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Article de revue

Le témoignage et sa critique au 18e siècle

Introduction

Pages 3 à 22

Notes

  • [1]
    Montesquieu, Spicilège, @@ OEuvrescomplètes, tome 13, Oxford, The Voltaire Foundation, 2002, édition Rolando Minuti et @@ CSSalvatoreRotta, no 669.
  • [2]
    Thomas Reid, An Inquiry into the Human Mind on the Principles of Common Sense, traduction française de Th. Jouffroy, @@ OEuvrescomplètes de Thomas Reid, t. II, Paris, A. Mesnier, 1828, p. 350.
  • [3]
    Annette Wieviorka, LLLLLL'E@ grredu témoin, Paris, Plon, 1998 ; François Hartog, « Le témoin et l'historien », Gradhiva, 27, 2000, p. 1-14 ; Pierre Nora, « La France est malade de sa mémoire », Le Monde 2, no 105, du 18 au 24 février 2006, p. 26.
  • [4]
    François Hartog, Régimes d'historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003 ; Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l'historien. De la chaire au prétoire, Paris, Albin Michel, 2003, p. 27-63.
  • [5]
    Emmanuel Katan, Penser le devoir de mémoire, Paris, PUF, 2002.
  • [6]
    Renaud Dulong, Le Témoin oculaire : les conditions sociales de l'attestation personnelle, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1998, coll. Recherches d'histoire et de sciences sociales ; 75, p. 43 (désormais TO pour l'ensemble du volume).
  • [7]
    Voir, dans ce volume, l'article de Fernando Vidal, « Tel @@ unlaglace d'un miroir’ : le témoignage des miracles dans les canonisations des Lumières », p. 77-98.
  • [8]
    Krzysztof Pomian, Sur l'Histoire, Paris, Gallimard, 1999, collection « Folio », p. 309-313.
  • [9]
    Paul Ricoeur, La Mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Seuil, 2000, coll. L'ordre philosophique, p. 217-218 (désormais MHO dans l'ensemble du volume).
  • [10]
    P. 109-111 dans l'édition de René Pomeau, Paris, Garnier-Flammarion, 1989.
  • [11]
    Voir sur cette question l'ouvrage de Jonathan Israâl, Les Lumières radicales, la philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité, Paris, éditions Amsterdam, 2005 (1re édition : Radical Enlightenment, 2001, Oxford University Press), p. 257-268.
  • [12]
    Ibid., p. 380-381.
  • [13]
    Ibid., p. 517 ; 521.
  • [14]
    Voir, dans ce volume, l'article de Carlo Borghero, « Le témoin, le roi du Siam et l'historien », p. 23-28.
  • [15]
    Voir, dans ce volume, l'article de Jean-Pierre Cléro, « La réflexion mathématique et philosophique chez Locke, Craig et Hume », p. 39-61.
  • [16]
    Voir ibid, p. 56-57.
  • [17]
    Testimony, a Philosophical Study, Oxford, Clarendon Press, 1992.
  • [18]
    Thomas Reid, @@ OEuvrescomplètes, traduction de Th. Jouffroy, t. II, Recherches sur l'entendement humain d'après les principes du sens commun, Paris, Sautelet, 1828 ; René Pouivet, « L'épistémologie du témoignage et les vertus », Philosophie, no 88, hiver 2005, p. 13.
  • [19]
    TO, p. 139 ; Jeremy Bentham, Traité des preuves judiciaires, ouvrage extrait des manuscrits de M. Jérémie Bentham, par Étienne Dumont, Paris : Bossange frères, 1823.
  • [20]
    Renaud Dulong (TO, p. 149-162) et Gloria Origgi (« Peut-on être anti-réductionniste à propos du témoignage? », Philosophie, no 88, hiver 2005, p. 47-57) mettent en évidence la façon dont Reid, et pour Dulong, Bentham, anticipent sur la sociologie de Garfinkel, Goffmann et Schütz.
  • [21]
    René Pouivet, art.cité, p. 13.
  • [22]
    Voir, dans ce volume, l'article de Jean-Pierre Cléro, p. 39-61 et celui de Jean-Christophe Bardout, « De quoi témoigne le sens intime ? À propos de Lelarge de Lignac », p. 63-76.
  • [23]
    Voir ibid.
  • [24]
    Voir l'article de Fernando Vidal, art. cité, p. 77-98.
  • [25]
    Voir François Hartog, Le Miroir d'Hérodote, Paris, Gallimard, 1980, coll. Folio, p. 401-403 ; Claude Calame, « Entre historiographie et fiction : indice, témoignage et tradition poétique. (Hérodote et Thucydide) », Vox Poetica, 2007, hhhhhttp:// wwwwww. vox-poetica. org/ t/ rl/ calame2006. html.
  • [26]
    Vérité et véracité, Essai de généalogie, Paris, Gallimard, 2006 (trad. fr. de Truth and Truthfulness, an Essay in Genealogy, Princeton University Press, 2002).
  • [27]
    Cité d'après Jean-Pierre Guicciardi, « Préhistoire de l'histoire ; la dialectique de la vérité et de l'erreur dans quelques @@ unarteshistoricae’ (fin XVIIe-XVIIIe siècle) », L'Histoire au XVIIIe siècle, Colloque d'Aix-en-Provence 1975, Aix en Provence, Edisud, 1980, p. 14.
  • [28]
    Sur les difficultés de la documentation historique au XVIIIe siècle, voir ibid., p. 10-11 ; Sur la constitution d'une connaissance médiate du passé, Krzysztof Pomian, ouvr. cité, p. 316-319.
  • [29]
    Krzysztof Pomian, ouvr. cité, p. 322-323.
  • [30]
    Sur les positions de Voltaire concernant l'arithmétique de la preuve, voir, dans ce volume, l'article d'Alain Nabarra, « @ unLesrapports que nous font les hommes’ : Voltaire et l'affaire Lerouge », p. 143.
  • [31]
    Carlo Borghero, art. cité, p. 36-37.
  • [32]
    Benoît Garnot, art. cité, p. 107.
  • [33]
    Ordonnance de Moulins sous Charles IX en 1566, art. 54.
  • [34]
    Livre XXVIII, chapitre XLIV, p. 278 de l'édition Robert Derathé, Paris, Garnier frères, 1973, tome II.
  • [35]
    Voir, dans ce volume, l'article de Georges Benrekassa, « la preuve et l'aveu : ce que parler peut dire », p. 118-119 ; 125-126.
  • [36]
    Voir, dans ce volume, l'article de Benoît Garnot, « La justice pénale et les témoins en France au 18e siècle : de la théorie à la pratique », p. 99-108.
  • [37]
    Georges Benrekassa, art. cité, p. 109-127.
  • [38]
    Alain Nabarra, p. 129-144.
  • [39]
    Voir Benoît Garnot, art. cité, p. 106-108.
  • [40]
    Voir, dans ce volume, l'article de Lisa Graham, « Les témoins dans le droit et la littérature : la construction de l'intimité dans la France du 18e siècle », p. 145-160.
  • [41]
    Georges Benrekassa, art. cité, p. 127.
  • [42]
    Bernard Williams, ouvr. cité, chapitre 8, p. 207-244.
  • [43]
    Voir, dans ce volume, mon article , « La rhétorique de l'autopsie dans le Journal de voyage au Indes orientales de Robert Challe (1721) », p. 161-174.
  • [44]
    Voir, dans ce volume, l'article de Michèle Bokobza Kahan, « Les Lumières au service des miracles » p. 175-188.
  • [45]
    Voir, dans ce volume, l'article de Suzanne Cornand, « La réaction patriotique à la crise de 1771 », p. 189-200.
  • [46]
    L'un des exemples les plus célèbres est le témoignage d'un rescapé des massacres de septembre, Mon agonie de trente huit heures, de Jourgnac de Saint-Méard, écrit circonstanciel que l'auteur transformera en véritable succès éditorial : sur l'histoire de ce texte, voir l'introduction à l'édition qui en est donnée dans l'anthologie de témoignages de G. Lenôtre, intitulée Les Massacres de septembre, Paris, Librairie académique Perrin, 1907, p. 200-202 ; C. Dornier, « Un exemple de réception d'un témoignage sur les massacres de septembre : @@ unmonagonie de trente-huit heures’ de Jourgnac de Saint-Méard », Réception et usages des témoignages, (dir. F.-C. Gaudard et M. Suarez), Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 2007, p. 305-315.
  • [47]
    Voir, dans ce volume, l'article de Carmela Ferrandes, « Le Journal de la maladie et de la mort de Mirabeau de Pierre-Jean-Georges Cabanis », p. 201-209.
  • [48]
    Voir, dans ce volume, l'article de Patrick Cabanel, « La guerre des Camisards entre histoire et mémoire : la perpétuelle réinvention du témoignage », p. 211-227.
  • [49]
    Voir, dans ce volume, l'article de Martine Lapied, « Le témoignage sous la Révolution française, une possibilité d'expression politique pour les femmes ? », p. 245-254.
  • [50]
    Voir, dans ce volume, l'article de Karine Lambert, « Genre, matricide et témoignages. Approche micro-historique », p. 229-243.
  • [51]
    MHO, p. 215 et Marc Bloch, Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien, préface de Jacques Le Goff, Paris, Masson, Armand Colin, 1993-1997 (1re éd. Paris, Armand Colin, 1974, préface de Georges Duby), p. 75.
  • [52]
    Voir, dans ce volume, l'article de Laurence Mall, « @ unCommetout s'engrène !’ : l'intelligence de la vie quotidienne dans le Tableau de Paris de L.S. Mercier », p. 255-266.
  • [53]
    Paris, Les Editions de Minuit, 1979 ( traduction française de Kritik und krise, Verlag Karl Albert, 1959).
  • [54]
    Je remercie Renaud Dulong pour ses remarques stimulantes et ses amicales suggestions.
English version
Un laquais vient me dire qu'une dame est à ma porte [ ;] je le crois [.] on vient me dire qu'elle danse dans la rue avec la populace [ ;] j'ai plus de difficulté à le croire et il me faut de plus forts témoignages [.] on me dit qu'elle a dansé avec dix-huit jambes et qu'il lui en a cru seize cette nuit ; or pour cela il me faut cent millions de témoignages de plus. [1]
L'Etre suprême a déposé dans notre nature [...]une disposition à nous confier à la véracité des autres et à croire ce qu'ils nous disent... [2]

