Diogène 2005/4 n° 212

Couverture de DIO_212

Article de revue

Femmes en Inde : législation et réalités

Pages 107 à 127

Notes

  • [*]
    Paula Banerjee : Professeur au Département d’Études de l’Asie du Sud-Est de l’Université de Calcutta. Elle a été Taft Fellow de l’Université de Cincinnati. Auteur de plusieurs travaux sur les déplacements forcés, elle a également travaillé sur la politique étrangère américaine en Asie du Sud-Est. En 2004, elle a co-dirigé le volume Internal Displacement in South Asia. En 2003 elle a été l’auteur de When Ambitions Clash: Indo-US relations from 1947 to 1974. Ses travaux sur la condition des femmes, les conflits et la démocratie en Asie du Sud ont été notamment publiés dans International Studies and Canadian Women’s Studies. Elle est actuellement responsable de la publication Refugee Watch.
  • [1]
    Aparna Mahanta, “The Indian State and Patriarchy”, dans T.V. Sathyamurthy (éd.), State and Nation in the Context of Social Change, New Delhi, OUP 1994, p. 88.
  • [2]
    Rite par lequel les femmes hindoues s’immolaient sur le bûcher funéraire de leur défunt mari (NdT).
  • [3]
    Susie Tharu & K. Lalita (éds), Women Writing in India: 600 B.C. to the Present, vol. 1, New Delhi, OUP 1991, p. 157.
  • [4]
    M. A. Ayyangar, “Resolution Regarding Position of Women Under the Existing Laws”, Legislative Assembly Debates, 12 avril 1939, p. 3674.
  • [5]
    Bhulabhai Desai, “Resolution Regarding Position of Women Under the Existing Laws”, Legislative Assembly Debates, 12 avril 1939, p. 3662.
  • [6]
    “Hindu Code”, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3628.
  • [7]
    B.R. Ambedkar, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3630.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Ibid., p. 3631.
  • [10]
    P. Sitaramayya, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3635.
  • [11]
    H. Mehta, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3643.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    N. Ahmad, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, pp. 3640-3642.
  • [14]
    Aparna Mahanta, “The Indian State and Patriarchy”, dans T.V. Sathyamurthy (éd.), State and Nation in the Context of Social Change, vol. i, New Delhi, OUP 1994, p. 95.
  • [15]
    Iqbal Ansari, “The Politics of Constitution Making in India”, dans Sheth and Mahajan (éds), Minority Identities and the Nation-State, New Delhi, OUP 1999, p. 114.
  • [16]
    Naziruddin Ahmad, Constituent Assembly Debates, vii, 22.11.1948.
  • [17]
    Mahavir Tyagi, Constituent Assembly Debates, vii, 22.11.1948.
  • [18]
    Pour une approche académique du genre dans les politiques de partition, Ritu Menon ET KAMLA Bhasin, Borders and Boundaries: Women in India’s Partition, Delhi, 1998 ; Urvashi Bhutalia, The Other Side of Silence: Voices from the Partition of India, Delhi, 1998.
  • [19]
    Paula Banerjee, “Refugee Repatriation: A Politics of Gender”, Refugee Watch No. 1, janvier 1998, pp. 8-9.
  • [20]
    Rameshwari Nehru Papers, Speeches and Writings, Sub. File n° 25, Nehru Memorial Museum and Library (Nmml), Delhi.
  • [21]
    R. Menon et K. Bhasin, “Abducted women, the State and questions of Honour”, Gender Relations Project Paper 1, Canberra 1993, p. 13.
  • [22]
    Jan Jindy Pettman, “Boundary Politics: Women, Nationalism and Danger”, dans M. Maynard et J. Purvis (éds), New Frontiers in Women’s Studies: Knowledge, Identity and Nationalism, London, 1996, p. 194.
  • [23]
    Nira Yuval Davis et Flya Anthias (éds), Woman – Nation – State, London, 1989, p. 6.
  • [24]
    Aparna Mahanta, “The Indian State and Patriarchy”, dans T. V. Sathyamurthy (éd), State and Nation in the Context of Social Change, cit., p. 94.
  • [25]
    Hindu Succession Act, 1956 Sect. 10, Rules 1 & 2, New Delhi, p. 5.
  • [26]
    Ratna Kapur et Brenda Cossman, Subversive Sites: Feminist Engagements with Law in India, New Delhi, Sage 1996, pp. 110-111.
  • [27]
    S. C. Consul, Citizenship Act, 1955, The Law of Foreigners, Citizenship and Passport, Allahabad, 1962, pp. 179-185.
  • [28]
    Cette phrase fut utilisée par un grand nombre de spécialistes qui ont écrit sur l’affaire Shah Bano, y compris Zakia Pathak et Rajeswari Sunder Rajan, “Shahbano”, dans J. Butler et J. W. Scott (éds), Feminists Theorize the Political, NY/London, Routledge 1992, p. 257.
  • [29]
    R. Kapur et B. Cossman, Subversive Sites: Feminist Engagements with Law in India, cit., p. 63.
  • [30]
    Abdulwahed Owaisi, Lok Sabha Debates, 23.8.1985, p. 399.
  • [31]
    Letter ouverte de Shah Bano du 2 novembre 1985, citée par Niraja Gopal Jayal dans Democracy and the State: Welfare, Secularism and Development in Contemporary India, Delhi, OUP 1999, p. 120.
  • [32]
    Entretien de Sona Khan avec Deepti Mahajan, 6.7.2004, New Delhi.
  • [33]
    Niraja Gopal Jayal, Democracy and the State, cit., p. 135.
  • [34]
    Geeta Mukherjee, “Progress of Indian Women in Social, Educational, Political and Economic Fields in the International Women’s Decade”, Lok Sabha Debates, 24.4.1985, p. 288.
  • [35]
    Jayanti Patnaik, ibid., p. 307.
  • [36]
    Hannah Mollah, ibid., p. 312.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Kishori Sinha, ibid., p. 318.
  • [39]
    Hannah Mollah, ibid., p. 314.
  • [40]
    Abida Ahmed, « Code of Criminal Procedure (Amendment) Bill », Lok Sabha Debates, 9.8.1984, p. 333.
  • [41]
    Jafar Sharief, Lok Sabha Debates, 19.11.1985, p. 7 (nous soulignons).
  • [42]
    Lok Sabha Debates, 5e session, 8e Lok Sabha, vol. j, 1986 xvii, Goi, New Delhi, p. 313.
  • [43]
    Zoya Hasan, “Gender Politics, Legal Reform, and the Muslim Community in India”, dans Patricia Jeffery et Amrita Basu (éds), Resisting the Sacred and the Secular: Women’s Activism and Politicized Religion in South Asia, New Delhi, Kali For Women 2001, p. 75.
  • [44]
    Madhu Kishwar, Off the Beaten Track, Delhi, OUP 1999, p. 135.
  • [45]
    Flavia Agnes, A Study of Family Courts in West Bengal, Rapport publié par la Commission des femmes de l’ouest du Bengale, septembre 2004, pp. 2-3.
  • [46]
    Sujata Dutta Hazarike, “Feminism as a Resource for Autonomy”, travail présenté lors de la conference What is Autonomy ?, Calcutta, 29 juillet 2005.
  • [47]
    Flavia Agnes, A Study of Family Courts in West Bengal, cit., pp. 6-7.
  • [48]
    R. Menon et K. Bhasin, Borders and Boundaries, cit., p. 255.
English version

1Tout débat sur l’autonomie des femmes en Inde doit remonter au xixe siècle. Par une conjoncture d’événements, c’est à cette époque que la question des droits des femmes a pris une place centrale dans les discussions sur les réformes sociales qu’ont eu lieu tant en Angleterre qu’en Inde. Les réformateurs avaient beau reconnaître qu’en Inde la condition des femmes devait être améliorée, bien souvent leur action n’était pas motivée par une quelconque notion de justice de genre ou d’égalité. Cette histoire est bien connue de par son caractère universel, mais il faut se souvenir que ces débats ont permis d’améliorer la situation de la femme en Angleterre et en Inde. Ils donnèrent lieu à une construction sociale spécifique du statut de la femme, qui était avant tout membre d’une communauté plus qu’individu. De ce fait la question de l’autonomie des femmes avait historiquement fait partie du droit religieux et personnel et par conséquent n’était pratiquement jamais traitée comme une question de droit individuel ou de justice. Encore à l’heure actuelle, l’autonomie des femmes reste captive du droit personnel et coutumier.

