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Article de revue

Pierre Desloges le regard sourd du 18e siècle. Autour des Observations d’un sourd et muet (1779)

Pages 357 à 371

Notes

  • [1]
    Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Paris, Librairie Philosophique Vrin, 2008, p. 113.
  • [2]
    Michel de Montaigne, Essais (1595), livre II, chap. 12, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, Paris, PUF, 1965, p. 183.
  • [3]
    Bernard Mottez, Les Sourds existent-ils ?, éd. Andrea Benvenuto, Paris, l’Harmattan, 2007, p. 153.
  • [4]
    René Descartes, Œuvres et lettres, Paris, Gallimard, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”, 1937, p. 1256.
  • [5]
    Voir Raphaël Ehrsam, « Représentation des sourds et muets et fonctions de la parole de Descartes à Kant », Archives de Philosophie, 2012/4 (tome 75), p. 643-667, qui résume toute la question de la parole entre Descartes et Kant.
  • [6]
    Édition de référence : Pierre Desloges, Observations d’un sourd et muèt, sur un cours élémentaire d’éducation pour les sourds et muèts, publié en 1779 par M. l’abbé Deschamps […], Paris, B. Morin, 1779, p. 14. L’ouvrage est disponible au format numérique dans Gallica (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k749465).
  • [7]
    Claude François Deschamps, Cours élémentaire d’éducation des sourds et muets […] suivi d’une Dissertation sur la parole traduite du latin de Jean-Conrad Amman […] par M. Beauvais de Préau […], Paris, Frères Debure, 1779.
  • [8]
    Frédéric-Gaëtan de La Rochefoucauld-Liancourt, Documents relatifs au système pénitentiaire, Extraits du journal de la Société de la morale chrétienne, Paris, Imprimerie A. Henry, 1844, p. 290.
  • [9]
    Sur l’abbé Copineau, voir Sophia Rosenfeld, « The political uses of sign language : the case of the French Revolution », dans Sign Language Studies, n° 1, Automne 2005, p. 25 et Renate Fischer, « The study of natural sign language in Eighteenth-Century France », Sign Language Studies, vol. 2, n° 4, été 2002, p. 394.
  • [10]
    Claude François Deschamp, Lettre à Monsieur de Bellisle […] pour servir de réponse aux Observations d’un sourd & muet sur un Cours élémentaire d’éducation des sourds & muets, publié en 1779, s. l., s. e., 1780, p. 36-37.
  • [11]
    Voir Angélique Cantin, Yann Cantin, Dictionnaire biographique des grands sourds en France, Paris, Archives et Culture, nov. 2017, entrées Pierre Desloges et Michel Saboureux de Fontenay.
  • [12]
    Dans la lignée de notre thèse sur la communauté sourde à la Belle Époque, soutenue en 2014, nous avions initialement envisagé d’utiliser pour désigner la langue des signes le terme « noétomalalien », néologisme créé au début du 20e siècle par le sourd Henri Gaillard. On y retrouve deux racines grecques : noétos, qui signifie être intelligible, et alalia, qui désigne le fait d’être sans parole, au sens de ne pouvoir parler vocalement. Avec ce néologisme, Henri Gaillard introduit dans la langue française ce qui se dit déjà dans la langue des signes : noétomalalier, qui signifie parler en langue des signes (Henri Gaillard, L’Écho de la Société d’appui fraternel des sourds-muets de France, journal paraissant les 1er février, avril, juin, août, octobre et décembre, n° 1, février 1889). Toutefois, pour plus de lisibilité, ce terme n’étant pas encore très répandu, nous avons fait le choix de ne l’utiliser que ponctuellement dans cet article.
  • [13]
    « 19 janvier », La République des Lettres, n° 10, mardi 25 janvier 1780, p. 99-100.
  • [14]
    Les concepts de Deaf Gain et de Deafhood sont développés aux États-Unis et au Royaume-Uni par des chercheurs sourds qui tentent de clarifier la différence de point de vue entre la communauté sourde et la société dite entendante. Cette réflexion tente également de faire basculer la perception de la surdité, pour qu’elle ne soit pas vue comme une déficience mais comme un avantage (voir Paddy Ladd, Understanding Deaf Culture : In Search of Deafhood, Clevedon, Buffalo, Toronto, Sydney, Multilingual Matters Ltd, 2003).
  • [15]
    Cette image du sourd-muet isolé est en effet véhiculée par de nombreux auteurs dont Ferdinand Berthier, connu pour son ardent militantisme sourd, qui semble avoir noirci le tableau afin d’exalter le rôle de l’abbé de l’Épée pour des raisons politiques. De fait, l’importance donnée à l’abbé de l’Épée par Berthier au milieu du 19e siècle a occulté la situation réelle de la communauté sourde décrite par Desloges.
  • [16]
    Charles Gaucher, « Les sourds comme figures de tensions identitaires », Anthropologie et Sociétés, vol. 29, n° 2, 2005, p. 151-167.
  • [17]
    Ernest Dusuzeau, « Rapport sur la Méthode Orale et la Méthode des signes », Deuxième congrès national pour l’amélioration du sort des sourds-muets, Roubaix, 13-14-15 août 1911, Roubaix, Imprimerie du Journal de Roubaix, 1912, p. 68.
  • [18]
    Pierre Desloges, « Lettre au rédacteur », Journal encyclopédique, Bouillon, février 1780, tome 1, partie 1, p. 463-464.
  • [19]
    Les Petites-Maisons étaient un asile d’aliénés situé dans l’actuelle rue de Sèvres à Paris. Les trois autres sections de cette institution accueillaient respectivement des personnes âgées, des malades atteints de maladies vénériennes et des malades atteints de la teigne. Desloges ne semble pas y avoir résidé, étant plutôt accueilli à Bicêtre au pavillon de Saint-Mayeul (Maryse Bézagu-Deluy, Dans les silences et la fureur de l’Histoire Des Sourds et Muets, à Paris, au XVIIIe siècle, L’Ile-Saint-Denis, Mouvement des Sourds de France, 1993, p. 54 et 58).
  • [20]
    Pierre Desloges, « Lettre du 16 décembre 1779 », Mercure de France, 18 décembre 1779, p. 142.
  • [21]
    Étienne de Fay (1669-1750), savant sourd qui résidait à l’abbaye de Saint-Jean des Prémontrés d’Amiens, avait rédigé deux manuscrits d’un total de plus de 600 pages, où il décrit les différentes monnaies et médailles retrouvées autour d’Amiens. Sa réputation était établie, de sorte que les habitants des environs faisaient appel à lui quand ils trouvaient des pièces de monnaies anciennes (voir entrée Étienne de Fay, Dictionnaire biographique des grands sourds en France, éd. citée).
  • [22]
    Claude Fauchet, Oraison funèbre de Charles-Michel de l’Épée […], Paris, J.-R. Lottin de Saint-Germain, 1790, p. 32-33.