1Le témoignage s'est installé sur la scène sociale, intellectuelle et médiatique contemporaine, d'une façon jugée parfois envahissante [3]. La sacralisation de la mémoire revendique la supériorité morale sur l'histoire. La catégorie de l'imprescriptible, à propos des crimes contre l'humanité, a placé l'historien en position de témoin, substituant une « atemporalité juridique » au temps social [4]. La promotion d'une littérature de témoignage a érigé les écrivains témoins des catastrophes et mutations de notre époque en représentants phares de la culture contemporaine. Les grands chantiers de recueils de témoignages oraux enregistrés ont facilité la confrontation de récits collectés à grande échelle et focalisé l'intérêt vers des catégories oubliées de l'Histoire. On a vu se développer l'intérêt scientifique pour le récit de vie dans l'étude des parcours sociaux. L'autorité controversée d'une parole individuelle sur les événements paraît dominer la scène médiatique.... La réflexion sur le témoignage est aujourd'hui presque essentiellement menée en référence à la période contemporaine et aux grandes catastrophes du 20e siècle. Elle privilégie les témoignages historiques concernant les génocides et favorise l'assimilation du témoin à la victime ; elle paralyse souvent l'exigence critique par la référence à un devoir de mémoire [5]. A contrario le progrès scientifique, au moins dans l'enquête policière et la procédure judiciaire, a donné une caution d'infaillibilité à la preuve matérielle, et particulièrement aux empreintes génétiques. Cet essor va de pair avec la destitution du témoignage et de l'aveu, accentuée par de récents naufrages judiciaires. La comparaison historique paraît s'imposer pour relativiser et mettre en perspective une perception de la parole du témoin, dont la théorisation semble largement conditionnée par le contexte contemporain.

2Prendre le témoignage comme objet des études dix-huitiémistes se justifie d'abord par l'importance des changements que la période enregistre à ce sujet dans les domaines juridique, historique, philosophique et culturel : les controverses sur la réalité des miracles, l'ordonnance criminelle de 1670 et la mise en question du fonctionnement de la justice qui s'ensuivra, les progrès de la critique historique et les nouvelles fonctions assignées à l'histoire, l'autorité accordée à un point de vue personnel tiré de l'expérience, qui se manifeste dans le succès d'une fiction narrative imitant l'énonciation d'un témoin, autant d'éléments qui peuvent légitimer la mise en relation du concept de Lumières avec le témoignage.

3Le témoignage est une pratique socio-linguistique observable dans des contextes historiques, géographiques et culturels très variés et pas nécessairement institutionnels. L'activité de témoigner constitue un fait anthropologique, comme l'a défini Renaud Dulong, qui peut s'appréhender par référence à sa pratique ordinaire dans la conversation, et sans recourir à l'autorité de ses usages déterminés en droit et en histoire : le témoignage est « un récit autobiographiquement certifié d'un événement passé, que ce récit soit effectué dans des circonstances informelles ou formelles » [6]. Toutefois l'importance, le statut et la signification du témoignage dépendent étroitement, au moins dans la culture européenne, de la place qui lui est faite dans la constitution du savoir historique et dans la procédure judiciaire, mais aussi dans la théologie et l'exégèse biblique. Ne serait-ce que dans les usages linguistiques, on mesure les interférences de ces différents domaines et de la pratique ordinaire du témoignage. Les dictionnaires de langue française qui commencent à paraître dans les dernières décennies du 17e siècle enregistrent le rôle de l'institution et des pratiques judiciaires dans la sémantique du mot. Le Dictionnaire de l'Académie (1694) fait de la déposition dans l'institution judiciaire le premier sens du terme Témoignage (orthographié « tesmoignage » et donné comme dérivé du mot témoin) : « Rapport juridique, d'un ou de plusieurs tesmoins sur un fait », et de la définition relative au fait de langage un sens dérivé de cette signification liée à la justice : « se dit aussi [...] de tout rapport de vive voix, ou par escrit touchant un fait ». Le Furetière (1694) restreint moins la signification donnée en début d'article : « Attestation, relation d'une vérité ».

