Notes
-
[1]
G. L. Cheesman, The Auxilia of the Roman Imperial Army, 1914, Oxford.
-
[2]
On renverra ici aux éléments de réponse avancés par J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome : de 107 à 50 avant notre ère, Paris, 1967, p. 46 et s. et M. Rambaud, « La cavalerie de César », dans J. Bibauw (éd.), Hommages à Marcel Renard, Bruxelles, Coll. Latomus, 1969 (3 vol.), t. II, p. 650-663.
-
[3]
S. Gallet, Le recrutement des auxiliaires de l’armée romaine sous le Haut-Empire dans l’Occident romain, thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne, 2012 recense en tout trente-sept gregales. Certains portent un gentilice impérial (Iulius, Claudius), ce qui laisse penser qu’ils ont pu obtenir une promotion au cours de leur service, mais d’autres ont un nomen différent (Romanius, Petronius, Tutius, Cloelius, Vettius…) et ont probablement été recrutés comme citoyens.
-
[4]
H rejette l’hypothèse qui veut que ce nouveau type d’unité ait été destiné à pallier l’uniformisation croissante des auxilia réguliers. Dès lors, comment expliquer le fait que les autorités impériales ne se soient pas contentées des créer de nouvelles ailes ou cohortes comme le voulait la tradition ?
-
[5]
Entre autres témoignages : CIL I, 593 = ILS 6085 (… equo in legione…) ; Cicéron, Phil., VIII, 8, 25. Voir aussi le cas de la Colonia Iulia Equestris (Nyon, Suisse) : K. Kraft, « Die Rolle der Colonia Julia Equestris und die römische Auxiliar-Rekrutierung », JRGZM, 4, 1957, p. 81-107.
-
[6]
J.-M. Lassère, « La cohorte des Gétules », Mélanges Marcel Le Glay, Bruxelles, Coll. Latomus, vol. 226, 1994, p. 244- 253.
-
[7]
Les inscriptions relatives à cette aile sont commodément rassemblées et datées par C. Hamdoune, « Les épitaphes militaires de Tingitane », BCTH, 24, 1997, p. 129-154. Voir aussi R. Rebuffat, « L’armée de la Maurétanie Tingitane », MEFRA, 110, 1994, p. 196-242.
-
[8]
A. von Domaszewski, Die Religion des römischen Heeres, Trèves, 1895.
-
[9]
Outre les crânes du Walbrook qui ont récemment fait les délices de la presse britannique, le cas le plus explicite est certainement l’inscription de Vectirix retrouvée près d’Apt (CIL XII, 1077 = ILN 4, 134) : sous cette dédicace au dieu Mars, huit ou neuf crânes masculins ont été exhumés !
-
[10]
H souligne que les soldats de cohortes et d’ailes n’ont pas privilégié les mêmes représentations figurées. Il pense que les cavaliers attachaient une importance fondamentale aux symboles reflétant leur statut d’aristocrates (cheval, valet…). Cette interprétation séduisante est, selon nous, confortée par un indice supplémentaire : les equites légionnaires semblent avoir boudé les reliefs au cavalier triomphant populaires chez les auxiliaires, cf. V. M. Hope, Constructing Identity : The Roman Funerary Monuments of Aquileia, Mainz and Nîmes, Oxford, 2001, p. 165.
-
[11]
S. Janniard, Les transformations de l’armée romano-byzantine (IIIe-VIe siècles après J.C.) : le paradigme de la bataille rangée, thèse de doctorat, EHESS, 2010.
-
[12]
G. Traina, « Notes classico-orientales 4-5 », Electrum. Studies in Ancient History, 10, 2005, p. 89-93 (notamment p. 91-93).
-
[13]
Seule l’omission de la monographie de C. Hamdoune (Les auxilia externa africains des armées romaines. IIIe siècle av. J.C. – IVe siècle apr. J.C., Montpellier, 1999) nous a semblé particulièrement regrettable.
-
[14]
P. 13, massacre d’une citation d’Y. Le Bohec : « the numeri ‘n’importe quelle sorte de troupe n’entrent pas dans les cadres traditionnels, c’est-à-dire légions, ailes et cohorts auxiliaires’ ». P. 108 : Procope aurait vécu au IVe siècle. P. 239 : iusus Troiae au lieu de lusus Troiae. P. 280, n. 36 : Vegitius au lieu de Vegetius. P. 306 : comilitiones au lieu de commilitones (idem p. 375). P. 363 : papryi au lieu de papyri. Liste non-exhaustive.
Le sel dans la culture antique
[Bernard Moinier, Le sel dans la culture antique, Parthenon Verlag Kaiserslautern und Mehlingen, 226 p. ISBN 978-3-942994-04-0 – 24,80 euros]
1 Le projet de l’auteur est contenu dans le titre de l’ouvrage. Un quart est consacré au sel dans l’imaginaire religieux à travers sa relation à des divinités, tels Aphrodite, Artémis, ou Hercule salarius, et aux pratiques cultuelles.
2 La plus grande partie concerne la production du sel et ses multiples usages. Elle est étudiée à partir des données archéologiques, marais salants et extractions minières, sans doute antérieures, préférables à l’étude du vocabulaire. L’auteur souligne son ambiguïté avec des termes tels alopégia ou salinae, metallia ou metallum, als, désignant l’eau salée ou l’eau de mer, ou encore, salinatos, saunier accomplissant des travaux de récolte du sel. La quantification de la production ne peut donner lieu qu’à une estimation basée sur les besoins pour la santé des hommes et des animaux dès la préhistoire, ou les échanges, directs, ou par le biais des procédés variés usant du sel, passés en revue. L’auteur fait appel à de nombreuses sources, données archéologiques, corpus littéraire antique ou études modernes, ponctuant son analyse d’une réflexion scientifique. On regrette l’absence d’une mise en œuvre des repères chronologiques et d’un classement ordonné des références textuelles. Le texte de la deuxième partie, Approche épistémologique : observations, intuitions et opinions, en témoigne.
3 Le savoir encyclopédique et technique de Bernard Moinier, membre d’un groupe de réflexion sur le sel dans l’Antiquité, ne saurait être mis en doute. Mais on ne peut s’attendre, en 225 pages, à une analyse en profondeur. L’ouvrage ouvre surtout des pistes de recherche sur un sujet complexe qui pourrait être analysé comme un fait social total incluant les rapports sociaux générés par la production et le rôle du sel dans la pratique et l’imaginaire.
4 M.-M. MACTOUX Université de Franche-Comté – ISTA (EA 4011)
Des femmes en action
[Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Hors série 2013. Des femmes en action. L’individu et la fonction en Grèce antique, sous la direction de Sandra Bohringer et Violaine Sébillotte Cuchet, 225 p. ISSN 1105-2201 – 27 euros]
5 L’intérêt de ce hors série de Mètis n’échappera à aucun antiquisant et à aucun historien confronté à la querelle du genre qui, depuis quelques décennies, féconde les recherches en sciences humaines. Il s’inscrit dans un parcours, initié en 1992 par le colloque franco-hellénique, La Grèce ancienne et l’anthropologie de l’Antiquité, et l’atelier organisé par Stella Georgoudi « Autour d’une anthropologie des sexes ».
6 Une préface d’une quinzaine de pages, sous la plume de Sandra Bohringer avec la collaboration de Violaine Sébillotte Cuchet, Vingt ans de réflexion. Mètis et le genre (1992- 2012), font le point sur la démarche épistémologique aboutissant à ce numéro intitulé Des femmes en action. L’individu et la fonction en Grèce antique. Il s’agit d’utiliser la notion de genre pour penser la construction de l’identité féminine dans son historicité. Le choix des termes, individu et fonction, a été préparé par un colloque qui s’est tenu à Épineuil en 2011 sous la direction des deux auteurs de la préface. Ils marquent la volonté de ne pas poser à l’origine une polarité sexuée, masculin/féminin, mais de recourir à des “ensembles flous”, sans présupposition initiale sur la forme d’identification de l’individu à la fonction. Ce dernier terme est employé au sens large, recouvrant tous les domaines d’activité dans lesquels les femmes interviennent en tant qu’individus efficaces, sans être pénalisées par des jugements les rejetant hors norme. L’utilité du genre dans l’analyse historique, théorisée en particulier par J. W. Scott, De l’utilité du genre, traduit en français en 2012, sert de référence dans une perspective interdisciplinaire. Cette piste de recherche innerve les différents articles répartis en trois sous-ensembles de quatre contributions chacun, Les identités et les champs d’action, Femmes et actions en politique, Corps des humains, corps des dieux, L’imaginaire du genre. Il y a sans doute quelque chose d’arbitraire dans cette partition, mais le plus important réside dans la cohérence de l’objectif poursuivi, effort pour mettre en lumière le fonctionnement du genre à partir de cas particuliers ou plus généraux dans des sphères spatio-temporelles variées.