1 La question de l’intelligence du sourd et de son isolement supposé a été débattue par de nombreux penseurs depuis l’Antiquité et le débat entre Platon et Aristote. Cette discussion multiséculaire permet aux philosophes de définir ce qu’est fondamentalement l’humanité. Mais est-ce que la surdité a une incidence sur la pensée, sur la conscience de soi ? De nombreux auteurs ultérieurs, comme Kant, le pensent :

2

La forme de l’objet n’est pas donnée par l’ouïe, et les paroles ne conduisent pas immédiatement à la représentation de l’objet ; mais pour cette raison précise et pour cette autre qu’en soi elles ne signifient rien, du moins aucun objet mais seulement des sentiments intérieurs, elles sont le moyen le plus adapté à la caractérisation des concepts ; les sourds de naissance, qui doivent par conséquent rester aussi muets, ne peuvent jamais accéder au-delà d’un analogon de la raison [1].

3 Ceci rejoint la posture d’Aristote qui, dans l’Histoire des animaux, considérait le sourd comme l’équivalent de l’animal du fait qu’il est incapable de parler bien qu’il ait une voix, et que le son représente le moyen le plus noble d’accéder au savoir. Cette posture a un grand impact, plus particulièrement après la Renaissance, où l’humanisme naissant reconsidère la question du langage et donc la notion d’être humain. Michel de Montaigne s’est interrogé en son temps sur cette posture en constatant que « nos muets disputent, argumentent, et content des histoires par signes[.] J’en ay veu de si souples et formez à cela, qu’à la verité, il ne leur manquoit rien à la perfection de se sçavoir faire entendre [2]. » Cette phrase est éclairante dans la mesure où l’auteur s’est retrouvé dans une position habituellement réservée aux sourds dans la société, celle de ne pas pouvoir comprendre la conversation de personnes en présence desquelles on se trouve. Elle entre en résonance avec l’analyse récente de Bernard Mottez :

4

La culture sourde se caractérise d’abord par une certaine façon d’utiliser son corps. Parler à ce propos de culture, implique d’une part qu’il ne suffit pas d’être sourd pour l’utiliser de la sorte. Ne pas entendre conduit évidemment à faire avec son corps de façon différente que si on entendait […]. Parler à ce propos de culture, implique d’autre part qu’un entendant, bien qu’entendant, doit pouvoir, en tout cas dans ses rapports avec les sourds, expérimenter dans une certaine mesure cet usage du corps [3].

5 Au 17e siècle, Descartes avance dans sa lettre au marquis de Newcastle du 23 novembre 1646 que l’usage des mains pour s’exprimer fait des sourds des humains, à la différence des animaux qui ne peuvent pas s’exprimer :

6

il n’y a aucune de nos actions extérieures, qui puisse assurer ceux qui les examinent, que notre corps n’est pas seulement une machine qui se remue de soi-même, mais qu’il y a aussi en lui une âme qui a des pensées, excepté les paroles, ou autres signes faits à propos des sujets qui se présentent, sans se rapporter à aucune passion. Je dis les paroles ou autres signes, parce que les muets se servent de signes en même façon que nous de la voix […]. [I]l ne s’est […] jamais trouvé aucune bête si parfaite, qu’elle ait usé de quelque signe, pour faire entendre à d’autres animaux quelque chose qui n’eût point de rapport à ses passions ; et il n’y a point d’homme si imparfait, qu’il n’en use ; en sorte que ceux qui sont sourds et muets, inventent des signes particuliers, par lesquels ils expriment leurs pensées [4].

7 On voit ici la différence fondamentale, selon Descartes, entre l’animal et l’homme : celui-ci est capable de surpasser sa condition physique pour pouvoir s’exprimer et montrer sa pensée. Cette position est loin d’être partagée par les penseurs du siècle suivant, qui, comme Kant, rejettent la possibilité d’une conscience sans parole. L’opposition entre Descartes et Kant montre toute l’évolution de la pensée sur la surdité et la parole entre le 17e et le 19e siècle [5].

