Dialogue 2002/4 no 158

Couverture de DIA_158

Article de revue

Le point de vue des petits-enfants

« Moi, mon grand-père… » Des grands-pères dessinés et racontés par des enfants de 8 à 11 ans

Pages 32 à 40

Cinq millions de « nouveaux » grands-pères

1Les grands-parents représentent aujourd’hui le cinquième de la popula~tion française : sept millions de grands-mères et cinq millions de grands-pères (enquête CNAV - INSEE ajustée aux données du recensement au 1er janvier 2000). Plus nombreux pour moins de petits-enfants, en meilleure santé et dis~posant de revenus plus confortables que leurs propres parents, les « nou~veaux » grands-parents sont invités à proposer des images grand-parentales d’un autre type que celles des générations qui les ont précédés, et même en rupture avec elles. Mais, en même temps, ils sont conviés à représenter la sta~bilité quand les transformations de la famille bouleversent les repères.

2Spécialistes de l’enfance, de l’éducation, de la famille ou du vieillisse~ment, sociologues, psychiatres et psychologues s’interrogent sur la place des grands-parents dans la famille et leur rôle dans la dynamique psychique de l’enfant, centrent leur intérêt sur l’accès à la grand-parentalité ou proposent des réflexions étayées sur leurs pratiques professionnelles pour guider les grands-parents. Certains auteurs se sont intéressés au regard des petits-enfants sur les grands-parents. Yvonne Castellan (1998) a recueilli le point de vue de collégiens, lycéens et étudiants sur la place des grands-parents dans le rituel familial. G. Arfeux-Vaucher (1997) a interrogé des membres de conseils municipaux d’enfants et de jeunes sur leur perception de la vieillesse et des grands-parents.

3Mais, comme le souligne B. Schneider (2000), la littérature consacrée aux grands-parents traite le plus souvent des grands-parents en général ou privilégie un point de vue qui se révèle être celui de la grand-mère, et on ne sait pas grand-chose des grands-pères ni de leurs relations à leurs petits-enfants. Interrogée sur les différences que font les enfants entre grands-pères et grands-mères, Geneviève de Taisne (2000) répond que les mots de chaleur, froideur, sévérité et gentillesse concernent aussi bien les hommes que les femmes et qu’il « peut y avoir des grands-pères chaleureux et des grands-mères réfrigérantes, ou l’inverse ». Quant à J.Wolfrom (1997), elle décrit des grands-pères agacés par la présence bruyante des petits-enfants et la généro~sité inépuisable de leurs épouses.

4Comment les petits-enfants perçoivent-ils leurs grands-pères ? Qu’ap-précient-ils et qu’aiment-ils moins en eux ? Que font-ils avec eux ? Quels rôles leur attribuent-ils ?

« S’il te plaît, dessine-moi et raconte-moi ton grand-père »

5Pour répondre à ces questions, nous avons rencontré des enfants de deux écoles primaires (rurale et urbaine) de la région lorraine. Nous leur avons demandé de nous dessiner leur grand-père, puis de faire un second dessin représentant leur grand-père et eux-mêmes « en train de faire quelque chose ensemble ». Après cette première phase réalisée en classe, nous avons ren~contré chaque enfant en lui demandant de « raconter ses dessins » et de répondre à quelques questions sur ce que font et ne font pas, à son avis, les grands-pères. Enfin, quelques jours plus tard, en classe, les écoliers ont rédigé un texte sur le thème : « Tu passes un après-midi avec ton grand-père, raconte. »

6Pas plus que, dans d’autres recherches, on n’éprouve le besoin de vali~der les propos des grands-parents en les faisant confirmer par leurs petits-enfants, nous n’avons souhaité opérer de vérification sur les productions graphiques, orales et écrites des écoliers. Cette procédure ne nous permet donc pas de nous assurer de la conformité des dessins et récits avec la réalité objective de la relation que les enfants entretiennent avec leurs grands-pères, mais elle est légitimée par notre souci d’explorer les représentations enfan~tines. Nos consignes laissaient à l’enfant le choix du grand-père (lignée maternelle ou paternelle, grand-père vivant ou décédé, voire grand-père de substitution ou grand-père imaginaire) et lui permettaient de ne pas se sentir contraint de raconter des préférences, des conflits ou des ruptures qu’il n’au~rait pas souhaité évoquer.

