Notes
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[1]
Adeline Gargam, Les Femmes savantes, lettrées et cultivées dans la littérature française des Lumières ou la conquête d’une légitimité (1690-1804), Paris, Champion, 2013, 2 vol.
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[2]
Shelly Charles rappelle l’opinion qui prévaut à l’époque : « les femmes auteurs retracent ce qu’elles éprouvent, et rendent compte, sous les traits de la fiction, des impressions réelles qui font leur bonheur, ou qui causent leur tourment » (Mercure, germinal an IX, p. 27 dans Shelly Charles, « ‘‘Le domaine des femmes’’ : Roman et écriture féminine dans la critique du tournant des Lumières », dans Les Femmes dans la critique et l’histoire littéraire, dir. Martine Reid, Paris, Champion, 2011, p. 96. Je souligne.)
-
[3]
Huguette Krief, « Le génie féminin. Propos et contre-propos au 18e siècle », Revisiter la « querelle des femmes ». Discours sur l’égalité/inégalité des sexes, de 1750 aux lendemains de la Révolution, dir. Éliane Viennot, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012, p. 71.
-
[4]
Les références suivantes suffisent à illustrer l’effort déployé pour réhabiliter la mémoire des romancières : Jean-François de la Croix, Dictionnaire historique portatif des femmes célèbres, contenant l’histoire des femmes savantes, actrices et généralement des dames qui se sont rendues fameuses dans tous les siècles par leurs aventures, les talents, l’esprit et le courage, Paris, Cellot, 1769 ; Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises : ou, Lettres historiques et critiques, contenant un précis de la vie et une analyse raisonnée des ouvrages des femmes qui se sont distinguées dans la littérature française, Paris, Lacombe, 1769, 5 vol. ; Louise-Félicité Guinement de Kéralio, Collection des meilleurs ouvrages français composés par des femmes, 1786, 14 vol. ; Fortunée Briquet, Dictionnaire historique littéraire et bibliographique des Françaises et des étrangères naturalisées en France, Paris, de Gillé, 1804 ; Mme de Genlis, De l’influence des femmes sur la littérature française comme protectrices des lettres et comme auteurs ; ou précis de l’histoire des femmes françaises les plus célèbres, Paris, Maradan, 1811 ; Le Citateur féminin, 1835 ; Dictionnaire littéraire des femmes de langue française de Marie de France à Marie Ndiaye, dir. Christiane P. Makward, Christiane et Madeleine Cottenet-Hage, Paris, Karthala, 1996 ; The Feminist Encyclopedia of French Literature, dir. Eva Martin Sartori, Westport, Greenwood Press, 1999 ; Dictionnaire des femmes de l’Ancienne France de la Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime (www.siefar.org) ; Dictionnaire des femmes des Lumières, dir. Huguette Krief et Valérie André, Paris, Champion, 2015.
-
[5]
Karen Offen, Les Féminismes en Europe 1700-1950, traduit de l’anglais par Geneviève Knibiehler, Rennes, PU Rennes, 2012, p. 88.
-
[6]
Heidi Bostic, The Fiction of Enlightenment. Women of Reason in the French Eighteenth Century, Newark, University of Delaware Press, 2010, p. 63. Je traduis. Une telle approche consiste à lire les romans des femmes auteurs les uns par rapport aux autres plutôt qu’en écho aux romans canoniques de leurs confrères.
-
[7]
La Tradition des romans de femmes 18e-19e siècles, dir. Catherine Mariette-Clot et Damien Zanone, Paris, Honoré Champion, 2012.
-
[8]
Dans L’Invention du quotidien, Michel de Certeau oppose la tactique à la stratégie et la définit comme suit : « Elle est mouvement “à l’intérieur du champ de vision de l’ennemi”, comme le disait von Bülow, et dans l’espace contrôlé par lui. Elle n’a donc pas la possibilité de se donner un projet global ni de totaliser l’adversaire dans un espace distinct, visible et objectivable. […] Elle profite des occasions et en dépend, sans base où stocker des bénéfices, augmenter un propre et prévoir des sorties. Ce qu’elle gagne ne se garde pas. […] Elle est ruse. En somme, c’est un art du faible » (Paris, Gallimard, [1980] 1990, vol. 1, p. 61).
-
[9]
Martin Hall, « Eighteenth-Century Women Novelists : Genre and Gender », A History of Women’s Writing, dir. Sonya Stephens, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 112.
-
[10]
Dans une étude sur Claire d’Albe, Anna Rosner soutient que « l’héroïne romanesque du 18e siècle semble régresser par rapport à celle du Grand Siècle dans la mesure où elle devient un archétype fixe ; de nombreuses représentations de la femme essentiellement mortifère ou vertueuse enferment le genre féminin dans une sorte de polarité prédéterminée », « Claire d’Albe ou l’anti-roman féminin », Romance Notes, 2005, p. 77-78.
-
[11]
Ellen Constans, Parlez-moi d’amour : le roman sentimental des romans grecs aux collections de l’an 2000, Limoges, PULIM, 1999, p. 268.
-
[12]
Colette Cazenobe, Au Malheur des dames. Le Roman féminin au 18e siècle, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 222.
-
[13]
Marisa Linton, The Politics of Virtue in Enlightenment France, New York, Palgrave, 2001, p. 79. Je traduis.
-
[14]
Lucia Omacini remarque que « la formule n’en continue pas moins d’être adoptée conformément à la tradition, mais comme une enveloppe vide qu’on reproduit en raison du succès qu’elle peut encore assurer », Le Roman épistolaire français au tournant des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 11.
-
[15]
Mme de Souza, Adèle de Sénange ou Lettres de Lord Sydenham dans Romans de femmes du 18e siècle [1794], éd. cité, p. 567.
-
[16]
Mme Leprince de Beaumont, Magasin des enfants, Londres, J. Nourse, [1756] 1758, « avertissement », p. xii.
-
[17]
Idem, Lettres de madame du Montier à la marquise de *** sa fille, avec les réponses, Lyon, Bruyset Ponthus, [1756] 1767, p. 289. Les références sont à cette édition.
-
[18]
Elle défend à une de ses filles de devenir religieuse avant l’âge de vingt-cinq ans, c’est-à-dire avant de « se connaître elle-même, aussi bien que le monde qu’elle veut quitter » (p. 209, je souligne).
-
[19]
Alicia C. Montoya, « Madame Leprince de Beaumont et les ‘‘Lumières religieuses’’ », Marie Leprince de Beaumont. De ‘‘L’Éducation des filles’’ à ‘‘La Belle et la Bête’’, dir. Jeanne Chiron et Catriona Seth, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 141. Joan Hinde Stewart constate le nouveau traitement que réservent les femmes auteurs de la seconde moitié des Lumières à la vertu, à la raison et au bonheur : « Under the pen especially of women writers of the late century, crucial words such as virtue, reason, and happiness slip from their accustomed places, becoming newly functional and acquiring original nuances that embody specifically female vision and desire », Joan Hinde Stewart, « The Novelists and their Fictions », French Women and the Age of Enlightenment, dir. Samia Spencer, Bloomington, PU Indiana, 1984, p. 203.