2Cet article abordera la question de l’autonomie des femmes en Inde et sa place dans le discours légal. À l’origine, les mouvements de femmes ont tenté d’analyser les questions de l’autonomie de la femme à travers leur situation par rapport à la loi. Cette situation dans la société est en général considérée à la lumière des lois régissant le mariage, le divorce et la propriété. À travers leur évolution, nous étudierons si ces lois ont accru l’autonomie de la femme ou si ce processus a ignoré ces questions d’autonomie, donnant lieu à une plus grande marginalisation de la femme au sein de la société. Nous partirons de la prémisse que les lois affectent différemment les femmes selon le contexte auquel elles appartiennent, ce qui est particulièrement valable dans le cas de l’Inde où le droit civil se heurte en permanence au droit personnel et coutumier. Par conséquent, pour mieux comprendre la situation de la femme en Inde, il faut comprendre l’évolution des lois, car elles représentent les premiers indices d’autonomie.

3Les débats sur l’autonomie des femmes ont toujours été associés aux problèmes des droits et de représentation. La société indienne n’a jamais traité la femme comme un sujet autonome. Les dispositions légales concernant les droits des femmes et leur représentation nous permettent de comprendre la position des femmes dans la société indienne. À l’époque postcoloniale, le discours officiel sur la femme indienne reste sous l’influence du discours colonial et de « la façon dont il a pénétré dans le discours nationaliste pendant la période précédant l’indépendance [1] ». Pour comprendre le discours colonial, il nous faut analyser les lois en faveur des femmes votées au xixe siècle sous l’impulsion des réformateurs. Le problème du genre était loin d’être une question exclusivement européenne. Il était réarticulé en permanence à travers une succession de réformes sociales, à commencer par l’abolition du Sati [2] et n’a pas cessé d’évoluer jusqu’à la législation sur l’âge du consentement (Age of Consent Bill, 1892).

4Tout a commencé par l’abolition du rituel du Sati en 1829, mais cela ne concernait que les femmes de religion hindoue. Plus ou moins à la même époque, apparut une division entre droit public et droit personnel. On a affirmé ce propos que « le droit public, établi par le biais de la législation, a été conçu pour encourager et protéger la liberté des individus dans l’espace public, tandis que le droit personnel était fait pour limiter le degré de la liberté [3]. » Du point de vue des questions de la femme, même les droits légaux (Statutory Acts) étaient considérés comme appartenant au domaine du droit personnel. Cela est clairement démontré par le Code des mariages (Indian Marriages Act, 1864). Ce Code évitait scrupuleusement toute modification des codes personnels hindou et musulman, se limitant à établir des procédures légales pour le mariage chrétien. D’autres lois telles que la loi sur le remariage des veuves hindoues (Hindu Widows Remarriage Act) et celle sur l’âge du consentement (Age of Consent Act) modifièrent les notions du mariage, du moins pour les Hindous, mais ne parvinrent pas jusqu’à inclure les questions du mariage dans le domaine civil. La loi sur la succession (Indian Succession Act) de 1865 fut un des premiers efforts pour systématiser le droit civil indien. Elle établissait que personne « ne doit acquérir par le biais du mariage un intérêt quelconque sur la propriété et la personne qu’il/elle épouse ». Elle remettait ainsi en question les droits des maris sur les biens de leurs femmes, mais ne prévoyait aucun versement de pension, ce qui mènera à la destitution de beaucoup de femmes. En outre cette loi ne s’appliquait pas aux Hindous, aux Musulmans et aux Parsis, dont les communautés étaient régies par une législation différente.

5En 1857, la première loi de divorce fut adoptée en Angleterre. Bien qu’elle ait été introduite suite aux pressions des groupes féministes, elle traitait les hommes et les femmes différemment ; les femmes ne pouvaient obtenir le divorce que sur la base d’un adultère aggravé, alors qu’il suffisait aux hommes de démontrer qu’ils avaient été victimes d’un adultère simple. La première loi de divorce en Inde (Indian Divorce Act) entra en vigueur en 1869. Les raisons sous-jacentes à l’adoption de cette loi ne visaient pas à garantir l’égalité des sexes, mais à permettre aux mariages célébrés en Angleterre d’être dissous en Inde. Il faut ajouter que la notion d’égalité des sexes avait déjà fait son apparition dans les discours politiques et légaux de l’époque. Par exemple, Sir Henry Maine, un des principaux concepteurs de ces lois, aurait fait des déclarations sarcastiques à propos de la partialité du Code civil Parsi qui stipulait que les héritières appartenant à cette communauté n’avaient droit qu’au quart de ce que recevaient les héritiers. Pourtant, aucun effort n’était réalisé pour traduire ces sentiments en dispositions légales pour les communautés indiennes. Même la loi sur l’âge du consentement (Age of Consent Bill) qui ramenait pour les femmes l’âge du mariage de 10 à 12 ans fut sévèrement critiquée par les leaders hindous, qui la considéraient comme un grave empiètement sur leur domaine « personnel », reléguant ainsi la question de l’autonomie de la femme au domaine personnel et au droit communautaire.

6Pendant la première partie du vingtième siècle, les débats à l’assemblée législative abordèrent également la situation des femmes ; en 1920 et 1930 s’y tinrent des discussions orageuses à propos de la situation de la femme hindoue. En 1939, deux projets de loi d’une importance cruciale furent présentés. Le premier concernait le droit au divorce des femmes hindoues (Hindu Women’s Right to Divorce Bill), le second instituait une commission d’enquête sur la condition des femmes. Les débats portant sur ces deux résolutions montrent comment étaient abordées les questions d’autonomie de la femme. G. V. Deshmukh, qui était à l’origine de ces résolutions, était souvent à court d’arguments pour expliquer qu’il avait consulté l’opinion religieuse orthodoxe. Personne ne mettait en question l’idée selon laquelle toute législation sur les femmes devait non seulement consulter mais aussi respecter l’orthodoxie religieuse. Des législateurs orthodoxes, comme M. Ananthasayanam Ayyangar, étaient fermement contre le fait d’encourager des changements dans la vie des femmes. Celui-ci s’opposait à l’attribution d’une pension aux femmes en cas de divorce parce que cela signifiait qu’elles recevraient de quoi vivre alors qu’elles ne vivaient plus avec leur mari. Selon lui, si les femmes se séparaient de leur mari, il ne voyait aucune raison pour qu’elles réclament une pension alimentaire, même lorsque leur conjoint leur infligeait de « mauvais traitements » :

7

Quand la femme a-t-elle droit à une pension ? C’est seulement lorsqu’elle veut se séparer de son mari que la question de la pension surgit. Y a-t-il un membre de cette Chambre, y compris son Président, qui soit prêt à admettre qu’une femme puisse vivre séparément de son mari, quand bien même celui-ci lui infligerait de mauvais traitements ? […] Il ne s’agit que de fantaisies. Ne laissons pas les femmes y croire [4].

8Certains membres du Parti du Congrès, tel Bhulabhai Desai, exprimèrent leur inquiétude quant au fait que, si la condition des femmes souffrait une trop grande modification, cela provoquerait un chaos semblable à celui qui avait investi la communauté Parsi : « Récemment, mes amis les Parsis sont allés aussi loin qu’ils le pouvaient et singulièrement quelque 300 femmes Parsis ont divorcé dès que la loi a été adoptée. Évidemment, elles n’attendaient que cela [5]. » Ainsi, la plupart des membres s’opposaient à tout changement pouvant avoir un impact sur la vie des femmes en tant qu’individus. C’était là le cœur du problème. Les femmes devaient être traitées comme une partie de la famille ou de la communauté, mais pas comme des individus. La loi sur la propriété des femmes hindoues (Hindu Women’s Right to Property Act, 1937) reconnaissait le droit des veuves, mais pas celui des filles, étant donné que la communauté des filles restait incertaine, puisque les femmes appartenaient à la communauté de leur mari. Même cette concession était considérée comme étant extrêmement radicale.

