Notes
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[1]
Gunnar von Proschwitz, « Gustave III et les Lumières : l’affaire de Bélisaire », Studies on Voltaire and the eighteenth century, 26, (1963), p. 1347-1363 ; « Rayonnement de la langue et de la culture française en Suède au Siècle des Lumières », dans Une amitié millénaire, les relations entre la France et la Suède à travers les âges, Paris, 1993, p. 181-210 ; « Gustave III et la France », dans Le Soleil et l’Étoile du Nord, La France et la Suède au 18e siècle. Catalogue de l’exposition du Grand Palais, Paris, 1994, p. 292-304. James Kaplan, « The Stockholm manuscript of Marmontel’s Les Incas », Studies on Voltaire, 24, Oxford, 1987, p. 359-372 et « Some unpublished letters to Marmontel found in Swedish Collections », p. 373-378. Voir également Marianne Molander, « Le comte de Creutz, un ambassadeur francophile », dans Influences, relations culturelles entre la France et la Suède, Göteborg 1988, p. 147-155 ; Le Comte de Creutz, Lettres inédites de Paris (1766-1770), Acta universitatis Gothoburgensis, XXXIII (Göteborg-Paris 1987). À propos de Creutz, voir aussi Georges Mary, Un ambassadeur à la cour de France, le comte de Creutz, Lettres inédites à Gustave III (1779-1780), Acta universitatis Gothoburgensis, XXXIV (Göteborg-Paris 1987).
-
[2]
La Chimère de Monsieur Desprez (Paris, Musée du Louvre, 10 février-2 mai 1994) et Le Soleil et l’Étoile du Nord (Paris, Grand Palais, 15 mars-3 juin 1994).
-
[3]
Voltaire, Nio originalbref till Drottning Lovisa Ulrika och Sofia Dorotea (1742-1752), Kunglinga Biblioteket, Ms D 934a.
-
[4]
Mme du Deffand à Walpole, 30 octobre 1771, dans Benedetta Craveri, Mme du Deffand et son monde, Paris, 1982, p. 427.
-
[5]
Mme Geoffrin à Marmontel, 30 juillet 1766, Marmontel, Correspondance, éd. John Renwick, Aurillac, 1974, I, 94, p. 124-126.
-
[6]
Voir Jacques Wagner, Marmontel journaliste et le Mercure de France, Grenoble, 1975.
-
[7]
« L’un des hommes qui m’a le plus chéri et que j’ai le plus tendrement aimé, a été le comte de Creutz. C’était à lui que la nature avait donné par excellence, la sensibilité, la chaleur, la délicatesse du sens moral et de celui du goût, l’amour du beau dans tous les genres et la passion du génie comme celle de la vertu », Marmontel, Mémoires, éd. John Renwick, Clermont-Ferrand 1972, I, p. 66-67 et 260.
-
[8]
Voltaire à Marmontel, 21 mai 1764 (D 8316).
-
[9]
Marmontel, Bélisaire, éd. Robert Granderoute, Paris 1994, ch. XV, p. 181-182.
-
[10]
« Un grand siècle se forme dans le Nord. Un pauvre siècle déshonore la France. Cependant l’Europe parle notre langue ; à qui en a-t-on l’obligation ? À ceux qui écrivent comme vous, à ceux qu’on persécute », Voltaire à Marmontel, 16 mars 1767, D.10029.
-
[11]
À Louise-Ulrique, 31 janvier 1767 (Corr., 107, p. 139-140).
-
[12]
Au prince Gustave, 31 janvier 1767 (Corr., 104, p. 137).
-
[13]
Molander, Lettres inédites, 8, p. 53.
-
[14]
Ibid., 15, p. 71-72.
-
[15]
Ibid., 30, p. 112-13.
-
[16]
Bélisaire, ch. I, p. 11 et ch. VIII, p. 69.
-
[17]
La cour de France était partie prenante dans la préparation de la révolution suédoise et Vergennes, ambassadeur de France en Suède, s’évertuait à déceler chez le jeune roi les signes avant-coureurs de sa prise de pouvoir tout en déplorant son caractère trop léger. Voir la Correspondance politique, Suède (1771-1772) aux Archives du Ministère des Affaires étrangères.
-
[18]
Corr., I, 145, p. 200-201.
-
[19]
Marmontel parle d’une boîte. Malgré l’extrême dénuement auquel il fut réduit à la fin de sa vie, il ne s’en sépara jamais. Son inventaire après-décès, cité par John Renwick dans l’édition de la Correspondance, parle de « deux boîtes en or émaillé avec cercles et médaillons, dont une avec sujet de Bélisaire peint sur émail ». Sans doute la seconde est-elle celle dont parle Creutz dans la lettre du 12 janvier 1777 à Gustave III (J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 361).
-
[20]
Corr., I, 129, p. 177.
-
[21]
Dans la lettre qu’il adresse au prince royal le 13 septembre 1767, Creutz dit le plaisir de voir son ami reconnu et apprécié par son maître et sa fierté de voir ce dernier prendre fait et cause pour la philosophie. Il y parle aussi d’une œuvre plus considérable, qui pourrait, elle aussi, être dédiée au prince : « Il est occupé d’un nouvel ouvrage qui intéressera l’humanité » (Molander, 11, p. 60-61) ; c’est la première allusion aux Incas.
-
[22]
Au prince royal, 5 octobre 1767 (Corr., I, 151, p. 208-209).
-
[23]
Le 5 octobre, Marmontel lit la lettre à l’Académie. Un mois plus tard, il fait paraître un avis de recherche concernant un gros portefeuille par lui perdu, ou à lui dérobé, afin de pouvoir publier, pour sa défense, sans paraître en être responsable, toutes les lettres des despotes éclairés qui le remerciaient de leur avoir donné une leçon de gouvernement et de tolérance moins corrosive et donc plus acceptable que celles de Voltaire. Voir S. Lenel, Marmontel, un homme de lettres au dix-huitième siècle (Paris, 1912).
-
[24]
Gunnar von Proschwitz, Gustave III par ses lettres (Paris 1986), lettre du 22 mars 1768, 21, p. 58-59.
-
[25]
Ibid., 36, p. 98.
-
[26]
Voir Mémoires, I, Livre IX, p. 265.
-
[27]
« Il est extraordinaire que Marmontel qui est si charmant dans ses contes et si léger, le soit si peu dans la conversation ; c’est un énergumène qui parle avec un enthousiasme extrême et qui est le plus grand républicain possible. Ma chère Mère peut bien croire que ce n’est qu’à elle seule que j’ose dire une pareille chose, à peine l’ose-t-on penser ici. Ce serait un blasphème affreux dont je ne pourrais jamais me relever » (Gustave III par ses lettres, éd. citée, 41, p. 107-108).
-
[28]
Mémoires, I, IX. La dédicace du manuscrit de Stockholm des Incas propose de cette scène dramatique un récit similaire (Kungl. Bibl. MS, Vu 65-1).
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[29]
Mémoires, IX, p. 265-266.
-
[30]
Voir la lettre du 5 octobre 1767 : « Il faudrait faire un ouvrage digne de vous ; traiter, développer quelque sujet sublime » (Corr., 151, p. 208-209).
-
[31]
Voir ses lettres du 1er octobre et du 1er novembre 1771, J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 359-360.
-
[32]
J. Kaplan la date des premiers jours de novembre de 1771 (« Some unpublished letters… », art. cité, p. 375).
-
[33]
Voir Claude Nordmann, Gustave III, un démocrate couronné, Lille, 1986.
-
[34]
Par la seule persuasion d’un discours à sa garde il a obtenu de son armée qu’elle encercle le Riksdag, avec, comme signe de ralliement, un brassard blanc. La nouvelle arrive à Paris le 5 septembre par la Gazette qui publie le récit de l’abbé Michelessi : Lettre à Mgr Visconti sur la révolution arrivée en Suède, éditée à Stockholm en 1772. Marmontel répond au roi le 7.
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[35]
« Sire, un sincère ami de la liberté légitime élève au ciel ses yeux remplis de larmes : et du fond d’un cœur pénétré de joie, d’admiration et d’amour pour votre personne sacrée, il rend grâce à l’Être suprême d’avoir rendu à la Suède cette liberté précieuse sous l’autorité d’un roi juste, si digne de la protéger par son courage et ses vertus » (Corr. I, 196, p. 267).
-
[36]
Datée d’octobre 1772 par J. Renwick et de septembre-octobre, par G. von Proschwitz, 60, p. 38.