-
[20]
Isabelle Brouard-Arends, « Trajectoires de femmes, éthique et projet auctorial, Mme de Lambert, Mme d’Épinay, Mme de Genlis », Dix-huitième siècle, 2004, vol. 36, p. 192.
-
[21]
Robert Mauzi, L’Idée du bonheur dans la littérature et la pensée française au 18e siècle, Paris, A. Colin, [1960] 1965, p. 580.
-
[22]
Rotraud von Kulessa, « Le code de la sensibilité et l’éducation morale chez les femmes éducatrices au 18e siècle », Femmes éducatrices au siècle des Lumières, dir. Isabelle Brouard-Arends et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, Rennes, PU Rennes, 2007, p. 135.
-
[23]
Sophie Cottin, Claire d’Albe, Romans de femmes du 18e siècle, dir. Raymond Trousson, Paris, R. Laffont, [1799] 1996, p. 704. Les références sont à cette édition.
-
[24]
Marquise de Lambert, Traité de l’amitié dans Œuvres morales de Mme de Lambert, Paris, Charles Gosselin, [1732] 1813, p. 123. Les références sont à cette édition.
-
[25]
Françoise Simonet-Tenant, « À la recherche des prémices d’une culture de l’intime », Pour une histoire de l’intime et de ses variations, dir. Anne Coudreuse et Françoise Simonet-Tenant, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 52.
-
[26]
Marie-Jeanne Riccoboni, Histoire du marquis de Cressy dans Œuvres de madame Riccoboni, Paris, Garnier Frères, [1758] 1865, p. 51.
-
[27]
Medha Nirody Karmarkar, « L’amitié féminine dans les œuvres d’Isabelle de Charrière et de Marceline Desbordes-Valmore », Cincinnatti Romance Review, 1996, vol. 15, p. 134.
-
[28]
Pour Pierre Fauchery, l’amitié entre femmes se réduit à une simple réunion de pleurs : « la coalition des femmes ne dépasse guère la zone de la crainte et de la déploration », La Destinée féminine dans le roman européen du dix-huitième siècle, Paris, A. Colin, 1972, p. 586-587.
-
[29]
Maurice Daumas, Des Trésors d’amitié. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Armand Colin, 2011, p. 6.
-
[30]
Roger Chartier, Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1987, p. 199.
-
[31]
Louise Félicité Guinement de Kéralio, Adélaïde ou Les Mémoires de la marquise de M***, Paris, [1776] 1783, p. 44-50.
-
[32]
Françoise de Graffigny, Lettres d’une Péruvienne dans Romans de femmes du 18e siècle, éd. cité, [1747], p. 121.
-
[33]
Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, Le Beau-frère supposé, Londres, 1752, tome 3, p. 53.
-
[34]
Mme d’Épinay, Les Contre-confessions : histoire de Madame de Montbrillant, Paris, Mercure de France, [1818] 1989, p. 712. Les références sont à cette édition.
-
[35]
Lesley H. Walker, A Mother’s Love : Crafting Feminine Virtue in Enlightenment France, Lewisburg, Bucknell University Press, 2008, p. 16. Je traduis.
-
[36]
Selon Karen Offen, « les femmes des classes inférieures ont toujours travaillé ; dans les villes européennes, au début de l’époque moderne », ouvr. cité, p. 80. Maïté Albistur et Daniel Armogathe précisent que les femmes occupent des métiers dans l’industrie textile, dans l’artisanat, dans les fonderies, dans le journalisme, dans les manufactures de papier et même dans les administrations, telle que celle des Postes. Voir Histoire du féminisme français du moyen âge à nos jours, Paris, Des femmes, 1977, p. 179-180. Malgré tout, Olwen Hufton précise que « les salaires des femmes reflétaient la croyance en leur dépendance partielle. […] les salaires n’étaient pas calculés pour une survie indépendante », « Les femmes et le travail dans la France traditionnelle » (traduit de l’anglais par Agathe Moitessier), Femmes et pouvoirs sous l’Ancien Régime, dir. Danielle Haase-Dubosc et Éliane Viennot, Paris, Rivages, 1991, p. 260.
-
[37]
P. Le Ridant présente le code sévère qui régit les conduites des jeunes filles, des femmes mariées et des veuves. On y trouve entre autres l’édit qui les assujettit à la peine de mort si elles dissimulent leur grossesse, l’arrêt qui stipule que l’abandon d’un mari ne suffit pas à justifier le remariage et la loi qui octroie au mari le droit de punir sa femme s’il la soupçonne d’adultère. Voir P. Le Ridant, Code matrimonial ou Recueil des Édits, Ordonnances et Déclarations sur le mariage, avec un dictionnaire des décisions les plus importantes sur cette matière, Paris, Herissant, 1766.
-
[38]
Colette Cazenobe, ouvr. cité, p. 182.
-
[39]
Olympe de Gouges, Le Prince philosophe, conte oriental, Paris, Indigo & Côté femmes, [1792] 1995, vol. 2, p. 13. Les références sont à cette édition.
-
[40]
Henri Coulet, « Sur le roman d’Olympe de Gouges : Le Prince philosophe », Les Femmes et la Révolution française, dir. Marie-France Brive, Toulouse, PU Mirail, 1990, p. 275.
-
[41]
Paul Pelckmans, Le Problème de l’incroyance au 18e siècle, Québec, PUL, 2010, p. 42.
-
[42]
Ellen Constans, ouvr. cité, p. 155.
-
[43]
Ibid., p. 163.
1L’ouvrage monumental d’Adeline Gargam paru chez Champion en 2013, Les Femmes savantes, lettrées et cultivées dans la littérature française des Lumières ou la conquête d’une légitimité (1690-1804) recense 531 femmes auteurs et retient plus de 600 textes [1]. De toute évidence, l’écriture n’est pas étrangère aux femmes des Lumières. Accusées d’imiter leurs contemporains, taxées de plagiat et soupçonnées de prêter leur nom à des romanciers réputés, les romancières se heurtent à de dures conditions d’écriture et leur statut est précaire. Malgré tout, parce que la voix féminine fait l’objet d’une certaine fascination voyeuriste – pour preuve, Marivaux, Rousseau et Diderot font triompher la narration au féminin grâce à Marianne, à Julie et à Suzanne –, plusieurs romancières connaissent un succès important à la différence près que l’on considère que l’autobiographie guide leur plume plutôt que le génie. De la même façon que le topos du manuscrit trouvé est perçu comme garant d’authenticité, la signature féminine est comprise comme assurance de vérité et le cliché de la sincérité féminine obtient l’adhésion des contemporains [2]. En dépit des réimpressions, des rééditions, des traductions, des adaptations et des suites que connaît la production romanesque des femmes auteurs, la majorité d’entre elles sont exclues du canon littéraire qui se construit dans la seconde moitié du 19e siècle et plusieurs continuent d’être méconnues aujourd’hui. C’est pourquoi Huguette Krief parle « d’aristocratie de l’esprit dans la République des Lettres [3] » dont les femmes sont exclues.
