Notes
-
[1]
Adcock, Mosley 1975, p. 155 et p. 157.
-
[2]
Mosley 1973, p. 55-62 chapitre « composition of athenian embassies » ; Bederman 2001, p. 98 sq.
-
[3]
Adcock, Mosley 1975, p. 157.
-
[4]
Mosley 1973, p. 20 chapitre « The instructions of ambassadors » et p. 24, p. 27, p. 35 sq. ; Adcock, Mosley 1975, p. 155 ; Bederman 2001, p. 102.
-
[5]
Adcock, Mosley 1975, p. 153 et Mosley 1973, p. 94.
-
[6]
γέρας γερόντων, Homère, Iliade, IV, 322.
-
[7]
Homère, Iliade, IX, 422.
-
[8]
LfgrE γέρας et Carlier 1984, p. 151 sq.
-
[9]
Schulz 2011a, p. 9-11.
-
[10]
Cf. Chantraine, γέρας.
-
[11]
Homère, Iliade, II, 284-332 et XIV, 83-102.
-
[12]
Homère, Odyssée, XI, 510.
-
[13]
Gschnitzer 1983, p. 154 ad Homère, Iliade, II, 200.
-
[14]
Wéry 1979 distingue nettement le héraut (κῆρυξ) de l’envoyé (ἄγγελος) (ibid., p. 21 sq., 27 sq. et 41 sq.), mais elle n’aborde pas la connexion de ce dernier avec le conseil.
-
[15]
Homère, Odyssée, XXI, 20 : τῶν ἕνεκ’ ἐξεσίην πολλὴν ὁδὸν ἦλθεν Ὀδυσσεύς/ παιδνὸς ἐών· πρὸ γὰρ ἧκε πατὴρ ἄλλοι τε γέροντες.
-
[16]
Priam reçut en cadeau un gobelet précieux lors d’une ambassade en Thrace (Homère, Iliade, XXIV, 235).
-
[17]
Homère, Iliade, III, 205 sq. et XI, 141 sq. : ὅς ποτ᾽ ἐνὶ Τρώων ἀγορῇ Μενέλαον ἄνωγεν/ ἀγγελίην ἐλθόντα σὺν ἀντιθέῳ Ὀδυσῆϊ/ αὖθι κατακτεῖναι μηδ᾽ ἐξέμεν ἂψ ἐς Ἀχαιούς. BK Prolegomena, p. 156, insère l’épisode dans les antécédents de l’Iliade.
-
[18]
Homère, Iliade, III, 208 sq.
-
[19]
Homère, Iliade, XI, 123 sq.
-
[20]
Homère, Iliade, VII, 345-380.
-
[21]
Homère, Iliade, I, 144 ; 311.
-
[22]
Homère, Iliade, I, 431.
-
[23]
Deux hérauts les accompagnent : Homère, Iliade, IX, 170.
-
[24]
Homère, Iliade, IX, 163 sq. Comparez la rétrospective d’Agamemnon (Homère, Iliade, XIX, 140). La position de Phoenix est subordonnée, cf. Köhnken 1975.
-
[25]
Homère, Iliade, IX, 369 sq. : …τῷ πάντ᾽ ἀγορευέμεν ὡς ἐπιτέλλω/ ἀμφαδόν, ὄφρα καὶ ἄλλοι ἐπισκύζωνται Ἀχαιοὶ. ἀμφαδόν signifie « ouvertement, publiquement » (LfgrE), ce qui évoque plutôt une assemblée qu’un conseil dont le caractère était plus privé.
-
[26]
XIX, 140 sq.
-
[27]
Sur la culture du débat, cf. Ruzé 1997, p. 77 sq., p. 84, p. 95.
-
[28]
XIX, 160.
-
[29]
XIX, 172.
-
[30]
XIX, 194 sq.
-
[31]
XIX, 217.
-
[32]
XIX, 275.
-
[33]
Schulz 2011a, p. 76 à propos des gérontes qu’envoient les Étoliens à Méléagre (Homère, Iliade, IX, 574 sq.).
-
[34]
Schulz 2011a, p. 18-26 à propos du conseil troyen.
-
[35]
Raaflaub 2006, p. 455 sq.
-
[36]
πρείγα de Naupacte : IG IX 12 3, 609 (= ML 13 ; Koerner 1993, p. 47 ; Nomima t. 1, 44 ; πρεισγήια et πρείγιστοι de Rhittenia : Nomima t. 1, 7 (= ICret IV 80, ligne 11) et Nomima t. 1, 63 (= ICret I XXVIII 7 A1 ; Koerner 1993, p. 100*).
-
[37]
Bederman 2001, p. 96 avec n. 28. À propos de Crète, cf. Seelentag 2015, p. 219 sq. avec n. 19 (bibliographie).
-
[38]
Mitchell 1997.
-
[39]
Voir la remarque n. 1.
-
[40]
Toutefois les envoyés athéniens ont été souvent choisis parmi les plus de cinquante ans. Cf. Roussel 1951, p. 139, et Mosley 1973, p. 46.
-
[41]
Cf. n. 5.
-
[42]
Mitchell 1997, p. 78.
-
[43]
Mosley 1973, p. 51-52.
-
[44]
Mosley 1973, p. 52.
-
[45]
Un autre cas est celui d’Etymoclès, cf. Schulz 2011b. Un autre exemple pourrait être Derkyllidas qui est envoyé comme émissaire à Pyrrhus (Plutarque, Apophtegmes Laconica, 219F ; Stobée, III, 7, 61). Si les 15 Spartiates qui ratifient par serment la paix de Nicias et l’alliance de 50 ans étaient des gérontes, deux d’entre eux étaient en même temps ambassadeurs, cf. Kahrstedt 1922, p. 164.
-
[46]
Comme son père, Lichas dédia des statues à Olympie (Pausanias, Graeciae descriptio, VI, 2, 2).
-
[47]
Thucydide, V, 49 ; Xénophon, Hellenica, III, 2, 21 et Pausanias, Graeciae descriptio, VI, 2, 2.
-
[48]
Cf. Cartledge 1984, p. 99, David 1991, p. 129, n. 94 et Hornblower 2000, p. 216 ad Xénophon, Hellenica, III, 2, 21. En revanche Pouilloux, Salviat 1983, p. 383 et 388 voient en ἀνὴρ γέρων ni un géronte ni un vieillard, mais plutôt un « homme d’âge » entre 40 et 45 ans. Cette interprétation, qui ressort de leur hypothèse que Lichas fut archonte en 397, ne va pas avec l’usage du mot.
-
[49]
Xénophon, Hellenica, III, 2, 21 ; Pausanias, Graecae descriptio, VI, 2, 2.
-
[50]
Ainsi HCT ad Thucydide, VIII, 39 et Westlake 1985, p. 49. Lichas est le seul conseiller qui soit nommé ici et dans ce qui suit.
-
[51]
Thucydide, VIII, 38, 2 : ξυνέπεμψαν δὲ οἱ Λακεδαιμόνιοι καὶ ἕνδεκα ἄνδρας Σπαρτιατῶν ξυμβούλους Ἀστυόχῳ, ὧν εἷς ἦν Λίχας ὁ Ἀρκεσιλάου.