7 L’article de C. Calame, par lequel débute la première partie, « Soi-même par les autres : pour une poétique des identités auctoriales, rythmées et genrées (Pindare, Parthénée 2) » est une réflexion théorique à partir du texte de Pindare. L’auteur pose le problème des relations entre l’instance d’énonciation, que représente le “je” polymorphe, et les cercles d’appartenance sociale, constitutionnelle et culturelle. Dans « Gorgô et les manipulations de la fonction », A. Paradiso analyse la construction d’un individu femme, la Spartiate Gorgô, fille, femme et mère de trois rois lacédémoniens, à la fois figure et épouse royales et “mère spartiate”, s’inscrivant dans la représentation politique de la gunaikokratia. Cette démarche est aussi celle d’A. Chiaise, « La guerra dentro e fuori : giochi di genere tra Argo e Tegea », mettant en scène deux femmes appartenant à deux cités différentes, Telesilla à Argos et Marpessa à Tégée, incarnant les vertus masculines de la guerre. Quant à M. C. D’Ercole, « Marchands et marchandes dans la société grecque classique », elle s’interroge sur l’articulation entre genre et statut social, concluant que ce n’est pas le genre qui engendre la mauvaise réputation des femmes marchandes, mais l’activité exercée, celle de kapelos, elles-mêmes étant désignées par son correspondant féminin, kapelis, terme générique pour renvoyer à un petit commerce local.
8 La deuxième partie est centrée autour d’une thématique, celle du rapport des femmes au politique, monde essentiellement masculin. L. Bruit Zaidman, « La prêtresse et le roi. Réflexions sur les rapports entre prêtresse féminine et pouvoir », réunit un certain nombre de cas où des femmes prêtresses s’opposent à la volonté royale ou à celle de la cité. Ainsi à Athènes, la prêtresse d’Athéna défend à Cléomène, le roi spartiate, d’entrer dans le temple interdit aux Doriens, ou encore Théanô, prêtresse au service des divinités d’Éleusis, refuse d’appliquer le décret imposant aux prêtres et prêtresses de maudire Alcibiade. Situation identique dans les corpus épique ou tragique. La fonction prime sur l’identité sexuelle. Dans « Arbitres et règlements des conflits : Pausanias et le cas des seize femmes des cités d’Élide », Cl. Jacqmin analyse l’arbitrage réalisé par seize femmes à la demande des cités d’Élis et de Pisa. Avec « Aristomachè et Arétè, deux femmes dans la tourmente des guerres civiles à Syracuse », S. Péré-Noguès s’interroge, à partir de la Vie de Dion de Plutarque, sur les liens entre ces femmes épouse et fille de Denys l’Ancien, et leurs fonctions, contribuant au pouvoir dionysien en assurant continuité familiale et transmission. Quant à Stefano Caneva « La face cachée des intrigues de cour. Prolégomènes à une étude du rôle des femmes royales dans les royaumes hellénistiques », il confronte les sources anciennes pour en dégager les différentes modalités des mises en discours et déconstruit le topos de l’amour pervers pour révéler les enjeux politiques.
9 Les contributions regroupées dans la dernière partie s’attachent à la mise en question de la pertinence du genre dans des espaces discursifs privilégiés. G. Pironti rouvre le dossier du genre dans la représentation du divin en Grèce. Elle poursuit l’interrogation de N. Loraux dans son article, « Qu’est-ce qu’une déesse ? » (Histoire des femmes dans l’Antiquité, vol. I, éd. P. Schmitt Pantel, Paris, 1991). S’il paraît bien établi que, dans le monde des dieux, le statut de theos l’emporte sur le genre, G. Pirouti montre que ce qui fait sens, dans le fonctionnement du panthéon, c’est moins le féminin en tant que tel que la relation et la complémentarité entre les divinités. Dans « Femmes et guerrières, les Amazones de Scythie », V. Sébillotte Cuchet dégage la place du genre dans les discours mythiques concernant les Amazones. Si chez Homère et Pindare les Amazones sont toujours nommées comme guerrière, Hérodote met en rapport la fonction guerrière et la fonction sexuelle et matrimoniale, suggérant que, dans certaines conditions sociales, la fonction guerrière n’était pas occultée par le genre. « L’histoire de Damocrita dans les Histoires d’Amour de Plutarque » permet à P. Schmitt Pantel de faire du geste de la Spartiate Damocrita une lecture politique. Elle répond à l’exil imposé à son mari par l’incendie de l’andrôn où sont réunies les femmes des magistrats, puis tue ses filles et elle-même en utilisant l’épée. Sa violence n’est pas vengeance mais rétablissement de l’ordre politique. En dernier lieu A. Grand-Clément, « Porter la culotte : enquête sur l’imaginaire du pantalon dans le monde grec », examine la signification des anaxyrides, caractérisant les Perses, les Scythes mais aussi les Amazones. L’imaginaire grec fait de cet habit, recouvrant les jambes, emprisonnant le sexe et dissimulant le corps, une caractéristique du Barbare ignorant la cité.
10 Un tel propos programmatique suscite, on s’en doute, de multiples questions, explicitement ou implicitement, susceptibles d’orienter de nouveaux itinéraires de recherche. J’en retiendrai brièvement quelques-unes. Sur quels critères peut-on décider que le genre est l’élément déterminant d’une réalité sociale dans un espace et un temps spécifiques ? Il est bien évident qu’on ne peut s’en tenir à un schème interprétatif univoque. Par exemple que les femmes marchandes soient dévalorisées par la nature de la fonction exercée est incontestable. Mais il est possible aussi que la féminisation partielle de cette activité, celle du kapelos, rejaillisse à son tour sur sa perception. En outre, cette action est mise en œuvre par des femmes esclaves. La loi monétaire de 375/4 prévoit officiellement une sanction pour tous ceux, hommes ou femmes, y compris les esclaves (doulos, doulè, ligne 30), qui n’accepteraient pas en paiement les pièces dont la valeur a été validée par le dokimaste. L’appartenance sociale des vendeurs joue certainement un rôle dans la représentation que les Athéniens pouvaient avoir de ce métier largement répandu dans l’espace public, marché au grain et agora (R. Stroud, « An Athenian Law on Silver Coinage », Hesperia, 45/2, 1973). Je pense au pouvoir financier des femmes de banquiers, connu par les discours de Démosthène, données en remariage une fois veuve par le propriétaire de la banque à son successeur, esclave affranchi. Un autre exemple ambivalent, le pouvoir des prêtresses s’imposant au pouvoir politique détenu par un homme, un roi, mais aussi par les citoyens de l’ecclésia. S’agit-il d’un pouvoir structurel, s’exerçant dans n’importe quelles circonstances, ou d’un pouvoir par délégation légitimant cette irruption du genre dans le politique ? Cette irruption a été plusieurs fois analysée à partir de corpus variés assumant la transmission d’une réalité historique ou relevant de l’imaginaire. Le jeu sur le réel et l’imaginaire est loin d’être transparent, brouillant la médiation du genre qui ne se construit pas à l’identique.
11 Une discussion pourrait également s’engager, sur le passage du particulier au général, articulation des données contradictoires. Le problème a été soulevé à propos de la place occupée par le genre dans la représentation du divin. On a pu parler de complicité et de complémentarité masculin/féminin en évoquant le cas d’Héra, tout à la fois femme, épouse de Zeus, et souveraine honorée à l’égal de Zeus. Cette complémentarité n’est-elle pas une clef de lecture dans d’autres sphères qui ne seraient plus seulement mythiques ?
12 En dernier lieu se trouve posée, de manière permanente, l’interaction des champs discursifs. Plutarque a souvent fourni des corpus d’analyse, transmettant des faits historiques ou donnés comme tels, antérieurs de plusieurs siècles, mais aussi Pausanias. Les champs discursifs sont donc reconfigurés. On peut s’interroger sur la signification du genre dans cette reconfiguration, en ce qu’il appartient à un interdiscours. Ce n’est pas seulement la construction du genre qui s’inscrit dans l’histoire mais aussi les modalités énonciatives. Elles génèrent la nécessité d’une réflexion sur le genre dans les formes narratives, récit historique, imaginaire ou mythique. Tous les contributeurs à ce Mètis en sont parfaitement conscients. Pour reprendre les mots des auteurs de la préface, qui ont aussi dirigé ce numéro, le voyage ne fait que commencer. Cette première étape est pleine de promesses, soulignant l’ambiguïté de l’identité sexuelle qui se décline de multiples façons.
13 M.-M. MACTOUX Université de Franche-Comté – ISTA (EA 4011)
En l’honneur et en mémoire d’André Laronde
[L’hellénisme, d’une rive à l’autre de la Méditerranée. Mélanges offerts à André Laronde, sous la direction de J.Chr. Couvenhes, avec l’aide de Chr. Chandezon, C. Dobias-Lalou, F. Lefèvre et E. Perrin-Saminadayar, de Boccard, Paris, 2012, 565 p. ISBN 978-2701803340 – 49 euros]
14 André Laronde n’a pu recevoir en hommage ce volume qui rassemble les communications faites en son honneur le 16 octobre 2010 pour son 70e anniversaire, sa mort soudaine le 1er février 2011 l’en ayant privé. Tour à tour les éditeurs, F. Lefèvre dans sa présentation d’André Laronde (p. 7-9), J.-M. Mouton lors de son éloge funèbre (p. 10-13), les auteurs, ses amis et ses anciens élèves, saluent le grand Professeur, le chercheur qui fut également Directeur de la Mission scientifique française en Libye, son œuvre, mais aussi l’homme et ses qualités. La bibliographie rassemblée par C. Dobias-Lalou et J.-J. Maffre (p. 15-25) avec 179 références, montre son impressionnante activité scientifique. À l’image de son enseignement et de sa curiosité intellectuelle, ces hommages ne sont pas centrés uniquement sur la seule Cyrénaïque, mais s’ouvrent à l’ensemble de la Méditerranée grecque antique. L’hellénisme est la toile de fond de l’ensemble des contributions, mais bien peu abordent ce sujet en tant que tel.