2Comment expliquer que, malgré leur réception favorable et leur succès parfois triomphant auprès des lecteurs du 18e siècle et même de la première moitié du 19e siècle et en dépit de l’effort d’hommes et de femmes lettrés ayant travaillé, dès la fin des Lumières, à assurer leur postérité ou du moins à défendre la valeur littéraire de leurs œuvres [4], la fiction des romancières des Lumières a longtemps été perçue comme marginale et peine à être réhabilitée dans la constellation littéraire de cette époque ? Assurément, les causes et les modalités de cet oubli orchestré demeurent un chaînon manquant dans les études sur le 18e siècle. Au cours des vingt-cinq dernières années, de nombreux spécialistes ont travaillé à restituer aux femmes auteurs des Lumières la postérité dont elles ont été dépossédées par l’histoire littéraire afin qu’elles ne figurent plus au rang de minores. Si les travaux de Colette Cazenobe, de Suzan Van Dijk et de Martine Reid, pour ne nommer qu’elles, proposent des analyses sérieuses des romans de Marie-Jeanne Riccoboni, d’Isabelle de Charrière ou de Mme de Genlis par exemple, une nouvelle étape s’impose désormais dans la réhabilitation des romancières des Lumières : brosser un tableau des réseaux de filiation parcourant leur production romanesque et donner un aperçu des expressions qu’adopte la « conscience féministe [5] ». C’est l’objectif de la présente étude qui, de nature typologique et comparative, poursuit ce qu’Heidi Bostic appelle « lire en contexte » plutôt que « lire en écho [6] » afin d’explorer les diverses avenues de la « tradition des romans de femmes [7] », pour reprendre le titre d’un ouvrage récent.
3Dans un premier temps, il s’agira d’étudier de quelles manières les romancières des Lumières tirent profit des conventions romanesques établies, des lieux communs propres au genre sentimental ou épistolaire, des diktats issus de la morale chrétienne et de l’intimité inhérente à la sphère privée émergeante pour s’interroger sur la place des femmes dans la société des Lumières et défendre la quête de liberté. En exploitant les contraintes qui pèsent sur leur sexe pour mieux les dépasser, elles donnent à lire des exemples de ce que Michel de Certeau appelle la « tactique [8] », recours de ceux qui n’ont pas droit au pouvoir. En proposant un programme qui, fondé sur les acquis de la religion catholique, conduit à la raison par le biais de la foi et de la conscience morale, les romans de Mme Leprince de Beaumont, de Mme de Genlis et de Sophie Cottin remplissent un objectif didactique chrétien procédant des Lumières catholiques. Bien qu’un certain nombre d’ouvrages récents dont ceux de Jonathan Israël (Les Lumières radicales, 2001), de David Sorkin (The Religious Enlightenment. Protestants, Jews, and Catholics from London to Vienna, 2008), de Didier Masseau (Les Ennemis des philosophes, 2000) ; Les Marges des Lumières, 2004) et de Francis Préyat (L’Apologétique littéraire et les anti-Lumières féminines, Œuvres et critiques, 2013), pour ne nommer qu’eux, ont contribué à brosser un tableau plus complet d’une époque phare dans l’histoire de la modernité, la fiction des Lumières catholiques, à laquelle plusieurs romancières ont mis la main, continue d’être marginalisée. Négligée par la critique contemporaine qui y voit la marque d’un « didactisme chrétien conservateur [9] » et qui juge cette filiation régressive [10], la mise en roman des Lumières modérées se pose au contraire comme une initiative originale pour faire avancer la cause des femmes. Bien plus qu’un « huis clos du deuxième sexe [11] » ou un « livre de femme [12] », les romans de Mme Leprince de Beaumont, de Mme de Genlis et de Sophie Cottin, au sein desquels sensibilité et raison sont désormais appréhendées par le biais de la foi, témoignent d’une innovation littéraire importante issue de la recherche d’une alternative pieuse adaptée aux acquis de la révolution de l’esprit.
4Dans un deuxième temps, il importe de se pencher sur l’évolution que connaît la fiction lorsque le discours critique voilé que font lire les tactiques de louvoiement et de conciliation fait place à un discours plus réfractaire sous la plume d’Isabelle de Charrière, de Mme Riccoboni, de Mme d’Épinay et d’Olympe de Gouges entre autres. À l’aide de tactiques d’ordre thématique et idéologique telle que la défense et illustration du travail, de l’amour adultère et de l’action politique, ces romancières font passer au premier plan la nécessité de se valoriser et de se réaliser, témoignant par-là de la place grandissante qu’occupe l’individu à l’époque des Lumières.
Détour, louvoiement et conciliation
5Bien qu’un écart de 50 ans sépare la fiction de Mme de Tencin de celle de Mme de Souza, la mise en scène de lieux communs romanesques opère chez chacune un premier degré de contestation qui fait rêver à une transformation de l’ordre établi. Grâce à des péripéties typées – enlèvements, duels, fugues, emprisonnements, mariages clandestins, retrouvailles, séquestrations, rendez-vous secrets, complots, etc. –, Mme de Tencin double la soumission féminine d’une critique sociale. Qualifié de « nouvelle historique », Le Siège de Calais (1739), où l’imaginaire l’emporte sur l’Histoire, donne à lire des épisodes typiquement romanesques dans une perspective nouvelle. De la soumission filiale à l’obéissance maternelle, en passant par le dévouement marital et le sacrifice dont dépendent les relations amoureuses des personnages, l’intrigue est mue par une série d’épisodes propres à l’imaginaire romanesque qui dessinent une caricature de la destinée féminine. Sous la plume d’une romancière qui a elle-même souvent transgressé les contraintes sociales imposées à son sexe, la surenchère romanesque cache un message contestataire.
6Sans que la visée morale du roman soit ébranlée ni les attentes du lecteur trompées, Mme de Tencin ménage à l’héroïne du Siège de Calais (1739) une liberté d’action grâce à ce qu’on pourrait appeler la vertu héroïque. Mme de Granson, qui avait entrepris de plaire à M. de Canaple pour mieux lui résister, met la culpabilité qu’elle éprouve d’aimer cet homme indigne, qui a profité d’elle pendant la nuit alors qu’elle l’avait confondu avec son époux, au profit de ses devoirs. Elle redouble de soins et d’attentions pour son époux, évite de lui faire des reproches du peu d’affection qu’il lui marque et traverse un pays en guerre pour le soigner alors qu’il est blessé à la bataille de Crécy. La vertu vers laquelle elle se tourne pour composer avec sa situation lui permet de se réconcilier avec elle-même, mais aussi de se démarquer des autres femmes dans un monde où règnent l’adultère et la galanterie. Si l’on admet avec Marisa Linton que « la vertu a donné le droit d’avoir des opinions en matière d’intérêt public, de participer au bien public […] et a fait des individus des citoyens rhétoriques bien avant que la Révolution ne leur donne des droits politiques [13] », on comprend qu’en valorisant la vertu, Mme de Tencin recourt à une tactique voilée mais efficace pour ménager à son héroïne une place de choix dans la société et lui permettre de se réaliser.