7Ces 48 écoliers, âgés de 9 à 11ans, fréquentaient des classes de CE 2 (10), CM 1 (10) et CM 2 (28). C’était 32 filles et 16 garçons. Ces caractéristiques de la population d’étude ne résultent d’aucune sélection de notre part. Nous avons été tributaires du calendrier scolaire, de la collaboration des ensei~gnants, des effectifs dans les niveaux, de la répartition dans les classes en fonction du sexe, des autorisations parentales et, enfin, de la présence effec~tive des enfants aux différentes étapes du recueil des données.

Des grands-pères ressemblants

8Les écoliers se sont appliqués à dessiner des grands-pères ressemblants.

9Leurs productions graphiques et leurs commentaires ne laissent aucun doute sur le fait que chacun d’eux évoque son grand-père en particulier et non un grand-père « en général », et qu’il est soucieux de le faire aussi conforme que possible. Ainsi, quelques enfants regrettent leur maladresse. « Il est plus gros, mais je n’arrive pas à le dessiner plus gros » (Patricia). « Il a le menton carré, mais je n’arrive pas à le faire » (Brenda). D’autres insistent sur un trait dis~tinctif. « Des fois, il n’est pas rasé, c’est pour ça que je lui ai fait de la barbe » (Mélodie). « Je lui ai fait son bouton au-dessus de la bouche » (Jason). « Il a une grosse moustache et des gros sourcils, mais ça le vexe quand on lui dit parce qu’il ne veut pas les couper » (Abigaëlle). D’autres encore dessinent des vêtements spécifiques : « Comme il travaille à la poste, je l’ai mis en cos~tume de poste » (Louison). « Je l’ai habillé comme ça parce qu’il est souvent habillé comme ça, jogging, chaussures noires, pull bleu et une casquette » (Nike), ou le représentent avec un accessoire emblématique de son activité favorite. « En train de faire des mots croisés » (Rafaël). « À la pêche, car il adore pêcher » (Rebecca). « Un marteau dans la poche parce qu’il bricole souvent » (Rachelle). Quelques enfants (4) ont dessiné un grand-père décédé avec la même application à la ressemblance. « Je me suis souvenue qu’il met~tait des gilets » (Lucie). Ou : « Je me rappelais plus trop comment il était parce qu’il est mort, alors, j’ai essayé de le dessiner comme je me le rappe~lais » (Mélanie). Ce souci du détail physique, vestimentaire ou professionnel montre qu’il ne s’agit pas d’un grand-père abstrait. Nous en avons confirma~tion quand nous demandons de quel grand-père il s’agit : aucun enfant n’hé~site à identifier son grand-père maternel ou son grand-père paternel ni à le dénommer.

10Les filles dessinent plus souvent (23 soit 72 %) le grand-père maternel, les garçons (10 soit 62,5 %) le grand-père paternel. Même si l’échantillon est trop petit pour des conclusions définitives, nous relevons une tendance à des~siner le père du parent de même sexe et notons que ces proportions ne confir~ment pas les constats relatifs à la prédominance de la lignée maternelle souvent mentionnés. Cependant, au second dessin, douze enfants ne dessi~nent pas le même grand-père, si bien que la différence entre filles et garçons s’estompe : 19 filles et 9 garçons (59 et 56 %) se dessinent avec le grand-père maternel, 13 filles et 7 garçons (41 et 44 %) avec le grand-père paternel.