15 La première partie intitulée « archéologies » rassemble quatre communications dont l’ordre pose question. Il n’est pas chronologique : est-ce une approche progressive de la Cyrénaïque pour introduire la deuxième partie entièrement consacrée à cette région qui a présidé au choix des éditeurs ? Tout d’abord, Chr. Chandezon s’intéresse au personnage d’Ernest Beulé. Archéologue célèbre par ses fouilles de l’entrée de l’Acropole d’Athènes, il fut aussi l’un des premiers fouilleurs de Carthage, même si ses campagnes en 1859 ne furent qu’un demi-succès. C’est surtout l’opposition politique de Beulé au régime impérial de Napoléon III, malgré sa brillante carrière et ses fonctions officielles, à travers l’écriture du Procès des Césars, et le contexte politique et intellectuel de cette période, qui retiennent l’attention de l’auteur. Ensuite, D. Knoepfler et Th. Chatelain font la lumière sur les activités du major Charles-Philippes de Bosset, Neuchâtelois au service de la couronne britannique, qui se révéla un antiquaire avisé, notamment lors de son gouvernorat de Céphalonie. Il renonça à participer en 1816 à une expédition archéologique à Lebeda (Leptis Magna). Les auteurs en révèlent la face cachée : la mainmise sur les objets antiques pour alimenter les collections britanniques allait de pair avec une mission d’exploration d’un gisement de salpêtre. L’expédition fut finalement accomplie par le capitaine W. H. Smyth et suivie d’une autre en 1817, faisant main basse sur des marbres qui forment la fausse ruine de Virginia Water dans le parc de Windsor. Puis G. Nadalini, en s’appuyant notamment sur le témoignage des cartes postales, fait connaître Marsa Susa, de l’arrivée d’un contingent crétois à partir des années 1880 jusqu’au développement de la ville sous le régime fasciste, et relate le tout début des fouilles à Apollonia. Enfin, J.-S. Caillou retrace l’histoire de la Cyrénaïque antique à travers les sources occidentales du XVIe au XVIIIe siècle et l’acheminement des antiques en provenance de Cyrénaïque en Europe.
16 La seconde partie est centrée sur la Cyrénaïque. Sept communications sont des études particulières sur des sources diverses. J.-J. Maffre présente des fragments de céramique et des amphores panathénaïques trouvées à Apollonia. F. Queyrel confirme l’identification avec Aristippe de Cyrène d’une sculpture de la Galerie du palais Spada à Rome représentant un philosophe. J.Chr. Couvenhes traite des monnaies de bronze de Thibron et discute la thèse de son monnayage royal notamment à partir des exemplaires récemment découverts à Benghazi. L’auteur s’interroge sur la basileia de Thibron. Le parallèle avec l’usage que fait Diodore de ce terme indiquerait une notion large de souveraineté. J. Desanges analyse des passages de Strabon sur la Cyrénaïque. Tout en soulignant la relativité dans la chorographie antique, il discute essentiellement trois points : les confins occidentaux de La Cyrénaïque ; la présence d’un lac dit des Hespérides qu’il ne faut sans doute pas distinguer du lac Tritônis (correction de limèn en limnè en XVII, 3, 20) ; la vision tabulaire de Strabon du paysage cyrénéen vu du large. C. Dobias-Lalou explique une inscription fragmentaire qui évoque un secours divin soit à titre prospectif, soit en remerciement, sans que sa nature puisse être précisée. Découverte en 2003 dans la fouille du rocher de Kallikrateia, l’inscription est mise en relation avec les autels dégagés en ces lieux. S. Grosjean-Agnès tente d’identifier les Telessai mentionnées dans une loi sacrée provenant de l’esplanade du temple d’Apollon à Cyrène (SEG 20, 719) et se demande, sans pouvoir se prononcer fermement, s’il ne s’agit pas de Déméter et Coré. K. El Haddar donne une esquisse des nécropoles de Taucheira à l’époque romaine. L’ensemble se termine par un bel article de synthèse de V. Michel traitant de la christianisation et du développement monumental dans les cinq grandes cités de Cyrénaïque : Bérénikè, Ptolémaïs, Taucheira, Apollonia-Sôzousa et Cyrène.
17 La troisième partie débute d’abord par deux articles mettant en lien la Cyrénaïque avec l’extérieur : T. Haziza, en s’appuyant sur le témoignage d’Hérodote, évoque deux Cyrénéennes, Ladiké et Phérétimé, dont l’histoire est représentative des relations diplomatiques qui liaient Cyrène à l’Égypte, tandis qu’E. Perrin-Saminadayar suit le parcours de l’Athénienne Euthydikè, descendante de Miltiade, qui épousa Ophellas de Cyrène en 309/8 avant de revenir à Athènes pour épouser Démétrios Poliorcète. On s’éloigne ensuite définitivement de la Cyrénaïque pour aborder des sujets variés. Ph. Rodriguez analyse le serment royal ptolémaïque et affirme qu’il s’agit d’un exemple d’acculturation des pratiques grecques par les pratiques égyptiennes. A. Queyrel Bottineau s’intéresse aux fils des traitres dans la cité d’Athènes aux Ve et IVe siècle av. J.C. Elle montre qu’ils subissaient durablement la honte qui frappait leur père, mais aussi que cette mémoire négative entretenue par la cité n’était pas figée : elle pouvait évoluer selon le contexte, la personnalité et l’âge des enfants au moment de la condamnation, et l’importance du réseau familial et social. K. Karila-Cohen fait une étude prosopographique en recomposant le stemma de la famille d’un notable athénien, Dionysios fils d’Athênobios, et ses réseaux aux IIe-Ier siècles. P. Sineux entreprend de cerner le savoir d’Asclépios à Lébèna. En dépit d’une correspondance apparente entre la pharmacopée délivrée par le dieu et les connaissances pharmacologiques de la fin de l’époque hellénistique, il montre que les récits de rêve fabriquent en fait une image de savoir. A. Avram propose quelques remarques préliminaires sur des timbres amphoriques rhodiens trouvés à Istros, leur publication systématique faisant l’objet d’un projet dans le cadre du Corpus international des timbres amphoriques. N. Deshours revient sur la date du Règlement des Mystères d’Andania et, contra P.G. Thémélis qui propose de le placer à l’époque impériale en 24 apr. J.C., maintient la date traditionnellement admise de 91/0 av. J.C. P. Fröhlich présente un décret de Messène accordant des honneurs post mortem connu depuis le XIXe siècle (IG V 1, 1427), mais n’ayant fait l’objet d’aucun commentaire. Il le situe plutôt dans la seconde moitié du Ier siècle av. J.C. ou au plus tard du début du Ier siècle apr. J.C., en explique la teneur, propose des restitutions et établit sa traduction. D. Aubriet traite des titres honorifiques dans la cité de Stratonicée de Carie et particulièrement de celui de fils/fille de la cité. F. Delrieux étudie une émission provinciale romaine à Mylasa de Carie. En s’appuyant sur un passage de Plutarque, il émet judicieusement l’hypothèse de reconnaître sur les types de revers des bronzes de Faustine la Jeune le personnage d’Arsélis de Mylasa qui, après avoir ordonné la réalisation de la statue, est représenté en train de mettre dans la main droite du xoanon de Zeus Labraundos la double hache des rois de Lydie. Quatre communications, qui auraient pu être rassemblées semble-t-il, concernent les rapports entre Grecs et non-Grecs, et abordent plus nettement la question de l’hellénisme. Après une synthèse rapide mais intéressante de M. Stankovska-Tzamali sur les Péoniens vis-à-vis des Macédoniens, W. Pillot s’interroge sur la vision qu’avaient les Grecs des Carthaginois à l’époque des guerres puniques. D’abord ennemis héréditaires, l’auteur constate une assimilation affective des Carthaginois aux Grecs qui culmine en 146 av. J.C. avec les mises à sac de Corinthe et de Carthage. Y. Le Bohec étudie les noms grecs chez les Lingons et les Éduens. Il écarte l’idée d’une hellénisation qui les aurait largement touchés, mais montre que certains membres de l’élite sociale furent attachés à la culture grecque, particulièrement chez les Éduens à cause de l’enseignement divulgué à Autun. Le livre s’achève sur une belle contribution de M. Coltelloni-Trannoy qui étudie l’emploi de la langue grecque en Afrique mineure, région marquée par un bilinguisme libyque et punique, puis un trilinguisme avec l’introduction du latin à la fin de la République. Elle souligne que le grec n’était pas une langue totalement ignorée des populations puisque la présence des communautés hellénophones était ancienne en Afrique, y compris dans les royaumes numides et maures, et que les Puniques pratiquaient aisément cette langue. Elle montre que le grec a laissé des traces dans la toponymie, qu’il fut utilisé pour interpréter des noms de peuples parfois de façon fantaisiste. L’emploi de mots grecs isolés ou de formules dans les textes latins correspondait à un désir de briller. Ce désir était manifeste dans les milieux aisés : les pavements des riches maisons montrent des énigmes formées sur des jeux d’images et de mots. Mais le recours au grec fut également fréquent dans le système d’identification des sodalités : cette langue était donc aussi un élément de culture dans le milieu plébéien. Certaines formules montrent même une immersion de mots grecs dans la langue populaire et leur usage courant.
