Couverture de DHA_351

Article de revue

Conquérir sa part sacrificielle en Inde ancienne : le pouvoir rudraïque

Pages 41 à 59

Notes

  • [*]
    Université de Strasbourg – gducoeur@unistra.fr
  • [1]
    Cf. J. Gonda, Les religions de l’Inde, I- Védisme et hindouisme ancien, éd. Payot, Paris, 1962, p. 38s.
  • [2]
    Cf. E. Pirart, « Historicité des forces du mal dans la R?gvedasa?hit? » in Journal Asiatique, tome 286, n° 2, 1998, p. 521-569.
  • [3]
    J. Varenne, Cosmogonies védiques, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1982, p. 178.
  • [4]
    Cf. G. Dumézil, Mitra-Varuna, essai sur deux représentations indo-européennes de la souveraineté, éd. Gallimard, 5e éd., 1948 ; Heur et malheur du guerrier, aspects mythiques de la fonction guerrière chez les Indo-Européens, éd. Flammarion, 2e éd. remaniée, Paris, 1985…
  • [5]
    Trois hymnes lui sont dédiés et moins d’une centaine d’occurrences peuvent être relevées sur les 1028 s?ktá.
  • [6]
    Cf. J. Gonda, op. cit., p. 111 ; L. Renou et J. Filliozat, L’Inde classique, tome I, éd. A. Maisonneuve, Paris, 1985, § 638, p. 322. Sur un possible héritage i-e voir H. Grégoire, R. Goossens et M. Mathieu, Asklèpios, Apollon Smintheus et Rudra, études sur le dieu à la taupe et le dieu au rat dans la Grèce et dans l’Inde, Bruxelles, 1949. Sur son identification bactrienne voir N. Sims-Williams, « A bactrian god » et J.C. Wright, « Bactrian Rudra » in Bulletin of the School of Oriental and african Studies, vol. LX, 1997, p. 336-338 et 339-343.
  • [7]
    L’étude, loin d’être exhaustive, portera donc sur des sources br?hmaniques, à tendance vis??uïte pour les deux dernières citées. Nous n’aborderons donc pas la figure de Rudrá-?ivá à la lumière des ouvrages proprement ?ivaïtes. Ceci nous permettra d’apprécier d’autant mieux l’autorité accordée dans les milieux br?hmaniques au dieu Rudrá-?ivá. Par ailleurs, ces trois mythes se doivent d’être lus pour eux-mêmes afin d’éviter d’y voir simplement la récurrence d’un même mythe dans l’histoire religieuse de l’Inde. Il faut au contraire les considérer comme des réécritures successives à part entière et ne pas accorder plus d’autorité à celui du ?B sous prétexte qu’il leur est chronologiquement antérieur. Il est certainement lui-même déjà une réécriture d’un mythe aujourd’hui perdu.
  • [8]
    Le ?atarudriya (« Les cent noms de Rudrá « ) du Yajur Vedá est un peu plus prolixe sur la description de cette divinité sans pourtant apporter d’éléments véritablement nouveaux ; cf. L. Renou, La poésie religieuse de l’Inde antique, éd. PUF, Paris, 1942, p. 64-66 ; J. Gonda, op. cit., p. 110.
  • [9]
    Ceci n’enlève pourtant rien à l’importance de sa fonction et « ne doit pas faire croire que ce personnage sombre et redoutable ait été secondaire dans les croyances védiques. », J. Gonda, op. cit., p. 106.
  • [10]
    Cf. A. Bergaigne, La religion védique d’après les hymnes du Rig-Veda, tome III, 2e tirage, éd. H. Champion, Paris, 1963, p. 31s.
  • [11]
    Cf. J. Gonda, op. cit., p. 112 ; G. Dumézil, Mythe et épopée II, éd. Gallimard, Paris, 1971, p. 86. Cf. A. Minard, Trois énigmes sur les cent chemins, recherches sur le ?atápatha Br?hman?a, tome II, éd. Collège de France, Paris, 1987, § 847, p. 846.
  • [12]
    Un tel glissement pourrait être fort ancien, voire même être récurrent dans la mythologie i-e, cf. J. Duchesne-Guillemin, « L?nos, un Mars celtique » in Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Comptes rendus des séances de l’année 1966, Janvier-Mars, Paris, p. 660-664.
  • [13]
    Cf. A. Minard, Trois énigmes sur les cent chemins, recherches sur le ?atápatha Br?hman?a, tome II, éd. Collège de France, Paris, 1987, § 847, p. 846.
  • [14]
    yajn?éna vaí dev??h? dívam upódakr?mann átha yo?yám? deváh? pa??n?m?s?t?e sá ih?h?yata tásm?d v?stavya íty?hur v??stau hí tad áh?yata ||1|| sa yénaivá dev? dívam upodákr?man téno ev??rcantah? ?r??myanta?cerur átha yo'yám? deváh? pa??n?m?s?t?e yá ih??h?yata ||2|| sá aiks?ata áh?syá h?ntáryantyu m? yajn??d íti so?n??ccakr?ma sa ??yatayottaratá upótpede sá es?á svis?t?akr?tah? k?láh? ||3|| té dev?? abruvan m? vísraks??ríti te vaí m? yajn??nm?ntárgatá?hutim me kalpayatéti tathéti sa sámabr?hatsa n?syatsa na kám? can?hinat ||4|| té dev?? abruvan y??vanti no hav??m?s?i gr?h?t?ny ábh?vant sárves??m? tés??m? hutam úpaj?n?ta yáth?sm? ??hutim? kalpáy?métí ||5||
  • [15]
    Voir G. Ducœur, « Passing through Flood Waters in Vedic Thought », The Journal of Indo-European Studies, vol. 36, numbers 1 & 2, Spring/Summer 2008, p. 69-70.
  • [16]
    Les correspondances entre Rudrá et Apollon, celles entre Rudrá-Vis??u et d’autres couples de divinités indo-européennes attestent la possible existence d’un mythe védique mettant en scène Rudrá contre les devá sans pour autant que ce dernier soit issu du monde an?rya comme on le suppose souvent. Cf. G. Dumézil, M. et E. II, p. 81s.
  • [17]
    Il est étonnant que la seule mention de « deváh? pa??n?m?s?t?e » ait entraîné une lecture parfois trop hâtive du texte et ait abouti à une simple identification de ce dernier avec Rudrá là où son patronyme n’apparaît pas dans le récit mythologique en tant que divinité mais bien en tant que puissance redoutable incarnée en Agni ou hypostase divine d’Agni. Voir sur cette lecture influencée a posteriori par le daks?ayajn?an??a : M. Biardeau et C. Malamoud, Le sacrifice dans l’Inde ancienne, éd. PUF, Paris, 1976, p. 95 ; R. Sailley, Çiva et le çivaïsme, aperçu historique et philosophique, Paris, 1991, p. 15 ; J. Scheuer, ?iva dans le Mah?bh?rata, PUF, Paris, 1982, p. 337. Dans une moindre mesure, voir M. Biardeau, Études de mythologie hindoue, tome I : Cosmogonies pur?n?iques, EFEO, Paris, 1981, p. 167.
  • [18]
    Voir aussi ?B 3.6.2.20.
  • [19]
    L. Renou, E.V. P. XIV, p. 38. Sur les liens entre Rudrá et le feu de la crémation voir M. Biardeau, Études de mythologie hindoue : tome I, cosmogonies pur?n?iques, EFEO., vol. CX XVIII, Paris, 1981, p. 166s.
  • [20]
    J. Gonda, op. cit., p. 111.
  • [21]
    Ibid. Sur les trois naissances d’Agni (céleste, terrestre, aquatique), seule la terrestre par bois de friction peut être considérée comme contrôlée mais une fois né le dieu du feu peut se révéler incontrôlable par ceux qui l’ont engendré. Sur la puissance dévastatrice naturelle d’Agni voir par exemple R?V 1.58.
  • [22]
    La suite du récit montre les devá qui s’affairent et demandent à l’adhvaryu de préparer un reste, un rebut afin d’écarter définitivement toute menace.
  • [23]
    Sur le jeu sémantique de « v?stavya », « rebut [des matières oblatoires] » / « Laissé-pour-compte », voir A. Minard, op. cit., § 847, p. 846. Cf. C. Malamoud, « Observations sur la notion de « reste » dans le brâhmanisme » in Wiener Zeitschrift für Kunder des Sud-Asiens und Archiv für Indische Philosophie XVI, 1972, p. 5-26. Sur Rudrá voir la note 20, p. 10.
  • [24]
    L. Renou, Vocabulaire du rituel védique, éd. C. Klincksieck, Paris, 1954, p. 173.
  • [25]
    Cette énumération est accompagnée d’une répartition ethnographique. Voir la note 2 de J. Eggeling, The Satapatha-Brâhmana according to the text of the Mâdhyandina School, part I, Books I and II, SBE XII, Oxford, 1882, p. 201. Ces indications géographiques attestent de la part de cette école br?hmanique d’une connaissance particulière des différents patronymes locaux sous lesquels était invoqué Rudrá (sur l’énumération de ses divers noms voir également ?B 6.1.3.10-12). De même, on notera avec quelle habileté les br?hmanes sont parvenus à assimiler ces croyances diverses en identifiant ces différentes divinités invoquées au dieu Agni. Un tel procédé d’assimilation permettra notamment aux visnuïtes en leur temps d’identifier certaines divinités à la leur en la déclinant en autant d’avat?ra.
  • [26]
    Sur Us?ás voir B. Oguibénine, La déesse Us?as, recherches sur le sacrifice de la parole dans le Rgveda, Bibliothèque de l’EPHE, tome 89, Paris, 1988. ?
  • [27]
    Sur les liens de Rudrá avec d’autres devá voir D.M. Srinivasan, « Vedic Rudra-?iva » in Journal of the American Oriental Society, vol. 103, 1983, p. 543-556.
  • [28]
    ?B 3.6.2.20 : « Ou bien Agni pourrait le brûler, ou bien ce dieu qui règne sur le bétail pourrait en vérité le menacer » (tám agnír v?bhidáhedyó v?yám? deváh pa??n?m ??s?t?e sá v? hainam abhímanyeta).
  • [29]
    Voir G. Ducœur, « Métaphore équine et pratiques chamaniques en Rgveda 10.136 » in ARCHEVS, tome VIII, fasc. 14, éd. Centre d’Histoire des Religions, Université de B?ucarest, 2004, p. 11-24.
  • [30]
    Là encore, la figure énigmatique de Rudrá est entièrement supplantée par le dieu Agni. Les commentateurs, en effet, après avoir donné la liste de ses noms locaux, en viennent à affirmer que son seul nom favorable sous lequel celui-ci doit être invoqué est celui d’Agni (« Son [nom] le plus auspicieux est Agni alors que ses autres noms sont au contraire inauspicieux. C’est pourquoi, [l’oblation] est faite [en disant] : « À Agni, [lui] qui rend bien offert [ce qui a été offert aux dieux] », t??ny asy????nt?ny evétar??i n??m?ny agnir íty evá ??ntátamam? tásm?d agnáyaíti kriyate svis?t?akr?ta íti). Voilà bien une manière fort ingénieuse de faire siennes des croyances ayant certainement pris de l’importance au cours de la période védique dans des milieux où le culte sacrificiel solennel ne devait pas être prioritaire.
  • [31]
    Les commentateurs n’en sont d’ailleurs pas restés là et ont attribué à tous les devá cette même puissance rudraïque sommeillant en eux. Ils la firent remonter du fond d’eux-mêmes afin de former Rudrá, seul capable de frapper Prajá?pati après qu’il eût fauté en s’unissant avec sa fille et pris la forme d’une antilope afin de fuir (« They sought one to punish him ; they found him not among one another. These most dread forms they brought together in one place. Brought together they became this deity here », The Aitareya and Kaus??taki Br?hman?as of the Rigveda, transl. by A.B. Keith, Motilal Banardidass Publishers, reprint, Delhi, 1998, p. 185.). Ce mythe montre encore une fois le rôle accordé à Rudrá au sein du sacrifice védique par les br?hmanes qui ont su exploiter sa fonction de chasseur de gibier. S’il apparaît comme le seul à pouvoir arrêter la folle escapade sauvage de Prajá–pati, incarnant le sacrifice devenu incontrôlable, sa décoche justifie également le fait de lui attribuer la partie blessée de la victime sacrificielle, partie hautement sacrée et donc dangereuse et contagieuse. Pour la version du ?B voir J. Varenne, Mythes et légendes extraits des Br?hman?a, éd. Gallimard, Paris, 1967, p. 47s ; pour de brefs commentaires voir, par exemple, S. Lévi, La doctrine du sacrifice dans les Br?hman?as, Bibliothèque de l’EPHE, tome XI, éd. E. Leroux, Paris, 1898, p. 20-21 ; M. Biardeau et C. Malamoud, op. cit., p. 95 ; G. Dumézil, M V, p. 198.
  • [32]
    Seul le R?m?ya?a relate encore dans un court passage la simple menace de Rudrá, qui n’apparaît certes plus comme hypostase d’Agni mais bien comme dieu redoutable et craint, ayant été exclu du partage des oblations. Le rappel du mythe sert à expliquer comment l’arc ancestral arriva en possession du roi Devar?ta. Cette arme n’était autre que celle avec laquelle Rudrá menaça les devá : « Autrefois, lors de la destruction du sacrifice de Daks?a, ayant bandé [son] arc, le puissant Rudra en fureur dit aux Trente [-trois dieux, tout] en se jouant [d’eux] : « Puisque vous, les dieux, les désireux de parts [sacrificielles], vous ne m’avez pas réservé de part, je vais trancher vos très précieuses têtes avec [mon] arc. Alors, ô héros d’entre les ascètes, tous [ces] dieux, contrits, apaisèrent le Seigneur des dieux et Bhava [/Rudra] fut content d’eux. Transporté de joie, il offrit [son arc] à tous ces dieux magnanimes. C’est cette magnifique perle des arcs du dieu des dieux qui a été alors confiée en dépôt à notre ancêtre, ô souverain. » (daks?ayajn?avadhe p?rvam? dhanur ?yamya v?ryav?n | rudras tu trida??n ros??t salilam idam abrav?t || yasm?d bh?g?rthino bh?g?n n?kalpayata me sur?h? | var??g?ni mah?rh??i dhanus?? ??tay?mi vah? || tato vimanasah? sarve dev? vai munipum?gava | pras?dayanti deve?am? tes??m? pr?to?bhavad bhavah? || pr?tiyuktah? sa sarves??m? dadau tes??m? mah?tman?m || tad etad devadevasya dhan?ratnam? mah?tmanah? | ny?sabh?tam? tad? nyastam asm?kam? p?rvake vibho || R. 1.65.9-13).
  • [33]
    Loin d’épuiser les aspects sacrificiels, cosmologiques, mythologiques et historiques traversant ces deux sources textuelles, nous renvoyons notamment pour plus d’exhaustivité aux études suivantes : W.D. O’Flaherty, Hindu Myths, Penguin Books, 1975, p. 118-125 ; J. Scheuer, ?iva dans le Mah?bh?rata, PUF, Paris, 1982 ; B. Chatterji, « The story of daks?ayajn?an??a » in Journal of the Ganganatha Jha Kendriya Sanskrita Vidyapeetha, vol. 36, fasc. 1-4, Jan.-Dec. 1980, p. 87-101 ; D. Shulman, « Terror of symbols and symbols of terror : notes on the myth of ?iva as Sth??u » in History of religions, vol. 26, n° 2, The University of Chicago Press, 1986, p. 101-124 ; K. Klostermaier, « The Original Daks?a Saga » in Essays on the Mah?bh?rata, éd. E.J. Brill, Leiden, 1991, p. 110-129 ; A. Mertens, Der Daks?amythus in der episch-pur?n?ischen Literatur, Beobachtungen zur religionsgeschichtlichen Entwicklung des Gottes Rudra-?iva im Hinduismus, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 1998 ; N.R. Bhatt, La religion de ?iva, éd. Âgamât, 2000.
  • [34]
    Sur la valeur cosmologique du mythe et la destruction finale des âges du monde qu’illustre ce mythe voir les deux volumes de M. Biardeau, Études de mythologie hindoue.
  • [35]
    « Après un certain temps, Praj??pati, nommé Daks?a, entreprit de faire un sacrifice selon la règle énoncée dans les anciens [Veda] », kasyacit tv atha k?lasya daks?o n?ma praj?patih? | p?rvoktena vidh?nena yaksyam?no anvapadyata ||, (Mbh 12.274.18).
  • [36]
    L’histoire du sacrifice du roi Marutta (Mbh 14.3-10), dont le thème est inverse à celui du sacrifice de Dáks?a, montre combien est dangereuse cette puissance yogique. Le brahmane Sam?varta menace de brûler, de son œil – tout comme ?ivá l’aurait également fait à sa place –, Agni, le feu sacrificiel ! L’autorité qui émane de cet ascète provient exclusivement de cette puissance rudraïque. Elle aura raison d’Indra, roi des dieux, qui s’était opposé à la mise en place du sacrifice de Marutta. Voir M. Biardeau, Études de mythologie hindoue, tome II : bhakti et avat?ra, EFEO, Paris, 1994, p. 102.
  • [37]
    Cf. G. Ducœur, op. cit.
  • [38]
    Dr?s?tv? sam?jn?apanam? yogam? pa??n?m? sa patir makhe | yajam?napa?oh? kasya k?y?tten?haracchirah? ||, (4.5.24).
  • [39]
    Sur les problèmes relatifs à la découpe et à la restauration de la tête de la victime sacrificielle dans le rituel védique voir notamment l’article de J.C. Heesterman, « The case of the severed head » in Wiener Zeitschrift für die Kunde Süd und Ostasiens und Archiv für Indische Philosophie, B. XI, 1967, p. 22-43. Dans le cas de Dáks?a, il semble y avoir la trace d’un passage historique du sacrifice humain, pratiqué par certains courants ?ivaïtes, à celui exclusif d’un animal et notamment du bouc.
  • [40]
    Sur le principe d’assimilation du dieu Rudrá dans le bouddhisme tibétain, on lira avec intérêt l’article de R.A. Stein, « La soumission de Rudra et autres contes tantriques » in Journal Asiatique, t. 283, n° 1, 1995, p. 121-160.
  • [41]
    tray???m ekabh?v?n?m? yo na pa?yati vai bhid?m | sarvabh?t?tman?m? brahman sa ??ntim adhigacchati ||, BhP 4.7.54.