9Par conséquent, les termes du débat visant à instituer une commission d’enquête sur la condition des femmes changèrent rapidement. Il fut finalement accordé de nommer une commission chargé uniquement d’enquêter sur le statut légal des femmes. De surcroît, seules les femmes hindoues seraient concernées. Ces débats montraient que tout changement dans le statut des femmes dans la société n’était possible qu’à travers des moyens légaux. Aucune autre manière d’aborder cette question n’était prise en considération. En outre, de tels changements ne furent jamais considérés comme relevant du droit des femmes. Finalement, les femmes ne participaient quasiment jamais à ces débats, qui restaient réservés aux hautes responsables des communautés. Par conséquent, dans le discours officiel, l’autonomie des femmes n’était que très rarement abordée et était classée parmi les questions légales. Mais tout changement devait respecter l’aspect sacré du mariage, l’intégrité de la religion et ce qui était perçu comme la stabilité de la société.

10*

11Les débats de l’Assemblée constituante abordaient la question de l’autonomie des femmes à partir du droit des femmes. Même lors de l’élaboration de la constitution, la question était classée parmi les problèmes concernant les groupes minoritaires, mais n’était jamais considérée indépendamment des problèmes de la communauté. Le projet de Code hindou (Hindu Code Bill) envisageait des changements majeurs dans la situation de la femme hindoue et lorsqu’il fut présenté à l’Assemblée constituante, l’accent fut mis sur son objectif : « amender et codifier certaines branches de la loi hindoue [6] ». Il traitait des questions de succession, pension alimentaire, mariage, divorce, adoption et garde d’enfants au sein de la communauté hindoue : autant de matières qui relevaient traditionnellement du droit personnel. Ce projet de loi suggérait pour la première fois que les filles mariées devaient recevoir en héritage la moitié de ce que les garçons recevaient. Selon B. R. Ambedkar, qui le présenta, le changement « établi par ce projet de loi rend le nombre d’héritières largement supérieur à ce que prévoient le Mitakshara ou le Dayabhaga[7] ». Ces deux écoles de pensée légale, le Mitakshara et le Dayabhaga, faisaient preuve de discrimination envers les femmes en fonction de leur milieu – riches ou pauvre, mariées ou célibataires – ce que le projet de loi était supposé modifier.

12Grâce à ce projet de loi, les droits des femmes sur leur propriété devenaient absolus. Auparavant, la pratique voulait qu’une femme puisse profiter de sa propriété de son vivant, mais qu’après sa mort ses droits revenaient à la famille de son mari : la nouvelle législation lui octroyait les mêmes droits qu’un homme, elle pouvait donc disposer de sa propriété à son plein gré. Le projet de loi abolissait « le droit de la famille du mari à réclamer la propriété après la mort de la veuve [8] ». Il abolissait également le système des castes comme fondement du mariage et de l’adoption et, ce qui est plus important, il reconnaissait le principe de la monogamie. Il donnait enfin aux concubines le droit de réclamer une pension. Sur la question de la pension alimentaire, il posait à nouveau le problème controversé des droits de la femme à recevoir une pension même si elle ne vivait pas avec son mari. Pour justifier cette disposition, Ambedkar déclarait :

13

En vertu du Code hindou, une femme n’est pas en droit de réclamer une pension à son mari si elle ne vit pas avec lui. Ce projet de loi reconnaît cependant qu’il existe indubitablement des circonstances dans lesquelles les motifs de séparation d’une femme ne dépendent pas d’elle. Il serait injuste de ne pas les reconnaître et de lui refuser le droit à recevoir une pension [9].

14Le projet de loi établissait donc que les femmes étaient autorisées à réclamer une pension leur permettant de vivre séparées de leur mari si ce dernier souffrait d’une « maladie répugnante », s’il entretenait une concubine, s’il était coupable de cruauté, s’il avait abandonné sa femme pendant plus de deux ans, s’il s’était converti à une autre religion et si intervenait « toute autre cause justifiant qu’elle vive séparément ». C’était probablement la mesure la plus importante parmi celles qui étaient suggérées. Comme cela a été montré, le fait que les femmes réclament une pension, notamment dans les cas où elles vivaient séparées de leur mari, avait suscité de nombreuses protestations de la part des membres de l’Assemblée législative. Mais ce projet de loi était suffisamment audacieux pour ne pas s’en tenir à cette question et il allait jusqu’à déclarer que si une femme pouvait justifier sa décision de vivre séparée de son mari, elle avait le droit de le faire et de réclamer une pension. Il reconnaissait à la femme le droit de divorcer sous divers motifs, y compris la cruauté. Comme le signalait Pattabhi Sitaramayya, il s’agissait d’« une mesure progressiste de réforme dotée d’une vision ample, de longue portée et de nature radicale… [étant donné qu’elle] établissait les droits des femmes en matière d’héritage, de mariage, de propriété, de divorce et de liberté personnelle [10] ».

15Les femmes membres de l’Assemblée constituante jubilaient. Hansa Mehta s’en fit la porte-parole en félicitant Ambedkar pour avoir présenté ce projet de loi. Cependant, ajoutait-elle, si le Code abolissait la discrimination sexuelle pour l’héritage, il ne donnait que la moitié de la part du fils à la fille. « Cela est une violation du principe d’égalité sur lequel nous avons déclaré à maintes reprises que notre nouvelle Constitution serait fondée [11]. » Pour ce qui est de la question du mariage, elle se déclarait satisfaite que le principe de monogamie ait été reconnu : « si le Code voit le jour, le principe de la monogamie sera établi [12]. » Les femmes siégeant à l’Assemblée soutenaient ouvertement ce projet de loi, mais cela ne fut pas suffisant à le faire adopter.

16Les premières protestations provinrent des groupes orthodoxes et furent très vives. Naziruddin Ahmad, qui prenait la parole au nom de ses amis, prononça des critiques virulentes. Il est à noter qu’Ahmad n’appartenait pas à la communauté hindoue. Il déclara qu’il était contre ce projet de loi à l’instar de toute la communauté hindoue ; plus tard il précisa qu’il avait voulu dire « la fraction orthodoxe de la communauté ». Il expliqua que son opposition au projet de loi venait du fait que la communauté hindoue était contre et qu’il n’avait pas voulu « salir la cause de l’hindouisme orthodoxe ». Les Hindous étaient contre le droit des femmes à hériter de la terre à cause des risques de division des propriétés. Or les terres arables ne tombaient pas sous le coup de ce projet de loi. Finalement, il achevait ses récriminations en disant que le but des auteurs de cette législation était de créer une opinion publique en faveur des droits de la femme, mais que la législation devrait suivre l’opinion publique au lieu d’essayer de la pousser dans une direction. Naziruddin Ahmad affirmait que « certains secteurs ultra-modernes étaient d’accord, mais que les masses, ignorantes pour la plupart, restaient indifférentes à toutes ces décisions [13] ». Des déclarations de ce type étaient moins une exception que la norme. Il n’est donc pas surprenant que le projet de loi fut d’abord envoyé à une commission de sélection (select committee) puis que, le 31 août 1948, une motion en reporta l’examen à une session ultérieure. Finalement, il fut neutralisé par son inclusion dans les Principes directifs (Directive Principles). Selon Aparna Mahanta la « défaillance de l’État indien à élaborer un Code civil uniforme, adapté à ses déclarations démocratiques, séculaires et socialistes, montrait sa volonté de s’accommoder aux intérêts traditionnels d’une société patriarcale [14] ».