18 Au total, ce livre de qualité apporte bien des éléments nouveaux sur les différents sujets abordés. Il suscite ainsi l’intérêt du lecteur et sait le conserver malgré une tendance à la dispersion inhérente à ce type d’ouvrage.
19 Guy LABARRE Université de Franche-Comté – ISTA (EA 4011)
Le sang des provinces
[Ian Haynes, Blood of the Provinces. The Roman Auxilia and the Making of Provincial Society from Augustus to the Severans, Oxford, Oxford University Press, 2013, 448 p., 50 fig. ISBN 978-0-19-965534-2 – 150 dollars]
20 Professeur d’archéologie à l’université de Newcastle et auteur de contributions remarquées sur l’armée romaine et les sociétés provinciales, Ian Haynes livre ici une synthèse patiemment attendue par la communauté scientifique. Blood of the Provinces dresse le bilan de plusieurs décennies de recherches sur les troupes auxiliaires du Haut Empire. Ces unités n’avaient pas été étudiées dans leur ensemble depuis la célèbre monographie de G. L. Cheesman, parue en 1914 [1]. À l’époque, les historiens s’interrogeaient surtout sur l’organisation et la hiérarchie des corps de troupes, en privilégiant le matériel épigraphique. La perspective adoptée par H est tout autre. Dans ce livre, ce sont les individus et leurs affiliations communautaires qui bénéficient d’un traitement approfondi. Le sujet d’étude est donc volontairement décentré et au profit d’une démarche fondée sur l’analyse des données archéologiques. Celles-ci permettent à l’auteur de mettre en lumière l’impact du recrutement auxiliaire sur les sociétés provinciales et de souligner l’existence de cultures militaires originales, irréductibles au concept de romanisation.
21 L’ouvrage compte au total sept parties, chacune divisée en plusieurs chapitres. La première partie traite de l’origine des auxilia, de leur organisation et de leur place au sein de l’édifice institutionnel impérial. Dans la première phase de son développement, H retrace les étapes qui ont conduit à la mise en place d’unités permanentes. Les réformes d’Auguste sont ici présentées comme l’aboutissement d’une tendance ancienne, perceptible dès l’époque de la guerre des alliés. C’est toutefois au fondateur du Principat que revient le mérite d’avoir institué un service régulier des provinciaux au sein de l’armée, fondé sur un recensement général des populations ainsi qu’une séparation nette entre unités citoyennes et pérégrines. La suite de l’histoire des troupes auxiliaires est décrite comme un long processus d’incorporation, marqué par plusieurs temps forts : le règne de Claude voit la mise en place des milices équestres et l’émission des premiers diplômes ; la révolte de Civilis entraîne la disparition progressive (avec quelques exceptions) des commandements indigènes ; en 212, la constitution antonine rend obsolète l’ancienne distinction juridique entre unités auxiliaires et légionnaires.
22 H insiste sur le fait que les autorités impériales n’ont pas cherché à saper l’homogénéité ethnique des régiments en les déplaçant systématiquement dans des provinces éloignées. Il souligne aussi que, jusqu’à une époque avancée, l’organisation interne de ces unités ne semble pas avoir suivi de règle intangible. En outre, il affirme que l’incorporation des auxilia demeure incomplète au terme de la période étudiée, ce que montre bien l’importance des contingents irréguliers de Maures et d’Osrhoéniens dans les armées de campagne du IIIe siècle. L’idée d’un « Roman pragmatism » revient à plusieurs reprises comme un leitmotiv pour justifier ce laisser-faire. Une explication commode mais assez arbitraire qui laisse un certain nombre de questions sans réponse. À partir de quand les troupes auxiliaires commencent-elles réellement à servir sur une base « permanente » [2] ? Comment expliquer la présence de citoyens dans leurs rangs dès la première moitié du Ier siècle [3] ? Pourquoi les numeri ethniques apparaissent-ils seulement à l’époque de Trajan et pas avant [4] ? Plus grave, des assertions fausses nuisent à la crédibilité du propos : il existait bien une cavalerie légionnaire à l’époque de César contrairement à ce qu’on pourra lire à la p. 36 [5], et l’exemple de la cohors Gaetulorum suggère vivement que certaines unités auxiliaires ont bien survécu aux guerres civiles pour devenir des corps réguliers sous le Haut-Empire [6].
23 Si le bilan de cette première partie n’est pas entièrement satisfaisant, la suivante a plus de chances de remporter l’adhésion du lecteur. Et pour cause : H y traite d’un de ses sujets de prédilection, le recrutement. La réflexion aborde des questions diverses allant des origines géographiques au statut juridique des recrues, en passant par l’épineux problème des unités « ethniques ». L’auteur souligne la prodigieuse capacité des Romains à intégrer des structures militaires préexistantes. En Europe tempérée, les compagnonnages équestres caractéristiques des sociétés de l’âge du fer permettent aux généraux républicains puis aux princes de lever des unités montées à moindre frais (e.g. ala Indiana). Ce type de recrutement est particulièrement profitable puisqu’il permet de démilitariser les peuples pratiquant le raid comme une activité sociale ordinaire et donc de renforcer la stabilité politique de provinces turbulentes. En Orient, le mode opératoire est sensiblement différent. Si les grands vassaux de la cour parthe peuvent aussi s’engager au service de Rome pour des raisons politiques ou économiques (e.g. alae Parthorum), les empereurs se contentent le plus souvent d’incorporer les unités régulières des États clients annexés. Ce procédé est bien attesté en Commagène, en Judée et en Nabatène et pourrait encore avoir été à l’origine de la création de la célèbre cohors XX Palmyrenorum.
24 Lever des unités est une chose, il faut ensuite garantir leur approvisionnement constant en recrues. Le problème se complique lorsqu’au fil des déplacements, un régiment est contraint de faire appel à de nouvelles ressources humaines. H pose notamment la question du recours au recrutement « local » qu’entraînent de tels transferts. Il souligne le caractère très vague de cette expression popularisée par Cheesman et qui, dans l’historiographie, sert à désigner pêle-mêle castris, recrues provinciales ou soldats issus de secteurs frontaliers plus vastes, avec parfois des profils socio-culturels très divers. Selon lui, les Romains ont avant tout privilégié une exploitation sélective des provinces : les peuples qui contribuaient peu en termes de ressources naturelles étaient plus susceptibles d’être exploités sur le plan humain. Mais de manière générale, le recrutement s’adaptait aux circonstances et aux opportunités du moment, ce qui contribuait à maintenir une certaine hétérogénéité ethnique au sein des corps de troupes. Quelques unités pourraient avoir dérogé à ce principe empirique. Elles ont en effet conservé des liens privilégiés avec leurs régions d’origine durant plusieurs générations, ce qui a amené des historiens à penser que les autorités impériales cherchaient à préserver leurs particularités respectives. H exprime sur ce sujet une opinion sensiblement différente. Selon lui, seuls les régiments bataves ont fait l’objet d’un approvisionnement constant en recrues nationales au cours de la période. Les unités d’archers orientaux n’auraient pas bénéficié d’un tel traitement, contrairement à l’opinion habituellement admise. Si les cas abordés par l’auteur sont discutés de manière convaincante, il est regrettable que d’autres exemples, beaucoup plus susceptibles de faire débat, ne soient pas évoqués. On pense par exemple à l’ala I Hamiorum de Tingitane, qui pourrait effectivement avoir été alimentée en recrues syriennes pendant au moins un siècle [7].
25 Dans la troisième partie du livre, l’auteur s’intéresse à la vie quotidienne des soldats. Il commence par souligner la grande diversité des installations militaires susceptibles d’accueillir les ailes et les cohortes. Alors que le plan en carte à jouer est plutôt populaire en Occident, dans d’autres régions, notamment au Proche-Orient, les autorités impériales privilégient le cantonnement des troupes dans des villes ou des forts préexistants. Un dénominateur commun caractérise le service dans ces garnisons : sa dimension profondément urbaine. Chaque camp est en effet pensé comme une petite cité et équipé en conséquence. L’incorporation des recrues (souvent issues de milieux ruraux) passe ainsi par l’apprentissage des mœurs urbaines. Tous les domaines de la vie quotidienne sont concernés par cette acculturation : du temps, désormais régi par le calendrier romain, à la cuisine qui se fait le plus souvent à l’huile, en passant par l’hygiène corporelle (les camps auxiliaires commencent à s’équiper de thermes à partir de l’époque flavienne). Ce qui ne signifie pas que les habitudes nationales soient abandonnées. S’il est souvent disponible, le vin ne règne pas partout en maître. À Vindolanda, sur le mur d’Hadrien, les soldats bataves se plaignent de la pénurie de bière et un brasseur est attesté dans leur unité. Le porc, si populaire en Italie, n’est pas partout adopté comme la seule viande d’élevage, beaucoup d’auxiliaires lui préférant ovins et caprins.