1 L’hymnaire r?gvédique recèle un nombre important d’occurrences où les notions de force, de pouvoir, de puissance [1] (v?ryà, prábh?ti…), expriment les diverses rivalités agitant le monde des dieux comme celui des hommes. Dans tous les domaines de la société ??rya ou des clans védiques, les luttes internes, les conflits contre les an?rya [2], les tours de force de la gente guerrière tout comme les joutes oratoires des poètes furent autant d’expressions du pouvoir, de cette recherche continuelle d’efficacité, d’autorité et de souveraineté. Les hymnes eux-mêmes illustrent pleinement par la complexité de leur prosodie et le rappel continu des exploits héroïques des devá, cette quête incessante du pouvoir. L’Ordre cosmique (r?tá), menacé de céder au Désordre (ánr?ta) sous la contrainte des ásura, ne doit son maintien ou, parfois, son retour qu’à la détermination, la volonté et la domination temporaire des devá. Dans son analyse de l’hymne cosmogonique R? [g] V [edá] 10.124, intitulée « La révolution est faite », J. Varenne a mis en exergue la lutte entre Indra (devá) et Váru?a (ásura) pour la souveraineté, montrant comment la prise du pouvoir par le premier n’a pas abouti à la mort du second, comme en Grèce lors des rivalités ayant opposé Zeus à Cronos, mais au contraire, a ouvert une nouvelle perspective d’un pouvoir dé-doublé : « À l’un (Indra) le pouvoir exécutif, à l’autre (Váru?a) la souveraineté morale et juridique. Les deux, ensemble, constituant ce que les Br??hma?a appellent ‘les deux forces’ » [3].

