Notes
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[1]
Dans le cours de l’article, seront cités les études qui m’ont semblées importantes. Une bonne mise au point bibliographique a été établie par S.-P. Ratté, « Du neuf sur la cryptie ? », Mémoire présenté à la faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.), sous la direction de L. Migeotte, Département d’Histoire, Faculté des Lettres, Université Laval, Québec, 2000, 75 p. ; il faut y ajouter N. Birgalias, L’Odyssée de l’éducation spartiate, Athènes, 1999 (non vidi) ; N. Fisher, « Lykourgos of Athens : Lakonian by name, Lakoniser by Policy ? », dans N. Birgalias, K. Buraselis et P. Cartledge (éds), The contribution of Ancient Sparta to Political Thought and Practice, International Institute of Ancient Hellenic History, 2002, p. 327-341 ; J. Christien-Trégaro, « Les temps d’une vie. Sparte, une société à classe d’âge », Mètis, 12, 1997, p. 45-79 ; J. Ducat, Spartan Education. Youth and Society in the Classical Period, The Classical Press of Wales, 2006, spécialement p. 281-331 ; Karl-Wilhelm Welwei, « War die Krypteia ein grausames Terrorinstrument ? », Laverna, 15, 2004, p. 33-46 ; St. Link, « Zur Entstehungsgeschichte der spartanischen Krypteia », Klio, 88, 2006, 1, p. 34-43 ; J. Christien, « The Lacedaemonian State : Fortification, Frontiers and Historical Problems », dans S. Hodkinson et A. Powell (éds), Sparta & War, Swansea, 2006, p. 163-184 ; V. Azoulay, « L’Archidamos d’Isocrate, une politique de l’espace et du temps », Revue des études grecques, 119, 2006, p. 504-531.
-
[2]
Cf. Annexe – Les sources sur les kryptoi spartiates.
-
[3]
Les articles d’Édmond Lévy, « La kryptie et ses contradictions », Ktèma, 13, 1988, p. 245-252 et de Jean Ducat, « La cryptie en question », dans P. Brulé et J. Oulhen (éds), Esclavage, guerre, économie en Grèce ancienne. Hommages à Yvon Garlan, Presses universitaires de Rennes, 1997 p. 43-74 (repris en 2006 dans Spartan Education… , op. cit.), qui est une réponse au précédent, constituent deux études récentes fondamentales. Est également importante la contribution de Denis Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès à Rhamnonte et le début de la guerre de Chrémonidès », BCH, 117, 1993, p. 327-341 à laquelle répond Jean Ducat, « Crypties », Cahiers Glotz, 8, 1997, p. 9-38.
-
[4]
Sur la défense du territoire en général : A. Chaniotis, « Policing the Hellenistic Countryside. Realities and Ideologies », dans C. Brélaz et P. Ducrey (éds), Sécurité collective et ordre public dans les sociétés anciennes, Entretiens sur l’Antiquité classique, Fondation Hardt, Tome LIV, Genève, 2008, p. 103-153, qui ne cite néanmoins pas les cryptes spartiates.
-
[5]
H. Koechly, Cryptia : De Lacedæmoniorum cryptia commentatio, Leipzig, 1835, p. 587-588 ; suivi par W. Wachsmuth, Altertumskunde : Hellenische Altertumskunde aus dem Geschichtpunkt des Staats, 2 vol., Halle, 1844-1846.
-
[6]
Platon aborde à deux reprises la cryptie. Dans les Lois, I, 633b-c, il présente la quatrième invention du législateur, après les syssities, les exercices gymniques et la chasse, (texte 1) et au livre VI, 763b (texte 2), il établit une homologie avec l’institution de l’agronomie qu’il décrit ; cf. M. Piérart, Platon et la Cité grecque. Théorie et réalité dans la Constitution des « Lois », Mémoires de la Classe des Lettres, t. 64, fasc. 3, Académie Royale de Belgique, Bruxelles, 1974, p. 278-291.
-
[7]
P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie des Lacédémoniens », Revue des études grecques, 11, 1898, p. 31-38 et s.v. « krypteia », dans Daremberg et Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, III, 1, 1899, p. 871-873. P. Girard a été suivi par J. Oehler, s.v. « Krypteia », dans RE, 9, 2, 1922, col. 2031-2032. Le Papyrus n°187 du British Museum a été édité depuis lors par H. J. M. Milne, Catalogue of the Literary papyri in the British Museum, Londres, 1927, n°114, p. 88-89.
-
[8]
H. A. Wallon, Explication d’un passage de Plutarque sur une loi de Lycurgue nommée la Cryptie (fragment d’une Histoire des Institutions politiques de la Grèce), Paris, Dupont, 1850.
-
[9]
K. M. T. Chrimes, Ancient Sparta. A re-examination of the evidence, Manchester, 1949, p. 374-376.
-
[10]
H. Michell, Sparta, Cambridge, 1964, p. 162-164, influencé par P. Girard.
-
[11]
A. H. M. Jones, Sparta, Oxford, 1967, p. 9-10 et p. 170 (note c de la page 10).
-
[12]
P. Cartledge, Agesilaos and the Crisis of Sparta, London & Baltimore, 1987, p. 32-33 ; Sparta and Lakonia : A Regional History 1300-362 BC, 2e éd., Routledge, 2001, p. 151 et 211.
-
[13]
Éd. Lévy, « La kryptie et ses contradictions », Ktèma, 13, 1988, p. 245-252.
-
[14]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès à Rhamnonte et le début de la guerre de Chrémonidès », BCH, 117, 1993, p. 327-341.
-
[15]
J. Christien, « The Lacedaemonian State : Fortification, Frontiers and Historical Problems », dans S. Hodkinson et A. Powell (éds), Sparta & War, Swansea, 2006, p. 163-184 ; J. Christien et F. Ruzé, Sparte. Géographie, mythes et histoire, Paris, 2007, p. 298-299.
-
[16]
H. Jeanmaire, « La kryptie lacédémonienne », Revue des études grecques, 26, 1913, p. 121-150. Henri Jeanmaire précisa et modifia certaines de ses conclusions dans son Couroi et Courètes, essai sur l’éducation spartiate et sur les rites d’adolescence dans l’Antiquité hellénique, Lille, 1939.
-
[17]
Plutarque, Lycurgue, 28 attribue à Aristote la mention selon laquelle l’institution aurait été créée par Lycurgue (28, 2) et le fait selon lequel les éphores déclaraient chaque année la guerre aux hilotes (28, 7) : texte 4. À la suite de ce texte, on a longtemps rapproché de l’institution de la cryptie et de la déclaration de guerre aux hilotes par les éphores un passage de Thucydide, IV, 80, 4, relatant la disparition (massacre ?) de 2 000 hilotes. L’interprétation du massacre reste très difficile et le lien avec la cryptie « totalement obscur » (J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 50), pour ne pas dire inexistant. Pour une mise en doute de l’épisode lui-même : A. Paradiso, « The logic of terror : Thucydides, Spartan duplicity and improbable massacre », dans Th. J. Figueira (éd.), Spartan Society, The Class. Press of Wales, 2004, p. 179-198. Reste le « meurtre des hilotes », rapporté par le même Plutarque, Lycurgue, 28, 4 (texte 4).
-
[18]
Cette exclusion, dans des conditions matérielles semble-t-il difficiles, est documentée par tous des textes du dossier documentaire : c’est là un point essentiel de la cryptie, sur lequel on s’est appuyé pour y raccrocher le papyrus de Londres (texte 7) ou un passage de Justin (texte 8) (qui se rapporte en réalité à l’agôgè).
-
[19]
H. Jeanmaire, « La kryptie lacédémonienne », Revue des études grecques, 26, 1913, p. 141.
-
[20]
H. Jeanmaire, Couroi et Courètes, Lille, 1939, p. 568.
-
[21]
A. Brelich, Paides e Parthenoi, Rome, 1969, p. 155-157.
-
[22]
P. Vidal-Naquet, « Le chasseur noir et l’origine de l’éphébie athénienne », Annales. Économies Sociétés Civilisations, 23, 1968, p. 947-964. L’article fut remanié en langue anglaise, paru sous le titre : « The Black Hunter and the Origin of the Athenian Ephebeia », Proceedings of the Cambridge Philological Society, 194, 1968. Puis l’étude fut enrichie d’un deuxième article : « Retour au chasseur noir », Mélanges Pierre Lévêque, Paris, 1989, II, p. 387-411 [= J.-P. Vernant et P. Vidal-Naquet, La Grèce ancienne : Rites de passage et transgressions, Paris, 1992, p. 215-251, où l’article est corrigé et mieux édité]. Enfin, le tout fut publié dans Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, La Découverte, Paris, [1re éd., 1981], 3e éd., 1991.
-
[23]
La position de P. Vidal-Naquet peut se résumer dans l’image du crypte comme anti-hoplite ; dans son article de 1968, il écrit : « Jeanmaire avait, je crois, profondément raison et profondément tort. Ce qu’il n’a pas vu, c’est que la cryptie n’est pas étrangère à la vie de l’hoplite, elle est une institution symétrique et inverse de l’institution hoplitique. Dressons en effet un tableau de ce que nous apprennent les sources. À l’hoplite armé de pied en cap s’oppose le crypte qui est gymnos, c’est-à-dire sans arme (scholie de Platon) ou qui n’a qu’un petit poignard (Plutarque). Au membre de la phalange s’oppose l’homme isolé ou vivant en petit groupe ; au jeune homme courant la montagne, le combattant de la plaine ; au crypte pratiquant ses exercices en plein hiver (Platon) s’oppose l’hoplite, ce guerrier de la belle saison, l’été de Thucydide, le kalochaïri du grec moderne ; à l’assassin rusé des hilotes s’oppose le combattant loyal exalté par Tyrtée ; au jeune homme de la nuit, l’homme qui se bat au grand jour. Le crypte, nous dit le scholiaste, mange ce qu’il peut, au petit bonheur, sans trouver probablement le temps de faire la cuisine, l’hoplite est par excellence le membre des syssities. Ajoutons enfin que les cryptes fréquentent des lieux qui deviennent en un sens les frontières de territoires ennemis, puisque par un rite comparable à celui du fétial romain, les éphores déclarent la guerre aux hilotes » (p. 954-955).
-
[24]
J. Ducat, « Le mépris des Hilotes », Annales. Économies Sociétés Civilisations, 29, 1975, p. 1451-1464 ; suivi de Les Hilotes, Bulletin de correspondance hellénique, Supplément 20, 1990.
-
[25]
J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 43-74 et « Crypties », art. cit., p. 9-38 (qui rassemble toutes les « noms de la cryptie », à Sparte et ailleurs et réponds sur un point de philologie à D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit.).
-
[26]
J. Ducat, Spartan Education. Youth and Society in the Classical Period, The Classical Press of Wales, 2006, spécialement p. 281-331.
-
[27]
En effet, je me suis intéressé à ce thème dans J.-Chr. Couvenhes, Les Garnisons de l’Attique, du milieu IVe siècle au Ier siècle av. J.-C. : l’apport des inscriptions, Thèse Université Paris IV-Sorbonne, 2000.
-
[28]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 327-341.
-
[29]
V. Pétrakos, IRhamnous, II, p. 6-9, n°3, photo du support. On trouvera une édition et une traduction du texte dans A. Bielman, Retour à la liberté, Libération et sauvetage des prisonniers en Grèce ancienne, Athènes-Lausanne, 1994, p. 95- 100, n°24.
-
[30]
Le terme de Rhamnousia semble apparaître dans le décret inédit pour Archandros. En 117/6, dans une dédicace, l’Athénien Elpias apparaît comme stratège de Rhamnonte et de la paralie (V. Pétrakos, IRhamnous, II, p. 119, n°148).
-
[31]
V. Pétrakos, « La forteresse de Rhamnonte », CRAI, 141, 1997, p. 614, n. 22.
-
[32]
Courriel du 1er septembre 2013 de Denis Knoepfler qui a pu prendre connaissance de la pierre découverte par V. Pétrakos.
-
[33]
Compte tenu de la date du décret, ces attaques de pirates doivent être mises en relation avec les agissements d’Alexandre fils de Cratère qui s’est soulevé en Eubée contre son oncle Antigone Gonatas ; cf. D. Knoepfler, Décrets érétriens de proxénie et de citoyenneté, Eretria, XI, Lausanne, 2001, p. 328-334, n°XXV et commentaire, et J.-Chr. Couvenhes, « Érétrie, la garnison de Rhamnonte et Dikaiarchos, d’Antogone Gonatas à Démétrios II », Revue des études militaires anciennes, 6, 2013, p. 135-150.
-
[34]
Denis Knoepfler m’indique que « ce rayon de 60 stades (donc le double de la distance à laquelle était confinée l’action d’Épicharès), me paraît être l’indice qu’aucune armée ennemie n’occupait alors cette frontière de l’Attique, mais que le danger là aussi venait de la mer ». Je suis prêt à le suivre sur ce point.
-
[35]
Comme le souligne D. Knoepfler.
-
[36]
V. Pétrakos, IRhamnous, II, p. 26-28, n°20.
-
[37]
En 411, Phrynichos, un des Quatre-Cents, de retour de Sparte, est assassiné par un péripolos, dont le complice était un Argien : Thucydide, VIII, 92, 2 et 5.
-
[38]
Sur les péripoloi athéniens : P. Cabanes, « Recherches épigraphiques en Albanie : péripolarques et peripoloi en Grèce du Nord-Ouest et en Illyrie à la période hellénistique », CRAI, 135, 1991, p. 197-221 ; J.-Chr. Couvenhes, « Péripoloi, kryptoi et hypaithroi de la cité athénienne », dans J.-Chr. Couvenhes, S. Crouzet et S. Péré-Noguès (éds), Pratiques et identités culturelles des armées hellénistiques du monde méditerranéen, Hellenistic Warfare 3, Bordeaux, 2011, p. 295-306 ; sur les éphèbes hellénistiques, en dernier lieu : A. S. Chankowski, L’éphébie hellénistique. Étude d’une institution civique dans les cités grecques et les îles de la mer Égée et de l’Asie Mineure, Paris, de Boccard, 2010 ; sur la défense du territoire en général : A. Chaniotis, « Policing the Hellenistic Countryside. Realities and Ideologies », dans C. Brélaz et P. Ducrey (éds), Sécurité collective et ordre public dans les sociétés anciennes, Entretiens sur l’Antiquité classique, Fondation Hardt, Tome LIV, Genève, 2008, p. 103-153.
-
[39]
W. K. Pritchett, The Greek State at War, Univ. of California Press, 1971, p. 127-133.
-
[40]
Skopoi, guetteurs ; skopia, skopiè, skopè : poste d’observation ; skopiazo : guetter.
-
[41]
Pritchett indique que : « Polybios, although he uses skopos regularly for an established “lookout” man, in what seems to be a developed program of advance warning (1, 53, 8 ; 1, 54, 2 ; 3, 96, 1 ; 10, 32, 4), and skope as the “lookout spot” (1, 56, 6), employs kataskopeo for “reconnoiter” (3, 95, 6), and kataskope for scouting missions (3, 45, 1 ; 3, 95, 8), katopteis for surveillance of an enemy camp (3, 45,3 ; 10, 32, 1) and kataskopos for spying upon the enemy forces (1, 43, 7). Most of these examples do not apply to Greek army as such, but it is apparent that by this time the system of skopai is more highly developed » (p. 131).
-
[42]
Platon, Lois, VI, 762b-c.
-
[43]
Platon, Lois, VI, 762e-763a.
-
[44]
Sur tout cela, p. 283-291 qui cite les passages concernés.
-
[45]
Platon, Lois, VI, 763a-c.
-
[46]
Platon, Lois, VI, 760e-761a.
-
[47]
M. Piérart, Platon… , op. cit.
-
[48]
Ibid., p. 274.
-
[49]
Cf. par exemple P. Vidal-Naquet, « Le chasseur noir… », op. cit. (1981), p. 289-290, cité par D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit., p. 334, n. 40.
-
[50]
M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 278-283.
-
[51]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 335 : « Ce qui est sûr, c’est que les kryptoi, eux, devaient exister depuis le début du IIIe siècle au moins. Et qui sait si de telles unités n’étaient pas déjà en fonction sous ce nom à Athènes quand, vers 350, Platon évoquait avec tant de précision les kryptoi/agronomoi de la cité des Magnètes ».
-
[52]
Ravenne 137, 4, A, F° 169 verso. Sur cette scholie, cf. l’étude approfondie de J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 12-16 qui donne une photographie du manuscrit. J. Ducat s’interroge notamment sur la reprise, en marge droite de la scholie sous la forme : ἁπλῶς ἀντὶ τοῦ κεκρυμμένος.
-
[53]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 332 qui s’appuie sur W. G. Rutherford, Scholia Aristophanica II, 1896, p. 476.
-
[54]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 10 reconnaît d’ailleurs lui même que « l’avantage apparent de la lecture κρυπτοί dans la scholie est qu’elle permet d’économiser l’hypothèse d’un texte perdu d’Euripide », avant d’instruire en doute cette possibilité.
-
[55]
Sur ce manuscrit et ses lectures possibles : D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 332, qui préfère conserver κρύπτεται.
-
[56]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 33-36 qui préfère corriger κρύπται et rappelle également les autres propositions.
-
[57]
Bekker, Anecdota Graeca I, 1814, p. 273, l. 33.
-
[58]
J. Pouilloux, Recherches sur l’histoire et les cultes de Thasos, I, Paris, 1954, p. 115 : « Athènes entretenait même des services de renseignements secrets, si l’on en croit un scoliaste d’Aristophane. Les κρύπται étaient à Thasos des délégués clandestins du peuple athénien chargés de tenir la métropole au courant des événements intérieurs de la cité ».
-
[59]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 35-36 qui conclut « […] à Thasos, ces gens-là ne sont pas appelés péripoloi ni agronomoi, mais kryptai, et il y avait assurément une raison à cela, qui devait impliquer malgré tout une certaine ressemblance avec les cryptes spartiates. Laquelle ? Il est manifestement impossible de la dire. On pout aussi se demander si à Thasos ce nom de cryptes ne serait pas une survivance du passé, d’un passé où cette cryptie ressemblait à celle de Sparte, avant d’évoluer vers quelque chose comme une fonction confiée à certains jeunes de la cité ».
-
[60]
Il était précédé en cela par R. Meiggs, The Athenian Empire, Clarendon Press, 1972, p. 212 et suivantes (notamment p. 214) qui admettait difficilement l’existence de kryptoi à Thasos et par J. M. Balcer, « Imperial Magistrates in the Athenian Empire », Historia, 25, 1976, p. 256-287, en particulier p. 282-283 : « The reference in the Anecdota Graeca may well be nothing more than a vague reference to the duties of the Athenian Episkopoi ».
-
[61]
J.-Chr. Couvenhes, « Péripoloi, kryptoi et hypaithroi de la cité athénienne », dans J.-Chr. Couvenhes, S. Crouzet et S. Péré-Noguès (éds), Pratiques et identités culturelles des armées hellénistiques du monde méditerranéen, Hellenistic Warfare 3, Bordeaux, 2011, p. 295-306.
-
[62]
Texte 5 : Plutarque, Vie de Cléomène, 28, 4 (trad. de R. Flacelière et É. Chambry, légèrement modifiée par Éd. Lévy)
-
[63]
Jeanmaire : cf. supra, note 19 ; Vidal-Naquet [1968], p. 954, n. 1 considère que « Damotélès est, dans la Sparte du IIe siècle, sous Cléomène, le chef de la “cryptie”, c’est-à-dire du détachement préposé aux embuscades » ; P. Vidal-Naquet, « Le cru, l’enfant grec et le cuit », dans Le chasseur noir, Paris, 1981, p. 201 considère que malgré des caractéristiques rituelles évidentes, la cryptie possédait une « fonction effective » dont le but était de « favoriser par tous les moyens le maintien d’un État policier face aux révoltes endémiques de la population asservie de Messénie et de la Laconie elle-même » ; J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 54, résume bien le problème lorsqu’il écrit à propos de la cryptie de Sellasie : « On peut dans ces conditions tenir pour assuré que cette cryptie-là est une réalité d’un tout autre ordre que celle de Platon et Aristote. Cela ne veut pas dire qu’elles soient sans rapport : cela serait étonnant puisqu’elles ont le même nom. Deux possibilités s’offrent. Ou bien les deux crypties ont été successives, l’apparition de la seconde ayant coïncidé avec la disparition de la première ou même s’étant produite après un « vide » ; en ce cas on peut dire que l’institution a évolué, mais cette évolution a abouti à une métamorphose complète. Ou bien les deux crypties ont coexisté, au moins pour un certain temps ; en ce cas, pendant la période de coexistence, la cryptie ancienne manière a pu constituer une épreuve de recrutement et/ou une période d’entraînement en vue de l’autre. Le choix de la réponse peut dépendre de la date à laquelle on estime que la cryptie “classique” a cessé d’exister ».
-
[64]
M. Finley, « Sparte et la société spartiate », dans Économie et société en Grèce ancienne, Paris, La découverte, 1968 (2e éd. 1984), p. 36-51, qui écrit que « l’ancien rite d’initiation à l’âge de dix-huit ans fut rationalisé, c’est-à-dire réinstitutionnalisé, quand on le lia à une fonction nouvelle, une fonction policière, assignée à un corps d’élite de jeunes gens. Significativement, la police des Hilotes était un devoir des cryptes » (p. 41).
-
[65]
Chr. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique des origines à 31 av. J.-C., Paris, 1962, p. 7-79. Sur la ligne de partage entre « éphébie ancienne » et « éphébie nouvelle » qui peut s’expliquer, mais pas seulement, par deux approches différentes du phénomène, l’une « anthropologique », l’autre « épigraphique », on pourra lire les réflexions de A. S. Chankowski, L’éphébie hellénistique, Paris, 2010, p. 25-32 sur « Problème de méthode : apport de l’anthropologie historique ».
-
[66]
K. M. T. Chrimes, Ancient Sparta. A re-examination of the evidence, Manchester, 1949, p. 374-374 : « In the time of Plato and Aristotle the Krypteia was only known as a system of training for Young men, who were inured to all kinds of physical hardship by being compelled to fend for themselves in exposed country, in all seasons and all weathers. It was also darkly rumoured that they encouraged to waylay and kill Helots during these expeditions, which may or may not be true. But the interesting point to notice is that outside knowledge of the system stopped short at the preliminary training ; of its real purpose, no outsiders seem to have had the least idea ».
-
[67]
P. Cartledge, « A Spartan Education », dans Spartan Reflections, Duckworth, 2001, p. 88 : « A clandestine survival exercise superficially similar to the Krypteia is, I understand, prescribed today in the Western Isles of Scotland for recruits to Her Majesty’s Marines. With this, rather crucial, difference : that trainee Marines are not also expected or required to go around intimidating or murdering the local population, without provocation. For the Kryptoi, however, that was the main and immediate object of the exercise : to kill after dark, any of the Spartans’ enslaved Greek population of Helots whom they should accidentally-on-purpose come upon in either Lakonia or more especially Messenia ».
-
[68]
K.-W. Welwei, « War die Krypteia ein grausames Terrorinstrument ? Zur Entstehung einer Fiktion », Laverna, 15, 2004, p. 33-46.
-
[69]
St. Link, « Zur Entstehungsgeschichte der spartanischen Krypteia », Klio, 88, 2006, p. 34-43 qui cite J. Christien-Trégaro, « Les temps d’une vie... », art. cit., p. 70 et p. 71-72 mais reste surtout influencé par Welwei 2004.
-
[70]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 249.
-
[71]
Dans les inscriptions crétoises, le nombre de jours : 3.
-
[72]
On doit à J. Ducat d’avoir dégagé cette notion opérante de « mépris des hilotes » qui explique comment les Spartiates ont pu, durant des siècles, tenir asservie une population méprisée qui avait intégré ce code de conduite. Mais p. 1456-1457, il tire ce mépris du côté du rite d’initiation, parlant d’une chasse nocturne réalisée dans le cadre d’un rite de passage selon un procédé d’inversion mettant en scène un animal-proie capturé par un animal chasseur, à savoir le chien-hilote « tué » par le loup-crypte spartiate ; cf. aussi, J. Ducat, Les Hilotes, Bulletin de correspondance hellénique, Supplément 20, 1990, p. 121-125.
-
[73]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 247, n. 10.
-
[74]
F. G. Kenyon, « Fragment d’une Λακεδαιμονίων Πολιτεία (?) », Revue de Philologie, de littérature et d’histoire ancienne, 21, 1897, p. 1-4 ; B. Haussoullier, « Note sur le papyrus 187 du British Museum », ibid., p. 8-10 ; P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie des Lacédémoniens », Revue des études grecques, 11, 1898, p. 31-38 et s.v. « Krypteia », dans Daremberg-Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, III (1900), p. 872, n. 9, (nouvelles lectures du papyrus) ; H. J. M. Milne, Catalogue of the literary papyri in the British Museum, Londres, 1927, n°114, p. 88-89 ; M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 283-285 ; J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 20-30.
-
[75]
H. J. M. Milne, Catalogue of the literary papyri in the British Museum, Londres, 1927, n°114, p. 88-89.
-
[76]
J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 60.
-
[77]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 21 et suivante, mène des analyses de vocabulaire très intéressantes sur les pièces de vêtement mentionnées. On aimerait posséder davantage de parallèles afin de déterminer à quoi ces pièces correspondent exactement. Il me semble qu’on ne peut les cantonner au monde paysan ou aux basses couches de la société uniquement parce qu’elle seraient « grossières » ou « en peau ». Les soldats avaient également besoin de pièces robustes.
-
[78]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 22, note 29 qui renvoie à LesHilotes, op. cit., p. 111.
-
[79]
L’hypothèse de lire χ[λαμ]ύδα à la place de χ[λαν]ίδα est avancée par J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 22 qui néan- ̣ ̣̣ ̣ ̣̣ moins l’abandonne et préfère suivre la restitution de Milne.
-
[80]
Platon, Lois, VI, 760e.
-
[81]
P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie… », art. cit., p. 31-38, repris dans son article « Krypteia » du Daremberg-Saglio. Sur ce dernier point, cf. A. Andurand, « Paul Girard et le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines : parcours singulier ou portrait d’un contributeur-type ? », Anabases, 4, 2006, p. 181-187.
-
[82]
P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie… », art. cit., p. 36.
-
[83]
Cf. M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 283-285, notamment p. 284 et n. 112.
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[84]
cf. infra, p. 69.
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[85]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 251 suivi par J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 60-61.
-
[86]
Cf. supra, note 17.
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[87]
Xénophon, République des Lacédémoniens, IV. Sur les Trois-Cents Hippeis, cf. H. Jeanmaire, Couroi… , op. cit., p. 541- 545 qui y voit le corps de police par excellence de « l’État policier » qu’était Sparte (p. 545) ; N. Richer, Les éphores. Étude sur l’histoire de Sparte (VIIIe-IIIe siècle avant Jésus-Christ), Paris, 1998, p. 470-472 ; J. Christien-Trégaro, « Les temps d’une vie... », art. cit., p. 69-70.
-
[88]
J. Christien, « Sparte et la Péloponnèse après 369 B.C. Reconstruction de la Messénie », dans ΠΡΑΚΤΙΚΑ ΤΟΥ Ε’ ΔΙΕΘΝΟΥΣ ΣΥΝΕΔΡΙΟΥ ΠΕΛΟΠΟΝΝΗΣΙΑΚΩΝ ΣΠΟΘΔΩΝ (Αργος – Ναύπλιον 6-10 Σεπτεμβρίου 1995), ΤΟΜΟΣ Β’, Athènes, 1998, p. 433-467 étudie la nouvelle frontière entre la Messénie et Sparte ; elle poursuit cette réflexion de géographie historique dans « The Lacedaemonian State… », art. cit., p. 163-184.
-
[89]
J. Christien, « Les temps d’une vie… », art. cit., p. 71.
-
[90]
N. M. Kennel, The Gymnasium of Virtue : Education and Culture in Ancient Sparta, Univ. Of North Carolina, 1995 montre que l’agôgè classique a été largement reconstruite à partir des sources d’époque romaine, alors que bien de ses traits ne se mettent en place qu’à la période hellénistique – et notamment le terme agôgè lui-même, qui n’apparaît pas avant le milieu du IIIe siècle, du moins pour évoquer l’éducation spartiate.
-
[91]
Isocrate, Archidamos (VI), 76.
-
[92]
Platon, Lois, I, 633b-c (texte 1). Cf. aussi Lois, VI, 763b (texte 2), où les agronomes, sorte de patrouilleurs du territoire, sont appelés cryptes.
-
[93]
Isocrate, Archidamos (VI) 73.
-
[94]
Isocrate, Archidamos (VI) 74.
-
[95]
L’expression est de V. Azoulay, « L’Archidamos… », art. cit., p. 520 qui néanmoins conclut : « Ce rapprochement entre la cryptie et le projet du jeune Spartiate vient peut-être éclairer, en définitive, la présence d’Archidamos comme porte-parole des thèses isocratiques : au moment supposé du discours en 366, ce dernier est encore jeune – il a alors un peu plus de trente ans – et la stratégie guerrière qu’il propose est en relative adéquation avec sa classe d’âge, bien que lui-même n’ait, sans doute, jamais été crypte. Les rapports entre l’auteur réel, Isocrate, et l’orateur fictif, Archidamos gagnent, nous semble-t-il, à être appréhendés sous cet angle ».
-
[96]
V. Azoulay, « L’Archidamos… », art. cit., p. 521, voit dans ce passage la mention d’une troupe d’élite.
-
[97]
Cf. supra note 74.
-
[98]
F.G. Kenyon, « Fragment… », art. cit., p. 1.
-
[99]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 28.
-
[100]
F.G. Kenyon, « Fragment… », art. cit., p. 3 ; B. Haussoullier, « Note… », art. cit., p. 10.
-
[101]
P. Girard, « Un texte inédit… », art. cit.
-
[102]
H. J. M. Milne, Catalogue… , op. cit., p. 88, qui attribue le texte à Éphore et considère qu’il est également le texte d’une Constitution des Crétois.
-
[103]
M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 284-285.
-
[104]
En dernier lieu, on se reportera à l’étude très approfondie de J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 20-30 : « nous avons à cet endroit, qui n’est ni Sparte, ni une cité crétoise, quelque chose qui ressemble véritablement à la cryptie » (p. 30) ; « Je n’ai dans ces conditions aucune envie de soutenir que Thasos est la cité dont parle le papyrus, quoique ce soit après tout possible » (p. 30).
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[105]
Cf. supra.
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[106]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 28-29 revient sur cette question et va dans le sens de Girard et Haussoullier.
-
[107]
À partir de κατεπλη, Kenyon et Haussoullier restituaient un aoriste 2 passif, κατεπλάγην, alors que Girard restituait κατέπληξε, mais tous trois considéraient, d’une manière ou d’une autre, la surprise manifestée par Agésilas face à l’endurance (qu’ils prenaient pour une éducation) manifestée par les hommes soumis au régime décrit ; Milne lisait κατέπλητ̣τ̣ε̣τ̣ο̣… et conservait l’idée que Agésilas « était frappé d’une stupeur admirative » (sur cela, cf. en dernier lieu J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 29).
-
[108]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 29-30 auquel nous renvoyons.
-
[109]
On se souvient que Paul Girard, « Sur la cryptie… », art. cit., p. 34, pensait déjà que son auteur ne pouvait pas être un historien, ce que rappelle avec raison J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 21, que nous suivons : à défaut de pouvoir en dire plus, on admettra qu’il s’agit probablement d’un « moraliste/médecin ».
-
[110]
Xénophon, Helléniques, VI, 4, 18, raconte comment, peu après la défaite de Leuctres, les Spartiates envoyèrent Archidamos avec une armée de secours en Béotie.
-
[111]
K. M. T. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 375-376.
-
[112]
Sur l’étymologie, Ibid., p. 378-379.
-
[113]
Ibid., p. 251 : « They (s.c. les Skiritai) are mentioned together with, but distinguished from, the ‘newly enfranchised’ and the perioicoi at the time of the first Spartan expedition against Olynthus, under Eudamidas, which seems to confirm that they are not a specially equipped body of Spartans, but simply the inhabitants of a frontier district subject to Sparta ».
-
[114]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 246, n. 4.
-
[115]
Ibid., p. 246, n. 5.
-
[116]
Ibid., p. 247, n. 13.
-
[117]
Ibid., p. 247, n. 7.
-
[118]
Ibid., p. 247, n. 8.
-
[119]
Ibid., p. 247, n. 9.
-
[120]
Ibid., p. 247, n. 10.
-
[121]
Ibid., p. 247, n. 11.
-
[122]
Ibid., p. 247, n. 12.
-
[123]
Ibid., p. 246, n. 6.
-
[124]
Éd. Levy, « La kryptie… », art. cit., p. 246, rajoute (sic) à κρύπτεια, de même que M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 280, n. 94.
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[125]
On pourrait lire ̣χ[λαμ]̣ύ̣δα à la place de ̣χ[λαν]̣ί̣δα. Cf. supra, p. 000, note 79.
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[126]
Éd. Levy, « La kryptie… », art. cit., p. 248, n. 14, qui suit l’édition Kenyon, reproduit καρβατίνας ; de même, il reproduit au début du passage : … παρ]αβαλόντες καὶ…
1 On n’épuise pas la question de la cryptie spartiate dans un article. La raison en est double. D’une part, depuis maintenant plus de cent cinquante ans, de très nombreux historiens s’intéressent à la cryptie : il y a donc une dimension historiographique du sujet, dont il faut tenir compte, et il faut avoir beaucoup lu ces prédécesseurs, dont certains ont contribué au présent volume [1]. D’autre part, les sources à notre disposition, exclusivement littéraires, sont finalement peu nombreuses [2] et suffisamment « contradictoires » pour que la cryptie puisse être, au minimum, « mise en question » [3].
2 L’image qui ressort des nombreuses études menées par les savants est en effet très contrastée. Historiographiquement, il est tentant de définir un premier courant d’études qui font des cryptes des soldats affectés à la défense du territoire [4]. Ce courant prend sa source en 1835, lorsqu’Hermann Koechly présenta pour la première fois la cryptie spartiate comme une sorte de garde mobile affectée à la surveillance du territoire, peut-être à certains travaux de défense et très certainement à des activités de police, menées de manière répressive, notamment à l’encontre des hilotes [5]. Koechly considérait que la cryptie se rapprochait de l’agronomie de la cité idéale de Platon [6]. Selon le savant allemand, les jeunes hommes qui y participaient devaient s’occuper de l’aménagement et de la fortification du territoire. C’est une thèse analogue qu’a défendue Paul Girard, à la suite du témoignage d’un papyrus fragmentaire du British Museum sur lequel nous aurons à revenir [7]. Pour sa part, Henri Wallon, s’inspirant en partie du témoignage de Plutarque (texte 4), décrivait la cryptie comme une loi de couvre-feu destinée aux hilotes [8]. Plus récemment, des historiens tels que Kathleen M. T. Chrimes, Humphrey Michell, Arnold H.M. Jones, ont décliné différentes images du crypte, respectivement éclaireur [9], « agronome » [10] ou fantassin léger [11]. Paul Cartledge, dans son Agésilas, considère la cryptie comme une véritable répression anti-hilotique, dirigée principalement contre les hilotes messéniens, tout en faisant de la cryptie un rite initiatique [12]. Parmi les prises de position récentes, depuis une petite quinzaine d’année, Édmond Lévy [13], Denis Knoepfler [14] et Jacqueline Christien [15], avec des nuances parfois importantes, sont plutôt à ranger dans ce premier courant.
3 Pourtant, à partir de 1913, à la suite d’un article d’Henri Jeanmaire qui fit grande impression [16], se développa un deuxième courant qui faisait de la cryptie un rite initiatique. Le point central du raisonnement portait à la fois sur le sens à donner à la tristement célèbre chasse aux hilotes [17] ainsi que sur les très difficiles conditions dans lesquelles s’opérait l’exclusion temporaire des cryptes aux marges de la cité [18]. Par comparatisme avec d’autres sociétés primitives connaissant des initiations semblables, Jeanmaire fit de la cryptie un rite de passage. Dans son article de 1913, le savant considérait que la cryptie était « la dernière phase de l’initiation lacédémonienne, celle où le jeune homme, après l’entraînement méthodique des premières années (i.e. l’agôgè), est voué à une période de retraite qui doit précéder l’accomplissement des derniers rites » [19]. En 1939, délaissant l’idée d’un « rite de puberté », adressé à tous, Jeanmaire considéra désormais la cryptie comme un rite d’admission à une société secrète ou à une confrérie. L’initiation que constitue le meurtre de l’hilote, partie intégrante du cycle, était donc réservée aux meilleurs. S’appuyant sur les parallèles des hommes-panthères, des confréries secrètes de l’ouest africain, ainsi que sur ceux des loups-garous du folklore européen, Jeanmaire estima que la Grèce archaïque avait également connu des confréries d’hommes-loups, confréries constituées d’individus qui, après avoir été initiés, menaient pendant un certain temps le mode de vie sanguinaire du loup. Comme l’a souligné également H. Jeanmaire, une telle conception de la cryptie n’empêche pas qu’elle ait pu être employée, à l’occasion, à des fins de police politique, mais le savant pensait qu’elle n’avait pas été créée dans ce but. Cela n’exclut pas non plus que les cryptes aient fourni, en cas de besoin, un corps d’éclaireurs ou d’auxiliaires de l’armée, comme semble l’indiquer un passage de Plutarque (texte 5). En réalité, le caractère originel de la cryptie aurait été altéré avec le temps, au point de devenir un « organe quasi-officiel » de l’État [20].
4 Tel était le système jeanmérien, approuvé par A. Brelich [21] et sur lequel s’appuya Pierre Vidal-Naquet, dans une étude de 1968 qui connut elle aussi des évolutions [22] et dans laquelle le savant français tentait de retracer les origines de l’institution éphébique athénienne à travers différents récits mythiques. Vidal-Naquet contribua ainsi à faire de la cryptie une institution symétrique inverse de l’institution hoplitique, dans une perspective structuraliste qui eut pour effet de figer le système proposé par Henri Jeanmaire [23]. Jean Ducat, que je range volontiers dans cette lignée, s’est penché sur la question dans son article fondateur de 1974 sur le mépris des hilotes [24], comme dans ses deux articles de 1997 [25] ou sa monographie de 2006 [26] : Jean Ducat accepte le caractère « clairement rituel » de la cryptie tel qu’il a été défini par Jeanmaire, souscrit aux inversions caractéristiques repérées par Vidal-Naquet mais insère la cryptie dans un rituel plus large, celui « du mépris envers les hilotes ». Non seulement les cryptes devaient assassiner des hilotes, mais ce meurtre était l’une des fins principales de l’initiation, qui de ce fait, en tant qu’initiation, ne peut être considérée comme simple entraînement ou pratique de police politique. Car la véritable finalité d’une institution aussi « gratuite » que la cryptie reste la sélection continue des élites qui débutait avec l’agôgè et culminait avec l’élection à la gérousia.
5 Voici donc, résumées à grands traits, les représentations des cryptes et de la cryptie dans l’historiographie. À partir de là, je souhaite développer quelques réflexions sur les kryptoi spartiates qui, par certains aspects, ressemblent à leurs cousins athéniens.
6 1- À la manière des ethnologues, je vais d’abord préciser d’où je parle : je parle depuis Athènes [27].
7 À ce jour, les kryptoi sont attestés à trois reprises dans les documents du corpus des inscriptions des garnisons de l’Attique. La découverte d’un nouveau fragment du décret des Rhamnousiens en l’honneur d’Épicharès (268/7) a permis à D. Knoepfer, reprenant une suggestion d’Y. Garlan qui n’avait pas trouvé d’écho [28], de restituer avec certitude la mention de ce corps de troupe aux lignes 9-10 de la célèbre inscription de Rhamnonte [29].
8 Voté par les démotes de Rhamnonte au début de la guerre de Chrémonidès, les considérants de ce décret nous apprennent qu’Épicharès a protégé le territoire autour du dème-garnison de Rhamnonte, qu’il fit construire à ses frais deux tours de garde et un portique, qu’il installa son poste de commandement dans le sanctuaire de Némésis à Rhamnonte, qu’il fit importer une grande quantité de grain qu’il distribua aux citoyens et aux soldats, qu’il négocia une entente pour la libération de prisonniers enlevés par des pirates, et qu’il mit des baraquements à la disposition des troupes lagides que Patroclos avait envoyées en renfort aux Athéniens.
9 L’action des cryptes athéniens correspond aux lignes 8 à 11 :
8 καὶ τὸν σιτ[ικόν καὶ] τοὺς ξυλίνους καρποὺς μέχρι τριάκοντα σταδίων συνεκόμισεν
τοῦ [στ] ρατο [πέδου ὄν]τος [ἐν τεῖ] χώραι, καταστησάμενος κρυπτούς ἐπὶ τὰς σκο- vacat
[πιὰς, παρεϕε]̣δρεύων αὐτὸς ̣μετὰ ̣τῶν στρατιωτῶν ὅπως ἀσϕαλῶς γένηται
[συγκομιδὴ τῶν κ]αρ̣πῶν τοῖς γεωργοῖς ·
Traduction : « il a assuré la récolte de céréales et de fruits dans un rayon de trente stades (environs 5 à 6 km), alors que l’armée (ennemie) se trouvait dans le territoire (il s’agit de l’armée de Gonatas), plaçant des kryptoi à des postes d’observation (καταστησάμενος κρυπτούς ἐπὶ τὰς σκοπιὰς) et montant lui-même la garde avec ses soldats, afin que les récoltes des produits de la terre s’effectuent en toute sécurité pour les paysans »
12 Le dispositif de défense semble être celui de deux cercles concentriques : un premier cercle de 30 stades, soit l’équivalent d’environ une heure de marche pour une armée d’incursion. Ce cercle correspond vraisemblablement à ce que des inscriptions plus tardives appellent la Rhamnousia, c’est-à-dire le finage (au sens géographique et agricole du terme) de Rhamnonte [30]. Un deuxième cercle, en avant du premier, est vraisemblablement le domaine des kryptoi, qui ont été placés ἐπὶ τὰς σκοπιὰς, dans des « guettes » ou des « postes d’observation ».
13 Un décret inédit pris par les démotes et les Athéniens résidant à Rhamnonte en l’honneur du stratège Archandros et daté de l’archonte Diomédon (248/7-244/3) confirme ce dispositif et livre des indications supplémentaires sur le corps des kryptoi athéniens [31]. Je remercie Denis Knoepfler d’avoir bien voulu me communiquer par courrier des indications précieuses sur ce texte dont la publication est attendue [32]. Le décret honore l’action du stratège athénien qui a organisé la défense du dème alors que le « pays était plein de pirates » [33]. Les considérants du décret mentionnent qu’Archandros n’a pas fait venir les kryptoi d’Athènes mais les a recrutés parmi ses soldats (ek tou arithmou). Par ailleurs, le stratège athénien a affecté les plus âgés (presbutéroi) des citoyens et des métèques (donc des habitants du dème) au service de la garnison en les associant aux phrouroi déjà en place, tandis que les plus jeunes (les néôtéroi) étaient envoyés epi tèn skopen. Le texte indique qu’Archandros « rend utiles » les kryptoi en les plaçant dans celles des guettes (tôn skopôn) qui étaient « les plus appropriées » alors que les soldats professionnels, les paroikoi et les stratiôtai, sont envoyés faire des rondes (ephedreiai) pour permettre la récolte des xylinoi karpoi, dans un rayon de 60 stades [34].
14 Le processus de recrutement des kryptoi s’effectue par sélection à partir de l’ensemble des soldats (stratiotai), disponibles dans la forteresse ; les paroikoi ne semblent pas concernés. Ce processus de sélection est dicté par les circonstances troublées du moment. L’activité des kryptoi apparaît comme une spécialisation mais il n’y a pas de différence de nature entre les kryptoi et les soldats, simplement une différence d’affectation. Ainsi, deux corps de troupe sont articulés pour garantir la surveillance des zones cultivées et des pâturages et assurer la sécurité des troupeaux et des personnes : les kryptoi, envoyés dans des positions situées aux frontières de la zone de surveillance et les stratiotai et paroikoi, envoyés patrouiller depuis la forteresse dans la zone de surveillance. À ces soldats professionnels s’ajoute une milice civique constituée des jeunes et vieux citoyens et métèques du dème. Le décret établit une distinction nette entre « la guette » (epi tèn skopen, au singulier) qui servit de lieu d’affectation des plus jeunes des citoyens et « les guettes » (tôn skopôn, au pluriel) où sont déployés les kryptoi [35]. Denis Knoepfler m’indique que « ces skopai devaient donc être plus éloignées et partant plus dangereuses que “La Guette” dont la garde était confiée aux jeunes citoyens encore relativement inexpérimentés ».
15 Enfin, une troisième inscription découverte à Rhamnonte porte un décret des kryptoitois tétagmenois hupo Philothéon, daté soit de 233/2, soit de 232/1 (archonte Mnéseidès) [36]. Le texte montre que les kryptoi dépendaient du stratège de la paralie Philothéos (c’était déjà le titre d’Épicharès), à qui ils octroyèrent l’éloge et une couronne d’or. Les décisions prévoient la consécration de deux stèles, l’une à Rhamnonte et l’autre à Sounion. Cette double consécration démontre l’étendue de la zone d’exercice de ces soldats. Dans le même décret, ils honorèrent aussi leur « chef » (hégémon) ainsi qu’un secrétaire (grammateus). Ce dernier était-il un secrétaire attaché à la troupe, à la garnison de la forteresse ou bien au stratège ? Il ne semble pas possible de trancher. L’étude prosopographique, difficile compte tenu de l’état de la pierre, permet enfin d’établir que le corps des kryptoi attiques est composé à la fois de citoyens athéniens et d’étrangers (on voit apparaître au moins un Mégarien, un Sinopéen, un Platéen), sans qu’il soit possible de déterminer dans quelle proportion. Cette mixité est une caractéristique que les kryptoi athéniens partagent avec les péripoloi « les patrouilleurs » connus par différentes sources à Athènes dès le Ve siècle : durant la guerre du Péloponnèse ils étaient aussi constitués d’étrangers (épisode du meurtre de Phrynichos [37]) ; au IVe siècle, les péripoloi étaient des soldats athéniens, des mercenaires, et pour une part, des éphèbes [38].
16 Dans ces trois documents, dont l’un reste inédit, les kryptoi apparaissent assez nettement comme un corps de troupe envoyé au plus près de l’ennemi, dans des « guettes ». La troupe est composée d’Athéniens et d’étrangers, dont la mission était d’assurer une surveillance du territoire, sous couvert de camouflage, en liaison avec d’autres troupes, visibles celles-ci, qui protégeaient les abords de la forteresse.
17 Les décrets ne donnent jamais une image dynamique de la guerre mais au mieux des dispositifs statiques de défense. La question qui se pose est de savoir si les kryptoi athéniens se contentaient de simples missions de reconnaissance ou s’ils devaient également défendre des positions. La réponse n’est pas aisée. Servaient-ils à dénombrer l’ennemi pénétrant [ἐν τεῖ] χώραι et à prévenir l’arrière de se réfugier dans la forteresse et abandonner les récoltes ? C’est une hypothèse, acceptable, qui consiste à considérer les kryptoi comme des skopoi ou des « scouts », c’est-à-dire des éclaireurs. Mais s’il faut être caché pour voir sans être vu, ne pas être vu permet sans doute aussi d’intervenir. La seconde hypothèse consisterait à faire des kryptoi athéniens une sorte de commando qui intercepterait l’avant-garde de l’armée ennemie pour la retarder ou se consacrerait à des activités de génie pour gêner la pénétration adverse et faciliter la progression de l’armée de défense.
18 L’insistance des décrets à évoquer des « guettes » (skopai) pourrait faire pencher l’analyse du côté des kryptoi-skopoi, c’est-à-dire des cryptes éclaireurs. Un détour par l’étude du vocabulaire relatif à « l’observation » menée en temps de guerre s’avère nécessaire. En 1971, W. K. Pritchett a consacré un chapitre dans le premier volume de son ouvrage The Greek State at War, aux éclaireurs (« scouts ») et aux corps de troupe spécialisés dans le renseignement (chap. X) [39]. Le savant britannique a mené cette étude de vocabulaire [40] et a constaté 1) que la plupart des mots évoquaient simplement l’action de guetter ou de surveiller l’ennemi, sans aucune idée de mouvement, mais 2) qu’aucune troupe ne correspondait vraiment à cette fonction. Dans un extrait de la Cyropédie (63, 2), par exemple, Xénophon a employé le mot skopos pour désigner des « guetteurs » en mission de reconnaissance, mais ces skopoi sont issus de l’armée, ils n’appartiennent pas à un corps spécialisé. De même, dans la Cyropédie (3, 2, 1) et l’Anabase (6, 3, 14), l’activité de reconnaissance est confiée à la cavalerie. Selon, Pritchett, les occurrences les plus intéressantes se trouvent chez Polybe : ces quelques occurrences manifesteraient le développement d’un véritable corps d’éclaireur, un système de skopai [41] à une époque où la recherche de renseignements et la reconnaissance du terrain seraient devenues un aspect plus important de la conduite de la guerre.
19 À cette évolution pressentie par Pritchett, je suis tenté d’objecter plusieurs faits. D’abord, la reconnaissance du terrain a toujours été primordiale sur un champ de bataille, y compris sur celui de Marathon, où les Grecs observent longuement les Perses avant d’attaquer. La reconnaissance du terrain n’est certainement pas un élément spécifiquement hellénistique. Dans sa relation des faits, le « colonel Polybe », comme le qualifiait A. Momigliano, est sensible à cet aspect de la guerre mais doit-on voir là l’indice d’une évolution des corps de troupe à l’époque hellénistique ? Le recrutement des kryptoi par Archandros à Rhamnonte, certes dans ces circonstances exceptionnelles, ne donne pas l’image d’une troupe à ce point spécialisée. Enfin, et surtout, étymologiquement, les kryptoi athéniens ne peuvent être considérés comme de simples guetteurs.
20 Ceux que l’on pourrait qualifier de « cachés », plus justement encore de « camouflés », ne constituaient-ils pas aussi une troupe d’exploration et de génie, ou bien encore une troupe d’intervention ? Les documents épigraphiques ne permettent il est vrai aucune certitude. Pourtant, dans cette étude des kryptoi athéniens, plane le fantôme des agronomes platoniciens. Pour le philosophe athénien du IVe siècle, ces magistrats affectés à la chôra de sa cité imaginaire des Magnètes, selon un principe de répartition en 12 secteurs, sont tenus de vivre en commun avec les phrourarques et les gardiens [42] : ils doivent mener une vie rude, sans serviteurs, n’utilisant la main-d’œuvre locale que pour les travaux publics (texte 2) [43] ; leurs fonctions, comparables à celles des astynomes, peuvent concerner l’urbanisme, l’approvisionnement en eau, la surveillance et la police, la justice, mais l’essentiel de leur mission porte sur la garde de la chôra contre les ennemis [44] ; les jeunes effectuent des patrouilles en armes dans les divers secteurs [45] ; ils effectuent aussi des travaux de défense : tranchées, fortifications, murailles [46]. Platon s’est sans doute inspiré d’institutions existantes à son époque, mais les a remaniées selon un degré plus ou moins important que l’historien s’essaye à reconnaître [47]. Ainsi, par certaines de leurs fonctions et leur mode de recrutement, les agronomes de la cité de Magnètes ont-ils pu être comparés aux éphèbes athéniens, mais leur âge diffère et, comme le rappelle M. Piérart, « on est frappé au moins autant par les différences que par les ressemblances qui existent entre les institutions » [48].
21 Platon, Lois, VI, 763b, hésite dans la dénomination de ces gardiens de la chôra que sont les agronomes : « ces gens-là donc, eux et leur activité, qu’on les appelle kryptes, agronomes ou du nom qui plaira… » (texte 2). La majorité des commentateurs a considéré que ces « kryptes » se référaient aux cryptes lacédémoniens [49]. On sait que Platon a été influencé par les réalités spartiates. Pourtant, un seul passage des Lois (I, 633b-c) évoque explicitement la cryptie lacédémonienne, et seulement dans son aspect militaire, comme un exercice d’endurance (texte 1). De là, les commentateurs considèrent que le rapprochement opéré par Platon entre les cryptes lacédémoniens et les agronomes s’explique par un caractère militaire commun, lié à la défense du territoire [50]. Mais considérer une identité parfaite entre les deux institutions conduit à une aporie aussi certaine que de voir dans les agronomes des éphèbes athéniens.
22 On peut même s’interroger sur la réalité dont s’inspire Platon. Est-elle de nature spartiate ou spécifiquement athénienne ? Se trouve ainsi posée la question de la date d’apparition des kryptoi athéniens. On pourrait, en effet, être tenté d’envisager une réalité athénienne à la cryptie, dès l’époque de Platon ou même dès avant cette époque. Denis Knoepfler, par exemple, tend à conclure à l’existence d’une « véritable krypteia attique » et n’est pas loin de penser en 1997 que l’institution aurait pu exister indépendamment de la cryptie lacédémonienne au milieu du IVe siècle à Athènes [51].
23 Sur les origines de la cryptie athénienne, il convient de faire un détour par une scholie à Aristophane, Thesmophorie, 600 et par une question épineuse de vocabulaire. Dans le manuscrit de Ravenne des Thesmophories, on peut lire, en marge gauche : ἀντὶ του κεκρυμμένος. Καλοῦνται μὲν γὰρ καὶ κρύπται παρὰ Πλάτωνι τῷ ϕιλοσοϕῳ καὶ παρ᾽ ᾽Ευριπίδη καὶ ἐν ταῖς Λακεδαιμονίων Πολιτείαις. Καὶ ἐν Θάσῳ ἀρχή τις κρύπτεται [52]. Selon la Scholie, le mot κρύπτης au pluriel (κρύπται) se trouverait chez Platon, chez Euripide et dans les Lakedaimoniôn Politeiai. Reprenant les analyses des éditeurs précédents, D. Knoepfler considère que le pluriel du mot κρύπτης est impossible puisque le singulier lui-même, accentué de cette manière, est une vox nihili : il s’agit tout simplement d’un barbarisme introduit par le copiste, là où l’on s’attendrait à trouver κρυπτοί [53]. Soucieux d’établir les intentions de la scholie, et considérant qu’un « mot grec, même peu usité, est toujours chose précieuse », J. Ducat maintient contre D. Knoepfler la possibilité de ὀ κρύπτης. Personnellement, la lecture de D. Knoepfler me semble répondre à un principe d’économie plus satisfaisant [54] : peut-être se fait-elle au détriment du « malheureux κρύπτης », mais n’est-il pas nécessaire de trancher ?
24 Dans la question des origines de la cryptie athénienne, le sort à réserver à la fin de la scholie est plus déterminant encore, selon que l’on adopte le point de vue de D. Knoepfler ou celui de J. Ducat. Les principaux éditeurs conservent le καὶ ἐν Θάσῳ ἀρχή κρύπτεται que l’on peut lire sur le manuscrit de Ravennes et que l’on peut traduire par « à Thasos aussi il existe une magistrature qui agit en secret » [55]. D’autres commentateurs préfèrent corriger κρύπτεται, notamment en κρύπται, comprenant « à Thasos aussi il existe une magistrature qui sont les cryptes » [56]. Partisan de la deuxième solution, J. Pouilloux s’était appuyé sur cette scholie et l’entrée κρυπτή des Lexeis Rhétorikai [57] pour considérer l’existence d’une archè des κρύπται à Thasos : il y voyait les agents d’un service de renseignement secret athénien du temps de la première ligue attico-délienne [58] et permettait de placer au Ve siècle un modèle de cryptie athénienne. D. Knoepfler a établi de manière certaine que le rapprochement opéré par J. Pouilloux entre la scholie et les Lexeis Rhetorikai n’était pas valide dans la mesure où rien n’indique que les deux sources traitent de la même réalité institutionnelle, et en tout cas pas d’une réalité appelée « cryptie ». J. Ducat considère l’objection de D. Knoepfler comme valable mais préfère voir dans la scholie la porte ouverte à une réalité thasienne de la cryptie plutôt que l’existence d’une réalité athénienne en territoire thasien [59]. Comme Pouilloux, D. Knoepfler était plutôt enclin à admettre l’existence d’une magistrature athénienne agissant de manière secrète, distincte ou non « des épiskopoi, phrourarchoi et autres ἄρχοντες έν ταῖς πόλεσιν connus dans l’Empire athénien » mais dont on ignore encore à ce jour le nom [60].
25 De tout cela il ressort, me semble-t-il, que les attestations d’une institution appelée cryptie dans un contexte athénien, et ce antérieurement à Platon, restent peu assurées. Il est surtout frappant de constater que Xénophon, contemporain de Platon, auteur athénien d’une Lakedaimoniôn Politeia, ne mentionne jamais dans aucun de ses écrits ni les cryptes spartiates, ni les kryptoi athéniens.
26 J’ai moi-même tenté une approche différente de la question de la date d’apparition des kryptoi athéniens [61]. J’ai ainsi cherché à comparer les différentes troupes impliquées dans la protection du territoire (la phylakè tès chôras) sur le temps long, du Ve au IIe siècle : peripoloi au Ve et IVe siècle, kryptoi entre 267 (terminus post quem) et 232/1 (terminus ante quem) et hypaithroi, après la libération de 229. Des ressemblances, mais également des différences, apparaissent entre ces trois corps de troupe spécialisés, constitués de soldats aguerris ou professionnels, dont la mission reste toutefois à peu près le même. Par exemple, la libération de 229 (en réalité entamée dès 235 à Éleusis) constitue une rupture forte dans la vie militaire athénienne : on peut se demander si l’unité des kryptoi n’a pas alors été remplacée par la troupe des hypaithroi, « ceux qui dorment à la belle étoile », documentée par plusieurs décrets de la fin du IIIe siècle. De la même manière, les kryptoi semblent apparaître au moment même où l’on perd la trace des péripoloi dans notre documentation. Pour expliquer le passage des péripoloi aux kryptoi, je me suis demandé si le modèle des kryptoi n’avait pas pu être transféré depuis Sparte par le biais de la guerre de Chrémonidès, puisque durant ce conflit, Athènes et Sparte étaient alliées. La question méritait d’être posée, mais la réponse n’est pas aisée et reste incertaine. Seule une attestation ferme et évidente des kryptoi athéniens antérieurement à celles que nous possédons permettrait de faire avancer le débat.
27 2) Revenons à Sparte, à une époque à peine postérieure à celle des kryptoi athéniens. Un bref passage tiré de la Vie de Cléomène (28, 4) (texte 5), où Plutarque fait le récit de la bataille de Sellasie, qui opposa les Spartiates commandés par leur roi Cléomène à l’Alliance hellénique, en 222, signale une unité, commandée par Damotélès, « préposé à la cryptie » (ton epi tès krupteias). Ces deux lignes doivent être replacées dans le contexte de la bataille : je cite Plutarque, qui tire ce récit de Phylarque : « Antigone [i.e. Gonatas] avait ordonné aux Illyriens et aux Acarnaniens d’opérer secrètement un mouvement tournant pour encercler celle des deux ailes de l’ennemi que commandait Eucléidas, le frère de Cléomène ; après quoi il rangeait le reste de son armée en ordre de bataille ; Cléomène, du poste d’observation où il se trouvait, ne voyant nulle part les troupes illyriennes et acarnaniennes, craignit qu’Antigone ne les utilisât pour quelques manœuvres de ce genre ; il appela donc Damotélès, le préposé à la cryptie et lui ordonna d’aller voir et examiner ce qui se passait à l’arrière et autour de ses lignes. Damotélès (qui avait auparavant à ce qu’on dit été corrompu à prix d’or par Antigone) prétendit qu’il n’y avait pas à s’inquiéter, que tout allait bien et qu’il fallait seulement s’occuper de ceux qu’on voyait en face de soi pour les repousser ; Cléomène le crut et marcha contre Antigone... » [62].
28 Incontestablement, Damotélès se voit confier par Cléomène une mission de renseignement et de reconnaissance. Le but semble être ici de voir sans être vu, de saisir une information et de la ramener au roi. La mission était d’importance puisque, à en croire Plutarque, la trahison de Damotélès fut la principale cause de la défaite de Cléomène : les troupes de Gonatas remportèrent une écrasante victoire, à laquelle survécurent à peine 200 des 6 000 Lacédémoniens présents (Spartiates, Inférieurs, périèques, néodamodes et hilotes confondus). Il est très révélateur que Gonatas ait soudoyé le « préposé à la cryptie » : cela montre toute l’importance que pouvait avoir ce corps de troupe. Car la mission de Damotélès se résumait-elle à un simple service de renseignement ? Damotélès n’avait-il pas aussi pour mission d’intercepter et de retarder la progression d’une troupe ennemie repérée en attendant le renfort du reste de l’armée. Il est très difficile de répondre à cette question, mais il est frappant de constater que Gonatas savait que le corps des cryptes spartiates était un élément clé du dispositif militaire de Cléomène.
29 Le rapprochement entre les cryptes spartiates de Sellasie et les kryptoi athéniens des inscriptions du IIIe siècle est tentant. Les deux corps de troupe semblent pouvoir partager des fonctions comparables de renseignement, de reconnaissance et vraisemblablement aussi d’intervention active. À l’époque hellénistique, les kryptoi athéniens comme les kryptoi spartiates peuvent être considérés, sinon comme un « commando d’élite », du moins comme une troupe spécialisée affectée à la défense du territoire, celui contrôlé par une forteresse (à Rhamnonte) ou bien celui tenu par une armée en campagne (à Sellasie).
30 3) Laissons maintenant les kryptoi athéniens et leurs homologues spartiates d’époque hellénistique, que je qualifierais volontiers de kryptoi eux aussi, plutôt que de cryptes, pour nous concentrer sur la cryptie spartiate d’époque classique. Je formulerai trois remarques sous la forme de trois questions.
31 1re question : Quel rapport entre les cryptes de Sellasie et les cryptes de l’époque archaïque et classique ? Selon l’école à laquelle on appartient, on doit considérer en toute logique deux positions possibles. Première position : pour l’école anthropologique, la cryptie hellénistique est « autre chose », une deuxième cryptie qui a pu un temps coexister avec la cryptie « initiatique », ou bien lui succéder, de manière plus ou moins directe. Tous les auteurs favorables à la « cryptie initiatique » ont vu cette difficulté : Jeanmaire, Vidal-Naquet et J. Ducat l’ont résolue à leur façon, préservant le système jeanmairien d’une cryptie destinée avant tout à servir de rite d’initiation, mais pouvant évoluer vers un usage plus militaire [63]. Un auteur que je n’ai pas encore cité, Moses Finley, s’étonnant du fait qu’une pratique aussi archaïque que le meurtre d’un hilote – en tant que meurtre a valeur probatoire – se soit perpétuée jusqu’à l’époque classique, a émis l’hypothèse qu’à une époque reculée (VIe siècle ?) on avait réinstitutionnalisé certains rites archaïques et donné à la cryptie cette nouvelle fonction policière [64]. Je rappelle qu’un débat similaire existe à propos de la cité athénienne, portant cette fois sur les liens qui ont pu exister entre éphébie ancienne et éphébie nouvelle : depuis Pélékidis on s’accorde à penser qu’il existait à Athènes une éphébie archaïque mais que celle-ci fut réorganisée en 335, par la réforme d’Epikratès, après la défaite de Chéronée [65].
32 Deuxième position : pour les tenants d’une vision que nous dirions volontiers plus « positiviste », la cryptie spartiate hellénistique est la révélation ou la continuation de ce qu’est la cryptie classique qui n’est dès lors plus qu’une troupe assurant la surveillance et la police du territoire ; c’est la position de Chrimes, qui toutefois concède qu’il y avait des rumeurs de meurtres d’hilotes, sans que l’on puisse savoir si elles sont vraies ou non [66] ; c’est également, d’une certaine façon, la position de P. Cartledge lorsqu’il établit avec humour la comparaison entre les cryptes et un commando d’élite chargé de la surveillance du territoire [67]. Récemment, Karl-Wilhelm Welwei a considéré que la chasse aux hilotes menée par les cryptes, représentée comme un « atroce instrument de terreur », n’était en réalité qu’une fiction née chez des auteurs athéniens au moment même où les hilotes messéniens disparaissaient après la reconstitution de la Messénie [68]. De son côté, Stefan Link dissocie les descriptions de Platon et d’Aristote (apud Plutarque), considérant que chacune d’elle se réfère à un stade différent d’évolution de l’institution : simple entraînement d’endurance pour jeunes Spartiates chez Platon, la cryptie armée d’Aristote apparaît comme un « terror instrument » inventé peu après la défaite de Leuctres, à un moment où les Spartiates ont perdu le contrôle territorial sur les hilotes de Messénie [69].
33 2e question : si l’on choisit son camp, si donc l’on prend le parti de la deuxième école, peut-on, en revenant aux sources qui ont permis à Henri Jeanmaire de développer sa théorie, en quelque sorte « déritualiser » la cryptie pour la « militariser » ? C’est moins par esprit de provocation que pour faire émerger le débat que je procède ainsi aujourd’hui. Ce processus a en réalité été largement entamé par Édmond Lévy dans son article de 1997 dont je reprends les analyses ci-dessous, en les poursuivant parfois dans le sens qu’il a indiqué.
- Texte 1 : Platon, Lois, 1, 633b-c, présente la cryptie comme quelque chose de mal connu, « “un exercice d’endurance prodigieusement difficile” du fait de l’inconfort (ni chaussure, ni literie en plein hiver, ni domestiques). Il n’est aucunement question de meurtre d’hilote ni de nécessité de se cacher », mais de marche de jour à travers tout le territoire [70]. Si l’on fait abstraction de la scholie qui est censée commenter ce passage, le texte correspond à une patrouille d’agronomes platoniciens ou de patrouilleur du territoire, l’endurance paroxystique en plus. Aneu thérapontôn doit être compris « sans valets d’armes », caractéristique des troupes légères. Cheimônon indique une troupe permanente, été comme hiver.
- Texte 2 : Platon, Lois, VI, 763b assimile les cryptes aux agronomes. Ceux-ci au nombre de 60, commandent chacun un groupe de 12 néoi âgés de 25 à 30 ans (Platon le dit en 760b) qui patrouillent le territoire à la manière des peripoloi, leurs contemporains athéniens.
- Texte 3 : Hérakleidès, censé résumer Aristote, mentionne que l’on fait le crypte avec une arme de poing (echontas encheiridia), en se cachant le jour, en agissant la nuit, « tuant autant d’hilotes qu’il le faut » : le osous an epitedeion è me semble devoir être compris comme : « autant qu’il convient, qu’il est nécessaire ». Si l’on militarise l’affaire, il semble que les hilotes sont ciblés : il ne s’agit nullement d’un massacre irréfléchi ; anairousi (aireo) indique au contraire l’idée d’un choix délibéré.
- Texte 4 : Plutarque, Vie de Lycurgue, 28, 1-7, cite Aristote, sa source, qui se serait inspiré de Lycurgue (cela est douteux, même sous le calame de Plutarque qui montre son hésitation sur ce point) et mentionne Platon, qui se serait inspiré de la cryptie spartiate. Plutarque évoque une expédition en armes (meth’ hoplon doit être sans doute moins compris comme le bouclier de l’hoplite que comme le terme générique pour dire « en armes ») concernant une troupe de néoi (les 20-30 ans dans les cités grecques) sélectionnés : seuls les tous malista noun echein dokountas constituent cette troupe d’élite (ce sont des épilektoi). À travers le terme d’archontes, il me semble que Plutarque définit moins une chaîne de commandement (on s’attendrait à hégémonès) que l’idée d’un contrôle de la cité. Le matériel se limite à un poignard et à des vivres suffisants mais rien d’autre : cela définit un fantassin léger qui doit pouvoir mener une expédition en territoire ennemi [71]. Leur mission : se cacher le jour, dans des endroits couverts, pour se reposer ; agir la nuit, pour augmenter leurs chances de succès, dans un cadre très civilisé (routes et fermes – agrous), et pas du tout au hasard (ciblage des plus robustes et des meilleurs des hilotes, donc pas de massacre de masse). Le mode opératoire est l’égorgement, pas forcément par-derrière (comme on peut le lire parfois dans certains ouvrages) : l’égorgement reste le plus sûr moyen d’achever rapidement une victime. La pratique est dia chronou « de temps à autre » et non pas vécue comme un long retrait. Je vois moins là un rite que la pratique « d’un mépris des hilotes », d’une « terreur, d’un terrorisme exercé contre les hilotes » [72], si l’on considère que les hilotes ciblés sont en territoire spartiate, laconien ou messénien. Une difficulté doit pouvoir être résolue : la note 10 de la traduction d’Édmond Lévy est « sans raison particulière » [73] qui correspond à l’elliptique ἄλλως, traduction sur laquelle s’appuient ceux qui donnent un caractère rituel et gratuit d’errance à la cryptie initiatique. Le manuscrit porte ἄλλως ; Ziegler, un éditeur, propose d’ajouter < ἀλλοτ’> à ἄλλως, ce qui donne « d’une façon différente à chaque fois », indication qu’Édmond Lévy trouve plate (c’est pourquoi il l’écarte) mais dont je pense qu’elle renforce l’idée d’un objectif et d’un ciblage qui s’accorde assez bien avec le reste du texte. Ce témoignage s’accorde me semble-t-il bien avec une institution militaire type commando ou troupe d’élite.
- Texte 5 : Damotélès, préposé à la cryptie, dirige une troupe de soldats qui ont une mission de reconnaissance, de surveillance et vraisemblablement d’intervention.
- Texte 6 : la scholie à Platon reste le texte qui semble faire de la cryptie une épreuve rituelle dont les modernes ont trouvé de nombreux parallèles ethnographiques. Pourtant, la double définition de la scholie se laisse « militariser ». Le singulier (o kryptos) est un singulier de généralité : les kryptoi sont des néoi, qui par définition doivent se camoufler, forcés de vivre dans les montagnes pour ne pas se faire prendre (ou repérer), sans valet d’armes, ni sitia, c’est-à-dire ration de grain qui pouvait être allouée à la troupe en temps normal. Cela veut dire que la troupe d’élite vit en autonomie, « sur le pays ». Ces néoi sont apoluontes ékaston gymnos : apoluo a le sens militaire de débander un corps de troupe ; gymnos c’est le fantassin léger, muni d’armes qui ne sont pas celles de l’hoplite, ne faudrait-il pas traduire : « débandant chacun (de la phalange hoplitique) pour en faire un fantassin léger » ? La mention d’une année ne peut-elle pas être comprise comme un service annuel, qui ne préjuge pas de la durée des missions particulières qui sont ponctuelles. Le verbe planastai est le même que celui qui définit les péripoloi. Reste la mention du châtiment, s’ils étaient vus, c’est-à-dire repérés. Je me suis demandé dans quelle mesure on ne pouvait pas le rapporter à la problématique de la désertion ou de l’abandon de poste ? Je ne pense pas que ce soit cela. Peut-être faut-il le mettre en relation avec le meurtre des hilotes, la thématique religieuse grecque de la souillure (miasma) liée à un meurtre ? Aristote dit précisément que les éphores eux-mêmes, dès qu’ils entraient en charge, déclaraient la guerre aux hilotes pour qu’on pût les tuer sans souillure. Question difficile, qui témoigne du fait que les textes résistent à une analyse trop positiviste.
- Texte 7 : Papyrus fragmentaire du British Museum n°187 [74]. L’édition de H. J. M. Milne doit être préférée à celle de ses devanciers [75]. La dureté du régime des mystérieux individus qui y sont soumis étonne même Hégésilaos le Laconien. Le fragment mentionne une vie en autonomie, du point de vue de l’eau et de la nourriture, dans un milieu montagnard (la neige). L’activité est encadrée : la durée est limitée à deux ans, comme c’est le cas de l’éphébie athénienne après 335 et l’on peut considérer que les individus « touchent » leur équipement de la cité [76]. Par ailleurs, les kalbatinai lues par les précédents éditeurs sont en réalité des karbatinai, sortes de chaussures certes grossières, mais aussi tout terrain et très résistantes : chaussures de paysans, mais peut-être aussi de soldats [77]. La diphthéra, peau de bête, rustique et imperméable est-elle forcément connotée socialement [78] ? Ne peut-on pas y voir un manteau d’usage militaire ? Cette mention s’oppose à la chlanis, manteau de laine fine, souvent luxueux, à moins que le papyrus ne porte chlamys, ce qui renvoie à la chlamyde des éphèbes [79]. L’activité de terrassement fait penser aux agronomes platoniciens [80]. P. Girard considérait ce papyrus comme un texte inédit sur la cryptie des Lacédémoniens [81], estimant que « l’accord qui existe entre Platon et le fragment de Londres sur les travaux de terrassement ne permet guère, semble-t-il, de douter que, dans celui-ci, il ne s’agisse de la cryptie » [82]. Une telle conclusion n’est tenable que si l’on veut bien considérer une parfaite identité entre les cryptes et les agronomes platoniciens, ce qui est loin d’être assuré [83]. À mon sens, néanmoins, il reste possible de suivre P. Girard sur cette voie, même si ne pouvons avoir aucune certitude [84].
- Texte 8 : Justin, III, 3, 6 ne mentionne pas des cryptes, seulement de jeunes spartiates qui accomplissaient une période de relégation hors de la ville, dans une perspective d’apprentissage et peut-être d’initiation. On ne peut que suivre Édmond Lévy qui estime qu’il est plutôt question ici de l’agôgè des paides [85].
35 Pour le moins, les sources ne s’opposent pas à une lecture militaire des cryptes spartiates que l’on peut définir de la manière suivante : ce sont des néoi (20-30 ans), vivant sur le pays, en autonomie, gymnoi (fantassins armés à la légère et sans valets d’armes), avec un équipement adapté (karbatinai, diphtera, chlamyde plutôt que chlanis), fantassins d’élites (les meilleurs), avec une fonction précise (tuer certains hilotes), la nuit (pour éviter les rassemblements et les ripostes), pas au hasard mais de manière réfléchie puisque sont ciblés ceux des hilotes qui conviennent (les meneurs), pas de manière isolée mais en meute (ou en commando) ; ils interviennent depuis des hauteurs montagneuses (la neige), où ils se replient, mais dans un cadre civilisé et non « sauvage » : dans la plaine, sur les chemins et dans les « fermes » (agrous).
36 3e question : depuis quand la cryptie existe-elle à Sparte ? Comme toujours, à cause de Plutarque qui, étonnamment, hésite précisément sur ce point, nous sommes ramenés à une vision presque intemporelle : la cryptie aurait été instituée par le législateur mythique Lycurgue à la haute époque archaïque. Si l’on veut bien considérer que le « meurtre de l’hilote », dans sa dimension initiatique ou dans sa dimension policière est consubstantiel à la cryptie spartiate, on peut arguer du fait que cette institution a pu être utile dès l’époque archaïque après la conquête de la Messénie (aucune source ne mentionne les cryptes dès cette époque), ou bien en 464, lors du tremblement de terre qui suscita une révolte hilotique, ou bien durant la guerre du Péloponnèse, si l’on veut bien considérer que la « disparition » des hilotes dont parle Thucydide et que rappelle Plutarque (texte 4) se rapporte à la cryptie (ce que je ne pense pas, à la suite d’A. Paradiso [86]), ou bien encore au cataclysme territorial entamé par la défaite de 371 qui aboutit en 369 à la recréation de la cité de Messène par la volonté des Thébains.
37 Souvent conçue comme une institution archaïque en raison de ses aspects initiatiques, la cryptie ne serait peut-être qu’une création assez tardive : telle est du moins l’hypothèse avancée par Jacqueline Christien pour qui la cryptie aurait été instituée après la perte de la Messénie, pour mieux contrôler un territoire et des populations serviles qui lui échappaient de plus en plus. Jacqueline Christien fonde son raisonnement sur plusieurs arguments ex silentio. Elle relève tout d’abord que Xénophon, dans sa Lakedaimoniôn Politeia – rédigée avant Leuctres – ne mentionne nullement les cryptes, alors même que l’auteur athénien s’arrête longuement sur l’agôgè. La seule troupe d’élite citée par Xénophon à laquelle on pourrait comparer, d’une certaine manière les cryptes, est les trois cents hippeis, appelés également les Trois-Cents : sélectionnés parmi la fine fleur de la jeunesse citoyenne, âgée également de 20 à 30 ans, assuraient sans conteste des missions de police territoriale [87]. Mais les Trois Cents ne sont pas des cryptes. Les hippeis sont attestés depuis la guerre pour le contrôle de la Thyréatide, au milieu du VIe siècle et disparaissent de notre documentation avec Xénophon. Selon J. Christien, ils ont peut-être été remplacés par les cryptes après 369, même si aucune certitude n’est possible à ce sujet. Il est vrai que dans leur dimension militaire, les cryptes ont dû s’avérer particulièrement utiles dans la fixation de la nouvelle frontière entre la Laconie et la Messénie, telle qu’on peut penser qu’elle fut mise en place après 369 [88]. Par ailleurs, la source la plus ancienne témoignant de l’existence de la cryptie spartiate correspond aux Lois rédigées par Platon à la fin de sa vie, peu avant 347. Il est donc probable que la cryptie ne remonte pas à Lycurgue : c’est d’ailleurs ce que laisse entendre Plutarque qui, en dépit de son propos moralisateur, semble prendre ses distances par rapport à la citation qu’il fait d’Aristote (texte 6). Si la cryptie ne remonte pas à Lycurgue, mais est bien une création récente, il est probable que l’institution ait été projetée dans le passé avec une valeur rituelle et initiatique qu’elle n’avait pas forcément [89]. Une telle perspective rejoint en partie celle qu’a développée N. Kennell à propos de l’agôgè. Ce dernier tend à montrer que l’agôgè classique a été largement reconstruite à partir des sources d’époque romaine, alors que nombre de ses traits ne se mettent en place qu’à la période hellénistique – et notamment le terme agôgè lui-même, qui n’apparaît pas avant le milieu du IIIe siècle, du moins pour évoquer l’éducation spartiate [90].
38 Comme l’a suggéré de manière pertinente Vincent Azoulay, on peut trouver un écho assourdi de la cryptie spartiate dans l’Archidamos d’Isocrate, discours fictif supposé tenu par le fils d’Agésilas en 366, à une date où, néanmoins, il n’était pas encore devenu roi. Dans ce discours, Isocrate fait certainement « affleurer des débats contemporains autour de la maîtrise du territoire lacédémonien », notamment de la Messénie devenue indépendante. Cela transparaît effectivement dans deux passages. Au § 28, l’Athénien fait dire à Archidamos : « et puis, si l’on réintroduisait les véritables Messéniens, on commettrait une injustice, mais au moins aurait-on quelque prétexte pour nous porter un préjudice ; or, en fait, ce sont les Hilotes qu’on installe à nos frontières, si bien que le plus pénible n’est pas la perspective d’être dépouillés injustement de ce territoire, mais celle de voir nos propres esclaves en être devenus les maîtres » ; au § 76, le jeune prince poursuit : « Si nous établissons les Hilotes à nos frontières et si nous négligeons l’agrandissement de cette cité, qui ne voit que toute notre existence se déroulera dans le trouble et le danger ? ».
39 Une fois ce diagnostic posé, Archidamos appelle les Spartiates à se transformer en une « armée capable de camper à la belle étoile et d’errer à travers tour le territoire, de se rapprocher de qui elle voudrait, de faire de toutes les positions propices à la guerre la terre de la patrie » [91]. La récurrence du verbe πλανᾶσθαι dans l’Archidamos est frappante : le terme sert à caractériser une fonction importante des agronomes platoniciens [92] mais aussi celle des péripoloi athéniens. Le projet d’Archidamos consiste à mettre à l’abri parents, femmes et enfants, les uns en Sicile, les autres à Cyrène, d’autres encore sur le continent [93] ; « quant aux hommes qui veulent lutter et qui en sont capables, il faut qu’ils restent ici, qu’ils abandonnent la ville et tous leurs biens sauf ceux que nous sommes capables d’emporter avec nous. Emparons-nous d’une position stratégique, la plus solide possible et la plus avantageuse pour continuer la guerre ; portons le ravage chez l’ennemi, sur terre et sur mer, jusqu’à ce qu’il cesse de contester notre bien » [94]. Ce dernier passage ne donnerait-il pas l’image d’une « cryptie décryptée ? » [95]. C’est possible et en même temps on se rend compte combien le discours d’Isocrate est théorique : d’un côté Archidamos appelle ses concitoyens à une guérilla, sans que l’on puisse savoir précisément si cet appel concerne les meilleurs des concitoyens ou tout simplement de ceux qui restent [96] ; d’un autre côté, l’abandon de la ville (à la manière des cryptes) se transforme en positionnement stratégique traditionnel : une sorte d’épiteichismos, non localisé, qui permet des raids sur terre et sur mer. Par ailleurs, il convient de noter qu’Isocrate n’emploie jamais le terme de crypte.
40 Une pièce supplémentaire pourtant actuellement écartée par de nombreux savants mérite que l’on s’y intéresse à nouveau. Il s’agit du papyrus n°187 du British Museum (texte 7) [97]. Dès sa découverte, ce document fragmentaire, qui ne semble pas postérieur au second siècle de notre ère [98], ni antérieur au premier siècle avant J.-C. [99], est passé pour une description de l’éducation spartiate [100]. Paul Girard alla plus loin en y voyant la description de ce qu’il appelait la cryptie lacédémonienne [101]. Après avoir édité à nouveau le fragment, H. J. Milne pensait que ce texte pouvait être attribué à Éphore et concerner une réalité crétoise [102]. De son côté, Marcel Piérart considérait que l’état de délabrement du document ne pouvait permettre de certitude d’aucune sorte, sauf la ressemblance des travaux de terrassements avec ceux des agronomes platoniciens [103]. Jean Ducat, qui a proposé une étude précise du document considère qu’il doit être écarté du dossier spartiate, comme du dossier crétois : le fragment fait référence à une institution proche de la cryptie, peut-être une cryptie thasienne [104]. De mon côté, il m’a semblé que l’on pouvait tenter d’accomplir une lecture « militaire » du fragment [105].
41 Le passage ne prend véritablement son sens que mis en faisceau avec les autres. De ce point de vue, la mention d’Hégésilaos le Laconien est intéressante. Hégésilaos est la forme tardive du nom Agésilas, vraisemblablement « un fantôme engendré par les erreurs des copistes » et l’on peut penser avec vraisemblance qu’est mentionné ici le roi Agésilas, fils d’Archidamos [106], qui régna jusqu’en 360-359, avant de mourir en 358. Le verbe dont « Hégésilaos le Laconien » est le sujet ne se laisse pas facilement appréhender, tant le texte est fragmentaire : ce verbe a conduit les commentateurs à un diagnostic similaire mais parfois à des conclusions opposées [107]. Ainsi, Milne tire t-il argument du fait qu’Agésilas « était frappé d’une stupeur admirative » pour conclure que la réalité décrite n’émanait pas de Sparte mais d’une autre cité : il aurait été incompréhensible qu’Agésilas ait été surpris par une rude formation qu’il a lui même enduré. L’emploi de l’ethnique ὁ Λάκων lui semblait conduire à une conclusion similaire. Finalement, J. Ducat mène une analyse semblable : la stupéfaction d’Agésilas ne pouvait que concerner une cité étrangère à Sparte [108].
42 Il me semble que l’on ne peut pas écarter la cité de Sparte aussi facilement : Agésilas nous y ramène et l’ethnique indique seulement que l’auteur du texte n’est pas un Spartiate, ce qui ne saurait nous surprendre. En effet, le texte n’est pas une LakedaimoniônPoliteia, en raison de la coloration à la fois éthique et médicale du vocabulaire qu’il manifeste [109]. On peut penser que l’on a affaire à un traité éthique ou médical, difficilement datable, écrit en dehors de Sparte. On peut d’autant mieux penser que le passage se réfère à une réalité spartiate si l’on veut bien admettre que le passage décrit, non pas une éducation, mais un modus operandi nouveau de la part de soldats spartiates : les kryptoi. Qu’Agésilas fût « stupéfait » traduit peut-être seulement le fait qu’il n’est pas à l’origine de cette création, dévolue à son fils, Archidamos, dont on connaît la prise de responsabilité militaire dès les lendemains de la défaite de Leuctres [110].
43 Pour conclure, je dirai, après d’autres, que ces cryptes spartiates ne se laissent pas facilement attraper. Ce qui est certain, c’est que la soudaine popularité des cryptes dans la littérature athénienne du milieu du IVe siècle contraste avec le silence des sources antérieures. Et il est tentant de voir dans ce phénomène l’écho, même assourdi, d’une institution spartiate spécifique, créée de toutes pièces – ou bien réformée si l’on ne souhaite pas se couper trop vite de l’héritage anthropologique – au moment de la perte de la Messénie. Par comparaison avec leurs homologues athéniens, il m’a semblé envisageable de les considérer non plus comme des cryptes, issus d’une institution éducative, mais bien plutôt comme des kryptoi, et ce dès leur apparition (possible voire probable, mais non certaine) vers 369, afin de surveiller et contrôler la frontière entre la Laconie et le nouvel État messénien.
44 La mise en relation des cryptes avec la Messénie peut être étayée d’une hypothèse autrefois avancée par K. Chrismes selon laquelle les cryptes de Sellasie étaient recrutés parmi la septième mora, le Lochos Skirites [111]. Les Skiritai semblent avoir eu une organisation et un équipement différents des six autres politikai morai, bien qu’ils aient combattu eux aussi en tant qu’hoplites. De plus, ce bataillon comptait six cents hommes, tandis que les autres morai n’en comptaient que cinq cent douze. K. Chrimes pense que les soixante-dix-huit hommes restants pouvaient coopérer avec la cavalerie ou remplir les missions secrètes de la cryptie. L’argument est largement indémontrable mais le détour par les Skirites n’est pas inintéressant. Ce corps de troupe, présent au côté de Brasidas, puis à Mantinée durant la guerre du Péloponnèse, où il occupe l’aile gauche de l’armée, était composé de fantassins légers. On sait en effet qu’après la défaite de Leuctres, les Spartiates perdirent le contrôle de la région de Skiritis [112]. À partir de ce moment, on ne trouve plus de mention des Skirirai au sein de l’armée spartiate [113]. Les kryptoi spartiates furent-ils institués pour remplacer les Skiritai ?
Les sources sur les kryptoi spartiates
45 En annexe, nous avons fait figurer les sources littéraires relatives à la cryptie spartiate, selon la méthode et souvent la traduction d’Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 246-248, mais en tenant compte des remarques de J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., notamment celle selon laquelle ces textes doivent être examinés « dans l’ordre chronologique – ce qui amènera par exemple à dissocier la scholie de Platon du passage qu’elle commente […] » (p. 44). Nous renvoyons également aux remarques philologiques formulées en notes des textes grecs par Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 246-248 et par J. Ducat, « Crypties », art. cit.
Texte 1 : Platon, Lois, I, 633b-c
46 Μέγιλλος. ἔτι τοίνυν καὶ τὸ τέταρτον ἔγωγε πειρῴμην ἂν λέγειν, τὸ περὶ τὰς καρτερήσεις τῶν ἀλγηδόνων πολὺ παρ᾽ ἡμῖν γιγνόμενον, ἔν τε ταῖς πρὸς ἀλλήλους ταῖς χερσὶ μάχαις καὶ ἐν ἁρπαγαῖς τισιν διὰ πολλῶν πληγῶν ἑκάστοτε γιγνομένων: ἔτι δὲ καὶ κρυπτεία τις ὀνομάζεται θαυμαστῶς πολύπονος πρὸς τὰς καρτερήσεις [114], χειμώνων τε [115] ἀνυποδησίαι καὶ ἀστρωσίαι καὶ ἄνευ θεραπόντων αὐτοῖς ἑαυτῶν διακονήσεις νύκτωρ τε πλανωμένων διὰ πάσης τῆς χώρας καὶ μεθ᾽ ἡμέραν. ἔτι δὲ κἀν ταῖς γυμνοπαιδίαις δειναὶ καρτερήσεις παρ᾽ ἡμῖν γίγνονται τῇ τοῦ πνίγους ῥώμῃ διαμαχομένων, καὶ πάμπολλα ἕτερα, σχεδὸν ὅσα οὐκ ἂν παύσαιτό τις ἑκάστοτε διεξιών.
47 (Mégillos) « Eh bien, pour ma part, je puis essayer d’évoquer la quatrième (trouvaille du législateur spartiate), à savoir la pratique, fréquente chez nous, de l’endurcissement à la douleur, dans les pugilats des uns contre les autres et dans certains vols qui se passent à chaque fois sous une pluie de coups. Et il y a aussi quelque chose qu’on appelle la kryptie, exercice d’endurance prodigieusement éprouvant, avec l’absence de chaussures et de literie en plein hiver et le fait de se passer de domestiques en étant à eux-mêmes leurs propres serviteurs, tout en errant de nuit comme de jour à travers tout le territoire. Il y a aussi chez nous le redoutable endurcissement des gymnopédies… » (édition Éd. Des Places, CUF ; traduction Éd. Lévy).
Texte 2 : Platon, Lois, VI, 762e-763b
48 ἐπειδὰν γὰρ δὴ καταλεγῶσιν οἱ δώδεκα, συνελθόντες μετὰ τῶν πέντε, βουλευέσθωσαν ὡς [763α] οἷόνπερ οἰκέται οὐχ ἕξουσιν αὑτοῖς ἄλλους οἰκέτας τε καὶ δούλους, οὐδ᾽ ἐκ τῶν ἄλλων γεωργῶν τε καὶ κωμητῶν τοῖς ἐκείνων ἐπὶ τὰ ἴδια χρήσονται ὑπηρετήματα διακόνοις, ἀλλὰ μόνον ὅσα εἰς τὰ δημόσια: τὰ δ᾽ ἄλλα αὐτοὶ δι᾽ αὑτῶν διανοηθήτωσαν ὡς βιωσόμενοι διακονοῦντές τε καὶ διακονούμενοι ἑαυτοῖς, πρὸς δὲ τούτοις πᾶσαν τὴν χώραν διεξερευνώμενοι θέρους καὶ χειμῶνος σὺν τοῖς ὅπλοις ϕυλακῆς τε [763β] καὶ γνωρίσεως ἕνεκα πάντων ἀεὶ τῶν τόπων. κινδυνεύει γὰρ οὐδενὸς ἔλαττον μάθημα εἶναι δι᾽ ἀκριβείας ἐπίστασθαι πάντας τὴν αὑτῶν χώραν: οὗ δὴ χάριν κυνηγέσια καὶ τὴν ἄλλην θήραν οὐχ ἧττον ἐπιτηδεύειν δεῖ τὸν ἡβῶντα ἢ τῆς ἄλλης ἡδονῆς ἅμα καὶ ὠϕελίας τῆς περὶ τὰ τοιαῦτα γιγνομένης πᾶσιν. τούτους οὖν, αὐτούς τε καὶ τὸ ἐπιτήδευμα, εἴτε τις κρυπτοὺς εἴτε ἀγρονόμους εἴθ᾽ ὅτι καλῶν χαίρει, τοῦτο προσαγορεύων
49 En effet, une fois recrutés et réunis aux cinq, les douze [sc. agronomes] doivent se dire qu’à titre de serviteurs, ils n’auront personnellement d’autres serviteurs ou esclaves qu’eux-mêmes ; ils ne prendront pas chez les autres, cultivateurs ou villageois, les domestiques de ceux-ci pour leur service personnel, mais seulement autant que le demande le bien public ; pour le reste, qu’ils prennent leur parti de vivre en rendant service et en étant leurs propres serviteurs, et de plus ils fouilleront tout le territoire, été et hiver, en armes, pour garder et reconnaître successivement toutes les régions. Il semble, en effet, que ce soit une étude à nulle autre inférieure d’apprendre à connaître à fond, tous tant que nous sommes notre propre pays ; c’est dans ce but que l’éphèbe doit courir le lièvre et s’exercer aux autres genres de chasse, encore plus que pour le plaisir qu’il y trouve ou pour le profit attaché à de pareilles occupations. Qu’on leur donne donc, à eux et à leur activité, le nom de kryptes, d’agronomes ou tout nom qu’on voudra (édition et traduction Éd. Des Places, CUF, légèrement modifiée).
Texte 3 : Héraclide de Lembos, fragment 10 Dilts = Aristote, fragment 611, 10 Rose = 143, 1, 2, 10 Gigon
50 λέγεται δὲ καὶ τὴν κρυπτὴν εἰσήγησασθαι, καθ᾽ ἣν ἔτι καὶ νῦν ἐζιόντες μεθ᾽ ὅπλων κρύπτονται ἡμέρας, τὰς δὲ νύκτας [116]… καὶ ἀναιροῦσι τῶν εἱλώτων ὅσους ἂν ἐπιτήδειον ᾖ
51 On dit qu’il [sc. Lycurgue] introduisit aussi la kryptie, lors de laquelle, encore maintenant, on sort de la ville pour se cacher le jour, et, la nuit, en armes […] et massacrer autant d’Hilotes qu’il convient (traduction J. Ducat).
Texte 4 : Plutarque, Vie de Lycurgue, 28, 1-7
52 [1] ἐν μὲν οὖν τούτοις οὐδέν ἐστιν ἀδικίας ἴχνος οὐδὲ πλεονεξίας, ἣν ἐγκαλοῦσιν ἔνιοι τοῖς Λυκούργου νόμοις, ὡς ἱκανῶς ἔχουσι πρὸς ἀνδρείαν, ἐνδεῶς δὲ πρὸς δικαιοσύνην. [2] ἡ δὲ καλουμένη κρυπτεία παρ᾽ αὐτοῖς, εἴ γε δὴ τοῦτο τῶν Λυκούργου πολιτευμάτων ἕν ἐστιν, ὡς Ἀριστοτέλης ἱστόρηκε, ταύτην ἂν εἴη καὶ τῷ Πλάτωνι περὶ τῆς πολιτείας καὶ τοῦ ἀνδρὸς ἐνειργασμένη δόξαν. [3] ἦν δὲ τοιάδε· τῶν νέων οἱ ἄρχοντες διὰ χρόνου τοὺς μάλιστά νοῦν ἔχειν δοκοῦντας εἰς τὴν χώραν ἄλλως ἐξέπεμπον, ἔχοντας ἐγχειρίδια καὶ τροϕὴν ἀναγκαίαν, ἄλλο δὲ οὐδέν· [4] οἱ δὲ μεθ᾽ ἡμέραν μὲν εἰς ἀσυνδήλους διασπειρόμενοι τόπους, ἀπέκρυπτον ἑαυτοὺς καὶ ἀνεπαύοντο, νύκτωρ δὲ κατιόντες εἰς τὰς ὁδοὺς τῶν εἱλώτων τὸν ἁλισκόμενον ἀπέσϕαττον. [5] πολλάκις δὲ καὶ τοῦς ἀγροῦς ἐπιπορευόμενοι τοὺς ῥωμαλεωτάτους καὶ κρατίστους αὐτῶν ἀνῄρουν. [6] ὥσπερ καὶ Θουκυδίδης ἐν τοῖς Πελοποννησιακοῖς ἱστορεῖ τοὺς ἐπ᾽ ἀνδρείᾳ προκριθέντας ὑπὸ τῶν Σπαρτιατῶν στεϕανώσασθαι μὲν ὡς ἐλευθέρους γεγονότας καὶ περιελθεῖν τὰ τῶν θεῶν ἱερά, μικρὸν δὲ ὕστερον ἅπαντας ἀϕανεῖς γενέσθαι, πλείονας ἢ δισχιλίους ὄντας, ὡς μήτε παραχρῆμα μήτε ὕστερον ἔχειν τινὰ λέγειν ὅτῳ τρόπῳ διεϕθάρησαν. [7] Ἀριστοτέλης δὲ μάλιστά ϕησι καὶ τοὺς ἐϕόρους, ὅταν εἰς τὴν ἀρχὴν καταστῶσι πρῶτον, τοῖς εἵλωσι καταγγέλλειν πόλεμον, ὅπως εὐαγὲς ᾖ τὸ ἀνελεῖν.
53 [1] Il n’y a en cela aucune trace de l’injustice et de l’iniquité que certains reprochent aux lois de Lycurgue en tant que suffisantes pour le courage, mais déficientes en ce qui concerne le sens de la justice. [2] C’est ce qu’on appelle chez eux la kryptie – si c’est bien [117], comme le rapporte Aristote, une des institutions [118] de Lycurgue – qui aurait inspiré Platon [119] aussi cette opinion au sujet du régime et de l’homme lui-même. [3] Voici en quoi elle consistait. Les chefs des jeunes envoyaient de temps à autre dans le territoire, sans raison particulière [120], ceux d’entre eux qui passaient pour les plus intelligents, avec des poignards et des vivres suffisants, mais rien d’autre. [4] Ceux-ci, pendant le jour, dispersés dans des endroits couverts, se tenaient cachés et reposaient, mais, la nuit, descendant sur les chemins, ils égorgeaient celui des hilotes qu’ils surprenaient. [5] Souvent aussi, surgissant dans leurs fermes [121], ils en tuaient les plus robustes et les meilleurs. [6] Thucydide aussi rapporte de même, dans la Guerre du Péloponnèse (IV, 80, 3-4), que ceux que les Spartiates avaient sélectionnés pour leur courage [122] se mirent des couronnes comme s’ils étaient devenus libres et firent le tour des sanctuaires des dieux, mais qu’un peu plus tard, ils disparurent tous, au nombre de plus de deux mille, sans que personne ne pût dire, ni sur le moment, ni plus tard, comment ils avaient péri. [7] Aristote dit précisément que les éphores eux-mêmes, dès qu’ils entraient en charge, déclaraient la guerre aux hilotes, pour qu’on pût les tuer sans souillure (édition R. Flacelière, CUF ; traduction Éd. Lévy).
Texte 5 : Plutarque, Vie de Cléomène, 28, 2-5
54 [2] Φύλαρχος δὲ καὶ προδοσίαν γενέσθαι ϕησὶ τὴν μάλιστα τῷ Κλεομένει τὰ πράγάτα διεργασαμένη. [3] τοῦ γὰρ Ἀντιγόνου τοὺς Ἰλλυριοὺς καὶ τοὺς Ἀκαρνᾶνας ἐκπεριελθεῖν κρύϕα κελεύσαντος καὶ κυκλώσασθαι θάτερον κέρας, ἐϕ᾽ οὗ τεταγμένος ἦν Εὐκλείδας ὁ τοῦ Κλεομένους ἀδελϕός, εἶτα τὴν ἄλλην ἐπὶ μάχῃ δύναμιν ἐκτάττοντος, ἀπὸ σκοπῆς θεωρῶν ὁ Κλεομένης, ὡς οὐδαμοῦ τὰ ὅπλα τῶν Ἰλλυριῶν καὶ τῶν Ἀκαρνάνων κατεῖδεν, ἐϕοβήθη μὴ πρός τι τοιοῦτον αὐτοῖς ὁ Ἀντίγονος κέχρηται. [4] καλέσας δὲ Δαμοτέλη τὸν ἐπὶ τῆς κρυπτείας τεταγμένον, ὁρᾶν ἐκέλευσε καὶ ζητεῖν ὅπως ἔχει τὰ κατὰ νώτου καὶ κύκλῳ τῆς παρατάξεως. [5] τοῦ δὲ Δαμοτέλους (ἦν γὰρ, ὡς λέγεται, χρήμασιν πρότερον ὑπ᾽ Ἀντιγόνου διεϕθαρμένος) ἀμελεῖν ἐκείνων εἰπόντος ὡς καλῶς ἐχόντων, τοῖς δὲ συνάπτουσιν ἐξ ἐναντίας προσέχειν καὶ τούτους ἀμύνεσθαι, πιστεύσας ἐπὶ τὸν Ἀντίγονον ἐχώρει, καὶ τῇ ῥύμῃ τῶν περὶ αὐτὸν Σπαρτιατῶν ὠσάμενος τὴν ϕάλαγγα τῶν Μακεδόνων ἐπὶ πέντε που σταδίους ὑποχωρούντων ἐκβιαζόμενος καὶ κρατῶν ἠκολούθησεν.
55 [2] Phylarque, d’autre part, affirme qu’une trahison fut la principale cause de la défaite de Cléomène. [3] Antigone avait ordonné aux Illyriens et aux Acarnaniens d’opérer secrètement un mouvement tournant pour encercler celle des deux ailes de l’ennemi que commandait Eucléidas, le frère de Cléomène ; après quoi il rangeait le reste de son armée en ordre de bataille ; Cléomène, du poste d’observation où il se trouvait, ne voyant nulle part les troupes illyriennes et acarnaniennes, craignit qu’Antigone ne les utilisât pour quelques manœuvres de ce genre ; [4] il appela donc Damotélès, le préposé à la cryptie et lui ordonna d’aller voir et examiner ce qui se passait à l’arrière et autour de ses lignes. [5] Damotélès (qui avait auparavant à ce qu’on dit été corrompu à prix d’or par Antigone) prétendit qu’il n’y avait pas à s’inquiéter, que tout allait bien et qu’il fallait seulement s’occuper de ceux qu’on voyait en face de soi pour les repousser ; Cléomène le crut et marcha contre Antigone. Grâce à l’impétuosité des Spartiates qui l’entouraient, il refoula la phalange macédonienne, qui recula d’environ cinq stades, et il la suivit en la pressant victorieusement (édition et traduction R. Flacelière et É. Chambry, CUF, légèrement modifiée par Éd. Lévy).
Texte 6 : Scholie de Platon, Lois, 1, 633b-c
56 633b κρυπτείας τις
57 ἠϕίετο τις ἀπὸ τῆς πόλεως νέος ἐϕ᾽ᾧτε μὴ ὀϕθῆναι ἐπὶ τοσόνδε χρὀνον. ἠναγκάζετο οὖν τὰ ὄρη περιερχόένος καὶ μήτε καθεύδων ἀδεῶς, ἵνα μὴ ληϕθῷ, μήτε ὑπηρέταις χρώμενος μήτε σιτία ἐπιϕερόμενος διαζῆν. ἄλλο δὲ καὶ τοῦτο [123] γυμνασίας εἶδος πρὸς πόλεμον· ἀπολύοντες γάρ ἕκαστον γυμνὸν προσέταττον ἐνιαυτὸν ὅλον ἔζω ἐν τοῖς ὄρεσι πλανᾶσθαι, καὶ τρέϕειν ἑαυτὸν διὰ κλοπῆς καὶ τῶν τοιούτων, οὕτω δὲ ὥστε μηδενὶ κατάδηλον γενέσθαι. διὸ καὶ κρύπτεια [124] ὠνόμασται· ἐκολάζοντο γὰρ οἱ ὁπουδήποτε ὀϕθέντες
58 On envoyait un néos de la cité, qui ne devait pas se laisser voir pendant une aussi longue période. Il était donc forcé de vivre en parcourant les montagnes et en ne dormant pas sans crainte pour éviter de se faire prendre et sans disposer de serviteurs ni emporter de provisions. C’était aussi une autre forme d’entraînement à la guerre. En effet, expédiant chacun sans équipement, il leur enjoignait de vagabonder une année entière à l’air libre dans les montagnes et de se nourrir par le vol et les procédés de même sorte, et cela sans se faire voir de personne ; c’est pourquoi aussi c’est appelé la cryptie ; et de fait ceux qui s’étaient laissés voir où que ce fût étaient châtiés (traduction Éd. Lévy, légèrement modifiée).
Texte 7 : Fragment du Papyrus BM n°187 qui se rapporte à une autre cité que Sparte
59 ... [ἡ] ϕύσις, χ[λαν]̣ί̣δα [125] λαβόντες καὶ διϕθέρας, καὶ καρβατίνας [126] εἰς δυ᾽ ἔτη διαμένουσιν ὑδροποτοῦτες καὶ νιϕόμενοι καὶ σκάπτοντες καὶ ἀναγκοϕαγοῦντες, ἰατρῶν οὔτε διαίτας νόμους ἐκδεχόμενοι, ἀλλὰ ζῶντες ἀνέθιστοι μαλακίαις, καὶ ἡδυπαθίαις. Ἠγησίλαος δὲ ὁ Λάκων κατέπλη̣τ̣τ̣ε̣τ̣ο
60 … la nature. Après avoir perçu un manteau de laine, une tunique en peau et des chaussures grossières, ils restent jusqu’à deux ans à boire de l’eau, à endurer la neige, à creuser, à se contenter de l’ordinaire imposé, sans recevoir de lois ni des médecins ni d’un quelconque régime, sans accoutumance à la mollesse et au luxe. Agésilas le Laconien était stupéfait… (édition H. J. M. Milne ; traduction J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 20).
Texte 8 : À écarter, Justin, III, 3, 6 qui se rapporte à l’agôgè
Mots-clés éditeurs : Athènes, Sparte hellénistique, défense du territoire, kryptoi, troupes d’élite, cryptie
Mise en ligne 14/04/2015
https://doi.org/10.3917/dha.hs92.0045Notes
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[1]
Dans le cours de l’article, seront cités les études qui m’ont semblées importantes. Une bonne mise au point bibliographique a été établie par S.-P. Ratté, « Du neuf sur la cryptie ? », Mémoire présenté à la faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention du grade de maître ès arts (M.A.), sous la direction de L. Migeotte, Département d’Histoire, Faculté des Lettres, Université Laval, Québec, 2000, 75 p. ; il faut y ajouter N. Birgalias, L’Odyssée de l’éducation spartiate, Athènes, 1999 (non vidi) ; N. Fisher, « Lykourgos of Athens : Lakonian by name, Lakoniser by Policy ? », dans N. Birgalias, K. Buraselis et P. Cartledge (éds), The contribution of Ancient Sparta to Political Thought and Practice, International Institute of Ancient Hellenic History, 2002, p. 327-341 ; J. Christien-Trégaro, « Les temps d’une vie. Sparte, une société à classe d’âge », Mètis, 12, 1997, p. 45-79 ; J. Ducat, Spartan Education. Youth and Society in the Classical Period, The Classical Press of Wales, 2006, spécialement p. 281-331 ; Karl-Wilhelm Welwei, « War die Krypteia ein grausames Terrorinstrument ? », Laverna, 15, 2004, p. 33-46 ; St. Link, « Zur Entstehungsgeschichte der spartanischen Krypteia », Klio, 88, 2006, 1, p. 34-43 ; J. Christien, « The Lacedaemonian State : Fortification, Frontiers and Historical Problems », dans S. Hodkinson et A. Powell (éds), Sparta & War, Swansea, 2006, p. 163-184 ; V. Azoulay, « L’Archidamos d’Isocrate, une politique de l’espace et du temps », Revue des études grecques, 119, 2006, p. 504-531.
-
[2]
Cf. Annexe – Les sources sur les kryptoi spartiates.
-
[3]
Les articles d’Édmond Lévy, « La kryptie et ses contradictions », Ktèma, 13, 1988, p. 245-252 et de Jean Ducat, « La cryptie en question », dans P. Brulé et J. Oulhen (éds), Esclavage, guerre, économie en Grèce ancienne. Hommages à Yvon Garlan, Presses universitaires de Rennes, 1997 p. 43-74 (repris en 2006 dans Spartan Education… , op. cit.), qui est une réponse au précédent, constituent deux études récentes fondamentales. Est également importante la contribution de Denis Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès à Rhamnonte et le début de la guerre de Chrémonidès », BCH, 117, 1993, p. 327-341 à laquelle répond Jean Ducat, « Crypties », Cahiers Glotz, 8, 1997, p. 9-38.
-
[4]
Sur la défense du territoire en général : A. Chaniotis, « Policing the Hellenistic Countryside. Realities and Ideologies », dans C. Brélaz et P. Ducrey (éds), Sécurité collective et ordre public dans les sociétés anciennes, Entretiens sur l’Antiquité classique, Fondation Hardt, Tome LIV, Genève, 2008, p. 103-153, qui ne cite néanmoins pas les cryptes spartiates.
-
[5]
H. Koechly, Cryptia : De Lacedæmoniorum cryptia commentatio, Leipzig, 1835, p. 587-588 ; suivi par W. Wachsmuth, Altertumskunde : Hellenische Altertumskunde aus dem Geschichtpunkt des Staats, 2 vol., Halle, 1844-1846.
-
[6]
Platon aborde à deux reprises la cryptie. Dans les Lois, I, 633b-c, il présente la quatrième invention du législateur, après les syssities, les exercices gymniques et la chasse, (texte 1) et au livre VI, 763b (texte 2), il établit une homologie avec l’institution de l’agronomie qu’il décrit ; cf. M. Piérart, Platon et la Cité grecque. Théorie et réalité dans la Constitution des « Lois », Mémoires de la Classe des Lettres, t. 64, fasc. 3, Académie Royale de Belgique, Bruxelles, 1974, p. 278-291.
-
[7]
P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie des Lacédémoniens », Revue des études grecques, 11, 1898, p. 31-38 et s.v. « krypteia », dans Daremberg et Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, III, 1, 1899, p. 871-873. P. Girard a été suivi par J. Oehler, s.v. « Krypteia », dans RE, 9, 2, 1922, col. 2031-2032. Le Papyrus n°187 du British Museum a été édité depuis lors par H. J. M. Milne, Catalogue of the Literary papyri in the British Museum, Londres, 1927, n°114, p. 88-89.
-
[8]
H. A. Wallon, Explication d’un passage de Plutarque sur une loi de Lycurgue nommée la Cryptie (fragment d’une Histoire des Institutions politiques de la Grèce), Paris, Dupont, 1850.
-
[9]
K. M. T. Chrimes, Ancient Sparta. A re-examination of the evidence, Manchester, 1949, p. 374-376.
-
[10]
H. Michell, Sparta, Cambridge, 1964, p. 162-164, influencé par P. Girard.
-
[11]
A. H. M. Jones, Sparta, Oxford, 1967, p. 9-10 et p. 170 (note c de la page 10).
-
[12]
P. Cartledge, Agesilaos and the Crisis of Sparta, London & Baltimore, 1987, p. 32-33 ; Sparta and Lakonia : A Regional History 1300-362 BC, 2e éd., Routledge, 2001, p. 151 et 211.
-
[13]
Éd. Lévy, « La kryptie et ses contradictions », Ktèma, 13, 1988, p. 245-252.
-
[14]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès à Rhamnonte et le début de la guerre de Chrémonidès », BCH, 117, 1993, p. 327-341.
-
[15]
J. Christien, « The Lacedaemonian State : Fortification, Frontiers and Historical Problems », dans S. Hodkinson et A. Powell (éds), Sparta & War, Swansea, 2006, p. 163-184 ; J. Christien et F. Ruzé, Sparte. Géographie, mythes et histoire, Paris, 2007, p. 298-299.
-
[16]
H. Jeanmaire, « La kryptie lacédémonienne », Revue des études grecques, 26, 1913, p. 121-150. Henri Jeanmaire précisa et modifia certaines de ses conclusions dans son Couroi et Courètes, essai sur l’éducation spartiate et sur les rites d’adolescence dans l’Antiquité hellénique, Lille, 1939.
-
[17]
Plutarque, Lycurgue, 28 attribue à Aristote la mention selon laquelle l’institution aurait été créée par Lycurgue (28, 2) et le fait selon lequel les éphores déclaraient chaque année la guerre aux hilotes (28, 7) : texte 4. À la suite de ce texte, on a longtemps rapproché de l’institution de la cryptie et de la déclaration de guerre aux hilotes par les éphores un passage de Thucydide, IV, 80, 4, relatant la disparition (massacre ?) de 2 000 hilotes. L’interprétation du massacre reste très difficile et le lien avec la cryptie « totalement obscur » (J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 50), pour ne pas dire inexistant. Pour une mise en doute de l’épisode lui-même : A. Paradiso, « The logic of terror : Thucydides, Spartan duplicity and improbable massacre », dans Th. J. Figueira (éd.), Spartan Society, The Class. Press of Wales, 2004, p. 179-198. Reste le « meurtre des hilotes », rapporté par le même Plutarque, Lycurgue, 28, 4 (texte 4).
-
[18]
Cette exclusion, dans des conditions matérielles semble-t-il difficiles, est documentée par tous des textes du dossier documentaire : c’est là un point essentiel de la cryptie, sur lequel on s’est appuyé pour y raccrocher le papyrus de Londres (texte 7) ou un passage de Justin (texte 8) (qui se rapporte en réalité à l’agôgè).
-
[19]
H. Jeanmaire, « La kryptie lacédémonienne », Revue des études grecques, 26, 1913, p. 141.
-
[20]
H. Jeanmaire, Couroi et Courètes, Lille, 1939, p. 568.
-
[21]
A. Brelich, Paides e Parthenoi, Rome, 1969, p. 155-157.
-
[22]
P. Vidal-Naquet, « Le chasseur noir et l’origine de l’éphébie athénienne », Annales. Économies Sociétés Civilisations, 23, 1968, p. 947-964. L’article fut remanié en langue anglaise, paru sous le titre : « The Black Hunter and the Origin of the Athenian Ephebeia », Proceedings of the Cambridge Philological Society, 194, 1968. Puis l’étude fut enrichie d’un deuxième article : « Retour au chasseur noir », Mélanges Pierre Lévêque, Paris, 1989, II, p. 387-411 [= J.-P. Vernant et P. Vidal-Naquet, La Grèce ancienne : Rites de passage et transgressions, Paris, 1992, p. 215-251, où l’article est corrigé et mieux édité]. Enfin, le tout fut publié dans Le Chasseur noir. Formes de pensée et formes de société dans le monde grec, La Découverte, Paris, [1re éd., 1981], 3e éd., 1991.
-
[23]
La position de P. Vidal-Naquet peut se résumer dans l’image du crypte comme anti-hoplite ; dans son article de 1968, il écrit : « Jeanmaire avait, je crois, profondément raison et profondément tort. Ce qu’il n’a pas vu, c’est que la cryptie n’est pas étrangère à la vie de l’hoplite, elle est une institution symétrique et inverse de l’institution hoplitique. Dressons en effet un tableau de ce que nous apprennent les sources. À l’hoplite armé de pied en cap s’oppose le crypte qui est gymnos, c’est-à-dire sans arme (scholie de Platon) ou qui n’a qu’un petit poignard (Plutarque). Au membre de la phalange s’oppose l’homme isolé ou vivant en petit groupe ; au jeune homme courant la montagne, le combattant de la plaine ; au crypte pratiquant ses exercices en plein hiver (Platon) s’oppose l’hoplite, ce guerrier de la belle saison, l’été de Thucydide, le kalochaïri du grec moderne ; à l’assassin rusé des hilotes s’oppose le combattant loyal exalté par Tyrtée ; au jeune homme de la nuit, l’homme qui se bat au grand jour. Le crypte, nous dit le scholiaste, mange ce qu’il peut, au petit bonheur, sans trouver probablement le temps de faire la cuisine, l’hoplite est par excellence le membre des syssities. Ajoutons enfin que les cryptes fréquentent des lieux qui deviennent en un sens les frontières de territoires ennemis, puisque par un rite comparable à celui du fétial romain, les éphores déclarent la guerre aux hilotes » (p. 954-955).
-
[24]
J. Ducat, « Le mépris des Hilotes », Annales. Économies Sociétés Civilisations, 29, 1975, p. 1451-1464 ; suivi de Les Hilotes, Bulletin de correspondance hellénique, Supplément 20, 1990.
-
[25]
J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 43-74 et « Crypties », art. cit., p. 9-38 (qui rassemble toutes les « noms de la cryptie », à Sparte et ailleurs et réponds sur un point de philologie à D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit.).
-
[26]
J. Ducat, Spartan Education. Youth and Society in the Classical Period, The Classical Press of Wales, 2006, spécialement p. 281-331.
-
[27]
En effet, je me suis intéressé à ce thème dans J.-Chr. Couvenhes, Les Garnisons de l’Attique, du milieu IVe siècle au Ier siècle av. J.-C. : l’apport des inscriptions, Thèse Université Paris IV-Sorbonne, 2000.
-
[28]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 327-341.
-
[29]
V. Pétrakos, IRhamnous, II, p. 6-9, n°3, photo du support. On trouvera une édition et une traduction du texte dans A. Bielman, Retour à la liberté, Libération et sauvetage des prisonniers en Grèce ancienne, Athènes-Lausanne, 1994, p. 95- 100, n°24.
-
[30]
Le terme de Rhamnousia semble apparaître dans le décret inédit pour Archandros. En 117/6, dans une dédicace, l’Athénien Elpias apparaît comme stratège de Rhamnonte et de la paralie (V. Pétrakos, IRhamnous, II, p. 119, n°148).
-
[31]
V. Pétrakos, « La forteresse de Rhamnonte », CRAI, 141, 1997, p. 614, n. 22.
-
[32]
Courriel du 1er septembre 2013 de Denis Knoepfler qui a pu prendre connaissance de la pierre découverte par V. Pétrakos.
-
[33]
Compte tenu de la date du décret, ces attaques de pirates doivent être mises en relation avec les agissements d’Alexandre fils de Cratère qui s’est soulevé en Eubée contre son oncle Antigone Gonatas ; cf. D. Knoepfler, Décrets érétriens de proxénie et de citoyenneté, Eretria, XI, Lausanne, 2001, p. 328-334, n°XXV et commentaire, et J.-Chr. Couvenhes, « Érétrie, la garnison de Rhamnonte et Dikaiarchos, d’Antogone Gonatas à Démétrios II », Revue des études militaires anciennes, 6, 2013, p. 135-150.
-
[34]
Denis Knoepfler m’indique que « ce rayon de 60 stades (donc le double de la distance à laquelle était confinée l’action d’Épicharès), me paraît être l’indice qu’aucune armée ennemie n’occupait alors cette frontière de l’Attique, mais que le danger là aussi venait de la mer ». Je suis prêt à le suivre sur ce point.
-
[35]
Comme le souligne D. Knoepfler.
-
[36]
V. Pétrakos, IRhamnous, II, p. 26-28, n°20.
-
[37]
En 411, Phrynichos, un des Quatre-Cents, de retour de Sparte, est assassiné par un péripolos, dont le complice était un Argien : Thucydide, VIII, 92, 2 et 5.
-
[38]
Sur les péripoloi athéniens : P. Cabanes, « Recherches épigraphiques en Albanie : péripolarques et peripoloi en Grèce du Nord-Ouest et en Illyrie à la période hellénistique », CRAI, 135, 1991, p. 197-221 ; J.-Chr. Couvenhes, « Péripoloi, kryptoi et hypaithroi de la cité athénienne », dans J.-Chr. Couvenhes, S. Crouzet et S. Péré-Noguès (éds), Pratiques et identités culturelles des armées hellénistiques du monde méditerranéen, Hellenistic Warfare 3, Bordeaux, 2011, p. 295-306 ; sur les éphèbes hellénistiques, en dernier lieu : A. S. Chankowski, L’éphébie hellénistique. Étude d’une institution civique dans les cités grecques et les îles de la mer Égée et de l’Asie Mineure, Paris, de Boccard, 2010 ; sur la défense du territoire en général : A. Chaniotis, « Policing the Hellenistic Countryside. Realities and Ideologies », dans C. Brélaz et P. Ducrey (éds), Sécurité collective et ordre public dans les sociétés anciennes, Entretiens sur l’Antiquité classique, Fondation Hardt, Tome LIV, Genève, 2008, p. 103-153.
-
[39]
W. K. Pritchett, The Greek State at War, Univ. of California Press, 1971, p. 127-133.
-
[40]
Skopoi, guetteurs ; skopia, skopiè, skopè : poste d’observation ; skopiazo : guetter.
-
[41]
Pritchett indique que : « Polybios, although he uses skopos regularly for an established “lookout” man, in what seems to be a developed program of advance warning (1, 53, 8 ; 1, 54, 2 ; 3, 96, 1 ; 10, 32, 4), and skope as the “lookout spot” (1, 56, 6), employs kataskopeo for “reconnoiter” (3, 95, 6), and kataskope for scouting missions (3, 45, 1 ; 3, 95, 8), katopteis for surveillance of an enemy camp (3, 45,3 ; 10, 32, 1) and kataskopos for spying upon the enemy forces (1, 43, 7). Most of these examples do not apply to Greek army as such, but it is apparent that by this time the system of skopai is more highly developed » (p. 131).
-
[42]
Platon, Lois, VI, 762b-c.
-
[43]
Platon, Lois, VI, 762e-763a.
-
[44]
Sur tout cela, p. 283-291 qui cite les passages concernés.
-
[45]
Platon, Lois, VI, 763a-c.
-
[46]
Platon, Lois, VI, 760e-761a.
-
[47]
M. Piérart, Platon… , op. cit.
-
[48]
Ibid., p. 274.
-
[49]
Cf. par exemple P. Vidal-Naquet, « Le chasseur noir… », op. cit. (1981), p. 289-290, cité par D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit., p. 334, n. 40.
-
[50]
M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 278-283.
-
[51]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 335 : « Ce qui est sûr, c’est que les kryptoi, eux, devaient exister depuis le début du IIIe siècle au moins. Et qui sait si de telles unités n’étaient pas déjà en fonction sous ce nom à Athènes quand, vers 350, Platon évoquait avec tant de précision les kryptoi/agronomoi de la cité des Magnètes ».