4Le privilège accordé à la déposition de témoins ne subsiste plus dans les éditions postérieures du Dictionnaire de l'Académie (1718, 1740, 1762, 1798) qui donnent en premier lieu pour Témoignage une définition extensive du terme : « Rapport d'un ou de plusieurs témoins sur un fait, soit de vive voix, soit par écrit ». La suite de l'article fait mention du « témoignage juridique » et du témoignage des historiens comme de sens particuliers qui ne sont pas impliqués nécessairement par le mot puisqu'ils requièrent la précision apportée par un épithète (juridique) ou un complément de détermination ([des] historiens).

5L'Encyclopédie consacre deux articles au terme TÉMOIGNAGE : l'un par Boucher d'Argis, rattaché, selon la classification héritée de Bacon, à deux branches du savoir : Grammaire et Jurisprudence ; l'autre par Jaucourt, rattaché à la branche de la Critique Sacrée. Boucher d'Argis, partant du sens le plus étendu, le définit d'abord comme un fait linguistique et cognitif (« déclaration que l'on fait d'une chose dont on a connaissance »), pour n'en décliner ensuite que des sens en rapport avec l'institution judiciaire, sans mentionner son usage en Histoire. L'article de Jaucourt souligne le lien qui unit la notion de témoignage à l'interprétation de l'Écriture en relevant des usages figurés, métonymiques pour « monument [...], Loi du seigneur [...], arche d'alliance [...], prophétie »).Les débats théologiques autour de l'exégèse biblique joueront un rôle essentiel dans la réflexion philosophique sur le témoignage. Celle-ci s'inscrit en effet dans un contexte religieux de double validation du témoignage : le martyr est étymologiquement le témoin, celui qui, par ses épreuves, atteste de l'existence de Dieu : « Les Martyrs ont porté témoignage de la Divinité de Jesus-Christ » (TESMOIN, Tesmoignage, Académie, 1694). Dans ce sens confessionnel, l'examen et la confrontation auxquels sont soumis d'ordinaire les témoins dans l'institution judiciaire apparaissent dépourvus de sens. L'Écriture Sainte peut être considérée par ailleurs comme une longue chaîne de témoignages qui attestent de la vérité des événements relatés dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament, vérité validée par l'idée de Révélation et par l'autorité de l'Église [7]. La confrontation de la mémoire protestante et de la mémoire catholique avait déjà fissuré cet édifice d'une vérité s'imposant sans réplique. La religion du Livre a revendiqué une transmission directe de la mémoire par les témoins de la vérité, qui aurait préservé l'identité de la vraie Église, celle du Christ et des apôtres, contre les inventions de l'Église romaine. Comme l'a souligné Krzysztof Pomian, la Réforme déclenche une guerre des histoires et des mémoires qui va favoriser une recherche philologique et érudite afin de faire du texte invoqué une preuve. Cette critique des textes reprenait à des fins de controverses les techniques élaborées par les humanistes pour l'examen des traces de l'antiquité en les appliquant aux objets de l'histoire ecclésiastique [8]. La critique historique des sources, initiée par Lorenzo Valla, avait ouvert une boîte de Pandore dont le contenu se répandra à l'époque de Spinoza et de Bayle, que Paul Ricoeur nomme l'âge d'or de la critique historique [9]. L'emploi du mot témoignage dans le sens d'une citation garante d'une opinion souligne la confusion qui existera longtemps entre la certification biographique fondée sur la présence à l'événement et la garantie d'une croyance reposant sur l'autorité dont dispose tel énonciateur. Une partie de l'article TESMOIGNAGE du Furetière (1694 et éditions suivantes, reprise dans Trévoux) révèle cette confusion sémantique :

Témoignage, se dit aussi d'un passage d'un Auteur, ou autre personne notable, qui dit ou affirme avoir vu ou cru quelque chose. Le Prédicateur a rapporté plusieurs témoignages des Pères pour prouver son texte. Les témoignages de Pline, d'Hérodote, de Solin, sont suspects à beaucoup de gens.

6Toutefois cette définition fait mention de la connaissance que l'auteur ou personnage notable prétend avoir eu du fait rapporté : « dit ou affirme avoir vu ou cru quelque chose ». Celui qui affirme se prévaut de sa qualité de témoin oculaire ou de « témoin de témoin ».

7L'allusion à une expérience directe de témoin disparaît entièrement dans une addition à l'article TÉMOIGNAGE de l'édition de 1732 du Richelet, où prévaut le sens d'autorité et de garant :

Témoignage : se dit aussi du récit des Historiens et des Auteurs qui assurent une chose dans leurs écrits. L'évidence des faits anciens doit être bien moins dans le nombre des témoignages des Auteurs même contemporains, que d'un ou de deux qui seront reconnus pour habiles, et auxquels nous devons ajouter incomparablement plus de foi qu'au sentiment et à l'autorité des autres. Polybe de Folard.

8Voltaire intitule le chapitre XV de son Traité sur la tolérance « Témoignages contre l'intolérance », qui contient des sentences tirées pour la plupart d'apologistes chrétiens et d'ecclésiastiques [10]. Les auteurs cités ne sont pas convoqués comme témoins mais bien comme autorités, puisque le caractère général de leur propos ne renvoie à aucune expérience personnelle. C'est précisément cette garantie par autorité que prétend contester la critique des sources. L'un des enjeux de la critique philologique devient, au cours du 17e siècle, la question des miracles. Le Tractatus theologico-politicus de Spinoza, en 1670, nie la possibilité des miracles et du surnaturel et déclenche un débat autour de leur réalité, qui fait de la validité des témoignages une question centrale [11]. Le témoignage est alors mis en doute parce qu'il véhicule des contenus en désaccord avec les lois de la nature et qu'il provient de la perception sensible, source de confusion et d'erreur. Chez Bayle et chez Fontenelle, c'est le processus de transmission qui est surtout soumis à la critique : le penchant des hommes à accepter sans discussion les opinions qui s'autorisent de leur ancienneté et d'un consentement unanime, auquel s'ajoute le goût du merveilleux, soustrait le témoignage, source de croyances partagées et autorisées, à toute forme d'examen rationnel. Que la généralité et l'ancienneté d'une opinion ne prouvent en rien sa vérité, et qu'a contrario une croyance rejetée par la plupart des hommes puisse être vraie, ces propositions de Bayle portaient un coup à l'argumentaire des apologistes chrétiens défenseurs des miracles qui arguaient précisément de la multiplicité des témoignages et de leur confirmation par la tradition [12].

9Pour les défenseurs des miracles chrétiens, ce sont les relations des témoins, étayées par la tradition de l'église, qui garantissent la vérité du surnaturel. La fiabilité des témoignages oculaires et le nombre des témoins sont les arguments avancés aussi bien du côté catholique, que du côté protestant pour la défense philosophique des miracles [13]. Arnauld et Nicole avaient tenté de combiner vraisemblance et témoignage pour accréditer les relations de miracles, en utilisant en particulier l'argument de l'impossibilité d'une conspiration du mensonge et de l'imposture, reprise plus tard par l'abbé de Prades contre Diderot [14]. Locke, dans le sillage des auteurs de la Logique, mais en admettant les réserves de Bayle à l'égard du consensus universel, soulignait comment la conformité à l'expérience, autant que l'autorité du témoin et le consensus, devait servir à évaluer les témoignages. Tandis que Locke préserve le témoignage divin et l'autorité de la révélation en montrant, dans l'exemple de l'incrédulité du roi de Siam, les limites d'un vraisemblable appuyé sur l'expérience, Hume et Diderot étendent le critère du vraisemblable à tous les événements, y compris les miracles, et passent ainsi l'histoire sainte au crible de la critique historique.