17Au moment où les droits fondamentaux étaient discutés, on prétendait que les débats portant sur la discrimination sexuelle n’étaient pas nécessaires puisque les femmes étaient présumées être discriminées en tant que membres d’une communauté et non pas pour une question de genre. Pour le Parti du Congrès, le droit à l’égalité était un principe établi depuis longtemps. Lors du Congrès de Karachi tenu en mars 1931, les dirigeants du parti avaient adopté une résolution selon laquelle le droit à l’égalité et à la non-discrimination devait être garanti pour tous. Cependant, lors des débats à l’Assemblée constituante, cette même hiérarchie refusait catégoriquement de légaliser cette égalité des sexes. Ce n’était rien de nouveau. Même Gandhi, alors qu’il promettait l’égalité aux minorités pendant la deuxième session de la « Conférence de la Table ronde » (Indian Round Table Conference) en octobre 1931, ignora complètement la situation des femmes en affirmant que les lois personnelles de toutes ces communautés resteraient inchangées [15]. Lors des débats de l’Assemblée constituante sur les droits fondamentaux, on déclara qu’il n’était pas nécessaire de mentionner le « sexe ». Ce sont les membres femmes qui insistèrent sur le fait que, dans le domaine des droits fondamentaux, le terme « homme » ne pouvait pas signifier en même temps les hommes et les femmes. La discrimination sur la base du « sexe » était interdite par la Constitution, et pourtant même ce débat ne pouvait pas scinder la question de la femme des questions des communautés. À partir du moment où la Constitution était reconnue comme point de départ du discours légal postcolonial, la question de la femme restait prisonnière des questions communautaires.

18Le débat sur le statut de la femme avait surgi sous une forme inédite lors des discussions de l’Assemblée sur l’article 31 de la Constitution, qui traite du droit à la subsistance. La clause (i) de cet article stipule que « les citoyens, hommes et femmes (devraient) de la même manière avoir accès à des moyens de subsistance appropriés ». Un amendement fut aussitôt proposé en argumentant que « les termes d’hommes et de femmes sont inutiles et redondants ». Lorsque l’on demanda au membre qui proposait cet amendement pourquoi cette précision lui semblait inutile, il répondit : « le masculin, c’est bien connu, contient le féminin », et il ajouta « si nous voulons établir clairement que toute loi doit s’appliquer à l’homme et à la femme de la même façon, et si nous devons le déclarer partout, alors cette expression sera utilisée inutilement à de nombreux endroits [16]. » En réponse à de telles déclarations, même des leaders bien connus comme Mahavir Tyagi affirmèrent que ce que l’amendement proposait était simplement une « amélioration de l’expression, une modification lexicale [17] ». Même si Ambedkar était contre cet amendement, Tyagi soutenait qu’il ne s’agissait que d’une modification sémantique, ignorant par là les implications politiques d’une telle rhétorique. Un tel mépris pour des questions qui, pour les femmes, étaient primordiales secondait souvent les intérêts religieux et ethniques. Cela apparut clairement lors du débat sur le Code hindou qu’on décida de placer dans la liste des Principes directifs, une façon de s’assurer qu’il ne serait jamais adopté même si, comme nous l’avons montré, Rajkumari Amrit Kaur et Hansa Mehta le soutenaient fermement. Les débats de l’Assemblée constituante prolongeaient la tradition d’ignorer la voix des femmes lorsque des questions les concernant étaient traitées.

19L’attitude de l’État indien envers les femmes fut révélée lors de l’affaire des enlèvements de femmes. La partition du sous-continent indien en 1947 donna sans doute lieu au plus grand mouvement de réfugiés de l’histoire moderne : environ huit millions d’Hindous et de Sikhs quittèrent le Pakistan pour aller s’installer en Inde, tandis que six à sept millions de Musulmans furent réimplantés au Pakistan. Ce déplacement de population se faisait dans une violence terrible. Environ 50 000 femmes musulmanes en Inde et 33 000 femmes non musulmanes au Pakistan furent enlevées, abandonnées ou séparées de leur famille [18]. Les expériences de migration, enlèvements et destitutions vécues par les femmes pendant la partition et les réponses fournies par l’État à cette occasion illustrent la relation entre la position marginale occupée par les femmes dans la politique de l’État et leur subordination par ce même État.

20L’Inde et le Pakistan se lancèrent dans un projet de récupération (Central Recovery Project) au cours duquel 30 000 femmes furent récupérées par leur État respectif. Certains incidents liés à ces enlèvements illustrent bien les politiques de genre appliquées pendant la partition. Les deux pays se limitèrent à préciser que les femmes enlevées devaient être rendues à leurs familles. Au cours de ce processus, des problèmes surgirent et un projet de loi portant sur les personnes enlevées (Abducted Persons Recovery and Restoration Bill) fut présenté au Parlement indien. De jeunes garçons de moins de 16 ans et des femmes de tous les âges tombèrent sous la juridiction de cette législation qui donnait un pouvoir illimité aux officiers de police. Si un officier de police arrêtait une femme en invoquant ce projet de loi, il ne pouvait être interrogé par aucun tribunal. Cela signifiait que les femmes avaient perdu tout pouvoir de décision sur leur personne. Leurs voix étaient ignorées et lorsqu’on les écoutait elles n’étaient pas prises en compte. En dépit des nombreux amendements proposés au Parlement, le projet fut voté sans modifications le 19 décembre 1949 [19].

21Selon Rameshwari Nehru, conseiller de gouvernement de l’Inde auprès du Ministère de la Réhabilitation, beaucoup de femmes enlevées faisaient preuve d’un grand manque de volonté à se séparer de leurs « ravisseurs » [20]. Ritu Menon et Kamla Bhasin ont remarqué que les femmes étaient

22

enlevées comme hindoues, converties et mariées comme musulmanes, récupérées comme hindoues mais sollicitées à renoncer à leurs enfants car ils étaient nés de pères musulmans, reniées comme ‘impures’ et ne pouvant pas être prises en mariage dans leur famille et leur communauté d’origine. Leurs identités étaient en permanence construites et reconstruites, faisant d’elles […] des ‘réfugiées permanentes’ [21].

23Aujourd’hui, beaucoup d’explications sont données à ce rapatriement forcé des femmes. Menon et Bhasin montrent combien l’honneur national était lié au corps des femmes. Jan Jindy Pettman considère que la question du rapatriement se changea en un projet nationaliste parce que les corps de femmes étaient devenus des symboles de l’honneur des hommes. Comme dans d’autres cas de nationalisme, les corps de femmes furent « inclus dans l’agenda [22] ». L’Inde revendiquait sa supériorité morale sur le Pakistan et ces revendications se basaient sur la capacité de l’État à protéger et à contrôler le corps des femmes. Des recherches récentes menées par des féministes ont démontré que « le citoyen » est une catégorie sexuée en analysant comment les femmes sont traitées inéquitablement par la plupart des états, notamment les états post-coloniaux, même lorsqu’ils accordent une garantie constitutionnelle à l’égalité des sexes [23].

24Les femmes enlevées n’étaient pas considérées comme des personnes possédant des droits politiques et constitutionnels. Tout choix leur était refusé. Tandis que l’État les soutenait verbalement en déclarant qu’elles avaient « besoin » de protection, il les infantilisait en confiant le pouvoir de décision à leur gardien, défini dans la loi par le pronom masculin « il ». En insistant sur le fait que les femmes enlevées ne pouvaient pas se représenter elles-mêmes et devaient être représentées, l’État les marginalisait du processus de prise de décision. La sexualité représentait une menace pour la sécurité des femmes enlevées et pour l’honneur de la nation. Leur vulnérabilité était enracinée à leurs corps. Ce corps mettait en danger les femmes : il devait donc être protégé et contrôlé. En refusant aux femmes enlevées la possibilité de se prendre en charge, l’État refusait aux femmes toute liberté de décider par soi-même, sous prétexte qu’il les protégeait. Aussi la loi de 1949 remettait-elle en question l’autonomie des femmes. Il s’agissait plus d’un mécanisme pour contrôler les femmes que pour les protéger. De fait, les familles de ces femmes refusaient souvent d’accepter ces rapatriements forcés, mais elles devaient malgré tout être ramenées chez elles. Il fallait montrer que les femmes appartenaient à leur famille, à leurs parents et à la nation, mais jamais à elles-mêmes. Dans un contexte de militance et d’activisme croissant des femmes à Tebhaga et au Telengana, et d’acquisition du statut de personne lors des débats de l’Assemblée constituante, cette loi apparaissait comme nécessaire pour symboliser leur position soumise et non seulement contester mais aussi refuser globalement leurs désirs grandissants d’autonomie.