7À son tour, en se tournant vers le roman par lettres en 1794 alors que la tradition épistolaire n’est plus ce qu’elle était avant la Révolution [14], Mme de Souza dénonce l’impossible liberté féminine. Prisonnière d’un discours à sens unique qui ignore sa valeur propre et qui ne vante que les qualités concédées aux femmes depuis qu’on leur a affecté le rôle de gardiennes des valeurs morales et des bonnes mœurs, Adèle de Sénange fait l’objet d’une manipulation fantasmatique d’un narrateur amoureux. La soumission féminine que redouble le mode de narration peut se comprendre comme l’un de ces « détails fugitifs qui occupent l’espace entre les événements de la vie [15] » que Mme de Souza se donne pour objectif de mettre en scène, voire de dénoncer, dans l’avant-propos du roman. Ainsi, en se tournant vers le genre épistolaire et en préférant une instance narrative masculine, la romancière double sa réflexion critique d’une escorte narrative conforme aux conventions littéraires. La mise en scène de l’emprise conjugale, maternelle, familiale et sociale procède d’une ambition contestatrice sous sa plume.
8Déterminée à « former le cœur » et à « éclairer l’esprit » comme l’annonce le titre du Magasin des enfants (1756), Mme Leprince de Beaumont qui souhaite faire des femmes des « logiciennes, des géomètres et même des philosophes [16] », met le genre épistolaire au service d’un projet similaire dans les Lettres de Mme du Montier (1756). La religion catholique n’est pas un instrument de contrôle ni de répression des passions dans sa fiction, mais bien un fondement important de la raison. La vertu est chargée d’un sens nouveau sous sa plume : celui d’un triomphe personnel, d’une gloire spirituelle, voire d’un héroïsme mystique. Dans les Lettres de Madame du Montier (1756), le renoncement à la passion témoigne d’une conception de la vertu fondée sur la notion d’intégrité. Le discours que tient la Marquise sur son expérience de la vertu en tant que dépassement d’elle-même confirme que celle-ci ne se réduit pas à un simple sacrifice et encore moins à la « sagesse extérieure [17] » qu’on exige des femmes. L’épistolière mise en scène triomphe du déchirement qu’elle éprouve et renaît à travers son renoncement à la passion. Sa mère, qui la félicite pour sa force et pour son courage, loue le pouvoir de décision et d’action dont elle dispose. Fidèle à elle-même et à l’idéologie chrétienne, la Marquise qui a mené un combat physique, affectif et moral a su élever son âme vers Dieu, tout en s’assurant un bonheur immédiat, s’étant réconciliée avec ses rôles d’épouse et de mère. Bien que le modèle de vertu que propose Mme Leprince de Beaumont reproduise certains schémas chers à l’Église catholique – le renoncement et la fidélité –, il met l’accent sur la connaissance de soi, dont Mme du Montier défend l’importance [18], sur la détermination personnelle et sur la force de caractère. Dans ce roman, Mme Leprince de Beaumont réussit à faire de la vertu une source d’estime de soi, d’épanouissement et de réalisation personnelle, bref, à la faire évoluer vers une force libératrice. Parce que la religion repose de plus en plus sur une démarche personnelle et une expérience individuelle, son adaptation romanesque promet une liberté nouvelle. Dans une perspective morale en accord avec l’idéologie catholique, Mme Leprince de Beaumont remet en question les notions de vertu et de bonheur, annonçant par-là la redéfinition qu’elles connaîtront sous la plume de Mme de Genlis, partisane d’un « catholicisme réformateur [19] » et anticipant l’idéalisme sentimental de Rousseau. À la croisée de la tradition du roman édifiant et du discours des philosophes, la foi éclairée qu’elle promeut sourit à un large public dans toute l’Europe et jette les bases d’une foi moderne.
9Dans un effort de conciliation des valeurs des Lumières et des dogmes chrétiens, Mme de Genlis fait à son tour l’apologie de la conscience droite. Les étapes marquantes du parcours qui conduit ses personnages féminins à adhérer à ce qu’Isabelle Brouard-Arends appelle une « éthique personnelle forgée par l’expérience [20] », c’est-à-dire un principe d’intégrité issu d’un savoir pratique, laissent deviner un nouveau traitement de la condition des femmes. La bienfaisance qui engage les héroïnes à assumer leur vie à travers des gestes concrets n’est pas désintéressée dans les romans de Mme de Genlis et la charité n’est pas motivée par l’intention d’« accorder un avantage au bonheur d’autrui sur [son] bonheur propre [21] », telle qu’on a l’habitude de la concevoir. Au contraire, elle constitue un recours important pour s’estimer. La prière, la solitude, l’amour maternel et la bienfaisance procurent aux héroïnes de Mme de Genlis la confiance en soi et les engagent à réaliser des gestes concrets dans le but d’assumer leur vie.
10Certes, la valeur personnelle que les personnages féminins acquièrent grâce à la vertu et à la bienfaisance les dispose à reproduire les schémas de l’ordre établi, c’est-à-dire à résister à l’adultère, à se consacrer à Dieu, à demeurer veuve et à servir la gloire du Roi, mais ils agissent de leur plein gré pour satisfaire un idéal personnel plutôt que de se soumettre à un rapport de pouvoir. Mme de Genlis profite des notions de cœur et de sensibilité, lieux communs du roman sentimental, pour proposer un traitement fort moderne de la notion de vertu qui dépasse le simple idéalisme moral. Par le biais de la fiction, cette femme de lettres remet en cause le bien-fondé du concept de complémentarité, qui réduit les femmes à la passivité, qui donne à la vertu ce que Rotraud von Kulessa appelle un « caractère sexué [22] » et qui entraîne de nombreux préjugés sur les femmes en plus d’empêcher l’égalité.
11La tendance se poursuit à la fin du siècle sous la plume de Sophie Cottin. Dans Claire d’Albe (1799), l’héroïne acquiesce aux « mœurs antiques et patriarcales [23] », qui gouvernent sa vie à la campagne : elle se répète que son mari est « le meilleur des hommes » (696), se réjouit qu’il soit le père de ses enfants, corrige volontiers les torts qu’il lui reproche, se pare pour lui faire plaisir et soutient à son amie qu’elle l’aime, voire qu’elle « le révère » (696). En adhérant au partage traditionnel des rôles et en adoptant les valeurs conservatrices de son époux, qui est d’avis qu’il « faut que chaque partie reste à sa place » (704), elle affirme se sentir « plus heureuse qu’[elle] ne l’[a] jamais été » (696). Or, elle « soupçonne que [son] sort n’est pas rempli comme il aurait pu l’être » (696). Malgré ses intentions pures et nobles et ses efforts pour être heureuse, la mélancolie et la langueur s’emparent d’elle. L’amour adultère la guérit de cet état, mais fait aussitôt éclater le cadre qui fixe son identité. Au sein d’épisodes chers à l’imaginaire romanesque – faute, repentir et mort – se lit la tragédie d’une femme incapable de se réaliser à travers les rôles de mère et d’épouse en dépit de sa détermination et de ses bonnes intentions. Claire d’Albe dénonce le faux-semblant du bonheur familial qui risque de ne pas convenir à toutes les femmes. Sous la plume de Sophie Cottin, la morale chrétienne connaît un traitement provocateur et une promotion critique.
