Notes
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Université des Antilles et de la Guyane - mignot5@wanadoo.fr
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[1]
J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, Sirey, 1982 ; Idem, Naissance d’une notion juridique. Les débuts de l’obligation dans le droit de la Rome antique, Archives de philosophie du droit, 44, 2000, p. 19-32 ; A. Magdelain, Le ius archaïque, 1986 ; Idem, Aspects arbitraux de la justice civile, 1980 in Ius, imperium, Auctoritas, Études de droit romain, Rome, 1990… spéc. p. 103-152, 157-183 ; W. Kunkel-Selb, Römisches Recht, Berlin- Heidelberg, 1987, p. 506-561 ; M. Imbert, Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, Dalloz, 6e éd., 1997, p. 350. Sur le droit des obligations : E. Chevreau, Les fondations romaines du droit des obligations, in Introduction historique au droit des obligations, LexisNexis/Litec, Paris, 2007, p. 1-101.
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[2]
On laissera de côté la question de l’influence des juges-arbitres sur le procès formulaire, dénoncée ou défendue respectivement par les Écoles de Demangeat et Girard puis de Cuq et Georgesco. Il est toutefois probable que les usages des boni uiri fondés sur la fides ont peut-être déterminé très tôt (XII Tables, circa, 450) dans un cadre juridique strict, la création de la iudicis arbitriue postulatio qui marque déjà un changement radical par rapport à l’ancienne procédure formaliste et religieuse du sacramentum. M. Horvat, Deux phases du procès romain, Droit Antique et Sociologie Juridique, in Mélanges H. Lévy-Bruhl, Sirey, 1959, p. 163-169. Sur la notion de procès formulaire, voir Processo per formulas, in Nuovo dizionario giuridico romano, a cura di F. Del Giudice et S. Beltrani, Ed. Simone, 2e éd., 1995, p. 433.
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[3]
Il paraît certain que la mission de juridiction fut la première voire la plus vieille des fonctions de l’État en formation : en ce sens M.L. Bréhier, La royauté homérique et les origines de l’État en Grèce, Revue Historique XXIX, 1904, t. 84, p. 1-32 et t. 85, p. 1-23. On sait par le précieux Gaius qu’il n’y avait pas, avant la lex Pinaria, de nomination de juge (peut-être la coutume connaissait-elle la pratique des arbitria selon le Pr Girard ?). L’origine provinciale de la dualité de procédure n’a pas suffisamment été étudiée malgré quelques travaux anciens sur la question et nous permet d’affirmer que l’on a peut-être négligé l’influence des peuples orientaux et grecs sur la pratique romaine du Ve siècle : M. Bohacek, Arbitration and State Organized Tribunal in the Ancient Procedure of the Greeks and Romans, Iura, 3, 1952, p. 191-215. Ces points de vue ont été repris par A. Magdelain au sujet des origines mêmes de la justice romaine : Le ius archaïque… 1986 (= Ius, imperium… p. 1- 93).
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[4]
La nominatio du juge ou de l’arbitre fait-elle partie intégrante de la formule, au sens strict ? Sur la question voir Gaius, Instit., IV, 39, 44 qui ne la signale pas comme un élément de la formule. J. Mazeaud, La nomination du iudex unus sous la procédure formulaire, th. Paris, 1933. G. Broggini, Mutatio iudicii, in Coniectanea, 1966, p. 243-244.
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[5]
On est alors selon M. Horvat en présence d’un jugement des preuves (Beweisurteil) qui peut être rapproché du jugement final (Endurteil) du vieux droit germanique, des « jugements de Dieu » du droit slave médiéval ou encore du « medial-jugement » du droit anglo-saxon étudié par H.J. Jolowicz, Procedure in iure and apus iudicem, a suggestion, in Atti del Congresso Intern. di diritto romano, Bologne II, 1952, spéc p. 57- 84 et 164, n. 1.