26 L’étude de la religion, objet de la partie suivante, met l’accent sur les découvertes archéologiques, ce qui a le bénéfice d’offrir un point de vue sensiblement différent de celui jadis exprimé par von Domaszewski [8]. De manière générale, H fait remarquer qu’il n’existe ni religio castrensis (au sens d’un culte militaire rigoureusement différent des religions « civiles »), ni transposition d’une religion romaine traditionnelle dans les camps. Derrière un décor religieux marqué par des formes architecturales italiennes, on retrouve bien souvent la survivance de croyances ou de pratiques caractéristiques de l’âge du fer. L’auteur cite à titre d’exemple les dépôts d’offrandes attestés sur le plateau du Kops, près de Nimègue, et à Newstead en Bretagne. Dans ces deux camps auxiliaires du Ier siècle, des équipements militaires étaient enterrés avec d’autres objets rituels dans des fosses ou des puits, ce qui n’est pas sans rappeler des coutumes celtes plus anciennes. Il serait tentant de rapprocher ces observations d’autres trouvailles, dont certaines suggèrent la persistance d’un culte des têtes coupées dans certaines parties de l’Empire [9]. Par ailleurs, H hésite à voir dans le culte impérial une religion uniformément imposée aux différentes unités de l’armée. Selon lui, le Feriale Duranum laissait une grande marge de manœuvre aux soldats : la plupart des fêtes de ce calendrier ne semble pas avoir eu de contenu contraignant et il est possible qu’elles aient permis localement à toute une variété de dieux d’être honorés. Mais dans l’ensemble, on note chez les auxiliaires un attachement sincère aux principes fondamentaux de la religion romaine. Conscientes de la compatibilité entre sensibilités locales et efficacité militaire, les autorités impériales ont même toléré la diffusion de cultes indigènes à un niveau officiel. Les Campestres celtiques sont ainsi devenues les divinités tutélaires de la cavalerie et de la garde montée de l’empereur.
27 La cinquième partie analyse l’équipement militaire des soldats. H ne se contente pas de dresser une typologie des armes utilisées par les auxiliaires ; il entreprend de leur restituer une signification culturelle. Les équipements décoratifs portés par les cavaliers lors des tournois connus sous le nom d’hippika gymnasia sont ainsi décrits comme un cas type d’incorporation : sous les apparences de célébrations calquées sur le modèle du lusus Troiae, les participants sont amenés à se livrer à des exercices équestres empruntés aux peuples celtes de Gaule et d’Hispanie. L’interculturalité se retrouve plus globalement dans l’équipement quotidien du soldat. Suivant une tendance en vogue dans les études archéologiques récentes, H reprend le concept lévistraussien de bricolage et souligne qu’en l’absence d’uniforme réglementaire, les soldats construisent en partie leur apparence. Un développement fort intéressant est consacré aux nombreuses tombes à armes identifiées en pays trévire. H pense que la démocratisation des équipements militaires permise par le service dans l’armée impériale était mal perçue par les anciennes élites tribales. Afin de se distinguer des soldats de cohortes qui imitaient leurs pratiques funéraires, ces dernières auraient enrichi leurs dépôts d’équipements équestres. Cette logique de différenciation serait aussi à l’œuvre sur les stèles représentant les soldats [10].
28 L’utilisation des auxiliaires au combat fait l’objet de remarques tout aussi pertinentes. H souligne le décalage entre l’idéologie officielle, qui présente les légionnaires comme les seuls défenseurs légitimes de l’Empire et les conditions réelles de la guerre au Ier siècle, caractérisées par l’intervention des troupes auxiliaires dans la majorité des engagements. Selon lui, les différences d’armement existant entre les deux corps n’impliquaient pas nécessairement des rôles tactiques distincts. Ce sont les sources narratives et l’art officiel qui auraient conduit les historiens à surévaluer les particularités des ailes et des cohortes. On sait désormais avec certitude que l’équipement ne permettait plus de distinguer les auxilia des légions au IIIe siècle. Durant cette période, toutes les unités d’infanterie adoptent l’épée longue, la lance d’arrêt et le bouclier ovale. H voit là l’effet de l’amélioration du statut des soldats auxiliaires dans l’armée. Pourtant, S. Janniard a récemment soutenu que ces évolutions relevaient d’une volonté d’adapter l’infanterie impériale aux tactiques des cavaleries nomades et iraniennes [11]. Cette tendance à attribuer aux choix culturels et aux dynamiques sociales une importance surdéterminante montre, selon nous, les limites d’un courant actuel de la recherche, rejetant comme anachroniques toute idée d’adaptation tactique ou technique dans l’Antiquité.
29 Les deux parties suivantes traitent du langage et de l’écriture. H soutient que les unités auxiliaires étaient fortement marquées par le multilinguisme. Les soldats parlaient évidemment leur langue maternelle, mais il leur fallait acquérir des rudiments de latin ou de grec pour comprendre les ordres. Une maîtrise plus approfondie des langues classiques était nécessaire pour remplir certaines fonctions réservées aux gradés ou aux officiers subalternes. Ceux-ci étaient en outre amenés à rédiger quotidiennement toutes sortes de documents, ce qui montre qu’on attendait d’eux qu’ils sachent écrire. De manière générale, les légionnaires étaient certainement plus lettrés que les auxiliaires, mais il est difficile de mesurer l’alphabétisation de ces derniers avec précision. H soutient que la proportion de soldats sachant lire et écrire devait être supérieure au taux généralement admis pour l’ensemble de l’Empire (moins de 10 %). C’est en tout cas ce que laisse supposer la documentation égyptienne. Le latin parlé comme lingua franca par les militaires n’était évidemment pas la langue classique de Cicéron. Il était influencé par les idiomes locaux et s’enrichissait d’un argot militaire foisonnant d’emprunts. À ce titre, on regrettera que l’auteur reprenne à son compte l’étymologie classiciste du lat. clibanarius : ce néologisme, dérivé du moyen perse grivban et non du grec κλίβανος, constitue justement un cas type de terme technique issu d’une langue étrangère [12].
30 La septième et dernière partie, qui est aussi la moins fournie, clôt l’ouvrage par un développement consacré aux vétérans. Environ 3 000 à 3 600 auxiliaires étaient libérés chaque année. H se demande si ces démobilisations ont eu un impact sur le mode de vie des communautés provinciales. De manière générale, rien ne semble confirmer cette idée longtemps admise comme une évidence. Il semble qu’à leur retour, les vétérans réintégraient leur société normalement et ne jouaient pas un rôle déterminant dans le développement ou l’évolution de leur cité. Les gregales n’avaient probablement pas le patrimoine nécessaire pour accéder à l’ordo decurionum : leur statut les faisait plutôt accéder à la petite propriété, ce qui n’empêchait pas l’ascension sociale des générations suivantes grâce à l’acquisition de la citoyenneté romaine.
31 Au terme de ce compte-rendu, il convient de louer l’approche novatrice adoptée par H. Le lecteur ne peut manquer d’être séduit par cette synthèse. De fait plusieurs éléments y contribuent : la clarté du propos, le parti pris de transcender l’histoire institutionnelle de l’armée romaine, l’utilisation de documents inhabituels ou peu connus de l’ensemble la communauté scientifique (e.g. les ostraca de Krokodilô). La démonstration est appuyée sur une solide connaissance de la bibliographie internationale [13] et le volume est suivi d’un index complet. Nous sommes toutefois en droit de nous demander si ce type d’étude à dominante socio-culturelle ne risque pas de marginaliser les problématiques militaires, de produire une histoire de l’armée sans la guerre. On regrettera en outre de trop nombreuses scories, peu habituelles dans les éditions universitaires d’Oxford [14]. Mais ces remarques de détail ne minorent en rien la richesse des apports méthodologique et heuristique de l’ouvrage, qui s’impose comme une référence incontournable des études sur les auxilia.
32 Maxime PETITJEAN UMR 8167 Orient et Méditerranée - Équipe Byzance. École Doctorale 1, Mondes anciens et médiévaux
L’immutabile facciata del potere
[Le maschere del potere. Leadership e culto della personalità nelle relazioni fra gli stati dall’antichità al mondo contemporaneo, a cura di Francesca Gazzano e Luigi Santi Amantini, Roma, “L’Erma” di Bretschneider, “Rapporti interstatali nella Storia”, 6, 2013, 232 p. ISBN 978-88-913-0686-9 – 155 euro]
33 Il volume raccoglie dieci contributi, frutto di un seminario tenuto presso l’Università di Genova (Facoltà di Lettere e Filosofia) nella primavera del 2011, incentrato sul tema: Le maschere del potere. Leadership e culto della personalità nelle relazioni fra gli stati dall’antichità al mondo contemporaneo. Il tema attorno al quale ruotano i diversi studi è quello dell’autorappresentazione del potere, in particolare nell’ottica delle relazioni interstatali. La volontà di affrontare tale tema da varie prospettive disciplinari – i contributi spaziano dall’antichità al mondo contemporaneo – segue le nuove linee programmatiche della collana “Rapporti interstatali nell’antichità”, che, con il presente volume, assume il nuovo titolo di “Rapporti interstatali nella storia: dall’antichità al mondo contemporaneo”. Come sottolineato dai curatori, esso non vuole essere una trattazione esaustiva sull’argomento, data la sua vastità, ma “l’idea era quella di condividere esperienze e approcci differenti su uno stesso problema” (p. x). Si tratta, dunque, di un banco di prova per un proficuo confronto interdisciplinare. Il “filo rosso” che nelle intenzioni dei curatori dovrebbe collegare – e di fatto felicemente collega – i diversi contributi è, quindi, quello delle “maschere” con cui il potere si autorappresenta. Ed è proprio la grande varietà dei soggetti studiati e degli approcci seguiti a consentire di notare “tratti quasi stupefacenti di continuità e di somiglianza nelle ‘maschere’ di cui si ammanta, o dietro cui si cela, il potere di turno” (p. xiii-xiv).