-
[37]
Le 3 novembre 1772, il écrit au comte de Shelburne : « Nous sommes fort occupés des affaires du Nord. La révolution de Suède surtout a plu infiniment à notre ministère. Quelques philosophes chagrins n’ont pas aimé à voir le despotisme s’établissant en Europe dans un état de plus. Vous ririez de voir ici l’enthousiasme, la tendresse que montrent pour le roi de Suède quelques grandes dames de la cour qui lui ont donné à souper à Paris et qui croient partager son élévation » (Morellet, Correspondance, éd. Dorothy Medlin, Jean-Claude David et Paul Leclerc, Oxford 1991, I, 62, p. 180). Marmontel n’était en effet pas le seul à assurer la propagande de Gustave. Le duc d’Aiguillon, secrétaire d’État des Affaires Étrangères, s’employait à faire distribuer, gratuitement et en nombre, la constitution suédoise traduite en français dans laquelle les lecteurs avaient la surprise de trouver « des articles bien peu conformes à la théorie de l’absolutisme » (Mémoires secrets, XXIV, 30 octobre 1772).
-
[38]
Au comte de Creutz, 12 octobre 1773 (Gustave III par ses lettres, éd. cit., 62, p. 144).
-
[39]
« C’est à vous principalement que l’esprit humain doit l’avantage de surmonter et de détruire les barrières que l’ignorance, le fanatisme et une fausse politique lui opposaient. Vos écrits ont éclairé les princes sur leurs vrais intérêts. Vous leur avez démontré avec cet agrément que vous seul savez donner aux choses les plus sérieuses, que plus un peuple est éclairé, plus il est tranquille et fidèle à ses obligations. Il est donc bien juste que vous receviez, le premier, l’hommage que la raison rend à l’humanité » (27 avril 1774, ibid., 64, p. 151).
-
[40]
Marmontel ne l’écrira jamais (J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 375-376).
-
[41]
« Cet hommage de la reconnaissance ne sera point souillé par l’adulation. C’est à la Suède, heureuse de vous avoir remis le dépôt de sa liberté, à la Suède où règne à présent la justice la bienfaisance, la concorde, la douce autorité des lois, à la place de l’anarchie du trouble et des calamités ; c’est à ce peuple trop longtemps égaré par ses factions, c’est à lui, Sire, à vous louer. »
-
[42]
« Je vous prie de le dire à Marmontel et que je ne veux lui écrire que quand j’aurai bien lu et relu son livre » (à Creutz, 22 avril 1777, J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 361).
-
[43]
8 septembre 1778 (Corr. I, 248, p. 328-329).
-
[44]
En 1777, Gustave avait demandé au librettiste Adleberth et au compositeur Naumann d’écrire un opéra tiré d’un épisode des Incas. Cora och Alonzo sera joué pour l’inauguration du théâtre de Stockholm, en 1782. Lors d’une reprise en 1788, Louis-Jean Desprez réalisa de nouveaux décors, dont quatre aquarelles du Musée du Théâtre de Drottningholm perpétuent le souvenir. Voir Barbro Stribolt, « On Desprez as a Set Désigner in Sweden : An Orientation », dans Gustav III and the Swedish Stage (Lewinston, Queenston, Lampeter, 1993, p. 186). Le National Museum conserve les dessins des costumes de Cora et d’Alonzo, de Jean Eric Rhen. Qui lit le suédois peut se reporter à l’ouvrage sur Cora och Alonzo publié par Marie-Christine Sckunke.
-
[45]
« Discours prononcé à l’Académie Suédoise, le jour de son installation le 5 avril 1786 », Collection des écrits politiques et littéraires de Gustave III, Roi de Suède, Stockholm, 1803, tome I, p. 10. Gustave III prêta plus d’attention à l’édition définitive des Incas qu’au manuscrit. L’exemplaire que possède la Kunglinga Biblioteket et qui provient de la bibliothèque de Drottningholm comporte des passages soulignés et quelques annotations qui pourraient être de sa main.
-
[46]
« Le roi de Suède attend ces morceaux à Spa d’où il veut les envoyer en Russie, et il ne doit être à Spa que jusqu’au 8 du mois prochain » (Corr. I, 255, p. 347).
-
[47]
Corr. I, 256, p. 347. Sur le désir que Marmontel avait d’apporter lui-même les porcelaines commandées, voir Morellet à William Petty, comte de Shelburne (Morellet, Corr. I, 182, p. 431).
-
[48]
« Monsieur de Marmontel, les présents que je destine pour l’impératrice de Russie sont arrivés. Le choix en est parfait. Les inscriptions sont on ne peut plus ingénieuses et dignes de l’auteur de Bélisaire et des Incas, ouvrages que je relis toujours avec un nouveau plaisir. Les soins que vous vous êtes donnés pour ces commissions ajoutent encore à la sensibilité que j’éprouve des attentions et de l’attachement que vous montrez pour ma personne dans toutes les occasions ; c’est avec un véritable plaisir que je m’empresse à vous en témoigner ma satisfaction » (« Some unpublished letters… », p. 376). James Kaplan situe la date d’envoi de cette lettre entre le 1er et le 15 septembre 1780.
-
[49]
19 août 1781 (Gustave III par ses lettres, 95, p. 222).
-
[50]
8 octobre 1781 (Corr. II, 266, p. 14-15).
-
[51]
Il faut dire qu’après avoir loué l’édit et déploré « qu’une pareille tolérance [ne] fût [pas] établie au centre de l’Europe », il a crû bon d’ajouter : « J’aurais donc voulu qu’en Suède la tolérance eût toute sa force d’attraction ; et je crains que les modifications qu’on y a mises ne l’aient trop affaiblie. Surtout l’exclusion des comices me semble une distinction trop affligeante, et une séparation trop marquée entre les patriotes et les réfugiés, ceux-ci seront sujets mais ne seront pas citoyens, et des exceptions humiliantes seront toujours entre les peuples des sources d’envie et de haine. » Bélisaire ne disait pas autre chose : « Personne ne veut être avili, rebuté, privé des droits de citoyen et de sujet fidèle, et toutes les fois que dans un État on fera deux classes d’hommes, dont l’une écartera l’autre des avantages de la société, quel que soit le motif de l’exhérédation, la classe proscrite regardera sa patrie comme sa marâtre » (Bélisaire, ch. XV, p. 193).
-
[52]
Gustave III par ses lettres, 101, p. 229-230.
-
[53]
Mémoires, I, IX, p. 299 : « L’ambassadeur de Suède […] me fut enlevé pour toujours. »
-
[54]
Voir l’émouvante lettre de Creutz à Marmontel du 4 novembre 1783 (J. Kaplan, « Some unpublished letters… », art. cité, p. 376-378).
-
[55]
Gustave III par ses lettres, 115 bis, p. 260.
-
[56]
Ibid., 114, p. 255-57.
-
[57]
« Détails sur le séjour du roi de Suède à Paris en 1784 » (Archives du Ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique, Suède, vol. 276, ff. 371-390).
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[58]
« Marmontel est bien impatient d’avoir l’honneur de lui faire sa cour. Il reste à Paris pour attendre ses ordres. Peut-il se flatter que Monsieur le comte ait été content de Didon ? » (Corr. II, 296, p. 45).
-
[59]
Corr. II, 297, p. 46.
-
[60]
Sans en avertir le directeur, Suard, Marmontel a offert au comte de Haga la tribune que Suard entendait réserver à sa femme et aux amies de celle-ci. Le directeur a protesté ; deux billets de Marmontel du 13 et 14 juin 1786, plus aigres que doux, tentent de lui faire entendre raison. Le secrétaire aura le dernier mot : l’ambassadeur a déjà accepté la tribune au nom de Gustave. Voir Corr. II, 298, 299, 300, p. 47-48.
-
[61]
Correspondance littéraire, philosophique et critique, 5 juin 1784 (éd. 1812, III, p. 509).
-
[62]
Mémoires secrets, XXVI, 15 juin 1784, p. 52-53.
-
[63]
Du Coudray, Voyage du comte de Haga en France, Paris 1784, p. 48-50.
-
[64]
« Détails sur le séjour du roi de Suède à Paris en 1784 », f° 385.
-
[65]
Morellet à Petty (Corr. I, 238, p. 519).
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[66]
À Creutz, le 21 juin 1784 (Gustave III par ses lettres, 121, p. 268).
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[67]
Mémoires, II, XVIII, p. 419.
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[68]
Corr. II, 322, p. 65-67.
-
[69]
Elle se termine en effet par une allusion au nouveau prince royal de Suède que von Rosenstein est chargé d’éduquer : « Je suis bien sûr que le prince que vous élevez, n’a besoin que de vos leçons pour ressembler à son auguste père, et pour apprendre de bonne heure, que, dans tous les pays du monde, le véritable intérêt des rois comme leur grandeur la plus solide, est d’être sur le trône les plus justes des hommes et les meilleurs des citoyens. »
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[70]
Œuvres posthumes, Œuvres complètes (Paris 1806), 32, p. 1-122.
-
[71]
Œuvres complètes, Paris, An IX-1801, 21, p. 1-123. Ce conte moral a été publié en trois livraisons (juillet, août, septembre 1791) dans le Mercure de France. Il a également été publié en suédois à Stockholm, en 1799, chez Jac. Nordström sous le titre : Eremiterne i Murcia., Moralisk berättelse af Marmontel efter grefve Creutz (d’après le comte de Creutz).