12L’emploi que fait Mme de Tencin du roman sentimental, celui que fait Mme de Souza du genre épistolaire et la mise en fiction que connaît la morale chrétienne sous la plume de Mme Leprince de Beaumont, de Mme de Genlis et de Sophie Cottin témoignent des avantages qu’offrent les tactiques de louvoiement et de conciliation en matière d’expression d’un discours critique. Au moment où les femmes sont réduites à exister dans les marges de la sphère privée, les romancières trouvent dans les modalités de l’intimité émergente le moyen de poursuivre leur quête de liberté. Autorisée, voire prescrite par la société, l’amitié constitue un lien d’affection légitime ; personnelle et intime, elle est soustraite aux contraintes de civilité qui règlent les relations mondaines. Ainsi, l’amitié se présente comme une avenue à travers laquelle explorer et affirmer sa subjectivité. Perçue comme « l’apanage des âmes vertueuses [24] », elle constitue une ressource importante permettant aux personnages féminins, sinon de cultiver les sentiments de contentement et de tranquillité intérieure dont procède le bonheur, du moins de « demeurer avec [eux]-même[s] », condition essentielle pour trouver « la paix et la vérité » (126), estime Mme de Lambert. Tel un « télescope qui servirait à sonder le moi [25] », la correspondance entre femmes se veut un laboratoire d’écriture où trouver les moyens de demeurer fidèle à soi-même et à ses valeurs. La plume à la main, la figure de l’amie s’épanouit dans une relation qui reconnaît et qui respecte sa valeur propre et son mérite personnel. C’est ce qui explique que Claire d’Albe s’exclame : « Amitié, tu es tout ! » (712).
13Dans la fiction de Mme Riccoboni, de Mme de Malarme, de Mlle Poulain de Nogent, d’Isabelle de Charrière et de Sophie Cottin, l’attachement des hommes paraît médiocre en comparaison de celui des femmes, solide, généreux et fidèle. Que l’amitié l’emporte sur l’amour n’est pas nouveau certes, mais que l’amitié entre femmes supplante le mariage d’amour ou qu’un personnage féminin soutienne qu’un « amant ne vaut pas une amie [26] » traduit une évolution dans la conception des relations entre les hommes et les femmes. Si l’amitié, que ni le mariage ni l’objection d’un époux ne parviennent à détruire, l’emporte sur l’amour, c’est que ce lien durable conduit au bonheur par une voie que la séduction ignore : celle où l’attachement repose sur une acceptation totale de l’autre dans toute sa différence.
14Certes, l’amitié entre femmes demeure étrangère à tout dialogue avec les hommes, mais grâce à elle, le silence fait place à la confidence et l’émergence d’une prise de parole féminine se dessine. L’entraide et la confiance permettent aux héroïnes de composer avec les attentes qui pèsent sur elles. Ancrée dans le partage d’une expérience commune de la condition féminine, l’amitié entre femmes, conçue comme une « stratégie de résistance contre un discours du patriarcat [27] », dépasse la simple consolation aux déceptions et aux obstacles que l’amour entraîne, conception chère à Pierre Fauchery [28]. Si Maurice Daumas considère encore en 2011 que « nulle œuvre d’art, nul spectacle, nul grand roman ne se bâtit sur la seule amitié [29] », c’est que celle-ci, qui est le plus souvent le produit d’une initiative féminine à l’époque des Lumières, reste à redécouvrir. En effet, le thème de l’amitié semble être aux romancières ce que l’amour passion est aux romanciers.
15Au nom de l’intimité triomphante, les romancières sont libres de vanter les mérites de la lecture qui, en tant qu’activité « du for privé, de l’intimité soustraite au public, de l’investissement intense, affectif, intellectuel ou spirituel [30] », autorise le repli sur soi et permet de fantasmer la réalité en toute liberté. C’est ce qui explique que, prisonnière de son appartement, l’héroïne de Mme de Kéralio, à qui on a rendu ses livres, ses pinceaux et ses instruments, s’« accoutume » à sa captivité et réussit à « adoucir [son] esclavage [31] ». Occupée à lire, l’héroïne des Lettres d’une Péruvienne (1747) de Mme de Graffigny convient que les livres « sont à l’âme ce que le Soleil est à la terre » et qu’elle y trouve « tous les secours dont [elle] [a] besoin [32] ». Chargée d’une valeur émancipatrice, la lecture lui procure les ressources nécessaires pour faire le deuil de l’amour. Ainsi, Zilia découvre qu’elle peut se suffire à elle-même et que l’amour constitue un faible substitut à l’estime de soi.
16La lecture s’avère également un instrument de séduction. C’est pourquoi dans Le Beau-frère supposé (1752) de Mme de Villeneuve, Inès empêche sa rivale de « s’amuser par quelques petits ouvrages, lui ayant même ôté les livres de musique et les instruments, de peur que ces agréments ne la rendissent plus chère à son époux [33] ». La lecture, grâce à laquelle une femme peut s’accomplir, contribue à augmenter ses charmes. Ainsi, celle qui s’instruit ou qui perfectionne ses talents gagne en capital de séduction. Dans l’Histoire de Mme de Montbrillant (1818), la narratrice, qui s’est appliquée à l’étude de l’italien et à la traduction des premiers livres du Tasse, se « flatte de réussir pour avoir un avantage de plus à offrir à Formeuse [34] », son amant.
17Celle qui lit acquiert un savoir pratique lui permettant d’agir. Grâce à la lecture et à l’étude, l’héroïne des Lettres de madame la comtesse de L*** à monsieur le comte de R*** (1785) de Mlle Fontette de Sommery, passionnée d’astronomie, développe une relation particulière avec l’espace qui l’entoure et dont elle connaît désormais les « secrets ». De la même façon, dans les Lettres de madame du Montier à sa fille (1756) de Mme Leprince de Beaumont, l’héroïne affiche un intérêt pour les sciences et marque le désir d’approfondir sa compréhension de divers phénomènes physiques. À son tour, l’héroïne de Mme d’Épinay est déterminée à tout apprendre de la jurisprudence pour obtenir une séparation de biens et de corps d’un époux qui menace son bien-être et l’avenir de ses enfants. Avides de connaissances plus solides en matière d’astronomie, de physique et de jurisprudence, ces personnages s’efforcent de vaincre l’ignorance qui les maintient dans un état de dépendance.
18Tout en respectant le cadre de la « narration de la domesticité [35] » et en feignant de se conformer à l’idéologie dominante, de nombreuses romancières mettent les rôles et les qualités reçus comme féminins par l’ordre établi au service d’un projet de transformation sociale et tirent profit de la place privilégiée qu’elles occupent au sein de l’espace privé émergeant. Les conventions romanesques, sociales et morales qui pèsent sur elles leur procurent le canevas nécessaire pour défendre la cause des femmes et miner de l’intérieur un ordre social fondé sur la complémentarité des sexes plutôt que sur l’égalité.
