Notes
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[1]
Vincent Barras, « Épistolarité et maladie », dans Littérature et médecine, ou les pouvoirs du récit, dir. G. Danou, BPI, 2001, p. 205. Les correspondances médicales, dont beaucoup ont été publiées, appartiennent de fait à la littérature du temps.
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[2]
Saint-Simon, Mémoires, t. XVIII, chap. 15 (année 1721). Cité dans la version Chéruel (1856), mise en ligne sur http://rouvroy.medusis.com.
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[3]
René Démoris, Le Roman à la première personne du classicisme aux Lumières [1975], Droz, 2002, p. 453.
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[4]
L’Infortuné Napolitain, ou les Aventures et mémoires du signor Rozelli, 1704 (première et deuxième parties, chez André Rovieli à Bruxelles), 1708 (troisième partie, chez Claude Rapin à Paris), prolongé par l’abbé Olivier en 1721 (quatrième et cinquième parties, chez Henri Desbordes à Amsterdam) ; le texte « complet » est publié ensuite en 1729 sous la même adresse hollandaise. L’édition consultée est la réédition de ce texte, en 1784. Je renvoie à la mise au point d’Érik Leborgne dans « Un cas de roman prolongeable : L’Infortuné Napolitain et ses suites (1708, 1721) » (La Partie et le tout, la composition du roman, de l’âge baroque au tournant des lumières, dir. M. Escola et alii, Louvain, Peeters, 2011, p. 431-442).
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[5]
R. Démoris, ouvr. cité, p. 18.
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[6]
Bordeu évoque ainsi avec beaucoup de réticence ce « chef d’œuvre de l’empirisme », « composé monstrueux », qui ne laisse pas d’être efficace (Recherches sur quelques points d’histoire de la médecine, I, §6, Paris, Rémont, 1764, p. 53).
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[7]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. I, p. 444.
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[8]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 97 : « On donna le nom d’or potable à mon remède, quoique ce ne fût que l’extrait de quelques racines sudorifiques, qui avaient en même temps la vertu de purger. »
-
[9]
Voir Stanis Pérez, « La goutte de Philippe II d’Espagne », Rhumatologie pratique, oct. 2009, p. 23-24. Pour Louis XIV, voir du même La Santé de Louis XIV. Une bio-histoire du Roi-Soleil, Seyssel, Champ Vallon, 2007.
-
[10]
« Édit portant règlement pour l’étude et l’exercice de la médecine dans le royaume, Marly, mars 1707 », dans Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, t. XX, 1830, p. 508-517, article 26 : « Nul ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, exercer la médecine, ni donner aucun remède, même gratuitement, dans les villes et bourgs de notre royaume, s’il n’a obtenu le degré de licencié dans quelqu’une des facultés de médecine qui y sont établies » (cité par F. Lebrun, « Médecins et empiriques à la cour de Louis XIV », dans Histoire, économie et société, 1984, 3e année, n° 4, p. 559).
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[11]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 101-102.
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[12]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 130.
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[13]
R. Démoris, ouvr. cité, p. 17.
-
[14]
Ibid., p. 453 : « Dans la grande majorité des cas [après 1728], le corps ne fait que traduire le sentiment : son intérêt est d’être le signe d’une réalité ou d’un ordre supérieur. »
-
[15]
[Publié par] Pierre-Antoine de La Place, Mémoires de Cécile, revus par elle-même, Paris, Rollin fils, 1751 (4 tomes en 2 volumes).
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[16]
Ibid., t. IV, p. 126.
-
[17]
Alain-René Lesage, Histoire de Gil Blas de Santillane, IX [1724], 8, éd. R. Laufer, Paris, G. F. Flammarion, 1977, p. 455-456. L’adverbe « insensiblement » peut avec profit se lire au premier degré : si le passage est assez long, il n’entre que très peu dans des considérations physiques. Rappelons que Gil Blas tout en marquant « la résurgence du picaresque » en est « une réponse parodique » bien plus qu’une « imitation » (R. Démoris, ouvr. cité, p. 385).
-
[18]
Abbé Prévost, Le Philosophe anglais, ou Histoire de M. Cleveland, fils naturel de Cromwell, 1731-1738, éd. J. Sgard et P. Stewart, Desjonquères, 2003.
-
[19]
Mladen Kozul, « Maladies du corps, maladies de l’âme : le savoir médical dans Cleveland », dans Cleveland, épopée du 18e siècle, dir. J.-P. Sermain, Paris, Desjonquères, 2006, p. 123.
-
[20]
[Charles de Fieux] Chevalier de Mouhy, Mémoires posthumes du comte de d. B. avant son retour à Dieu, fondé sur l’expérience des vanités humaines, 1735. L’édition consultée est celle de 1735 pour les trois premières parties, rassemblées en un seul volume, et celle de 1741 (édition parisienne mais sous l’adresse hollandaise de Jean Neaulme) pour la quatrième partie. Cette dernière, parue sans nom d’auteur, est attribuée à Mouhy par F. Weil (Le Chevalier de Mouhy, bagarre et bigarrure, dir. J. Herman, K. Peeters et P. Pelckmans, Rodopi, coll. « Faux titre », 2010, p. 29).
