1Toute adoption est la réalisation d’un rêve. Un rêve particulièrement fort, souvent survenu après des épreuves de longues attentes d’enfant déçues, de stérilité douloureusement ressentie. L’enfant est désiré dans un sentiment d’incomplétude, de manque; ne pas pouvoir procréer soi-même un enfant issu de sa lignée peut entraîner une dévalorisation narcissique. Dans ce contexte le choix d’adopter un enfant va reposer et s’étayer sur le narcissisme des parents, et sur leurs croyances en leur propres capacités : ils ont l’espoir que leur amour pourra compenser et réparer les séquelles de l’abandon et les carences affectives dont a souffert l’enfant. Ce dernier est donc le dépositaire du narcissisme parental ; il est placé dans un réseau de désirs, étant rêvé par les parents et la parentèle. D’après R. Kaës, il s’agirait d’un espace de rêves croisés : « Rêves des parents sur leur enfant, rêve de l’enfant, rêves des parents adoptant cet enfant, et leur propre rêve en tant qu’enfants “adoptés”» (Kaës, 2000, p. 69).
Une phase d’illusion créatrice
2Quand leur rêve se concrétise au moment de la rencontre avec leur enfant, les parents évoquent un état particulier qui souvent transparaît sur les faire-part d’adoption. C’est un bonheur de l’ordre du merveilleux et de l’indicible ; grâce à leur enfant et en fusionnant avec lui, ces couples se sentent un pouvoir créateur nouveau, dans une toute-puissance narcissique exaltée. La réalité extérieure est suspendue, et seule compte la fusion des psychés des parents et de leur enfant. Ce moment évoque « l’illusion groupale » décrite par D.Anzieu, où les différences entre les sexes et les êtres sont annulées ou nivelées. Le « groupe famille » maintenant constitué sent qu’il va faire des merveilles ; cet état particulier a aussi été observé pour la grossesse et la naissance d’un bébé : il peut se manifester avec l’expression de beaucoup d’affects sous une forme régressive et avec des restes de langage infantile.
Émotions et anxiétés au cœur du lien adoptif
3Dans l’adoption, l’enfant n’étant pas issu d’une relation charnelle, le corps à corps n’est-il pas remplacé par le partage exalté d’affects et d’émotions ? L’enfant a d’autant plus besoin de cette forme d’investissement affectif qu’il n’a pas été porté dans le ventre de sa mère adoptive; celle-ci, pour pouvoir construire un lien avec son enfant, va devoir amplifier son pouvoir de création et d’amour, ainsi que l’attrait de l’enfant et ses qualités; elle invoque aussi le désarroi de ce dernier et son besoin d’avoir des parents pour justifier l’adoption. Beaucoup d’émotions sont en jeu, car le lien adoptif est essentiellement un lien émotionnel. Avec D. Mellier, je conçois en effet « l’émotion comme un lien, un lien avec l’autre et un lien avec soi-même » (2002, p. 13). La construction du lien adoptif dans une famille – à partir d’une filiation instituée – est fondée sur le partage d’émotions. Les parents ressentent une grande joie, mais ils sont aussi en proie à de multiples inquiétudes, notamment à propos de l’état de santé de l’enfant; ne pas connaître son passé, ni pouvoir évaluer les répercussions de l’abandon sur ses capacités de développement et d’attachement les angoisse. Ces dernières questions sont particulièrement sensibles quand il s’agit de l’adoption d’un enfant grand venu de l’étranger.
4Il leur arrive aussi de douter de leurs propres capacités d’amour : seront-ils à la hauteur ? Sauront-ils faire face à l’adoption ?
5Mais très souvent l’anxiété des adoptants provient d’éléments traumatiques de leur propre passé, transmis sans se représenter, ou transmis pour ne pas être représentés. Ce sont des traces inélaborables d’« éléments bêta » (selon Bion) en attente de symbolisation. D’après R. Kaës en effet, la transmission transgénérationnelle concerne la transmission du négatif, c’est-à-dire les secrets, les non-dits, les fantômes. Et toute affiliation se fait sur les failles de la filiation; autrement dit, les liens – que ce soit les liens d’alliance ou les liens de filiation – se tissent essentiellement sur l’héritage négatif, c’est-à-dire sur ce qui dans la transmission n’a pu être transformé psychiquement.