-
[52]
Mosley 1973, p. 50 sq. (chapitre « the composition of spartan embassies »).
-
[53]
Thucydide, VIII, 39, 2 : εἴρητο αὐτοῖς ἐς Μίλητον ἀφικομένους τῶν τε ἄλλων ξυνεπιμέλεσθαι ᾗ μέλλει ἄριστα ἕξειν, καὶ… Ce cas ne figure pas chez Mosley, car le terme αὐτοκράτωρ n’est pas employé.
-
[54]
Thucydide, VIII, 38, 2 : εἴρητο αὐτοῖς… Ἀστύοχον, ἢν δοκῇ τοῖς ἕνδεκα ἀνδράσι, παύειν τῆς ναυαρχίας, Ἀντισθένη δὲ καθιστάναι.
-
[55]
Thucydide, VIII, 38, 4 : ἐπιστέλλει περὶ αὐτοῦ ἐς τὴν Λακεδαίμονα Πεδάριτος ὡς ἀδικοῦντος.
-
[56]
Thucydide, VIII, 39, 3 : πρὸς γὰρ τὰς τοῦ Πεδαρίτου ἐπιστολὰς ὑπώπτευον αὐτόν.
-
[57]
Schulz 2011a, p. 157-188.
-
[58]
Thucydide, VIII, 5-8.
-
[59]
Thucydide, VIII, 38, 2 : εἴρητο αὐτοῖς… τὰς ναῦς ταύτας ἢ αὐτὰς ἢ πλείους ἢ καὶ ἐλάσσους ἐς τὸν Ἑλλήσποντον ὡς Φαρνάβαζον, ἢν δοκῇ, ἀποπέμπειν.
-
[60]
Schulz 2011a, p. 212-241.
-
[61]
Les Athéniens campèrent à Samos d’où ils pouvaient menacer simultanément Milet et Chios. Cela empêchait les Péloponnésiens de bien coordonner leurs forces.
-
[62]
Astyochos aurait été (ὡς ἐλέγετο : cf. HCT et Hornblower ad Thucydide, VIII, 50, 3) payé par Tissapherne pour lui apporter des informations secrètes. Plus tard, Astyochos a également été accusé par les soldats d’être corrompu par Tissapherne (Thucydide, VIII, 83).
-
[63]
Ainsi Kagan 1987, p. 83 avec n. 60 et Falkner 1999, p. 213 avec n. 30.
-
[64]
Cf. n. 53.
-
[65]
Chalkideus fut l’ἄρχων de la mission vers Chios (Thucydide, VIII, 11), Thériménès etait censé apporter du renfort à Astyochos (VIII, 26), qui était navarque (VIII, 20).
-
[66]
Bien que les deux traités (Thucydide, VIII, 18 et 37) fussent applicables aux acteurs locaux, ils n’avaient pas été ratifiés par les autorités à la maison. Sinon Lichas ne pouvait pas menacer de suspendre l’application des traités (οὐ χρήσεσθαι, cf. HCT ad Thucydide, VIII, 43, 4). En revanche, le troisième traité semble avoir été ratifié (cf. infra n. 71). D’un point de vue terminologique, on note que Thucydide ne distingue pas entre traité provisoire et définitif.
-
[67]
Thucydide, VIII, 43 ; VIII, 46 et VIII, 52.
-
[68]
Cf. n. 78.
-
[69]
La conquête de Rhodes grossissait le trésor de guerre (Thucydide, VIII, 44).
-
[70]
Thucydide, VIII, 57.
-
[71]
Les stipulations concernant son territoire et ses obligations étaient certainement approuvées par le roi de Perse, cf. Lewis 1977, p. 104 sq. La formalité et le détail du préambule conviennent à la ratification, cf. Kagan 1987, p. 98. Cf. n. 66 à propos du statut des traités antérieurs.
-
[72]
Schulz 2011a, p. 229 sq.
-
[73]
Pouilloux, Salviat 1983, p. 380 et Roisman 1987, p. 421.
-
[74]
Cf. n. 78.
-
[75]
Après l’opération contre Rhodes, le moment aurait été favorable pour traverser vers Chios ou l’Hellespont, mais les Spartiates se préparent à hiverner sur place. Pourquoi ? Selon Kagan 1987, p. 93, les Spartiate craignaient plus l’expérience des Athéniens qu’ils ne tiraient d’assurance de leur plus grand nombre.
-
[76]
Thucydide, VIII, 87. Seul Kagan 1987, p. 213 n. 10, doute de la justesse du jugement de Thucydide.
-
[77]
Thucydide, VIII, 78.
-
[78]
Thucydide, VIII, 84 : Lichas blâma les Milésiens parce qu’eux et tous les Grecs dans le pays perse devaient servir le Grand Roi – au moins jusqu’à la fin de la guerre, comme il ajouta étonnamment.
-
[79]
Thucydide, VIII, 87. Apparemment le mandat des onze conseillers dépassait la succession d’Astyochos (VIII, 85). Probablement Lichas n’alla pas à Aspendos, parce que c’est Philippos qui en ramena les nouvelles (VIII, 99) – peut-être que Lichas souffrait déjà de la malade qui allait le tuer (VIII, 84).
-
[80]
Thucydide, VIII, 99.
-
[81]
Thucydide, VIII, 87.
-
[82]
Cf. Westlake 1985, p. 50.
-
[83]
Thucydide, VIII, 109.
-
[84]
Ainsi HCT ad Thucydide, VIII, 87, 2 sur Denys d’Halicarnasse, XIII, 46, 6. Différemment Kagan 1987, p. 213 avec n. 8.
-
[85]
Le traité de Lichas fut éventuellement complété ou remplacé en 407 en accordant aux villes grecques d’Asie Mineure un certain degré d’autonomie, tant qu’elles payaient l’impôt aux Perses (cf. Lewis 1977, p. 123 sq.). Les négociations furent facilitées de manière décisive par le fait que Cyrus, le fils du roi perse, avait succédé à Tissapherne.
-
[86]
Mitchell 1997, Appendix I (« Magistrates with connections, Spartan ambassadors »).
-
[87]
Xénophon, Memorabilia, I, 2, 61 ; et Plutarque, Cimon, 10, 6.
-
[88]
Selon Plutarque, l’influence apportée par les largesses est limitée dans les communautés saines : Isménias fait des dons, Lichas des banquets, Nikératos des chorégies, mais Épaminondas, Aristide et Lysandre exercent des charges, font de la politique et de la guerre (Plutarque, Praecepta gerendae rei publicae, 823e).
-
[89]
Schulz 2011b ; les Athéniens arrêtent l’ambassadeur Étymoclès et ne le libèrent que parce qu’il promet la punition d’un général spartiate.
-
[90]
Aristote, Politique, 1271a3.
-
[91]
Mosley 1973, p. 53.
-
[92]
Mitchell 1997, p. 78, et Richer 1998, p. 410.
-
[93]
Mosley 1973, p. 31.
-
[94]
Cf. Hansen, Nielsen 2004, p. 275 à propos d’un cas semblable à Locres.