34 Apre il volume il documentato contributo di Nicola Cucuzza, Leadership e culto della personalità nell’Egeo del secondo millennio a.C. L’autore si interroga in particolare sul problema della riconoscibilità di singole personalità e della loro azione nell’ambito delle relazioni interstatali nell’Egeo del II millennio a.C. Lo studio mette in luce in primo luogo come non sia possibile individuare l’operato di singole personalità nelle comunità egee del II millennio a.C., a causa dell’impossibilità di connettere in maniera precisa le informazioni delle tavolette in lineare B relative a singoli individui ai dati archeologici. Per quanto riguarda, poi, i rapporti “interstatali”, sono solamente le fonti del Vicino Oriente a consentire di riconoscere, con le dovute cautele (si tratta dell’annosa questione delle problematiche identificazioni degli Ahhiyawa e dei Keftiu), rapporti tra alcune aree dell’Egeo e i regni vicino-orientali. Documentazione archeologica di provenienza egea sembra invece permettere di cogliere un percorso – dalla monumentalizzazione delle tombe del circolo A di Micene all’Heroon di Lefkandì, passando per la nota tomba del guerriero di Egina – verso l’eroicizzazione del defunto e un culto della personalità nell’Egeo. Ed è proprio nei corredi tombali che si può cogliere, secondo Cucuzza, un aspetto di “autorappresentazione” del potere: dalla Media e soprattutto dalla Tarda Età del Bronzo la sempre più frequente presenza nelle tombe elitarie di oggetti esotici potrebbe alludere alla volontà di personalità della classe egemone di presentarsi come capaci di avere rapporti con popolazioni lontane. Sembra quindi riconoscibile un modello di guerriero-viaggiatore, che trae prestigio dal suo inserimento nel circuito degli scambi “internazionali”.
35 Il secondo contributo, di Maddalena Luisa Zunino, dal titolo La maschera del tiranno. Il potere, la giustizia e l’identità civica, è incentrato sulle immagini di sé che i tiranni greci di età arcaica vollero forgiare e consegnare alle rispettive città e al mondo greco per affermare e legittimare il proprio potere. Lo studio di Zunino mette efficacemente in evidenza come il tiranno arcaico, di estrazione aristocratica, fa tutto quello che fanno i suoi pari, ma più in grande, esibendo così davanti agli occhi dei concittadini la propria superiorità. Ma il tiranno non è solo il più potente: egli assume il ruolo di difensore “pubblico” della comunità, lacerata dalle discordie civili. Il tiranno, come ben mostrato dal noto aneddoto riferito a Trasibulo di Mileto, ha il dovere di “pareggiare” la sua comunità e di governarla secondo giustizia. La differenza tra l’opera dei tiranni arcaici e quella di figure di “fondatori”, come Solone (che avrebbe rinunciato alla tirannide) e Clistene ateniese, è individuata da Zunino nel fatto che essi “scompaiono” dietro alla propria opera, mentre il tiranno si identifica con il proprio operato e con la città da lui governata. Come scrive felicemente l’autrice (p. 50), “la città del tiranno è il tiranno e il tiranno è la sua città”.
36 Una diversa “maschera” del potere è invece analizzata da Luigi Santi Amantini in La ‘tragedia’ di Demetrio Poliorcete, re senza regno, e la terminologia teatrale nelle biografie di Plutarco. Si tratta, in questo caso, della maschera “teatrale”, e in particolar modo “tragica”, largamente impiegata da Plutarco nel rappresentare le alterne vicende di Demetrio Poliorcete e del triunviro Marco Antonio nella relativa coppia di Vite. L’autore pone efficacemente in evidenza come in questa coppia di Vite (come anche in altre) il biografo di Cheronea ricorra in numerosi passi a metafore teatrali per una compiuta “rappresentazione” dell’ethos e delle azioni compiute dai personaggi descritti. Santi Amantini conduce il lettore a considerare con grande attenzione tale aspetto della tecnica compositiva di Plutarco, attraverso la lettura convincente di numerosi passi delle due Vite. Lo studioso accenna anche, purtroppo solo di passaggio, alle possibili fonti di alcuni passi in cui Plutarco utilizza tali “metafore” teatrali: vengono così chiamati in causa autori come Filarco (p. 64: come possibile fonte di Demetr., 25, 7-9), Duride (p. 65: come possibile fonte di Demetr., 41, 5-6) e Quinto Dellio (p. 68: come possibile fonte di Ant., 45, 4). Il lettore rimpiange quindi, forse, che non venga approfondito il problema della possibile dipendenza di Plutarco dalle sue fonti anche per quanto riguarda proprio il ricorso alle “maschere tragiche”. Inoltre, avrebbe potuto completare il ricco quadro di spunti di riflessione offerti dallo studioso qualche considerazione sulla problematica esistenza nel corpus plutarcheo di passi nei quali Plutarco sembra “condannare” il ricorso da parte degli storici a tecniche narrative proprie della tragedia, come, ad esempio, Alex., 75, 5.
37 La “maschera” del generale vincente è invece quella presentata da Eleonora Salomone Gaggero in L. Emilio Paolo dal trionfo sui Liguri al trionfo sulla Macedonia. L’interrogativo da cui la studiosa prende le mosse è: da dove L. Emilio Paolo derivò la fama di generale vincente che lo portò a essere eletto console, secondo Plutarco, proprio per portare a termine la guerra contro Perseo? L’autrice non esclude che le motivazioni dell’elezione a console di Emilio Paolo possano essere state elaborate a posteriori; tuttavia, a ragione, osserva come il fatto che Emilio Paolo, al momento dell’elezione, fosse ritirato a vita privata ormai da diversi anni induce a ritenere che probabilmente egli fosse stato eletto console proprio per condurre a termine la guerra macedonica. L’autrice individua quindi giustamente l’occasione nella quale Emilio Paolo si sarebbe guadagnato tale fama nelle operazioni felicemente condotte contro gli Ingauni nel 182-181 a.C. L’analisi della studiosa, condotta con rigore, è fondata sulla lettura delle principali fonti superstiti, spesso divergenti tra loro: Plutarco, Livio e Polibio (in frammenti). Purtroppo, però, non risulta approfondito in modo debito il problema dell’origine delle diverse tradizioni storiografiche riguardanti il generale romano, sebbene la stessa studiosa faccia presente al lettore, ad esempio, come Polibio (da considerarsi importante fonte di Plutarco) fosse legato alla famiglia del console. Tali considerazioni potrebbero forse portare a considerare in modo più completo la “costruzione”, in vita e post mortem, della “maschera” di generale vincente attribuita dalla tradizione storiografica a Emilio Paolo.
38 Rossella Pera mostra poi in Proclamare il potere: esempi dalla monetazione romana come sia possibile riconoscere nella monetazione romana, dall’età repubblicana alla fine dell’età imperiale, un chiaro esempio di autorappresentazione del potere, della quale si può seguire, nelle diverse coniazioni, l’evolversi dell’immagine che il potere volle dare di sé, per rafforzarsi e autolegittimarsi. In particolare, grande attenzione è giustamente prestata da Pera alla comparsa del ritratto nella monetazione romana (con Cesare) e alla rappresentazione del mondo divino.
39 Sull’autorappresentazione del potere imperiale del basileus nel mondo bizantino è incentrato invece il contributo di Lia Raffaella Cresci L’affermarsi dell’individualità nel profilo ideologico del βασιλεύς dei Romei. Lo studio mira a mettere in luce in quali circostanze e con quali finalità, a fronte di un’ideologia imperiale che tendeva a nascondere il profilo individuale del singolo basileus, in taluni casi fu elaborata una marcata ostentazione delle doti e dei successi personali (in campo soprattutto militare e religioso) del detentore dell’imperium. L’indagine mostra in modo convincente come, da Eraclio a Michele VIII Paleologo, i casi nei quali la propaganda imperiale insiste nel presentare le qualità del singolo imperatore si riscontrano in congiunture storiche nelle quali il potere imperiale ha bisogno di autolegittimarsi e di rafforzarsi sul fronte interno ed esterno, per lo più in occasione di successioni al trono violente e, quindi, poco “legittime”.
40 “Maschere del potere” vengono d’altra parte riscontrate anche nel mondo medievale occidentale da Marina Montesano, in Mala Testa. Heraldic Symbols and the Representation of Power in Late Middle Age’s Family. Il potere di cui si studiano qui i meccanismi di autorappresentazione, attraverso l’indagine del significato veicolato dagli stemmi araldici, è quello della famiglia Malatesta, che alla fine del XIII secolo ottenne la signoria di Rimini. Come famiglia emergente, priva di una tradizione aristocratica su cui contare, essa non aveva uno stemma di famiglia, che elaborò, dapprima nella forma semplice delle “bande a scacchi”, poi con la combinazione di figure più elaborate come i monogrammi, la rosa, l’elefante e le teste. La diffusa tendenza della critica a leggere tali simboli come richiami all’ascendenza mitica dei Malatesta agli Scipioni è giustamente posta in discussione da Montesano, che nota come tali simboli avessero significati più ampi e condivisi. Ad ogni modo, essi vanno letti come manifestazione del crescente potere acquisito dai Malatesta nei secoli XIII e XIV.