10Avec Craig, l'idée d'une érosion de la valeur du témoignage à chaque étape du passage d'un témoin à l'autre débouche sur l'idée d'un calcul mathématique de la certitude [15]. La doctrine des probabilités se déplace de la théorie des jeux vers l'évaluation de la validité des témoignages. Les dimensions temporelle et spatiale interviennent dans le calcul de l'accroissement de la suspicion de probabilité historique en fonction du nombre de témoins par lesquels transite cette probabilité, du temps et de l'espace qui séparent les évaluateurs du point d'origine du fait raconté. Hume faisait valoir, dans l'appréciation des témoignages de miracles, un élément subjectif qui ne cadrait pas avec cette arithmétique de la certitude : le fait que le récepteur pouvait considérer le mensonge du témoin comme plus invraisemblable que l'entorse aux lois naturelles impliquée par le miracle. Au delà de leurs divergences, Locke, Craig et Hume s'accordent sur une conception dynamique du psychisme, qui, tout en soulignant l'érosion des témoignages, n'en fonde pas moins l'autorité du témoignage des sens, mais sur des bases nouvelles. L'introduction de la notion de probabilité engage une réflexion non sur les choses elles-mêmes mais sur les discours et sur les conditions de leur validation [16].

11Ces auteurs, comme Descartes et Kant, s'inscrivent dans une tradition classique selon laquelle la connaissance relève de la raison, tandis que la croyance relève de l'autorité. A ces thèses qualifiées de réductionnistes par C.A.J. Coady [17], qui fondent la validation du témoignage sur d'autres sources épistémiques que le témoignage lui-même (perception, mémoire, inférence), Thomas Reid oppose une pensée valorisant la confiance en autrui et le savoir du témoin et considère le témoignage comme une source fondamentale de connaissance et non pas comme « un pis-aller épistémologique » [18]. Comme l'a souligné Renaud Dulong, Jeremy Bentham, dans son Traité des preuves judiciaires, « première [...] étude systématique de la preuve testimoniale comme fait humain » [19], réhabilite, comme Reid, la transmission verbale de la vérité. Au rebours des efforts déployés par la philosophie de son temps pour critiquer les témoignages, Bentham part de leur valeur probante et s'interroge sur l'attrait exercé par la parole du témoin, sur le crédit qu'on lui accorde spontanément, en même temps qu'il place la confiance au fondement de la société, comme Reid soulignait que la confiance est nécessaire à l'être humain dans les premières années de sa vie. On a pu souligner comment les approches de Reid et de Bentham ouvriront la voie aux « sociologies de la confiance » et à l'ethnométhodologie contemporaines [20].

12Le débat des Lumières concernant la valeur épistémologique du témoignage situait la question d'après le point de vue du récepteur et du crédit dont pouvait disposer la relation du témoin, et se résumait à apprécier la valeur qu'on doit accorder aux opinions d'autrui, transmises par le langage. Toutefois Reid, de façon très significative, établira une analogie entre le témoignage de nos sens et celui des hommes donné par le langage [21]. L'épistémologie du témoignage est concernée par la valeur de connaissance que le témoin lui-même peut accorder à sa propre perception. L'une des sources du témoignage étant cette perception sensible, le témoignage désigne à la fois la relation que fait un témoin de ce qu'il a perçu et le savoir qu'il a acquis par la perception : l'expression témoignage des sens est attestée dans l'édition de 1701 du Furetière, revue par Basnage de Beauval :

Témoignage : on le dit aussi de l'assurance que nous avons par le moyen des sens, que les choses sont de telle ou telle manière. Sensatio. On ne doit point récuser le témoignage des sens quand ils déposent dans l'étendue de leur ressort.

13On soulignera l'emploi intéressant des verbes récuser et déposer qui font de cette définition une métaphore filée apportant à la perception la caution de la preuve en justice. La question du témoignage des sens joue un rôle important dans les controverses métaphysiques du 18e siècle [22]. Elle s'inscrit en effet dans un débat opposant thèses innéistes et empiristes et représente un enjeu majeur dans la défense du dualisme et dans la lutte contre le matérialisme et l'incrédulité. Le Témoignage du sens intime (1760) de l'abbé Lelarge de Lignac, après les mises au point du jésuite Buffier, met en question la valeur du témoignage des sens en le distinguant de celui du sens intime [23]. La perception de notre âme est radicalement différente de celle des corps, permettant d'accéder à une connaissance immédiate, intérieure et profonde. Le témoignage des sens serait le plus souvent trompeur tandis que celui du sens intime serait infaillible et distinct des idées et du raisonnement impliquant une médiation. La valeur cognitive du sens intime aboutit chez Lignac à un abandon de la doctrine malebranchiste des idées. Elle fonde une nouvelle métaphysique spiritualiste, censée lutter efficacement contre le matérialisme. Néanmoins l'usage du concept de témoignage peut apparaître ici comme purement métaphorique et en tous cas problématique en ce qu'il établit une confusion entre ce dont on témoigne et ce qui témoigne et se dérobe à la confrontation avec la critique philosophique du témoignage.

14L'église catholique, au cours du 18e siècle, n'allait pas seulement devoir prendre en compte les critiques qui touchaient à la réalité des miracles dans la théologie et l'apologétique, mais aussi dans ses pratiques. Car la suspicion concernant les témoignages sur les miracles, qui, dans les débats des controversistes, s'appliquait d'abord à ceux relatés dans l'Écriture, s'étendait a fortiori aux phénomènes surnaturels reconnus par l'autorité ecclésiastique dans les procès de béatification et de canonisation. L'enjeu est d'importance car aux témoignages concernant la vertu du chrétien devait s'ajouter, dans les procès de canonisation, le témoignage de Dieu lui-même, qui consiste précisément en au moins un miracle. Celui-ci à son tour doit être reconnu par des témoins et des experts. Prospero Lambertini, le futur Benoît XIV, dans la première moitié du siècle, s'efforcera de consolider la valeur de la canonisation en renforçant la judiciarisation du processus, qui atteint à ce moment un point culminant [24].