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[21]
Ou l’inverse, puisque la paternité de Cleveland, présente chez Mouhy, n’apparaît qu’en 1738 au livre XII. Cependant le grand succès des premiers volumes de Cleveland fait pencher pour la première hypothèse, ce que conforte aussi l’analyse d’un autre roman contemporain de Mouhy (F. Dervieux, « Les trois derniers livres de Lamekis : un travestissement burlesque de Cleveland ? », dans Le Chevalier de Mouhy, bagarre et bigarrure, ouvr. cité, p. 181-195).
-
[22]
À moins que ce ne soit à la suite apocryphe publiée en 1734.
-
[23]
Mouhy, Mémoires posthumes, ouvr. cité, Ire partie, p. 166.
-
[24]
Ibid., p. 175.
-
[25]
Prévost, Le Pour et Contre, n° LXV, nov. 1734, t. V, p. 100.
-
[26]
Mouhy, Mémoires posthumes, ouvr. cité, IVe partie, p. 4.
-
[27]
Ibid., p. 240-241.
-
[28]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 91.
-
[29]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. I., p. 249.
-
[30]
J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, t. 1, p. 1224-1226.
-
[31]
Voir A. Wenger, « From medical case to narrative fiction : Diderot’s La Religieuse », dans Medicine and narration in the eighteenth century, dir. S. Vasset, Voltaire Foundation, Oxford, 2013, p. 17-30.
-
[32]
Denis Diderot, La Religieuse, éd. F. Lotterie, Paris, G. F. Flammarion, 2009, p. 54.
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[33]
Ibid., p. 111.
-
[34]
Ibid., p. 112.
-
[35]
Ibid., p. 114.
-
[36]
Ibidem.
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[37]
Ibidem.
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[38]
Ibid., p. 116.
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[39]
Voir par exemple les cas cités par Alain Caubet dans « Entre trivialité et mondanité, le discours médical français au 18e siècle », dans La Sociabilité en France et en Grande-Bretagne au siècle des Lumières, tome 2, dir. Annick Cossic et Hélène Dachez, éd. Le Manuscrit, 2013, p. 41-80.
1Faire l’expérience de la maladie et en rendre compte, c’est là un motif fréquent du roman-mémoires. Ce dispositif romanesque, inféodant discours et situations à une voix singulière, s’avère d’une grande fécondité critique en matière éthique et anthropologique. Dans le champ de recherche aujourd’hui très actif concernant les liens entre « littérature et médecine », nous voudrions ainsi nous intéresser non pas aux « codifications préexistantes [1] » que les contemporains puisaient dans la littérature pour mettre en mots la maladie, mais aux configurations largement prospectives et exploratoires que la fiction littéraire a pu en proposer.
2Le roman-mémoires, lorsqu’il campe un narrateur l’ayant lui-même éprouvée, problématise la façon dont la maladie, expérience à la fois commune et singulière, devient un élément du discours sur soi fait à l’intention d’autrui. La vocation de vérité du roman le conduit à diffracter les savoirs ainsi que les discours moraux et philosophiques attachés à la maladie et à éprouver leur validité au travers de l’expérience des personnages. Plus spécifiquement, la continuité énonciative du récit personnel permet aux romanciers d’interroger les limites de l’observation et de la connaissance de soi, les préoccupations morales et philosophiques du sujet aux prises avec la maladie ainsi que l’interaction plus ou moins conflictuelle entre un savoir médical tendant à la généralité et une conscience de soi fondée sur la singularité. Dans les mémoires historiques, les affections du narrateur sont toujours mises au second plan même lorsqu’elles s’imposent à son récit. Ainsi Saint-Simon, sans pour autant taire l’épisode, présente-t-il la maladie qui l’a immobilisé six semaines comme un « vide forcé » qu’il faut « remplir » − et il le fait « par un léger tableau de la cour d’Espagne [2] ». Cet exemple souligne, par contraste, l’importance accordée à la maladie du sujet dans les mémoires fictifs et plus tard dans l’autobiographie rousseauiste. L’enjeu du roman-mémoires, comme de l’autobiographie, étant l’affirmation de la singularité du sujet, la maladie y apparaît non pas comme un accident, comme un « intervalle » pour reprendre le terme de Saint-Simon, mais comme un épisode déterminant de la vie d’un individu, voire comme un élément constitutif de son identité. Qu’il disqualifie ou au contraire convoque pour l’appuyer un discours médical extérieur, le narrateur manifeste son autorité en matière d’observation de soi-même : c’est à lui que revient le pouvoir d’énoncer la maladie et, éventuellement, de l’expliquer et de lui conférer des significations symboliques et éthiques. Mais l’écriture personnelle de la maladie ne va pas sans difficultés : confrontée à la trivialité inhérente à la maladie physique, elle doit préserver le sentiment d’unité tout en équilibrant l’attention au corps et les considérations morales, anticiper le jugement d’autrui et plus particulièrement gérer la relation aux représentants du savoir médical.