Introduction
1Les conseillers, les décideurs et les ambassadeurs avaient en Grèce différentes fonctions, qui étaient indispensables pour la politique d’une communauté – d’une part, conseiller et prendre des décisions chez soi, d’autre part, représenter les intérêts de sa propre ville à l’extérieur. Souvent, ces tâches étaient accomplies par différentes personnes, dont la provenance et le recrutement divergeaient. Dans l’Athènes classique, comme dans beaucoup d’autres endroits, les ambassadeurs étaient recrutés parmi les individus qui avaient de l’influence politique et qui jouissaient d’une grande estime sociale [1] ; ils étaient élus par le peuple [2]. Ces hommes politiques, ces généraux ou ces citoyens estimés peuvent être considérés comme des conseillers dans la mesure où ils avaient le droit, comme chaque citoyen, de se faire désigner comme orateurs au cours de l’assemblée des citoyens, droit dont ils faisaient usage de manière disproportionnée [3]. Mais ils n’étaient pas des décideurs importants : car le pouvoir était au peuple qui constituait l’assemblée et le conseil, dont les membres étaient désignés par tirage au sort. Les ambassadeurs étant souvent de classes sociales élevées et choisis de manière aristocratique, ils étaient contrôlés de manière stricte par l’assemblée des citoyens, l’organe démocratique ; cela veut dire que leur pouvoir discrétionnaire était petit et qu’ils étaient dans l’obligation de rendre des comptes [4]. Parce que des ambassadeurs voulant dépasser leur mandat devaient prendre des garanties auprès de l’assemblée des citoyens, ce qui n’était pas facile avec les moyens de communication de l’époque, ou parce qu’ils risquaient de perdre la vie au cours d’un procès, la plupart des ambassadeurs se limitaient à représenter des positions fixes. C’est de ces restrictions que la diplomatie grecque souffrait selon la communis opinio [5]. Mais était-ce toujours et partout comme cela ?
Question
2De la Grèce homérique à la Sparte classique, on connaît des personnages qui exercent tout à la fois les trois fonctions – délibérer, décider et transmettre les décisions – comme le héros Ulysse ou le Spartiate Lichas. À partir de l’analyse de diverses sources littéraires, cette contribution propose d’aborder les questions suivantes : qu’implique la triple fonction pour les missions respectives de ces personnages en question ? Est-ce que ces individus étaient dotés, en tant qu’ambassadeurs, d’un plus grand pouvoir discrétionnaire ? Pouvaient-ils apporter plus d’expertise dans les discussions qui se déroulaient dans leur cité d’origine et y avaient-ils plus de poids dans la prise de décisions ? Pour des raisons de temps, il sera procédé de manière exemplaire ; la question de savoir de quelle manière les études de cas choisies sont représentatives sera bien sûr posée et recevra une réponse pour chaque cas examiné.
Homère
Exclusivité
3Dans la société hiérarchique des épopées homériques, tous n’ont pas le droit de transmettre des messages ou de donner des conseils, mais seulement certaines personnes. Celles-ci forment un groupe qui tient à son privilège. Ici, ce sont les mécanismes d’inclusion et d’exclusion qui entrent en jeu.
4 Transmettre des messages et donner des conseils forment, comme on dit, le γέρας γερόντων. Lorsqu’Agamemnon arrive vers Nestor au cours de l’inspection de l’armée, il dit en soupirant : « Si tu étais plus jeune et plus fort ! » Ce à quoi Nestor répond, sûr de lui, qu’il ne mène pas le combat avec l’épée, comme les jeunes, mais avec des avertissements et des conseils, ce qui est le privilège des anciens [6]. Achille demande à Ajax et à Ulysse, que les premiers des Achéens avaient envoyés, de leur transmettre un message – ceci étant le privilège des gérontes (γέρας γερόντων) [7].
5 Geras signifie chez Homère le rang particulier, le devoir ou la récompense qui distinguent un individu de la foule [8]. Les gérontes sont plutôt anciens et vénérés que simplement vieux. C’est pourquoi le pluriel collectif désigne souvent les membres du conseil, qui prennent part aux décisions collectives [9]. Transmettre des messages et donner des conseils est donc un privilège ou plutôt le devoir des chefs vénérables, des membres du conseil. Le jeu de mots γέρας γερόντων montre que les contemporains voyaient un lien étymologique entre les deux termes ; c’est ce qu’a fait aussi un scientifique de renom, Pierre Chantraine, qui définit γέρας comme « la part d’honneur réservée au γέρων » [10].
Le cas d’Ulysse
a- L’épithète πολύμητις
6C’est Ulysse, roi d’Ithaque, faisant partie du cercle restreint des conseillers d’Agamemnon, qui incarne le mieux ce γέρας γερόντων. Alors que d’autres se distinguent par leur âge, la grandeur de leur contingent ou leur force au combat, Ulysse brille par son intelligence, comme le montre son épithète πολύμητις. Ulysse intervient dans les moments critiques, lorsque la victoire est compromise. Ainsi, il se prononce contre le départ et en faveur de la poursuite du combat lors du conseil de guerre et à l’assemblée de l’armée [11]. Ce faisant, il remet les autres à leur place : Ulysse se désigne lui-même et Nestor comme les meilleurs conseillers [12], ce qui montre de l’assurance, puis il dit qu’un homme simple ne compte pas dans la délibération ayant lieu à l’assemblée des citoyens [13].
b- Ulysse diplomate [14]
7Lorsqu’il s’agit de mener une ambassade, Ulysse est toujours le premier. Encore enfant, Ulysse fut envoyé comme ambassadeur (ἕνεκ’ ἐξεσίην) par son père et les gérontes en Messénie afin d’exiger une compensation pour les moutons et les bergers volés [15]. Il rentra avec un cadeau précieux et avait tissé des liens d’hospitalité avec le roi local [16].
8 Au commencement de la guerre de Troie, Ulysse arriva comme messager à Troie, aux côtés de Ménélas, afin d’exiger qu’on leur livre Hélène [17]. Anténor, qui hébergeait les deux hommes, reconnaît rétrospectivement qu’il fut fortement impressionné par l’apparition d’Ulysse à l’assemblée des citoyens : selon lui « aucun mortel ne pouvait égaler ses mots » [18]. C’est seulement par la corruption que Pâris avait pu faire basculer autrefois l’opinion [19]. Anténor resta comme fasciné ; plus tard, il plaide en faveur de la restitution d’Hélène [20].
9 Pendant la phase critique de la guerre, que l’Iliade décrit avant tout, Ulysse agit plusieurs fois pour réparer les erreurs causées par Agamemnon. Il s’agit de nouveau de femmes : lorsqu’au cours de l’assemblée de l’armée il devient clair que la peste ravage le camp des Achéens parce qu’Agamemnon a offensé le prêtre d’Apollon, lequel avait exigé la restitution de sa fille enlevée, Chryséis, Agamemnon promet solennellement de rendre la fille à son père et cherche parmi les bouleutes, le cercle le plus restreint des membres du conseil, un dirigeant (ἀρχός) pour la mission. Le choix tombe sur Ulysse [21], qui exécute l’ordre consciencieusement et avec succès [22].