-
[72]
Les solitaires de Murcie, p. 18.
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[73]
Gustave II à Louise-Ulrique, 17 février 1771 (Gustave III par ses lettres, 41, p. 107).
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[74]
Les solitaires de Murcie, p. 15-18.
1Les relations de Jean-François Marmontel avec la Suède ont été étudiées par plusieurs chercheurs [1] et évoquées lors des grandes expositions parisiennes de 1994 [2], mais elles n’ont jamais fait l’objet d’une monographie. Aurait pu l’être pourtant la relation amicale qui, de 1763 à 1785, se noue entre Marmontel et Gustav Philip, comte de Creutz, ambassadeur de Suède en Espagne, puis en France. Dans la même période, l’écrivain établit d’autres relations, essentiellement épistolaires, avec le prince royal, futur Gustave III, et quelques hauts fonctionnaires suédois : le comte Scheffer, ministre plénipotentiaire et gouverneur du prince royal, le baron de Staël, successeur de Creutz après 1783, et Nils von Rosenstein le jeune, alors secrétaire d’ambassade. Les relations de son protecteur, Voltaire, avec la Suède étaient bien antérieures puisque depuis 1743, sa correspondance avec Louise-Ulrique sœur de Frédéric II, puis épouse d’Adolphe-Frédéric de Suède, témoigne de leur entente et de leur admiration réciproque [3]. Tout enfant, le prince royal avait appris par cœur La Henriade. Or, Marmontel devait beaucoup à Voltaire.
2Né en 1723 à Bort-les Orgues, aux confins du Limousin et de l’Auvergne, c’était à force de volonté et d’amour de l’étude que ce fils de tailleur avait échappé à sa condition, d’abord chez les Jésuites de Mauriac, puis grâce à Voltaire, avec lequel il était entré en correspondance alors qu’il étudiait et enseignait à Toulouse. Celui-ci le fit venir à Paris et l’environna, dès lors, d’une paternelle bienveillance et d’une indulgence rarement démenties.
3Marmontel, pour se montrer digne du grand homme, après avoir tâté de la poésie, s’était lancé dans le théâtre. Sa première tragédie avait été un triomphe qui l’introduisit dans ce monde des acteurs et actrices qui fascinera plus tard Gustave III. Mais ses premiers succès ayant été sans lendemain, il obtint une place de secrétaire des Bâtiments royaux que lui avait procurée Mme de Pompadour, sur la recommandation de Voltaire. Ce fut alors qu’il commença à fréquenter le cercle du baron d’Holbach. Il y devint l’ami et le confident de d’Alembert et le collaborateur de Diderot pour la partie littéraire de l’Encyclopédie. Mme Du Deffand méprisait ce « gueux revêtu de guenilles [4] » mais Mme Geoffrin l’appréciait, avec une certaine condescendance. Pour elle, c’était « un tendre ami, un cœur sensible, un esprit poétique, une âme remplie d’humanité et d’une philosophie douce qui [lui] fait voir tout en beau et croire que tout deviendra bon [5] ». Il faut dire que sa bonne étoile l’avait à nouveau favorisé : ses Contes Moraux, écrits entre 1754 et 1757, se vendaient bien dans toute l’Europe et, en avril 1758, il avait obtenu, sur la recommandation de Mme de Pompadour, la charge du Mercure de France. Il releva cette publication [6] mais en perdit le brevet et préféra se laisser embastiller, plutôt que de dénoncer l’auteur d’une satire contre le duc d’Aumont qu’il avait récitée en société. Son court séjour à la Bastille renforça sa notoriété. Il commença à y traduire la Pharsale de Lucain et à élaborer une Poétique Française qui allait lui ouvrir, le 24 novembre 1763, les portes de l’Académie où l’attendait Voltaire. Dans son discours de réception, il fit l’éloge de son maître et allégeance à la philosophie. Voltaire était comblé.
4À quelques jours près, arrive à Paris le comte de Creutz, qui se rend en Espagne pour y représenter son souverain. C’est un coup de foudre réciproque : Creutz, poète, et, lui aussi, passionné de théâtre, rencontre Marmontel dans le salon de Mme Geoffrin. Il manie remarquablement le français, sa culture est immense, et ses qualités personnelles scellent l’amitié entre les deux hommes [7]. Mais le devoir appelle Creutz en Espagne. Il quitte à regret Paris le 12 mai 1764 et fait un détour par Ferney. Voltaire, déjà prévenu en faveur du Suédois par Marmontel, bénit en quelque sorte leur amitié [8]. La nomination de Creutz en France en 1766 renforce cette dernière et rend possible une étroite collaboration littéraire : c’est Creutz qui pousse Marmontel vers des productions littéraires qui, tout en le ramenant à ses premières amours, lui assurent la célébrité. De la collaboration de l’écrivain avec le protégé de Creutz, Grétry (1741-1813), naissent des opéras- comiques, œuvres légères, mais qui procurent une relative aisance au librettiste : Le Huron, L’Ami de la maison, Lucile, Sylvain, La fausse magie, Zémire et Azor. Ainsi se tisse un réseau d’intérêts croisés, car Creutz, de son côté, cherche une caution philosophique pour le futur Gustave III, neveu du « roi-philosophe » selon Voltaire. Mais ce dernier, âgé et malade, vit à Ferney et Marmontel, son disciple affiché, dont l’audace relative est rassurante, se prête d’autant mieux à la manœuvre de l’ambassadeur, qu’il rêve d’écrire, à l’instar de Fénelon, un nouveau Télémaque. Ce sera Bélisaire.
5En 1767, ce roman moral va assurer à Marmontel une célébrité européenne et l’aura philosophique grâce à son quinzième chapitre, consacré à la tolérance, qui fit scandale. En effet ce chapitre, que Voltaire appelait « le bréviaire des rois », fut condamné par la Sorbonne qui menaça de poursuivre l’œuvre et l’auteur, pour avoir soutenu, entre autres, que « la vérité luit de sa propre lumière et qu’on n’éclaire pas les esprits avec la flamme des bûchers [9] ». Voltaire prit la plume pour soutenir son disciple [10] et lui conseilla – ce qui sauva le livre, en assura la diffusion et ridiculisa la Sorbonne – de l’envoyer à toutes les têtes couronnées éclairées de l’Europe : Frédéric II, la grande Catherine, Stanislas II, roi de Pologne, le prince héréditaire de Brunswick. Mais l’idée d’en envoyer un exemplaire à Louise-Ulrique et à son fils en revint sans doute autant à Creutz qu’à Voltaire.
6Dans la lettre qu’il joint à l’exemplaire de Louise-Ulrique, Marmontel s’adresse à la fois à la sœur du roi-philosophe et à la mère de celui qui est appelé à en devenir un, que son ouvrage « préservera peut-être de quelques-uns des préjugés ou des pièges de leurs flatteurs [11] ». De même, la lettre qui accompagne l’ouvrage destiné au prince royal s’adresse au jeune homme à travers le prince pour l’engager à « avouer » « les maximes de Bélisaire », « et si je vous fais désirer de trouver un pareil ami, mon succès est complet, et mon ambition remplie [12] ».
7La démarche va trouver un écho inespéré chez le futur Gustave III. Il a confiance en Marmontel : n’est-il pas le protégé de Voltaire, le grand homme que sa mère et le comte Scheffer lui ont appris à admirer depuis l’enfance, et l’ami intime de Creutz ? D’ailleurs la lettre de Marmontel n’arrive pas seule, elle est accompagnée d’une autre, datée aussi du 31 janvier, dans laquelle le comte, tout en flattant son idole, rend un tribut à l’amitié : « J’ai été doublement heureux en voyant peindre, par un philosophe que j’aime, un prince que j’idolâtre, qui fait la gloire et l’espérance de ma patrie, comme il est l’honneur de l’humanité [13]. »
8Cette lettre confirme à la fois l’attention portée par Creutz au travail littéraire de son ami et le rôle qu’il a pu jouer dans la genèse de Bélisaire. Il y opère un amalgame entre Bélisaire, Marc-Aurèle et son jeune maître qu’il reprendra dans deux lettres postérieures du 9 octobre 1767 et du 9 décembre 1768 : « Vous commencez votre carrière avec la réputation que Marc-Aurèle n’avait acquise qu’au bout de vingt ans de travaux [14] » ; « Nous avons appris ici, Monseigneur, que vous avez pris Marc-Aurèle pour modèle, que vous déployez comme lui des vertus simples et majestueuses [15]. » Or Marc-Aurèle était au cœur de Bélisaire : Marmontel y affirmait par la bouche du vieux général aveugle, dans le fameux chapitre XV : « Je ne puis me résoudre à croire qu’entre mon âme et celle d’Aristide, de Marc-Aurèle et de Caton il y ait un éternel abîme ; et si je le croyais, je sens que j’en aimerais moins l’être excellent qui nous a faits » (p. 181-182). C’est une des propositions condamnées par la Sorbonne qui rendirent le livre célèbre et firent de Marmontel l’un des champions de la tolérance.