Le corps du malade
3Le sujet qui raconte sa maladie doit s’accommoder de son affaiblissement, voire de son impuissance, et composer avec la réalité concrète des symptômes et des cures. Le roman-mémoires de la fin du 17e siècle et du début du 18e siècle ne gomme ni même n’estompe les réalités et les contraintes du corps souffrant : l’exposition de soi-même y domine sur l’introspection, l’investigation morale se limitant pour ainsi dire à quelques thèmes et figures récurrents. Selon l’évolution dégagée par René Démoris, les affections corporelles abordées de façon très concrète dans les premières années du siècle font l’objet d’une médiation par le sentiment aux alentours de 1728 : « Pas plus chez [Jacob, narrateur-personnage du Paysan parvenu] que chez d’autres héros, les accidents du corps physique (désir, faim, maladie, etc.) n’apparaissent à eux seuls comme des déterminants essentiels de l’action [3]. » Dans tous les cas, et ce dès le début du siècle, l’emploi de la première personne conduit à valoriser les menus exploits de ceux qui parviennent à survivre et à trouver une « place » dans un contexte où les vicissitudes du hasard et les injustices sociales ne cessent de contrer leurs efforts et leurs désirs. En dépit d’une trivialité souvent soulignée, la maladie apparaît dès lors comme potentiellement valorisante puisqu’elle est assumée par le sujet.
4L’Infortuné Napolitain [4], roman anonyme de 1704, prolongé une première fois en 1708 puis par l’abbé Olivier en 1721, illustre à la fois l’évolution des représentations du corps au cours de la période et l’« héroïsme négatif » attaché à « la prise de parole que suppose le récit personnel [5] ». Le narrateur, un « infortuné » qui a pour nom Rozelli, parcourt l’Europe en quête d’établissement et de sérénité. Les maladies émaillent son destin, en alternance avec les tentatives d’assassinats et les mauvaises rencontres. Les livraisons successives du roman délivrent de ces accidents une image très hétérogène, accroissant d’autant la complexité morale du personnage. En effet, en rapportant la maladie tour à tour sous un angle comique et tragique et en lui prêtant des significations symboliques contradictoires, le roman souligne la diversité des « usages » de la maladie dans le récit personnel. Dans les deux premières parties du roman parues en 1704, le registre attaché à la maladie oscille entre le comique des mentions référentielles et le pathétique des lectures symboliques. La vie du héros est placée, dès avant sa naissance avec la mort tragique de ses parents, sous le signe du désordre passionnel et de la violence des affects. La double morsure de serpent qui manque de tuer le jeune orphelin et sa sœur de lait trop aimée articule à la sanction symbolique de leur amour incestueux la mention du remède qui les sauve : la thériaque, puissant remède à base d’opium connu depuis l’Antiquité, faisait de fait l’objet au 18e siècle de discussions savantes [6]. Cette précision se retrouve dans l’évocation des mésaventures amoureuses du héros adulte, alors même que le ton en est très différent. La maladie sert alors une écriture comique qui joue du burlesque et de la dissonance : au premier appartiennent la fausse colique invoquée par le personnage pour justifier son peu d’empressement auprès d’une dame et plus encore les « dix porte-clystères » que lui envoient ses amis pour l’en guérir. De la seconde relève la mélancolie de la marquise, amoureuse en bute à l’indifférence du héros et tourmentée par un mari jaloux. En effet, le pathétique attaché à l’agonie de la marquise est miné de l’intérieur par la dégradation morale du personnage qui en rend compte : Gabrielle, personnage reparaissant de la première à la deuxième partie, est en effet entre-temps tombée dans la prostitution. La dissonance entre la force du sentiment de la marquise et la présence dérangeante du corps de Gabrielle est soulignée par la mise à distance dont elle fait l’objet dans l’action comme dans le récit. Le libertinage qui domine la suite du texte, le héros vivant des aventures parfaitement immorales mêlant sexualité et tromperies, associe la maladie à la violence des appétits et y répond par des remèdes eux-mêmes violents, tel le mercure que le héros prend après avoir été « piqué de certains animaux venimeux [7] » dans le lit d’une belle.