41 Il percorso storico delineato dal volume approda all’età moderna con il contributo di Simona Morando Quando il potente ama. Raffigurazioni encomiastiche negli Epithalami (1616) di Giovan Battista Marino. Attraverso una puntuale analisi testuale, Morando si interroga sul significato della rappresentazione che Marino offre del potere regale e aristocratico nei suoi Epithalami del 1616. Come giustamente messo in evidenza, la poesia epitalamica consente al poeta di unire la sfera pubblica a quella privata: “uomo di potere, marito, amante, padre, dio o semidio sono tutte “maschere” che concorrono a stabilizzare un’unica immagine del comando” (p. 155), poiché la rappresentazione del momento privato e intimo, così insistentemente e ostentatamente ricercata da Marino, serve a legittimare il matrimonio (con la sua consumazione) sul piano politico. E proprio per questo l’amore coniugale, nella poesia di Marino, diventa oggetto di una poesia dai tratti eroici ed epici.
42 Tra il testo di Diodoro Siculo e due sonetti inglesi ottocenteschi si muove invece l’analisi di Gianfranco Gaggero in Osimandia in Diodoro e nella poesia inglese dell’Ottocento. La “maschera del potere” dell’egiziano Osimandia, presentato nell’iscrizione citata da Diodoro (1, 47, 4) come sovrano dalla grandezza irraggiungibile, venne infatti recepita e rielaborata nel 1818 in due diversi componimenti dei due amici Percy Bysshe Shelley e Horace Smith, in una sorta di contest poetico. Oltre a rilevare come l’immagine del faraone venga riletta e risemantizzata dai due poeti inglesi, Gaggero si chiede in particolare da quale manufatto artistico fosse stata ispirata la colossale statua del faraone presentata dai due poeti, ma assente nel brano diodoreo. A questo proposito viene suggerita una nuova, interessante ipotesi: potrebbe trattarsi del disegno, ispirato ai resti del Colosso di Costantino, L’artista sgomento di fronte alla grandezza delle rovine antiche del pittore Johann Heinrich Füssli, che godeva di grande fama in ambiente inglese.
43 Infine, chiude il volume il ben documentato lavoro del contemporaneista Fabio Caffarena In volo a pieno regime. L’immagine e la parola del Duce-pilota. Attraverso la convincente presentazione di una grande messe di materiale documentario, lo studioso mette bene in luce come la “maschera” del Duce-pilota fu particolarmente utilizzata e amata da Mussolini, diventando anche metafora della capacità del Duce di tenere saldamente i “comandi” della nazione. Tuttavia, come ben rilevato dall’autore, l’immagine dell’ “arma azzurra” delineata dal Fascismo non era priva di tensioni e contraddizioni al suo stesso interno. Se infatti, da un lato, l’immagine eroica dell’asso della Grande Guerra veniva rigettata a favore di quella di un’arma di massa in cui l’eccellenza asettica di uomini e macchine doveva rappresentare un tratto comune della nuova “arma azzurra”, d’altra parte tale immagine strideva con la componente irrazionale connaturata al Fascismo e con l’ostentata volontà di Mussolini di sottolineare la propria eccezionalità tra gli aviatori.
44 Al termine della lettura del volume, emerge con evidenza come il proposito dei curatori di realizzare un proficuo confronto interdisciplinare attorno a uno stesso tema sia stato lodevolmente raggiunto. Il “filo rosso” che lega i vari contributi, infatti, non sfugge mai allo sguardo del lettore attento. L’augurio di chi scrive è che tale confronto possa essere esteso in futuro anche ad altri temi che possano interessare ancora, sotto una medesima prospettiva di indagine, la stessa ampiezza di campi disciplinari.
45 Pietro ZACCARIA
46 KU Leuven
Classical Victorians
[Edmund Richardson, Classical Victorians. Scholars, Scoundrels and Generals in Pursuit of Antiquity, Alastair Blanshard, Shane Butler, Emily Greenwood (ed.), Cambridge, Cambridge University Press (coll. “Classics after Antiquity”), 2013, 227 p. ISBN 978-1-10-702677-3 – 90 dollars]
47 This book is the first of a new series called Classics after Antiquity published by Cambridge University Press. The series purports to stir the interest of classical studies specialists by reevaluating the relationship between the Greek and Latin past and later periods of time. Its very name is deliberately ambiguous: the editors are interested in works studying the various roles which classical literature may have played in subsequent times (those who came after antiquity) but also in the way modern specialists have studied and used antiquity with an agenda – and how they sometimes did find what they went after. In other words, the editors of this new series are intent on understanding the elements of reconstruction of the past, or of its occasional reinvention, by post-antiquity times. But they also hold that Greek and Latin authors may sometimes “write back” to the present in a disorienting or destabilizing way: “sometimes, in other words, antiquity comes after us” (p. xii). Invoking the Classics with the aim of leading a country enthusiastically to war for example may become a problem if the war is lost or turns out to be a dead end (as Edmund Richardson shows here in the case of the Crimea). The Nietzsche epigraph given by Richardson to his book rapidly takes on its full meaning ( “All of antiquity is itself a Quixotic dream”): there is an “untimely” atmosphere to these pages, to use another Nietzschean expression, an atmosphere linked to the idea that history cannot be taken for the mere computation of chronologically ordered facts in which each event – and agreement on what makes up an event is still to be found – renders the previous one obsolete. “There is no such thing as fact, Nietzsche says elsewhere, but only interpretations”. Might antiquity have been but a dream, like life according to Calderón or Shakespeare, for 19th-century Britain?
48 It would not be fair to say of Edmund Richardson’s book, as we commonly say of other books, that it reads like a novel. There is indeed much more than picturesque pleasure and historical exoticism to this work which, besides, is very rigorously and exhaustively documented. Yet again it is with the pleasure of a novel reader that we eagerly leaf through these pages. Richardson displays in five chapters an array of characters who are all as fascinating as fictive characters could be. In the introductory chapter, the anecdote of the grave-robbers provides a telling metaphor: the use that the living might do of the dead was, Richardson says, one of Victorian Britain’s passion. The growing number of medical schools had created a shortage of corpses for dissection classes, hence a falling number of paying students, and illegally remunerated grave-robbers sometimes had to fight around or in the profaned grave over the object of their theft. And such was the case, so to speak, of those who wondered what use the classical past might be to the present. The Greek or the Roman dead had to help fashioning the present. But the dead do not always come back as docilely as we would, and what strikes Richardson about the Victorian Age in its relationship to the past is the fact that antiquity often appears as a mirage, an inaccessible dream, or at least as an ever evasive or elusive reality. Richardson goes on explaining the way he proceeds: from his point of view, the relationship of the Victorian period to the classical past can be apprehended both by an exploration of the unorthodox outskirts of British society (and perhaps even its shady margins) and by the study of its orthodox center. In other words he intends to combine the central and the peripheral in order to present us with a decentered view of cultural history.
49 So the second chapter is about the role of classical culture in Victorian education, more particularly about the creation and training of society’s elite. “Humanities” being supposed to educate Man to his own dignity as a moral and rational being, they were part and parcel of the construction of upper-class young males’ identity. It was the key, “the silver key” to success and good conduct in society. Work and virtue would lead to a supposedly well-remunerated bishopric in the Anglican Church or to a lucrative post of headmaster. Richardson demonstrates that it was very rarely the case in fact and that the period’s meritocratic discourse concealed a system of appointment based on social rank. Many a young and penniless erudite (such as Hardy’s Jude) were to understand this system at their own expense. Thus did Theodore Buckley for example (an ex-wunderkind) die at thirty, destroyed by alcohol and opium. Thus did also Reverend John Selby Watson (the laid-off headmaster of Stockwell Grammar School) bludgeon his wife to death, pull her body in his library and quietly get back to his translations and commentaries. Watson’s case is particularly interesting insofar as it clearly shows how, brutal and inexcusable as his crime was, his judges, the media and public opinion found it difficult to acknowledge that erudition and respectability were not necessarily symbiotic. How could one be able to perform the highest intellectual operations and fail to draw the line between right and wrong?! “Circumstances” had to be put the blame on. And if “circumstances” did not exactly excuse Watson’s murder, they did make him less despicable than the common murderer and demanded more compassion. As a matter of fact, classical culture did not turn anybody into a “gentleman”, contrary to what an increasing number of pedlars were promising those who were ready to buy their methods of Greek and Latin. Classical culture was even much rather a means of controlling the masses than a social ladder.