15Les débats philosophiques autour de la validité du témoignage, suscités surtout par la question des miracles, ne seront pas sans conséquence sur la critique du témoignage dans la discipline historienne. Le témoignage avait joui d'un crédit prolongé en histoire. L'histoire contemporaine, faite par un historien qui est aussi témoin, est apparue longtemps comme la plus fiable, devant la difficulté à parler des événements auxquels on n'a pas assisté. Cette nécessité du témoignage avait inspiré la pratique et les déclarations de celui qui a été considéré comme l'un des précurseurs de l'histoire scientifique. Thucydide, dans son introduction à la Guerre du Péloponnèse, souligne combien il est difficile d'ajouter foi aux témoignages portant sur des temps reculés (Thc, I, 20) et explique qu'il relate les faits de la guerre qu'il a vécue en procédant à de scrupuleuses vérifications à partir de ce qu'il a constaté lui-même ou appris d'autrui (ibid., I, 22) [25]. Bernard Williams y voit l'origine d'une nouvelle conception du passé, l'invention du temps historique, qui tend à appliquer au passé lointain les exigences d'exactitude qui valent pour le passé immédiat [26]. Cette prééminence accordée à l'histoire contemporaine se retrouve en 1670 sous la plume du Père Le Moyne dans ce que Jean-Pierre Guicciardi a appelé une « illusoire spirale sans fin du témoignage :

Il serait à souhaiter qu'il [l'historien] pûst alléguer le témoignage de sa veuâ, sur toutes les choses qu'il rapporte. Mais d'autant que la Nature n'a jamais permis, et ne permettra jamais à un homme, de vivre plus d'une fois, ou de vivre plus d'un Siècle ; il faut au moins que son rapport soit appuyé du témoignage des gens, qui ayent veu les choses qu'il raconte ; ou qu'ils les ayent apprises d'autres gens, qui ayent esté de ce temps-là et les ayent pû voir. [27]

16Le développement d'une connaissance médiate du passé par la philologie, l'érudition, les études des antiquaires, la production de preuves documentaires, de vestiges et de traces matérielles, la critique des sources et la création des dépôts d'archives à la fin du 18e siècle, allait conduire à traiter le témoignage, jusqu'alors source presque unique et incontestée des historiens d'un passé lointain, comme un objet qu'on pouvait confronter à d'autres preuves [28]. Une nouvelle définition, scientifique, de l'histoire, définitivement sortie de la sphère des belles-lettres, ne deviendra effective qu'au 19e siècle, mais c'est au cours du 18e siècle que l'enseignement de l'histoire dans l'université abandonne la rhétorique au profit de la recherche des traces du passé, avec l'objectif de prouver les affirmations énoncées concernant ce passé [29]. Le témoignage, dans ce cadre, devient donc matériau à traiter pour une éventuelle constitution en preuve, mais susceptible aussi d'une complète destitution. Par ailleurs, dans le sillage des controverses relatives aux miracles, se développe un pyrrhonisme historique favorable à une réflexion sur les conditions de la certitude en histoire. Les tentatives de calcul de la probabilité des témoignages initiées par Craig ne convaincront pas plus les historiens, que le calcul arithmétique de la preuve ne s'imposera aux juristes qui se penchaient sur la valeur probatoire du témoignage [30]. La solution lockienne de la probabilité et le critère de la vraisemblance tendent à s'imposer aussi bien en droit qu'en histoire, au profit d'une approche qualitative de la probabilité et d'un recours au bon sens du juge et de l'historien [31].

17En droit civil, le témoignage oral a été longtemps considéré comme une façon valable d'établir la vérité, le témoin jouant le rôle de garant [32]. Avant que ne s'affirme, avec l'ordonnance de Moulins [33], la supériorité de l'écrit, la présence du témoin et sa déposition orale ont été jugées nécessaires pour établir la preuve de toutes sortes de faits : noblesse, âge, mariage, dette.... Dans un chapitre de l'Esprit des lois consacré à « la preuve par témoins », Montesquieu, retraçant l'histoire des changements intervenus dans les lois civiles des Français, souligne le passage d'un droit largement appuyé sur la « preuve vocale » et donc sur les témoignages, à une utilisation de l'écrit pour fixer les usages et établir les preuves [34]. L'ordonnance de Moulins consacrait ainsi la destitution progressive de la preuve vocale, pour des raisons pratiques, mais aussi, selon l'auteur parce que « l'écriture est un témoin qui est difficilement corrompu ». Les philosophes des Lumières renforceront cette valorisation de l'écrit, censé éviter les manipulations interprétatives de la parole vive [35].

18Dans la justice pénale du 18e siècle, en dépit de la méfiance qu'il inspire, le témoignage occupe une place primordiale, notamment à la suite de l'Ordonnance criminelle de 1670, qui autorise la déposition de témoins jusqu'alors jugés « inhabiles », femmes, mineurs, parents, infâmes... [36]. L'aveu et le témoignage étant les seules preuves reconnues par le droit, la crainte du faux témoignage est contrebalancée par le souci de confondre le criminel. C'est au juge d'apprécier le crédit à accorder à ces témoins. A l'extension de la qualité de témoins à des catégories jusqu'alors exclues s'oppose la rigidité des normes juridiques qui encadrent les dépositions. Dans le droit français, la force de l'aveu comme du témoignage oral se trouve neutralisée, confisquée par la pratique du juge, dans un processus d'appropriation réglée et de contrôle de la parole [37]. Voltaire s'insurge, dans l'affaire Lerouge, contre le pouvoir exorbitant donné au juge dans l'Ordonnance criminelle de 1670, par laquelle les auditions des témoins sont faites en secret et les confrontations organisées à sa discrétion. L'affaire est pour lui l'occasion de montrer les dangers du monitoire, cet appel à témoin lancé par l'intermédiaire des autorités ecclésiastiques, et du recours aux témoins inhabiles, en particulier aux enfants, proies faciles des tentatives de subornation [38]. Les parties et les témoins eux-mêmes ne se privent pas en effet d'utiliser l'institution judiciaire au gré de leurs craintes ou de leurs intérêts, ce qui justifie la méfiance à leur égard, si bien que, malgré le recours grandissant au témoignage, c'est à l'affaiblissement de la preuve testimoniale qu'on assiste au même moment, au profit de l'expertise, perçue comme objectivation du crime. Voltaire y voit également une menace pour l'accusé car l'expertise le met à la merci de l'erreur de « demi-savants ». Les usages linguistiques mentionnés dans les dictionnaires du 18e siècle enregistrent la méfiance à l'égard des témoins. L'article TÉMOIN du Dictionnaire de l'Académie de 1694 mentionne le témoin « corrompu et reprochable, suspect, aposté, attitré, [...] faux témoin... ». L'Encyclopédie, dans un sous-article de l'article TÉMOIGNAGE, intitulé Déposition de témoins, développe les précautions dont s'entoure l'autorité judiciaire pour évaluer les témoignages, en fonction de l'âge, du caractère, de la réputation du témoin, et en fonction des circonstances, de la correspondance entre le langage utilisé et le statut social du déposant, de leur cohérence interne et de la confrontation avec d'autres témoignages. En même temps, signe du progrès de l'idéologie des Lumières [39], une évolution culturelle se fait sentir dans la perception par les justiciables du témoignage comme devoir civique au service de la vérité et non plus manifestation de solidarité envers des proches ou occasion de manipuler la justice pour ses intérêts.

19L'importance du témoignage et de l'aveu dans la justice de l'époque participe des efforts politiques pour codifier et contrôler les comportements. La littérature du 18e siècle, qui promeut, avec le roman-mémoires et tous les dispositifs narratifs qui présentent le récit comme un témoignage, l'illusion d'une parole authentique et la narration introspective, s'inspirant des pratiques judiciaires de l'époque, explore les menaces que font peser l'aveu et le témoignage sur la liberté et l'intimité du sujet [40]. Diderot, dans les Bijoux indiscrets, interroge les prétentions du témoignage à établir la vérité et ses rapports avec l'abus de pouvoir. Dans le dialogue philosophique, il semble restaurer fictivement la valeur de vérité et les limites du témoignage, en imaginant les conditions d'une parole vive, insérée dans un débat contradictoire [41]. L'association de la sincérité et de l'authenticité personnelle s'affirme au 18e siècle, dont Rousseau et Diderot, selon Bernard Williams, ont donné des conceptions très différentes. La conception rousseauiste de l'authenticité, qui imprègne le témoignage des Confessions, suppose qu'une déclaration sincère, spontanée, permet d'accéder à un moi stable et véritable. Les dialogues de Diderot développeraient l'idée d'un psychisme humain inconstant que stabilisent des impératifs de coopération sociale [42].