2 Malgré son caractère liturgique, le Vedá offre tant de possibilités d’aborder les notions de pouvoir et d’autorité qu’il faut renoncer à toute approche conceptualisée et généralisante. Si la souveraineté varu?ienne et la force indraïque ont été bien étudiées et mises en lumière, notamment par les nombreux travaux des védisants mais aussi par ceux de G. Dumézil dans le cadre des deux premières fonctions de l’idéologie indo-européenne [4], il est une notion d’autorité qui demeure moins connue en dehors du milieu des indianistes : celle relevant de l’implication du pouvoir rudraïque au sein du système sacrificiel br?hmanique. Aborder un tel sujet à la lumière des récits mythologiques n’est pas sans rencontrer nombre de difficultés. À commencer par la figure du dieu Rudrá dont l’hymnaire fait peu de cas [5] et dont ses nature et fonction ont fait l’objet de bien des hypothèses parfois fort divergentes [6] ; par le travail théologique des br?hmanes qui ont transposé la puissance dévastatrice de ce dieu dans le système sacrificiel ; par l’évolution du Rudrá védique qui a laissé place à l’une de ses épithètes, ?ivá, au cours de la période post-védique. Si le dieu des ?ivaïtes a conservé certains de ses aspects archaïques, il a aussi et surtout été chargé de nouvelles fonctions notamment cosmologiques et ascétiques. Afin de présenter cette notion védique de « puissance destructrice », s’imposant dès lors comme autorité non seulement à la gente divine mais aussi à la société ??rya, nous prendrons comme constante l’implication de Rudrá-?ivá au sein du système sacrificiel. Notre visée est de montrer que cette puissance qui a été identifiée comme nature propre du Rudrá r?gvédique, dépasse de loin cette identification même et a été attribuée à ce dieu afin de la nommer, de la circonscrire, de la localiser et donc de la contenir. Mais, par essence, elle ne lui est pas propre. Elle est présente en chacun des êtres vivants et des Éléments dont la nature est changeante, tantôt maîtrisée, tantôt incontrôlée et, de ce fait, incontrôlable et dangereuse pour autrui. En déterminant le rôle joué par cette puissance dévastatrice au sein du système sacrificiel, selon la mythologie du ? [atápatha] B [r??hma?a], et de sa résurgence dans le mythe de la destruction du sacrifice de Dáks?a, tel qu’il apparaît dans la M [ah?] bh [?rata] et le Bh [?gavata] P [ur??a] [7], nous y reconnaîtrons ce qui a été nommé, en histoire des religions, mysterium tremendum et qui, de ce fait, s’est imposé d’autorité à cette société védique pour laquelle la mise à mort de la victime émissaire l’obligeait à le détourner afin que cette dernière demeurât garante de toute vie.

1. Nature et fonction du Rudrá rgvédique

3 Le R?V laisse peu de place à la figure de Rudrá [8]. Les quelques hymnes déprécatifs qui lui sont dédiés, tentent de le maintenir éloigné du clan, des hommes comme des bêtes [9]. Ces suppliques à son adresse et cette mise à distance expriment la terreur que ce dieu engendre chez les ??rya et surtout le caractère redoutable de la puissance maléfique par laquelle il peut foudroyer tout être vivant. On a donc vu en lui l’éclair imprévisible qui ne laisse aucune chance à celui qui en est frappé. Mais dans les hymnes, l’anthropomorphisme de Rudrá dépasse de loin son caractère naturaliste primitif. Il nous est dépeint tel un jeune homme (2.33.11) qui, étincelant (2.33.8) comme l’or (1.43.5 ; 2.33.9), parfois brun (2.33.5 ; 9 ; 15), dont les membres sont solides (2.33.9) et les cheveux arrangés (1.114.1), porte en main le foudre (2.33.3). Son arme de prédilection reste l’arc (2.33.10) dont la courroie est toujours bandée et dont la décoche rapide de flèches meurtrières (7.46.1) tue bétail et hommes (1.114.10). Bien qu’il ait des liens évidents avec Agni [10], certains traits descriptifs peuvent se rapporter à ses origines naturalistes notamment lorsque les poètes le qualifient de fauve sanglier du ciel (1.114.5) ou redoutent son arme f lambante tombant du ciel sur terre (7.46.3). Comparé à un taureau brun (2.33.4 ; 6 ; 7 ; 15) ou parfois blanchâtre (2.33.8), il siège sur un trône et hante les montagnes du nord selon la M [aitr?ya??] S [am?hit?] (2.8), l’A [tharva] V [edá] (11.2)...

4 De nature imprévisible et changeante, il peut prendre des formes multiples (2.33.9) et effrayantes (1.114.5), être agressif (2.33.11), courroucé (1.114.8 ; 7.46.4), ou malveillant (2.33.14). Malgré sa puissance asuryenne (2.33.9 ; 6.74.1) et son nom terrifiant (2.33.8), il peut aussi être miséricordieux (2.33.5), au bras compatissant, guérissant et apaisant (2.33.7) qui emporte au loin le mal physique apporté par les dieux (2.33.7). Cette nature ambivalente fait tout autant de lui un chasseur redoutable qu’un guérisseur, médecin des médecins (2.33.4), portant en main les mille remèdes (1.114.5 ; 7.46.3) apaisants (1.43.4). Les quelques traits cosmologiques qui lui sont attribués, font de lui le Maître de l’Univers (2.33.9), toujours autonome, dominant sans jamais l’être lui-même, un dieu Ordonnateur (7.46.1) au pouvoir souverain sur les dieux (7.46.2) et avocat des hommes (1.114.10) allant jusqu’à libérer les fautifs du lacet de Váru?a (6.74.4).

5 Son étymologie est fort incertaine et a été l’occasion d’interprétations sémantiques très divergentes. Comme à leur habitude, par analogie étymologique, les br?hmanes font dériver son patronyme de la racine rud- faisant de Rudrá « celui qui pleure » (?B 6.1.3.10 ; 9.1.1.6). Certains savants l’ont rapproché de rudhirá-, « le sang », faisant de Rudrá, « celui qui est rouge », « le roux ». Cette épithète se référerait à sa description naturaliste et à sa nature destructrice qui frappe l’infortuné et fait couler son sang. Mais il faut vraisemblablement voir dans Rudrá, un lien linguistique avec le latin r?dis, « ce qui est brut », « non travaillé ». La forme adjectivale sanskrite raúdra- renvoie à « ce qui est sauvage », c’est-à-dire « non ordonné », « in-culte ». Il s’agit comme nous allons le voir de ce qui n’appartient pas au domaine ??rya, ce qui n’a pas été dompté, ce dont on n’a pas pris possession en l’ordonnant comme la terre étrangère conquise et qui deviendra propice au clan lorsqu’elle sera sacralisée par les rites d’ordonnancement, en la délimitant, en la fertilisant puis en la cultivant, lui faisant ainsi perdre sa nature sauvage, non maîtrisée, dangereuse, sa nature rudraïque. En ce sens, nous pouvons rapprocher raúdra, Rudrá du latin rullus [11] (i.e. *rudlos).

6 Rudrá apparaît donc sous l’aspect d’un ásura terrifiant, une force maléfique. Les prières ou suppliques déprécatoires l’invoquent parfois sous son aspect bienveillant, le qualifiant alors de bienfaisant (?ivá) [12], qualificatif qui lui restera à la période classique. Ainsi, l’??rya redoute plus que tout, ce dieu qui touche à l’aide de ses flèches les bêtes et les hommes en leur transmettant toux et fièvres. Il le supplie non seulement de déposer l’arc mais encore de le débander, d’ôter la courroie accrochée au bout des deux courbures de son arme, de vider son carquois en jetant au loin les flèches mortelles. Rudrá est mr?gavy?dha-, « chasseur de gibier », mais aussi par ambivalence, pa?upáti-, « maître du bétail [sacrificiel] ». Ces deux fonctions permettent de mieux comprendre son rôle au sein du système sacrificiel védique. En tant que chasseur des montagnes, il règne sur la faune sauvage, sur des animaux qui ne sont pas voués à être sacrifiés. Ceci n’inquièterait en rien les sacrifiants ??rya, s’il n’était pas également, de par son pouvoir contagieux, maître du bétail, de ces animaux domestiques traînés sur l’aire sacrificielle. D’où ces formules déprécatives qui lui exhortent de rester éloigné du bétail, de ne pas le frapper de maladie, de le laisser propre à être sacrifié, lui ou ce qui en résulte (produits laitiers) et ainsi de faire acte de bienveillance afin que le sacrifiant puisse par le sacrifice du bétail bien portant, non entaché de maladie, demeurer lui-même en bonne santé, obtenir une descendance et un cheptel prospère, nourrir les dieux et maintenir ainsi l’ordre cosmique, le r?tá, voire même espérer atteindre la non-mort, dans sa vie d’ici-bas comme dans celle d’après.