10 Agamemnon enlève alors Briséis à Achille, car il exige, en tant que chef de l’armée, un dédommagement, ce qui rend Achille furieux. Cette querelle donne la possibilité aux Troyens de prendre le dessus. Lorsqu’Agamemnon, frustré par les revers, pense de nouveau à abandonner la guerre, Nestor lui conseille de se réconcilier avec Achille et, après qu’Agamemnon a reconnu sa faute et promis une compensation, il forme une ambassade officielle [23] composée d’Ulysse, d’Ajax et de Phénix. Ils essaient de convaincre Achille de continuer le combat. Ulysse, qui a de toute évidence la position de dirigeant de l’ambassade [24], prend le premier la parole, présente l’offre d’Agamemnon et conclut en faisant appel à l’esprit de solidarité et à l’ambition d’Achille – en vain.
11 Achille refuse l’offre de réconciliation et incite Ulysse à transmettre publiquement sa réponse négative à Agamemnon, afin que les autres Achéens en soient aussi irrités. Peut-être que « les autres Achéens » et « publiquement » sont les indices d’une assemblée qu’Ulysse doit convoquer [25]. Mais Ulysse n’est pas aussi prétentieux qu’Achille, qui avait convoqué l’assemblée de l’armée de son propre chef, ce qui avait conduit à la rupture avec Agamemnon. Au contraire, Ulysse fait son rapport à Agamemnon et aux autres conseillers en petit comité. Diomède conseille à Agamemnon, et aussi à Ulysse, de continuer à se battre le jour d’après ; tous suivent.
c- Sa compétence de conseiller
12C’est seulement le lendemain, lorsque la marche des Troyens se poursuit et que Patrocle, son meilleur ami, tombe au combat, qu’Achille change d’avis. Devant l’assemblée de l’armée il propose à Agamemnon de se réconcilier. Celui-ci accepte et lui assure qu’il recevra les présents promis par Ulysse le jour d’avant [26]. Quand Achille demande que l’on poursuive immédiatement le combat, Ulysse intervient et rejette la proposition, car, selon lui, on ne se bat pas bien le ventre vide – un des rares arguments rationnels [27]. Il propose tout d’abord à Achille d’appeler à prendre le petit-déjeuner [28]. De plus, il suggère à Agamemnon [29] d’aller chercher les présents et de jurer qu’il n’a pas touché Briséis. Celui-ci accepte et demande à Ulysse d’aller chercher les présents promis la veille [30]. De nouveau, Achille exige que le combat reprenne. Et de nouveau Ulysse intervient et refuse avec une réprimande : « tu es plus fort et meilleur avec la lance, mais je suis plus vieux et je sais plus de choses ! » [31] Ulysse va chercher Briséis et les présents, puis l’assemblée se poursuit selon ses conseils : Agamemnon jure qu’il n’a pas touché la jeune fille. Achille met un terme à l’assemblée de l’armée en envoyant les Achéens déjeuner [32]. Pendant la cérémonie de réconciliation, Ulysse est tout à la fois ambassadeur, membre du conseil et conseiller.
13 Il s’avère qu’Ulysse donne des impulsions importantes dans les consultations et qu’il participe aux prises de décisions collectives. Ulysse est sûr de lui, il sait s’imposer et est estimé. Il met loyalement ses capacités au service de rois supérieurs. Ces derniers et les gérontes choisissent à maintes reprises Ulysse, qui avait déjà mené une mission diplomatique et avait déjà tissé des liens d’hospitalité, comme ambassadeur. Les missions ont des objectifs bien précis, qui sont plus ou moins difficiles à atteindre : rendre Chryséis est facile. Obtenir la restitution d’Hélène et convaincre Achille d’être indulgent est difficile. Même s’il est le meilleur orateur, ses efforts sont vains auprès de Pâris et d’Achille. Mais ils paieront cher leur incompréhension. Les épopées ont tendance à monter des situations exceptionnelles, car elles possèdent un potentiel dramatique particulier.
Intégration dans la société homérique
14Le cas d’Ulysse et d’autres cas, qu’on ne peut pas discuter en détail [33], permettent d’inférer les règles suivantes : lors de la délibération, l’élite revendique la priorité sur le peuple et se dispute l’ordre hiérarchique ; pas seulement en état de guerre mais aussi en état de paix [34]. Avec le roi, les membres du conseil envoient des ambassadeurs en mission, dont ils prennent aussi parfois la direction. La rhétorique n’est pas seulement utile lors des délibérations à l’intérieur de la cité, mais aussi pour promouvoir les décisions à l’extérieur de la cité. Les dirigeants sont préparés dès leur plus jeune âge au rôle qu’ils auront à jouer. Les liens d’hospitalités, qui sont tissés au cours de missions diplomatiques, créent des liens au-delà des frontières.
Aperçu plus général : le monde homérique et l’époque archaïque
15Ces règles n’étaient pas seulement valables pour le monde fictif des épopées homériques. Certes, la mise en scène des épopées homériques est mycénienne, ce qu’illustrent les chars et les palais – mais la société est on ne peut plus archaïque, ce que montrent les conflits et les conciliations [35]. Dans ce sens, les épopées sont une source inestimable sur l’époque archaïque. Leurs informations à propos des conseillers et des ambassadeurs sont d’autant plus importantes qu’il y a peu d’autres sources. Il y a d’abord des indications étymologiques : le terme technique pour « ambassade » est πρεσβεία, ce qui est en relation avec πρεσβύτεροι « les anciens » ; ces mots désignent dans certaines cités doriennes le conseil des anciens [36]. L’ambassade ne semble donc pas être seulement présente dans l’imagination du poète, mais s’avère avoir été aussi, à l’origine, l’affaire des anciens, des membres du conseil [37].
16Malheureusement, sur ce point, les inscriptions les plus anciennes nous font défaut. Au moins, les premiers décrets de proxénie datent du viie siècle. Les liens d’hospitalité privée formaient aussi à l’époque classique la base de la diplomatie publique [38]. Les ambassadeurs étaient recrutés dans toutes les cités parmi les individus qui avaient une influence politique et jouissaient d’une certaine estime sociale [39]. Mais quelque chose de fondamental changea avec l’évolution sociale et institutionnelle. L’âge ne joua plus qu’un second rôle [40]. L’assemblée des citoyens, qui était la scène de l’élite dans la société homérique, s’émancipa, elle choisissait les ambassadeurs et veillait jalousement à ce que les compétences de ces derniers ne réduisent pas leur souveraineté [41].
Sparte
Exclusivité
17À Sparte régnaient d’autres conditions : le droit d’expression restait limité aux cinq éphores, aux deux rois et aux vingt-huit gérontes, qui formaient le conseil des anciens, nommé aussi la gérousie. Les gérontes étaient choisis parmi les meilleurs citoyens de plus de soixante ans et exerçaient leur fonction à vie. Le conseil des anciens disposait d’importantes compétences politiques et judiciaires. Tout comme dans d’autres cités, l’assemblée des citoyens choisissait les ambassadeurs, et ce vraisemblablement suite à la proposition des éphores [42]. Cependant, alors qu’à Athènes on évitait d’envoyer les ambassadeurs plusieurs fois au même endroit, cela était d’usage courant à Sparte [43]. Là comme ailleurs, beaucoup d’ambassadeurs venaient de familles estimées [44]. C’est pourquoi cela ne surprend pas d’avoir des informations sur certains gérontes qui étaient également des ambassadeurs. Le cas le plus connu est celui de Lichas [45].