20Si le témoignage se trouve de plus en plus contesté lorsqu'il paraît contrôlé, voire instrumentalisé par les pouvoirs judiciaire, politique et religieux, il est aussi utilisé au profit d'une dissidence qui s'autorise d'une connaissance directe, par expérience, pour contester les discours établis. C'est le cas du voyageur Challe qui appuie un discours sceptique, d'inspiration déiste, sur l'autopsie (étym. : action de voir de ses propres yeux). La référence au témoignage oculaire sert moins à convaincre des merveilles et étrangetés visibles dans les terres lointaines que de mettre en doute les croyances et les jugements véhiculés par les autorités catholiques, de réfuter le discours des voyageurs jésuites et les théories scientifiques accréditées. Les doutes surgis concernant la fiabilité du témoin Challe ne mettent que mieux en évidence combien l'argument de l'autopsie, sous la forme de déclarations ou de descriptions visant à créer l'illusion de la restitution d'une perception sensible, est doté d'une puissante efficacité rhétorique [43].

21La question du témoignage sur les miracles, qui, dans les controverses théologiques de la fin du 17e siècle, portait surtout sur ceux relatés dans l'Écriture sainte, va connaître au cours du siècle un rebondissement, avec l'affaire des convulsionnaires de saint-Médard [44]. La dissidence janséniste, prenant acte de la suspicion à l'égard du témoignage, accumule et dispose en recueils les relations des témoins, en y associant des réflexions sur le statut du témoignage. Elle emprunte au genre juridique ses dispositifs et ses caractéristiques, construit la crédibilité des témoins et s'appuie sur l'avis d'experts. L'événement exceptionnel est banalisé et érigé en phénomène collectif. La presse janséniste servira de relais à cet usage des témoignages pour porter le débat sur la place publique. L'accréditation des témoignages du peuple, que les autorités ecclésiastiques tenteraient de faire taire ou de discréditer, devient un enjeu majeur de la cause janséniste, qui en appelle ainsi au tribunal de l'opinion. Ce mouvement d'opposition médiatisé qui s'appuie sur les témoignages connaît une extension et un prolongement politiques dans la fronde des magistrats [45]. Les écrits « patriotes » qui se font l'expression de l'opposition parlementaire à la suite de la crise de 1771, qu'il s'agisse de nouvelles à la main, de notes manuscrites ou d'imprimés, s'efforcent de mettre les faits sous les yeux du lecteur, à grand renfort de textes officiels et de précisions factuelles, tout en parsemant leurs chroniques d'un lexique axiologique qui décèle les parti-pris ; ils créent entre eux tout un réseau d'interférences et d'échanges au sein d'un groupe cohérent gagné à la cause janséniste et parlementaire. Par suite des contraintes de la censure, la position du témoin autodésigné s'efface au profit d'une chaîne anonyme de transmission et d'un foyer collectif de perception. Le témoignage est inséré dans un dispositif aux formes variées destiné à libérer une parole qui s'adosse à une opinion publique qu'elle s'efforce de constituer.

22Avec la chute de l'ancien régime et la Révolution, cette opinion publique peut devenir aussi tyrannique  et menaçante que les autorités déchues lorsqu'elle soumet l'individu au jugement d'une foule manipulable. L'incertitude et l'instabilité politiques de la période conduiront à la diffusion de témoignages écrits visant à réfuter de dangereuses accusations en s'adressant à l'opinion publique pour contrecarrer certaines attaques [46]. Dans le cas du Journal de la maladie et de la mort de Mirabeau par Cabanis, il s'agit de répondre à la rumeur publique qui transformait l'échec thérapeutique du médecin en tentative d'empoisonnement et aux détracteurs de Mirabeau qui faisait de sa mort la conséquence de ses vices [47]. Le témoignage devient apologie du héros de la Révolution et plaidoyer en faveur du médecin dans un texte où la rhétorique envahit la relation des faits.

23Une étude du témoignage par la recherche dix-huitiémiste serait incomplète si elle se limitait à une tentative de restitution et de compréhension des conceptions et usages des témoignages par les hommes du temps, sans prendre en compte la question de leur transmission et de leur réception aujourd'hui. Le témoignage, examiné puis archivé, devient document soumis au discours de l'historien. Il peut aussi s'inscrire dans une chaîne de transmission caractérisée par le sentiment d'appartenance à une communauté, la recherche d'un passé en dehors des livres, le lien affectif avec des ancêtres. À côté de l'histoire, opération problématique, intellectuelle et critique, la mémoire est portée par des groupes vivants qui se font le relais des témoignages, comme le montre l'exemple des récits protestants concernant la guerre des Cévennes [48]. Parallèlement à une ligne historiographique de transmission, s'est développée sur les lieux mêmes des événements une tradition collective, populaire, orale, elle-même orientée et transformée par des jalons écrits produits par des érudits locaux, des historiens, des pasteurs, des poètes, qui deviendront parfois à leur tour origine de la tradition. Dans ce mélange impur, l'étanchéité de la frontière entre histoire et mémoire, entre investissement scientifique, commémoration pieuse et geste militant, s'estompe. L'historien du protestantisme français, qui se sent lui-même porté par cette mémoire, doit explorer les voies complexes de cette transmission du témoignage, contaminée par toute une production de textes, voire même par le cinéma, avec le film de René Allio sur les Camisards.

24L'usage des témoignages dans le discours historique d'aujourd'hui n'est pas indépendant des grandes tendances de la recherche contemporaine, qui incitent à exhumer des archives les documents qui éclaireront des scènes et des acteurs jusque là absents de la perception du passé. Ainsi des femmes et plus particulièrement des femmes du peuple que leur sexe et leur condition éloignent du discours public et auxquelles les études sur le genre vont donner la parole. Le discours des femmes, traditionnellement exclu des institutions, se fait entendre dans les périodes de crise : crise collective et politique, comme la période révolutionnaire, crise privée dans le cas du crime familial. Les dénonciations de femmes devant les comités de surveillance pendant la révolution expriment une parole politique porteuse, plus que celle des hommes, de jugements moraux, de convictions religieuses, de sentiments d'injustice et d'attachement à la famille, marques de la sphère privée qui se trouve, par ces témoignages, intégrée à l'espace politique [49]. Les dépositions des femmes dans les affaires criminelles, font apparaître la violence familiale exacerbée par la promiscuité, les représentations négatives de la femme dans l'imaginaire collectif, et a contrario le rôle positif que s'assigne la communauté des femmes [50]. La démarche historienne ressuscite la voix, vouée à l'oubli, de la femme témoin. Son discours est doublement un témoignage. Il l'est comme déposition attestant d'un fait dans une procédure judiciaire, mais aussi comme témoignage involontaire d'aspects du passé que l'historienne fait apparaître grâce à ces « témoins malgré [elles] » [51] que sont les femmes du peuple lorsque leur parole s'est fixée dans les fonds d'archives.