2. Le pouvoir rudraïque d’Agni dans le ?atápatha Brá–hman?a

7 Le mythe de la tentative de destruction du sacrifice des devá par le Maître du bétail tel qu’il apparaît dans la ?B, se doit d’être replacé dans son contexte car il n’a qu’un lien indirect avec la longue tradition rédactionnelle de ce qui sera à la période post-védique nommé « la destruction du sacrifice de Dáks?a » (daks?ayajn?an??a) par ?ivá. Les br??hma?a sont des commentaires d’écoles br?hmaniques visant à expliquer en détail le rituel des différentes cérémonies cultuelles. Ils fournissent un ensemble d’explications principalement étymologiques et mythologiques servant à éclairer les officiants sur la signification de tout acte rituel. Fort de ce savoir (veda), le br?hmane pourra dès lors intervenir en cas d’erreur de manipulation de la part des officiants et ainsi réparer leur faute. Le mythe, mettant en scène Rudrá, fait partie du livre premier qui énonce le déroulement des sacrifices de nouvelle et de pleine lune. Après avoir décrit la préparation des matières oblatoires, la mise en place de l’aire sacrificielle et des feux, les commentateurs détaillent les libations qui doivent être versées à Agni. C’est donc dans ce contexte qu’il faut saisir la portée significative du mythe qui fournit aux lecteurs-auditeurs les raisons pour lesquelles on doit verser une oblation spécifique à Agni svis?t?ak??t.

8

« En vérité, grâce au sacrifice, les dieux montèrent au ciel. Alors le dieu qui règne sur le bétail [sacrificiel] fut laissé pour compte ici-bas. Voilà pourquoi il est dit laissé pour compte. C’est qu’il fut laissé sur place  [13]. Les dieux vinrent en louant et en s’épuisant par ce [sacrifice] grâce auquel ils montèrent au ciel. Alors, le dieu qui règne sur le bétail [sacrificiel] et qui fut laissé pour compte ici-bas, regarda [et dit] : « Je suis laissé pour compte. Ils m’ont écarté du sacrifice ». Il les poursuivit et dressant [son arme] les suivit jusqu’au Nord. Ce temps est svis?t?akr?t. Les dieux lui dirent : « Ne l’abats pas ». Il leur répondit : « Ne m’excluez pas du sacrifice. Réservez-moi une part de l’oblation ». « Qu’il en soit ainsi », dirent-ils. Il retira [son arme], ne la lança pas et ne blessa personne. Ces dieux dirent : « Quelles que soient les oblations que nous avons obtenues, elles ont toutes été versées dans le feu ; Cherchez afin que nous puissions préparer une part sacrificielle. », (?B 1.7.3.1-5) [14].

9 Nous pouvons déceler au moins trois strates différentes dans ce texte br?hmanique. La première est formée par la trame narrative du mythe qui relate la menace de mort effective d’un dieu sur ses semblables ayant fauté à son encontre. Cette structure et ce thème renvoient certainement à un mythe plus ancien, d’une signification autre que celle du br??hma?a et qui resurgira dans les sources épico-pur??iques. En effet, le textus simplicior du ?B n’atteste aucunement l’originalité du mythe. Il prouve au contraire que les br?hmanes ont simplement tiré d’un mythe les éléments narratifs leur permettant d’expliquer au mieux les causes de l’attribution d’une part sacrificielle propre à Agni. La deuxième strate repose sur la première. C’est celle de la (ré) écriture du mythe antérieur, aujourd’hui perdu, dont les éléments narratifs ont été repensés en fonction du système sacrificiel védique dans lequel Agni est décrit dès lors sous les traits de ce dieu terrible et menaçant. Comme pour nombre de mythes du ?B [15], cette réécriture met en lumière les facultés d’adaptation des écoles br?hmaniques ayant dû composer avec des croyances populaires, voire parfois non br?hmaniques, qui ne relevaient pas directement de la sphère sacrificielle védique orthodoxe [16]. Enfin, les explications étymologiques et les indications temporelles forment la dernière strate, propre à éclairer l’officiant sur le sens profond de l’oblation mais aussi sur son exécution opportune lors du rite.

10 Force est de constater que le nom de Rudrá n’apparaît pas dans le texte avant le paragraphe 7 où il est mentionné uniquement dans l’énumération de noms attribués à Agni [17]. Ainsi, il n’y a pas d’erreur possible pour les br?hmanes : le « dieu qui règne sur le bétail » (deváh? pa??n?m ?s?t?e [18]) est bel et bien le dieu du feu, Agni, qui porte au monde céleste les matières oblatoires animales. De par son rôle de messager et d’oblateur, Agni se voit dépossédé de toute part sacrificielle. Il est celui qui véhicule les matières oblatoires tout en étant de ce fait « laissé pour compte » (v?stavya). Nous comprenons mieux alors le sens de l’adverbe « iha » qui marque l’opposition entre le monde céleste (diva-) où parviennent à monter les devá grâce à l’acte sacrificiel et le monde terrestre où Agni est contraint de demeurer. Agni est en effet un dieu assujetti au bon vouloir des sacrifiants qui le font naître ici-bas par friction et l’obligent à vivre au milieu des hommes. Il convient donc de le nourrir tout autant que les autres devá du monde céleste. Dans le cas contraire, il ne ferait que dévorer les matières oblatoires pour lui-même et menacerait alors le r?tá, l’Ordre cosmique. Le messager des dieux et des hommes ne doit donc pas être exclu du sacrifice dont il tient la place centrale sans pour autant bénéficier directement lui-même des oblations. Cette nature dévoratrice et menaçante d’Agni est clairement exprimée dans les prières accompagnant les rites de crémation. Afin qu’Agni ne dévore le corps du défunt pour lui-même mais qu’il le convoie au monde céleste, un animal est sacrifié puis déposé sur le mort dont le visage est recouvert de l’épiploon. La stance 10.16.7 du R?V est alors déclamée : « Avec les (membres de la) vache ceins-toi (ô mort) d’une cuirasse contre Agni, recouvre toi entièrement de graisse et de moelle, de peur que l’agressif (Agni), s’excitant (dans son élan) d’emportement, ne t’emprisonne, (ce dieu) effronté, dans son désir de brûler ! »  [19] Agni possède donc un pouvoir dévastateur qui a été assimilé par les br?hmanes à la puissance redoutable du dieu Rudrá. Nous ne pouvons ici que suivre et confirmer ce qui a déjà été très bien perçu par J. Gonda lorsqu’il affirmait que « Rudra représente le terrible dans les phénomènes de la nature »  [20]. Il ne fait aucun doute qu’Agni, dieu du feu, dont l’ambivalence, tantôt messager des hommes, tantôt dévoreur de toute matière vivante, n’est pas sans rappeler celle de Rudrá, porte en lui cette puissance rudraïque faisant autorité de par son caractère néfaste, « une Puissance éprouvée comme divine, de la nature inculte, donc indomptée, insoumise, imprévisible, dangereuse et redoutée » [21].

11 À l’adhvaryu [22] de connaître les temps opportuns pour verser les oblations dans le feu sacrificiel afin de nourrir les devá et pour y jeter le rebut [23] des matières oblatoires afin de satisfaire le caractère insatiable d’Agni. Dans le rituel, ce moment idéal se situe après les oblations dues aux dieux, à l’instant où Agni est encore « svis?t?ak??t », c’est-à-dire où il « rend bien offert [ce qui a été offert aux dieux] » [24], et avant qu’il ne devienne purement et simplement menaçant, qu’il ne se manifeste sous sa nature rudraïque. Ainsi, sous son aspect terrifiant, Agni se charge d’épithètes (?arvá, Bhavá, pa??n?m páti [25]) propres à Rudrá et est identifié à Rudrá lui-même (?B 1.7.3.8). Comme pour ce dernier, Agni doit être propitié sous son patronyme bienveillant, celui d’Agni. La part sacrificielle restante, le rebut, est donc attribuée à Agni-Rudrá. Dans le ?B, la nature d’Agni est à plusieurs reprises assimilée à celle de Rudrá. Ainsi, en est-il du feu sacrificiel qui vient juste d’être allumé (2.3.2.9), de la description d’Agni aux cent têtes et mille yeux (9.2.3.32), d’Agni recevant la troisième oblation (gavédhuk?) lors du r?jas??ya (5.2.4.13 ; 5.3.1.10) ou de son identification avec Rudrá lorsque Praj??pati nomme à plusieurs reprises sa progéniture née de son union incestueuse avec sa fille Us?ás [26] (6.1.3.10). Tout comme Agni, Rudrá est qualifié de hótr?, d’Oblateur, dans un passage quantifiant la valeur du don de la vache lors du paiement de la daks?i?? (4.3.4.25) [27].

12 Dans le récit mythologique que nous venons de voir, il faut donc distinguer chez Agni plusieurs natures, celles de « v?stavya » renvoyant à sa naissance et à sa demeure terrestres, de « svis?t?ak??t » désignant le moment opportun où le dieu va permettre au sacrifiant de valider l’oblation principale en lui versant le rebut fait des restes des matières oblatoires utilisées dans le sacrifice et enfin de « rudrá », puissance dangereuse, indomptable qui peut tout détruire sur son passage, de l’adhvaryu [28] au sacrifice lui-même. Cette force numineuse, ce mysterium tremendum défini par R. Otto, ne pouvait revenir qu’à ce dieu r?gvédique vivant loin de la communauté sacrifiante, chef de ces hordes d’ascètes qui ne sacrifient pas aux dieux mais vont jusqu’à se sacrifier eux-mêmes [29]. Identification d’autant plus aisée dans les milieux intellectuels br?hmaniques que la nature archaïque céleste et foudroyante de Rudrá n’est pas s’en rappeler l’une des trois naissances d’Agni, celle céleste, liée tout autant au soleil brûlant qu’au feu de l’éclair.