Le cas de Lichas
18Lichas provenait d’une famille riche, qui était connue au-delà des frontières régionales [46] : en 420 av. J.-C., la victoire de son équipage aux jeux olympiques devint un événement politique. En effet, les Éléens, qui avaient préalablement exclu Sparte des jeux, firent fouetter Lichas lorsque celui-ci voulut couronner son aurige [47]. À cette occasion, Xénophon désigne Lichas de ἄνδρα γέροντα, ce qui est compris par beaucoup de chercheurs comme la désignation de la fonction de « géronte » [48]. Un signe certain qu’à ce moment donné Lichas n’était pas un particulier, mais un homme d’État, est le fait que les Spartiates, vingt ans plus tard, donnent comme justification à une campagne menée contre Élis la volonté de se venger de l’humiliation qu’a subie Lichas [49].
19Lichas était un diplomate important : en tant que proxène des Argiens, il prit part à plusieurs ambassades à Argos, laquelle voulait suivre sa propre voie durant la première phase de la guerre du Péloponnèse et la paix de Nicias : en 422 av. J.-C., Lichas essaya en vain d’obtenir une prolongation du traité de paix avec Sparte. Après la défaite de Mantinée en 418 av. J.-C., les Argiens durent accepter les conditions que Lichas posait. Ces succès le prédestinèrent à intervenir sur le champ de bataille le plus important de la dernière phase de la guerre du Péloponnèse : l’Ionie.
20Lorsqu’à Sparte des plaintes furent déposées contre le commandant de flotte Astyochos, qui agissait plutôt sans succès en Ionie, onze Spartiates furent envoyés sous la direction de Lichas [50] afin d’assister le navarque à titre de « conseillers » [51], la plus grande mission diplomatique de l’histoire spartiate [52]. Mais leur compétence allait beaucoup plus loin que le fait de donner des conseils : ils avaient les pleins pouvoirs [53]. De plus, ils étaient autorisés, dans le doute, à destituer Astyochos et à lui nommer un successeur [54]. L’harmoste chiote Pedaritos, qui se sentait abandonné par Astyochos, l’avait en effet accusé de commettre une injustice [55]. C’est ce reproche que les Onze devaient examiner [56]. Si les conseillers avaient destitué Astyochos, celui-ci de retour aurait certainement dû faire face à un procès pénal mené par la gérousie [57]. Il est donc bien possible que la gérousie ait prescrit un conseil consultatif à Astyochos et ait fait de Lichas le dirigeant qui devait représenter leur juridiction.
21Enfin, les conseillers devaient vérifier la situation et les perspectives en Ionie. Un an auparavant, l’assemblée des citoyens de Sparte et l’assemblée de la ligue du Péloponnèse avaient décidé de s’occuper tout d’abord de Chios puis de l’Hellespont [58]. L’application de ce plan avait bien fonctionné au début, mais avait tourné court par la suite : non seulement Chios, mais aussi Milet avaient été dérobées aux Athéniens, cependant, elles subissaient dorénavant une grande pression. Les onze conseillers étaient accompagnés d’une flotte qui était destinée à l’Hellespont, et ils étaient autorisés à envoyer cette flotte même, ou une escadre plus ou moins importante [59]. Ils pouvaient donc répartir librement les forces présentes et apportées entre l’opération qui se déroulait et celle à venir, et adapter ainsi le plan aux nouvelles circonstances. La gérousie voulait peut-être, avec l’envoi de Lichas, accroître son influence sur l’application d’un plan, dont il se pourrait qu’elle ait influencé l’ébauche par ses compétences en matière de politique extérieure [60].
22Qu’ont décidé les conseillers ? Les événements nous l’apprennent : il est surprenant de voir que beaucoup de choses ne changèrent pas : Astyochos garda le commandement jusqu’à ce qu’il fût normalement remplacé, Pedaritos ne reçut aucune aide et l’Ionie resta une année de plus le centre des ambitions spartiates. Pourquoi ? Peu avant l’arrivée des conseillers, Astyochos avait remporté un succès d’estime contre les Athéniens. De plus, la situation en Ionie était plus compliquée qu’il n’y paraissait. La flotte athénienne étant supérieure aux Péloponnésiens en expérience et en connaissance des lieux, Astyochos devait agir prudemment [61]. Puisque Chios et Milet, les cités les plus puissantes de la région, étaient en jeu, les Onze prirent manifestement la décision de renforcer tout d’abord le contingent d’Astyochos au lieu d’envoyer les bateaux apportés, voire ceux d’Astyochos, dans l’Hellespont. Ceci ne devrait être fait qu’ultérieurement. Les conseillers n’abusèrent donc pas de leur marge de manœuvre, mais prirent des décisions avec mesure. Ce qui nécessite toutefois encore une explication est la raison pour laquelle ils ne sont pas intervenus par la suite, lorsqu’Astyochos, soi-disant corrompu, révéla des informations aux ennemis et que des reproches s’élevèrent contre lui dans son armée [62]. Soit les Onze étaient aveugles, soit les accusations étaient fausses, ce que supposent plusieurs chercheurs [63].
23Les compétences des Onze semblent, de plus, s’être étendues à un domaine que Thucydide ne mentionne pas explicitement dans la description de leur mission, mais qui relevait de leurs pleins pouvoirs [64]. Ils avaient manifestement pour tâche de prendre en charge les négociations avec les Perses, qui avaient été conduites auparavant par des commandants tels qu’Astyochos [65], et d’élever les relations à un nouveau niveau. Chalkideus et Thériménès avaient négocié avec le satrape perse Tissapherne deux traités provisoires, selon lesquels Tissapherne payait une solde, en échange de quoi la flotte péloponnésienne l’aidait [66]. Aussitôt après leur arrivée, les conseillers rejoignirent Tissapherne et Lichas critiqua les deux conventions passées, surtout la clause qui assurait au roi de Perse ses anciennes possessions. Lorsqu’il se mit ensuite à pérorer au sujet de la libération des Grecs d’Asie mineure, Tissapherne, offensé, interrompit les négociations [67].
24Lichas prit un nouveau ton, que Tissapherne ne connaissait pas de ses anciens partenaires de négociations. Au lieu de mettre les intérêts communs en évidence, Lichas misait sur la confrontation. Et pourtant, la liberté des Grecs, avec laquelle il effrayait Tissapherne, lui importait peu en réalité, comme cela se révélerait par la suite [68]. Lichas, en brusquant Tissapherne, risqua beaucoup. Les Spartiates dépendaient en effet toujours de l’argent perse. Mais ils devaient tout d’abord réussir à compenser la suppression des subventions [69]. En outre, Lichas poussa Tissapherne dans les bras des Athéniens. Cependant, les transactions avec ces derniers ayant échoué, Tissapherne dut retourner à la table des négociations [70]. Dorénavant, puisque Tissapherne n’avait plus d’alternatives et que les Spartiates avaient démontré leur indépendance financière (tout du moins à court terme), la position initiale avait basculé en faveur des Spartiates : Lichas était clairvoyant ou tout simplement heureux.