Des grands-pères souriants…

11Beaucoup d’enfants (22) représentent un grand-père souriant. Des détails des cheveux et du système pileux sont dessinés avec un soin particulier : les enfants s’appliquent à nous montrer que leur grand-père est chauve (12), qu’il a les cheveux blancs ou gris (5), qu’il porte la moustache (11), la barbe (5), qu’il est mal rasé (6) ou a des sourcils broussailleux (4). Un enfant nous fait remarquer les poils qui lui sortent des oreilles, un autre, ceux qui couvrent ses bras. D’autres éléments caractérisent le grand-père : un chapeau, un béret ou une casquette (11), des rides (10) et des lunettes (7). Le second dessin nous permet de relever comment sont représentées les différences d’âge entre l’en~fant et son grand-père : le plus souvent, les enfants dessinent des grands-pères plus grands (26), aux cheveux plus clairsemés (22). Le port de chapeau (6), de lunettes (5), la présence d’une moustache (6), d’une barbe (4), le fait d’être mal rasé (2) et les rides (3) individualisent le grand-père.

… mais aussi des grands-pères âgés, malades ou handicapés

12Quelques enfants (5) dessinent une canne dans sa main. Mathilde se représente dans le lit de son grand-père malade à qui elle vient rendre visite le mercredi. Rébecca se promène avec son grand-père handicapé : « Il ne peut plus marcher, il est dans un fauteuil roulant. Ce n’est pas facile, car ma grand-mère est malade aussi. En été, on se promène. Il a quand même 80 ans ; un jour, il va partir, donc j’en profite un maximum. » Lucie dessine un grand-père décédé lorsqu’elle avait 7 ans, en légende, elle écrit : « Il est mort… Dommage. » Sur le deuxième dessin, elle représente le dernier Noël passé ensemble. Ainsi, c’est par leurs grands-parents que ces enfants font l’appren~tissage de la vieillesse et de la mort.

Gentils, généreux, rigolo, mais en même temps râleurs, grincheux, autoritaires

13Pour amener les enfants à évoquer les qualités et défauts de leurs grands-pères, nous leur avons demandé ce qu’ils aimaient chez leur grand-père et ce qu’ils appréciaient moins.

14En premier lieu, les enfants aiment sa gentillesse : « J’aime son sourire et puis il est gentil » (Emeline). « Il est généreux, gentil. Quand on veut quelque chose, ce n’est pas lui qui dira non : soit il va nous l’acheter, soit il nous emmènera » (Rébecca). Les grands-pères font des cadeaux, le plus sou~vent des friandises : « Il me donne presque tout quand j’arrive, des sucettes, des Carambar » (Nathan), mais aussi des objets qui traduisent l’aide maté~rielle qu’ils apportent aux parents : « Il est gentil, il nous ramène des affaires ou des chaussures quand il va en courses » (Inès). Cette générosité est même parfois décrite avec une nuance critique : « Il cherche toujours à faire plaisir aux autres avant de se faire plaisir à lui-même » (Flora). Les enfants appré~cient les attentions de leur grand-père : « Il m’a fait un meuble en bois et des petits bancs » (Abigaëlle). Les grands-pères sont disponibles, ils passent du temps avec leurs petits-enfants : « Il nous emmène à des jeux, on va au bord de la Loire, au va au parc de l’île Charlemagne » (Mathilde). « Il a de bonnes idées, on fait des choses ensemble. On a monté une cabane. » (Marc).

15L’une des marques de cette disponibilité est l’importance accordée aux promenades : « Avec lui, on peut jouer, aller se promener » (Mickaëlle), qui sont parfois des occasions de transmission de savoirs : « Il m’apprend des choses de la nature » (Karen).

16Les enfants aiment aider leur grand-père dans ses travaux : « Il aimait bien être dans son jardin tout le temps. J’avais le droit de l’aider » (Mélanie). « Je peux l’aider à faire du bois, je le range, et lui, il coupe » (Julien). Ce n’est pas un gain de temps pour le grand-père, car c’est une main-d’œuvre qu’il faut surveiller, guider, à qui il faut expliquer… Le travail serait plus vite fait (et peut-être mieux) s’il le faisait tout seul, mais c’est une façon de passer du temps avec ses petits-enfants et de transmettre ses passions et son savoir~faire : « Quand il part en vacances, je soigne les lapins » (Inès). Les enfants nous décrivent des grands-pères actifs, dynamiques : « Il nous fait sauter au plafond chaque fois qu’on va chez lui. Il nous apprend à nager à la mer » (Nadège). « Il est encore jeune donc on peut faire beaucoup de choses ensemble » (Glwadys). Les grands-pères font les pitres pour amuser les petits-enfants : « Il est rigolo, il peut faire plein de choses comme enlever ses dents » (Patricia). « Il est rigolo, il s’amuse bien avec nous, il joue à nous faire tomber quand on est sur ses genoux » (Candice). « Il est rigolo parce qu’il nous fait des petites grimaces » (Noël).