5Le ton et la teneur de la suite de 1708 changent radicalement. La maladie est devenue l’état constant d’un héros vieillissant rompu de goutte qui s’enrichit en vendant un élixir de sa fabrication. Ses riches clients, malades eux-mêmes, croient acquérir de l’« or potable [8] », allusion au remède prescrit à Philippe II d’Espagne [9] et qui tient à la fois de l’alchimie et de la plus ancienne médecine. Charlatan et mystificateur, Rozelli n’en a pas moins une allure de monarque qui souligne la collusion du politique et du pathologique : drapé tel un « Patriarche de Moscovie » dans une « robe de chambre de damas bleu, doublée d’armoisin jonquille », il pourrait camper un double burlesque de Louis XIV. Rappelons que depuis 1701 environ, ses violentes atteintes de goutte conduisaient régulièrement les ministres à côtoyer les médecins dans la chambre du roi. Mais notre faux monarque, espion à ses heures (il manque de peu d’être assassiné) est un vrai charlatan qui doit quitter Utrecht pour fuir la colère de ses confrères. Le personnage lui-même explicite les dangers de sa pratique, en des termes qui ne manquent pas d’évoquer l’édit de Marly signé par Louis XIV en 1707 pour lutter contre l’exercice illégal de la médecine [10] : « Ce fut dans cet endroit solitaire que je fis réflexion sur la folie que j’avais faite de m’entêter d’un tel remède, et sur les bévues que je commettais de le donner également pour toutes sortes de maux sans avoir d’autre connaissance que sa bonté, que ce que les seuls effets produits par un pur hasard m’en avaient pu apprendre [11]. »
6La réorientation idéologique qui caractérise la continuation de 1721 donne à la maladie un tout autre sens. Renouant avec la tradition du récit d’infortune exploitée par le roman de 1704, Olivier fait de la maladie une épreuve symbolique et l’associe à une permanente menace de mort : « Dès que je me vis malade, je me crus perdu, et je n’espérais pas qu’accablé de mille chagrins, je dusse jamais sortir d’une maladie qui dans son commencement paraissait si grande […] [12]. » Atteint d’un ver, Rozelli reçoit les soins de la jeune Esther déguisée en médecin juif : la scène, qui le voit prendre un élixir et « vomir et rendre sur le champ ce Meurtrier domestique », est d’une puissance dramatique digne des premiers romans prévostiens. Plus encore, elle semble annoncer la réflexion morale et philosophique de Cleveland : guéri non seulement du ver mais de sa « noire mélancolie », le héros accepte de s’initier aux mystères de la cabale auprès d’un mystérieux Rose-Croix avant de rejoindre le sein de l’Église. L’examen de conscience du personnage le conduit ainsi à une forme d’introspection qui confère à la maladie une signification morale et religieuse. De l’« héroïsme innommable [13] » des premiers héros de la première personne, le Rozelli de 1721 passe, non sans contradictions, à une héroïsation de soi par le discours.
La maladie, un fait de sentiment
7Cette transformation du récit de maladie dans L’Infortuné Napolitain souligne l’évolution des représentations corporelles. Comme l’a montré René Démoris [14], le primat du signe sur l’objet conduit à faire des souffrances du corps les indices de la qualité des personnages. En l’absence même de titre avéré et, surtout, de tout acte héroïque, le récit de maladie participe d’une construction romanesque qui fonde la dignité du personnage sur des qualités de sentiment et un rapport aux passions qui l’éloignent des modèles comique et picaresque. Ce fonctionnement sémiotique explique la discrétion des romans des années 1730 quant aux symptômes et aux cures, leur précision comptant moins que les mouvements de vertu et de sensibilité qui les accompagnent. Le genre sentimental dominant au milieu du siècle associe la vertu à la capacité à vivre le sentiment sur un mode passionnel et par suite pathologique. Les Mémoires de Cécile, revus par elle-même [15] d’Éléonore Guichard soulignent ce trait en contrevenant à la continuité énonciative du roman-mémoires au profit de la reprise du motif de la maladie comme épreuve du sentiment. Dans un premier temps, l’héroïne raconte comment la fausse nouvelle de la trahison de son amant bouleverse sa santé et comment elle en guérit. Suivent les récits du marquis et de la marquise (qui ne sont autres que le père et la mère de l’héroïne), qui rapportent leur désespoir d’être séparés, leur maladie puis leur guérison : le marquis, atteint de vérole dans la prison où il est devenu indifférent à la mort, en est sauvé par le médecin mandé par son père ; la marquise, trompée sur la mort de son époux et enceinte de lui, résiste aux tentatives de séduction du faux garde-malade qui veut profiter de l’« étrange dérangement de [sa] santé [16] ». Ces trois récits déclinent un même argumentaire liant constance morale, fidélité sentimentale et guérison physique et donnant tout au personnage. Le médecin n’est tout au plus qu’un adjuvant dans le processus de guérison, au même titre que le prêtre ou les religieuses, et cette extrême prudence trouve une justification exemplaire dans le troisième récit avec la figure du charlatan.
8Chez Prévost et nombre de ses contemporains, le médecin même de profession est rarement du côté de la guérison. Il est même de tradition, et depuis longtemps, de considérer son action comme un obstacle aux guérisons spontanées ; l’argument se trouve chez Lesage, au tournant du livre IX de Gil Blas paru en 1724 : le héros, devenu « la proie des plus vifs chagrins qui [lui] caus[ent] insensiblement une maladie aiguë [17] » est guéri non pas par l’action des médecins mais bien plutôt par leur « abandon » qui « laiss[e] le champ libre à la nature ». L’enjeu de ce débat relève tout autant du discours que du fait : c’est parce que Gil Blas retrouve une « parfaite tranquillité d’esprit » qu’il peut prendre la « ferme résolution de ne plus retourner à la cour » et de « vivre en philosophe. » Surmonter la maladie par la « nature » et non par l’action d’un tiers conforte le héros dans sa conscience de soi.