9« J’ai été témoin que l’auteur en le composant n’a jamais perdu un instant de vue que VAR serait son juge » ajoutait Creutz. Cette phrase est une invite à relire Bélisaire avec les yeux du prince royal de Suède, dont le pays était décrit, au travers du tableau de l’Empire romain décadent, comme en proie à la corruption et à l’anarchie [16]. Il y avait là une remise en cause de la légitimité du tout puissant Riksdag, le Parlement de Suède, où se déchiraient les factions rivales des Bonnets et des Chapeaux, mais qui maintenait en Suède ce qu’on appelait « l’ère de la liberté ». Le lecteur princier était ainsi invité à se mettre au-dessus des factions, en édictant « des lois simples, claires, sensibles et faciles à appliquer. […] Car dès que le peuple est instruit de ce qu’il doit et de ce qui lui est dû, il est fier de sa sûreté et content de sa dépendance » (ch. XII, p. 118). Gageons que Gustave III se remémora ces lignes au moment crucial où il harangua ses troupes lors de sa « révolution » de 1772, sur le modèle de la « grande révolution » prédite dans le roman et résultat selon Tibère d’« un seul acte d’une volonté ferme » (ch. XIV, p. 171-173). Vergennes n’aurait pas dit mieux [17] !
10Le prince royal de Suède décoda correctement ces allusions. Sans doute faut-il prendre au sérieux l’affirmation de Creutz dans sa lettre du 13 septembre 1767. Bien qu’il fût coutumier de l’hyperbole, il n’entrait pas dans ses habitudes d’écrire : « Bélisaire a fait une sensation extrême. Mon prince l’a dévoré. Il lui a donné la fièvre [18]. » Car ce livre fut probablement pour le prince, une révélation. La lettre qu’il adresse à Marmontel le 19 juin 1767 en témoigne. Son enthousiasme et sa sincérité ne sont pas feints, non plus que son étrange humilité devant le philosophe. Gustave se sentait conforté par l’approbation de tout son entourage. Le comte Scheffer ne lui avait-il pas recommandé la lecture de Bélisaire ? Et les passages que l’auteur semblait avoir écrits à son intention ne lui garantissaient-ils pas l’allégeance de ce dernier, à laquelle pouvait ainsi répondre la sincérité du Prince ? La réponse enthousiaste du prince royal, accompagnée d’un riche présent [19], donnait non seulement raison à l’auteur condamné (« Le bien que produira votre ouvrage durera lorsque la censure ecclésiastique sera oubliée, et le plaisir d’avoir contribué au bonheur des hommes vaut mieux que celui d’avoir contenté quelques docteurs en théologie [20] »), mais l’agréait comme son mentor. Il y avait bien là de quoi avoir la tête tournée [21].
11Pourtant Marmontel commet à l’égard du Prince une grande indélicatesse en lisant sa lettre à l’Académie le 5 octobre, persuadé d’y trouver un puissant rempart contre les persécutions de la Sorbonne. Le soir même, il indique hypocritement au prince : « Les secrets même de Votre grande âme sont révélés, l’admiration les a trahis. On a lu de Votre main des paroles divines [22]. » Il fait pis encore : non content d’avoir lu sa lettre en public, il la publie [23], au grand dam du prince qui confie quelques mois plus tard à la comtesse de Bielke la réaction scandalisée de sa propre Église :
nos prêtres, qui se croyaient désignés, ne faisant pas réflexion que la Sorbonne était catholique et que ce que je disais des docteurs de théologie de Paris ne pouvait regarder ceux de Stockholm ou d’Upsal. Ils portèrent l’affaire au consistoire, et je vis le moment où j’allais être compris sous la censure de l’auteur du Bélisaire. J’eus le vent de cette affaire, et quoiqu’elle m’eût donné une grande célébrité en France comme persécuté pour la cause de la tolérance, je la craignis en Suède, où cette célébrité n’eût pas été aussi avantageuse […]. Avouez, Madame, qu’il faut être né coiffé comme moi pour attraper des tracasseries qui nous viennent de deux cents lieues [24].
13La manœuvre à courte vue de Marmontel marquera durablement la relation du roi et du philosophe. Quatre ans de silence épistolaire en témoignent.
14Quand, le 30 novembre 1770, le prince réécrit à Marmontel, occupé à collecter les fonds destinés à la statue de Voltaire, il ne s’agit plus que de s’assurer les bonnes grâces d’un cicérone à même de lui ouvrir les salons et les coulisses des théâtres [25]. Si le prince rencontre à plusieurs reprises l’auteur du Bélisaire lors de son premier séjour à Paris, en janvier 1771 [26], le portrait-charge qu’il envoie de l’« énergumène » à sa mère [27] dit combien l’époque où il avait fait de Marmontel son mentor est définitivement révolue.
15Pourtant, lorsque le 1er mars le messager de Stockholm vient annoncer la mort subite du roi son père et son avènement au trône de Suède, Gustave ferme sa porte à tous, sauf à Creutz et à Marmontel. Que ce dernier ait ou pas bénéficié des entrées de Creutz, il ne se priva pas de souligner dans ses Mémoires qu’il fut « le seul étranger » que le nouveau Gustave III reçut dans « les premiers moments de sa douleur », affligé d’être « interrompu dans [s]es voyages » sans avoir achevé son instruction, craignant d’être privé désormais de « toute relation fidèle » avec les hommes ; et Marmontel d’assurer le souverain qu’il pourrait toujours compter sur un comte de Creutz, dépeint comme silencieux et effacé [28]. Marmontel se sentit lié à Gustave par la scène dont il avait été témoin, et qui fut pour lui un grand moment de sa vie et de sa carrière.
16Ce fut le prince qui sollicita une copie manuscrite des Incas, après en avoir écouté quelques fragments lors de son séjour parisien [29]. Marmontel s’empressa de répondre à l’engagement moral de Gustave à l’égard des maximes de Bélisaire en lui dédiant son « grand ouvrage [30] ». Il remit les deux volumes, recouverts d’un simple papier gris, à Vergennes qui partait pour la Suède, le 11 mai 1771. Le roi tarda à en accuser réception, malgré les sollicitations de Creutz [31] et sa lettre de remerciements est bien ambiguë : « J’ai reçu Les Incas, je n’ai pas perdu de temps à les lire, mais je ne suis pas le maître du mien ; il m’en a fallu beaucoup pour achever cette lecture agréable et instructive. Vous avez une manière de combiner la morale et la politique qui n’appartient qu’à vous seul, et un art de couvrir les leçons les plus solides des peintures les plus séduisantes. Pourquoi faut-il qu’un si excellent ouvrage soit perdu si longtemps pour le public [32] ? »
17Le roi avait-il lu le manuscrit ? Il est permis d’en douter, car celui-ci n’a pas eu droit aux honneurs du maroquin rouge frappé aux armes royales, ne comporte aucune annotation et ne semble pas avoir été manipulé. La couverture est marquée de traces de fonds de tasse ou de soucoupe, comme s’il était resté posé sur une table où l’on prenait le thé. Quoi qu’il en soit, ce silence de cinq mois peut s’expliquer par la désagréable surprise qu’avait procurée au roi la lecture de la dédicace de l’ouvrage où Marmontel rappelait l’épisode que le roi aurait préféré oublier. Le malentendu ne pouvait être plus grand : au moment même où ce dernier préparait un coup d’état tendant à rétablir l’ordre en Suède par le retour à l’autocratie, on venait l’importuner avec l’image d’un monarque hautement moral, mais trop humain, dont il n’avait que faire. D’autant qu’au mépris de la raison d’État, le philosophe proposait à nouveau de la « publier » à la face de l’Europe.
18Le seul passage que Gustave pouvait agréer était celui justifiant l’envoi du manuscrit : « Tout y respire deux sentiments dont vous êtes rempli, l’horreur du fanatisme et l’amour de l’humanité. C’est par là, Sire qu’il est digne d’intéresser le cœur d’un roi sensible et juste, qui ne fera jamais à la religion l’outrage de persécuter en son nom. » En cela, au moins, Marmontel était clairvoyant : Gustave III, de fait, resta fidèle à l’idée de tolérance. Peu de temps après sa « révolution », le 27 août 1772, il abolira la torture judiciaire et décrétera la liberté des cultes en Suède en 1781 [33].