25*

26La loi sur les personnes enlevées resta en application jusqu’en 1956. Les actions initiales de l’État contre toute reconnaissance des femmes comme acteurs sociaux et politiques à part entière, agrémentés de quelques mesures rectificatives, ont freiné l’activisme des femmes pendant longtemps. Le militantisme visible dans les mouvements des femmes travailleuses et dans les mouvements de Tebhaga et du Telengana appartenait au passé et des mesures légales renforçaient la position sociale des femmes en tant qu’épouses et mères. Ces mesures n’allaient pas au-delà de ce qu’un analyste a qualifié de « stéréotype des femmes comme utérus destiné à produire des bébés, comme bouches destinées à murmurer de gentilles futilités et comme bras destinés à bercer les nouveaux-nés [24] ». Le Code hindou (Hindu Law Code) qui comprenait la loi de succession hindoue (Hindu Succession Act) entra en vigueur en 1954-56. Selon cette loi, « la propriété des intestats devait être divisée entre les héritiers […]. La veuve, ou le cas échéant les veuves, devaient avoir droit à une part d’héritage. Les fils et les filles survivants ainsi que la mère d’un intestat devaient recevoir chacun une part [25] ». Pour la première fois, la loi reconnaissait aux filles le droit d’hériter de la propriété parentale.

27Bientôt cependant, des motions furent présentées pour restreindre le droit des femmes à hériter des terres arables, particulièrement dans la région du Pendjab, le cœur agricole de l’Inde. De nombreux leaders féminins rencontrèrent le Premier ministre du Pendjab pour exprimer leur désaccord quant à cette mesure et au fait que la loi sur le mariage hindou (Hindu Marriage Act) de 1955, qui donnait aux femmes et aux hommes le même droit au divorce sur la base de l’adultère, continuait à ne pas être appliquée. Il faut préciser que toutes les femmes indiennes n’étaient pas bénéficiaires de cette loi car les femmes appartenant à d’autres communautés restaient sous l’emprise de leurs propres lois. Par exemple, les femmes musulmanes continuaient à être guidées par les lois de la Charia de 1939 qui décrétait que les femmes ne pouvaient pas hériter de terres arables. Par conséquent, même les amendements légaux ne pouvaient pas pallier la position marginale des femmes dans une société où régnait une discrimination sociale rampante. Par exemple, dans le cas de la loi sur les mariages de 1956 (Special Marriage Act), les hommes et les femmes bénéficiaient des mêmes droits au divorce, basés sur la cruauté, mais dans la pratique les tribunaux ne faisaient rien pour modifier le paradigme patriarcal de « la bonne épouse ». Selon un observateur :

28

Considérer la cruauté comme un motif de demande de divorce était une mesure importante car elle élargissait les possibilités d’annuler un mariage difficile pour les hommes et les femmes. Cependant, les tribunaux interprétèrent ces motifs comme allant à l’encontre des normes correspondant à l’idéologie familiale. Lorsqu’ils s’appliquaient à la femme, cela équivalait à une évaluation morale de sa conduite en fonction de ce que devait être une bonne épouse et mère. Une épouse qui manque à ces devoirs conjugaux ? s’occuper et prendre soin de son mari ? encourt une accusation de cruauté [26].

29Les femmes ne purent contester le paradigme créé par l’État d’une bonne épouse que beaucoup plus tard. Le fait que le Code hindou (Hindu Law Code) ne remettait aucunement en question ce paradigme est évident dans la nouvelle politique d’éducation mise en place en 1959 par le gouvernement de l’Inde sous l’égide d’un Comité national pour l’éducation des femmes. Ce comité affirmait que l’enseignement susceptible d’intéresser les femmes devait porter sur les sciences domestiques, la musique, le dessin, la peinture, la puériculture… Cela ne différait guère de l’enseignement proposé en 1930, quand les colonialistes considéraient que le rôle principal de la femme était de veiller aux conditions de vie dans la maison et les nationalistes demandaient aux femmes d’être des compagnes dévouées de leurs maris. Ces nouvelles lois n’accordaient point d’égalité aux femmes. Leur application faussée montrait aussi que, tant que les droits des femmes dépendaient de ceux de la communauté, ils pouvaient facilement être corrompus.

30La loi sur la citoyenneté (Citizenship Act, 1955) démontrait à nouveau que le projet indien de formation de l’état se basait sur un discours en faveur de l’homme. Comme son nom le suggère, cette loi concernait les modes d’acquisition, de renoncement, de déchéance et de privation de la citoyenneté. Bien qu’elle fût destinée à créer une citoyenneté universelle, cela ne se produisit pas. La dichotomie des genres héritée de l’état colonial de prolongeait. L’article portant sur l’acquisition de la citoyenneté stipulait que « les femmes qui sont ou qui ont été mariées à des citoyens indiens » pouvaient recevoir la citoyenneté si elles la demandaient. Aucune stipulation de ce type n’était faite pour les hommes qui auraient épousé une femme de nationalité indienne. Par conséquent la citoyenneté était en général acquise à travers les hommes. Dans l’article correspondant à la privation de la citoyenneté il était dit que lorsqu’un homme « cessait d’être un citoyen de l’État indien en vertu de la sous-section 1, tout enfant mineur de cette personne devait à son tour cesser d’être un citoyen de l’Inde [27] ». Cela réaffirmait que la citoyenneté était transmise par l’homme, donnant à la femme une citoyenneté de seconde classe. Quoique dans des lois ultérieures les femmes pouvaient transmettre les droits à la citoyenneté à leurs époux et enfants, cela n’altérait pas l’importance donnée à l’homme dans l’État indien tel qu’il fut conçu dans les années formatrices. Cette législation n’accordait de place à la femme que dans le système patriarcal de la famille ou de la communauté. L’État refusait tenacement de considérer un Code civil uniforme qui aurait pu remettre en cause la place des femmes au sein de la famille et de la communauté. Par conséquent, les demandes d’autonomie des femmes restèrent sans réponse de l’État jusqu’en 1970 lorsqu’elles refirent leur apparition.

31La décennie 1975-1985 fut déclarée Décennie des Femmes par les Nations Unies. Les activistes indiennes profitèrent de cette occasion pour analyser la situation des femmes en Inde. Elles arrivèrent rapidement à la conclusion que, malgré les progrès réalisés sur le plan légal, il continuait à exister des inégalités politiques, économiques et sociales entre les hommes et les femmes. Elles montrèrent des preuves incontestables de la violence croissante dont faisaient l’objet les femmes malgré des mesures telles que l’amendement à la loi sur les usines et les mines (Factory and Mines Act, 1953), la loi d’interdiction de la dot (Dowry Prohibition Act, 1961) et son amendement de 1964. Ces fossés entre droits formels des femmes et inégalités réelles ne pouvaient plus passer inaperçus. Il continuait à y avoir des cas de mort liés aux problèmes de dot et rien ne démontrait que la violence contre les femmes avait décru. Le Rapport sur l’égalité (‘Towards Equality’ Report, 1975) donna lieu à une prise de conscience sur la marginalisation des femmes dans la société. Il démontra que les inégalités politiques et socio-économiques dont les femmes faisaient l’objet persistaient malgré l’existence d’un cadre législatif visant à améliorer le statut des femmes. Grâce à cette prise de conscience, la loi sur l’égalité des salaires (Equal Remuneration Act, 1976) fut adoptée. Mais cette législation pouvait aussi se révéler une arme à double tranchant, ce qui apparut clairement lors de l’affaire Shah Bano.