9De fait, le point de vue médical menace doublement l’économie du récit personnel : outre que le savoir médical tend à réduire l’incidence de l’idiosyncrasie du malade et par là sa singularité, le discours du médecin, en faisant intrusion dans le tissu textuel, entre en concurrence avec celui du narrateur. Rejetant non seulement les médecins mais l’objectif médical lui-même, Cleveland [18] par exemple ne cherche ni à identifier sa maladie ni à en guérir. Il cherche bien plutôt à exprimer, au travers des affections du corps, son irréductible singularité : comme l’écrit Mladen Kozul, il produit bien davantage un « écran [19] » qu’il n’élucide la complexité à la fois morale et physique de son être. Dans les Mémoires posthumes [20] qu’il publie en 1735, Mouhy répond peut-être à Prévost [21] – ou tout du moins à la parution du volume VII de Cleveland en 1732 [22] – en opposant à cet usage ambigu du récit de maladie le projet d’une écriture à visée étiologique et thérapeutique. Le comte de D. B. accuse comme Cleveland les médecins et leurs remèdes d’aggraver son mal et de le mettre « à l’extrémité [23] ». Mais la crise pathologique constitue pour le héros de Mouhy une épreuve de vérité qui lui permet d’identifier l’origine de son mal : « J’analysai (si j’ose me servir de ce terme) mon cœur : je reconnus bientôt qu’il aimait également ces trois femmes chéries [24]. » Cette analyse, soulignée par la réticence, confirme la double nature de la maladie, partie prenante des deux composantes de l’être et par là même trait d’union entre deux discours de la personne. L’observation médicale et sentimentale du personnage renforce ainsi son sentiment d’unité.
10Parce qu’elle tient à la fois du physique et du moral, la maladie répond excellemment aux attentes des lecteurs de romans analysées par Prévost dans Le Pour et contre en 1734 : « J’ai cru découvrir que le goût présent se porte aux faits et aux sentiments. Tout ce qui est revêtu de ces deux caractères se débite avec succès, et se lit par conséquent avec plaisir [25]. » L’intérêt littéraire du récit de maladie s’augmente donc de sa mixité même et de l’interaction qu’elle suppose : quelle que soit leur origine, les maux de la maladie sont toujours vécus physiquement, de même qu’ils ont toujours des incidences psychologiques. À la limite, le souci permanent de Cleveland d’expliquer sa mélancolie par la théorie humorale ne fait que confirmer ce que structurellement le roman atteste. Sur ces mêmes données, Mouhy quant à lui réactive un discours moraliste en soulignant que l’efficacité de la médecine est fonction non de l’habileté du médecin mais de l’état d’esprit du malade :
La guérison de l’âme influe souvent sur celle du corps. Depuis ce jour que j’avais déposé dans le sein du Sacrement le fait de mes offenses, peu à peu s’ensuivit cette paix intérieure qui bannit le trouble et l’agitation. Ce nouvel état laissa aux remèdes la force qui leur était propre : mes sens dégagés reprirent bientôt le dessus, la joie succéda aux pleurs ; et ma santé se fortifiant de mieux en mieux, je me trouvai en état de réfléchir sainement sur les points importants d’une vie que je voulais mener dorénavant, conforme à la raison et aux sentiments de piété qu’on m’avait inspirés [26].
12Le propos édifiant du narrateur quant à la valeur prophylactique de la piété religieuse s’inscrit dans le projet d’ensemble du roman, le héros adressant à son fils un ars moriendi fondé sur sa propre expérience. Aussi le récit circonstancié des « périodes » de sa maladie, au sens médical du terme, jusqu’à sa confession et sa guérison, donne-t-il au texte authenticité, crédibilité et force. Mais Mouhy, lassé peut-être de ce ton moralisateur ou pour inviter le lecteur à ne pas trop y croire, l’abandonne au profit de développements passionnels dignes d’un roman noir. Le récit de maladie change alors de fonction comme le souligne la conclusion du texte : inoccupé et seul depuis la mort de sa femme, le personnage est, « pendant plus de deux ans », « affligé d’une grosse maladie » suivie d’« une mélancolie extrême » dont il lui faut bien reconnaitre qu’elle n’est causée que par son « dégoût de la retraite [27] ». Il entreprend alors d’écrire ses mémoires, non plus pour édifier son fils, mais pour s’occuper et « retracer » à sa propre « imagination » ses « traverses passées ». Le récit de vie – et donc, de toutes les maladies et souffrances morales qui l’ont émaillé – acquiert ici une sorte d’efficacité thérapeutique fondée sur la satisfaction de l’imagination bien plus que sur la repentance.
13Cette tendance de l’écriture personnelle de la maladie au repli sur soi trouve une illustration ultime dans le souci du secret que manifestent nombre de personnages. Si au fil du siècle de plus en plus de voix s’élèvent pour réclamer l’ouverture des cadavres dans le but d’augmenter les connaissances médicales et d’améliorer les traitements, le roman met en évidence le problème que cette transparence pose au sujet. Dans L’Infortuné Napolitain, le narrateur de 1708 rédige ainsi un testament destiné à assurer l’inviolabilité de son cercueil, en cohérence avec le secret dont il entoure ses convictions religieuses :
Enfin la conclusion de mon testament était, que j’ordonnais que après ma mort on m’enfermât dans un cercueil de plomb bien soudé, en sorte que l’air ne le pût pénétrer, et qu’on eût à le revêtir d’un autre cercueil, fait de planches de chêne, de l’épaisseur de quatre doigts, et bien clouées ensemble : après quoi trois pêcheurs de Scheveling, à qui je léguais quarante ducatons, devaient transporter mon corps ainsi enfermé, à dix-huit lieues avant dans la mer, entre l’Angleterre et la Hollande, et me couler à fond en cet endroit [28].