50 In the following chapter Richardson describes the political scene and shows how virtually anybody invoked the world of the Ancients in order to promote his own cause. It was a constant recreation of the past, an assemblage of its scattered parts which were to be sewn together again and reanimated in the same way as Dr. Frankenstein reanimated his creature (Richardson’s literary examples are always as telling and welcome as his comparative attitude is stimulating). One clearly understands that, during the Crimea episode, antiquity was used “to sell a war” (p. 77) to public opinion. And this is when Duncan MacPherson comes into play. MacPherson held that the Greeks had brought wealth and civilization to the Crimea which, the English newspapers claimed, “had been the granary of Athens” (Daily News, 1854, quoted p. 83). The British had to take arms against the Russians in this “philhellenic” conflict (as it was called), in order to defend “civilization” against “the barbarians”. One cannot fail to notice that the generals of the Empire went to war on vessels called The Agamemnon, the Cleopatra, the Jason, The Golden Fleece or the Gladiator. And one clearly sees that they led their military operations in a classical landscape, strewn with ancient landmarks. It was on this very ground that MacPherson conducted excavations the findings of which he then sent to the British Museum in London. To him, these findings were in fact going back home, back to the true home of civilization. But winter and military difficulties tempered many a general’s spirit. Sebastopol resisted the joined efforts of the French and the British for over a year and those generals who previously boasted to be “heroes of antiquity” now had to endure the rage and sarcasm of the press. Antiquity was no longer a reference of glory but precisely what was not to be mentioned: “How to infuriate a British general? Compare him to a hero of antiquity – and try to hold your smile” (p. 109). Like Dr. Frankenstein, those who recreate the past may fear that their creature escapes control sooner or later.
51 In chapter four, Richardson evidences the feeling of uncertainty which pervaded and perhaps defined the Victorian attitude towards the classical age. Everything seemed so fragmented, memory was so broken and incomplete! Many felt that history was an incomplete discipline by nature. The great narratives of the ancient world were bound to remain imperfect. What was at stake then, and still is perhaps, was the nature of remembrance: to what extent can we trust our memory of the past? How are we to remember the past? Must we write a unified and authoritative narrative of it, or just let the clamor of multiple voices rise, the clamor of the many voices of Babel? No one played more delightedly than Samuel Butler with the principle of uncertainty in order to query the institution of classical studies which he perceived to be fossilized and entrenched in authoritative but questionable views of the past. With The Authoress of the Odyssey, Butler managed to convince the critics that the author of The Odyssey might well have been a young woman from Trapani, Sicily. No one was really able to make out if he had written a serious academic work (since Butler went to great lengths to support his theory) or if he had written a satire of the contemporary institution of historical studies. James Joyce himself was greatly impressed by this highly influential book. Butler placed uncertainty at the heart of memory in the same way as Laurence Sterne did in Tristram Shandy (one of Nietzsche’s favourite books) one century before. Contrary to those who were keen on eliminating uncertainty and complicating details linked to the exploration of the past, Butler rejoiced in the infinity and fragmentation of history. He thoroughly enjoyed the multiplicity of the Babel voices. He contended that history was irreducible to unified and authoritative narratives, that there was no really firm ground to set foot on and that historians had to learn how to swim. The age was reaching a turning point where it was extremely uneasy to draw the line between “serious” pieces of work and hoaxes. Forgers and scoundrels were rife and sold falsified ancient palimpsests to eminent specialists or – and this is the height of fun – they swore that they had counterfeited in their youth real manuscripts recently discovered by the same eminent specialists! Constantine Simonides, a Greek scoundrel of genius, thus managed to cast doubt and trouble at the highest level of international academic research and to influence the specialists’ debates for a long time. Uncertainty was at its peak. The critics were paralyzed, they no longer praised nor blamed for fear of ridicule and Butler was winning the game: there was no telling the past with the authority of a “professional” historian any more, no orthodox institution to rely on.
52 Is there no hierarchy in science any longer, no intellectual legitimacy to invoke the world of the Ancients? Who is entitled to interpret the past? Who has the right? Such were the sensitive issues of the time and Richardson shows in the final pages of his book that the Victorians were in fact reluctant to authority and orthodoxy for deeply rooted reasons – reasons linked to the opposition between the Reformation and Roman Catholicism. Rome had indeed always put forward the argument of tradition against the Anglican split. Only Catholicism could boast an uninterrupted tradition virtually dating back to the life of Christ – which made it authoritative in all things theological at least. But the idea that it was preferable to go straight back to the Scriptures in a truer relationship to the past and to its essential fragmentation was a Protestant idea. These questions would later take a political turn since tradition in Catholicism or in classical studies was equated with opposition to a more democratic plurality of voices.
53 One must therefore read this most excellent book by Edmund Richardson because it is both precise and profound (a conception of history is at stake, perhaps even a philosophical conception of time and memory), but also because it is light and humorous, full of anecdotes and characters, full of byways from which one always comes back enchanted. One should also read it because the divide between orthodox and unorthodox discourse, in history as everywhere else, is not very clear yet. From a fossilized world that probably needed some un-orthodox fresh air we have now moved to a world where the only discourses that can prevail are those which have the means of persuading a majority of people that they are right. The synthesis between these two extremes is still lacking and Richardson’s book is an invitation for us to try and invent it.
54 Pierre JAMET Université de Franche-Comté – ISTA (EA 4011)
Notes
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[1]
G. L. Cheesman, The Auxilia of the Roman Imperial Army, 1914, Oxford.
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[2]
On renverra ici aux éléments de réponse avancés par J. Harmand, L’armée et le soldat à Rome : de 107 à 50 avant notre ère, Paris, 1967, p. 46 et s. et M. Rambaud, « La cavalerie de César », dans J. Bibauw (éd.), Hommages à Marcel Renard, Bruxelles, Coll. Latomus, 1969 (3 vol.), t. II, p. 650-663.
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[3]
S. Gallet, Le recrutement des auxiliaires de l’armée romaine sous le Haut-Empire dans l’Occident romain, thèse de doctorat, Université Paris-Sorbonne, 2012 recense en tout trente-sept gregales. Certains portent un gentilice impérial (Iulius, Claudius), ce qui laisse penser qu’ils ont pu obtenir une promotion au cours de leur service, mais d’autres ont un nomen différent (Romanius, Petronius, Tutius, Cloelius, Vettius…) et ont probablement été recrutés comme citoyens.
-
[4]
H rejette l’hypothèse qui veut que ce nouveau type d’unité ait été destiné à pallier l’uniformisation croissante des auxilia réguliers. Dès lors, comment expliquer le fait que les autorités impériales ne se soient pas contentées des créer de nouvelles ailes ou cohortes comme le voulait la tradition ?
-
[5]
Entre autres témoignages : CIL I, 593 = ILS 6085 (… equo in legione…) ; Cicéron, Phil., VIII, 8, 25. Voir aussi le cas de la Colonia Iulia Equestris (Nyon, Suisse) : K. Kraft, « Die Rolle der Colonia Julia Equestris und die römische Auxiliar-Rekrutierung », JRGZM, 4, 1957, p. 81-107.
-
[6]
J.-M. Lassère, « La cohorte des Gétules », Mélanges Marcel Le Glay, Bruxelles, Coll. Latomus, vol. 226, 1994, p. 244- 253.
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[7]
Les inscriptions relatives à cette aile sont commodément rassemblées et datées par C. Hamdoune, « Les épitaphes militaires de Tingitane », BCTH, 24, 1997, p. 129-154. Voir aussi R. Rebuffat, « L’armée de la Maurétanie Tingitane », MEFRA, 110, 1994, p. 196-242.
-
[8]
A. von Domaszewski, Die Religion des römischen Heeres, Trèves, 1895.
-
[9]
Outre les crânes du Walbrook qui ont récemment fait les délices de la presse britannique, le cas le plus explicite est certainement l’inscription de Vectirix retrouvée près d’Apt (CIL XII, 1077 = ILN 4, 134) : sous cette dédicace au dieu Mars, huit ou neuf crânes masculins ont été exhumés !
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[10]
H souligne que les soldats de cohortes et d’ailes n’ont pas privilégié les mêmes représentations figurées. Il pense que les cavaliers attachaient une importance fondamentale aux symboles reflétant leur statut d’aristocrates (cheval, valet…). Cette interprétation séduisante est, selon nous, confortée par un indice supplémentaire : les equites légionnaires semblent avoir boudé les reliefs au cavalier triomphant populaires chez les auxiliaires, cf. V. M. Hope, Constructing Identity : The Roman Funerary Monuments of Aquileia, Mainz and Nîmes, Oxford, 2001, p. 165.
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[11]
S. Janniard, Les transformations de l’armée romano-byzantine (IIIe-VIe siècles après J.C.) : le paradigme de la bataille rangée, thèse de doctorat, EHESS, 2010.
-
[12]
G. Traina, « Notes classico-orientales 4-5 », Electrum. Studies in Ancient History, 10, 2005, p. 89-93 (notamment p. 91-93).
-
[13]
Seule l’omission de la monographie de C. Hamdoune (Les auxilia externa africains des armées romaines. IIIe siècle av. J.C. – IVe siècle apr. J.C., Montpellier, 1999) nous a semblé particulièrement regrettable.
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[14]
P. 13, massacre d’une citation d’Y. Le Bohec : « the numeri ‘n’importe quelle sorte de troupe n’entrent pas dans les cadres traditionnels, c’est-à-dire légions, ailes et cohorts auxiliaires’ ». P. 108 : Procope aurait vécu au IVe siècle. P. 239 : iusus Troiae au lieu de lusus Troiae. P. 280, n. 36 : Vegitius au lieu de Vegetius. P. 306 : comilitiones au lieu de commilitones (idem p. 375). P. 363 : papryi au lieu de papyri. Liste non-exhaustive.