8 Ce débat sur le lien entre parole et conscience et, partant, sur l’éducabilité du sourd s’est déroulé sans que les sourds eux-mêmes aient eu leur mot à dire. En effet, il semble qu’il n’y ait pas eu en France de textes publiés par des sourds jusqu’au dernier quart du 18e siècle, plus précisément jusqu’en 1779, date à laquelle un relieur et colleur de papier pour meubles, vivant difficilement de son métier, entre bruyamment dans le débat en publiant ses Observations d’un sourd et muet. Pierre Desloges – c’est son nom – y déclare à propos du sourd : « Il aquiert promptement dans le comerce de ses camarades, l’art prétendu si dificile de peindre & d’exprimer toutes ses pensées même les plus indépendantes des sens, par le moyen des signes naturèls, avec autant d’ordre & de précision, que s’il avoit la conoissance des règles de la gramaire [6]. » Pour Pierre Desloges, le mot « sourd » représente une manière de vivre, une communauté, une volonté de s’insérer dans la société en dépit de la surdité. Les écrits de Pierre Desloges parus en 1779-1780 marquent la naissance du militantisme sourd du 19e siècle. Leur impact est loin d’avoir été pleinement mesuré. Ils ont suscité un débat nouveau dans les années 1779-1785, au point que l’abbé de l’Épée a été contraint d’écrire un nouvel ouvrage, La Véritable Manière d’instruire les sourds et muets, confirmée par une longue expérience (1784), pour tenter de mettre un terme à une controverse devenue dangereuse pour lui.

9 Bien que la pensée sourde du 18e siècle ne semble pas avoir été étudiée, elle apparaît comme le fondement du combat des sourds au siècle suivant. On peut mentionner ici Ferdinand Berthier, l’un des sourds les plus connus du 19e siècle. De fait, l’argumentaire employé par Desloges pour défendre la langue des signes, clé du développement intellectuel du sourd et donc de son émancipation sociale, se retrouve chez ses successeurs dans les deux siècles suivants.

Pierre Desloges, un sourd acteur du débat sur l’instruction des sourds

10 Baptisé le 21 septembre 1742 au Grand-Pressigny, non loin de Tours, sur les rives de la Loire, Pierre Desloges est issu d’une famille de bourgeois parisiens établis en Touraine à la faveur d’un emploi chez un baron local. Desloges témoigne dans son ouvrage, et une seconde fois dans le Mercure de France du 16 décembre 1779, de son enfance et de la cause de sa surdité :

11

Je suis devenu sourd & muèt à la suite d’une petite vérole afreuse que j’ai éssuyée vers l’âge de sept ans. Les deux accidens de la surdité & du mutisme me sont survenus en même-tems &, pour ainsi dire, sans que je m’en sois aperçu. Pendant le cours de ma maladie, qui a duré près de deux ans, mes lèvres se sont tèlement relâchées, que je ne puis les fermer sans un grand éfort, ou qu’en y mètant la main. J’ai d’ailleurs perdu presque toutes mes dents ; c’est principalement à ces deux causes que j’attribue mon mutisme.
[Préface, p. 6-7]

12 Il sort de l’anonymat à 37 ans, en 1779, en publiant un ouvrage unique en son genre, Observations d’un sourd et muet, où il répond à la critique de l’abbé Deschamps sur la méthode éducative de l’abbé de l’Épée. Son irruption dans le débat survient dans un contexte où l’abbé de l’Épée s’est vu fortement contesté par ses détracteurs, parmi lesquels l’abbé Deschamps. La controverse a pour enjeu la place de la langue des signes dans l’éducation de l’enfant sourd. Pour l’abbé de l’Épée, qui s’en explique dans son ouvrage de 1776, Institution des sourds et muets par la voie des signes méthodiques, les signes sont un moyen d’instruire l’enfant sourd, et donc de l’amener à la civilisation. Ils sont également un moyen de lui faire apprendre le français écrit. Cependant, l’abbé de l’Épée ne promeut pas la langue des signes à proprement parler mais les « signes méthodiques », qui sont un mélange entre le vocabulaire de la langue des signes et la grammaire française, destinée à l’enseignement du français écrit.

13 Bien que Desloges ne le mentionne pas explicitement dans ses Observations, il existe une réelle différence entre les signes méthodiques et la langue utilisée par les sourds parisiens du 18e siècle. Cette différence est d’ordre grammatical, plus précisément syntaxique. L’abbé de l’Épée considère la langue des signes employée par les sourds de Paris comme agrammaticale. Il ne reconnaît pas sa structure syntaxique la plus fréquente (sujet – objet – verbe), qui s’est conservée dans la langue des signes française (LSF) et que l’on retrouve dans la plupart des autres langues des signes nationales. Convaincu que la langue française a le pouvoir de « civiliser » ceux à qui on l’inculque, il remplace cette structure syntaxique par celle du français, qui place en général le verbe au centre de la proposition. Face à la langue des signes, qui ne comporte pas de propositions à proprement parler mais dessine une sorte d’espace en trois dimensions où l’on peut désigner plusieurs actions simultanément, il éprouve une impression de chaos et s’emploie à discipliner ce qu’il perçoit comme du désordre en y injectant en quelque sorte de la grammaire française, avec pour résultat un français gesticulé. Cette méthode de signes combinés à la grammaire française sera finalement abandonnée à partir de 1819 à Paris en raison des lourdeurs qu’impose son usage par rapport à la langue des signes.