25Un troisième traité fut conclu, qui, à la différence des précédents, avait été convenu avec le roi de Perse et qui fut ratifié par Sparte [71]. Peut-être que la ratification fut facilitée par le fait que la gérousie (parmi d’autres institutions) était responsable de la confirmation des traités, autrement dit de leur ratification par un serment [72], et par le fait qu’un géronte avait négocié le traité. Lichas a en effet certainement été responsable de la négociation [73], car le texte tint compte de sa critique (les droits du roi de Perse furent limitées à l’Asie), et il devrait par la suite revendiquer le respect du traité [74]. Le traité se distinguait des précédents aussi sur d’autres points. Auparavant, la devise était : les Perses paient et les Spartiates font le travail ; dorénavant les Perses devraient payer jusqu’à ce que leur propre flotte soit là, et par la suite les deux mèneraient ensemble le combat ; les Spartiates devraient toujours pouvoir percevoir de l’argent, mais sous forme de crédit. La flotte perse était la véritable plus-value par rapport aux traités précédents. Sans bateaux supplémentaires, les Spartiates se sentaient inférieurs aux Athéniens, et ce à juste titre [75]. Selon les estimations de Thucydide, les bateaux perses auraient eu une influence décisive sur la guerre [76]. Mais les choses se dérouleraient autrement.
26 Tissapherne suspendit et diminua les paiements, et les bateaux du roi restèrent absents [77]. La frustration accumulée se déchargea quand les Milésiens chassèrent la troupe perse sous l’approbation des alliés – seul Lichas protesta [78]. La rupture semblait être imminente, mais il y eut soudainement de nouvelles raisons d’espérer : Tissapherne invitait Lichas (qui était certainement monté dans l’estime de Tissapherne par sa fidélité au traité) à l’accompagner à Aspendos, où il voulait récupérer la flotte phénicienne [79]. Mais une longue et vaine attente, ainsi que l’information selon laquelle tout n’était que mensonge et tromperie chez Tissapherne, furent la goutte d’eau qui fit déborder le vase : les Spartiates transférèrent la flotte entière dans l’Hellespont [80], ce par quoi ils usèrent pleinement du mandat initial des Onze. Que s’était-il passé ?
27 Thucydide est persuadé que les bateaux phéniciens se trouvaient véritablement à Aspendos, et suppose que Tissapherne ne les fit pas venir afin que les Grecs continuent à se nuire les uns aux autres [81]. Tissapherne a-t-il dupé Lichas et les autres Spartiates avec sa manœuvre dilatoire ? Il ne semble pas que Lichas ait été trop naïf lors des négociations et de la conclusion du traité : 1) Tissapherne agit de manière imprévisible, car il se nuisit à lui-même [82]. En effet, il irrita tellement les Spartiates que ceux-ci transférèrent leur flotte entière dans l’Hellespont, où ils aidèrent son concurrent, Pharnabaze, ce qui le mit hors de lui [83]. 2) Peut-être qu’un événement contingent empêcha le roi de Perse de mettre les bateaux en service. Effectivement, selon Diodore, il y eut entre-temps une conspiration organisée par les rois d’Arabie et d’Égypte, qui exigea le retrait de la flotte, ce qui est crédible [84]. Même si le véritable effet de l’accord de Lichas resta limité, la première conclusion d’un traité officiel entre Sparte et la Perse éleva les relations à un nouveau niveau, qui devrait avoir favorisé leur étroite coopération au cours de la dernière phase de la guerre. Cette coopération devait assurer la victoire aux Spartiates [85].
28 En résumé, on peut retenir qu’en tant que dirigeant de l’équipe de conseillers, Lichas disposa d’un grand pouvoir qui s’étendait sur le commandant en chef et sur ses décisions stratégiques, ainsi que sur les négociations avec les Perses. Ses décisions furent prises conformément à des directives précises et, d’un autre côté, selon les exigences de la situation dans laquelle il se trouvait. Peut-être que le mandat de Lichas provenait de la gérousie, qui voulait avoir une influence plus directe sur les événements que celle que lui autorisaient ses compétences à Sparte. Lors des négociations, l’habileté de Lichas et son autorité en tant que géronte portèrent leurs fruits. Il défendit des positions désagréables aussi bien face aux partenaires de la négociation que face à son propre peuple. Il disait quelquefois une chose, mais en pensait une autre. Le calcul ne conduisit pas seul au succès, il fallut aussi de la chance. Son bilan est altéré par deux facteurs : il ne mit pas fin aux agissements d’Astyochos, si celui-ci était en effet vraiment un traître, et les bateaux du roi ne furent pas apportés – ce qui ne fut peut-être pas de sa faute.
Intégration dans la pratique spartiate
29Les cas connus nous permettent d’inférer les règles suivantes : les gérontes pouvaient partir en mission diplomatique. Leur grand âge mettait un frein naturel à ces activités : Lichas mourut au cours de la mission diplomatique. Peut-être qu’un géronte absent pouvait faire exercer son droit de vote au sein de la gérousie par un autre géronte. Les gérontes étaient particulièrement aptes à accomplir des missions diplomatiques, car ils disposaient d’une grande expérience et provenaient souvent de la classe supérieure, laquelle avait des contacts dans les autres cités et avait les moyens d’entretenir ces relations (hospitalité et proxénie) [86]. Ainsi, Lichas était connu pour le fait qu’il accueillait des hôtes étrangers lors des gymnopédies, festivités annuelles [87]. Ces banquets offraient certainement l’occasion de nouer des contacts, de sonder et de modeler l’opinion – un facteur de pouvoir officieux que Plutarque sous-estime [88]. Leur mandat pouvait être défini de manière large ou étroite. À l’intérieur de ce cadre, les gérontes prenaient librement leurs décisions. Les gérontes, en tant que représentants du gouvernement, jouissaient d’une autorité particulière, d’autant plus que la gérousie était (en partie) responsable de la ratification de traités et de la prise de décisions concernant les procès [89]. Il se peut que le fait que les gérontes aient été dispensés de l’obligation de rendre des comptes, contrairement aux autres fonctionnaires spartiates [90], leur ait donné plus de libertés. Mais dans l’ensemble, les missions diplomatiques accomplies par les gérontes semblent avoir été des exceptions. Beaucoup d’ambassadeurs venaient en effet de l’armée [91]. Néanmoins on s’étonne que ces pouvoirs diplomatiques des membres ordinaires de la gérousie semblent presque dépasser ceux des Rois qui, en entrant en contact avec des étrangers et en désignant des ambassadeurs sur le champ de bataille, étaient toujours sous le contrôle des éphores [92].
Conclusion
30Il s’avère que, dans le monde aristocratique que les épopées homériques reflètent et que les sources sur Sparte documentent, les membres du conseil jouissaient d’un droit d’expression exclusif devant le peuple. Ils étaient ainsi conseillers de première classe. Ils étaient en même temps décideurs. En tant qu’ambassadeurs ils pouvaient faire peser ces fonctions dans les négociations. Cette union personnelle était très puissante, d’autant plus que les mécanismes de contrôle n’existaient pas – ce qui est sans parallèle [93]. Pourquoi n’avons-nous connaissance que d’aussi peu de cas s’étant déroulés à Sparte ou dans d’autres cités [94] ? La gérousie ne voulait probablement pas céder son autorité à un membre, s’il y avait des partis aux positions divergentes. Sparte n’est donc pas si aristocratique en diplomatie que ce que l’on pourrait supposer.