19Le 19 août 1772 est le jour de la fameuse « révolution » de Suède, décisive et sans violences [34]. Dès que Marmontel apprend la nouvelle, il s’empresse de féliciter celui qu’il considère toujours comme « le jeune prince » du Bélisaire, usant enfin du ton de courtisan qui convenait au monarque [35]. Moins d’un mois plus tard, c’est d’ailleurs non à l’auteur des Incas que le roi s’adresse mais à celui de Bélisaire :
Monsieur de Marmontel, le suffrage d’un homme éclairé, d’un bon patriote, d’un vrai philosophe, est le seul qui peut vraiment flatter. Vous devez donc concevoir le plaisir que m’a fait votre lettre. L’approbation de l’auteur de Bélisaire, de celui qui a donné de si belles, de si utiles leçons aux rois et aux peuples ne peut qu’être bien agréable pour moi. Puisse mon règne être celui de la vraie philosophie, qui, en respectant ce qui est vraiment sacré, n’attaque que les préjugés qui font le malheur des peuples ; de cette philosophie qui ne sert qu’à éclairer les souverains sur leurs devoirs, et les peuples sur leur vrai bonheur qui ne peut subsister sans le respect des lois ! Je ne crois mieux pouvoir marquer mes sentiments, qu’en vous priant de concourir à cet ouvrage en éclairant votre siècle [36].
21Le roi désormais connaît bien son homme. Il sait qu’il n’aura pas de meilleur propagandiste et qu’envoyer cette missive à Marmontel lui assurera la plus grande diffusion possible, le philosophe ayant le double intérêt de mettre en avant son « élève », tout en bénéficiant de l’aura que lui confère la considération du monarque. Le calcul fonctionne à merveille. En partie grâce à Marmontel, quelques jours plus tard, il n’est plus question dans les salons, chez les philosophes et à la cour, que de Gustave et de sa « révolution ». Voltaire exulte. L’abbé Morellet est plus sceptique et s’amuse de l’enthousiasme naïf des Parisiens [37]. Toutefois, lorsque paraît, le 26 avril 1774, l’ordonnance sur la liberté de la presse, c’est à Voltaire en personne que Gustave fait parvenir le texte, et non à Marmontel, « l’un des gens de lettres les plus distingués [38] », mais loin d’être « le premier [39] ».
22Fin 1775, Marmontel souhaite faire imprimer ses Incas, qui sont restés sous le boisseau à Stockholm, et qu’il a pris le parti de réécrire. Ayant fait « don » du manuscrit à Gustave, il doit se résoudre à demander l’autorisation du roi pour ce faire. C’est Creutz qui s’en charge, le 27 décembre 1775, en promettant de la main du nouvel historiographe de France une histoire de la « glorieuse Révolution de Suède [40] ». L’argument est propre à flatter l’amour-propre du souverain, d’autant que la nouvelle dédicace ne parle plus de l’embarrassante entrevue de 1771 [41]. Les silences sélectifs de Gustave ont limité les ambitions de Marmontel : il se contentera d’un aval susceptible de donner du prix à cet ouvrage qu’il lui dédie, officiellement cette fois, en 1777. Plus de trois mois pourtant après leur envoi, Les Incas ne sont toujours pas parvenus à leur destinataire. Tout Paris les a lus et Gustave, qui devait en avoir la primeur, s’impatiente [42].
23En septembre 1778, Marmontel, marié depuis 1777 à la jeune nièce de l’abbé Morellet, apprenant que Gustave III va être père, et pensant l’être bientôt lui aussi, se décide à rompre le silence, oublieux de nouveau des bienséances et des rangs, au point d’établir un parallèle entre les deux naissances et en espérant que Gustave donnerait, le premier, « l’exemple inouï d’un roi philosophe élevant lui-même son fils [43] ». Un rien amère, la fin de sa lettre fait par ailleurs référence au « plaisir sensible » avec lequel il a appris l’adaptation à l’opéra d’un des épisodes des Incas : « Puisse un tel spectacle, Sire, avoir assez d’intérêt pour rappeler quelquefois dans le souvenir de votre Majesté celui qui en a donné l’idée [44]. » Mais c’est à Adleberth, l’auteur du livret suédois que Gustave III rendra un hommage appuyé, lors de l’inauguration de l’Académie suédoise, en 1786, « pour avoir exprimé avec tant de chaleur et de sensibilité les amours de Cora et d’Alonzo [45] ».
24La naissance du futur Gustave IV marqua, pour le roi de Suède le début d’une grave crise dans ses relations avec sa mère, qui mit en doute la légitimité de l’héritier. Gustave, préoccupé, tomba malade et, en juin 1779, alla se remettre aux eaux d’Aix-la-Chapelle, puis de Spa. Ce fut de là qu’il se rappela au bon souvenir de l’homme de lettres, pour en faire, cette fois, son commissionnaire. Il s’agissait de choisir des porcelaines de Sèvres destinées à l’impératrice de Russie. L’académicien et historiographe du roi fit de son mieux pour satisfaire les désirs de Gustave. Dans une lettre du 29 août 1780, il presse Régnier, directeur de la manufacture, d’accélérer l’exécution de la commande [46]. Gustave III n’autorisa pas pour autant Marmontel à se rendre à Spa pour lui « renouveler l’hommage d’un cœur tout suédois pour Elle [47] » et s’en tint à l’affabilité, aux remerciements et aux éloges manuscrits [48].
25En août 1781, le roi décide de faire traduire en français, pour sa propagande personnelle, l’édit sur la tolérance du 26 octobre 1779. À cet effet, il envoie à Creutz l’exemplaire suédois, et y joint l’exemplaire latin à destination de Marmontel, accompagné d’une lettre de circonstance. Voltaire étant mort en 1778, c’est à son ancien disciple qu’il revient de servir ses intérêts. Bien que Gustave ne s’adresse cette fois qu’à « Monsieur Marmontel », il compense cette semi rudesse par des éloges à l’adversaire du fanatisme et de l’intolérance : « Je crois ne pouvoir mieux vous témoigner le gré que je vous sais de la dédicace des Incas qu’en vous envoyant un édit qui est si conforme aux principes que vous avez répandus dans cet ouvrage [49]. » Oublieux de ses avanies antérieures, c’est de nouveau en philosophe et mentor que Marmontel hasarde une réponse critique : certes la liberté religieuse est établie en Suède, mais les résidents étrangers ne sont pas admis aux charges du royaume et Marmontel y voit un ferment de dissolution sociale [50]. Gustave III qui ne répondra à l’audace que par un glacial et définitif silence [51], n’en poursuivra pas moins sa politique de tolérance en abrogeant, la même année, les lois d’exception contre les jésuites et en donnant, en 1782, aux juifs, la liberté de résider à Stockholm.
26En 1783, Marmontel et Creutz doivent se séparer : le 5 février, Gustave III demande à ce dernier de remplacer le comte Scheffer comme ministre, en le priant de faire « le grand sacrifice de quitter Paris » pour venir le soulager « du poids des affaires [52] ». C’est un déchirement, tant pour Marmontel [53] que pour Creutz [54].
27À la Noël 1783, Gustave III est en voyage à Rome où il a proposé au pape d’élargir les libertés des catholiques en Suède. Le 24 mars suivant, il envoie à Creutz « les Mémoires de la vie de Voltaire et du roi de Prusse » écrits par Voltaire, scandalisé du ridicule dont se trouve éclaboussé celui qui avait pourtant « comblé de bienfaits » le philosophe [55]. Le 3 du même mois, il avait adressé à la comtesse de Boufflers une lettre dans laquelle il lui disait redouter « l’esprit philosophico-démocratique qui règne à Paris, si peu compatible avec mes principes et mes intérêts » :
Pour MM. les philosophes, je vous avoue que si je peux m’en dépêtrer, je le ferai de tout mon cœur ; on risque toujours d’être éclaboussé dans leur compagnie… Ces messieurs veulent tout régenter : ils prétendent au gouvernement du monde et ne peuvent pas se gouverner eux-mêmes, ils parlent de tolérance et sont plus intolérants que tout le collège des cardinaux, et cependant, ce sont leurs opinions qui décident des réputations et qui les transmettent à la postérité [56].
29Dès son arrivée en France, Gustave, qui voyage incognito sous le nom de comte de Haga, publie qu’il ne recevra personne et se contentera de se rendre aux invitations [57], ce qui lui laisse une grande liberté et restreint le cercle de ses fréquentations à la cour et aux Grands. Pris dans le tourbillon des repas, visites et spectacles, occupé à tenir son rang et à dialoguer avec Louis XVI, la reine, les dames d’un certain âge et les jeunes gens comme le duc d’Agénois, qui devient son cicérone parisien, le roi n’a sans doute pas un mot, pas un regard pour « son » philosophe. Bien qu’il assiste à plusieurs de ses opéras, Le Dormeur éveillé, Didon, aucun jugement à leur sujet n’apparaît dans la correspondance. Un billet du 12 juin de Marmontel à Nils von Rosenstein témoigne pourtant de sa fébrilité à l’approche de la visite à l’Académie – dont il est depuis peu le secrétaire perpétuel – du comte de Haga qu’il attend impatiemment de rencontrer [58]. Le lendemain, il demande au baron de Staël si Gustave trouvera bon que l’Académie « aille en corps au devant de lui [59] » le jour de sa visite, le mardi 15 [60].