14 Dans son Cours élémentaire d’éducation des sourds et muets paru en 1779 [7], l’abbé Deschamps considère que l’usage des signes risque d’être néfaste dans la mesure où le sourd ne pourrait apprendre la parole, élément fondamental dans l’instruction de l’être humain. On retrouve ici le vieux débat sur le rôle central ou non de la parole dans l’éducation humaine. C’est en réaction aux arguments de Deschamps que Pierre Desloges décide d’écrire ses Observations d’un sourd et muet. Par la suite, il publie d’autres ouvrages jusqu’en 1794 : Lettres d’un sourd et muet aux électeurs de Paris en 1789, La Prédication des astronomes sur la fin du monde accomplie, ou la régénération de l’Europe au travail en 1790 et l’Almanach de la Raison, pour l’an deux de la République française en 1794. Sa vie entre 1780 et 1794 semble être une succession d’ennuis de santé. En effet, une mention en 1843 à propos de l’hospice de Bicêtre [8], où Desloges a vécu, fait état d’un déclin de la vue dans ses dernières années. Son silence à partir de 1794, date après laquelle on ne retrouve nulle trace de lui, semble correspondre aux tourments consécutifs à la fin de la Terreur et à la chute de Robespierre, dont il semble avoir été un chaud partisan. On ignore la date de sa mort.

15 En 1779-1780, Desloges défend la langue des signes, qu’il considère comme irremplaçable dans l’instruction des sourds-muets. Ses Observations constituent un ouvrage court, comportant une abondante annotation de l’éditeur, qui a cru nécessaire d’apporter des explications complémentaires au texte de l’auteur. Cet éditeur n’est autre que l’abbé Deschamps, cible principale de Desloges, ce qui montre le respect mutuel qui caractérisait ce débat singulier. Néanmoins, contrairement à ce que la couverture laisse penser, l’« Avertissement de l’éditeur » n’a pas été rédigé par Deschamps mais par l’abbé Copineau [9] qui explique qu’après avoir rédigé son manuscrit, Pierre Desloges a demandé à l’abbé de l’Épée de le corriger. Il poursuit : « Les grandes ocupations de ce vertueux Écclésiastique, & peut-être plus encore sa modestie, ne lui ont pas permis de prendre ce soin. L’auteur s’est adressé à moi, & je me suis chargé avec grand plaisir de lui rendre ce petit service » (p. 4). Copineau affirme s’être gardé de modifier le sens du texte et contenté d’en corriger la grammaire et l’orthographe. Il ajoute que « comme c’etoit peut-être la première fois qu’un sourd & muèt avoit mérité les honeurs de l’impression ; un semblable phénomène devoit, autant que possible, être présenté au Public dans toute son intégrité » (p. 5). Cette affirmation a suscité la réaction d’un autre sourd, Michel François Saboureux de Fontenay, dans une lettre datée d’octobre 1779, citée par Deschamps dans sa Lettre à M. de Bellisle : « Je puis vous témoigner que vous vous êtes trompé à ce sujet. Je suis même fâché que vous n’ayiez pas lu mes pieces imprimées. En effet, j’ai fait insérer dans le Journal de Verdun d’Octobre et Novembre 1765, ma réponse sur la manière dont j’ai appris à lire et à écrire. » Saboureux mentionne ensuite d’autres publications en 1773 et 1774 [10].

16 Sa réaction a conduit à une confrontation directe entre lui et Pierre Desloges en décembre 1779 et janvier 1780. Introduit par Desloges, Saboureux entre dans une assemblée de savants réunie par Mammès-Claude Pahin de la Blancherie et débat avec Desloges par écrit le 16 janvier 1780 [11]. On assiste là à une première, un débat entre sourds, l’un partisan d’une éducation non-gestualiste et l’autre défenseur d’une éducation noétomalaliée [12], chacun défendant sa position par écrit. On peut s’imaginer la joute « verbale » muette des deux hommes, dans un silence seulement troublé par le crissement des craies sur un tableau noir. Leur opposition a pour toile de fond une rivalité de classe, entre un artisan roturier à la limite de l’indigence et un aristocrate. Desloges défend l’instruction pour tous, alors que Saboureux semble la tenir pour un privilège de classe et de fortune. Ce débat montre que le point de vue de Pierre Desloges sur l’usage de la langue des signes est loin d’être partagé par tous les autres sourds, plus particulièrement quand ces derniers sont issus de l’aristocratie. Néanmoins, on ne retrouve pas de trace écrite du contenu de ce débat entre les deux bretteurs sourds, en dépit de quelques mentions dans La République des Lettres[13] qui font juste brièvement état des impressions des observateurs.

La langue des signes comme catalyseur de la pensée

17 Dans ses Observations, Desloges insiste sur l’importance cruciale de la langue des signes dans l’éducation des sourds. Pour lui, rien ne compte plus que cette langue qui permet au sourd de pouvoir non seulement s’exprimer, mais aussi structurer sa pensée. Sur ce point, sa position rejoint celle de Descartes :

18

Dans les comencemens de mon infirmité, & tant que je n’ai pas vécu avec des sourds & muèts, je n’avois d’autres ressource pour me faire entendre, que l’écriture ou ma mauvaise prononciation. J’ai ignoré long-temps le langage des signes. Je ne me servois que de signes épars, isolés, sans suite & sans liaison. Je ne conoissais point l’art de les réunir, pour en former des tableaux distincts, au moyen desquels on peut représenter ses diférentes idées, les transmètre à ses semblables, converser avec eux en discours suivis & avec ordre. Le premier qui m’a enseigné cet art si utile, est un sourd & muèt de naissance, Italien de nation, qui ne sait ni lire, ni écrire ; il étoit domestique chez un Acteur de la Comédie Italiéne. Il a servi ensuite en plusieurs grandes maisons, & notament chez Mr. le Prince de Nassau. J’ai conu cet homme à l’âge de vingt sept ans, & huit ans après que j’eus fixé ma demeure à Paris.
[Préface, p. 12-13]