17Le cadre de vie est souvent mentionné, spécialement quand le grand-père vit à la campagne. Sa maison est propice aux jeux : « La maison, le grenier, il y a une salle spéciale pour jouer » (Lionel). « Je peux faire du vélo, il y a une route, mais pas beaucoup de voitures » (Fabien). Lorsque le grand-père a des animaux, les enfants sont ravis de nous en faire la liste : « Il a des ani~maux, des lapins, des chats, des chiens. Il n’a plus qu’un chien, il en avait deux avant, des poissons » (Jasmine). « J’aime bien m’occuper des animaux, courir après les poules » (Rachelle). Chez le grand-père, on rencontre d’autres membres de la famille : « J’ai mes cousins tout près » (Fabien). « Des fois, je rencontre mon autre papy qui habite tout près » (Kévin).

18Les enfants reprochent aussi aux grands-pères d’avoir mauvais carac~tère : « Il a un caractère de cochon » (Ninon). « Il râle un peu, même pour rien, il est un peu grincheux » (Nicolas). Mais les petits-enfants ne semblent pas être la cible directe de cette humeur acariâtre : « Il râle souvent, souvent après ma grand-mère, mais elle se défend » (Diane). Les enfants n’apprécient pas que leur grand-père fasse preuve d’autorité : « Après manger, on faisait toujours une sieste » (Mélanie). « Il veut toujours que mamie m’accom~pagne » (Nicolas). Certains grands-pères ne sont pas disponibles : « Il n’est presque jamais là, car il rentre tard le soir » (Louison). Et leurs activités ne plaisent pas toujours aux enfants : « Il regarde le tiercé à la télé » (Brenda). « Il regarde beaucoup la télé » (Nadège). Lorsque le grand-père regarde ses programmes préférés, les enfants s’ennuient. Certains enfants relèvent que le cadre de vie du grand-père n’est pas très agréable : « La chambre, le lit est tout raplapla. Le bruit parce qu’il y a des trains » (Rachelle). « Ma grand-mère et mon grand-père n’avaient pas beaucoup de vêtements, on leur en a donc donné, et puis du parfum parce que ça sentait mauvais » (Hélène). Sa maison n’est pas toujours équipée pour accueillir l’enfant et pour le distraire : « Il n’y a pas de jouets, que des dinosaures et des petites voitures, mais je n’y joue plus depuis longtemps » (Kévin).

19Nathan et Pascal décrivent des grands-pères parfaits, à qui ils ne par~viennent pas à trouver le moindre défaut. Mélodie, en revanche évoque un grand-père exécrable : « Mon autre grand-père, il grogne tout le temps. Il n’est jamais content. Il dit des gros mots quand il nous parle. Au lieu de nous engueuler, il dispute ma mamie. Il peut même pas se déplacer quand il est à table, il demande à quelqu’un parce qu’il est fainéant. » Ce grand-père est le seul à ressembler aux vieilles personnes « insupportables qui tyrannisent leur entourage » des livres d’enfants évoquées par G.Arfeux-Vaucher (1997).

20Doit-on en conclure qu’il existe deux catégories de grands-pères, les « bons » et les « mauvais » ? Certainement pas, car les représentations des enfants les conduisent à décrire des grands-pères à la fois gentils, généreux et grincheux : « Il est gentil avec moi / il a un caractère de cochon » (Ninon). « Il donne souvent des choses, l’autre jour, il m’a donné une petite radio/il râle souvent, souvent après ma grand-mère » (Diane). Un même trait peut être évoqué par l’enfant pour illustrer ce qui lui plaît chez le grand-père et ce qui lui plaît moins. Karen adore que son grand-père l’initie à la nature et fait en même temps une réserve : « Il veut m’apprendre des choses que la maî~tresse doit m’apprendre, mais sous un autre angle, à sa façon. » Gladwys sou~ligne qu’elle peut faire beaucoup de choses avec son grand-père parce qu’il est encore jeune, mais qu’elle trouve parfois fatigant sont dynamisme : « Des fois, il m’oblige un peu à sortir quand je suis fatiguée. » Raphaël apprécie le côté bavard de son grand-père : « Il raconte plein de trucs », et trouve parfois cela agaçant : « Il pense en parlant, il parle tout bas pour penser. »