25À l'opposé de ce mode de transmission, l'écrivain témoin entend produire et contrôler ce qu'il veut léguer à la postérité. Tel est l'enjeu du Tableau de Paris de Louis-Sébastien Mercier, vaste entreprise de restitution pour les générations futures d'un quotidien foisonnant qui échappe au regard de ceux-là même qui le vivent [52]. Cette maîtrise du témoignage passe d'abord par l'acuité d'un point de vue qui fait apparaître, avec la richesse d'une expérience sensible, l'extraordinaire du spectacle ordinaire. La composition en brefs chapitres épouse ce mouvement rapide d'une sollicitation intense des sens par le quotidien parisien. Mais contrairement aux descriptions statiques de la typologie moraliste, la description prend en compte les nuances et les changements, le poids de l'histoire. Ce témoignage se forme dans une relation complexe entre l'implication du témoin et la distance de l'écrivain à l'égard des catégories qui composent l'ensemble de l'échelle sociale. Loin d'un ouvrage mosaïque, simple enregistrement des choses vues et entendues, le témoignage de Mercier se veut compréhensif, tentant de mettre à jour les rapports entre les traits perçus pour accéder à une intelligibilité de l'univers social. Il est aussi pleinement un témoignage historique au sens où il appelle à juger les scandales d'un quotidien qui émerveille aussi bien qu'il indigne, s'adressant à ses contemporains pour vaincre la fatalité du présent, et à la postérité pour construire la mémoire de la société urbaine à laquelle il appartient.

26À certains égards, le témoignage au 18e siècle présente des similitudes avec ce qu'il est aujourd'hui : une preuve contestée à laquelle on préfère l'avis autorisé de l'expert et l'objectivité de la trace matérielle, mais dont la procédure ne saurait se passer ; un moyen de faire entendre la voix de la dissidence et d'en appeler au jugement de l'opinion publique ; un certain type d'œuvre littéraire qui tente, par un travail de l'écriture, de restituer le caractère exceptionnel d'une expérience ; une façon de construire la mémoire et l'identité d'une communauté. Mais la période dite des Lumières, qu'on la situe sur son versant « radical » (1650-1750), ou dans sa phase modérée et plus institutionnalisée (1750-1789), se spécifie par une attitude résolument critique à l'égard de ce mode de connaissance ; la prolifération des témoignages pendant et après la Révolution viendra partiellement suspendre cette tendance dans un contexte d'instabilité et d'urgence, où chacun tente de faire valoir sa vérité auprès de l'opinion. Au 18e siècle, un impératif d'examen critique semble avoir gagné progressivement tous les espaces de déploiement du témoignage : religion et théologie, droit, histoire, philosophie, littérature, médecine.... L'époque que Reinhardt Koselleck a nommé le Règne de la critique[53] est, avec l'émergence de la notion d'opinion publique, celle d'une mise en concurrence des discours et de l'éclatement d'un foyer central et unique d'autorité. La pratique du témoignage s'en trouve encouragée mais ce mode de connaissance peut de moins en moins se prévaloir de la tradition pour échapper à l'examen rationnel. Les témoignages s'inscrivent dans un régime de confrontation, qui paraît nécessaire à l'établissement de la vérité et indissociable de la liberté de croire et de penser. Toutefois, comme on l'a souligné à propos de l'opposition entre thèses réductionnistes et anti-réductionnistes, si les Lumières ont promu la généralisation de la critique rationnelle, elles ont aussi donné le jour à des réflexions, comme celles de Reid et de Bentham, qui opposent au scepticisme dominant de leur époque la valeur du jugement ordinaire, la prise en compte du sens commun et la confiance comme fondement de la société. Aujourd'hui le développement des technologies de l'information et de la communication, les approches de l'ethnométhodologie et de l'épistémologie sociale, les débats actuels autour du rôle de l'expertise scientifique et de la confiance dans la transmission du savoir, en particulier en matière de décision politique, ont suscité un regain d'intérêt pour la question de la légitimité de la déférence à autrui. Les Lumières nous ont légué un riche patrimoine théorique et pratique pour penser le témoignage et, avec lui, les moyens de mettre à distance la tension contemporaine entre sacralisation et suspicion systématique [54]...

Bibliographie

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Date de mise en ligne : 01/07/2007