19 Dans la phrase soulignée, on perçoit bien toute l’importance accordée par Desloges à l’éducation par la langue des signes, qui motive sa défense de la méthode de l’abbé de l’Épée. Il insiste sur le fait que sans instruction, la pensée ne peut se former ni se structurer. La langue des signes lui a permis de relier ses différentes pensées en peu de temps. C’est ce rôle de catalyseur de la pensée qui est mis en avant par Desloges, puisqu’il a observé son importance au sein de la communauté sourde, qui accueille régulièrement de nouveaux membres auparavant souvent dépourvus d’instruction. Desloges souligne que la lecture et l’écriture ne sont pas nécessaires au sourd pour accéder à l’instruction et à la pensée. Il pointe le rôle de la langue des signes comme vecteur éducatif sans support matériel. Cette caractéristique la met sur un pied d’égalité avec la parole en tant qu’instrument de transmission du savoir. Pour Desloges, Deschamps se trompe quand il estime que la langue des signes est bornée « aux choses physiques & aux besoins corporèls » (p. 13). Selon Desloges, le sourd sans éducation ne peut accéder à la pensée, à la réflexion, qui sont développées par la discussion, l’échange et le contact avec ses pairs. Il confirme que les sourds isolés présentent des difficultés de structuration intellectuelle, et que leurs signes, plus pauvres, ne sont pas représentatifs de la langue des signes. Il les oppose à ceux qui vivent dans les villes :

20

Cela est vrai, quant à ceux qui sont privés de la société d’autres sourds & muèts, ou qui sont abandonés dans des Hopitaux, ou isolés dans le coin d’une Province. Cela prouve en même tems sans réplique, que ce n’est pas des persones qui entendent & qui parlent, que nous aprenons comunément le langage des signes. Mais il en est tout autrement des sourds & muèts, qui vivent en société dans une grande Ville, dans Paris, par exemple, qu’on peut apeler avec raison l’abrégé des merveilles de l’Univers. Sur un pareil théatre, nos idées se dévelopent & s’étendent, par les ocasions que nous avons de voir & d’observer sans cèsse des objèts nouveaux & intéressans.
[ibid.]

21 À l’opposé de l’idéalisation de la nature et de l’idée d’une dénaturation de l’homme par la société exprimées par de nombreux penseurs de ce siècle comme Rousseau, Desloges considère que la ville est un cadre idéal pour le développement de la pensée du sourd et la structuration de sa réflexivité. Ce passage montre que les communautés de sourds-muets sont essentiellement urbaines. Les sourds-muets des campagnes y apparaissent au contraire comme très isolés, privés d’occasions de rencontrer leurs pairs. Desloges insiste sur le profil de ces sourds urbains qui ont pu accéder à l’éducation et au savoir sans connaître la lecture et l’écriture, ni les signes méthodiques : « Il y a de ces sourds & muèts de naissance, ouvriers à Paris, qui ne savent ni lire ni écrire, & qui n’ont jamais assisté aux leçons de Mr. Abbé de l’Épée, lesquels ont été trouvés si bien instruits de leur religion par la seule voie des signes, qu’on les a jugé dignes d’être admis aux Sacremens de l’Église, même à ceux de l’Eucharistie & du Mariage » (p. 14-15). Là encore, Desloges explique que Paris et les autres grandes villes sont des lieux permettant aux sourds-muets de se développer et d’acquérir tout un savoir grâce à leurs pairs qui se chargent de le leur transmettre au cours de débats, de discussions au sein de la communauté : « Il ne se passe aucun événement à Paris, en France & dans les quatre parties du Monde, qui ne fasse la matière de nos entretiens. Nous nous exprimons sur tous les sujèts avec autant d’ordre, de précision & de célérité, que si nous jouïssions de la faculté de parler & d’entendre » (p. 15). La référence aux conversations entre sourds en langue des signes fait écho à l’observation consignée par Montaigne deux siècles plus tôt.

22 Pour Desloges, rien ne distingue le sourd de l’entendant, à la condition qu’il puisse rencontrer ses pairs. Il va plus loin en affirmant que la limitation induite par la surdité est compensée par un surcroît d’attention. Il suggère qu’elle constitue même un avantage plutôt qu’un manque par rapport aux entendants :

23

Ce seroit donc une erreur grossière, que de nous regarder come des espèces d’automates destinés à végéter dans le monde. La Nature n’a pas été aussi marâtre à notre égard qu’on le juge ordinairement : elle suplée toujours dans l’un des sens, à ce qui manque aux autres. La privation de l’ouïe nous rend en général moins distraits. Nos idées concentrées, pour ainsi dire, en nous-mêmes, nous portent nécessairement à la méditation & à la réflexion.
[ibid.]

24 Cette argumentation est d’autant plus frappante qu’elle est régulièrement reprise tout au long des siècles suivants et semble préfigurer l’idée de Deaf Gain, selon laquelle la surdité peut être un avantage et un apport pour la société au lieu d’être une déficience [14]. Desloges ironise même en considérant la grande longueur des mots les plus ordinaires de la conversation vocale. Il dénombre les lettres nécessaires pour que le sourd les décode et les comprenne sans avoir recours aux signes :

25

Pour démontrer la longueur de ces opérations, prenons quelques mots des plus ordinaires dans la conversation, tels que aplaudissement, aplatissement, assouplissement, etc. Ces trois seuls mots contiènent au moins 41 lètres de l’alphabet, qu’il faudra lire une à une sur les lèvres par le moyen du toucher, ou se sentir écrire dans la paume de la main par le second moyen ; pour en avoir l’intelligence. Quelle sagacité, quelle mémoire, quelle finesse de tact, combien de temps ne faudra-t-il pas, pour exprimer & pour retenir sans confusion un aussi grand nombre de signes ?
[p. 26-27]