Cadre légal de l’accompagnement des familles
6Lorsque les intermédiaires de l’adoption internationale accompagnent les familles adoptives, ils sont témoins de beaucoup de manifestations émotionnelles. Rappelons tout d’abord brièvement le cadre légal de cet accompagnement : après l’arrivée de l’enfant dans sa famille, les autorités étrangères réclament à l’organisme autorisé pour l’adoption ( OAA ) un suivi de l’adoption pendant deux ans (ou davantage selon les pays), avec l’envoi de rapports réguliers sur l’adaptation et l’évolution de l’enfant. C’est dans ce cadre qu’intervient la personne mandatée par l’OAA qui va rencontrer périodiquement l’enfant et sa famille. Cet accompagnement entraîne un aspect d’évaluation qui n’échappe pas aux adoptants et qui leur a été annoncé; par ailleurs, pénétrer dans l’intimité du tissage des liens parents-enfant est parfois délicat. C’est pourquoi, pour que cet accompagnement non seulement se passe le mieux possible, mais ait du sens pour l’enfant et ses parents, il est bon d’essayer de faire alliance dès le début avec les adoptants : en tant qu’intermédiaire faisant partie d’une équipe qui a proposé l’enfant, la personne chargée du suivi est garante des particularités de son histoire, rappelant ses besoins si nécessaire, mais sans être de son côté. Elle est un témoin de la parentalité, sans être du côté des parents; c’est une oreille bienveillante, qui va permettre aux adoptants d’élaborer le processus de filiation ; elle est en quelque sorte « co-créatrice » du lien.
L’intermédiaire, un contenant des émotions
7Dans l’accompagnement des familles, l’intermédiaire a pour fonction d’être un réceptacle, un contenant : contenant des doutes, des questionnements, et pour finir des émotions : il peut aider à nommer et élaborer ce que les parents ressentent et vivent, ce qui est possible si le narcissisme de ceux-ci n’est pas trop défaillant; il peut aider si nécessaire à décoder ce que ressent leur enfant, qui peut être lié à des angoisses d’abandon, susceptibles d’entrer en résonance avec celles de ses parents.
8Contenant aussi pour l’anxiété provenant d’éléments traumatiques de leur passé, qui à mesure que se construit le lien adoptif, vont se transformer en expériences émotionnelles durables, car ce sont celles-ci qui vont fonder le lien avec l’enfant.
9Avec la famille dont je vais vous parler maintenant, une alliance a pu s’établir ; il m’a semblé intéressant de vous exposer son histoire, car il s’agit de l’adoption d’un enfant grand, et mon travail d’accompagnement a duré trois ans, durée demandée par le pays.
10Je rencontre le couple à l’occasion d’une réunion de parents organisée par l’OAA : Vania, garçon de 6 ans, leur a été proposé, mais ils n’ont pas encore donné leur accord; cette réunion rassemble les correspondants de ce pays de l’Est, des familles y ayant déjà adopté et d’autres en attente. Monsieur et Madame B. – qui sont venus avec Agnès, une amie de la famille de 75 ans – hésitent à accepter Vania à cause de son strabisme, car on leur a dit que celui-ci pouvait cacher un dysfonctionnement plus grave des yeux, ou une autre maladie que la médecine de ce pays n’aurait pas eu les moyens de détecter. Leurs inquiétudes ressemblent aux fantasmes de malformation fréquents pendant la grossesse. Je suis témoin de leurs hésitations que j’écoute sans prendre position. Finalement, ils acceptent l’enfant et partent faire sa connaissance en emmenant Agnès avec eux pour ce premier voyage. Je demande alors à accompagner cette famille dans le suivi post-adoption : l’alliance va pouvoir s’établir plus facilement du fait de notre rencontre préliminaire.
11Monsieur B., 44 ans, a été élevé à la campagne jusqu’à l’âge de 12 ans – séparément de son frère et de sa sœur – par ses arrière-grands-parents, ses parents et ses grands-parents étant très jeunes et très pris par leur travail… Adulte, un très grave accident de voiture l’immobilise pendant quatre ans. C’est un « miraculé de la médecine ». Sa femme, dernière d’une fratrie de cinq filles, a perdu son premier mari après six ans de mariage à la suite d’une crise cardiaque foudroyante. Elle va devenir mère adoptive à 51 ans.