32Shah Bano, une femme musulmane de 73 ans, divorcée sur instance de son mari après quarante ans de vie commune, présenta une demande de pension alimentaire en vertu de l’article 125 du Code de procédure pénale de 1973 (Criminal Procedure Code, 1973). En avril 1985, la Cour suprême lui accorda une pension de 179,20 roupies par mois. Ce verdict provoqua des réactions très vives dans tout le pays car la victoire de Shah Bano arrivait après dix longues années de lutte. Shah Bano n’était pas la première musulmane à réclamer et à obtenir une pension alimentaire en vertu du Code de 1973. Cependant, les répercussions de ce procès surpassèrent celles de tous les autres car la Cour suprême demanda la promulgation d’un Code civil uniforme (Uniform Civil Code). Lorsque les élections législatives eurent lieu en décembre 1985, un grand nombre de Musulmans, qui traditionnellement votaient pour le Parti du Congrès, votèrent contre. Le candidat musulman de l’opposition Syed Shahbuddin fut élu dans la circonscription de Kishengunj. Quelque temps plus tard, un membre musulman indépendant du Parlement présenta un projet de loi pour « sauver le Droit personnel musulman » (Muslim personal law[28]). Le Parti du Congrès, parti de la majorité au pouvoir, présenta une convocation afin de garantir l’adoption du projet de loi. Les mouvements féministes et une fraction de l’organisation musulmane menèrent une campagne vigoureuse contre cette législation. Le Hindu Right s’y opposa aussi avec énérgie. « Le gouvernement, qui à l’origine soutenait les décisions de la Cour suprême, changea de position et en mai 1986 il appuya la promulgation de la loi sur le divorce des femmes musulmanes (Muslim Women’s Protection of Rights on Divorce Act), qui déclarait que l’article 125 du Code de procédure pénale ne s’appliquait pas aux femmes musulmanes divorcées [29]. »

33L’affaire Shah Bano fit resurgir le problème de l’inviolabilité de la loi personnelle. Lors du débat initial, un membre du Lok Sabha, la Chambre basse, déclara qu’étant donné que cette question touchait la religion musulmane, « seul un juge musulman pouvait trancher dans ce type d’affaire car seul un musulman a le droit de faire iztihad, c’est-à-dire le droit de donner son opinion en cas de conflit entre l’ordre de la loi et celui du Prophète [30]. » De telles revendications affirmaient le primat du droit de la communauté culturelle et religieuse sur le droit de la communauté politique. Parallèlement, en un rebondissement dramatique, Shah Bano se dissociait de son procès en proclamant « Étant moi-même musulmane, moi, Shah Bano, je le rejette [le verdict de la Cour suprême] et je rejette tout verdict contraire à la Charia islamique [31]. » Son rejet de la sentence de la Cour suprême symbolisa la capitulation des femmes devant la communauté culturelle et les forces patriarcales. Au cours d’une interview récente, Sona Khan, l’avocat qui défendait Shah Bano, déclara « qu’une affaire Shah Bano ne pourrait pas se produire dans le cas d’une femme riche. Seuls les pauvres et les analphabètes se laissent duper par les déclarations des intégristes religieux. Toutefois il n’est pas non plus correct de critiquer les lois personnelles discriminatoires d’une communauté tandis que les lois discriminatoires d’autres communautés sont ignorées [32]. » Les appréhensions des femmes qui craignaient que la nouvelle loi sur le divorce des femmes musulmanes ne soit rétrograde s’avérèrent fondées l’année suivante. Le Ministre des Affaires sociales, Rajendra Kumari Bajpai, déclarait en mars 1987 que le Conseil national du Waqf n’avait accordé aucune pension alimentaire en Inde en 1986 [33]. Toutefois cette affaire poussa les femmes à s’organiser et pour la première fois à former un mouvement. La réaction suscitée par le Rapport sur l’égalité connut un rebondissement spectaculaire grâce à l’affaire Shah Bano.

34Tout commença par le débat sur le « Progrès des femmes indiennes dans les domaines social, éducatif, politique et économique au cours de la Décennie internationale des Femmes » inscrit à l’ordre du jour du Lok Sabha. Ce débat donna l’occasion aux femmes membres de la Chambre basse de dresser un état des lieux de la condition de la femme en Inde. Il fut révélé que le nombre de femmes analphabètes était passé de 215 300 millions en 1971 à 241 600 millions en 1981 [34]. Le nombre de femmes agricultrices avait diminué et celui des ouvrières agricoles avait augmenté, ce qui prouvait que la terre était peu à peu retirée des mains des femmes. En Inde « il naissait plus de garçons que de filles, mais il mourait plus de filles que de garçons et l’espérance de vie des filles était inférieure. Le taux de mortalité des filles, notamment dans la tranche d’âge de 0 à 4 ans, était beaucoup plus élevé [35]. » Le nombre de filles souffrant de malnutrition était supérieur à celui des garçons. Il fut indiqué aussi que « le nombre de travailleurs femmes diminuait d’année en année », même dans les secteurs industriels traditionnellement dominés par les femmes, comme la production de noix de cajou et de tabac, la fabrication de bidis, d’allumettes, de thé, etc. [36]. Dans le secteur textile et la production de jute, 30 à 60% des femmes ouvrières avaient été déplacées [37]. En Inde, 43,50% des mariages étaient des mariages de fillettes. On insista également sur le lien existant entre la « commercialisation de l’agriculture et les carences alimentaires des femmes [38] ». C’était peut-être la première fois qu’un effort était fait au Parlement indien pour réaliser une étude exhaustive de la condition des femmes. Même le statut légal des femmes fut passé au crible. Les activistes avaient le sentiment que, dans le contexte indien, « le principal problème était que, malgré la quantité de lois, les femmes sont dominées, non pas par les lois laïques, ni par les lois civiles uniformes, mais par les lois religieuses [39]. » Par conséquent, même avant la controverse sur le divorce des femmes musulmanes de 1986, les femmes avaient déjà identifié les lois personnelles comme nuisant à leur accès à l’autonomie.

35L’affaire Shah Bano faisait apparaître une tendance insidieuse qui mettait les femmes à l’écart de leur propre communauté. Abida Ahmed déclarait au sujet de la loi personnelle musulmane que « le gouvernement devrait adopter une loi interdisant l’interférence constante avec le droit personnel et mettre fin aux troubles créés par l’affaire Shah Bano [40]. » Des leaders tels que Jaffar Sharief allèrent jusqu’à affirmer « aujourd’hui dans l’affaire Shah Bano je constate que beaucoup de gens sont mieux disposés envers les femmes musulmanes qu’envers leurs propres femmes. Cela est très étrange [41]. » La question des droits des femmes était associée en permanence à celle des droits des groupes. Cela devint la question de « nos femmes » versus « leurs femmes ». À nouveau, l’État n’était pas parvenu à protéger les droits des femmes et avait capitulé devant la définition patriarcale des femmes en tant qu’individus appartenant à une communauté.

36De fait, l’État prenait parti dans cette controverse. Lors des débats consacrés à la loi sur le divorce des femmes musulmanes, le gouvernement prit clairement le parti des orthodoxes musulmans contre les droits des femmes. Au lieu de plaider pour la neutralité dans les questions de religion, le Ministre de la Justice s’étendit sur l’égalité des religions dans la vie politique. Il déclara : « La tolérance de la diversité et des différences devrait être le sceau de la gouvernance dans une société multiculturelle. Le sécularisme exige que tout le monde ne soit pas mis dans un même panier [42]. » Cela signifiait que le droit des femmes devait être guidé par le droit personnel, lequel reflétait le plus souvent le point de vue de l’orthodoxie. Comme l’affirme Zoya Hasan, « le statut des femmes était une préoccupation tout à fait secondaire pour le gouvernement [43]. » Ce dernier cherchait plutôt à apaiser les hauts responsables musulmans qui étaient en majorité opposés au verdict de la Cour suprême. Sa position faisait donc écho à celle du Conseil du code personnel musulman (All India Muslim Personal Law Board). La politisation de cette question entraîna un réalignement politique. La gauche et la droite hindoues s’étaient alignées, contre le Parti du Congrès et les conservateurs musulmans. Personne ne tenait compte des mouvements de femmes. La pension alimentaire devint une question de compensation et non plus un droit des femmes. Ces nouveaux réalignements politiques montraient que les forces patriarcales traversaient les partis politiques tandis que l’autodéfinition de la femme était constamment marginalisée. Les mouvements pour l’autonomie de la femme se centraient à nouveau sur les réformes parlementaires.