26 Desloges attaque ici directement les affirmations de Deschamps sur l’usage de la reconnaissance tactile des lettres. Il considère comme illusoire de vouloir faire suivre une conversation à partir du toucher, par un procédé qui nécessite de décoder les lettres une à une. Il s’appuie sur des exemples pour démontrer toute la richesse lexicale de la langue des signes et sa capacité à s’approprier toute la diversité de la société humaine, et à faire toute la clarté en peu d’instants :

27

Nous avons deux signes diférens pour désigner la noblesse ; c’est-à-dire que nous la distinguons en deux classes, la haute & la petite. Pour anoncer la haute noblesse, nous mètons le plat de la main gauche à l’épaule droite & nous la tirons jusqu’à la hanche gauche : puis sur le champ nous écartons les doigts de la main & la posons sur le cœur. Nous désignons la noblesse inférieure, en traçant avec le bout du doigt une petite bande & une croix sur la boutonière de l’habit. Pour faire conoître ensuite la persone de l’une de ces classes, dont il s’agit, nous employons des signes tirés de son emploi, de ses armoiries, de sa livrée, etc., ou enfin le signe le plus naturèl qui la caractérise.
[p. 45-46]

28 Cela prouve que la communauté sourde-muette est très intégrée dans la société, au point d’être au courant des subtilités de sa hiérarchie et même de la généalogie royale, puisqu’elle désigne les princes selon leur degré de parenté avec le monarque. Le cas de Desloges suggère qu’il pourrait y avoir eu à son époque des sourds lettrés qui se chargeaient de traduire les journaux, les affiches, et même faisaient fonction d’écrivains publics pour sourds. Cela infirme l’image du sourd isolé dans une grande ville souvent véhiculée par les auteurs du 19e siècle [15].

Une communauté sourde dès le 18e siècle ?

29 Le témoignage de Desloges traduit l’ampleur de l’intégration des sourds dans la société et l’importance de la solidarité communautaire qui améliorait leur condition. Le rôle de la langue des signes apparaît comme primordial pour la continuité de la communauté sourde au cours des siècles et son organisation interne. Selon l’anthropologue canadien Charles Gaucher, l’attachement des sourds à la langue des signes s’explique par le fait qu’elle sert de liant entre différentes personnalités au sein de la communauté. Ainsi, en dépit des parcours, des vécus différents, le dénominateur commun d’une communauté sourde est bien la langue des signes, que la personne soit sourde ou non [16]. Les écrits de Desloges des années 1779-1780 montrent l’émergence d’une défense et illustration de cette langue particulière, que les sourds voyaient déjà comme une langue à une époque où les linguistes la considéraient comme un ensemble de gestes sans cohérence – idée qui s’est maintenue jusqu’à la fin du 20e siècle. Desloges s’estime en droit de défendre sa langue, comme un Français le ferait s’il voyait un Allemand dénigrer la sienne : « Semblable à un François qui verroit décrier sa langue par un Alemand, lequel en saurait tout au plus quelques mots, je me suis cru obligé de venger la miène des fausses imputations dont la charge cet Auteur, & de justifier en même tems la méthode de Mr. l’Abbé de l’Épée, laquelle est toute fondée sur l’usage des signes » (Préface, p. 3). En se comparant à un Français qui défend sa langue, Desloges se considère comme membre d’une communauté ayant le devoir de répondre aux critiques de l’abbé Deschamps, qui voit dans la langue des signes un amas de gestes sans cohérence grammaticale. Face à ces idées, Desloges affirme au contraire que c’est une langue riche et précise qu’il faudrait plusieurs volumes pour décrire. Son regard sur la langue des signes est celui de l’utilisateur d’une langue et non celui d’un infirme de l’audition.

30 Implicitement, Desloges se revendique membre d’une communauté. L’attachement au noétomalalien qu’il exprime publiquement, par le truchement de l’imprimé, laisse supposer que la communauté sourde existait déjà à son époque. Relieur et colleur de papier pour meubles ayant des difficultés à disposer d’un revenu décent, il éprouve l’impérieuse nécessité d’agir en faveur de la langue des signes et consacre une partie de son temps à militer. Son attitude éclaire d’un jour nouveau toutes les actions des militants sourds des siècles postérieurs. Sa comparaison entre langue des signes et langues nationales s’avère étonnamment proche de celle d’Ernest Dusuzeau (1846-1917), enseignant sourd mis à la retraite d’office en 1886 et bachelier en mathématiques, qui, lors d’un congrès sur l’éducation de l’enfant sourd organisé en 1912 à Roubaix, déclare à propos de la langue des signes que « [l]es Français, les Anglais, les Allemands, les Russes, les Chinois ont une langue à eux. Et nous en avons une aussi à nous, le langage des signes ! Et nous devons en être fiers [17]. »

31 Ce qui frappe dans les écrits de Desloges, c’est la permanence de la revendication, qui semble avoir dérangé à l’époque. Artisan roturier confronté à la pauvreté et non issu de l’aristocratie, Desloges a pour ainsi dire jeté un gros pavé dans la mare du monde feutré des salons. Pour ces deux raisons il est perçu comme un perturbateur. Il le déplore dans sa « Lettre au rédacteur » du Journal encyclopédique de Bouillon, parue en février 1780 : « [p]lusieurs personnes paraissent surprises que je me sois donné l’épithète d’auteur étrange, d’espèce singulière. Elles ignorent qu’il n’y eut jamais d’écrivain dans une situation pareille à la mienne [18]. » Cet auteur sourd revendique le droit à la différence et martèle que cette différence n’empêche en rien l’accès à l’intelligence. Dans sa lettre publiée fin 1779 dans le Mercure de France, il détaille son long combat pour être si ce n’est reconnu, du moins pris au sérieux :