Provocation, transgression et révolte
19La possibilité de se réaliser et de se construire en tant qu’individu adopte sous la plume de certaines romancières une expression plus directe et réfractaire. À une époque où l’éducation féminine demeure lacunaire, où l’attitude vis-à-vis du savoir féminin est le plus souvent soupçonneuse et où la vertu remplit d’abord et avant tout une visée sociale, l’émancipation féminine met en péril la conception traditionnelle de la famille, de même que les fondements de l’ordre établi. Néanmoins, de nombreuses romancières osent poser le travail comme solution aux conditions périlleuses que rencontre le sexe féminin [36]. Bien qu’il soit le plus souvent épisodique, il forme une expérience déterminante permettant aux personnages féminins de réviser l’idée qu’ils se font de leur place dans la société. À travers l’apprentissage d’un métier, les héroïnes orphelines, déclassées ou appauvries luttent contre les injustices qui sous-tendent une organisation sociale fondée sur l’inégalité. Couturière, artiste, artisane, éducatrice et jardinière, les figures de femmes dans la fiction des romancières des Lumières défendent les bienfaits personnels et sociaux que procure le travail et non pas sa seule gratification matérielle. Source de confiance en soi et vecteur de solidarité féminine, le travail favorise l’action plutôt que la passivité. Du pouvoir économique au bonheur familial en passant par la réalisation personnelle, tous les avantages du travail sont réunis dans Les Ressources de la vertu (1782) de Mme de La Guesnerie. Déterminées à vivre de leur travail et à subvenir aux besoins de leur famille et de leurs amies, les héroïnes qu’imaginent Mme de Malarme, Mme de Villeneuve, Mme de la Guesnerie, Mme de Charrière et Mme Riccoboni témoignent d’une force et d’une énergie qui rompent avec la faiblesse et la résignation généralement imputées aux personnages féminins dans les romans des Lumières. Garant d’une enclave exclusivement féminine et d’une existence indépendante, le travail fait espérer la possibilité de se soustraire à certaines attentes et contraintes sociales pesant sur les femmes. Certes, les romancières misent sur le travail manuel plutôt qu’intellectuel et rares sont celles qui mettent en scène la femme auteur à sa table de travail, emploi qui a pourtant procuré à plusieurs d’entre elles des ressources essentielles. Cette absence laisse deviner un constat d’échec face à l’intégration des femmes dans l’espace public en général et dans la République des lettres en particulier. En subvenant aux besoins du couple, de leur père, de leurs enfants et de leur protégée, les héroïnes mises en scène renouvellent les façons de remplir les rôles d’épouse, de veuve, de mère, de fille et d’amie, et font évoluer la conception de la famille vers d’autres horizons.
20Tandis que le travail rend possible l’indépendance socio- économique, l’amour permet l’autarcie sentimentale. Sous la plume des femmes auteurs, l’amour cesse d’être assimilé à une force aliénante ancrée dans un rapport de pouvoir réduisant les personnages féminins à des instruments de valorisation du sexe masculin et à des objets de conquête. Les romancières qui rompent avec la tradition masculine alliant l’amour à la passion plaident en faveur d’un sentiment qui ferait la force des héroïnes plutôt que leur malheur. Assurément, la majorité des romancières conçoivent ce lien affectif dans les marges du secret ou du mariage d’amour et réduisent la femme infidèle à évoluer dans une impasse qui ne se résout que par la mort. Bien que l’adultère et l’infidélité soient sévèrement condamnés et punis à l’époque des Lumières [37], Mme d’Épinay imagine une héroïne prête à assumer l’adultère : Émilie de Montbrillant. Choix délibéré, l’adultère constitue pour ce personnage une voie de réalisation personnelle sans être source de culpabilité. Seul l’amour lui peint sa valeur, exalte son amour-propre et fortifie sa raison. Sincère et réciproque, il a tout pour assurer son bonheur : « Vous m’aiderez dans mes travaux, vous m’enrichirez de vos connaissances et de nos réflexions, et rien ne sera comparable à notre bonheur » (475), écrit Émilie à Formeuse. Prête à affronter les objections de sa mère, de son mari et de sa famille, elle se réjouit de la relation amoureuse qu’elle entretient avec Formeuse puis avec Volx. Colette Cazenobe qualifie cette conduite de « point de départ d’une renaissance morale [38] ».
21Si, grâce au traitement qu’elles réservent aux thèmes du travail et de l’amour, les romancières font envisager la remise en question du mécanisme de socialisation codé où la différenciation sexuelle joue un grand rôle et ouvre la porte à la possibilité de se tailler une place en dehors de l’espace du particulier régi par le mariage et la famille, Olympe de Gouges fait franchir à la fiction un pas de plus en soutenant le droit à l’action politique. Le Prince philosophe, conte oriental (1792), qu’on pourrait qualifier de roman pamphlétaire, poursuit le combat qu’elle mène pour améliorer le sort des femmes. Grâce au personnage de la reine Idamée qui s’oppose aux traditions despotiques, la romancière condamne les fondements sociaux qui assoient l’infériorité des femmes, qui signent leur exclusion des affaires publiques et militaires, et qui ont pour effet d’instaurer la corruption, l’ignorance et le désœuvrement. Son roman anticipe le jour où les femmes deviendront « des guerrières intrépides, des magistrats intègres, des ministres sages et incorruptibles [39] ». Audacieux, le message de la romancière exprime clairement le désir d’une transformation socio-politique et énonce les mesures à adopter. La reine Idamée, qui promeut la participation active des femmes aux affaires publiques, la reconnaissance de leur mérite, l’égalité et la liberté, voit son rêve et ses ambitions s’anéantir lorsque « le roi cependant ne décida rien » (23). L’initiative révolutionnaire qu’Henri Coulet considère comme « irréalisable dans le monde convenu du roman baroquisant [40] » est vouée à l’échec : le Roi qui n’est prêt qu’à faire une exception et non pas à soutenir la cause des femmes affirme : « Un jour cet enfant sera dans mon royaume un grand homme, mais je n’en veux qu’un de cette espèce » (19). Le sort fatal de la reine, tout comme celui d’Olympe de Gouges, laisse deviner la dure réalité à laquelle sont confrontées les femmes, l’accueil négatif avec lequel leurs initiatives sont reçues, mais surtout la difficulté de réformer les règles et les codes de l’ordre établi.
22En conclusion, les diverses tactiques narratives qu’empruntent les romancières des Lumières pour exprimer leurs réflexions sur le rôle et la place des femmes dans la société révèlent qu’au dix-huitième siècle et plus précisément dès la fin des années 1730, une revendication en faveur d’une transformation sociale gouverne l’imaginaire romanesque à des degrés divers. Qu’il s’agisse de simuler la conformité aux conventions littéraires et sociales établies en reproduisant les lieux communs propres aux genres sentimental et épistolaire ou en poursuivant la tradition qui concède aux femmes une certaine prédisposition pour traiter des sujets propres à la sphère privée, tels que l’amitié, la famille et la vertu, les romancières des Lumières dissimulent la lutte qu’elles mènent pour défendre la cause des femmes. Voilé, le discours critique que donnent à lire leurs romans vise néanmoins à remettre en question les attentes sociales, morales et religieuses qui pèsent sur leur sexe.