37Des demandes de quotas portant sur le nombre de sièges attribués aux femmes commencèrent à apparaître en 1970 et arrivèrent à leur point culminant en 1980. Selon un observateur, « le gouvernement de Ramakrishna Hegde au Karnataka mit en place cette réforme en 1983 avant même que la législation sur la représentation des femmes ne soit adoptée. On réservait 25% de sièges aux femmes au niveau du panchayat de village, et ce, avant l’apparition d’un quelconque lobby des femmes au Karnataka [44]. » Après l’affaire Shah Bano, les femmes appartenant à des parties politiques décidèrent que la représentation était la seule manière de changer la condition des femmes. La réaction contre les mouvements féministes ne se fit pas attendre.

38Cette réaction fut annoncée par la création des « Tribunaux des affaires familiales ». La loi instituant ces tribunaux (Family Courts Act, 1984) introduisait un système novateur de compétences pour les différends familiaux. La loi faisait passer les litiges matrimoniaux, auparavant du ressort des tribunaux de district, et les litiges de pension alimentaire, auparavant du ressort des tribunaux de première instance (magistrates courts) sous la compétence des tribunaux des affaires familiaux. Avec une certaine ironie toutefois, le principe d’égalité des genres, à la base de la création de ces Cours, n’était pas clairement exprimé dans ce règlement. Au contraire, la loi mettait l’accent sur la préservation de la famille comme objectif et motivation principale de ces nouvelles instances. Dans une étude sur les travaux des tribunaux des affaires familiales au Bengale occidental, Flavia Agnes, militante pour les droits de la femme et avocate, remarquait : « Au niveau officiel, l’objectif premier des luttes politiques semble s’être perdu dans le processus de transition entre revendication et promulgation. Les fonctionnaires officiels ont apparemment eu l’impression que ‘la préservation de la famille’ était synonyme de ‘protection des droits des femmes’. Mais l’histoire législative de la loi matrimoniale va à l’encontre de cette prémisse [45]. »

39Cependant, un des premiers instruments législatifs destiné à protéger les droits de la femme était de fait progressif. Il s’agissait du 73e amendement constitutionnel de 1992, qui réservait 33% des sièges aux femmes au niveau du panchayat. Il donna lieu à la présentation en septembre 1996 d’un projet de loi assignant aux femmes le tiers des sièges au Parlement. Les débats se poursuivent aujourd’hui. Les revendications pour une représentation équitable des femmes avaient commencé lors du Rapport sur l’égalité, en 1975. En 1985, les déclarations de Nairobi allaient dans le même sens et réclamaient une représentation accrue de la femme. Le 73e amendement répondait donc aux demandes de représentation que les femmes exprimaient depuis bien longtemps. La question de la représentation devint une des principales requêtes des mouvements de femmes. Néanmoins, une fois le 73e amendement adopté, les mouvements féministes commencèrent à comprendre que seules les femmes appartenant aux familles des hommes politiques profitaient des quotas introduits par l’amendement. De plus, peu d’États le ratifièrent. Le Meghalaya, qui compte sur un nombre écrasant de tribus matrilinéaires, ne l’a toujours pas adopté. D’autres ont mis des années à l’appliquer. Dans un récent projet d’Aide à l’Action (Action Aid project) pour l’Assam, une des expertes commenta que « bien que les 73e et 74e amendements garantissent une voix politique aux femmes, leur autonomie et leur indépendance dans la prise de décisions sont loin d’être atteintes [46]. »

40Dans d’autres questions concernant les droits des femmes, la réaction se faisait de plus en plus sentir et le système des tribunaux des affaires familiales en fut la victime. Un récent rapport décrit cette situation dans l’état ‘progressiste’ du Bengale occidental où il n’y a aujourd’hui que deux tribunaux de ce type et où le budget qui leur est alloué atteint la somme dérisoire de 1 488 000 roupies. En 2003, il y eut 6 390 affaires de litiges matrimoniaux ; seulement 270 furent jugées devant les tribunaux des affaires familiaux [47] dont la capacité à fournir une rapide réparation aux femmes est maintenant mise en cause.

41Cependant ces réactions contre les mouvements pour le droit des femmes n’ont pas provoqué la disparition d’un mouvement féministe pourtant affaibli par les revirements législatifs provoqués par le nouveau Code civil (Uniform Civil Code). La résistance des femmes au système patriarcal indien ne s’arrête pas là ; elle trouvait au contraire de nouvelles voies parmi lesquelles la loi n’avait plus le rôle protagoniste.

42*

43Cette présentation se proposait d’étudier la manière dont l’État indien a d’une part légiféré en faveur de l’autonomie des femmes, et d’autre part réduit cette autonomie au profit des diktats religieux et du système patriarcal. L’autonomie des femmes, reconnue à plusieurs reprises par la loi, reste un rêve lointain. En analysant l’histoire de ce processus, dont les origines remontent à l’époque coloniale, nous avons voulu montrer que même s’il y a des « lois », il y a des « réalités » beaucoup plus solides. Bien des groupes de femmes sont encore aujourd’hui à la périphérie de la citoyenneté. En dépit du 73e amendement, même aujourd’hui la situation des femmes au sein des castes et des groupes tribaux est extrêmement précaire. Le nombre de décès causés par les problèmes de dot et celui des femmes privées de leur terre restent inchangés. Parmi les populations tribales qui renoncent à l’agriculture itinérante (connue sous le nom de culture jhum), les femmes sont dans la situation la plus précaire. La paupérisation d’une communauté comporte toujours un appauvrissement encore plus grand des femmes de cette communauté. Ni la législation ni la représentation n’ont pu satisfaire le désir d’autonomie des femmes. Les principaux mouvements féministes restent malgré leur lutte encore incapables de libérer les femmes du système patriarcal incarné par le droit coutumier et personnel qui les discrimine. Selon Ritu Menon et Kamala Bhasin « la famille, la communauté et l’État apparaissent comme trois forces médiatrices et imbriquées qui déterminent les destinées collectives et individuelles des femmes [48]. » Dans ces trois domaines, l’État indien a établi une relation de complicité avec la famille et la communauté là où les droits des femmes étaient concernés.

44Nous ne souhaitons pas à donner l’impression que les femmes ont renoncé à leurs efforts pour être reconnues comme sujets autonomes. Aujourd’hui les militantes pour les droits de la femme prennent conscience du fait que l’activisme légal n’est ni le seul moyen d’action, ni la seule solution. Au cours des vingt dernières années, un grand nombre de mouvements autonomes ont vu le jour. Ils dénoncent le fait que les droits des femmes sont systématiquement opposés aux droits de la communauté pour être ensuite bafoués. Ces mouvements autonomes ont commencé à s’unir à d’autres groupes d’action civile, donnant lieu à des revendications en faveur des droits des femmes et des droits humains. Des nouvelles provenant du Nord-Est de l’Inde semblent annoncer des ouvertures, mais ce sont des pistes qui restent à explorer. Le système légal hésite à reconnaître les femmes comme citoyennes. Les débats de l’Assemblée constituante ont modelé l’attitude de l’État indien envers la femme. La Constitution de 1950 attribuait aux femmes un statut d’exceptions permanentes en les plaçant non pas sous l’emprise de la Constitution mais sous celle des lois de la communauté. Le système légal en Inde doit encore dénouer ce lien. En dépit des législations progressistes adoptées par certains gouvernements, souvent en réponse aux revendications des mouvements féministes, la dichotomie fondamentale entre l’autonomie des femmes et leur place dans le droit personnel et coutumier de leurs communautés demeure intacte.