Des grands-pères partenaires d’activités diversifiées

21Pour repérer les rôles des grands-pères identifiés par les enfants, nous disposons du dessin de l’activité partagée, de leur réponse à la question « que fais-tu d’autre avec lui ? » et du récit de l’après-midi passé ensemble.

22Le dessin montre une activité qui peut être aussi bien l’activité la plus fréquente – « On fait toujours du jardinage » (Diane) – que l’activité excep~tionnelle qui laisse un souvenir marquant – « C’est le jour où on a fait une cabane en briques de papier mâché dans le jardin » (Agnès). L’évocation de l’activité partagée permet aux enfants d’en mentionner d’autres, y compris celles dont ils disent qu’elles « sont difficiles à dessiner ». Le récit écrit met en scène la succession temporelle. Dans leur rédaction, 21 écoliers repren~nent le thème de leur dessin. Cette répétition peut renvoyer à une relative pauvreté des échanges intergénérationnels : ainsi, Mélanie dessine et raconte la cueillette des framboises, répond « rien de spécial » à la question « que fais-tu d’autre avec lui ? » et termine son récit par les activités qu’elle a avec sa grand-mère. Mais cette répétition a sans aucun doute une autre significa~tion pour Lucie qui évoque le dernier Noël de son grand-père, et une autre encore pour Jasmine qui mentionne uniquement les soins aux divers animaux domestiques, tâche à laquelle elle semble prendre beaucoup de plaisir. À l’opposé, certains enfants dressent un catalogue d’activités très diversifiées. Karen dessine une partie de pêche, explique qu’avec son grand-père elle jar~dine, fait les courses et range son bureau, et écrit qu’elle se promène en forêt, ramasse des champignons, rentre pour goûter et regarde la télé. Rébecca elle aussi établit une longue liste d’activités, mais qui concernent ses deux grands-pères. Avec son grand-père maternel, qu’elle dessine en fauteuil rou~lant, elle se promène, joue à la maîtresse, regarde des cassettes vidéo et échange des cadeaux. Avec son grand-père paternel, au cours de l’après-midi qu’elle raconte, elle fait les courses, de la pâtisserie, rend visite à une tante, fait du vélo et mange les gâteaux confectionnés.

23Pour brosser un tableau global des activités partagées avec les grands-pères, nous avons relevé toutes les tâches mentionnées en cumulant les trois modalités d’évocation. Nous dénombrons ainsi 202 activités (soit en moyenne 4,22 activités par enfant). Nous nous arrêterons aux douze activités les plus souvent mentionnées.

tableau im1
Activités partagées Effectif (%) Filles (%) Garçons (%) Promenades 21 (44 %) 16 (50 %) 5 (31 %) Jeux sportifs 20 (42 %) 15 (47 %) 5 (31 %) Jeux cartes et société 20 (42 %) 12 (33 %) 8 (66 %) Pêche 18 (37 %) 9 (25 %) 9 (75 %) Repas 18 (37 %) 13 (36 %) 5 (41 %) Télé, cassettes vidéo 16 (33 %) 8 (22 %) 8 (66 %) Jardinage 15 (31 %) 9 (25 %) 6 (50 %) Bricolage 15 (31 %) 5 (14 %) 3 (25 %) Animaux domestiques 8 (17 %) 7 (19 %) 1 (18 %) Sorties culturelles, fêtes 6 (12 %) 3 (8 %) 3 (25 %) Dessins 6 (12 %) 3 (8 %) 3 (25 %) Rencontres familiales 5 (10 %) 3 (8 %) 2 (17 %)