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[6]
La division de l’instance juridictionnelle en deux phases serait la conséquence majeure de la « révolution démocratique », après 510. La phase in iure ne serait, selon cette hypothèse, que la phase introductive de la suivante qualifiée apud iudicem. Sur ce point les auteurs anciens nous ont eux-mêmes induits en erreur (Cicéron, De rép., II, 38, V, 3 ; Pomponius, D., I, 2, 2, 1 ; Dion Hal. X, 1 ; Tit., I, 41, 5 etc.). L. Wenger dans Wandlungen im römischen Zivilprozessrecht, article paru dans l’ouvrage : Habhandlungen zur Antiken Rechtgeschichte, Festschrift für G. Hanausek, 1965, p. 7 ss. ouvre la voie à cette théorie qui voit dans tout procès une instance fixée en amont par la personne royale ou son successeur puis qui sera jugée par les iudicia regia introduits jadis par Servius Tullius (…). Non seulement existe un fort risque d’anachronisme mais s’y ajoute l’erreur de transposer en une époque trop différente de la nôtre des pratiques judiciaires inconnues en ces temps. Sommes-nous, en définitive, comme l’affirme M. Humbert en présence « d’un examen sommaire du litige »… pouvant conduire à denegare actionem (Institut. polit. et soc. de l’Ant. Dalloz, 6e éd., p. 350). J. Gaudemet abonde un peu dans ce sens lorsqu’il déclare que « c’est lui [le magistrat] qui organise le procès, qui nomme le juge, qui permet à l’instance de se poursuivre… » (Instit. Ant., Sirey, 1982, p. 606 ss). Des vues neuves et pénétrantes ont été exposées sur le procès archaïque par B. Biondi, Appunti intorno alla sentenza nell processo civile romano, Milano, 1930), W. Selb, in Römisches Recht, Berlin-Heidelberg, 1987, 506 ss. et M. Horvat penchent plutôt pour l’existence de deux phases distinctes : celle du droit (de la Cité), celle des faits et des preuves (Deux phases du procès romain, spéc. p. 165).
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[7]
Voir en ce sens la vieille étude toujours aussi prégnante de Ph. Meylan, L’effet extinctif de la litis contestatio, dans Mélanges Georges Cornil, II, 1926, p. 81-110.
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[8]
La généralisation du receptum arbitrii est encore mal connue malgré l’étude de K.H. Ziegler, Das private Schieldsgericht im antiken römischen Recht, Münich, 1971 (cf. Édit de Julien, §§ 48-50).
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[9]
Institut., IV, 17a. Voir A. Magdelain, La loi à Rome - Histoire d’un concept, Les Belles Lettres éd., Paris, 1978, spéc. p. 46 : « le légalisme rigide de la jurisprudence classique ne correspond pas à la souplesse de la pratique républicaine ». Même idée chez Fr. Schulz, Storia della giurisprudenza romana, ed. Senzoni, Firenze, 1968, p. 144 : Dopo la lex Aebutia, le forme arcaiche della L.A. vennero gradualmente sostuite da formulae più flessibili… (Prinzipien… 2). Giodice-Sanatelli (V.), Gli iura populi Romani nelle Istituzioni di Gaio, Bari, Laterza, 1996.
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[10]
Selon Paoli, Gaius est le seul jurisconsulte classique à énoncer clairement la célèbre distinction entre le iudicium quod imperio continetur et le iudicium legitimum de l’ordo des instances privées. L’Anonyme de la glose d’Autun parlera encore plus directement de iudicium imperiale.
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[11]
i.e. : probablement par la constitutio Antoniniana de ciuitate danda de 212 (Pap. Giessen, 40).
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[12]
On appelle le juge unique à Rome iudex ou arbiter lequel n’est pas un arbitre au sens actuel du mot mais un simple juge chargé de la répartition (en ce sens, J.-Ph. Levy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, 1re éd. Dalloz, 2002, p. 12 : « Ce juge est un simple particulier, on a pu le comparer à un juré ou même à un arbitre. Simple particulier, il faut entendre par là que ce n’est pas un magistrat élu par le peuple et qu’il ne reste pas en fonction de manière permanente, ne fut-ce que pendant un an. Il est pris pour une seule affaire et, s’il lui arrive éventuellement d’être désigné pour une deuxième affaire plus tard, ce sera pas une décision distincte ».
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[13]
Sur la notion de praeiudicium ou sorte de « question préjudicielle » dégagée de l’agere per sponsionem : Pissard, Les questions préjudicielles, th. Paris, 1907, p. 201 ss. Exemple de formula praeiudicialis dans F. Schulz, Classical Roman Law… 1951, n° 89 (en matière notamment de liberté).
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[14]
Cf. Ep. VII 15, 2 : Nam et rei publicae suae negotia curare et desciptare inter amicos laude dignissimum est… W. Kunkel, Das Konsilium im Hausgericht, Zeitschrift der Savigny-Stiftung, f. Rechgesch., LXXXIII, 1966, p. 216-251. Le cubiculum est le lieu opportunément admis jadis pour régler les affaires privées (comp. Pan. VIII, 3).