Bibliographie
Bibliographie
Abréviations
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Mots-clés éditeurs : Sparte, Lichas, Ambassadeur, Ulysse, Homère, Conseiller
Date de mise en ligne : 11/12/2017.
https://doi.org/10.3917/dha.hs17.0641Notes
-
[1]
Adcock, Mosley 1975, p. 155 et p. 157.
-
[2]
Mosley 1973, p. 55-62 chapitre « composition of athenian embassies » ; Bederman 2001, p. 98 sq.
-
[3]
Adcock, Mosley 1975, p. 157.
-
[4]
Mosley 1973, p. 20 chapitre « The instructions of ambassadors » et p. 24, p. 27, p. 35 sq. ; Adcock, Mosley 1975, p. 155 ; Bederman 2001, p. 102.
-
[5]
Adcock, Mosley 1975, p. 153 et Mosley 1973, p. 94.
-
[6]
γέρας γερόντων, Homère, Iliade, IV, 322.
-
[7]
Homère, Iliade, IX, 422.
-
[8]
LfgrE γέρας et Carlier 1984, p. 151 sq.
-
[9]
Schulz 2011a, p. 9-11.
-
[10]
Cf. Chantraine, γέρας.
-
[11]
Homère, Iliade, II, 284-332 et XIV, 83-102.
-
[12]
Homère, Odyssée, XI, 510.
-
[13]
Gschnitzer 1983, p. 154 ad Homère, Iliade, II, 200.
-
[14]
Wéry 1979 distingue nettement le héraut (κῆρυξ) de l’envoyé (ἄγγελος) (ibid., p. 21 sq., 27 sq. et 41 sq.), mais elle n’aborde pas la connexion de ce dernier avec le conseil.
-
[15]
Homère, Odyssée, XXI, 20 : τῶν ἕνεκ’ ἐξεσίην πολλὴν ὁδὸν ἦλθεν Ὀδυσσεύς/ παιδνὸς ἐών· πρὸ γὰρ ἧκε πατὴρ ἄλλοι τε γέροντες.
-
[16]
Priam reçut en cadeau un gobelet précieux lors d’une ambassade en Thrace (Homère, Iliade, XXIV, 235).
-
[17]
Homère, Iliade, III, 205 sq. et XI, 141 sq. : ὅς ποτ᾽ ἐνὶ Τρώων ἀγορῇ Μενέλαον ἄνωγεν/ ἀγγελίην ἐλθόντα σὺν ἀντιθέῳ Ὀδυσῆϊ/ αὖθι κατακτεῖναι μηδ᾽ ἐξέμεν ἂψ ἐς Ἀχαιούς. BK Prolegomena, p. 156, insère l’épisode dans les antécédents de l’Iliade.
-
[18]
Homère, Iliade, III, 208 sq.
-
[19]
Homère, Iliade, XI, 123 sq.
-
[20]
Homère, Iliade, VII, 345-380.
-
[21]
Homère, Iliade, I, 144 ; 311.
-
[22]
Homère, Iliade, I, 431.
-
[23]
Deux hérauts les accompagnent : Homère, Iliade, IX, 170.
-
[24]
Homère, Iliade, IX, 163 sq. Comparez la rétrospective d’Agamemnon (Homère, Iliade, XIX, 140). La position de Phoenix est subordonnée, cf. Köhnken 1975.
-
[25]
Homère, Iliade, IX, 369 sq. : …τῷ πάντ᾽ ἀγορευέμεν ὡς ἐπιτέλλω/ ἀμφαδόν, ὄφρα καὶ ἄλλοι ἐπισκύζωνται Ἀχαιοὶ. ἀμφαδόν signifie « ouvertement, publiquement » (LfgrE), ce qui évoque plutôt une assemblée qu’un conseil dont le caractère était plus privé.
-
[26]
XIX, 140 sq.
-
[27]
Sur la culture du débat, cf. Ruzé 1997, p. 77 sq., p. 84, p. 95.
-
[28]
XIX, 160.
-
[29]
XIX, 172.
-
[30]
XIX, 194 sq.
-
[31]
XIX, 217.
-
[32]
XIX, 275.
-
[33]
Schulz 2011a, p. 76 à propos des gérontes qu’envoient les Étoliens à Méléagre (Homère, Iliade, IX, 574 sq.).
-
[34]
Schulz 2011a, p. 18-26 à propos du conseil troyen.
-
[35]
Raaflaub 2006, p. 455 sq.
-
[36]
πρείγα de Naupacte : IG IX 12 3, 609 (= ML 13 ; Koerner 1993, p. 47 ; Nomima t. 1, 44 ; πρεισγήια et πρείγιστοι de Rhittenia : Nomima t. 1, 7 (= ICret IV 80, ligne 11) et Nomima t. 1, 63 (= ICret I XXVIII 7 A1 ; Koerner 1993, p. 100*).
-
[37]
Bederman 2001, p. 96 avec n. 28. À propos de Crète, cf. Seelentag 2015, p. 219 sq. avec n. 19 (bibliographie).
-
[38]
Mitchell 1997.
-
[39]
Voir la remarque n. 1.
-
[40]
Toutefois les envoyés athéniens ont été souvent choisis parmi les plus de cinquante ans. Cf. Roussel 1951, p. 139, et Mosley 1973, p. 46.
-
[41]
Cf. n. 5.
-
[42]
Mitchell 1997, p. 78.
-
[43]
Mosley 1973, p. 51-52.
-
[44]
Mosley 1973, p. 52.
-
[45]
Un autre cas est celui d’Etymoclès, cf. Schulz 2011b. Un autre exemple pourrait être Derkyllidas qui est envoyé comme émissaire à Pyrrhus (Plutarque, Apophtegmes Laconica, 219F ; Stobée, III, 7, 61). Si les 15 Spartiates qui ratifient par serment la paix de Nicias et l’alliance de 50 ans étaient des gérontes, deux d’entre eux étaient en même temps ambassadeurs, cf. Kahrstedt 1922, p. 164.
-
[46]
Comme son père, Lichas dédia des statues à Olympie (Pausanias, Graeciae descriptio, VI, 2, 2).
-
[47]
Thucydide, V, 49 ; Xénophon, Hellenica, III, 2, 21 et Pausanias, Graeciae descriptio, VI, 2, 2.
-
[48]
Cf. Cartledge 1984, p. 99, David 1991, p. 129, n. 94 et Hornblower 2000, p. 216 ad Xénophon, Hellenica, III, 2, 21. En revanche Pouilloux, Salviat 1983, p. 383 et 388 voient en ἀνὴρ γέρων ni un géronte ni un vieillard, mais plutôt un « homme d’âge » entre 40 et 45 ans. Cette interprétation, qui ressort de leur hypothèse que Lichas fut archonte en 397, ne va pas avec l’usage du mot.
-
[49]
Xénophon, Hellenica, III, 2, 21 ; Pausanias, Graecae descriptio, VI, 2, 2.
-
[50]
Ainsi HCT ad Thucydide, VIII, 39 et Westlake 1985, p. 49. Lichas est le seul conseiller qui soit nommé ici et dans ce qui suit.