12Au retour en France, et pendant le délai d’attente du jugement d’adoption étranger, Monsieur B. me téléphone : « Nous étions sur le qui-vive, me dit-il et maintenant ça va mieux. » Ils ont été surpris car Vania ne correspondait pas aux photos; ils ont eu un très bon contact et l’ont trouvé très sympathique.
13Finalement ils vont le chercher (sans leur amie Agnès) et à leur arrivée en France ils sont tellement inquiets au sujet de sa santé qu’ils vont de médecins en hôpitaux. Monsieur B. est très volubile et me téléphone beaucoup. Il raconte : « Nous n’avons rien su sur sa santé ; nous sommes un peu mécontents ; il a eu un très mauvais comportement là-bas ; il voyait des fantômes, ne dormait pas. À l’orphelinat on nous le donne tout nu, et nous lui avions apporté deux tenues à choisir »… Et il ajoute qu’il a maigri de trois kilos pendant son séjour. C’est Monsieur qui a pris le congé d’adoption, sa femme travaillant à domicile.
14Au bout de quelques jours, il me dit prendre son temps pour les rendez-vous médicaux. Ses récits présentent un mélange constant d’inquiétude et de joie : « Vania fait des crises de nerfs par moments… Il est très éveillé. C’est intéressant. Il ne reste pas en place, c’est formidable. » Après des visites chez un ophtalmologue, l’enfant portera de nouvelles lunettes. « L’affection et l’amour arrangent même les yeux », dit sa mère, qui, pendant que la vision de son fils s’améliore, commence à le voir sous un autre jour ; elle dit se découvrir des capacités d’amour insoupçonnées. Cette déclaration sous-tend l’idée que l’amour pourrait tout réparer, tout compenser, et même guérir une pathologie organique.
15Cependant, Monsieur B. se montre de plus en plus agité et anxieux. Au bout de six mois, il n’a pas repris son travail, contrairement à ce qui était prévu, car il estime que son fils a encore trop besoin de lui.
16Vania, de son côté, ne semble plus être autant un « objet médical » pour ses parents ; ceux-ci s’émerveillent de son intelligence et de ses capacités adaptatives, le considérant aussi comme un objet de réussite. Il faut dire que Vania est un garçon communicatif, charmeur, heureux de s’exprimer à la maison comme à l’école (où il va à mi-temps pour l’instant) ; il commence à bien se débrouiller en français, se montre curieux de tout et heureux d’apprendre à l’école, où sa maîtresse supporte bien son agitation. Nous sommes en pleine phase idyllique de gratifications mutuelles.
17Cependant les parents ont tous deux la crainte de mal faire ou de ne pas en faire suffisamment : l’hyperactivité de Monsieur B. me semble être l’envers de la dépression; il est constamment occupé, et occupe de même son fils : entre le judo, le piano, le dessin, le vélo, les séances de piscine, sans parler des rendez-vous chez le podologue, le psychologue, qui ont succédé aux visites chez l’ophtalmologue, le dentiste et le dermatologue. Vania n’a pas un instant de libre. Je signifie aux parents qu’il a certainement besoin de souffler un peu, ce qui m’est d’ailleurs confirmé quand ils disent : « Il aime passer du temps dans son bain, où il parle tout seul et se raconte des histoires. » À l’école parfois il ne suit pas, préférant rêver.
18De son côté, Monsieur B. dans son mouvement frénétique qui ressemble à une fuite en avant, me semble lutter contre le vide et la mort; cette mort à laquelle il a échappé. En étant père adoptif, il se défend contre une angoisse de mort, et il sauve également son fils en cherchant à le protéger de la mort. Vania parle parfois de ses frères et sœurs, en mentionnant des accidents et des ambulances. Un autre jour il dit que ses parents de naissance étaient très méchants, que son père et sa grand-mère buvaient beaucoup d’alcool. Sa « babouchka » est morte dans sa baignoire. Il développe un « roman noir » sur ses origines, avec son cortège de scènes émotionnelles fortes. Vania a sans doute besoin d’attirer l’attention de ses parents sur sa réalité interne : ceux-ci lui auraient épargné de nouvelles blessures. Il a besoin de faire croire « avoir été battu », comme le souligne O. Ozoux-Teffaine (2004). Cela nous renvoie au fantasme de fustigation qui dérive de la relation incestueuse au père. Il va aider Vania à être reconnu et aimé par son nouveau père et à construire avec lui un lien œdipien.