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[15]
Arangio-Ruiz, Il processo di Giusta, in Parola del passato, Naples, fasc. VII, 1948, 145 ss - fasc. XVII, 1951, p. 120-122.
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[16]
Arangio-Ruiz, Nuove Osservazioni sul processo di Giusta, Parola del Passato, 1951, fasc. XVII, p. 116-124 ; A.-J. Boye, Pro Petronia Iusta, D.A. & S.J., Mélanges H. Lévy-Bruhl, Sirey, 1959, p. 29 ss.
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[17]
Sur la question des preuves et des arguments présentés au procès (plus précisément in iudicio E. Levy et M. Kaser voient l’indice de la liberté pour les parties de produire des témoignages à l’appui de leurs prétentions respectives, en droit classique. Il n’y avait aucune disposition définissant « le poids de la preuve » à l’instar de notre article 1353 du Code civil. Tout au plus, comme G. Pugliese peut-on admettre volontiers que les testimonia « réciproques » constituent la preuve de l’existence du principe contradictoire en droit formulaire. Voir E. Levy, Die Beweislast u. Klass. R., Iura II, 1952, p. 155 ss et M. Kaser, Beweislast u. Vermutung i. röm. Formularprozess, Zeit. fur Sav. Stift. 71, Münich, 1954, p. 221 ss. On renverra concernant le régime de la liberté de la preuve à l’ancienne mais pénétrante étude de G. Pugliese, L’onere della prova nella procedura per formulas, R.I.D. A. III, 1956, p. 348 ss.
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[18]
L. XXX, (= Dig., De test. tutel.) : Duo sunt Titii, pater et filius ; datus est tutor Titius, nec apparet de quo sensit testator ; quaero quid sit iuris ? Respondit, is datus est, quem dare se testator sensit. Si di non apparet, non ius deficit, sed probatio. »
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[19]
Cf. Ep. V, 9 : 21 et 4. Sur les justes honoraires dus aux représentants des plaideurs : A. Bernard, La rémunération des professions libérales en dr. rom. class., p. 94. Ulpien au D.L., 13, I, 10 reproduit d’ailleurs dans une lettre un rescrit de Septime Sévère et de Caracalla ordonnant de ne répéter que ce qui a dépassé ce qui est légitimement admis. Plus récemment : J.A. Crook, Legal advocacy in the Roman World, Londres, 1995.
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[20]
Pro Fonteio, XI, 25.
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[21]
Sur la question voir Callistrate, L. III, 3 (Dig., De test.) : le nombre n’est jamais pour les jurisconsultes à Rome qu’un élément d’appréciation parmi d’autres. Ainsi « Alias numerus testium, alias dignitas et auctoritas, alias uelut consentiens fama confirmat rei, de qua queritur, fidem ». Pline laisse s’échapper cette pensée dans l’une de ses Epîtres : « (II, 12 : 5) Sed hoc pluribus uisum est. Numerantur enim sententia, non poderantur... Nam, cum sit impar prudentia, par omnium ius est ». En ce sens, D.-A. Mignot, Pline le Jeune, le juriste témoin de son temps d’après sa correspondance, préface A. Leca, P.U. Aix-Marseille, spéc. p. 309.
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[22]
En ce sens, Aulu-Gelle, N. A. XIV, 2, 21 et 26. En fait on sait que Caton l’Ancien, mort en 149 avant notre ère rapportait que, selon une tradition ancestrale, lorsqu’il n’y avait pas de témoin ou que les deux plaideurs étaient de moralité douteuse il convenait de faire droit au défendeur (reus). En cas contraire, lorsque l’une des parties était plus honnête que l’autre, il convenait de préférer ses allégations. C’est en vertu de cette jurisprudence « catonienne » qu’Aulu-Gelle se détermine en N. A. XIV 2 et se tire de l’embarras…
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[23]
Selon P. van Warmelo (Le rescrit de Marc-Aurèle, Sirey, 1959, p. 339) « il est connu que dans la procédure extraordinaire quelques usances de la procédure formulaire furent conservées pendant bien longtemps ». Le juge a ainsi des pouvoirs accrus en matière de compensation ou d’inclusion d’une exception de dol dans le cadre de l’actio iudicati : en ce cas, dit cet auteur, « le iudicium stricti iuris aura les conséquences d’un iudicium bonae fidei ».
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[24]
Cf. G. Bigot, « Réparation » in D. Alland, S. Rials (sous dir.), Dictionnaire de culture juridique, Paris, 2003, p. 1331-1335.
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[25]
Voir notre étude sur Droit équité et humanisme d’après la Correspondance de Pline le Jeune, R.H.D.F.E., vol. 66, Sirey, 1988, spéc. p. 597-599, Epp. III 16 : 2 ; IV 10 : 1 ; VIII 16 etc. (rapproché de Quintilien, Instit. Orat., VII : 6). Plus récemment notre étude sur Pline et l’autonomie de la volonté, REA, Bordeaux, t. 109, fasc. 2, déc. 2007 (querela inofficiosi testamenti).
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[26]
Cf. Ep. VII, 15 : 2 Nam et rei publicae suae negotia curare et disceptare inter amicos laude dignissimum est (application intéressante de l’idée de citoyenneté). W. Kunkel, Das Konsilium im Hausgericht, Z.S.S., LXXXIII, 1966, p. 216-251 : le cubiculum est le lieu opportun pour règler les affaires privées, comp. avec Pan. VIII, 3.
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[27]
À l’évidence, Népos paraît être praetor urbanus – le grand préteur de la Ville – mais on ignore presque tout de lui hormis qu’il fut préteur vers 105-106 de notre ère. Son nom reste attaché à tout le moins à un effort de restauration des règles anciennes voire ancestrales et surtout déontologiques qui doivent être observées dans le cadre de la vie judiciaire puisqu’il rappelle fréquemment à l’ordre juges et avocats sous peine d’éventuelles poursuites devant la juridiction compétente.
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[28]
A. Schiavone, Giuristi et Nobili nelle Roma Republicana. Il secolo de la Rivoluzione scientifica nel pensiero giuridico antica, Roma-Bari, Laterza, 1987.
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[29]
En ce sens le passage V 1 : 9 : Conueniumus in eadem Condordiae… ».
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[30]
Gelle, N.A., XIV, 2 ; Paul mentionne le même « serment » qui semble plutôt être une déclaration individuelle car elle n’épouse pas les traits d’une formule judiciaire : sibi non liquere dans son De re iudic., (D. L. XXXVI et XLII, 6). Cicéron, Pro Caec., XXXIII, 97, pour les juges des causes centumvirales.
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[31]
Les iudicia legitima fixent les pouvoirs du juge pour une durée de 18 mois ; dans les iudicia imperio continentia le iussum iudicandi du juge disparaît au terme du mandat du magistrat qui a lui-même fixé la mission du juge. Voir en ce sens, Fragment d’Autun, 100.
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[32]
La vérification de certains faits sont ordonnées en matière de bornage (Dig., L. VIII, 1 : fin reg.) où le juge doit envoyer des experts-arpenteurs (mensores) ; contrôler le congé d’un militaire en congé de maladie, rescrit de Gordien, L. VI au C.J., De re milit. ; vérification de grossesse d’une veuve ou d’une épouse divorcée Ulpien au Dig., L. I, 10, De insp. ventr.) ; présence de jardiniers experts à Constantinople (Nov. LXIV) etc.
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[33]
Cf. L. VII, 2 (Dig., De testibus).
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[34]
L’art. 342 du C.I.C. reprend avec vigueur l’esprit du rescrit d’Hadrien lorsqu’il dispose en substance : « La loi ne leur (les jurés) dit point : Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins ; elle ne leur dit pas non plus : Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices ; elle ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ? ».
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[35]
Cf. Actio aduersus iudicem... in Nuovo dizionario giuridico romano cité plus haut : « In origine, essa era esercitabile contro il giudice che si fosse appropriato di una res controversa, cioè oggetto di un giudizio ». Une antique disposition de la Loi des XII T., IX, 3 aurait puni le crime du juge qui pecuniam accepisse (Aulu-Gelle, N.A., XX, 1, 7). L’incrimination vise peut-être une corruption par des xenia et autres dons et marque sans doute une certaine influence du droit grec.
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[36]
J.-Ph. Levy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, préc. p. 900.
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[37]
Il convient aussitôt de préciser que selon E. Cuq : « l’action pénale étant donnée pour punir le délinquant, et non pour indemniser la victime, peut se cumuler avec l’action en réparation du préjudice » (Manuel, p. 556), mais il y a difficultés pour certains cas de damnum (R. Monier, Manuel, II, p. 68). Dans le C.J. on note en définitive l’existence de quatre cas précis d’obligations nées quasi ex delicto dont celui du juge qui a rendu sa sentence de mauvaise foi ou a manqué à ses devoirs de réserve et de désintéressement. Voir A.E. Giffard et R. Villers, Droit romain et ancien droit français, Dalloz, 4e éd., p. 268.
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[38]
Cf. Dig. XLIV, 7, 5,4 (Voir Institutes, IV, 5) : « Lorsqu’un juge s’est mis en situation de subir un procès, on ne le considère pas à proprement parler comme tenu d’un délit, mais parce qu’il n’est pas non plus tenu en vertu d’un contrat, et que néanmoins on peut retenir une faute d’imprudence à son encontre, on considère qu’il est tenu en vertu d’un quasi-délit ». Les compilateurs du VIe s. se sont inspirés à l’évidence d’un passage interpolé de Gaius pour arriver au chiffre fatidique de quatre (R. Villers, ouvr. préc., p. 268, n. 1). Sur les quasi-délits : J.-F. Bregi, Droit romain, les obligations, coll. Ellipses 2006, p. 95-96.
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[39]
C. Bonnier, Traité des Preuves… Paris, s.d., citant M. Mittermaier, à propos des coutumes germaniques en matière criminelle (Miroir de Saxe et Miroir de Souabe).
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[40]
Droit romain : les obligations préc., p. 243.
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[41]
En ce sens, J. Levy-Bruhl, Le très ancien procès romain, Stud. e docum. historiae et iuris, XVIII, 1952, p. 1-20. M. Hoorvat, art. préc., p. 165, n. 1 citant les travaux classiques de Junckers, R. Düll, R. Dekkers, M. Kaser et C. Gioffredi…
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[42]
Cicéron n’hésitait pas à affirmer dans son De re pub. (II, 36) qui [decemuiri] eum X Tabulas summa legum aequitate prudentiaque conscriptissent, in annum posterum Xuiros alios subrogauerunt... (37) qui duabus tabulis iniquarum legum additis... conubia haec illi ut ne plebei cum patribus essent, inhumanissima lege sanxerunt. Aulu-Gelle n’ajoute-t-il pas « que la nature [des choses] consiste à engager sa foi avec l’intention de tromper la confiance dolo malo de celui avec qui l’on traite » (N.A., VII, 2) ; Plaute, Aulularia, II, 1, v. 173 ; Amphitruo I, 1, v. 113). Le pouvoir discrétionnaire du juge est également limité par la rédaction par les Prudents de formules adéquates selon Fr. Girard, La date de la loi Aebutia, Mélanges de dr. rom., 1929, p. 79 ss.
« Faute est toute action inconsidérée, par laquelle on nuit à un autre. Ce défaut de prévoyance étant volontaire nous rend responsable du dommage qui en arrive... »
1 De grands auteurs ont souligné l’importance juridique et sociologique de la division des procès traditionnels romains en deux phases [1]. On ne reviendra pas sur les hypothèses et les nécessités qui ont poussé à distinguer - compte-tenu de l’évolution du temps et des mœurs - puis à instaurer une procédure en deux temps [2] d’origine peut être orientale ou provinciale [3] : celui commandé par la fixation d’une formule qui sous-entend la fixation du litige en présence de l’organe de la Cité ; un second où le juge unique [4] ou arbitre « donné » par le consul puis le préteur vérifie l’existence du litige et l’adéquation des faits de la cause au droit : da mihi factum… tibi dabo ius. Ce premier examen permet d’envisager la déduction du droit en justice par le moyen de la rédaction d’une formule [5]. Cette construction ne correspond pas forcément aux temps anciens, ce que laisserait penser une partie de la doctrine contemporaine envisageant une sorte de phase dite de recevabilité qui précéderait celle de jugement [6]. Bien au contraire, une fois intervenue la litis contestatio, on est quasiment en droit de penser – pour l’époque la plus haute – que juges et plaideurs estimaient le procès terminé [7], sauf à vérifier le fondement – ou les preuves – de chacune des parties. C’est dans une telle optique que se dégage quelque peu de l’ombre qui entoure encore le ius uetus une problématique qui frappe les juristes contemporains dans la mesure où les mentalités judiciaires ne sont plus les mêmes : quelles sont les obligations et garanties offertes par le droit ambiant aux plaideurs qui agissent dans le cadre de la vieille procédure formulaire ? ou si l’on préfère quelles sont les principales libertés et contraintes des juges, des arbitres [8] ?