-
[51]
Thucydide, VIII, 38, 2 : ξυνέπεμψαν δὲ οἱ Λακεδαιμόνιοι καὶ ἕνδεκα ἄνδρας Σπαρτιατῶν ξυμβούλους Ἀστυόχῳ, ὧν εἷς ἦν Λίχας ὁ Ἀρκεσιλάου.
-
[52]
Mosley 1973, p. 50 sq. (chapitre « the composition of spartan embassies »).
-
[53]
Thucydide, VIII, 39, 2 : εἴρητο αὐτοῖς ἐς Μίλητον ἀφικομένους τῶν τε ἄλλων ξυνεπιμέλεσθαι ᾗ μέλλει ἄριστα ἕξειν, καὶ… Ce cas ne figure pas chez Mosley, car le terme αὐτοκράτωρ n’est pas employé.
-
[54]
Thucydide, VIII, 38, 2 : εἴρητο αὐτοῖς… Ἀστύοχον, ἢν δοκῇ τοῖς ἕνδεκα ἀνδράσι, παύειν τῆς ναυαρχίας, Ἀντισθένη δὲ καθιστάναι.
-
[55]
Thucydide, VIII, 38, 4 : ἐπιστέλλει περὶ αὐτοῦ ἐς τὴν Λακεδαίμονα Πεδάριτος ὡς ἀδικοῦντος.
-
[56]
Thucydide, VIII, 39, 3 : πρὸς γὰρ τὰς τοῦ Πεδαρίτου ἐπιστολὰς ὑπώπτευον αὐτόν.
-
[57]
Schulz 2011a, p. 157-188.
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[58]
Thucydide, VIII, 5-8.
-
[59]
Thucydide, VIII, 38, 2 : εἴρητο αὐτοῖς… τὰς ναῦς ταύτας ἢ αὐτὰς ἢ πλείους ἢ καὶ ἐλάσσους ἐς τὸν Ἑλλήσποντον ὡς Φαρνάβαζον, ἢν δοκῇ, ἀποπέμπειν.
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[60]
Schulz 2011a, p. 212-241.
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[61]
Les Athéniens campèrent à Samos d’où ils pouvaient menacer simultanément Milet et Chios. Cela empêchait les Péloponnésiens de bien coordonner leurs forces.
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[62]
Astyochos aurait été (ὡς ἐλέγετο : cf. HCT et Hornblower ad Thucydide, VIII, 50, 3) payé par Tissapherne pour lui apporter des informations secrètes. Plus tard, Astyochos a également été accusé par les soldats d’être corrompu par Tissapherne (Thucydide, VIII, 83).
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[63]
Ainsi Kagan 1987, p. 83 avec n. 60 et Falkner 1999, p. 213 avec n. 30.
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[64]
Cf. n. 53.
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[65]
Chalkideus fut l’ἄρχων de la mission vers Chios (Thucydide, VIII, 11), Thériménès etait censé apporter du renfort à Astyochos (VIII, 26), qui était navarque (VIII, 20).
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[66]
Bien que les deux traités (Thucydide, VIII, 18 et 37) fussent applicables aux acteurs locaux, ils n’avaient pas été ratifiés par les autorités à la maison. Sinon Lichas ne pouvait pas menacer de suspendre l’application des traités (οὐ χρήσεσθαι, cf. HCT ad Thucydide, VIII, 43, 4). En revanche, le troisième traité semble avoir été ratifié (cf. infra n. 71). D’un point de vue terminologique, on note que Thucydide ne distingue pas entre traité provisoire et définitif.
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[67]
Thucydide, VIII, 43 ; VIII, 46 et VIII, 52.
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[68]
Cf. n. 78.
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[69]
La conquête de Rhodes grossissait le trésor de guerre (Thucydide, VIII, 44).
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[70]
Thucydide, VIII, 57.
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[71]
Les stipulations concernant son territoire et ses obligations étaient certainement approuvées par le roi de Perse, cf. Lewis 1977, p. 104 sq. La formalité et le détail du préambule conviennent à la ratification, cf. Kagan 1987, p. 98. Cf. n. 66 à propos du statut des traités antérieurs.
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[72]
Schulz 2011a, p. 229 sq.
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[73]
Pouilloux, Salviat 1983, p. 380 et Roisman 1987, p. 421.
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[74]
Cf. n. 78.
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[75]
Après l’opération contre Rhodes, le moment aurait été favorable pour traverser vers Chios ou l’Hellespont, mais les Spartiates se préparent à hiverner sur place. Pourquoi ? Selon Kagan 1987, p. 93, les Spartiate craignaient plus l’expérience des Athéniens qu’ils ne tiraient d’assurance de leur plus grand nombre.
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[76]
Thucydide, VIII, 87. Seul Kagan 1987, p. 213 n. 10, doute de la justesse du jugement de Thucydide.
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[77]
Thucydide, VIII, 78.
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[78]
Thucydide, VIII, 84 : Lichas blâma les Milésiens parce qu’eux et tous les Grecs dans le pays perse devaient servir le Grand Roi – au moins jusqu’à la fin de la guerre, comme il ajouta étonnamment.
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[79]
Thucydide, VIII, 87. Apparemment le mandat des onze conseillers dépassait la succession d’Astyochos (VIII, 85). Probablement Lichas n’alla pas à Aspendos, parce que c’est Philippos qui en ramena les nouvelles (VIII, 99) – peut-être que Lichas souffrait déjà de la malade qui allait le tuer (VIII, 84).
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[80]
Thucydide, VIII, 99.
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[81]
Thucydide, VIII, 87.
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[82]
Cf. Westlake 1985, p. 50.
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[83]
Thucydide, VIII, 109.
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[84]
Ainsi HCT ad Thucydide, VIII, 87, 2 sur Denys d’Halicarnasse, XIII, 46, 6. Différemment Kagan 1987, p. 213 avec n. 8.
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[85]
Le traité de Lichas fut éventuellement complété ou remplacé en 407 en accordant aux villes grecques d’Asie Mineure un certain degré d’autonomie, tant qu’elles payaient l’impôt aux Perses (cf. Lewis 1977, p. 123 sq.). Les négociations furent facilitées de manière décisive par le fait que Cyrus, le fils du roi perse, avait succédé à Tissapherne.
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[86]
Mitchell 1997, Appendix I (« Magistrates with connections, Spartan ambassadors »).
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[87]
Xénophon, Memorabilia, I, 2, 61 ; et Plutarque, Cimon, 10, 6.
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[88]
Selon Plutarque, l’influence apportée par les largesses est limitée dans les communautés saines : Isménias fait des dons, Lichas des banquets, Nikératos des chorégies, mais Épaminondas, Aristide et Lysandre exercent des charges, font de la politique et de la guerre (Plutarque, Praecepta gerendae rei publicae, 823e).
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[89]
Schulz 2011b ; les Athéniens arrêtent l’ambassadeur Étymoclès et ne le libèrent que parce qu’il promet la punition d’un général spartiate.
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[90]
Aristote, Politique, 1271a3.
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[91]
Mosley 1973, p. 53.
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[92]
Mitchell 1997, p. 78, et Richer 1998, p. 410.
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[93]
Mosley 1973, p. 31.
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[94]
Cf. Hansen, Nielsen 2004, p. 275 à propos d’un cas semblable à Locres.