13 À la question récurrente Rudrá est-il un dieu védique ou non, il convient de répondre que notre connaissance de ce dieu, si particulier dans la littérature védique, demeure et demeurera toujours partielle étant donné que nous ne pourrons jamais l’aborder qu’au travers de cette même littérature. Le seul Rudrá que nous pouvons entrevoir est donc bel et bien védique. Le travail théologique des br?hmanes a tôt fait de l’assimiler au reste du panthéon s’il n’y était pas. Quoi qu’il en soit, nous pouvons admettre que si Rudrá fut un dieu an?rya ou si, à la période br?hmanique, ce dieu védique se chargea de natures et fonctions d’autres dieux an?rya, les br?hmanes ont opéré une habile appropriation en l’identifiant à la nature dangereuse d’Agni [30]. Cette équivalence repose avant tout sur leur nature ambivalente, sur leur exclusion, l’un du monde céleste, l’autre du monde sacrificiel. À eux deux, ils finissent pourtant par obtenir, grâce à leur pouvoir rudraïque commun, ce dont ils étaient laissés pour compte : à Agni sa part sacrificielle, à Rudrá une place, un rôle à jouer au sein des rites védiques [31]. Ainsi, nombre de récits mythologiques témoignent de cette autorité qui s’est imposée aux dieux et aux hommes. D’un point de vue anthropologique, nous pouvons affirmer que la crainte de la nature rudraïque imprévisible et violente, dangereuse et mortelle, de certains éléments et phénomènes naturels tout comme de certaines maladies foudroyantes, a engendré, à elle seule, une telle reconnaissance d’autorité. Dès lors, cette dernière se révèle être le garant des limites à ne pas franchir, des devoirs à respecter par les dieux comme par les hommes face aux puissances naturelles et justifie le bon ordonnancement des éléments constitutifs de l’Univers qui se doit d’être maintenu sous peine de destruction. Le mythe du ?B n’a donc d’autres significations que d’expliquer pourquoi et comment la supériorité de la nature rudraïque d’Agni s’est imposée aux dieux et a fortiori aux sacrifiants ??rya. La nature dangereuse et destructrice du feu sacrificiel ne représente qu’un aspect et une parcelle de cette puissance divine qui habite et anime les Éléments et qui fait autorité par essence.

3. Pouvoir rudraïque contre habileté sacrificielle

14 Dans la littérature épico-pur??ique, le mythe mettant en scène Rudrá/?ivá et Dáks?a dépasse de loin la seule menace rudraïque telle qu’elle apparaît dans le ?B en référence au système sacrificiel védique et à la figure ambivalente d’Agni. A la parole comminatoire du dieu du feu, va se substituer la destruction complète de l’aire sacrificielle voire l’exécution du sacrifiant lui-même, incarné en la personne de Dáks?a. Il ne s’agit donc plus pour les br?hmanes d’énoncer le risque encouru pour n’avoir pas versé sa part sacrificielle à Agni, mais bel et bien de montrer comment Rudrá/?ivá s’est imposé comme acteur au sein du rite sacrificiel [32] grâce à une autorité qui lui vient de son tapas, de sa puissance ascétique et yogique, là encore imprévisible, dangereuse voire mortelle pour celui qui ne saurait la contrecarrer.

15 L’histoire de la tradition rédactionnelle du mythe épico-pur??ique nous montre que chaque version a une signification spécifique en fonction des différents courants sectaires. Ainsi, le récit du « daks?ayajn?an??a » varie selon les sources textuelles abordées. De nombreuses études ont démontré que ce mythe attestait l’historicité de luttes entre ?ivaïtes et vis??uïtes. Afin de poursuivre notre propos, nous nous intéresserons plus particulièrement aux versions du Mbh et du BhP pour deux raisons essentielles. D’une part, ces textes de confessions vis??uïtes nous permettent de mieux apprécier l’autorité accordée à ce pouvoir rudraïque au sein d’une croyance autre que ?ivaïte, d’autre part, ils présentent des versions de réécritures fort instructives quant à la signification donnée au pouvoir rudraïque [33].

16 Dans le Mbh (12.274.43-44), le mythe est très largement développé et fusionne les deux récits du ?B, à savoir la menace d’Agni-Rudrá et la fuite de Praj??pati sous forme d’antilope, tout en se chargeant d’une dimension cosmologique et d’une explication étiologique bien spécifique, celle de l’existence de la fièvre parmi les êtres vivants. Sans entrer dans les détails du récit, retenons que dans le texte épique, Um?, épouse de ?ivá, constate du haut de la montagne du nord que les dieux se rendent à un grand sacrifice tendu par Dáks?a. Elle s’étonne alors que son époux n’y soit point convié afin d’y prendre (sa) part. Ce dernier lui apprend qu’il en est exclu selon une règle jadis établie. Attristée et vengeresse, elle incite ?ivá à conquérir la part sacrificielle qui, selon elle, lui revient de plein droit. Accompagné de sa troupe de zélateurs, le dieu terrible, enflé de sa toute puissance yogique, investit alors l’aire sacrificielle pour la détruire. La débâcle est immédiate. Le sacrifice, attaqué de toute part, s’échappe sous l’apparence d’une antilope. Après l’avoir poursuivie, une goutte de sueur choit du front de ?ivá sur le sol, prend une forme terrifiante et embrase le sacrifice. Les dieux eux-mêmes se voient menacés et la terre se met à trembler. Brahm? intervient alors afin d’éviter la destruction totale de l’Univers et accorde à ?ivá, au nom des devá et des ??s?i, une part sacrificielle. Cet être terrifiant, incarnant la fièvre, sera alors divisé en de nombreuses maladies afin d’en atténuer la puissance mortelle et d’être supportable pour tout être vivant. C’est ainsi, qu’il existe un ensemble d’affections qui procèdent de la redoutable puissance du dieu ?ivá. Nous retrouvons ici la vieille croyance védique faisant de Rudrá le dieu qui frappe les créatures à l’aide de ses flèches et dispense maladies, toux et fièvres.

17 Si la structure narrative rappelle bien celle du ?B, il n’en est pas de même en ce qui concerne la signification de l’expression de la puissance rudraïque. L’idée directrice n’est plus d’expliquer la dangerosité d’Agni en tant que feu sacrificiel dévorateur et insatiable mais la supériorité de la puissance, de la « force yogique » (yogabala, 12.274.31) dont peut user ?ivá ou tout yogin ?ivaïte. Cette puissance yogique est d’autant plus terrifiante qu’elle est capable de détruire jusqu’à l’Univers lui-même. Ainsi, non seulement la valeur et l’efficacité du rite sacrificiel sont remises en cause par le tejas ou énergie destructrice de ?ivá, mais son anéantissement induit inexorablement celui de l’Univers tout entier [34]. La lecture cosmologique peut laisser place à celle historique dévoilant les conflits entre ?ivaïtes, ayant dû imposer leur culte et leur pratique des austérités, et les br?hmanes qui durent accepter leur présence et assimiler leur pratique yogique spécifique. Le mythe vis??uïte montre comment ?ivá a su s’imposer au monde sacrificiel br?hmanique. À la différence du ?B, où Agni revendiquait seul sa part, ?ivá parvient sur l’aire sacrificielle, accompagné de sa horde d’adorateurs qui effraient les officiants par leur puissance yogique (12.274.31). Dáks?a (??????, dexter), recevant le qualificatif de Praj??pati, est l’Adroit, celui qui possède la dextérité, l’habileté à sacrifier selon les règles ancestrales contenues dans les Vedá [35]. Il s’oppose en cela à ?ivá qui, exclu du sacrifice par un stratagème (p?rvop?ya-, 12.274.26) mis en place jadis par les dieux, n’a d’autre compétence que d’acquérir et de manifester sa toute puissance yogique par ses propres moyens. Ainsi, deux mondes se font face : l’un est ordonné, sacrificiel, voué par l’observance stricte de la règle à l’obtention de la non-mort (am??ta-), l’autre est sauvage, ascétique, voué par la pratique des austérités à l’obtention d’une puissance de mort ; l’un engendre la quiétude (??nti-, 12.274.44), l’autre la peur (bhaya-, 12.274.42). La lutte entre les ?ivaïtes et les ??s?i mais, surtout, la victoire de ?ivá et de ses adorateurs montre assez bien la supériorité de l’ascétisme yogique sur l’habileté sacrificielle en un temps où les vieux rites védiques avaient perdu tout leur attrait. L’efficacité réside donc dans l’acquisition par le tapas, par l’ardeur ascétique, du tejas, de cette force intérieure qui permet à l’ascète l’obtention de pouvoirs surnaturels dont se défient même les dieux [36]. Ce heurt entre deux forces opposées, entre deux autorités religieuses en concurrence, n’est pas nouveau dans les textes épiques et nous pouvons en déceler les prémices déjà dans le R?V [37]. Ces luttes religieuses opposant la ?raddh??, la foi en l’efficacité de l’acte sacrificiel, et le yoga ?ivaïte, ont abouti, à suivre le mythe, à l’acceptation mutuelle des deux forces en présence. ?ivá se voit attribuer une part sacrificielle, Dáks?a la possibilité de sacrifier à nouveau. Bien entendu, ce règlement de compte, tel qu’il nous est présenté dans le Mbh, ne vaut qu’en rapport avec la vision vis??uïte du conf lit. Il est l’un des facteurs de la mise en place officielle avec le temps d’un quatrième ??rama, celui des renonçants qui, s’ils se sont exclus eux-mêmes de la pratique sacrificielle observée par tout gr?hapati, maître de maison, n’en demeurent pas moins reconnus dans leur démarche ascétique et salvifique par les br?hmanes.