45Traduit de l’anglais par Claire Avellan.


Date de mise en ligne : 01/12/2007.

https://doi.org/10.3917/dio.212.0107

Notes

  • [*]
    Paula Banerjee : Professeur au Département d’Études de l’Asie du Sud-Est de l’Université de Calcutta. Elle a été Taft Fellow de l’Université de Cincinnati. Auteur de plusieurs travaux sur les déplacements forcés, elle a également travaillé sur la politique étrangère américaine en Asie du Sud-Est. En 2004, elle a co-dirigé le volume Internal Displacement in South Asia. En 2003 elle a été l’auteur de When Ambitions Clash: Indo-US relations from 1947 to 1974. Ses travaux sur la condition des femmes, les conflits et la démocratie en Asie du Sud ont été notamment publiés dans International Studies and Canadian Women’s Studies. Elle est actuellement responsable de la publication Refugee Watch.
  • [1]
    Aparna Mahanta, “The Indian State and Patriarchy”, dans T.V. Sathyamurthy (éd.), State and Nation in the Context of Social Change, New Delhi, OUP 1994, p. 88.
  • [2]
    Rite par lequel les femmes hindoues s’immolaient sur le bûcher funéraire de leur défunt mari (NdT).
  • [3]
    Susie Tharu & K. Lalita (éds), Women Writing in India: 600 B.C. to the Present, vol. 1, New Delhi, OUP 1991, p. 157.
  • [4]
    M. A. Ayyangar, “Resolution Regarding Position of Women Under the Existing Laws”, Legislative Assembly Debates, 12 avril 1939, p. 3674.
  • [5]
    Bhulabhai Desai, “Resolution Regarding Position of Women Under the Existing Laws”, Legislative Assembly Debates, 12 avril 1939, p. 3662.
  • [6]
    “Hindu Code”, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3628.
  • [7]
    B.R. Ambedkar, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3630.
  • [8]
    Ibid.
  • [9]
    Ibid., p. 3631.
  • [10]
    P. Sitaramayya, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3635.
  • [11]
    H. Mehta, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, p. 3643.
  • [12]
    Ibid.
  • [13]
    N. Ahmad, Constituent Assembly Debates, vii, 9.4.1948, pp. 3640-3642.
  • [14]
    Aparna Mahanta, “The Indian State and Patriarchy”, dans T.V. Sathyamurthy (éd.), State and Nation in the Context of Social Change, vol. i, New Delhi, OUP 1994, p. 95.
  • [15]
    Iqbal Ansari, “The Politics of Constitution Making in India”, dans Sheth and Mahajan (éds), Minority Identities and the Nation-State, New Delhi, OUP 1999, p. 114.
  • [16]
    Naziruddin Ahmad, Constituent Assembly Debates, vii, 22.11.1948.
  • [17]
    Mahavir Tyagi, Constituent Assembly Debates, vii, 22.11.1948.
  • [18]
    Pour une approche académique du genre dans les politiques de partition, Ritu Menon ET KAMLA Bhasin, Borders and Boundaries: Women in India’s Partition, Delhi, 1998 ; Urvashi Bhutalia, The Other Side of Silence: Voices from the Partition of India, Delhi, 1998.
  • [19]
    Paula Banerjee, “Refugee Repatriation: A Politics of Gender”, Refugee Watch No. 1, janvier 1998, pp. 8-9.
  • [20]
    Rameshwari Nehru Papers, Speeches and Writings, Sub. File n° 25, Nehru Memorial Museum and Library (Nmml), Delhi.
  • [21]
    R. Menon et K. Bhasin, “Abducted women, the State and questions of Honour”, Gender Relations Project Paper 1, Canberra 1993, p. 13.
  • [22]
    Jan Jindy Pettman, “Boundary Politics: Women, Nationalism and Danger”, dans M. Maynard et J. Purvis (éds), New Frontiers in Women’s Studies: Knowledge, Identity and Nationalism, London, 1996, p. 194.
  • [23]
    Nira Yuval Davis et Flya Anthias (éds), Woman – Nation – State, London, 1989, p. 6.
  • [24]
    Aparna Mahanta, “The Indian State and Patriarchy”, dans T. V. Sathyamurthy (éd), State and Nation in the Context of Social Change, cit., p. 94.
  • [25]
    Hindu Succession Act, 1956 Sect. 10, Rules 1 & 2, New Delhi, p. 5.
  • [26]
    Ratna Kapur et Brenda Cossman, Subversive Sites: Feminist Engagements with Law in India, New Delhi, Sage 1996, pp. 110-111.
  • [27]
    S. C. Consul, Citizenship Act, 1955, The Law of Foreigners, Citizenship and Passport, Allahabad, 1962, pp. 179-185.
  • [28]
    Cette phrase fut utilisée par un grand nombre de spécialistes qui ont écrit sur l’affaire Shah Bano, y compris Zakia Pathak et Rajeswari Sunder Rajan, “Shahbano”, dans J. Butler et J. W. Scott (éds), Feminists Theorize the Political, NY/London, Routledge 1992, p. 257.
  • [29]
    R. Kapur et B. Cossman, Subversive Sites: Feminist Engagements with Law in India, cit., p. 63.
  • [30]
    Abdulwahed Owaisi, Lok Sabha Debates, 23.8.1985, p. 399.
  • [31]
    Letter ouverte de Shah Bano du 2 novembre 1985, citée par Niraja Gopal Jayal dans Democracy and the State: Welfare, Secularism and Development in Contemporary India, Delhi, OUP 1999, p. 120.
  • [32]
    Entretien de Sona Khan avec Deepti Mahajan, 6.7.2004, New Delhi.
  • [33]
    Niraja Gopal Jayal, Democracy and the State, cit., p. 135.
  • [34]
    Geeta Mukherjee, “Progress of Indian Women in Social, Educational, Political and Economic Fields in the International Women’s Decade”, Lok Sabha Debates, 24.4.1985, p. 288.
  • [35]
    Jayanti Patnaik, ibid., p. 307.
  • [36]
    Hannah Mollah, ibid., p. 312.
  • [37]
    Ibid.
  • [38]
    Kishori Sinha, ibid., p. 318.
  • [39]
    Hannah Mollah, ibid., p. 314.
  • [40]
    Abida Ahmed, « Code of Criminal Procedure (Amendment) Bill », Lok Sabha Debates, 9.8.1984, p. 333.
  • [41]
    Jafar Sharief, Lok Sabha Debates, 19.11.1985, p. 7 (nous soulignons).
  • [42]
    Lok Sabha Debates, 5e session, 8e Lok Sabha, vol. j, 1986 xvii, Goi, New Delhi, p. 313.
  • [43]
    Zoya Hasan, “Gender Politics, Legal Reform, and the Muslim Community in India”, dans Patricia Jeffery et Amrita Basu (éds), Resisting the Sacred and the Secular: Women’s Activism and Politicized Religion in South Asia, New Delhi, Kali For Women 2001, p. 75.
  • [44]
    Madhu Kishwar, Off the Beaten Track, Delhi, OUP 1999, p. 135.
  • [45]
    Flavia Agnes, A Study of Family Courts in West Bengal, Rapport publié par la Commission des femmes de l’ouest du Bengale, septembre 2004, pp. 2-3.
  • [46]
    Sujata Dutta Hazarike, “Feminism as a Resource for Autonomy”, travail présenté lors de la conference What is Autonomy ?, Calcutta, 29 juillet 2005.
  • [47]
    Flavia Agnes, A Study of Family Courts in West Bengal, cit., pp. 6-7.
  • [48]
    R. Menon et K. Bhasin, Borders and Boundaries, cit., p. 255.
bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Avec le soutien de

Retrouvez Cairn.info sur

18.97.14.84

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions