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Article de revue

Alimentation et société dans la Rome classique : bilan historiographique (IIe siècle av. J.-C. – IIe siècle apr. J.-C.)

Pages 133 à 157

Notes

  • [1]
    Konrad Vössing fait le point sur le banquet dans ce recueil.
  • [2]
    Friedländer 1922. Marquardt 1892.
  • [3]
    Carcopino 1939.
  • [4]
    André 1961.
  • [5]
    Voir par exemple : Wilkins, Harvey & Dobson 1995 ; Curtis 2001 ; Thurmond 2006.
  • [6]
    Corbier 1996. Garnsey 1999. Ce manuel reprenait les conclusions d’un ouvrage antérieur : Garnsey 1998.
  • [7]
    Garnsey 1999, XI-XIII.
  • [8]
    Wilkins & Hill 2006, 39-78.
  • [9]
    Courant initié par le travail fondateur de Van Berchem 1939.
  • [10]
    Virlouvet 1985 ; 1995.
  • [11]
    Garnsey 1996, 1999.
  • [12]
    Voir la mise au point de Garnot 1998. Un numéro des Annales est très éclairant sur ce point : Braudel 1961.
  • [13]
    Corbier 1989, 121-122.
  • [14]
    Flandrin, Hyman & Hyman 1983. Flandrin 1992.
  • [15]
    Publiée en 1939, La civilisation des mœurs ne fut traduite en français qu’en 1974.
  • [16]
    Corbier 1989, p. 127 n. 117. Garnsey 1999, p. 144.
  • [17]
    Mennell 1985. Garnsey 1999, p. XII.
  • [18]
    Bettini 1986, 1995.
  • [19]
    Dupont 1996. Voir aussi : 1992. Et Roman 2008.
  • [20]
    Voir par exemple Brothwell & Brothwell 1969.
  • [21]
    Dalby 1996.
  • [22]
    Dupont & Valette-Cagnac 2005 n’appliquent pas leurs « façons de parler grec à Rome » à l’alimentation. Nadeau 2010 traite les transferts culturels d’un point de vue grec en analysant les influences romaines sur le banquet hellénique.
  • [23]
    Lepetz & Van Andringa 2008.
  • [24]
    Garnsey 1998, 226-252 ; 1999, 43-62.
  • [25]
    Mayer 1989. Cloud 1990.
  • [26]
    Moralistes : Valère Maxime, II, 1, 2 ; Plutarque, Romulus, 22 ; Aulu Gelle, X, 23, 1. Sources poétiques : Ovide, Amours, I, 4, 5 ; I, 31-32 ; L’Art d’aimer, I, 573-576 ; Juvénal, Satires, VI, 300 ; Martial, Epigrammes, I, 87, 8 ; V, 78 ; X, 98, 1-6.
  • [27]
    Leclant, Vauchez & Sartre, 2008.
  • [28]
    Sippel 1987.
  • [29]
    Frayn 1979. Evans 1980. White 1976. Davies 1989, 187-206. Garnsey 1998, 226-252.
  • [30]
    Virlouvet 1985. Voir aussi Corbier 2005 ; Goukowsky 2008.
  • [31]
    Brothwell 1969, 175-192. Garnsey 1999, 43-61.
  • [32]
    Corbier 1996, 226-228.
  • [33]
    Corbier 1996, p. 215. Sur le régal des savetiers : Juvénal, Satires, III, 294.
  • [34]
    Garnsey 1999, 52-54, 56-57.
  • [35]
    Kleberg 1957, p. 24. Monteix 2007.
  • [36]
    Kleberg 1957, 74-97. Corbier 1996, 230-231.
  • [37]
    Monteix 2007, 118-119. Martial parle de popina dives : Epigrammes, V, 44, 10.
  • [38]
    Nous laissons de côté l’évergétisme, trop lié aux banquets publics, que nous ne traitons pas.
  • [39]
    Le Gall 1966.
  • [40]
    Rouland 1979, 528-533.
  • [41]
    Verboven 2002, 95-99.
  • [42]
    Duncan-Jones 2008.
  • [43]
    Slater 2000. Vössing 2010.
  • [44]
    Sur la salutatio : Badel 2007 (sur les sportules : 148-151).
  • [45]
    Badel 2007, 151-152.
  • [46]
    Dupont 1992 et 1996.
  • [47]
    Corbier 1989, 126-132.
  • [48]
    Dupont 1996, 204-207.
  • [49]
    Tchernia & Brun 1999, 108-147.
  • [50]
    Les études de Carmignagi, Laurichesse & Thomas 1998 et d’Amat 2007 s’avèrent décevantes. Blanc et Nercessian 1992 ont essayé d’appliquer des recettes d’Apicius mais en les adaptant au goût contemporain, ce qui affaiblit leur intérêt expérimental.
  • [51]
    Clemente 1981. Baltrusch 1988.
  • [52]
    Bonnefond-Coudry 2004.
  • [53]
    Tacite, Annales, III, 52-55.
  • [54]
    Kleberg 1957, 101-107.
  • [55]
    Corbier 1996, 232-233.
  • [56]
    Suétone, Néron, 16, 2 ; Domitien, 7, 1.
  • [57]
    Friedländer 1922, p. 226. Martial, Épigrammes, III, 7 ; 14 ; 30 ; 60. L’interprétation a été récemment défendue par Vössing 2010, sous une forme remaniée. Il n’y eut pas retour mais complémentarité entre les deux mesures, Néron interdisant les banquets publics et Domitien les sportules. Par « publiques », il entend non pas les distributions impériales mais toutes distributions dans l’espace public (donc faites aussi par des aristocrates).
  • [58]
    D’Arms 1995. Badel 2006c.
  • [59]
    Noailles 1948, 1-27.
  • [60]
    Plutarque, Romulus, 22.
  • [61]
    Ovide, Amours, I, 4, 5 ; L’Art d’aimer, I, 573-576 ; Juvénal, Satires, VI, 300 ; Martial, Épigrammes, I, 87, 8.
  • [62]
    Ovide, Fastes, II, 582 ; III, 765.
  • [63]
    Minieri 1982. Gras 1983. Bettini 1995.
  • [64]
    Roller 2003 ; 2006, 116-118. Badel 2006b.
  • [65]
    Valère Maxime, II, 1, 2. Voir Bradley 1998. La même logique a été déployée, sans doute plus justement, à propos des enfants : Nielsen 1998.
  • [66]
    Ovide, Amours, I, 4, 5 ; Juvénal, Satires, VI, 300 ; Martial, Épigrammes, V, 78 ; X, 98, 1-6.
  • [67]
    Roller 2003 ; 2006. Badel 2006b.
  • [68]
    Badel 2006a.
  • [69]
    De Ruyt 1983. Frayn 1995.
  • [70]
    Corbier 1989, 145-147.
  • [71]
    Scheid 2005.
  • [72]
    Van Andringa, 2007.
  • [73]
    Corbier, 1989, 109-126.
  • [74]
    Van Andringa, 2007, 11-15. Varron, Res Rusticae, II, 5, 10, distingue clairement les bêtes élevées pour l’autel et les autres.
  • [75]
    Tacite, Annales, III, 52-55.

1 Peut-on évoquer l’histoire sociale de l’alimentation à Rome sans parler du banquet ? C’est une question que l’on peut légitimement se poser tant le banquet domine, depuis une quinzaine d’années, les études sur l’alimentation dans l’Antiquité. C’est aussi le défi que cet article se propose de relever puisqu’il ambitionne d’éclairer, de manière globale, la façon dont l’historiographie a posé les enjeux sociaux de l’alimentation au cours des trente dernières années [1]. Ce laps de temps correspond d’ailleurs, peu ou prou, à l’émergence d’une véritable histoire sociale de l’alimentation dans la Rome antique.

2 De fait, cette démarche épistémologique s’avère relativement récente car on ne peut considérer comme de l’histoire sociale les études réalisées par les historiens positivistes au tournant du XIXe et du XXe siècle. En dépit de leur caractère fondateur, les synthèses de Ludwig Friedländer et de Joachim Marquardt, dans les grands manuels de l’époque, s’apparentent plus à une « histoire des mœurs », telle que le XVIIIe siècle l’avait déjà conçue et pratiquée [2]. Il en est de même des « vies quotidiennes » rédigées dans leur sillage au cours du XXe siècle, dont l’ouvrage de Jérôme Carcopino fut pour le lecteur français l’exemple le plus illustre [3]. Ne relèvent pas plus de l’histoire sociale les catalogues, abordant l’alimentation sous la forme d’une liste, basée sur l’analyse sémantique des termes latins ou la description des types de produits consommés. Ils se sont révélés une mine de renseignements et de mises au point, permettant des avancées importantes des connaissances – tel le livre classique de Jean André, longtemps la référence majeure sur l’alimentation romaine en français [4]–, mais leur méthodologie même ne leur permettait pas d’explorer les enjeux sociaux de l’alimentation, sinon de façon très épisodique. Notons que leurs limites épistémologiques n’empêchent pas ces deux « genres » d’être toujours pratiqués [5].

3 Il faut attendre la fin des années 1970 pour voir repérer les premiers exemples d’une approche sociale de l’alimentation. Les études se multiplient assez au cours des années 1980-1990 pour que des synthèses puissent être tentées dans la deuxième moitié des années 1990. En la matière, les deux contributions majeures sont constitués par l’article de Mireille Corbier, « La fève et la murène : hiérarchies sociales des nourritures à Rome » dans l’Histoire de l’Alimentation (1996), et le manuel de Peter Garnsey, Food and Society in Classical Antiquity (1999), qui dominent toujours actuellement le paysage scientifique [6]. En quoi cette démarche était-elle nouvelle et en quoi peut-elle être qualifiée d’histoire sociale ? Dans son introduction, Peter Garnsey l’explique très bien lorsqu’il déclare vouloir étudier la nourriture comme un facteur à la fois de lien et de hiérarchie sociale [7]. De manière anticipée, Mireille Corbier lui fit écho puisque le titre de son article se focalisait sur les hiérarchies sociales des nourritures. C’est ce courant historiographique que cet article entend analyser et son titre démarque évidemment le titre du livre de Peter Garnsey, Food and Society.

1. Construction d’un champ disciplinaire

4 Mus par cette ambition revendiquée, les chercheurs de cette sensibilité ont été logiquement amenés à préciser les limites du domaine envisagé, construisant ainsi un nouveau champ disciplinaire, celui de l’histoire sociale de l’alimentation. La comparaison des tables des matières des études de Mireille Corbier et de Peter Garnsey est révélatrice sur ce point. On peut les compléter par l’analyse d’un ouvrage plus récent, celui de John Wilkins et Shaun Hill, Food in Ancient World, qui consacre un chapitre aux enjeux sociaux de l’alimentation antique (2006) [8]. Elle montre que les frontières fixées une dizaine d’années plus tôt n’ont pas connu de changement significatif. En voici le tableau :

M. Corbier (1996) P. Garnsey (1999) J. Wilkins et S. Hill (2006)
Production et distribution
(alimentation méditerranéenne, accès à la nourriture).
Diet. The Eating of Diet of the Majority of population (human life-cycle, spécial diets, eating alone.
Le champ de l’alimentation (modes de préparation, contenu du
pulmentarium, qualités-quantités, assaisonnements).
Food and the Economy. Public and Private Space (furniture, private eating).
Cuisine et sociabilité des élites.
Cuisine et sociabilité populaire
(accès inégal à nourriture chaude, infrastructures, cadre et lieux
de la convivialité).
Food crisis. Food and Social Status.
L’idéal de frugalité (interdits, élites, soldats, peuple de Rome. Malnutrition. Food and Gender (order of the meal).
Otherness.
Forbidden Foods.
Food and the Family.
Haves and havenots.
You are with
whom you eat.
figure im1

5 Structuré en quatre parties, l’article de Mireille Corbier s’attache aux questions de production et de distribution, aux modes de préparation, à la sociabilité alimentaire et enfin aux normes centrées sur l’idéal de frugalité. Plus focalisé sur le problème de la diète alimentaire, le livre de Peter Garnsey est divisé en neuf chapitres, dont les quatre premiers font le point sur le régime alimentaire (en intégrant les crises de subsistance) tandis que les trois derniers explorent le rôle de la nourriture comme vecteur de hiérarchie au sein de la famille et de la société. Les deux chapitres centraux s’intéressent à la nourriture des autres et aux aliments interdits, ce qui revient à traiter la question de la norme. Plus ramassé, le chapitre du livre de John Wilkins et Shaun Hill se décompose en quatre parties, consacrées à la diète, aux espaces (donc à la sociabilité), au statut social et au gender.

6 Cette comparaison indique clairement les thèmes qui constituent le noyau central d’une lecture sociale de l’alimentation : le régime alimentaire (ou diète) avec ses implications sanitaires (problèmes de sous-nutrition et de malnutrition) ; les aspects sociaux du ravitaillement (crises de subsistance et émeutes frumentaires) ; les modes de préparation avec leur dimension « gastronomique » ; les sociabilités et convivialités alimentaires ; le rapport avec le statut social et sexuel ; les normes et les cadres idéologiques conditionnant les pratiques alimentaires. Le lien avec l’économie n’est pas oublié même si l’émergence de ce champ implique précisément une prise de distance envers l’histoire économique. La sensibilité de chaque auteur l’amène à insister plus ou moins sur chaque aspect mais il est significatif que les domaines de la famille et du gender soient plus développés dans les travaux récents en raison de l’ampleur nouvelle acquise dernièrement par ce type de recherche.

7 La construction d’un nouveau champ d’étude nécessite logiquement une prise d’autonomie par rapport à d’autres spécialités qui l’englobaient jusqu’alors. En histoire ancienne, la prégnance de l’histoire institutionnelle a fait que l’alimentation n’a été longtemps abordée que sous l’angle de l’organisation du ravitaillement, de l’annone, vu sous un angle politique [9]. Certains travaux pionniers en la matière viennent précisément de chercheurs spécialistes de l’annone qui ont su dépasser un horizon uniquement institutionnel. Ce n’est pas un hasard si l’étude de référence sur les émeutes frumentaires est due à Catherine Virlouvet, qui s’est illustrée par ses travaux sur le fonctionnement des distributions frumentaires [10]. Ce n’est pas un hasard, non plus, si Peter Garnsey a étudié les systèmes d’approvisionnement dans le monde gréco-romain avant de passer à une démarche plus sociale dans l’approche de ces questions [11].

8 Si l’on adopte un point de vue plus global, concernant toutes les périodes, il est évident que l’étude de l’alimentation n’a été d’abord considérée que comme un secteur de l’histoire économique. Ainsi pratiquaient les historiens de la deuxième génération des Annales, essentiellement des modernistes, qui analysaient les fluctuations des récoltes et les budgets familiaux dans une perspective économique. Les grandes thèses d’histoire régionale se livraient ainsi à une pesée globale des consommations de blé ou de vin [12]. Cette école a fourni évidemment une source d’inspiration pour les romanistes intéressés par les questions d’alimentation. Mireille Corbier se réclame de Fernand Braudel et la marque des schémas modernistes en matière de crise frumentaire est patente sur l’étude de Catherine Virlouvet [13].

9 Pour la France, le rayonnement des modernistes dans ce domaine a sûrement contribué à l’émergence d’une histoire sociale de l’alimentation chez les romanistes car on note une évolution semblable dans cette période. Dans la deuxième moitié des années 1970, un renouvellement des problématiques apparaît chez les modernistes français, qui commencent à s’intéresser aux modes de préparation des repas et aux manières de table. De tels questionnements inauguraient une histoire à la fois du goût et de la convivialité. Jean-Louis Flandrin a incarné ce changement de perspective [14]. Ces approches s’avéraient fortement influencées par les travaux du sociologue allemand Norbert Elias, tardivement traduits en France, et la « révolution culinaire » diagnostiquée pour l’époque moderne s’intégrait sans mal dans l’avènement de la « civilisation des mœurs », chère à cet auteur [15]. Dans le monde anglo-saxon, cet intérêt s’avère plus ancien puisque l’ouvrage fondateur, Plenty and Want, de John Burnett, consacré au régime alimentaire des Anglais depuis 1815, date de 1966.

10 La prise d’autonomie par rapport à la sphère économique fut grandement facilitée par l’influence des sciences sociales, essentiellement la sociologie et l’anthropologie, en plein essor dans les années 1970. Aussi bien Mireille Corbier que Peter Garnsey invoquent le patronage de Claude Lévi-Strauss et de Jack Goody [16]. De manière plus originale, Peter Garnsey explique, dans son introduction, son intérêt pour les pratiques alimentaires par la lecture de l’ouvrage de Stephen Mennell sur l’histoire comparée de l’alimentation en Angleterre et en France depuis la fin du Moyen Âge, All Manners of Food : Eating and Taste in England and France from the Middle Ages to the Present (1985) [17]. Il y montre la progressive différenciation entre les deux pays, en raison de l’action de la Cour royale française, foyer d’une cuisine raffinée. Historien-sociologue, Stephen Mennell appartient à la mouvance de Norbert Elias. En histoire romaine comme en histoire moderne, en Angleterre comme en France, la marque du grand sociologue s’avère donc déterminante sur la construction d’une histoire sociale de l’alimentation.

11 La démarche anthropologique apparaît radicale dans un courant de recherche issu du milieu des latinistes. En Italie, l’école anthropologique de Sienne – son chef de file Maurizio Bettini en premier lieu – s’est attachée à décrypter les structures invariantes des conceptions romaines sur la cuisson ou le vin [18]. En France, cette méthode a été brillamment illustrée par Florence Dupont, auteur de l’autre chapitre sur Rome dans l’Histoire de l’Alimentation[19]. Elle a montré comment l’imaginaire romain de l’alimentation s’articulait autour de l’opposition entre les nourritures dures (fruges) et les nourritures molles (carnes), les secondes s’identifiant avec la gastronomie. C’est ce qu’elle appelle le « pourri délectable ». Formée par la tradition littéraire, cette école ignore totalement la dimension économique, ce qui n’est pas le cas de la démarche plus sociologique. Dans son cas, la déconnection avec la sphère économique s’avère totale.

12 Dans son élaboration d’une histoire sociale de l’alimentation, les romanistes ont cheminé de concert avec les hellénistes, surtout dans le monde anglo-saxon. Il est significatif que les ouvrages de Peter Garnsey ou de John Wilkins concernent non pas le seul monde romain mais le Classical World ou l’Ancient World. Dans le monde anglo-saxon, beaucoup de ces chercheurs sont des spécialistes de l’alimentation antique en général, transcendant le clivage entre les sous-disciplines de l’histoire de l’Antiquité [20]. Un savant anglais, Andrew Dalby, dont les travaux concernent aussi bien l’histoire grecque que l’histoire romaine, est même capable d’écrire une histoire de la gastronomie grecque dans l’Antiquité et le Moyen Âge [21] ! Une telle situation est évidemment le résultat et la preuve de l’émergence de l’histoire de l’alimentation comme discipline autonome. En France, les historiens restent cantonnés dans leur spécialité mais les colloques englobent en revanche la totalité de l’Antiquité, voire même souvent ont un caractère « transpériodes ».

13 Toutefois, cette coexistence n’a donné jusqu’ici que des résultats décevants. Les ouvrages communs à l’ensemble de l’Antiquité se contentent en général de juxtaposer les informations sur les mondes grec et romain sans s’intéresser aux interactions et aux transferts culturels. Dans le domaine des relations gréco-romaines, l’histoire de l’alimentation fonctionne encore trop souvent sur une conception simpliste de l’hellénisation, se réduisant à l’adoption pure et simple de produits ou de pratiques grecques par les Romains. Lorsque ces influences sont étudiées, l’historien s’appuie trop souvent sur une vision erronée de l’une des deux cultures. Il est dommage que Florence Dupont n’ait pas appliqué sa théorie de « l’altérité incluse » à l’alimentation romaine [22]. Comme pour d’autres secteurs, elle aurait pu montrer que l’hellénisation de cette dernière est largement fantasmée, les Romains inventant une Grèce imaginaire et désignant des pratiques purement romaines par des mots grecs.

14 Comme l’histoire sociale de l’alimentation se définit par ses questionnements et non par ses sources, elle utilise toute la gamme des documents disponibles : histoires générales et biographies, traités agronomiques et médicaux, poésies satiriques et œuvres morales, épigraphie et archéologie, représentations iconographiques… Sollicitée fréquemment, l’archéologie n’est toutefois pas dominante en terme de problématiques. Son association avec les sources littéraires ne pose pas de problème particulier car on ne note pas de contradiction systématique entre les deux types de documentation. L’interprétation des restes archéologiques n’est d’ailleurs pas toujours aisée surtout lorsqu’il s’agit de dépôts votifs ou religieux [23]. En général, les documents archéologiques complètent ou confirment les témoignages littéraires. Lorsque Peter Garnsey analyse la malnutrition, il croise sans difficulté traités médicaux et ossements de Pompéi [24]. De leur côté, les restes architecturaux permettent d’appréhender de façon concrète les espaces, privés ou publics, qui constituent les lieux de la sociabilité alimentaire.

15 En réalité, le problème méthodologique majeur réside dans la confrontation entre deux types de sources littéraires, les sources normatives/morales et les sources poétiques/romanesques. Ils sont également suspects mais à des titres divers. Les sources normatives – traités de médecine ou de morale – sont par nature coupées du réel car rien ne prouve que leurs instructions aient été appliquées par les individus. Quant aux sources romanesques, il est facile de les taxer de déformation par application d’un « code romanesque » ou d’un « code satirique [25]. Or, sur de nombreuses pratiques, ces deux types de documents tiennent un discours différent. Ainsi, concernant les femmes, les moralistes – Valère Maxime ou Alu Gelle –, affirment que le vin leur était interdit ou qu’elles mangeaient assises alors que les poètes élégiaques (Ovide) ou satiriques (Martial, Juvénal) les montrent s’enivrant et banquetant couchées au milieu des hommes [26]. En l’occurrence, le choix par le chercheur d’une des deux options équivaut à un choix méthodologique plus profond. C’est peut-être la conscience de cette dualité irréductible qui explique le titre d’un colloque récent, Pratiques et discours alimentaires en Méditerranée, bien qu’il ne soit ni purement social ni purement antique (2008) [27].

2. La vision des hiérarchies : clivage ou tuilage ?

16 La notion de hiérarchie se trouvait au cœur du projet des pionniers de l’histoire sociale de l’alimentation, nous l’avons dit. Il s’agissait de voir en quoi la nourriture constituait un facteur de hiérarchisation sociale. De fait, cette problématique a dominé les études sur la question depuis une trentaine d’années. Le rôle de lien social et l’importance de la convivialité étaient certes censés contrebalancer la hiérarchie mais il faut bien reconnaître que l’approche de la sociabilité fut très marquée par une vision hiérarchique. En la matière, l’enjeu principal est de savoir comment l’on conçoit le fonctionnement de cette hiérarchie. Opère-t-elle de manière tranchée, créant des clivages nets, ou de façon plus complexe, par un jeu de décalages progressifs ? Les chercheurs oscillent souvent les deux conceptions mais la seconde s’impose actuellement comme la plus pertinente.

17 Le premier clivage potentiel réside dans la quantité de nourriture disponible, séparant ceux qui mangent à leur faim et ceux qui sont menacés par la pénurie. Le thème a beaucoup retenu l’attention des chercheurs dans les années 1970-1980, sans doute parce qu’il se trouvait encore dans le prolongement de l’histoire économique mais aussi parce que les problèmes contemporains des pays sous-développés sensibilisaient les esprits à la question. Sans doute influencé par le modèle du sous-développement, Donald Sippel a défendu la thèse que la société romaine souffrait de sous-nutrition mais une série d’études ultérieures a démenti vivement ses propos [28]. Que ce soit Kenneth White, Roy Davies ou Peter Garnsey, ces auteurs ont bien montré que la ration calorique était normalement satisfaisante [29]. L’analyse de la ration des soldats et des esclaves, les mieux connus grâce aux textes (traités d’agronomie) et à l’archéologie (villa de Settefinestre, Mur d’Hadrien), indique que les individus de ces deux catégories disposaient d’un kg de blé par jour, sans compter l’ajout d’autres produits, ce qui permet sans problème d’atteindre les 2800-3000 calories journalières nécessaires à la survie. L’étude des crises frumentaires par Catherine Virlouvet a confirmé ce diagnostic puisque les famines sont rarissimes à la période classique [30]. Le monde romain ne connaît que des disettes et les acteurs des émeutes frumentaires ne sont pas des misérables menacés de mort mais des plébéiens issus du monde de la boutique. Rome n’était pas une société de famine, c’est l’un des apports majeurs de ces dernières années.

18 En revanche, tous les historiens ont été unanimes à souligner les carences de cette alimentation, dues à un manque des vitamines A et D, elles-mêmes causées par une sous-consommation de viande et de lait [31]. Les traités médicaux antiques indiquent des problèmes de vue (manque de vitamine A) et de rachitisme (manque de vitamine D), de même que les squelettes révèlent des taux importants de détérioration de l’émail des dents ou d’hypérostose porotique (petits trous dans le crâne, par exemple au fond des orbites), provoqués par un manque de fer, découlant d’une pénurie de viande. Comme le prouve l’analyse des squelettes trouvés à Herculanum – 29% d’hypérostose porotique chez les hommes, 41% chez les femmes –, l’anémie représentait un problème sanitaire massif. Il est donc évident que la malnutrition était largement répandue dans la société romaine. À nouveau, une telle situation a suscité des rapprochments avec les PVD mais il faut souligner que les pays développés actuels connaissent aussi des problèmes de malnutrition.

19 Ces problèmes touchaient-ils également l’ensemble de la population ? C’est ici que nous retrouvons la question de la hiérarchie. Le clivage le plus évident – entre les riches et les pauvres – s’avère paradoxalement le plus difficile à étudier car il n’est pas évident de distinguer le statut social d’un squelette, sauf si l’on dispose d’un contexte funéraire précis. La littérature latine fournit certes quelques proverbes sur le sujet, donnant l’impression que certains mets étaient réputés comme des « mets de pauvres » [32]. Les Romains pensaient que le terme faber, l’ouvrier, venait de faba, la fève, et la tête de mouton passait pour être le régal des savetiers [33]. Mais une vision d’ensemble de la documentation dément l’interprétation d’une frontière close entre les groupes sociaux en la matière. On a plutôt l’impression que les pauvres mangeaient la même nourriture que les riches, mais en moins grande quantité et de moins bonne qualité.

20 Les différences les plus nettes concernent le genre et l’âge. En raison des théories médicales du temps, les femmes enceintes et les enfants en bas âge étaient structurellement carencés car elles interdisaient la viande aux premières (craignant un « flux de sang » pour le fœtus) et préconisaient un sevrage trop précoce pour les seconds [34]. Il n’est donc pas étonnant que le taux d’hypérostose porotique, lié à l’anémie, soit plus grand chez les femmes d’Herculanum que chez les hommes (41% contre 29). Il n’est pas étonnant non plus que beaucoup des affections dues aux carences découlent de l’alimentation reçue au cours des premiers mois de l’enfance, voire pendant la vie intra-utérine. Notons que ces carences ne renvoient pas tant à une absence concrète de l’aliment qu’à un modèle culturel interdisant ou limitant son utilisation. Une telle remarque fait comprendre que l’interprétation de la malnutrition se révèle complexe car elle fait intervenir autant des facteurs culturels que des facteurs économiques.

21 Autant que sur les mets, les logiques hiérarchiques peuvent se déployer dans la fréquentation des espaces. En l’occurrence, le clivage fondamental sépare le convivium, foyer de la sociabilité aristocratique, de la popina, le « restaurant » romain. Il faut préciser au passage que ce terme générique désigne aussi bien les « bars », puisque le mot thermopolium est un néologisme de Plaute, dont l’usage ne se diffusa pas [35]. Bien que le fait soit établi depuis plus d’un demi-siècle, on peut regretter que thermopolium soit toujours fréquemment utilisé par les savants, en particulier les archéologues. Depuis le travail fondateur de Tönnes Kleberg, l’historiographie considère que les restaurants étaient des endroits méprisés réservés à la plèbe, la fréquentation ponctuelle des aristocrates relevant de la transgression [36]. En réalité, cette interprétation fortement hiérarchique s’avère discutable car la présence des élites peut être aussi interprétée comme le signe d’une mixité sociale. D’autre part, le double sens de popina, qui désigne aussi une nourriture raffinée, prouve que les plats servis pouvaient se trouver au sommet de la hiérarchie gastronomique [37]. Quoi qu’il en soit, il est évident que le restaurant reste un parent pauvre de l’histoire de l’alimentation, surtout si on le compare au banquet.

22 Enfin, en terme de hiérarchie sociale, la nourriture peut être aussi utilisée comme un instrument aux mains des puissants. Dans un contexte romain, ce sujet pose le problème du rôle de l’alimentation dans le système clientélaire [38]. L’idée simple et belle de sa fonction fondatrice, si longtemps dominante, a été fortement ébranlée par l’article Joël Le Gall, il y a maintenant un demi-siècle, qui démontrait que la distribution de sportules par les patrons à leurs clients n’était pas attestée avant l’époque de Claude et de Néron [39]. On ne sait comment fonctionnait concrètement l’aide alimentaire des patrons sous la République mais elle ne semble pas avoir eu de caractère régulier et institutionnalisé [40]. D’autre part, le terme latin sportula est polysémique et peut désigner autant des sommes d’argent que des paniers-repas [41]. Dans le premier cas, qui se rencontre souvent sous l’Empire, le caractère alimentaire de l’aide prêtre évidemment à discussion.

23 Actuellement, le débat porte sur les occasions de la distribution. La vision traditionnelle, défendue encore récemment par Richard Duncan-Jones, insiste sur la diversité des temps et des lieux : salutatio, thermes, convivium (mais dans ce dernier cas, il s’agirait de sommes d’argent) [42]. En revanche, William Slater, soutenu par Konrad Vössing, estime que seule la distribution aux thermes est bien attestée [43]. Lors de la salutatio, il faut noter que les patrons pouvaient aussi inviter certains de leurs clients à la cena du soir, autre modalité de don alimentaire [44]. Toutefois, comme pour les sportules, la pratique d’invitation massive des clients n’est pas mentionnée avant la période julio-claudienne. La concomitance des deux apparitions n’est sans doute pas fortuite, reflétant une réélaboration du système clientélaire provoqué par l’installation du régime impérial.

24 La plupart des commentateurs insistent sur le caractère hiérarchique très fort de cette pratique, permettant au patron d’affirmer, parfois brutalement, sa supériorité sociale. Cette lecture peut paraître exagérée, en tout cas déséquilibrée, car le rite social de la salutatio se devait aussi d’être fidèle aux valeurs civiques et le patron ne devait pas oublier qu’il recevait des citoyens [45]. On peut dire la même chose du convivium, qui était censé respecter les valeurs d’amitié et de convivialité traditionnelles, mais nous ne développerons pas ce point puisque nous avons écarté le banquet de notre propos. Qu’il suffise de dire que, dans le cadre clientélaire, le don alimentaire ou son substitut monétarisé (si c’est bien un substitut…) était marqué d’une tension fondamentale entre la logique de distinction et l’idéal civique, et qu’une interprétation purement hiérarchique en a sans doute simplifié la complexité.

25 Cette logique hiérarchique a conduit certains savants à établir la hiérarchie des aliments en fonction des goûts des Romains et non plus des statuts sociaux, même si les deux échelles devaient souvent coïncider. Les classifications livrées par les sources littéraires permettent sans peine de les restituer et Florence Dupont a formulé de stimulantes conclusions sur le sujet [46]. Outre la dualité essentielle entre nourritures dures et nourritures molles, déjà mentionnée, elle a attiré l’attention sur la préférence pour les nourritures grasses et les préparations très cuites [47]. Complémentaires, ces deux dilections concouraient au même résultat, des plats à la consistance molle et onctueuse, les Romains appréciant peu ce qui craque sous la dent. De cette logique découlait une hiérarchie que les Romains résumaient ainsi : l’huitre est meilleure que le sanglier car plus molle mais le sanglier est meilleur que le chevreau, plus dur [48].

26 De telles recherches découlent logiquement sur une histoire du goût, mais il faut bien constater qu’elle n’a été jusqu’ici qu’esquissée. En la matière, l’essai le plus intéressant a sans doute été tenté par André Tchernia qui a cherché à reconstituer le goût des vins romains aussi bien par l’interprétation des textes antiques que par des expériences de production selon les méthodes romaines grâce à son association avec un vigneron. La formule de Pline l’Ancien sur le goût des grands crus romains – un « miel amer » – a été confirmée et éclairée par ses expérimentations qui ont débouché sur la fabrication d’un vin blanc doux à l’arrière-goût amer, comparable au Xérès ou au Rivesaltes [49]. Toutefois, ces tentatives restent rares et l’histoire sociale de l’alimentation romaine n’a pas encore généré de synthèse comparable à celle de Jean-Louis Flandrin sur la révolution du goût à l’époque moderne [50]. Il est probable que l’obsession de la hiérarchie a freiné son développement en polarisant la réflexion dans ce domaine.

27 L’ombre portée de la hiérarchie sur l’histoire sociale de l’alimentation a donc pu se révéler pesante et simplificatrice lorsqu’elle était traitée de manière trop univoque comme pour la popina ou la clientèle. En revanche, son apport s’est révélé très fécond dès que les chercheurs l’ont abordée de façon plus subtile sous la forme d’un « tuilage » articulant une série de décalages dans le cadre d’un continuum.

3. La norme : le système de régulation alimentaire

28 Si la problématique de la hiérarchie était clairement annoncée par les premiers travaux d’histoire sociale, celle de la norme figurait au départ de façon plus implicite, ce qui ne l’a pas empêché d’acquérir une place grandissante. Bien des débats en la matière opposent des conceptions différentes de la norme alimentaire ou de son mode de fonctionnement. Un tel rôle a été favorisé par le poids des textes normatifs dans la documentation, à tel point que certains chercheurs sont sceptiques sur la possibilité d’appréhender les réalités. Au-delà de la question de la documentation, l’enjeu majeur réside dans la méthodologie propre à l’histoire sociale et dans son rapport avec d’autres disciplines dont elle s’est détachée. De fait, l’histoire politique, l’histoire du droit ou l’histoire religieuse ont mis en valeur certaines normes, qui ont été considérées aussi comme pertinentes pour les pratiques alimentaires. Concernant la société romaine, une telle opinion pose le problème des instances de régulation alimentaire, mais pour l’histoire sociale de l’alimentation, elle pose surtout le problème de son autonomie méthodologique.

29 Dans le cadre de la cité antique, il était normal que les autorités puissent prendre des mesures concernant la « sphère privée » si l’intérêt collectif le requérait. A partir du IIIe siècle siècle av. J.-C., Rome a édicté une série de lois somptuaires réprimant le luxe, dont l’alimentation constituait la cible principale. Les mesures déterminaient des plafonds de dépenses et interdisaient la consommation de certains mets, essentiellement de viande, considérés comme trop luxueux. Les banquets semblent avoir constitué une cible de choix mais pas seulement car les repas familiaux étaient aussi concernés par ces lois. Depuis Guido Clemente, on considère que leur motivation était politique : les aristocrates auraient utilisé les banquets, tant privés que publics, comme instrument de compétition politique et cet usage aurait été perçu comme une menace pour la stabilité de la cité [51].

30 Cette interprétation a été récemment contestée par Marianne Bonnefond-Coudry, qui fait remarquer, avec raison, que les textes n’évoquent jamais de motivation politique [52]. D’autre part, ces mesures visaient uniquement les repas privés alors que l’exploitation politique des banquets publics apparaît plus évidente. L’inspiration de ces lois semble avoir été plutôt morale, guidée par le souci d’imposer un modèle idéologique, celui de la frugalitas. A la rigueur, les textes permettent de défendre l’hypothèse que le Sénat voulait aussi préserver la fortune du groupe dirigeant, que la surenchère luxueuse des convivia pouvait ruiner.

31 L’histoire des lois somptuaires se termine avec Tibère, qui constata, avec désenchantement, leur inutilité [53]. Pourtant l’Etat romain ne renonça pas pour autant à la politique de frugalité mais la dirigea contre les popina, phénomène bien moins étudié et pourtant tout aussi capital. De Tibère à Vespasien, une série de décisions impériales y interdit la vente de plats de viande et de pâtisserie, ne leur laissant que les légumes. Là encore, l’historiographie unanime estime que la raison en était politique, les restaurants représentant un foyer de complot, donc un danger pour le pouvoir impérial [54]. Mais là encore, les textes ne mentionnent jamais de causalité politique et citent ces mesures dans le contexte moralisant de décisions « censoriales » des empereurs. Il semble bien que les souverains aient voulu, par ce biais, imposer la frugalitas à leurs sujets [55].

32 À en croire la tradition historiographique, les pratiques alimentaires des aristocrates auraient continué de représenter un danger aux yeux du pouvoir sous l’Empire. Nous retrouvons à cette occasion les débats autour de la sportule. Selon Suétone, Néron interdit les banquets publics pour les remplacer par des distributions de sportules mais Domitien revint à la situation antérieure [56]. Bien que ces deux occurrences ne parlent que des banquets et sportules publics, on considère, depuis Ludwig Friedländer, que leurs homologues privés étaient aussi concernés, sur la foi d’un rapprochement avec quatre épigrammes de Martial [57]. Cette interprétation prend toujours racine dans la conviction que les dons alimentaires des aristocrates, sous forme de banquet ou de sportule, étaient perçus comme une menace politique. En réalité, Suétone et Martial ne parlent pas des mêmes sportules – paniers-repas pour le premier, sommes d’argent distribuées pendant les banquets pour le second –, ce qui fragilise beaucoup la crédibilité de l’hypothèse. Plus encore que sous la République, l’idée que le pouvoir impérial serait intervenu comme instance de régulation alimentaire pour des raisons politiques apparaît contestable.

33 Au-delà de ces débats, l’enjeu majeur réside dans l’application de ces mesures et donc dans l’impact réel de la régulation publique sur les pratiques alimentaires. La plupart des historiens estiment que la réitération des lois somptuaires trahit leur inefficacité et les réflexions désabusées de Tibère sur le sujet leur donnent a priori raison. Par ailleurs, cette politique de frugalité paraît de prime abord en contradiction avec le dynamisme de la « gastronomie » romaine. Le terme ne semble pas anachronique car la gastronomie existe quand une société tient un discours sur la cuisine, ce qui est bien le cas à Rome (que l’on songe à Apicius…). En terme de logique sociale, il est évident que les élites ont utilisé la « haute cuisine » comme un facteur de distinction (que l’on songe à Lucullus…). Mais, en terme de norme, la société romaine apparaît bien écartelée entre deux codes contradictoires, dont le plus légitime d’un point de vue moral ne fut pas forcément le plus fort.

34 Cette dualité apparaît bien dans le jugement social des Romains sur l’ivrognerie. Les moralistes dénoncent à l’unisson l’abus de vin, car il entraine la perte de la maîtrise de soi, valeur cardinale pour l’aristocratie romaine [58]. Mais si l’homme est capable de résister à l’ivresse et de conserver le contrôle de soi, la situation se retourne totalement. En triomphant du vin, il a prouvé sa virtus et se montre digne d’éloges. Un tel exploit peut même le qualifier pour des postes de hautes responsabilités : c’est du moins ce que pensait l’empereur Tibère, lui-même grand ivrogne, il est vrai. On voit comment les valeurs agonistiques de la noblesse romaine généraient la coexistence de deux jugements contradictoires sur l’excès de vin (contradiction seulement apparente si l’on pense que le principe de base était similaire).

35 Un tel fonctionnement rappelle la complexité des systèmes normatifs qui, en outre, n’imposent pas le même code à tous les groupes. L’exemple le plus frappant en est évidemment le « double standard » différenciant les deux sexes. De fait, les interdits pesant sur les femmes dans le domaine alimentaire ont retenu vivement l’attention des historiens. La consommation du vin est l’objet d’un débat lancé par des historiens du droit il y a soixante ans mais poursuivi jusqu’à nos jours [59]. Selon certains moralistes (Plutarque), une loi de Romulus aurait interdit le vin aux femmes romaines [60]. Mais de multiples sources sur la vie quotidienne, de nature littéraire (Ovide, Juvénal) ou iconographique, mettent en scène des femmes en proie à la boisson à l’époque classique [61]. Dans l’imaginaire romain, la figure de l’ivrogne est même incarnée par la vieille femme un peu sorcière [62]. Formulée par des juristes, la thèse de l’interdiction fut pensée en termes juridiques, ce qui revenait à défendre une vision étroitement juridique de la norme.

36 Dans un deuxième temps, pour expliquer une telle interdiction, les partisans de cette thèse furent amenés à invoquer des « tabous » de nature religieuse ou anthropologique. Ainsi, selon Maurizio Bettini, le vin pur aurait été assimilé au sperme [63]. De tels décryptages posaient le problème de l’origine religieuse de certaines normes alimentaires alors même que la culture romaine ne connaît apparemment pas d’interdits alimentaires de nature religieuse à l’instar des cultures juive ou musulmane. Les derniers commentateurs penchent plutôt pour la consommation féminine de vin à l’époque classique, voyant dans les propos des moralistes un discours plus ou moins fantasmé sur la Rome primitive [64]. Mais la question du rapport entre nourriture et religion n’en est pas moins pertinente et nous la retrouverons sous peu.

37 De la même façon, les propos des mêmes moralistes sur la position assise des femmes pendant les repas ont nourri une vaste réflexion sur la façon dont la cena mettait en scène le contrôle de l’homme sur la femme [65]. Et de la même façon, les sources de la période classique nous montrent des femmes dînant couchées mêlées aux hommes [66]. La véracité de la femme assise semble aussi fantaisiste que celle de la femme abstinente [67]. Il ne s’ensuit pas que le « double standard » alimentaire n’ait pas existé mais il fonctionnait de façon plus subtile que la théorie des interdits ne le postule. Ainsi, on note que les femmes ne faisaient pas les courses alimentaires à Rome (comme dans les sociétés musulmanes traditionnelles) et ne jouaient pas de rôle marquant dans les émeutes frumentaires (au contraire de la situation à l’époque moderne) [68]. De telles spécificités révèlent sûrement des traits profonds sur le rapport des Romaines à la nourriture mais elles n’ont pas encore été l’objet d’une étude approfondie.

38 La marque des pratiques religieuses sur les pratiques alimentaires se trouve au cœur du débat le plus récent, celui sur la consommation de la viande. À cet égard, il n’est pas inutile de rappeler l’évolution de l’historiographie sur le sujet. Dans les années 1980-1990, des historiens de l’économie, tels Claire De Ruyt et Joan Frayn, ont noté l’importance des restes animaux et des infrastructures commerciales spécifiques (macellum) afin de reconstituer le commerce de la viande dans le monde romain [69]. Son ampleur globale ne fait alors pas de doute. À cette époque, la grande question concerne la diffusion sociale de sa consommation. Dans son article sur le statut ambigu de la viande à Rome, Mireille Corbier montre que les pauvres mangent bien de la viande mais de qualité inférieure, cuisinée sous forme de ragoût, de quenelles ou d’ofellae (petits morceaux) [70].

39 En 2005, le livre de John Scheid, Quand faire c’est croire, change radicalement les perspectives [71] . Pour cet auteur, spécialiste d’histoire religieuse, la seule origine de la viande vient des bêtes sacrifiées, dont la part non consommée dans les banquets religieux était revendue aux bouchers. Deux années plus tard, un colloque publié par William Van Andringa, un historien de la religion publique appartenant à sa mouvance, confirme ses conclusions [72]. L’origine sacrificielle de certaines viandes avait été notée depuis longtemps, bien entendu, mais elle figurait parmi d’autres. Dans son article, Mireille Corbier avait cru discerner une évolution profane de son usage, la source non sacrificielle prenant de plus en plus d’importance au fil du temps [73]. Chez John Scheid, cette diversité et cette ambiguïté disparaissent totalement au profit d’une obligation sinon d’un interdit. Sous sa plume, le caractère uniquement sacrificiel de la viande acquiert le statut d’une norme religieuse. Pourtant, à la lecture même du dossier réuni par William Van Andringa, les choses ne paraissent pas si simples. Dans son introduction, il remarque en effet que les représentations de bouchers ne font jamais figurer de sacrifices ou d’allusions religieuses et que la viande devenait profane lorsqu’elle était vendue aux bouchers [74]. À supposer que son origine ait été uniquement sacrificielle – ce qui reste à prouver –, le statut de la viande n’en reste pas moins ambigu.

40 Au final, il en est de la norme comme de la hiérarchie : faut-il la comprendre comme un interdit, de nature juridique ou religieuse, ou mettre en valeur la pluralité et l’ambiguïté des codes en action ? La seconde option nous semble plus éclairante, même si la cité romaine pouvait édicter des interdictions en matière alimentaire. Ces réglementations ne sont pas contestables mais leur interaction avec les pratiques sociales n’avait aucun caractère « mécanique ». La tradition historiographique a sans doute tendance à surestimer le poids des motivations politiques dans l’élaboration des normes alimentaires mais ce constat concerne l’ensemble de l’histoire sociale. Plus lucide, Tibère estimait que la législation publique ne pouvait rien contre les « vices » des hommes – en d’autres termes contre l’autonomie des pratiques sociales – et Tacite note à cette occasion que les mœurs devinrent plus simples par la suite grâce à l’imitation de la table du frugal Vespasien – du Norbert Elias avant la lettre [75] ! Les dirigeants romains montrent aux historiens contemporains la piste à suivre…

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  • Rouland, R. (1979) : Pouvoir politique et dépendance personnelle dans l’Antiquité romaine, Bruxelles.
  • Scheid, J. (2005) : Quand faire c’est croire. Les rites sacrificiels des Romains, Paris.
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  • Slater, W.J. (2000) : “Handouts at Dinner”, Phoenix, 54, 107-122.
  • Tchernia, A. et J.-P. Brun (1999) : Le vin romain antique, Grenoble.
  • Thurmond, D.L. (2006) : A Handbook of Food Processing in Classical Rome, Leyde-Boston.
  • Van Andringa, W., éd. (2007) : Sacrifices, marché de la viande et pratiques alimentaires dans les cités du monde romain, Food & History, 5.
  • Van Berchem, D. (1939) : Les distributions de blé et d’argent à la plèbe romaine sous l’Empire, Genève.
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  • Virlouvet, C. (1985) : Famines et émeutes à Rome des origines à la mort de Néron, Rome.
  • Virlouvet, C. (1995) : Tesseria frumentaria, Rome.
  • Vössing, K. (2010) : “Die Sportulae, der Kaiser und das Klientelwesen in Rom”, Latomus, 69, 723-739.
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  • Wilkins, J., D. Harvey et M. Dobson, éd. (1995) : Food in Antiquity, Exeter.
  • Wilkins, J. et S. Hill (2006) : Food in the Ancien World, Oxford.

Notes

  • [1]
    Konrad Vössing fait le point sur le banquet dans ce recueil.
  • [2]
    Friedländer 1922. Marquardt 1892.
  • [3]
    Carcopino 1939.
  • [4]
    André 1961.
  • [5]
    Voir par exemple : Wilkins, Harvey & Dobson 1995 ; Curtis 2001 ; Thurmond 2006.
  • [6]
    Corbier 1996. Garnsey 1999. Ce manuel reprenait les conclusions d’un ouvrage antérieur : Garnsey 1998.
  • [7]
    Garnsey 1999, XI-XIII.
  • [8]
    Wilkins & Hill 2006, 39-78.
  • [9]
    Courant initié par le travail fondateur de Van Berchem 1939.
  • [10]
    Virlouvet 1985 ; 1995.
  • [11]
    Garnsey 1996, 1999.
  • [12]
    Voir la mise au point de Garnot 1998. Un numéro des Annales est très éclairant sur ce point : Braudel 1961.
  • [13]
    Corbier 1989, 121-122.
  • [14]
    Flandrin, Hyman & Hyman 1983. Flandrin 1992.
  • [15]
    Publiée en 1939, La civilisation des mœurs ne fut traduite en français qu’en 1974.
  • [16]
    Corbier 1989, p. 127 n. 117. Garnsey 1999, p. 144.
  • [17]
    Mennell 1985. Garnsey 1999, p. XII.
  • [18]
    Bettini 1986, 1995.
  • [19]
    Dupont 1996. Voir aussi : 1992. Et Roman 2008.
  • [20]
    Voir par exemple Brothwell & Brothwell 1969.
  • [21]
    Dalby 1996.
  • [22]
    Dupont & Valette-Cagnac 2005 n’appliquent pas leurs « façons de parler grec à Rome » à l’alimentation. Nadeau 2010 traite les transferts culturels d’un point de vue grec en analysant les influences romaines sur le banquet hellénique.
  • [23]
    Lepetz & Van Andringa 2008.
  • [24]
    Garnsey 1998, 226-252 ; 1999, 43-62.
  • [25]
    Mayer 1989. Cloud 1990.
  • [26]
    Moralistes : Valère Maxime, II, 1, 2 ; Plutarque, Romulus, 22 ; Aulu Gelle, X, 23, 1. Sources poétiques : Ovide, Amours, I, 4, 5 ; I, 31-32 ; L’Art d’aimer, I, 573-576 ; Juvénal, Satires, VI, 300 ; Martial, Epigrammes, I, 87, 8 ; V, 78 ; X, 98, 1-6.
  • [27]
    Leclant, Vauchez & Sartre, 2008.
  • [28]
    Sippel 1987.
  • [29]
    Frayn 1979. Evans 1980. White 1976. Davies 1989, 187-206. Garnsey 1998, 226-252.
  • [30]
    Virlouvet 1985. Voir aussi Corbier 2005 ; Goukowsky 2008.
  • [31]
    Brothwell 1969, 175-192. Garnsey 1999, 43-61.
  • [32]
    Corbier 1996, 226-228.
  • [33]
    Corbier 1996, p. 215. Sur le régal des savetiers : Juvénal, Satires, III, 294.
  • [34]
    Garnsey 1999, 52-54, 56-57.
  • [35]
    Kleberg 1957, p. 24. Monteix 2007.
  • [36]
    Kleberg 1957, 74-97. Corbier 1996, 230-231.
  • [37]
    Monteix 2007, 118-119. Martial parle de popina dives : Epigrammes, V, 44, 10.
  • [38]
    Nous laissons de côté l’évergétisme, trop lié aux banquets publics, que nous ne traitons pas.
  • [39]
    Le Gall 1966.
  • [40]
    Rouland 1979, 528-533.
  • [41]
    Verboven 2002, 95-99.
  • [42]
    Duncan-Jones 2008.
  • [43]
    Slater 2000. Vössing 2010.
  • [44]
    Sur la salutatio : Badel 2007 (sur les sportules : 148-151).
  • [45]
    Badel 2007, 151-152.
  • [46]
    Dupont 1992 et 1996.
  • [47]
    Corbier 1989, 126-132.
  • [48]
    Dupont 1996, 204-207.
  • [49]
    Tchernia & Brun 1999, 108-147.
  • [50]
    Les études de Carmignagi, Laurichesse & Thomas 1998 et d’Amat 2007 s’avèrent décevantes. Blanc et Nercessian 1992 ont essayé d’appliquer des recettes d’Apicius mais en les adaptant au goût contemporain, ce qui affaiblit leur intérêt expérimental.
  • [51]
    Clemente 1981. Baltrusch 1988.
  • [52]
    Bonnefond-Coudry 2004.
  • [53]
    Tacite, Annales, III, 52-55.
  • [54]
    Kleberg 1957, 101-107.
  • [55]
    Corbier 1996, 232-233.
  • [56]
    Suétone, Néron, 16, 2 ; Domitien, 7, 1.
  • [57]
    Friedländer 1922, p. 226. Martial, Épigrammes, III, 7 ; 14 ; 30 ; 60. L’interprétation a été récemment défendue par Vössing 2010, sous une forme remaniée. Il n’y eut pas retour mais complémentarité entre les deux mesures, Néron interdisant les banquets publics et Domitien les sportules. Par « publiques », il entend non pas les distributions impériales mais toutes distributions dans l’espace public (donc faites aussi par des aristocrates).
  • [58]
    D’Arms 1995. Badel 2006c.
  • [59]
    Noailles 1948, 1-27.
  • [60]
    Plutarque, Romulus, 22.
  • [61]
    Ovide, Amours, I, 4, 5 ; L’Art d’aimer, I, 573-576 ; Juvénal, Satires, VI, 300 ; Martial, Épigrammes, I, 87, 8.
  • [62]
    Ovide, Fastes, II, 582 ; III, 765.
  • [63]
    Minieri 1982. Gras 1983. Bettini 1995.
  • [64]
    Roller 2003 ; 2006, 116-118. Badel 2006b.
  • [65]
    Valère Maxime, II, 1, 2. Voir Bradley 1998. La même logique a été déployée, sans doute plus justement, à propos des enfants : Nielsen 1998.
  • [66]
    Ovide, Amours, I, 4, 5 ; Juvénal, Satires, VI, 300 ; Martial, Épigrammes, V, 78 ; X, 98, 1-6.
  • [67]
    Roller 2003 ; 2006. Badel 2006b.
  • [68]
    Badel 2006a.
  • [69]
    De Ruyt 1983. Frayn 1995.
  • [70]
    Corbier 1989, 145-147.
  • [71]
    Scheid 2005.
  • [72]
    Van Andringa, 2007.
  • [73]
    Corbier, 1989, 109-126.
  • [74]
    Van Andringa, 2007, 11-15. Varron, Res Rusticae, II, 5, 10, distingue clairement les bêtes élevées pour l’autel et les autres.
  • [75]
    Tacite, Annales, III, 52-55.
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