19Les parents se demandent si leur fils n’a pas subi des violences physiques. Vania porte sur le corps de nombreuses cicatrices. Le dermatologue dit qu’il pourrait s’agir de brûlures de cigarettes. Madame m’avoue qu’elle ne regarde plus le dossier de Vania car « à chaque fois elle pleure ». Le passé de Vania, rempli de violences et de pertes brutales, rencontre ici le passé traumatique de ses parents, dont chacun a côtoyé la mort, et entre en résonance avec lui. Outre l’accident de voiture du père et le décès brutal du premier mari de la mère, nous apprenons que cette dernière aussi a eu un accident de voiture dans lequel est décédée une de ses nièces. Elle ne conduit plus et elle a peur de prendre l’avion. L’évocation de tous ces malheurs semble contribuer à resserrer les liens de cette famille autour d’une représentation commune de famille « rescapée ».
20Cependant l’adaptation de Vania se poursuit : j’apprends qu’il se bagarre souvent à l’école, et qu’il préfère jouer à faire des exercices; récemment il a mordu des petites filles, et il a eu des difficultés à comprendre que c’était mal. Ensemble avec les parents, nous cherchons à donner un sens à ce comportement agressif : Vania semble avoir été débordé par une violence émotionnelle : serait-ce parce qu’il fait beaucoup d’efforts pour plaire ? Quand il se met en colère il ne peut exprimer ce qu’il ressent. Il ne peut non plus expliquer son comportement.
21« Chacun peut héberger et ressentir une émotion qui ne lui appartient pas. Le devenir de cette émotion dépend de la possibilité d’être ou de ne pas être accueillie, hébergée, contenue et élaborée par la personne qui la reçoit », nous dit Marie-Blanche Lacroix (2002, p.151), qui nous propose une approche analytique de groupes d’enfants aux prises à de la violence. La famille est un groupe, et elle va servir de contenant aux émotions de Vania : bien qu’ils ne comprennent pas l’origine du comportement violent de leur fils, les parents le « contiennent » en réalisant que Vania ne peut l’expliquer non plus; ils estiment même que la maîtresse n’est pas très tolérante avec lui !
22Maintenant que les problèmes de vision de Vania se sont arrangés grâce à des lunettes correctives, son père développe un zona ophtalmique très douloureux qui dure deux mois; dans l’après-coup il souffre d’une pathologie située dans la même région du corps que celle de son fils, s’identifiant ainsi massivement à celui-ci. Il a en quelque sorte « mal à son fils »… On peut se demander si son lien fusionnel avec Vania pourrait traduire la peur qu’il ne disparaisse. Il recouvre aussi sans doute ses propres angoisses d’abandon. Il est devenu père tardivement, après avoir épousé une femme plus âgée que lui, reproduisant ainsi inconsciemment le mode de paternité de ses ancêtres. Il assume une position maternante avec Vania, comme pour restaurer en lui la défaillance de fonction maternelle dont il a été victime étant enfant.
23Un jour Vania se cogne violemment la tête et saigne abondamment. La blessure s’avère sans gravité, mais ses parents ont eu peur pour lui ; ils pensent qu’il n’a pas suffisamment le sens du danger; Madame B. se dit fière d’avoir pu le calmer et le rassurer. Tous deux craignent constamment pour lui, chacun d’eux reprochant à l’autre de trop le protéger. Entre ces parents et leur fils pourrait se développer un « lien oméga » de survie (selon le concept de Gérard Decherf) qui offre un excès de protection, en rapport avec la mort qui a rôdé dans leurs passés respectifs. Monsieur B., élevé par ses arrière-grands-parents, a pu manquer de « contenance alpha ». Son épouse, de son côté, idéalise sa famille d’origine, son lieu d’enfance et ses attaches à la campagne. Tous deux ont le projet de s’installer plus tard définitivement dans ce lieu un peu mythique, décrit comme idyllique et rassurant. L’histoire du couple, émaillée d’accidents et de pertes, est entrée en résonance avec celle de leur fils. Le lien de filiation se bâtit sur ces manques et ces défaillances, mais aussi sur la recherche de similitudes.