18 La supériorité de la puissance yogique sur l’habileté sacrificielle est d’autant plus palpable dans le BhP que le conflit entre ?ivaïtes et br?hmanes est bien plus marqué que dans le Mbh. Le mythe de la destruction du sacrifice de Dáks?a recouvre les sept premiers chapitres du quatrième livre de ce Pur?n?a. Là encore, le contexte dans lequel il apparaît diffère de ceux du ?B et du Mbh. La raison du conflit trouve son origine dans le manque de respect que témoigne ?ivá à l’encontre de son beau-père Dáks?a. Maudit par l’assemblée, ?ivá quitte le cercle des devá, des ??s?i et des br?hmanes et se voit exclu du sacrifice que Dáks?a, en tant que Praj??pati, va instaurer. Um?, épouse de ?ivá et fille de Dáks?a, ne peut supporter de n’y point participer. Mais une fois rendue sur l’aire sacrificielle, elle est rejetée par son père et répond à cette offense en se consumant d’elle-même grâce à son tejas yogique. ?ivá, attristé, donne naissance, sous l’emprise de la colère et à partir d’une touffe de sa chevelure qu’il jette au sol, à un Géant cosmique qui, accompagné de la troupe des adorateurs du dieu, va décapiter Dáks?a. Mais, malgré la force meurtrière du coup porté, sa tête reste attachée à son corps. ?ivá vient alors constater avec étonnement ce prodige et plonge longuement en méditation. Alors, « après avoir remarqué la manière de stranguler [la victime sacrificielle] lors du sacrifice, le Maître du bétail [?ivá], ôta par ce moyen la tête du corps de ce [Dáks?a] qui de sacrifiant fut l’animal sacrifié » [38].

19 Ce Géant cosmique, hypostase de Rudrá-?ivá, n’a pas l’habileté du sacrificateur. Il ne peut donc trancher la tête de la victime. Il ne peut retrancher du corps aucune part. La violence n’est donc pas la manière appropriée pour sacrifier. Aussi, ?ivá tout aussi ignorant du moyen (yoga) de stranguler la victime se voit obligé de plonger en méditation un long moment (dadhyau pa?upati? ciram, 4.5.23) afin d’en acquérir la connaissance grâce à son pouvoir yogique puis de mener à bien l’entreprise. Mais malgré le succès obtenu en détachant finalement la tête de Dáks?a et l’enthousiasme de ses partisans, il ne reçoit la reconnaissance ni des ??s?i, ni des br?hmanes (4.5.25). « Exaspéré, il jeta cette tête dans ce feu méridional », (juh?vaitac chiras tasmin daks?i??gn?v amars?itah?, 4.5.26), dans lequel on jette les oblations en fin de cérémonie afin d’écarter les mauvais esprits. Brahm? intervient alors afin d’apaiser les deux partis et d’obtenir de ?ivá la restauration du sacrifice, la guérison des officiants blessés mais aussi le recouvrement d’une tête pour le sacrifiant à qui l’on greffe finalement une tête de bouc (aja-, 4.7.3) [39].

20 Les br?hmanes sous l’égide de Dáks?a qui ne font qu’observer les préceptes du Vedá, sont donc décriés par les yogin, les sectateurs de ?ivá. A l’inverse, br?hmanes et ??s?i critiquent la violence des pratiques ?ivaïtes. Pourtant, entre ces deux mondes existe un lien tenu, incarné par Um?, qui vit le drame de cette tension entre monde ordonné et monde sauvage. Mais ce lien matrimonial entre les deux partis ne peut à lui seul permettre l’entente cordiale. L’orthodoxie et la rigidité de son père tout comme l’indifférence de ?ivá face à sa détresse de ne pouvoir rejoindre les siens en sa compagnie sur l’aire sacrificielle, entraînent finalement son auto-crémation. Cette mort devient alors à son tour la cause de celle de son père, Dáks?a, et de la destruction presque totale de son sacrifice. Tout rentre dans l’ordre lorsque chacun des deux partis obtient la reconnaissance de l’autre, les uns en ayant part au sacrifice, les autres en retrouvant leur sacrifice et leur sacrifiant. Mais cette acceptation mutuelle ne peut avoir lieu que par l’intervention d’une tierce personne. Brahm? apparaît comme l’ultime recours, le juge qui seul est capable d’atténuer la colère de ?ivá et de trouver un compromis acceptable pour chacun des deux partis. Quant à Um?, elle renaîtra conformément à son souhait sous les traits de P?rvat? et épousera à nouveau ?ivá qui, cette fois-ci, sera pleinement accepté par son beau-père Himavant. Au-delà de la dévotion sans limite aucune de l’épouse vertueuse envers son mari qui est exaltée au plus haut point, cette histoire pur??ique montre que la colère de ?ivá peut renverser ce qui avait été ordonnancé depuis toujours par les dieux et entraîner la destruction de l’Univers. Là encore, le tapas, l’ardeur ascétique, apparaît bien comme cette puissance redoutable, mise en branle par l’énergie cosmique (Um?), que les br?hmanes, pris dans un ritualisme intransigeant, n’ont pas su prendre en considération et contrecarrer. De ce fait, cette destruction est éprouvée comme la conséquence d’un manquement et d’une trop grande confiance dans l’acte sacrificiel qui demeure, malgré la répétition machinale des rites, toujours enclin à déchaîner des forces incontrôlables ressenties comme divines.

21 Si, comme on le suppose d’après les données r?gvédiques, Rudrá fut, « aux origines », dieu de l’éclair foudroyant, sa nature dangereuse fut très vite assimilée par les br?hmanes au principe numineux, à ce mysterium tremendum, force imprévisible, contagieuse et mortelle. Dans la théologie br?hmanique, la nature dévoratrice d’Agni, oblateur malheureux, le courroux imprévisible des dieux qui peut frapper Praj??pati, le sacrifice personnifié, furent tour à tour identifiés à Rudrá. Le sacrifiant doit donc savoir maintenir cette puissance éloignée de l’aire sacrificielle voire, en cas extrême, connaître le moyen de l’apaiser. À la période post-védique, la puissance rudraïque demeure le propre du dieu ?ivá et de ses dévots et exprime cette même dangerosité qui s’impose à autrui en toute autorité. Mais le Rudrá védique, sous son aspect de ?ivá, est devenu Maître des yogin qui, exclus du sacrifice officiel par la caste br?hmanique, ne revendiquent pas moins leur droit d’y participer. Si Rudrá fut chasseur des bêtes sauvages et maître du bétail sacrificiel, ?ivá sera maître d’un troupeau bien plus particulier : celui des hommes qui, prisonniers du cycle des transmigrations, sont enchaînés par Yáma, dieu de la mort, qui les traîne de renaissances en renaissances telles des bêtes domestiques que l’on tire sur l’aire sacrificielle. Le pouvoir yogique permettra alors aux sectateurs ?ivaïtes de parvenir à la délivrance (moks?a) du sam?s?ra. Dans la cosmologie épico-pur??ique, ?ivá a conservé le pouvoir redoutable de Rudrá, puissance destructrice qui enflamme à chaque fin de cycle cosmique la Création afin de l’anéantir et de laisser place à une nouvelle à partir du reste de l’ancienne (?es?a), rebut renvoyant à celui accordé à Agni-Rudrá dans le système sacrificiel védique.

22 ?ivá a réussi à s’imposer parmi les devá par une attitude violente et contraignante. À la période classique, il devint l’une des trois figures divines détenant toute autorité sur l’Univers. Ainsi, si Brahm? s’est imposé comme Principe universel de par son identification lointaine avec le Vedá et par l’intermédiaire de la spéculation upanis?adique, l’insignifiant Vis??u védique par sa m?y??, son pouvoir d’illusion, ?ivá, quant à lui, est parvenu à se hisser à leur hauteur grâce à son pouvoir terrifiant et en ayant eu l’audace, pour y parvenir, de détruire jusqu’au sacrifice br?hmanique lui-même, garant du maintien de l’Ordre cosmique. La longue assimilation des croyances sectaires par les milieux br?hmaniques mais aussi bouddhiques [40] a abouti avec le temps et par delà les conflits, à une nouvelle théologie dans laquelle ces trois dieux furent considérés comme l’expression d’un unique Principe suprême. Ainsi, au cœur de la trim?rti, la dangerosité propre à l’agir destructeur de ?ivá fut contrecarrée par deux autres forces, l’une créatrice, l’autre conservatrice. Ces trois divinités et leur force s’équilibrent alors et donne une nouvelle orientation du caractère destructeur de la nature du dieu ?ivá ; elle est dorénavant participante à la re-création de l’Univers. Les vis??uïtes confesseront dès lors que « celui qui ne fait pas de différenciation entre les trois [dieux] qui sont d’une unique nature et l’âme de tous les êtres, ô brahmane, obtient la quiétude [éternelle] » [41], sans plus redouter aucunement ce terrifiant pouvoir rudraïque.


