emaki (????, récits sur rouleaux) peints dans un esprit espiègle.
49À cet égard, elle risque d’avoir du mal à trouver sa place dans le contexte d’une histoire globale de l’art. Tous les cinq ans, le Ministère de l’Éducation, Culture, Sport, Science et Technologie du Japon, en coopération avec la Société japonaise pour la promotion des sciences, révise la liste des secteurs, branches, disciplines et sections ouvrant droit aux demandes de financement de la recherche. L’histoire de l’art fait partie aujourd’hui de la section « Esthétique et histoire de l’art », appartenant à la discipline « Philosophie » de la branche « Sciences humaines » du secteur « Sciences humaines et sociales. » En 2008, une nouvelle articulation disciplinaire consacrée aux Arts a été créée. Elle inclut une section appelée « Étude des arts, histoire des arts et art en général. » Il y a un réel danger que, lors de la révision de 2013, l’histoire de l’art soit reclassée sous cette nouvelle section. C’est uniquement grâce à une requête spécifique de la Société japonaise d’histoire de l’art (que je préside en ce moment) que l’histoire de l’art pourra être reclassée sous la discipline « Histoire », de manière à préserver son caractère propre, son indépendance et son avenir. Espérons dès lors que les approches comparatistes que nous avons esquissées aident à jeter des ponts entre les histoires de l’art occidental et japonais, telles qu’on les pratique à l’intérieur comme à l’extérieur du Japon.
50Traduit de l’anglais par France Grenaudier-Klijn.
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Notes
-
[1]
E de li nostri sensi per li savii el vedere più nobile se conlcude.
-
[2]
Onde non inmeritamente ancor da vulgari sia ditto l’occhio esser la prima porta per la qual lo intelletto intende e gusta.
-
[3]
Traduction littérale d’un proverbe chinois.
-
[4]
L’existence de la traduction anglaise de l’ouvrage de Morelli dans la bibliothèque d’Iwamura – désormais conservée dans le Musée de sculpture Asakura à Yanaka, Tokyo – a récemment été confirmée par Tanabe (2008 : 138). Soulignons qu’Iwamura se passionnait pour l’enthousiasme avec lequel Morelli s’était adonné à ses activités d’identification et de conservation du patrimoine artistique disséminé à travers toute l’Italie après le Risorgimento, activité qu’il commenta longuement.
-
[5]
Le panorama très complet qu’a dressé Inaga de l’historiographie et de l’histoire de l’art japonais après la restauration Meiji mérite une lecture attentive.