24Cependant Monsieur ne reprend son activité professionnelle qu’à temps partiel, car il dit que son fils a encore beaucoup besoin de lui.
25Un an après son arrivée, ses parents me rapportent que Vania à l’école a montré fièrement son papa et sa maman à son entourage. Ils s’étonnent par contre qu’il se soit inventé un frère français du prénom de Paul; mais ne cherche-t-il pas ainsi à appartenir davantage à sa famille ? Dans un même temps il demande plusieurs fois à téter les seins de sa mère. Celle-ci – comprenant le sens de ces requêtes – me le raconte avec amusement, tout en m’avouant qu’elle était aussi fort gênée qu’il ait fait une fois cette demande en public ! Par ailleurs, Vania parle de moins en moins sa langue maternelle.
26Mes rendez-vous avec la famille continuent à se poursuivre : souvent, les parents souhaitent me rencontrer dans les locaux de l’OAA – plutôt qu’à domicile – car ils aiment à se rappeler les bons souvenirs du début de l’adoption, à retrouver la responsable qui leur a proposé d’adopter Vania, et à raconter tout cela à leur enfant.
27Au bout de trois ans, Vania est un petit garçon bien épanoui et développé : tous ses problèmes physiques se sont arrangés ; il réussit bien à l’école, où il reste quelques problèmes de discipline. Comme il a des gestes un peu brusques, il va voir régulièrement une psychomotricienne.
28J’apprends que Monsieur B. a commencé à faire des bilans d’orientation, pour pouvoir envisager de changer de travail, le sien ne lui plaisant pas; il peut enfin s’occuper de lui-même avec un peu de sérénité…
29La famille m’annonce aussi que Vania (qui a 9 ans maintenant) va être baptisé, et qu’il prépare son baptême avec sérieux ; la marraine choisie n’est autre qu’Agnès, l’amie qui avait accompagné le couple B. dans le pays pour faire la connaissance de Vania. Agnès – qui a près de 80 ans – a été une autre figure intermédiaire, qui a présidé à un moment fondateur de l’adoption. Mais ce choix d’une personne âgée (d’une génération grand-parentale) comme marraine est aussi une forme d’ancrage généalogique dans leur famille. Tout en étant toujours reconnaissants à l’OAA pour l’adoption de leur fils, ils n’éprouvent plus le besoin de s’y référer ni de retourner au siège de celle-ci. Ils se sentent parents à part entière de Vania, lequel de son côté s’épanouit de plus en plus.
30Au cours de ces trois années, le lien adoptif s’est construit sur un partage d’émotions, sur les manques et les défaillances de l’histoire des parents comme de celle de leur fils, ainsi que sur la recherche de similitudes. Finalement, cette adoption tardive a apporté à ces parents fragiles à la personnalité singulière et attachante, une grande restauration narcissique qui leur a fait beaucoup de bien. Je les sens comme « apaisés », ainsi que Vania… Nul doute que par la suite ils sauront faire face, et si nécessaire demander de l’aide, en cas de grosse difficulté, sans pour autant se laisser déborder par leurs émotions ou celles de leur fils.
31Quant à moi mon rôle d’accompagnement a été modeste : un rôle d’écoute, pour ce couple qui avait beaucoup besoin de se raconter. Le rôle de contenant des émotions et des angoisses est plus difficile à tenir : il implique que je travaille sur mes propres émotions, et qu’elles soient reprises en équipe. En somme c’est grâce à mes fragilités que je peux accompagner les familles.
32En effet, l’expérience adoptive touche au fondement même de ce qui nous lie les uns aux autres, selon le philosophe J.-P. Pierron, qui conçoit la parenté adoptive comme une parenté fragile, rappelant « la parenté à la disponibilité, l’ouvrant à l’incertaine promesse du devenir » (2004, p. 144)…
Bibliographie
BIBLIOGRAPHIE
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Mots-clés éditeurs : accompagnement par l'intermédiaire, Lien adoptif et lien émotionnel, contenant des émotions
Mise en ligne 26/10/2007
https://doi.org/10.3917/dia.177.0057