Mots-clés éditeurs : Dáksa, autorité, conflit, brāhmanisme, Śivá, śivaïsme, pouvoir, Rudrá, sacrifice, Agni

Logo cc-by

Date de mise en ligne : 01/01/2011

https://doi.org/10.3917/dha.351.0041

Notes

  • [*]
    Université de Strasbourg – gducoeur@unistra.fr
  • [1]
    Cf. J. Gonda, Les religions de l’Inde, I- Védisme et hindouisme ancien, éd. Payot, Paris, 1962, p. 38s.
  • [2]
    Cf. E. Pirart, « Historicité des forces du mal dans la R?gvedasa?hit? » in Journal Asiatique, tome 286, n° 2, 1998, p. 521-569.
  • [3]
    J. Varenne, Cosmogonies védiques, éd. Les Belles Lettres, Paris, 1982, p. 178.
  • [4]
    Cf. G. Dumézil, Mitra-Varuna, essai sur deux représentations indo-européennes de la souveraineté, éd. Gallimard, 5e éd., 1948 ; Heur et malheur du guerrier, aspects mythiques de la fonction guerrière chez les Indo-Européens, éd. Flammarion, 2e éd. remaniée, Paris, 1985…
  • [5]
    Trois hymnes lui sont dédiés et moins d’une centaine d’occurrences peuvent être relevées sur les 1028 s?ktá.
  • [6]
    Cf. J. Gonda, op. cit., p. 111 ; L. Renou et J. Filliozat, L’Inde classique, tome I, éd. A. Maisonneuve, Paris, 1985, § 638, p. 322. Sur un possible héritage i-e voir H. Grégoire, R. Goossens et M. Mathieu, Asklèpios, Apollon Smintheus et Rudra, études sur le dieu à la taupe et le dieu au rat dans la Grèce et dans l’Inde, Bruxelles, 1949. Sur son identification bactrienne voir N. Sims-Williams, « A bactrian god » et J.C. Wright, « Bactrian Rudra » in Bulletin of the School of Oriental and african Studies, vol. LX, 1997, p. 336-338 et 339-343.
  • [7]
    L’étude, loin d’être exhaustive, portera donc sur des sources br?hmaniques, à tendance vis??uïte pour les deux dernières citées. Nous n’aborderons donc pas la figure de Rudrá-?ivá à la lumière des ouvrages proprement ?ivaïtes. Ceci nous permettra d’apprécier d’autant mieux l’autorité accordée dans les milieux br?hmaniques au dieu Rudrá-?ivá. Par ailleurs, ces trois mythes se doivent d’être lus pour eux-mêmes afin d’éviter d’y voir simplement la récurrence d’un même mythe dans l’histoire religieuse de l’Inde. Il faut au contraire les considérer comme des réécritures successives à part entière et ne pas accorder plus d’autorité à celui du ?B sous prétexte qu’il leur est chronologiquement antérieur. Il est certainement lui-même déjà une réécriture d’un mythe aujourd’hui perdu.
  • [8]
    Le ?atarudriya (« Les cent noms de Rudrá « ) du Yajur Vedá est un peu plus prolixe sur la description de cette divinité sans pourtant apporter d’éléments véritablement nouveaux ; cf. L. Renou, La poésie religieuse de l’Inde antique, éd. PUF, Paris, 1942, p. 64-66 ; J. Gonda, op. cit., p. 110.
  • [9]
    Ceci n’enlève pourtant rien à l’importance de sa fonction et « ne doit pas faire croire que ce personnage sombre et redoutable ait été secondaire dans les croyances védiques. », J. Gonda, op. cit., p. 106.
  • [10]
    Cf. A. Bergaigne, La religion védique d’après les hymnes du Rig-Veda, tome III, 2e tirage, éd. H. Champion, Paris, 1963, p. 31s.
  • [11]
    Cf. J. Gonda, op. cit., p. 112 ; G. Dumézil, Mythe et épopée II, éd. Gallimard, Paris, 1971, p. 86. Cf. A. Minard, Trois énigmes sur les cent chemins, recherches sur le ?atápatha Br?hman?a, tome II, éd. Collège de France, Paris, 1987, § 847, p. 846.
  • [12]
    Un tel glissement pourrait être fort ancien, voire même être récurrent dans la mythologie i-e, cf. J. Duchesne-Guillemin, « L?nos, un Mars celtique » in Académie des Inscriptions et Belles Lettres, Comptes rendus des séances de l’année 1966, Janvier-Mars, Paris, p. 660-664.
  • [13]
    Cf. A. Minard, Trois énigmes sur les cent chemins, recherches sur le ?atápatha Br?hman?a, tome II, éd. Collège de France, Paris, 1987, § 847, p. 846.
  • [14]
    yajn?éna vaí dev??h? dívam upódakr?mann átha yo?yám? deváh? pa??n?m?s?t?e sá ih?h?yata tásm?d v?stavya íty?hur v??stau hí tad áh?yata ||1|| sa yénaivá dev? dívam upodákr?man téno ev??rcantah? ?r??myanta?cerur átha yo'yám? deváh? pa??n?m?s?t?e yá ih??h?yata ||2|| sá aiks?ata áh?syá h?ntáryantyu m? yajn??d íti so?n??ccakr?ma sa ??yatayottaratá upótpede sá es?á svis?t?akr?tah? k?láh? ||3|| té dev?? abruvan m? vísraks??ríti te vaí m? yajn??nm?ntárgatá?hutim me kalpayatéti tathéti sa sámabr?hatsa n?syatsa na kám? can?hinat ||4|| té dev?? abruvan y??vanti no hav??m?s?i gr?h?t?ny ábh?vant sárves??m? tés??m? hutam úpaj?n?ta yáth?sm? ??hutim? kalpáy?métí ||5||
  • [15]
    Voir G. Ducœur, « Passing through Flood Waters in Vedic Thought », The Journal of Indo-European Studies, vol. 36, numbers 1 & 2, Spring/Summer 2008, p. 69-70.
  • [16]
    Les correspondances entre Rudrá et Apollon, celles entre Rudrá-Vis??u et d’autres couples de divinités indo-européennes attestent la possible existence d’un mythe védique mettant en scène Rudrá contre les devá sans pour autant que ce dernier soit issu du monde an?rya comme on le suppose souvent. Cf. G. Dumézil, M. et E. II, p. 81s.
  • [17]
    Il est étonnant que la seule mention de « deváh? pa??n?m?s?t?e » ait entraîné une lecture parfois trop hâtive du texte et ait abouti à une simple identification de ce dernier avec Rudrá là où son patronyme n’apparaît pas dans le récit mythologique en tant que divinité mais bien en tant que puissance redoutable incarnée en Agni ou hypostase divine d’Agni. Voir sur cette lecture influencée a posteriori par le daks?ayajn?an??a : M. Biardeau et C. Malamoud, Le sacrifice dans l’Inde ancienne, éd. PUF, Paris, 1976, p. 95 ; R. Sailley, Çiva et le çivaïsme, aperçu historique et philosophique, Paris, 1991, p. 15 ; J. Scheuer, ?iva dans le Mah?bh?rata, PUF, Paris, 1982, p. 337. Dans une moindre mesure, voir M. Biardeau, Études de mythologie hindoue, tome I : Cosmogonies pur?n?iques, EFEO, Paris, 1981, p. 167.
  • [18]
    Voir aussi ?B 3.6.2.20.
  • [19]
    L. Renou, E.V. P. XIV, p. 38. Sur les liens entre Rudrá et le feu de la crémation voir M. Biardeau, Études de mythologie hindoue : tome I, cosmogonies pur?n?iques, EFEO., vol. CX XVIII, Paris, 1981, p. 166s.
  • [20]
    J. Gonda, op. cit., p. 111.
  • [21]
    Ibid. Sur les trois naissances d’Agni (céleste, terrestre, aquatique), seule la terrestre par bois de friction peut être considérée comme contrôlée mais une fois né le dieu du feu peut se révéler incontrôlable par ceux qui l’ont engendré. Sur la puissance dévastatrice naturelle d’Agni voir par exemple R?V 1.58.
  • [22]
    La suite du récit montre les devá qui s’affairent et demandent à l’adhvaryu de préparer un reste, un rebut afin d’écarter définitivement toute menace.
  • [23]
    Sur le jeu sémantique de « v?stavya », « rebut [des matières oblatoires] » / « Laissé-pour-compte », voir A. Minard, op. cit., § 847, p. 846. Cf. C. Malamoud, « Observations sur la notion de « reste » dans le brâhmanisme » in Wiener Zeitschrift für Kunder des Sud-Asiens und Archiv für Indische Philosophie XVI, 1972, p. 5-26. Sur Rudrá voir la note 20, p. 10.
  • [24]
    L. Renou, Vocabulaire du rituel védique, éd. C. Klincksieck, Paris, 1954, p. 173.
  • [25]
    Cette énumération est accompagnée d’une répartition ethnographique. Voir la note 2 de J. Eggeling, The Satapatha-Brâhmana according to the text of the Mâdhyandina School, part I, Books I and II, SBE XII, Oxford, 1882, p. 201. Ces indications géographiques attestent de la part de cette école br?hmanique d’une connaissance particulière des différents patronymes locaux sous lesquels était invoqué Rudrá (sur l’énumération de ses divers noms voir également ?B 6.1.3.10-12). De même, on notera avec quelle habileté les br?hmanes sont parvenus à assimiler ces croyances diverses en identifiant ces différentes divinités invoquées au dieu Agni. Un tel procédé d’assimilation permettra notamment aux visnuïtes en leur temps d’identifier certaines divinités à la leur en la déclinant en autant d’avat?ra.
  • [26]
    Sur Us?ás voir B. Oguibénine, La déesse Us?as, recherches sur le sacrifice de la parole dans le Rgveda, Bibliothèque de l’EPHE, tome 89, Paris, 1988. ?
  • [27]