30Ce jour-là, le marquis de Montesquiou est reçu et fait l’éloge de son prédécesseur, La Harpe lit un poème, le duc de Nivernois récite des fables, Suard, en tant que directeur, prononce un discours très applaudi, louant les Grands qui reçoivent les hommes de lettres chez eux. Gustave III demande ensuite à rencontrer les académiciens : Grimm [61], les Mémoires secrets [62] et le chevalier du Coudray [63] s’accordent sur le fait que le roi a dit un mot agréable à chacun des académiciens qu’il a reconnus, mais Marmontel ne fait pas partie de ceux à qui il a demandé à parler en particulier. Ou le roi a fait en sorte de l’ignorer, ou, ayant constaté la froideur du roi à son égard pendant la séance, Marmontel ne s’est pas rendu à la réunion, que n’évoquent nullement ses Mémoires. Un rapport d’ambassade des archives du Ministère des Affaires étrangères de Paris rapporte en revanche l’anecdote suivante :
Un jour on parla devant [le roi] de La Vie privée du roi de Prusse par Voltaire qui paraissait imprimée depuis peu de jours. « C’est une bonne leçon pour nous » dit Gustave. « Voilà ce que c’est que de se familiariser trop avec des gens qui, par leur métier, ne sont pas faits pour vivre avec nous. Avec les Grands on n’a rien à craindre ; on les retient toujours par les places et par les pensions mais avec des hommes qui ne sont que gens de lettres, ah, non, non [64] ! »
32Tandis que Marmontel est, dès le 19 juin, à la campagne avec sa femme, pour tout le reste d’un été qu’il passera en compagnie de Benjamin Franklin [65], Gustave III reçoit à Versailles, le 21, « deux médailles d’or sur la tolérance [66] » et ne repart en Suède que le 20 juillet.
33Dès l’année suivante Gustave prend ouvertement ses distances avec les philosophes : il revient sur certaines réformes libérales, rétablit le contrôle préalable sur la presse. Le 21 février 1789, son « Acte d’union et de sécurité » renforce l’absolutisme. En décembre 1791, toute importation de livres français est prohibée et la censure rétablie. Assassiné, il meurt après une longue agonie le 29 mars 1792 en pardonnant à son meurtrier. Dans ses Mémoires, Marmontel qui date sa mort du 29 mai [67], ne se permet ni ressentiment ni regret, maintenant ainsi la fiction d’une entente sans nuages entre lui et Gustave, et l’image du souverain idéal qu’il avait contribué à créer.
34La lettre qu’il adressa à Nils von Rosenstein le 2 décembre 1785 pour remercier la famille du comte de Creutz de lui avoir fait part du décès de son ami, marque l’ultime contact direct de Marmontel avec la Suède. Elle témoigne, une dernière fois, de la force et de la sincérité du sentiment qui unissait deux hommes « unis par la pensée et le sentiment [68] » et de la volonté de l’écrivain de considérer toujours Gustave comme un roi philosophe et un roi citoyen [69].
35Quand survient la tourmente révolutionnaire, Marmontel vend sa belle maison de Grignon où Creutz aimait venir et se réfugie dans un petit village de Normandie. Âgé, reclus, il vit de souvenirs avec sa femme et ses trois enfants qu’il éduque lui-même et pour lesquels il écrira ses Mémoires. Dans cet exil il songe à Creutz et à la Suède, que les récits de son ami ont rendue présente à son imagination. C’est entre 1790 et 1795, peu d’années avant sa mort, qui surviendra en 1799, qu’il se remet à écrire de Nouveaux Contes moraux. L’un d’eux, Le petit voyage, sans doute le plus tardif car il ne paraîtra que dans l’édition posthume de ses œuvres [70], met en scène le comte de Creutz, en porte-parole de son testament philosophique. Un autre conte, intitulé Les solitaires de Murcie [71], est aussi un hommage à Creutz, protagoniste et narrateur d’une histoire située en Espagne.
36Le comte rencontre, près de Carthagène, un ermite passionné de simples. Au seul nom de Linné, les deux hommes se reconnaissent ; tous deux sont ses disciples : « Heureux mortel, me dit le solitaire, vous qui sans doute né dans le même climat que le vrai Salomon du Nord avez pu le voir et l’entendre ; si vous le revoyez encore cet oracle de la nature, dites-lui que sur l’autre bord du continent, on l’écoute et on le révère [72]. » Pour Marmontel désormais, la seule royauté vraiment universelle est celle du savant : le « vrai » Salomon du Nord, ce n’est plus Frédéric II, ni Gustave III, c’est Linné. Seul le mérite et le savoir, et non la naissance, justifient l’admiration et le respect. Et quand Marmontel évoque Gustave, il reste fidèle à l’image du prince, mais une image dépouillée de toute aura monarchique : « Il n’y a pas au monde un plus honnête homme que lui », fait-il dire à Creutz. Gustave avait raison : Marmontel était bien une sorte de « républicain [73] » nonobstant son culte pour la monarchie. Mais cette phrase vient conclure une étonnante description de son pays que fait Creutz à l’ermite, une Suède boréale, de tradition et de progrès, libre et puritaine à la fois, hospitalière et laborieuse :
La Suède sous un climat tout différent du vôtre ne laisse pas d’avoir ses charmes : un ciel froid, il est vrai, mais pur pendant six mois ; après cela, six mois d’un printemps, d’un été, d’un automne délicieux, où les nuits séparent à peine les jours les plus sereins, les plus beaux jours de la Nature ; un soleil sans nuage, et qui, par la douceur de son influence durable, semble vouloir nous consoler de la longueur de son absence ; l’activité d’une végétation que hâte sa lumière et qu’elle rend féconde ; l’impatience que semble avoir la terre d’en aspirer tous les rayons pour réchauffer son sein ; la diligence avec laquelle on y voit les germes éclore, et les moissons croître et mûrir ; enfin l’air le plus sain qui se respire sur le globe et la vigueur que son ressort y communique aux plantes, aux animaux, surtout à l’homme ; tels sont les avantages de ce climat que vous croyez disgracié par la Nature. Non, mon ami, nulle part l’homme n’est plus actif et plus robuste, nulle part il n’est plus heureux ; et le bonheur, qui parmi vous est comme une fleur faible, délicate et fragile, est une plante vivace et forte parmi nous. Vous le verrez fleurir sur le bord de nos lacs, sur les gazons de nos prairies ; […] vous les verrez ces lacs, couverts de barques pleines de nos jeunes amants, et vous entendrez les rivages de ces petites mers où se répète l’azur du ciel, vous les entendrez retentir de chansons où l’amour se mêle avec la joie ; car nos villageois sont poètes. Mais au sein même de la liberté dont, sur sa bonne foi, jouit cette jeunesse, vous verrez l’innocence et la pudeur naïve régner comme dans l’âge d’or. C’est pour nous seuls au monde que cet âge se réalise, ou plutôt qu’il s’est prolongé. Nous avons des provinces où, de temps immémorial, la même pureté de mœurs s’est conservée inaltérable. Les habitants de ces campagnes exercent religieusement les antiques devoirs de l’hospitalité, car ils vivent dans l’abondance. Leurs usages, leurs habitudes, leurs vêtements, rien n’a changé. Ils sont laborieux, justes et bons comme l’étaient leurs pères. À peine ont-ils besoin de lois, leurs mœurs en tiennent lieu. Voyez si votre solitude vous promet, vous assure un avenir plus doux [74].
38Même s’il fait de la Suède un modèle trop beau pour être imité, trop idéal pour qu’on y croie, trop aimable pour qu’on le prenne au sérieux, c’est bien elle que Marmontel privilégie, et avec elle la figure de son ami Creutz, qui la lui a fait rencontrer. De fait, le véritable intermédiaire culturel était celui qui n’avait cessé d’entretenir en Marmontel, par ses récits, une image rêvée de la Suède et celle d’un roi philosophe, modèle de despote éclairé, qui fit florès en France. Mais c’est Marmontel qui a diffusé et fixé ces images, apportant ainsi une caution morale et philosophique au règne de Gustave III, et valorisant un pays que Bernadotte n’hésitera pas à adopter.
39N’oublions pas cependant que si cette rencontre s’est faite, si le souvenir du Suédois a fécondé l’imagination du Français, c’est par la grâce d’une langue commune qui a permis l’ascension du petit Limousin, qui lui a donné l’occasion de communiquer avec la fine fleur de la Suède de son temps, qui a tissé les réseaux qui ont uni, un temps, Voltaire et Louise-Ulrique, Creutz et Marmontel, ce dernier et Gustave. Le véritable intermédiaire culturel de ces deux rencontres – l’une, réussie, prélude à une indéfectible amitié ; l’autre, semée de malentendus, rendue impossible par l’inégalité des conditions – et le seul à en garder trace, ne fut-il pas le précieux véhicule de culture et de communication qu’était alors la langue française ?