15Le narrateur se souvient peut-être ici de la clause du testament de l’abbé qu’il a dépouillé dans la partie précédente : en demandant à être « ensevel[i] avec [un] bijou » et à ce qu’« au bout de l’an [on] expos[ât] derechef son cadavre pour en voir la difformité [29] », cet « abbé d’une très grande distinction » a attiré la convoitise de l’infâme Dongan. Olivier dans sa continuation prend le contre-pied de cette leçon en faveur du secret : le héros est à nouveau responsable d’une exhumation, mais il s’agit cette fois de rétablir la marquise dans ses droits en prouvant qu’elle n’est pas morte. Ce que taisent ces fictions et qui apparaît au contraire très nettement chez Rousseau dès la rédaction de son testament en 1763, c’est le rapport entre l’ouverture du cadavre à autrui et la relation qu’elle permet d’établir entre le sujet et sa pathologie. Si Rousseau demande à ce que son cadavre soit ouvert avant toute inhumation, c’est pour que soit prouvée l’origine purement physique de « l’étrange maladie qui [le] consume depuis tant d’années [30] » − autrement dit, son caractère inessentiel et comme extérieur, étranger.
Une impossible lucidité
16La question de la connaissance de la maladie apparaît également chez Diderot lorsqu’il entreprend La Religieuse en 1760. Ce texte, auquel Diderot a progressivement donné la forme d’un roman-mémoires, se tient constamment à la lisière entre document et fiction et projette sur la maladie un éclairage à la fois clinique et dramatique. Les descriptions et l’analyse de l’hystérie claustrale que Diderot y propose sont d’une importance capitale dans l’histoire de la médecine [31]. On s’est moins souvent intéressé à la façon dont Suzanne, en tant que personnage littéraire, évoque ses propres atteintes pathologiques. L’héroïne déclare être tombée malade à deux reprises, d’abord de désespoir, puis d’épuisement et de privations. Les deux mentions suivent un même schéma : « Ma santé ne tint point à des épreuves si longues et si dures ; je tombai dans l’abattement, le chagrin et la mélancolie [32] », et : « Il était impossible que ma santé résistât à de si longues et si dures épreuves ; je tombai malade [33]. » Le parallélisme de formulation souligne l’étroite relation entre l’âme et le corps tout en affirmant l’extériorité des causes pathogènes.
17La seconde de ces occurrences donne lieu à une véritable description nosographique et ouvre un long épisode structuré en diptyque : au récit de la crise et de la guérison de l’héroïne succède en effet celui de l’agonie d’Ursule, tuée par la « malignité » de la maladie de Suzanne. De même que le père du marquis des Mémoires de Cécile, Ursule paie de sa vie les soins et la tendresse qu’elle prodigue à son amie. Si le mal des deux religieuses est le même et leurs symptômes approchants, le récit en est tout autre. Le premier, en première personne, est mené sur un registre essentiellement moral ; après un long discours qui manifeste sa grandeur d’âme, Suzanne tombe « dans une espèce de léthargie [34] » et ne saisit plus que des bribes de ce qui se passe autour d’elle, justifiant un style coupé d’une grande puissance pathétique. Quant aux douleurs qu’elle ressent, rien n’en est dit : l’héroïne sourit et parle, et sa fièvre même n’est mentionnée que lorsque « des sueurs abondantes ach[èvent] de l’emporter [35] », c’est-à-dire au moment où la crise aboutit à la guérison. À la différence de ce corps désincarné, devenu tout entier signe, celui d’Ursule est d’une présence presque dérangeante : la narratrice fait état de ses « digestions » qui « se dérang[ent] [36] », de la vue qu’elle perd, de ses « gouttes » de « sueur froide », de son « évanouissement » enfin. La corporéité d’Ursule, inversement proportionnelle à son existence morale, fait ressortir par contraste le caractère diaphane de Suzanne (la Supérieure de *** y décèlera de la froideur). La complémentarité de ces deux récits de maladie souligne leur différence fonctionnelle : dans le récit de Suzanne, sa propre maladie et celle de son amie appartiennent au même fil d’événements fatals. Ursule mourante est même étrangement passée sous silence par la narratrice à l’ouverture du second récit : « Il était dit que je souffrirais dans cette maison toutes les peines qu’il est possible d’éprouver [37]. »
18En donnant l’impression que ce n’est pas tant le point de vue qui change que la façon de vivre la maladie, Diderot fait de ces deux récits de maladie les opérateurs d’une qualification morale inversée : à la « mélancolie » d’Ursule, associée au « paquet de papiers » dont la lecture la faisait souffrir et qu’elle demande de brûler – convoquant pour le lecteur des modèles plus romanesques que philosophiques – s’oppose la douleur sans cris ni larmes de Suzanne, comme abstraite, malgré la réalité des souffrances physiques. Répondant à un impératif esthétique et idéologique, le narrateur malade est moins un corps qu’une âme (sensible) et qu’une écriture (pathétique). Le contraste entre ces deux récits de maladie s’accompagne de surcroît d’un effet de redoublement : Ursule, parce qu’elle meurt véritablement et qu’elle le fait avec « le Christ entre [l]es mains [38] », réalise métaphoriquement l’être christique de Suzanne annoncé par le discours de pardon aux bourreaux qui ouvre le passage. L’ensemble de l’épisode se lit alors comme un récit de Passion qui, en ne passant pas par la mort, tend à affirmer la force de ce qu’il faut bien appeler la philosophie contre les puissances religieuses.