    Sur les liens de Rudrá avec d’autres devá voir D.M. Srinivasan, « Vedic Rudra-?iva » in Journal of the American Oriental Society, vol. 103, 1983, p. 543-556.
  • [28]
    ?B 3.6.2.20 : « Ou bien Agni pourrait le brûler, ou bien ce dieu qui règne sur le bétail pourrait en vérité le menacer » (tám agnír v?bhidáhedyó v?yám? deváh pa??n?m ??s?t?e sá v? hainam abhímanyeta).
  • [29]
    Voir G. Ducœur, « Métaphore équine et pratiques chamaniques en Rgveda 10.136 » in ARCHEVS, tome VIII, fasc. 14, éd. Centre d’Histoire des Religions, Université de B?ucarest, 2004, p. 11-24.
  • [30]
    Là encore, la figure énigmatique de Rudrá est entièrement supplantée par le dieu Agni. Les commentateurs, en effet, après avoir donné la liste de ses noms locaux, en viennent à affirmer que son seul nom favorable sous lequel celui-ci doit être invoqué est celui d’Agni (« Son [nom] le plus auspicieux est Agni alors que ses autres noms sont au contraire inauspicieux. C’est pourquoi, [l’oblation] est faite [en disant] : « À Agni, [lui] qui rend bien offert [ce qui a été offert aux dieux] », t??ny asy????nt?ny evétar??i n??m?ny agnir íty evá ??ntátamam? tásm?d agnáyaíti kriyate svis?t?akr?ta íti). Voilà bien une manière fort ingénieuse de faire siennes des croyances ayant certainement pris de l’importance au cours de la période védique dans des milieux où le culte sacrificiel solennel ne devait pas être prioritaire.
  • [31]
    Les commentateurs n’en sont d’ailleurs pas restés là et ont attribué à tous les devá cette même puissance rudraïque sommeillant en eux. Ils la firent remonter du fond d’eux-mêmes afin de former Rudrá, seul capable de frapper Prajá?pati après qu’il eût fauté en s’unissant avec sa fille et pris la forme d’une antilope afin de fuir (« They sought one to punish him ; they found him not among one another. These most dread forms they brought together in one place. Brought together they became this deity here », The Aitareya and Kaus??taki Br?hman?as of the Rigveda, transl. by A.B. Keith, Motilal Banardidass Publishers, reprint, Delhi, 1998, p. 185.). Ce mythe montre encore une fois le rôle accordé à Rudrá au sein du sacrifice védique par les br?hmanes qui ont su exploiter sa fonction de chasseur de gibier. S’il apparaît comme le seul à pouvoir arrêter la folle escapade sauvage de Prajá–pati, incarnant le sacrifice devenu incontrôlable, sa décoche justifie également le fait de lui attribuer la partie blessée de la victime sacrificielle, partie hautement sacrée et donc dangereuse et contagieuse. Pour la version du ?B voir J. Varenne, Mythes et légendes extraits des Br?hman?a, éd. Gallimard, Paris, 1967, p. 47s ; pour de brefs commentaires voir, par exemple, S. Lévi, La doctrine du sacrifice dans les Br?hman?as, Bibliothèque de l’EPHE, tome XI, éd. E. Leroux, Paris, 1898, p. 20-21 ; M. Biardeau et C. Malamoud, op. cit., p. 95 ; G. Dumézil, M V, p. 198.
  • [32]
    Seul le R?m?ya?a relate encore dans un court passage la simple menace de Rudrá, qui n’apparaît certes plus comme hypostase d’Agni mais bien comme dieu redoutable et craint, ayant été exclu du partage des oblations. Le rappel du mythe sert à expliquer comment l’arc ancestral arriva en possession du roi Devar?ta. Cette arme n’était autre que celle avec laquelle Rudrá menaça les devá : « Autrefois, lors de la destruction du sacrifice de Daks?a, ayant bandé [son] arc, le puissant Rudra en fureur dit aux Trente [-trois dieux, tout] en se jouant [d’eux] : « Puisque vous, les dieux, les désireux de parts [sacrificielles], vous ne m’avez pas réservé de part, je vais trancher vos très précieuses têtes avec [mon] arc. Alors, ô héros d’entre les ascètes, tous [ces] dieux, contrits, apaisèrent le Seigneur des dieux et Bhava [/Rudra] fut content d’eux. Transporté de joie, il offrit [son arc] à tous ces dieux magnanimes. C’est cette magnifique perle des arcs du dieu des dieux qui a été alors confiée en dépôt à notre ancêtre, ô souverain. » (daks?ayajn?avadhe p?rvam? dhanur ?yamya v?ryav?n | rudras tu trida??n ros??t salilam idam abrav?t || yasm?d bh?g?rthino bh?g?n n?kalpayata me sur?h? | var??g?ni mah?rh??i dhanus?? ??tay?mi vah? || tato vimanasah? sarve dev? vai munipum?gava | pras?dayanti deve?am? tes??m? pr?to?bhavad bhavah? || pr?tiyuktah? sa sarves??m? dadau tes??m? mah?tman?m || tad etad devadevasya dhan?ratnam? mah?tmanah? | ny?sabh?tam? tad? nyastam asm?kam? p?rvake vibho || R. 1.65.9-13).
  • [33]
    Loin d’épuiser les aspects sacrificiels, cosmologiques, mythologiques et historiques traversant ces deux sources textuelles, nous renvoyons notamment pour plus d’exhaustivité aux études suivantes : W.D. O’Flaherty, Hindu Myths, Penguin Books, 1975, p. 118-125 ; J. Scheuer, ?iva dans le Mah?bh?rata, PUF, Paris, 1982 ; B. Chatterji, « The story of daks?ayajn?an??a » in Journal of the Ganganatha Jha Kendriya Sanskrita Vidyapeetha, vol. 36, fasc. 1-4, Jan.-Dec. 1980, p. 87-101 ; D. Shulman, « Terror of symbols and symbols of terror : notes on the myth of ?iva as Sth??u » in History of religions, vol. 26, n° 2, The University of Chicago Press, 1986, p. 101-124 ; K. Klostermaier, « The Original Daks?a Saga » in Essays on the Mah?bh?rata, éd. E.J. Brill, Leiden, 1991, p. 110-129 ; A. Mertens, Der Daks?amythus in der episch-pur?n?ischen Literatur, Beobachtungen zur religionsgeschichtlichen Entwicklung des Gottes Rudra-?iva im Hinduismus, Harrassowitz Verlag, Wiesbaden, 1998 ; N.R. Bhatt, La religion de ?iva, éd. Âgamât, 2000.
  • [34]
    Sur la valeur cosmologique du mythe et la destruction finale des âges du monde qu’illustre ce mythe voir les deux volumes de M. Biardeau, Études de mythologie hindoue.
  • [35]
    « Après un certain temps, Praj??pati, nommé Daks?a, entreprit de faire un sacrifice selon la règle énoncée dans les anciens [Veda] », kasyacit tv atha k?lasya daks?o n?ma praj?patih? | p?rvoktena vidh?nena yaksyam?no anvapadyata ||, (Mbh 12.274.18).
  • [36]
    L’histoire du sacrifice du roi Marutta (Mbh 14.3-10), dont le thème est inverse à celui du sacrifice de Dáks?a, montre combien est dangereuse cette puissance yogique. Le brahmane Sam?varta menace de brûler, de son œil – tout comme ?ivá l’aurait également fait à sa place –, Agni, le feu sacrificiel ! L’autorité qui émane de cet ascète provient exclusivement de cette puissance rudraïque. Elle aura raison d’Indra, roi des dieux, qui s’était opposé à la mise en place du sacrifice de Marutta. Voir M. Biardeau, Études de mythologie hindoue, tome II : bhakti et avat?ra, EFEO, Paris, 1994, p. 102.
  • [37]
    Cf. G. Ducœur, op. cit.
  • [38]
    Dr?s?tv? sam?jn?apanam? yogam? pa??n?m? sa patir makhe | yajam?napa?oh? kasya k?y?tten?haracchirah? ||, (4.5.24).
  • [39]
    Sur les problèmes relatifs à la découpe et à la restauration de la tête de la victime sacrificielle dans le rituel védique voir notamment l’article de J.C. Heesterman, « The case of the severed head » in Wiener Zeitschrift für die Kunde Süd und Ostasiens und Archiv für Indische Philosophie, B. XI, 1967, p. 22-43. Dans le cas de Dáks?a, il semble y avoir la trace d’un passage historique du sacrifice humain, pratiqué par certains courants ?ivaïtes, à celui exclusif d’un animal et notamment du bouc.
  • [40]
    Sur le principe d’assimilation du dieu Rudrá dans le bouddhisme tibétain, on lira avec intérêt l’article de R.A. Stein, « La soumission de Rudra et autres contes tantriques » in Journal Asiatique, t. 283, n° 1, 1995, p. 121-160.
  • [41]
    tray???m ekabh?v?n?m? yo na pa?yati vai bhid?m | sarvabh?t?tman?m? brahman sa ??ntim adhigacchati ||, BhP 4.7.54.

Domaines

Sciences Humaines et Sociales

Sciences, techniques et médecine

Droit et Administration

bb.footer.alt.logo.cairn

Cairn.info, plateforme de référence pour les publications scientifiques francophones, vise à favoriser la découverte d’une recherche de qualité tout en cultivant l’indépendance et la diversité des acteurs de l’écosystème du savoir.

Retrouvez Cairn.info sur

Avec le soutien de

18.97.9.171

Accès institutions

Rechercher

Toutes les institutions