Notes
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[1]
Gunnar von Proschwitz, « Gustave III et les Lumières : l’affaire de Bélisaire », Studies on Voltaire and the eighteenth century, 26, (1963), p. 1347-1363 ; « Rayonnement de la langue et de la culture française en Suède au Siècle des Lumières », dans Une amitié millénaire, les relations entre la France et la Suède à travers les âges, Paris, 1993, p. 181-210 ; « Gustave III et la France », dans Le Soleil et l’Étoile du Nord, La France et la Suède au 18e siècle. Catalogue de l’exposition du Grand Palais, Paris, 1994, p. 292-304. James Kaplan, « The Stockholm manuscript of Marmontel’s Les Incas », Studies on Voltaire, 24, Oxford, 1987, p. 359-372 et « Some unpublished letters to Marmontel found in Swedish Collections », p. 373-378. Voir également Marianne Molander, « Le comte de Creutz, un ambassadeur francophile », dans Influences, relations culturelles entre la France et la Suède, Göteborg 1988, p. 147-155 ; Le Comte de Creutz, Lettres inédites de Paris (1766-1770), Acta universitatis Gothoburgensis, XXXIII (Göteborg-Paris 1987). À propos de Creutz, voir aussi Georges Mary, Un ambassadeur à la cour de France, le comte de Creutz, Lettres inédites à Gustave III (1779-1780), Acta universitatis Gothoburgensis, XXXIV (Göteborg-Paris 1987).
-
[2]
La Chimère de Monsieur Desprez (Paris, Musée du Louvre, 10 février-2 mai 1994) et Le Soleil et l’Étoile du Nord (Paris, Grand Palais, 15 mars-3 juin 1994).
-
[3]
Voltaire, Nio originalbref till Drottning Lovisa Ulrika och Sofia Dorotea (1742-1752), Kunglinga Biblioteket, Ms D 934a.
-
[4]
Mme du Deffand à Walpole, 30 octobre 1771, dans Benedetta Craveri, Mme du Deffand et son monde, Paris, 1982, p. 427.
-
[5]
Mme Geoffrin à Marmontel, 30 juillet 1766, Marmontel, Correspondance, éd. John Renwick, Aurillac, 1974, I, 94, p. 124-126.
-
[6]
Voir Jacques Wagner, Marmontel journaliste et le Mercure de France, Grenoble, 1975.
-
[7]
« L’un des hommes qui m’a le plus chéri et que j’ai le plus tendrement aimé, a été le comte de Creutz. C’était à lui que la nature avait donné par excellence, la sensibilité, la chaleur, la délicatesse du sens moral et de celui du goût, l’amour du beau dans tous les genres et la passion du génie comme celle de la vertu », Marmontel, Mémoires, éd. John Renwick, Clermont-Ferrand 1972, I, p. 66-67 et 260.
-
[8]
Voltaire à Marmontel, 21 mai 1764 (D 8316).
-
[9]
Marmontel, Bélisaire, éd. Robert Granderoute, Paris 1994, ch. XV, p. 181-182.
-
[10]
« Un grand siècle se forme dans le Nord. Un pauvre siècle déshonore la France. Cependant l’Europe parle notre langue ; à qui en a-t-on l’obligation ? À ceux qui écrivent comme vous, à ceux qu’on persécute », Voltaire à Marmontel, 16 mars 1767, D.10029.
-
[11]
À Louise-Ulrique, 31 janvier 1767 (Corr., 107, p. 139-140).
-
[12]
Au prince Gustave, 31 janvier 1767 (Corr., 104, p. 137).
-
[13]
Molander, Lettres inédites, 8, p. 53.
-
[14]
Ibid., 15, p. 71-72.
-
[15]
Ibid., 30, p. 112-13.
-
[16]
Bélisaire, ch. I, p. 11 et ch. VIII, p. 69.
-
[17]
La cour de France était partie prenante dans la préparation de la révolution suédoise et Vergennes, ambassadeur de France en Suède, s’évertuait à déceler chez le jeune roi les signes avant-coureurs de sa prise de pouvoir tout en déplorant son caractère trop léger. Voir la Correspondance politique, Suède (1771-1772) aux Archives du Ministère des Affaires étrangères.
-
[18]
Corr., I, 145, p. 200-201.
-
[19]
Marmontel parle d’une boîte. Malgré l’extrême dénuement auquel il fut réduit à la fin de sa vie, il ne s’en sépara jamais. Son inventaire après-décès, cité par John Renwick dans l’édition de la Correspondance, parle de « deux boîtes en or émaillé avec cercles et médaillons, dont une avec sujet de Bélisaire peint sur émail ». Sans doute la seconde est-elle celle dont parle Creutz dans la lettre du 12 janvier 1777 à Gustave III (J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 361).
-
[20]
Corr., I, 129, p. 177.
-
[21]
Dans la lettre qu’il adresse au prince royal le 13 septembre 1767, Creutz dit le plaisir de voir son ami reconnu et apprécié par son maître et sa fierté de voir ce dernier prendre fait et cause pour la philosophie. Il y parle aussi d’une œuvre plus considérable, qui pourrait, elle aussi, être dédiée au prince : « Il est occupé d’un nouvel ouvrage qui intéressera l’humanité » (Molander, 11, p. 60-61) ; c’est la première allusion aux Incas.
-
[22]
Au prince royal, 5 octobre 1767 (Corr., I, 151, p. 208-209).
-
[23]
Le 5 octobre, Marmontel lit la lettre à l’Académie. Un mois plus tard, il fait paraître un avis de recherche concernant un gros portefeuille par lui perdu, ou à lui dérobé, afin de pouvoir publier, pour sa défense, sans paraître en être responsable, toutes les lettres des despotes éclairés qui le remerciaient de leur avoir donné une leçon de gouvernement et de tolérance moins corrosive et donc plus acceptable que celles de Voltaire. Voir S. Lenel, Marmontel, un homme de lettres au dix-huitième siècle (Paris, 1912).
-
[24]
Gunnar von Proschwitz, Gustave III par ses lettres (Paris 1986), lettre du 22 mars 1768, 21, p. 58-59.
-
[25]
Ibid., 36, p. 98.
-
[26]
Voir Mémoires, I, Livre IX, p. 265.
-
[27]
« Il est extraordinaire que Marmontel qui est si charmant dans ses contes et si léger, le soit si peu dans la conversation ; c’est un énergumène qui parle avec un enthousiasme extrême et qui est le plus grand républicain possible. Ma chère Mère peut bien croire que ce n’est qu’à elle seule que j’ose dire une pareille chose, à peine l’ose-t-on penser ici. Ce serait un blasphème affreux dont je ne pourrais jamais me relever » (Gustave III par ses lettres, éd. citée, 41, p. 107-108).
-
[28]
Mémoires, I, IX. La dédicace du manuscrit de Stockholm des Incas propose de cette scène dramatique un récit similaire (Kungl. Bibl. MS, Vu 65-1).
-
[29]
Mémoires, IX, p. 265-266.
-
[30]
Voir la lettre du 5 octobre 1767 : « Il faudrait faire un ouvrage digne de vous ; traiter, développer quelque sujet sublime » (Corr., 151, p. 208-209).
-
[31]
Voir ses lettres du 1er octobre et du 1er novembre 1771, J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 359-360.
-
[32]
J. Kaplan la date des premiers jours de novembre de 1771 (« Some unpublished letters… », art. cité, p. 375).
-
[33]
Voir Claude Nordmann, Gustave III, un démocrate couronné, Lille, 1986.
-
[34]
Par la seule persuasion d’un discours à sa garde il a obtenu de son armée qu’elle encercle le Riksdag, avec, comme signe de ralliement, un brassard blanc. La nouvelle arrive à Paris le 5 septembre par la Gazette qui publie le récit de l’abbé Michelessi : Lettre à Mgr Visconti sur la révolution arrivée en Suède, éditée à Stockholm en 1772. Marmontel répond au roi le 7.
-
[35]
« Sire, un sincère ami de la liberté légitime élève au ciel ses yeux remplis de larmes : et du fond d’un cœur pénétré de joie, d’admiration et d’amour pour votre personne sacrée, il rend grâce à l’Être suprême d’avoir rendu à la Suède cette liberté précieuse sous l’autorité d’un roi juste, si digne de la protéger par son courage et ses vertus » (Corr. I, 196, p. 267).
-
[36]
Datée d’octobre 1772 par J. Renwick et de septembre-octobre, par G. von Proschwitz, 60, p. 38.
-
[37]
Le 3 novembre 1772, il écrit au comte de Shelburne : « Nous sommes fort occupés des affaires du Nord. La révolution de Suède surtout a plu infiniment à notre ministère. Quelques philosophes chagrins n’ont pas aimé à voir le despotisme s’établissant en Europe dans un état de plus. Vous ririez de voir ici l’enthousiasme, la tendresse que montrent pour le roi de Suède quelques grandes dames de la cour qui lui ont donné à souper à Paris et qui croient partager son élévation » (Morellet, Correspondance, éd. Dorothy Medlin, Jean-Claude David et Paul Leclerc, Oxford 1991, I, 62, p. 180). Marmontel n’était en effet pas le seul à assurer la propagande de Gustave. Le duc d’Aiguillon, secrétaire d’État des Affaires Étrangères, s’employait à faire distribuer, gratuitement et en nombre, la constitution suédoise traduite en français dans laquelle les lecteurs avaient la surprise de trouver « des articles bien peu conformes à la théorie de l’absolutisme » (Mémoires secrets, XXIV, 30 octobre 1772).