19Mais la lisibilité symbolique du passage a un coût, celui de la lucidité du sujet non-médecin envers ses propres affections, voire envers celles d’autrui. La fiction à la première personne pose ainsi la question de la compatibilité entre un discours du corps et un récit personnel visant à élaborer une histoire et à lui donner du sens. Répondant à sa façon au débat soulevé par la pratique de la médecine par les non-médecins, à la fois encouragée pour des raisons pratiques et crainte pour des raisons institutionnelles et politiques [39], le roman en révèle les enjeux plus proprement anthropologiques et éthiques : l’« empirique », comme l’illustre L’Infortuné Napolitain, n’est jamais loin du charlatan, ce que rappelle d’ailleurs Jaucourt dans l’article éponyme de l’Encyclopédie ; quant au malade médecin de soi-même, le récit personnel exhibe la façon dont le sujet construit et reconstruit l’étiologie et la nosographie de sa maladie. Pour le lecteur de La Religieuse, la dimension rhétorique et argumentative du récit de Suzanne fait apparaître sa difficulté à accepter sa corporéité et invite à prendre son témoignage avec distance. Symétriquement, le roman-mémoires apparaît comme la conjuration, dans l’imaginaire, des deux formes de dépossession qui menacent le discours autobiographique : celle que fait peser un discours de savoir extérieur (philosophique ou scientifique) sur la parole individuelle et celle que représente la corporéité pour un sujet qui fonde son identité sur le sentiment. Les œuvres considérées soulignent l’importance du tournant des années 1730 : si les réalités du corps semblent davantage acceptées dans la littérature du début du siècle, c’est au prix d’une exposition spectaculaire ou d’une interprétation symbolique qui font écran à leur compréhension. À partir des années 1730 et jusqu’au plus fort de la vogue du roman sensible, le système de signification lié au sentiment rend possible un examen personnel de la maladie mais l’entoure de l’écheveau du secret et d’un nouvel impératif d’héroïsme moral. Avec La Religieuse Diderot amorce un nouveau tournant : dans le sillage du roman sensible, Suzanne incarne exemplairement cet héroïsme de l’innocence et de la force morale qui tient à distance la souffrance pathologique tout en se fondant sur elle. En même temps, elle réalise le trait d’union entre le roman-mémoires et l’enquête médicale, en soulignant les difficultés auxquelles se heurte toute tentative d’objectivation d’une réalité faite de chair et d’émotion.
Notes
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[1]
Vincent Barras, « Épistolarité et maladie », dans Littérature et médecine, ou les pouvoirs du récit, dir. G. Danou, BPI, 2001, p. 205. Les correspondances médicales, dont beaucoup ont été publiées, appartiennent de fait à la littérature du temps.
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[2]
Saint-Simon, Mémoires, t. XVIII, chap. 15 (année 1721). Cité dans la version Chéruel (1856), mise en ligne sur http://rouvroy.medusis.com.
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[3]
René Démoris, Le Roman à la première personne du classicisme aux Lumières [1975], Droz, 2002, p. 453.
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[4]
L’Infortuné Napolitain, ou les Aventures et mémoires du signor Rozelli, 1704 (première et deuxième parties, chez André Rovieli à Bruxelles), 1708 (troisième partie, chez Claude Rapin à Paris), prolongé par l’abbé Olivier en 1721 (quatrième et cinquième parties, chez Henri Desbordes à Amsterdam) ; le texte « complet » est publié ensuite en 1729 sous la même adresse hollandaise. L’édition consultée est la réédition de ce texte, en 1784. Je renvoie à la mise au point d’Érik Leborgne dans « Un cas de roman prolongeable : L’Infortuné Napolitain et ses suites (1708, 1721) » (La Partie et le tout, la composition du roman, de l’âge baroque au tournant des lumières, dir. M. Escola et alii, Louvain, Peeters, 2011, p. 431-442).
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[5]
R. Démoris, ouvr. cité, p. 18.
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[6]
Bordeu évoque ainsi avec beaucoup de réticence ce « chef d’œuvre de l’empirisme », « composé monstrueux », qui ne laisse pas d’être efficace (Recherches sur quelques points d’histoire de la médecine, I, §6, Paris, Rémont, 1764, p. 53).
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[7]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. I, p. 444.
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[8]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 97 : « On donna le nom d’or potable à mon remède, quoique ce ne fût que l’extrait de quelques racines sudorifiques, qui avaient en même temps la vertu de purger. »
-
[9]
Voir Stanis Pérez, « La goutte de Philippe II d’Espagne », Rhumatologie pratique, oct. 2009, p. 23-24. Pour Louis XIV, voir du même La Santé de Louis XIV. Une bio-histoire du Roi-Soleil, Seyssel, Champ Vallon, 2007.