32

Je vous fais juges, messieurs. Sourd Muet depuis l’âge de sept ans, abandonné à moi-même et n’ayant reçu aucune instruction depuis cette époque où je savais seulement lire et un peu écrire ; venu à Paris à vingt et un ans, mis en apprentissage contre le gré et l’avis de mes parents qui me jugeaient incapable de rien apprendre ; obligé de chercher de l’ouvrage pour subsister ; sans appui, sans protection, sans ressource, réduit deux fois à l’hôpital, faute d’ouvrage ; forcé de lutter sans cesse contre la misère, l’opinion, le préjugé, les injures, les railleries les plus sanglantes de parents, d’amis, de voisins, de confrères qui me traitent de bête, d’imbécile, de fou qui prétend faire le raisonneur et d’avoir plus d’esprit qu’eux, mais qui sera mis quelques jours aux Petites-Maisons [19], voilà, messieurs, la situation de l’étrange auteur sourd-muet, voilà les encouragements, les conseils qu’il a reçus. C’est dans ces circonstances, les outils d’une main, la plume de l’autre, qu’il a composé ses observations.

33 Ce passage montre qu’il a affronté des rejets, des critiques, non seulement de la part de la société entendante, qui s’étonnait qu’un sourd puisse oser faire publier un ouvrage, ce qu’Étienne de Fay [21], cinquante ans plus tôt, n’avait osé faire, mais aussi peut-être de la part de certains membres de la communauté sourde, qui trouvaient son action inappropriée. C’est du moins ce que suggère le terme polysémique « confrère », qui peut désigner les personnes exerçant le même métier que Desloges ou les autres sourds qu’il côtoie (que nous avons appelés plus haut ses « pairs »).

34 Dans son oraison funèbre pour l’abbé de l’Épée, l’abbé Fauchet exprime en 1790 la fascination exercée sur les entendants par la langue des signes. Il s’émerveille de son efficacité, qui la rend apte à communiquer un grand nombre d’informations en un temps très court :

35

Il dicte ; en un instant rapide où nous aurions à peine prononcé, en plusieurs mots, deux pensées, une suite de conceptions profondes que les disciples, sans oreilles et sans voix, se sont appropriées soudain, et qu’ils écrivent hâtivement avec une correction parfaite, en six langues différentes. On voit (et l’étonnement est extrême, l’admiration est infinie) des hommes qui n’ont que la moitié de nos sens, porter au-delà de leurs bornes connues, nos facultés intellectives. La précision est incroyable : la rapidité paroit surnaturelle. Nous tâtonnons avec nos paroles ; ils volent avec leurs signes. Nos esprits rampent et se trainent dans de longues articulations ; les leurs ont des ailes, et planent sans ralentissement dans l’immensité de la pensée. Le temps ne semble plus la mesure des idées, qui ne sont point successives, mais simultanées. Un ensemble soudain de signes réunis donne l’enchainement de vingt conceptions diverses [22].

36 Desloges constate le même rapport entre la durée d’exécution de tel signe et le nombre de caractères d’imprimerie qui seraient nécessaires pour le décrire : « je me suis borné à présenter une simple esquisse de notre langage, sans prétendre en expliquer à fond le mécanisme. Ce seroit là une entreprise immense & qui demanderoit plusieurs volumes. En effet, tel signe qui s’exécute en un clin d’œil, exigeroit quelquefois des pages entières, pour en faire la description complète » (préf., p. 4). La très grande richesse de la langue des signes, sa facilité d’exécution et surtout son importance dans la vie des sourds ont poussé Desloges à la défendre en dépit des difficultés. Cette prise de position inédite est un témoignage précieux sur la communauté sourde de cette époque, telle qu’elle était perçue par ses membres et par les entendants. Desloges est selon toute apparence le premier sourd en France à avoir osé dévoiler publiquement l’attachement des sourds à leur langue, le pionnier du militantisme sourd qui a pris son essor au siècle suivant, sous la houlette de Ferdinand Berthier.