-
[52]
Ravenne 137, 4, A, F° 169 verso. Sur cette scholie, cf. l’étude approfondie de J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 12-16 qui donne une photographie du manuscrit. J. Ducat s’interroge notamment sur la reprise, en marge droite de la scholie sous la forme : ἁπλῶς ἀντὶ τοῦ κεκρυμμένος.
-
[53]
D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 332 qui s’appuie sur W. G. Rutherford, Scholia Aristophanica II, 1896, p. 476.
-
[54]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 10 reconnaît d’ailleurs lui même que « l’avantage apparent de la lecture κρυπτοί dans la scholie est qu’elle permet d’économiser l’hypothèse d’un texte perdu d’Euripide », avant d’instruire en doute cette possibilité.
-
[55]
Sur ce manuscrit et ses lectures possibles : D. Knoepfler, « Les kryptoi du stratège Épicharès… », art. cit, p. 332, qui préfère conserver κρύπτεται.
-
[56]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 33-36 qui préfère corriger κρύπται et rappelle également les autres propositions.
-
[57]
Bekker, Anecdota Graeca I, 1814, p. 273, l. 33.
-
[58]
J. Pouilloux, Recherches sur l’histoire et les cultes de Thasos, I, Paris, 1954, p. 115 : « Athènes entretenait même des services de renseignements secrets, si l’on en croit un scoliaste d’Aristophane. Les κρύπται étaient à Thasos des délégués clandestins du peuple athénien chargés de tenir la métropole au courant des événements intérieurs de la cité ».
-
[59]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 35-36 qui conclut « […] à Thasos, ces gens-là ne sont pas appelés péripoloi ni agronomoi, mais kryptai, et il y avait assurément une raison à cela, qui devait impliquer malgré tout une certaine ressemblance avec les cryptes spartiates. Laquelle ? Il est manifestement impossible de la dire. On pout aussi se demander si à Thasos ce nom de cryptes ne serait pas une survivance du passé, d’un passé où cette cryptie ressemblait à celle de Sparte, avant d’évoluer vers quelque chose comme une fonction confiée à certains jeunes de la cité ».
-
[60]
Il était précédé en cela par R. Meiggs, The Athenian Empire, Clarendon Press, 1972, p. 212 et suivantes (notamment p. 214) qui admettait difficilement l’existence de kryptoi à Thasos et par J. M. Balcer, « Imperial Magistrates in the Athenian Empire », Historia, 25, 1976, p. 256-287, en particulier p. 282-283 : « The reference in the Anecdota Graeca may well be nothing more than a vague reference to the duties of the Athenian Episkopoi ».
-
[61]
J.-Chr. Couvenhes, « Péripoloi, kryptoi et hypaithroi de la cité athénienne », dans J.-Chr. Couvenhes, S. Crouzet et S. Péré-Noguès (éds), Pratiques et identités culturelles des armées hellénistiques du monde méditerranéen, Hellenistic Warfare 3, Bordeaux, 2011, p. 295-306.
-
[62]
Texte 5 : Plutarque, Vie de Cléomène, 28, 4 (trad. de R. Flacelière et É. Chambry, légèrement modifiée par Éd. Lévy)
-
[63]
Jeanmaire : cf. supra, note 19 ; Vidal-Naquet [1968], p. 954, n. 1 considère que « Damotélès est, dans la Sparte du IIe siècle, sous Cléomène, le chef de la “cryptie”, c’est-à-dire du détachement préposé aux embuscades » ; P. Vidal-Naquet, « Le cru, l’enfant grec et le cuit », dans Le chasseur noir, Paris, 1981, p. 201 considère que malgré des caractéristiques rituelles évidentes, la cryptie possédait une « fonction effective » dont le but était de « favoriser par tous les moyens le maintien d’un État policier face aux révoltes endémiques de la population asservie de Messénie et de la Laconie elle-même » ; J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 54, résume bien le problème lorsqu’il écrit à propos de la cryptie de Sellasie : « On peut dans ces conditions tenir pour assuré que cette cryptie-là est une réalité d’un tout autre ordre que celle de Platon et Aristote. Cela ne veut pas dire qu’elles soient sans rapport : cela serait étonnant puisqu’elles ont le même nom. Deux possibilités s’offrent. Ou bien les deux crypties ont été successives, l’apparition de la seconde ayant coïncidé avec la disparition de la première ou même s’étant produite après un « vide » ; en ce cas on peut dire que l’institution a évolué, mais cette évolution a abouti à une métamorphose complète. Ou bien les deux crypties ont coexisté, au moins pour un certain temps ; en ce cas, pendant la période de coexistence, la cryptie ancienne manière a pu constituer une épreuve de recrutement et/ou une période d’entraînement en vue de l’autre. Le choix de la réponse peut dépendre de la date à laquelle on estime que la cryptie “classique” a cessé d’exister ».
-
[64]
M. Finley, « Sparte et la société spartiate », dans Économie et société en Grèce ancienne, Paris, La découverte, 1968 (2e éd. 1984), p. 36-51, qui écrit que « l’ancien rite d’initiation à l’âge de dix-huit ans fut rationalisé, c’est-à-dire réinstitutionnalisé, quand on le lia à une fonction nouvelle, une fonction policière, assignée à un corps d’élite de jeunes gens. Significativement, la police des Hilotes était un devoir des cryptes » (p. 41).
-
[65]
Chr. Pélékidis, Histoire de l’éphébie attique des origines à 31 av. J.-C., Paris, 1962, p. 7-79. Sur la ligne de partage entre « éphébie ancienne » et « éphébie nouvelle » qui peut s’expliquer, mais pas seulement, par deux approches différentes du phénomène, l’une « anthropologique », l’autre « épigraphique », on pourra lire les réflexions de A. S. Chankowski, L’éphébie hellénistique, Paris, 2010, p. 25-32 sur « Problème de méthode : apport de l’anthropologie historique ».
-
[66]
K. M. T. Chrimes, Ancient Sparta. A re-examination of the evidence, Manchester, 1949, p. 374-374 : « In the time of Plato and Aristotle the Krypteia was only known as a system of training for Young men, who were inured to all kinds of physical hardship by being compelled to fend for themselves in exposed country, in all seasons and all weathers. It was also darkly rumoured that they encouraged to waylay and kill Helots during these expeditions, which may or may not be true. But the interesting point to notice is that outside knowledge of the system stopped short at the preliminary training ; of its real purpose, no outsiders seem to have had the least idea ».
-
[67]
P. Cartledge, « A Spartan Education », dans Spartan Reflections, Duckworth, 2001, p. 88 : « A clandestine survival exercise superficially similar to the Krypteia is, I understand, prescribed today in the Western Isles of Scotland for recruits to Her Majesty’s Marines. With this, rather crucial, difference : that trainee Marines are not also expected or required to go around intimidating or murdering the local population, without provocation. For the Kryptoi, however, that was the main and immediate object of the exercise : to kill after dark, any of the Spartans’ enslaved Greek population of Helots whom they should accidentally-on-purpose come upon in either Lakonia or more especially Messenia ».
-
[68]
K.-W. Welwei, « War die Krypteia ein grausames Terrorinstrument ? Zur Entstehung einer Fiktion », Laverna, 15, 2004, p. 33-46.
-
[69]
St. Link, « Zur Entstehungsgeschichte der spartanischen Krypteia », Klio, 88, 2006, p. 34-43 qui cite J. Christien-Trégaro, « Les temps d’une vie... », art. cit., p. 70 et p. 71-72 mais reste surtout influencé par Welwei 2004.
-
[70]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 249.
-
[71]
Dans les inscriptions crétoises, le nombre de jours : 3.
-
[72]
On doit à J. Ducat d’avoir dégagé cette notion opérante de « mépris des hilotes » qui explique comment les Spartiates ont pu, durant des siècles, tenir asservie une population méprisée qui avait intégré ce code de conduite. Mais p. 1456-1457, il tire ce mépris du côté du rite d’initiation, parlant d’une chasse nocturne réalisée dans le cadre d’un rite de passage selon un procédé d’inversion mettant en scène un animal-proie capturé par un animal chasseur, à savoir le chien-hilote « tué » par le loup-crypte spartiate ; cf. aussi, J. Ducat, Les Hilotes, Bulletin de correspondance hellénique, Supplément 20, 1990, p. 121-125.
-
[73]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 247, n. 10.
-
[74]
F. G. Kenyon, « Fragment d’une Λακεδαιμονίων Πολιτεία (?) », Revue de Philologie, de littérature et d’histoire ancienne, 21, 1897, p. 1-4 ; B. Haussoullier, « Note sur le papyrus 187 du British Museum », ibid., p. 8-10 ; P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie des Lacédémoniens », Revue des études grecques, 11, 1898, p. 31-38 et s.v. « Krypteia », dans Daremberg-Saglio, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, III (1900), p. 872, n. 9, (nouvelles lectures du papyrus) ; H. J. M. Milne, Catalogue of the literary papyri in the British Museum, Londres, 1927, n°114, p. 88-89 ; M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 283-285 ; J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 20-30.
-
[75]
H. J. M. Milne, Catalogue of the literary papyri in the British Museum, Londres, 1927, n°114, p. 88-89.
-
[76]
J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 60.
-
[77]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 21 et suivante, mène des analyses de vocabulaire très intéressantes sur les pièces de vêtement mentionnées. On aimerait posséder davantage de parallèles afin de déterminer à quoi ces pièces correspondent exactement. Il me semble qu’on ne peut les cantonner au monde paysan ou aux basses couches de la société uniquement parce qu’elle seraient « grossières » ou « en peau ». Les soldats avaient également besoin de pièces robustes.
-
[78]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 22, note 29 qui renvoie à LesHilotes, op. cit., p. 111.
-
[79]
L’hypothèse de lire χ[λαμ]ύδα à la place de χ[λαν]ίδα est avancée par J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 22 qui néan- ̣ ̣̣ ̣ ̣̣ moins l’abandonne et préfère suivre la restitution de Milne.
-
[80]
Platon, Lois, VI, 760e.
-
[81]
P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie… », art. cit., p. 31-38, repris dans son article « Krypteia » du Daremberg-Saglio. Sur ce dernier point, cf. A. Andurand, « Paul Girard et le Dictionnaire des antiquités grecques et romaines : parcours singulier ou portrait d’un contributeur-type ? », Anabases, 4, 2006, p. 181-187.
-
[82]
P. Girard, « Un texte inédit sur la cryptie… », art. cit., p. 36.
-
[83]
Cf. M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 283-285, notamment p. 284 et n. 112.
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[84]
cf. infra, p. 69.
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[85]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 251 suivi par J. Ducat, « La cryptie… », art. cit., p. 60-61.
-
[86]
Cf. supra, note 17.
-
[87]
Xénophon, République des Lacédémoniens, IV. Sur les Trois-Cents Hippeis, cf. H. Jeanmaire, Couroi… , op. cit., p. 541- 545 qui y voit le corps de police par excellence de « l’État policier » qu’était Sparte (p. 545) ; N. Richer, Les éphores. Étude sur l’histoire de Sparte (VIIIe-IIIe siècle avant Jésus-Christ), Paris, 1998, p. 470-472 ; J. Christien-Trégaro, « Les temps d’une vie... », art. cit., p. 69-70.
-
[88]
J. Christien, « Sparte et la Péloponnèse après 369 B.C. Reconstruction de la Messénie », dans ΠΡΑΚΤΙΚΑ ΤΟΥ Ε’ ΔΙΕΘΝΟΥΣ ΣΥΝΕΔΡΙΟΥ ΠΕΛΟΠΟΝΝΗΣΙΑΚΩΝ ΣΠΟΘΔΩΝ (Αργος – Ναύπλιον 6-10 Σεπτεμβρίου 1995), ΤΟΜΟΣ Β’, Athènes, 1998, p. 433-467 étudie la nouvelle frontière entre la Messénie et Sparte ; elle poursuit cette réflexion de géographie historique dans « The Lacedaemonian State… », art. cit., p. 163-184.
-
[89]
J. Christien, « Les temps d’une vie… », art. cit., p. 71.
-
[90]
N. M. Kennel, The Gymnasium of Virtue : Education and Culture in Ancient Sparta, Univ. Of North Carolina, 1995 montre que l’agôgè classique a été largement reconstruite à partir des sources d’époque romaine, alors que bien de ses traits ne se mettent en place qu’à la période hellénistique – et notamment le terme agôgè lui-même, qui n’apparaît pas avant le milieu du IIIe siècle, du moins pour évoquer l’éducation spartiate.
-
[91]
Isocrate, Archidamos (VI), 76.
-
[92]
Platon, Lois, I, 633b-c (texte 1). Cf. aussi Lois, VI, 763b (texte 2), où les agronomes, sorte de patrouilleurs du territoire, sont appelés cryptes.
-
[93]
Isocrate, Archidamos (VI) 73.
-
[94]
Isocrate, Archidamos (VI) 74.
-
[95]
L’expression est de V. Azoulay, « L’Archidamos… », art. cit., p. 520 qui néanmoins conclut : « Ce rapprochement entre la cryptie et le projet du jeune Spartiate vient peut-être éclairer, en définitive, la présence d’Archidamos comme porte-parole des thèses isocratiques : au moment supposé du discours en 366, ce dernier est encore jeune – il a alors un peu plus de trente ans – et la stratégie guerrière qu’il propose est en relative adéquation avec sa classe d’âge, bien que lui-même n’ait, sans doute, jamais été crypte. Les rapports entre l’auteur réel, Isocrate, et l’orateur fictif, Archidamos gagnent, nous semble-t-il, à être appréhendés sous cet angle ».
-
[96]
V. Azoulay, « L’Archidamos… », art. cit., p. 521, voit dans ce passage la mention d’une troupe d’élite.
-
[97]
Cf. supra note 74.
-
[98]
F.G. Kenyon, « Fragment… », art. cit., p. 1.
-
[99]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 28.
-
[100]
F.G. Kenyon, « Fragment… », art. cit., p. 3 ; B. Haussoullier, « Note… », art. cit., p. 10.
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[101]
P. Girard, « Un texte inédit… », art. cit.
-
[102]
H. J. M. Milne, Catalogue… , op. cit., p. 88, qui attribue le texte à Éphore et considère qu’il est également le texte d’une Constitution des Crétois.
-
[103]
M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 284-285.
-
[104]
En dernier lieu, on se reportera à l’étude très approfondie de J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 20-30 : « nous avons à cet endroit, qui n’est ni Sparte, ni une cité crétoise, quelque chose qui ressemble véritablement à la cryptie » (p. 30) ; « Je n’ai dans ces conditions aucune envie de soutenir que Thasos est la cité dont parle le papyrus, quoique ce soit après tout possible » (p. 30).
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[105]
Cf. supra.
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[106]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 28-29 revient sur cette question et va dans le sens de Girard et Haussoullier.
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[107]
À partir de κατεπλη, Kenyon et Haussoullier restituaient un aoriste 2 passif, κατεπλάγην, alors que Girard restituait κατέπληξε, mais tous trois considéraient, d’une manière ou d’une autre, la surprise manifestée par Agésilas face à l’endurance (qu’ils prenaient pour une éducation) manifestée par les hommes soumis au régime décrit ; Milne lisait κατέπλητ̣τ̣ε̣τ̣ο̣… et conservait l’idée que Agésilas « était frappé d’une stupeur admirative » (sur cela, cf. en dernier lieu J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 29).
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[108]
J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 29-30 auquel nous renvoyons.
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[109]
On se souvient que Paul Girard, « Sur la cryptie… », art. cit., p. 34, pensait déjà que son auteur ne pouvait pas être un historien, ce que rappelle avec raison J. Ducat, « Crypties », art. cit., p. 21, que nous suivons : à défaut de pouvoir en dire plus, on admettra qu’il s’agit probablement d’un « moraliste/médecin ».
-
[110]
Xénophon, Helléniques, VI, 4, 18, raconte comment, peu après la défaite de Leuctres, les Spartiates envoyèrent Archidamos avec une armée de secours en Béotie.
-
[111]
K. M. T. Chrimes, Ancient Sparta, op. cit., p. 375-376.
-
[112]
Sur l’étymologie, Ibid., p. 378-379.
-
[113]
Ibid., p. 251 : « They (s.c. les Skiritai) are mentioned together with, but distinguished from, the ‘newly enfranchised’ and the perioicoi at the time of the first Spartan expedition against Olynthus, under Eudamidas, which seems to confirm that they are not a specially equipped body of Spartans, but simply the inhabitants of a frontier district subject to Sparta ».
-
[114]
Éd. Lévy, « La kryptie… », art. cit., p. 246, n. 4.
-
[115]
Ibid., p. 246, n. 5.
-
[116]
Ibid., p. 247, n. 13.
-
[117]
Ibid., p. 247, n. 7.
-
[118]
Ibid., p. 247, n. 8.
-
[119]
Ibid., p. 247, n. 9.
-
[120]
Ibid., p. 247, n. 10.
-
[121]
Ibid., p. 247, n. 11.
-
[122]
Ibid., p. 247, n. 12.
-
[123]
Ibid., p. 246, n. 6.
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[124]
Éd. Levy, « La kryptie… », art. cit., p. 246, rajoute (sic) à κρύπτεια, de même que M. Piérart, Platon… , op. cit., p. 280, n. 94.
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[125]
On pourrait lire ̣χ[λαμ]̣ύ̣δα à la place de ̣χ[λαν]̣ί̣δα. Cf. supra, p. 000, note 79.
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[126]
Éd. Levy, « La kryptie… », art. cit., p. 248, n. 14, qui suit l’édition Kenyon, reproduit καρβατίνας ; de même, il reproduit au début du passage : … παρ]αβαλόντες καὶ…