24À travers ces différentes activités, les grands-pères apparaissent comme des initiateurs à la nature : promenade, pêche, jardinage, soins aux animaux domestiques… Les promenades dans la campagne se font sans presser le pas et s’enrichissent de la confection de bouquets (Brenda), du ramassage de cailloux de collection (Linda), de la cueillette de champignons (Karen) ou sont l’occasion d’apprendre à identifier les oiseaux (Rafaël). Pêche, jardi~nage, soins aux animaux domestiques, autant d’occasions de transmettre savoirs et savoir-faire. Les commentaires insistent souvent sur la difficulté d’égaler les performances de l’aîné.

25Les grands-pères sont aussi des compagnons de jeux. Sportifs, ils prati~quent différents jeux de ballon, font du cheval, du vélo, ou, plus tranquilles, disputent des parties de cartes (bataille, rami, menteur) ou de jeux de société, essentiellement des grands classiques (jeu de l’oie, dames, petits chevaux), dont quelques enfants signalent qu’ils sont ceux avec lesquels jouaient leurs parents.

26Dessiner et bricoler sont également deux savoir-faire auxquels les grands-pères initient leurs petits-enfants en faisant avec eux tableaux, maquettes, objets en pâte à sel. Si regarder la télévision ou des cassettes vidéo peut être considéré comme une activité passive, il n’est pas exclu que le plai~sir de regarder un programme choisi ensemble puisse contribuer à créer des complicités.

27Leur convivialité et leur sociabilité s’exprime à travers les repas parta~gés, les rencontres avec d’autres membres de la famille, cousins, oncles et tantes, et les événements festifs ou culturels où les grands-pères emmènent leurs petits-enfants : parcs d’attraction, fêtes foraines, cinéma, zoo, musée.

Des grands-parents au masculin

28Les grands-pères enseignent aussi les règles du savoir-vivre. Aux ques~tions fermées sur « les grands-pères en général », les écoliers répondent que les grands-pères peuvent apprendre aux enfants à être polis (96 %), leur enseigner les règles de jeux (96 %), les empêcher de jeter des papiers par terre et les inciter à ne pas abîmer la nature (94 %). Les réponses sont plus partagées sur d’autres propositions : consoler, venir chercher à l’école, racon~ter des histoires ou aider à faire les devoirs ; mais une large majorité des enfants estime que les grands-parents sont compétents pour toutes ces tâches. Cependant, ils ne sont que 58 % (score le plus bas) à penser que les grands-pères peuvent aussi préparer le goûter. Les raisons évoquées sont diverses. Certains pensent que c’est une tâche féminine. « C’est plutôt les grands-mères qui le font » (Nike). D’autres estiment qu’ils ont mieux à faire : « Il doit penser à donner l’exemple, à ses croyances, le goûter ce n’est pas important » (Mickaëlle) ou doutent de leurs capacités : « Il va préparer quelque chose qu’on n’aime pas » (Mégane).

29Les enfants témoignent finalement qu’ils ne mettent pas dans le même sac grands-pères et grands-mères, et qu’ils leur attribuent des fonctions bien différenciées (Mietkiewicz, 2001). Initiateurs à la nature, compagnons de jeux ou as du bricolage, les grands-pères sont pour leurs petits-enfants des personnages qui excellent dans des activités traditionnellement masculines ; les tâches ménagères et les activités culinaires restant plutôt dévolues aux grands-mères. Le grand-père occupe auprès de sa descendance une place et un rôle qui paraît s’appuyer sur une répartition sexuée des tâches dont on peut se demander si elle n’est pas plus marquée dans sa génération que dans celle des parents de ses petits-enfants. Il n’est pas impossible que certaines convic~tions des grands-pères sur le partage des tâches fasse partie de la contre-édu-cation qu’ils dispensent en démontrant au jeune enfant d’autres manières de différencier le masculin et le féminin. Il n’est pas impossible non plus que ces questions soient parfois vivement débattues entre les générations…

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

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Mots-clés éditeurs : représentations, rôles, petits, enfants, Grands-pères

https://doi.org/10.3917/dia.158.0032

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