https://doi.org/10.3917/dhs.039.0003

Notes

  • [1]
    Montesquieu, Spicilège, @@ OEuvrescomplètes, tome 13, Oxford, The Voltaire Foundation, 2002, édition Rolando Minuti et @@ CSSalvatoreRotta, no 669.
  • [2]
    Thomas Reid, An Inquiry into the Human Mind on the Principles of Common Sense, traduction française de Th. Jouffroy, @@ OEuvrescomplètes de Thomas Reid, t. II, Paris, A. Mesnier, 1828, p. 350.
  • [3]
    Annette Wieviorka, LLLLLL'E@ grredu témoin, Paris, Plon, 1998 ; François Hartog, « Le témoin et l'historien », Gradhiva, 27, 2000, p. 1-14 ; Pierre Nora, « La France est malade de sa mémoire », Le Monde 2, no 105, du 18 au 24 février 2006, p. 26.
  • [4]
    François Hartog, Régimes d'historicité. Présentisme et expériences du temps, Paris, Seuil, 2003 ; Olivier Dumoulin, Le Rôle social de l'historien. De la chaire au prétoire, Paris, Albin Michel, 2003, p. 27-63.
  • [5]
    Emmanuel Katan, Penser le devoir de mémoire, Paris, PUF, 2002.
  • [6]
    Renaud Dulong, Le Témoin oculaire : les conditions sociales de l'attestation personnelle, Paris, École des hautes études en sciences sociales, 1998, coll. Recherches d'histoire et de sciences sociales ; 75, p. 43 (désormais TO pour l'ensemble du volume).
  • [7]
    Voir, dans ce volume, l'article de Fernando Vidal, « Tel @@ unlaglace d'un miroir’ : le témoignage des miracles dans les canonisations des Lumières », p. 77-98.
  • [8]
    Krzysztof Pomian, Sur l'Histoire, Paris, Gallimard, 1999, collection « Folio », p. 309-313.
  • [9]
    Paul Ricoeur, La Mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Seuil, 2000, coll. L'ordre philosophique, p. 217-218 (désormais MHO dans l'ensemble du volume).
  • [10]
    P. 109-111 dans l'édition de René Pomeau, Paris, Garnier-Flammarion, 1989.
  • [11]
    Voir sur cette question l'ouvrage de Jonathan Israâl, Les Lumières radicales, la philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité, Paris, éditions Amsterdam, 2005 (1re édition : Radical Enlightenment, 2001, Oxford University Press), p. 257-268.
  • [12]
    Ibid., p. 380-381.
  • [13]
    Ibid., p. 517 ; 521.
  • [14]
    Voir, dans ce volume, l'article de Carlo Borghero, « Le témoin, le roi du Siam et l'historien », p. 23-28.
  • [15]
    Voir, dans ce volume, l'article de Jean-Pierre Cléro, « La réflexion mathématique et philosophique chez Locke, Craig et Hume », p. 39-61.
  • [16]
    Voir ibid, p. 56-57.
  • [17]
    Testimony, a Philosophical Study, Oxford, Clarendon Press, 1992.
  • [18]
    Thomas Reid, @@ OEuvrescomplètes, traduction de Th. Jouffroy, t. II, Recherches sur l'entendement humain d'après les principes du sens commun, Paris, Sautelet, 1828 ; René Pouivet, « L'épistémologie du témoignage et les vertus », Philosophie, no 88, hiver 2005, p. 13.
  • [19]
    TO, p. 139 ; Jeremy Bentham, Traité des preuves judiciaires, ouvrage extrait des manuscrits de M. Jérémie Bentham, par Étienne Dumont, Paris : Bossange frères, 1823.
  • [20]
    Renaud Dulong (TO, p. 149-162) et Gloria Origgi (« Peut-on être anti-réductionniste à propos du témoignage? », Philosophie, no 88, hiver 2005, p. 47-57) mettent en évidence la façon dont Reid, et pour Dulong, Bentham, anticipent sur la sociologie de Garfinkel, Goffmann et Schütz.
  • [21]
    René Pouivet, art.cité, p. 13.
  • [22]
    Voir, dans ce volume, l'article de Jean-Pierre Cléro, p. 39-61 et celui de Jean-Christophe Bardout, « De quoi témoigne le sens intime ? À propos de Lelarge de Lignac », p. 63-76.
  • [23]
    Voir ibid.
  • [24]
    Voir l'article de Fernando Vidal, art. cité, p. 77-98.
  • [25]
    Voir François Hartog, Le Miroir d'Hérodote, Paris, Gallimard, 1980, coll. Folio, p. 401-403 ; Claude Calame, « Entre historiographie et fiction : indice, témoignage et tradition poétique. (Hérodote et Thucydide) », Vox Poetica, 2007, hhhhhttp:// wwwwww. vox-poetica. org/ t/ rl/ calame2006. html.
  • [26]
    Vérité et véracité, Essai de généalogie, Paris, Gallimard, 2006 (trad. fr. de Truth and Truthfulness, an Essay in Genealogy, Princeton University Press, 2002).
  • [27]
    Cité d'après Jean-Pierre Guicciardi, « Préhistoire de l'histoire ; la dialectique de la vérité et de l'erreur dans quelques @@ unarteshistoricae’ (fin XVIIe-XVIIIe siècle) », L'Histoire au XVIIIe siècle, Colloque d'Aix-en-Provence 1975, Aix en Provence, Edisud, 1980, p. 14.
  • [28]
    Sur les difficultés de la documentation historique au XVIIIe siècle, voir ibid., p. 10-11 ; Sur la constitution d'une connaissance médiate du passé, Krzysztof Pomian, ouvr. cité, p. 316-319.
  • [29]
    Krzysztof Pomian, ouvr. cité, p. 322-323.
  • [30]
    Sur les positions de Voltaire concernant l'arithmétique de la preuve, voir, dans ce volume, l'article d'Alain Nabarra, « @ unLesrapports que nous font les hommes’ : Voltaire et l'affaire Lerouge », p. 143.
  • [31]
    Carlo Borghero, art. cité, p. 36-37.
  • [32]
    Benoît Garnot, art. cité, p. 107.
  • [33]
    Ordonnance de Moulins sous Charles IX en 1566, art. 54.
  • [34]
    Livre XXVIII, chapitre XLIV, p. 278 de l'édition Robert Derathé, Paris, Garnier frères, 1973, tome II.
  • [35]
    Voir, dans ce volume, l'article de Georges Benrekassa, « la preuve et l'aveu : ce que parler peut dire », p. 118-119 ; 125-126.
  • [36]
    Voir, dans ce volume, l'article de Benoît Garnot, « La justice pénale et les témoins en France au 18e siècle : de la théorie à la pratique », p. 99-108.
  • [37]
    Georges Benrekassa, art. cité, p. 109-127.
  • [38]
    Alain Nabarra, p. 129-144.
  • [39]
    Voir Benoît Garnot, art. cité, p. 106-108.
  • [40]
    Voir, dans ce volume, l'article de Lisa Graham, « Les témoins dans le droit et la littérature : la construction de l'intimité dans la France du 18e siècle », p. 145-160.
  • [41]
    Georges Benrekassa, art. cité, p. 127.
  • [42]
    Bernard Williams, ouvr. cité, chapitre 8, p. 207-244.
  • [43]
    Voir, dans ce volume, mon article , « La rhétorique de l'autopsie dans le Journal de voyage au Indes orientales de Robert Challe (1721) », p. 161-174.
  • [44]
    Voir, dans ce volume, l'article de Michèle Bokobza Kahan, « Les Lumières au service des miracles » p. 175-188.
  • [45]
    Voir, dans ce volume, l'article de Suzanne Cornand, « La réaction patriotique à la crise de 1771 », p. 189-200.
  • [46]
    L'un des exemples les plus célèbres est le témoignage d'un rescapé des massacres de septembre, Mon agonie de trente huit heures, de Jourgnac de Saint-Méard, écrit circonstanciel que l'auteur transformera en véritable succès éditorial : sur l'histoire de ce texte, voir l'introduction à l'édition qui en est donnée dans l'anthologie de témoignages de G. Lenôtre, intitulée Les Massacres de septembre, Paris, Librairie académique Perrin, 1907, p. 200-202 ; C. Dornier, « Un exemple de réception d'un témoignage sur les massacres de septembre : @@ unmonagonie de trente-huit heures’ de Jourgnac de Saint-Méard », Réception et usages des témoignages, (dir. F.-C. Gaudard et M. Suarez), Toulouse, Éditions universitaires du Sud, 2007, p. 305-315.
  • [47]
    Voir, dans ce volume, l'article de Carmela Ferrandes, « Le Journal de la maladie et de la mort de Mirabeau de Pierre-Jean-Georges Cabanis », p. 201-209.
  • [48]
    Voir, dans ce volume, l'article de Patrick Cabanel, « La guerre des Camisards entre histoire et mémoire : la perpétuelle réinvention du témoignage », p. 211-227.
  • [49]
    Voir, dans ce volume, l'article de Martine Lapied, « Le témoignage sous la Révolution française, une possibilité d'expression politique pour les femmes ? », p. 245-254.
  • [50]
    Voir, dans ce volume, l'article de Karine Lambert, « Genre, matricide et témoignages. Approche micro-historique », p. 229-243.
  • [51]
    MHO, p. 215 et Marc Bloch, Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien, préface de Jacques Le Goff, Paris, Masson, Armand Colin, 1993-1997 (1re éd. Paris, Armand Colin, 1974, préface de Georges Duby), p. 75.
  • [52]
    Voir, dans ce volume, l'article de Laurence Mall, « @ unCommetout s'engrène !’ : l'intelligence de la vie quotidienne dans le Tableau de Paris de L.S. Mercier », p. 255-266.
  • [53]
    Paris, Les Editions de Minuit, 1979 ( traduction française de Kritik und krise, Verlag Karl Albert, 1959).
  • [54]
    Je remercie Renaud Dulong pour ses remarques stimulantes et ses amicales suggestions.

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