-
[10]
« Édit portant règlement pour l’étude et l’exercice de la médecine dans le royaume, Marly, mars 1707 », dans Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, Paris, t. XX, 1830, p. 508-517, article 26 : « Nul ne pourra, sous quelque prétexte que ce soit, exercer la médecine, ni donner aucun remède, même gratuitement, dans les villes et bourgs de notre royaume, s’il n’a obtenu le degré de licencié dans quelqu’une des facultés de médecine qui y sont établies » (cité par F. Lebrun, « Médecins et empiriques à la cour de Louis XIV », dans Histoire, économie et société, 1984, 3e année, n° 4, p. 559).
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[11]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 101-102.
-
[12]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 130.
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[13]
R. Démoris, ouvr. cité, p. 17.
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[14]
Ibid., p. 453 : « Dans la grande majorité des cas [après 1728], le corps ne fait que traduire le sentiment : son intérêt est d’être le signe d’une réalité ou d’un ordre supérieur. »
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[15]
[Publié par] Pierre-Antoine de La Place, Mémoires de Cécile, revus par elle-même, Paris, Rollin fils, 1751 (4 tomes en 2 volumes).
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[16]
Ibid., t. IV, p. 126.
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[17]
Alain-René Lesage, Histoire de Gil Blas de Santillane, IX [1724], 8, éd. R. Laufer, Paris, G. F. Flammarion, 1977, p. 455-456. L’adverbe « insensiblement » peut avec profit se lire au premier degré : si le passage est assez long, il n’entre que très peu dans des considérations physiques. Rappelons que Gil Blas tout en marquant « la résurgence du picaresque » en est « une réponse parodique » bien plus qu’une « imitation » (R. Démoris, ouvr. cité, p. 385).
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[18]
Abbé Prévost, Le Philosophe anglais, ou Histoire de M. Cleveland, fils naturel de Cromwell, 1731-1738, éd. J. Sgard et P. Stewart, Desjonquères, 2003.
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[19]
Mladen Kozul, « Maladies du corps, maladies de l’âme : le savoir médical dans Cleveland », dans Cleveland, épopée du 18e siècle, dir. J.-P. Sermain, Paris, Desjonquères, 2006, p. 123.
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[20]
[Charles de Fieux] Chevalier de Mouhy, Mémoires posthumes du comte de d. B. avant son retour à Dieu, fondé sur l’expérience des vanités humaines, 1735. L’édition consultée est celle de 1735 pour les trois premières parties, rassemblées en un seul volume, et celle de 1741 (édition parisienne mais sous l’adresse hollandaise de Jean Neaulme) pour la quatrième partie. Cette dernière, parue sans nom d’auteur, est attribuée à Mouhy par F. Weil (Le Chevalier de Mouhy, bagarre et bigarrure, dir. J. Herman, K. Peeters et P. Pelckmans, Rodopi, coll. « Faux titre », 2010, p. 29).
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[21]
Ou l’inverse, puisque la paternité de Cleveland, présente chez Mouhy, n’apparaît qu’en 1738 au livre XII. Cependant le grand succès des premiers volumes de Cleveland fait pencher pour la première hypothèse, ce que conforte aussi l’analyse d’un autre roman contemporain de Mouhy (F. Dervieux, « Les trois derniers livres de Lamekis : un travestissement burlesque de Cleveland ? », dans Le Chevalier de Mouhy, bagarre et bigarrure, ouvr. cité, p. 181-195).
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[22]
À moins que ce ne soit à la suite apocryphe publiée en 1734.
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[23]
Mouhy, Mémoires posthumes, ouvr. cité, Ire partie, p. 166.
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[24]
Ibid., p. 175.
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[25]
Prévost, Le Pour et Contre, n° LXV, nov. 1734, t. V, p. 100.
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[26]
Mouhy, Mémoires posthumes, ouvr. cité, IVe partie, p. 4.
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[27]
Ibid., p. 240-241.
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[28]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. II, p. 91.
-
[29]
L’Infortuné Napolitain, ouvr. cité, vol. I., p. 249.
-
[30]
J.-J. Rousseau, Œuvres complètes, t. 1, p. 1224-1226.
-
[31]
Voir A. Wenger, « From medical case to narrative fiction : Diderot’s La Religieuse », dans Medicine and narration in the eighteenth century, dir. S. Vasset, Voltaire Foundation, Oxford, 2013, p. 17-30.
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[32]
Denis Diderot, La Religieuse, éd. F. Lotterie, Paris, G. F. Flammarion, 2009, p. 54.
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[33]
Ibid., p. 111.
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[34]
Ibid., p. 112.
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[35]
Ibid., p. 114.
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[36]
Ibidem.
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[37]
Ibidem.
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[38]
Ibid., p. 116.
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[39]
Voir par exemple les cas cités par Alain Caubet dans « Entre trivialité et mondanité, le discours médical français au 18e siècle », dans La Sociabilité en France et en Grande-Bretagne au siècle des Lumières, tome 2, dir. Annick Cossic et Hélène Dachez, éd. Le Manuscrit, 2013, p. 41-80.