Date de mise en ligne : 24/09/2018

https://doi.org/10.3917/dhs.050.0357

Notes

  • [1]
    Emmanuel Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique, Paris, Librairie Philosophique Vrin, 2008, p. 113.
  • [2]
    Michel de Montaigne, Essais (1595), livre II, chap. 12, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, Paris, PUF, 1965, p. 183.
  • [3]
    Bernard Mottez, Les Sourds existent-ils ?, éd. Andrea Benvenuto, Paris, l’Harmattan, 2007, p. 153.
  • [4]
    René Descartes, Œuvres et lettres, Paris, Gallimard, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”, 1937, p. 1256.
  • [5]
    Voir Raphaël Ehrsam, « Représentation des sourds et muets et fonctions de la parole de Descartes à Kant », Archives de Philosophie, 2012/4 (tome 75), p. 643-667, qui résume toute la question de la parole entre Descartes et Kant.
  • [6]
    Édition de référence : Pierre Desloges, Observations d’un sourd et muèt, sur un cours élémentaire d’éducation pour les sourds et muèts, publié en 1779 par M. l’abbé Deschamps […], Paris, B. Morin, 1779, p. 14. L’ouvrage est disponible au format numérique dans Gallica (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k749465).
  • [7]
    Claude François Deschamps, Cours élémentaire d’éducation des sourds et muets […] suivi d’une Dissertation sur la parole traduite du latin de Jean-Conrad Amman […] par M. Beauvais de Préau […], Paris, Frères Debure, 1779.
  • [8]
    Frédéric-Gaëtan de La Rochefoucauld-Liancourt, Documents relatifs au système pénitentiaire, Extraits du journal de la Société de la morale chrétienne, Paris, Imprimerie A. Henry, 1844, p. 290.
  • [9]
    Sur l’abbé Copineau, voir Sophia Rosenfeld, « The political uses of sign language : the case of the French Revolution », dans Sign Language Studies, n° 1, Automne 2005, p. 25 et Renate Fischer, « The study of natural sign language in Eighteenth-Century France », Sign Language Studies, vol. 2, n° 4, été 2002, p. 394.
  • [10]
    Claude François Deschamp, Lettre à Monsieur de Bellisle […] pour servir de réponse aux Observations d’un sourd & muet sur un Cours élémentaire d’éducation des sourds & muets, publié en 1779, s. l., s. e., 1780, p. 36-37.
  • [11]
    Voir Angélique Cantin, Yann Cantin, Dictionnaire biographique des grands sourds en France, Paris, Archives et Culture, nov. 2017, entrées Pierre Desloges et Michel Saboureux de Fontenay.
  • [12]
    Dans la lignée de notre thèse sur la communauté sourde à la Belle Époque, soutenue en 2014, nous avions initialement envisagé d’utiliser pour désigner la langue des signes le terme « noétomalalien », néologisme créé au début du 20e siècle par le sourd Henri Gaillard. On y retrouve deux racines grecques : noétos, qui signifie être intelligible, et alalia, qui désigne le fait d’être sans parole, au sens de ne pouvoir parler vocalement. Avec ce néologisme, Henri Gaillard introduit dans la langue française ce qui se dit déjà dans la langue des signes : noétomalalier, qui signifie parler en langue des signes (Henri Gaillard, L’Écho de la Société d’appui fraternel des sourds-muets de France, journal paraissant les 1er février, avril, juin, août, octobre et décembre, n° 1, février 1889). Toutefois, pour plus de lisibilité, ce terme n’étant pas encore très répandu, nous avons fait le choix de ne l’utiliser que ponctuellement dans cet article.
  • [13]
    « 19 janvier », La République des Lettres, n° 10, mardi 25 janvier 1780, p. 99-100.
  • [14]
    Les concepts de Deaf Gain et de Deafhood sont développés aux États-Unis et au Royaume-Uni par des chercheurs sourds qui tentent de clarifier la différence de point de vue entre la communauté sourde et la société dite entendante. Cette réflexion tente également de faire basculer la perception de la surdité, pour qu’elle ne soit pas vue comme une déficience mais comme un avantage (voir Paddy Ladd, Understanding Deaf Culture : In Search of Deafhood, Clevedon, Buffalo, Toronto, Sydney, Multilingual Matters Ltd, 2003).
  • [15]
    Cette image du sourd-muet isolé est en effet véhiculée par de nombreux auteurs dont Ferdinand Berthier, connu pour son ardent militantisme sourd, qui semble avoir noirci le tableau afin d’exalter le rôle de l’abbé de l’Épée pour des raisons politiques. De fait, l’importance donnée à l’abbé de l’Épée par Berthier au milieu du 19e siècle a occulté la situation réelle de la communauté sourde décrite par Desloges.
  • [16]
    Charles Gaucher, « Les sourds comme figures de tensions identitaires », Anthropologie et Sociétés, vol. 29, n° 2, 2005, p. 151-167.
  • [17]
    Ernest Dusuzeau, « Rapport sur la Méthode Orale et la Méthode des signes », Deuxième congrès national pour l’amélioration du sort des sourds-muets, Roubaix, 13-14-15 août 1911, Roubaix, Imprimerie du Journal de Roubaix, 1912, p. 68.
  • [18]
    Pierre Desloges, « Lettre au rédacteur », Journal encyclopédique, Bouillon, février 1780, tome 1, partie 1, p. 463-464.
  • [19]
    Les Petites-Maisons étaient un asile d’aliénés situé dans l’actuelle rue de Sèvres à Paris. Les trois autres sections de cette institution accueillaient respectivement des personnes âgées, des malades atteints de maladies vénériennes et des malades atteints de la teigne. Desloges ne semble pas y avoir résidé, étant plutôt accueilli à Bicêtre au pavillon de Saint-Mayeul (Maryse Bézagu-Deluy, Dans les silences et la fureur de l’Histoire Des Sourds et Muets, à Paris, au XVIIIe siècle, L’Ile-Saint-Denis, Mouvement des Sourds de France, 1993, p. 54 et 58).
  • [20]
    Pierre Desloges, « Lettre du 16 décembre 1779 », Mercure de France, 18 décembre 1779, p. 142.
  • [21]
    Étienne de Fay (1669-1750), savant sourd qui résidait à l’abbaye de Saint-Jean des Prémontrés d’Amiens, avait rédigé deux manuscrits d’un total de plus de 600 pages, où il décrit les différentes monnaies et médailles retrouvées autour d’Amiens. Sa réputation était établie, de sorte que les habitants des environs faisaient appel à lui quand ils trouvaient des pièces de monnaies anciennes (voir entrée Étienne de Fay, Dictionnaire biographique des grands sourds en France, éd. citée).
  • [22]
    Claude Fauchet, Oraison funèbre de Charles-Michel de l’Épée […], Paris, J.-R. Lottin de Saint-Germain, 1790, p. 32-33.

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