-
[38]
Au comte de Creutz, 12 octobre 1773 (Gustave III par ses lettres, éd. cit., 62, p. 144).
-
[39]
« C’est à vous principalement que l’esprit humain doit l’avantage de surmonter et de détruire les barrières que l’ignorance, le fanatisme et une fausse politique lui opposaient. Vos écrits ont éclairé les princes sur leurs vrais intérêts. Vous leur avez démontré avec cet agrément que vous seul savez donner aux choses les plus sérieuses, que plus un peuple est éclairé, plus il est tranquille et fidèle à ses obligations. Il est donc bien juste que vous receviez, le premier, l’hommage que la raison rend à l’humanité » (27 avril 1774, ibid., 64, p. 151).
-
[40]
Marmontel ne l’écrira jamais (J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 375-376).
-
[41]
« Cet hommage de la reconnaissance ne sera point souillé par l’adulation. C’est à la Suède, heureuse de vous avoir remis le dépôt de sa liberté, à la Suède où règne à présent la justice la bienfaisance, la concorde, la douce autorité des lois, à la place de l’anarchie du trouble et des calamités ; c’est à ce peuple trop longtemps égaré par ses factions, c’est à lui, Sire, à vous louer. »
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[42]
« Je vous prie de le dire à Marmontel et que je ne veux lui écrire que quand j’aurai bien lu et relu son livre » (à Creutz, 22 avril 1777, J. Kaplan, « The Stockholm manuscript… », art. cité, p. 361).
-
[43]
8 septembre 1778 (Corr. I, 248, p. 328-329).
-
[44]
En 1777, Gustave avait demandé au librettiste Adleberth et au compositeur Naumann d’écrire un opéra tiré d’un épisode des Incas. Cora och Alonzo sera joué pour l’inauguration du théâtre de Stockholm, en 1782. Lors d’une reprise en 1788, Louis-Jean Desprez réalisa de nouveaux décors, dont quatre aquarelles du Musée du Théâtre de Drottningholm perpétuent le souvenir. Voir Barbro Stribolt, « On Desprez as a Set Désigner in Sweden : An Orientation », dans Gustav III and the Swedish Stage (Lewinston, Queenston, Lampeter, 1993, p. 186). Le National Museum conserve les dessins des costumes de Cora et d’Alonzo, de Jean Eric Rhen. Qui lit le suédois peut se reporter à l’ouvrage sur Cora och Alonzo publié par Marie-Christine Sckunke.
-
[45]
« Discours prononcé à l’Académie Suédoise, le jour de son installation le 5 avril 1786 », Collection des écrits politiques et littéraires de Gustave III, Roi de Suède, Stockholm, 1803, tome I, p. 10. Gustave III prêta plus d’attention à l’édition définitive des Incas qu’au manuscrit. L’exemplaire que possède la Kunglinga Biblioteket et qui provient de la bibliothèque de Drottningholm comporte des passages soulignés et quelques annotations qui pourraient être de sa main.
-
[46]
« Le roi de Suède attend ces morceaux à Spa d’où il veut les envoyer en Russie, et il ne doit être à Spa que jusqu’au 8 du mois prochain » (Corr. I, 255, p. 347).
-
[47]
Corr. I, 256, p. 347. Sur le désir que Marmontel avait d’apporter lui-même les porcelaines commandées, voir Morellet à William Petty, comte de Shelburne (Morellet, Corr. I, 182, p. 431).
-
[48]
« Monsieur de Marmontel, les présents que je destine pour l’impératrice de Russie sont arrivés. Le choix en est parfait. Les inscriptions sont on ne peut plus ingénieuses et dignes de l’auteur de Bélisaire et des Incas, ouvrages que je relis toujours avec un nouveau plaisir. Les soins que vous vous êtes donnés pour ces commissions ajoutent encore à la sensibilité que j’éprouve des attentions et de l’attachement que vous montrez pour ma personne dans toutes les occasions ; c’est avec un véritable plaisir que je m’empresse à vous en témoigner ma satisfaction » (« Some unpublished letters… », p. 376). James Kaplan situe la date d’envoi de cette lettre entre le 1er et le 15 septembre 1780.
-
[49]
19 août 1781 (Gustave III par ses lettres, 95, p. 222).
-
[50]
8 octobre 1781 (Corr. II, 266, p. 14-15).
-
[51]
Il faut dire qu’après avoir loué l’édit et déploré « qu’une pareille tolérance [ne] fût [pas] établie au centre de l’Europe », il a crû bon d’ajouter : « J’aurais donc voulu qu’en Suède la tolérance eût toute sa force d’attraction ; et je crains que les modifications qu’on y a mises ne l’aient trop affaiblie. Surtout l’exclusion des comices me semble une distinction trop affligeante, et une séparation trop marquée entre les patriotes et les réfugiés, ceux-ci seront sujets mais ne seront pas citoyens, et des exceptions humiliantes seront toujours entre les peuples des sources d’envie et de haine. » Bélisaire ne disait pas autre chose : « Personne ne veut être avili, rebuté, privé des droits de citoyen et de sujet fidèle, et toutes les fois que dans un État on fera deux classes d’hommes, dont l’une écartera l’autre des avantages de la société, quel que soit le motif de l’exhérédation, la classe proscrite regardera sa patrie comme sa marâtre » (Bélisaire, ch. XV, p. 193).
-
[52]
Gustave III par ses lettres, 101, p. 229-230.
-
[53]
Mémoires, I, IX, p. 299 : « L’ambassadeur de Suède […] me fut enlevé pour toujours. »
-
[54]
Voir l’émouvante lettre de Creutz à Marmontel du 4 novembre 1783 (J. Kaplan, « Some unpublished letters… », art. cité, p. 376-378).
-
[55]
Gustave III par ses lettres, 115 bis, p. 260.
-
[56]
Ibid., 114, p. 255-57.
-
[57]
« Détails sur le séjour du roi de Suède à Paris en 1784 » (Archives du Ministère des Affaires étrangères, Correspondance politique, Suède, vol. 276, ff. 371-390).
-
[58]
« Marmontel est bien impatient d’avoir l’honneur de lui faire sa cour. Il reste à Paris pour attendre ses ordres. Peut-il se flatter que Monsieur le comte ait été content de Didon ? » (Corr. II, 296, p. 45).
-
[59]
Corr. II, 297, p. 46.
-
[60]
Sans en avertir le directeur, Suard, Marmontel a offert au comte de Haga la tribune que Suard entendait réserver à sa femme et aux amies de celle-ci. Le directeur a protesté ; deux billets de Marmontel du 13 et 14 juin 1786, plus aigres que doux, tentent de lui faire entendre raison. Le secrétaire aura le dernier mot : l’ambassadeur a déjà accepté la tribune au nom de Gustave. Voir Corr. II, 298, 299, 300, p. 47-48.
-
[61]
Correspondance littéraire, philosophique et critique, 5 juin 1784 (éd. 1812, III, p. 509).
-
[62]
Mémoires secrets, XXVI, 15 juin 1784, p. 52-53.
-
[63]
Du Coudray, Voyage du comte de Haga en France, Paris 1784, p. 48-50.
-
[64]
« Détails sur le séjour du roi de Suède à Paris en 1784 », f° 385.
-
[65]
Morellet à Petty (Corr. I, 238, p. 519).
-
[66]
À Creutz, le 21 juin 1784 (Gustave III par ses lettres, 121, p. 268).
-
[67]
Mémoires, II, XVIII, p. 419.
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[68]
Corr. II, 322, p. 65-67.
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[69]
Elle se termine en effet par une allusion au nouveau prince royal de Suède que von Rosenstein est chargé d’éduquer : « Je suis bien sûr que le prince que vous élevez, n’a besoin que de vos leçons pour ressembler à son auguste père, et pour apprendre de bonne heure, que, dans tous les pays du monde, le véritable intérêt des rois comme leur grandeur la plus solide, est d’être sur le trône les plus justes des hommes et les meilleurs des citoyens. »
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[70]
Œuvres posthumes, Œuvres complètes (Paris 1806), 32, p. 1-122.
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[71]
Œuvres complètes, Paris, An IX-1801, 21, p. 1-123. Ce conte moral a été publié en trois livraisons (juillet, août, septembre 1791) dans le Mercure de France. Il a également été publié en suédois à Stockholm, en 1799, chez Jac. Nordström sous le titre : Eremiterne i Murcia., Moralisk berättelse af Marmontel efter grefve Creutz (d’après le comte de Creutz).
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[72]
Les solitaires de Murcie, p. 18.
-
[73]
Gustave II à Louise-Ulrique, 17 février 1771 (Gustave III par ses lettres, 41, p. 107).
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[74]
Les solitaires de Murcie, p. 15-18.