23En marge des philosophes sans être à l’écart des Lumières, Mme Leprince de Beaumont, Mme de Genlis et Mme Cottin s’interrogent sur la religion dans ses rapports sociaux et moraux avec la société et assortissent les acquis philosophiques aux dogmes chrétiens à l’aide d’un discours alliant foi et raison. Elles misent sur la raison pour former l’esprit et sur la religion pour instruire le cœur. Si leurs personnages féminins sont appelés à reproduire les schèmes de l’ordre établi, c’est-à-dire à résister à l’adultère et à se consacrer à Dieu par exemple, ils bénéficient du moins d’une éducation émancipatrice les engageant à réfléchir par eux-mêmes et à exercer leur propre jugement critique. Loin de donner à lire l’expression d’une « culture de la soumission [41] », leurs romans font la promotion de la responsabilité individuelle, objectif qui échappe à nombre de critiques dont Ellen Constans qui avance que « le roman féminin se cantonne dans les récits de la vie du cœur [42] » et qu’il faut « attendre la génération de 1830 pour que le féminisme de la déploration soit dépassé en un féminisme de contestation et de revendication [43] ». La fiction des Lumières catholiques mérite d’être considérée avec le même intérêt que le militantisme de Marie-Jeanne Riccoboni ou d’Isabelle de Charrière par exemple. Certes, à la fin du siècle, le ton devient plus réfractaire et les solutions plus audacieuses pour penser la question de l’égalité. La défense et illustration du travail, de l’amour adultère et de l’action politique rompent avec la thématique usuelle qui réduit les personnages féminins aux rôles de mère et d’épouse.
24Que les tactiques que donnent à lire les romancières des Lumières revêtent le masque de la tradition ou fassent ouvertement valoir un idéal contestataire, elles confirment le besoin de s’interroger, ne serait-ce que par le biais de l’imagination, sur les avenues politico-sociales ouvertes à une société en redéfinition où la conception holiste sur laquelle elle repose est en voie d’effondrement. L’étude des réseaux de filiation à l’œuvre au sein de la production romanesque des femmes auteurs renouvelle notre conception de l’organisation du champ littéraire des Lumières et restitue à la constellation littéraire de cette époque un pan manquant.
Notes
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[1]
Adeline Gargam, Les Femmes savantes, lettrées et cultivées dans la littérature française des Lumières ou la conquête d’une légitimité (1690-1804), Paris, Champion, 2013, 2 vol.
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[2]
Shelly Charles rappelle l’opinion qui prévaut à l’époque : « les femmes auteurs retracent ce qu’elles éprouvent, et rendent compte, sous les traits de la fiction, des impressions réelles qui font leur bonheur, ou qui causent leur tourment » (Mercure, germinal an IX, p. 27 dans Shelly Charles, « ‘‘Le domaine des femmes’’ : Roman et écriture féminine dans la critique du tournant des Lumières », dans Les Femmes dans la critique et l’histoire littéraire, dir. Martine Reid, Paris, Champion, 2011, p. 96. Je souligne.)
-
[3]
Huguette Krief, « Le génie féminin. Propos et contre-propos au 18e siècle », Revisiter la « querelle des femmes ». Discours sur l’égalité/inégalité des sexes, de 1750 aux lendemains de la Révolution, dir. Éliane Viennot, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2012, p. 71.
-
[4]
Les références suivantes suffisent à illustrer l’effort déployé pour réhabiliter la mémoire des romancières : Jean-François de la Croix, Dictionnaire historique portatif des femmes célèbres, contenant l’histoire des femmes savantes, actrices et généralement des dames qui se sont rendues fameuses dans tous les siècles par leurs aventures, les talents, l’esprit et le courage, Paris, Cellot, 1769 ; Joseph de La Porte, Histoire littéraire des femmes françaises : ou, Lettres historiques et critiques, contenant un précis de la vie et une analyse raisonnée des ouvrages des femmes qui se sont distinguées dans la littérature française, Paris, Lacombe, 1769, 5 vol. ; Louise-Félicité Guinement de Kéralio, Collection des meilleurs ouvrages français composés par des femmes, 1786, 14 vol. ; Fortunée Briquet, Dictionnaire historique littéraire et bibliographique des Françaises et des étrangères naturalisées en France, Paris, de Gillé, 1804 ; Mme de Genlis, De l’influence des femmes sur la littérature française comme protectrices des lettres et comme auteurs ; ou précis de l’histoire des femmes françaises les plus célèbres, Paris, Maradan, 1811 ; Le Citateur féminin, 1835 ; Dictionnaire littéraire des femmes de langue française de Marie de France à Marie Ndiaye, dir. Christiane P. Makward, Christiane et Madeleine Cottenet-Hage, Paris, Karthala, 1996 ; The Feminist Encyclopedia of French Literature, dir. Eva Martin Sartori, Westport, Greenwood Press, 1999 ; Dictionnaire des femmes de l’Ancienne France de la Société internationale pour l’étude des femmes de l’Ancien Régime (www.siefar.org) ; Dictionnaire des femmes des Lumières, dir. Huguette Krief et Valérie André, Paris, Champion, 2015.
-
[5]
Karen Offen, Les Féminismes en Europe 1700-1950, traduit de l’anglais par Geneviève Knibiehler, Rennes, PU Rennes, 2012, p. 88.
-
[6]
Heidi Bostic, The Fiction of Enlightenment. Women of Reason in the French Eighteenth Century, Newark, University of Delaware Press, 2010, p. 63. Je traduis. Une telle approche consiste à lire les romans des femmes auteurs les uns par rapport aux autres plutôt qu’en écho aux romans canoniques de leurs confrères.
-
[7]
La Tradition des romans de femmes 18e-19e siècles, dir. Catherine Mariette-Clot et Damien Zanone, Paris, Honoré Champion, 2012.
-
[8]
Dans L’Invention du quotidien, Michel de Certeau oppose la tactique à la stratégie et la définit comme suit : « Elle est mouvement “à l’intérieur du champ de vision de l’ennemi”, comme le disait von Bülow, et dans l’espace contrôlé par lui. Elle n’a donc pas la possibilité de se donner un projet global ni de totaliser l’adversaire dans un espace distinct, visible et objectivable. […] Elle profite des occasions et en dépend, sans base où stocker des bénéfices, augmenter un propre et prévoir des sorties. Ce qu’elle gagne ne se garde pas. […] Elle est ruse. En somme, c’est un art du faible » (Paris, Gallimard, [1980] 1990, vol. 1, p. 61).
-
[9]
Martin Hall, « Eighteenth-Century Women Novelists : Genre and Gender », A History of Women’s Writing, dir. Sonya Stephens, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 112.
-
[10]
Dans une étude sur Claire d’Albe, Anna Rosner soutient que « l’héroïne romanesque du 18e siècle semble régresser par rapport à celle du Grand Siècle dans la mesure où elle devient un archétype fixe ; de nombreuses représentations de la femme essentiellement mortifère ou vertueuse enferment le genre féminin dans une sorte de polarité prédéterminée », « Claire d’Albe ou l’anti-roman féminin », Romance Notes, 2005, p. 77-78.
-
[11]
Ellen Constans, Parlez-moi d’amour : le roman sentimental des romans grecs aux collections de l’an 2000, Limoges, PULIM, 1999, p. 268.
-
[12]
Colette Cazenobe, Au Malheur des dames. Le Roman féminin au 18e siècle, Paris, Honoré Champion, 2006, p. 222.
-
[13]
Marisa Linton, The Politics of Virtue in Enlightenment France, New York, Palgrave, 2001, p. 79. Je traduis.
-
[14]
Lucia Omacini remarque que « la formule n’en continue pas moins d’être adoptée conformément à la tradition, mais comme une enveloppe vide qu’on reproduit en raison du succès qu’elle peut encore assurer », Le Roman épistolaire français au tournant des Lumières, Paris, Honoré Champion, 2003, p. 11.
-
[15]
Mme de Souza, Adèle de Sénange ou Lettres de Lord Sydenham dans Romans de femmes du 18e siècle [1794], éd. cité, p. 567.
-
[16]
Mme Leprince de Beaumont, Magasin des enfants, Londres, J. Nourse, [1756] 1758, « avertissement », p. xii.
-
[17]
Idem, Lettres de madame du Montier à la marquise de *** sa fille, avec les réponses, Lyon, Bruyset Ponthus, [1756] 1767, p. 289. Les références sont à cette édition.
-
[18]
Elle défend à une de ses filles de devenir religieuse avant l’âge de vingt-cinq ans, c’est-à-dire avant de « se connaître elle-même, aussi bien que le monde qu’elle veut quitter » (p. 209, je souligne).
-
[19]
Alicia C. Montoya, « Madame Leprince de Beaumont et les ‘‘Lumières religieuses’’ », Marie Leprince de Beaumont. De ‘‘L’Éducation des filles’’ à ‘‘La Belle et la Bête’’, dir. Jeanne Chiron et Catriona Seth, Paris, Classiques Garnier, 2013, p. 141. Joan Hinde Stewart constate le nouveau traitement que réservent les femmes auteurs de la seconde moitié des Lumières à la vertu, à la raison et au bonheur : « Under the pen especially of women writers of the late century, crucial words such as virtue, reason, and happiness slip from their accustomed places, becoming newly functional and acquiring original nuances that embody specifically female vision and desire », Joan Hinde Stewart, « The Novelists and their Fictions », French Women and the Age of Enlightenment, dir. Samia Spencer, Bloomington, PU Indiana, 1984, p. 203.
-
[20]
Isabelle Brouard-Arends, « Trajectoires de femmes, éthique et projet auctorial, Mme de Lambert, Mme d’Épinay, Mme de Genlis », Dix-huitième siècle, 2004, vol. 36, p. 192.
-
[21]
Robert Mauzi, L’Idée du bonheur dans la littérature et la pensée française au 18e siècle, Paris, A. Colin, [1960] 1965, p. 580.
-
[22]
Rotraud von Kulessa, « Le code de la sensibilité et l’éducation morale chez les femmes éducatrices au 18e siècle », Femmes éducatrices au siècle des Lumières, dir. Isabelle Brouard-Arends et Marie-Emmanuelle Plagnol-Diéval, Rennes, PU Rennes, 2007, p. 135.
-
[23]
Sophie Cottin, Claire d’Albe, Romans de femmes du 18e siècle, dir. Raymond Trousson, Paris, R. Laffont, [1799] 1996, p. 704. Les références sont à cette édition.
-
[24]
Marquise de Lambert, Traité de l’amitié dans Œuvres morales de Mme de Lambert, Paris, Charles Gosselin, [1732] 1813, p. 123. Les références sont à cette édition.
-
[25]
Françoise Simonet-Tenant, « À la recherche des prémices d’une culture de l’intime », Pour une histoire de l’intime et de ses variations, dir. Anne Coudreuse et Françoise Simonet-Tenant, Paris, L’Harmattan, 2009, p. 52.
-
[26]
Marie-Jeanne Riccoboni, Histoire du marquis de Cressy dans Œuvres de madame Riccoboni, Paris, Garnier Frères, [1758] 1865, p. 51.
-
[27]
Medha Nirody Karmarkar, « L’amitié féminine dans les œuvres d’Isabelle de Charrière et de Marceline Desbordes-Valmore », Cincinnatti Romance Review, 1996, vol. 15, p. 134.
-
[28]
Pour Pierre Fauchery, l’amitié entre femmes se réduit à une simple réunion de pleurs : « la coalition des femmes ne dépasse guère la zone de la crainte et de la déploration », La Destinée féminine dans le roman européen du dix-huitième siècle, Paris, A. Colin, 1972, p. 586-587.
-
[29]
Maurice Daumas, Des Trésors d’amitié. De la Renaissance aux Lumières, Paris, Armand Colin, 2011, p. 6.
-
[30]
Roger Chartier, Lectures et lecteurs dans la France d’Ancien Régime, Paris, Seuil, 1987, p. 199.
-
[31]
Louise Félicité Guinement de Kéralio, Adélaïde ou Les Mémoires de la marquise de M***, Paris, [1776] 1783, p. 44-50.
-
[32]
Françoise de Graffigny, Lettres d’une Péruvienne dans Romans de femmes du 18e siècle, éd. cité, [1747], p. 121.
-
[33]
Gabrielle-Suzanne de Villeneuve, Le Beau-frère supposé, Londres, 1752, tome 3, p. 53.
-
[34]
Mme d’Épinay, Les Contre-confessions : histoire de Madame de Montbrillant, Paris, Mercure de France, [1818] 1989, p. 712. Les références sont à cette édition.
-
[35]
Lesley H. Walker, A Mother’s Love : Crafting Feminine Virtue in Enlightenment France, Lewisburg, Bucknell University Press, 2008, p. 16. Je traduis.
-
[36]
Selon Karen Offen, « les femmes des classes inférieures ont toujours travaillé ; dans les villes européennes, au début de l’époque moderne », ouvr. cité, p. 80. Maïté Albistur et Daniel Armogathe précisent que les femmes occupent des métiers dans l’industrie textile, dans l’artisanat, dans les fonderies, dans le journalisme, dans les manufactures de papier et même dans les administrations, telle que celle des Postes. Voir Histoire du féminisme français du moyen âge à nos jours, Paris, Des femmes, 1977, p. 179-180. Malgré tout, Olwen Hufton précise que « les salaires des femmes reflétaient la croyance en leur dépendance partielle. […] les salaires n’étaient pas calculés pour une survie indépendante », « Les femmes et le travail dans la France traditionnelle » (traduit de l’anglais par Agathe Moitessier), Femmes et pouvoirs sous l’Ancien Régime, dir. Danielle Haase-Dubosc et Éliane Viennot, Paris, Rivages, 1991, p. 260.
-
[37]
P. Le Ridant présente le code sévère qui régit les conduites des jeunes filles, des femmes mariées et des veuves. On y trouve entre autres l’édit qui les assujettit à la peine de mort si elles dissimulent leur grossesse, l’arrêt qui stipule que l’abandon d’un mari ne suffit pas à justifier le remariage et la loi qui octroie au mari le droit de punir sa femme s’il la soupçonne d’adultère. Voir P. Le Ridant, Code matrimonial ou Recueil des Édits, Ordonnances et Déclarations sur le mariage, avec un dictionnaire des décisions les plus importantes sur cette matière, Paris, Herissant, 1766.
-
[38]
Colette Cazenobe, ouvr. cité, p. 182.
-
[39]
Olympe de Gouges, Le Prince philosophe, conte oriental, Paris, Indigo & Côté femmes, [1792] 1995, vol. 2, p. 13. Les références sont à cette édition.
-
[40]
Henri Coulet, « Sur le roman d’Olympe de Gouges : Le Prince philosophe », Les Femmes et la Révolution française, dir. Marie-France Brive, Toulouse, PU Mirail, 1990, p. 275.
-
[41]
Paul Pelckmans, Le Problème de l’incroyance au 18e siècle, Québec, PUL, 2010, p. 42.
-
[42]
Ellen Constans, ouvr. cité, p. 155.
-
[43]
Ibid., p. 163.