2 Il est caractéristique que l’histoire du droit formulaire remonte au cœur même de la pratique des anciennes legis actiones. En effet il ne fait pas de doute que la L.A. iudicis arbitriue postulatio dont nous parlent Cicéron puis Gaius [9] est très naturellement le maillon indispensable de l’évolution entre le vieux droit strict romain et l’extraordinaire processus d’évolution qui se poursuivra pendant toute l’ère du droit classique.
3 En conséquence point n’est besoin de savoir avec exactitude si les arbitria ont précédé le droit formulaire ou s’ils ont été la racine du nouveau droit procédural. On retiendra, cependant, que les Romains sont attachés naturellement, depuis un temps très reculé, à la régulation de leurs instances privées par un organe de la Cité et que, par ailleurs, ils entendent le plus possible conserver à la fois un caractère d’efficacité mais aussi de souplesse à leurs modes légitimes d’agir en justice.
4 Or, cette double particularité, liée à la flexibilité propre à l’instance romaine, se traduit notamment par le dernier point de la formule, la nominatio de Tertius, judex ou arbiter datus. Gaius, puis son interprète d’Autun [10], donnent des exemples d ’actions prétoriennes ex lege et précisent surtout les conditions de lieu, de citoyenneté des plaideurs et d’unité de juge. Ce ius legitimum - pour reprendre la formule réutilisée de J. Paoli – étendu par la suite aux habitants de l’Empire [11] a sûrement subi de nombreuses influences dues à la multiplication des rapports internationaux et à l’introduction des nombreuses conventions fondées sur la bonne foi.
5 Quoi qu’il en soit nous disposons de peu de renseignements sur l’ancienne pratique judiciaire romaine. Il semble qu’avant la lex Pinaria il n’y avait pas encore lieu à nomination de juge et que l’instance ne connaissait point encore ses deux phases… L’apparition des arbitri à une date incertaine a sûrement contribué à décharger les préteurs en matière de division et d’estimation. Mais on ne peut suivre M. Horvat lorsqu’il affirme que « chaque fonction du juge tout entière fut transportée à cet arbitre qui devient alors iudex arbiterue de la L.A. per iudicis arbitriue postulationem des XII Tables ». Il est donc acquis que le magistrat retenait à lui dès la plus haute époque la principale décision sur les éléments fondamentaux de l’instance, se réservant ainsi de donner seulement force exécutoire à la sentence d’un juge privé, en général un membre de la classe sénatoriale figurant sur un album iudicium. Ce dernier avait sans doute à vérifier les faits, les indices, les témoignages, laissant ainsi les parties libres d’administrer leurs preuves devant lui afin que par cette brèche, il ait une certaine latitude en tant que juge ou arbitre pour se former une conviction et procéder à une répartition, dresser un partage. Ce fut là sans doute sa première vocation [12]. Il en va ainsi au début du second siècle pour Pline le Jeune. Une telle formation de jugement par juge unique est probablement fondée sur sa personnalité hors du commun et sur l’usage de ne confier ce type de mission qu’à un sénateur ce qui apparaît nettement en V 1 : il est question dans ce passage d’une sombre affaire d’exhérédation : Asudius Curianus a été omis sur les tablettes par sa mère Pomponia Galla. Or, Pline a été institué héritier ainsi que Sertorius Sévérus, sénateur prétorien, et ce, bien avant une foule de personnages de rang équestre. Curianus suppliait en outre de lui faire don de manière à créer un praeiudicium [13], laquelle part serait restituée secrètement à Pline… Un beau montage en l’espèce ! Mais Curianus revient sur cette idée et confirme le choix de Pline : Rogo cognoscas… Ce Curianus se montre confiant dans la décision ultime que va prendre ce juge « choisi et donné » sans aucun doute par les parties et le préteur et, dans notre cas, avec l’accord de la partie principale à l’instance. Le procédé employé devait bien être le suivant : le demandeur proposait un nom et le défendeur pouvait le récuser. S’il ne le faisait pas, le magistrat désignait d’office (i.e. : formule : do iudicem) et investissait l’arbitre de sa mission de juger. Jadis E. Allain a observé avec quelque imprécision que nous étions en présence d’un tribunal arbitral marqué par la collégialité. Le juge unique peut donc s’entourer d’assesseurs livrant des avis autorisés : « ( : 5) J’appelai en conseil les deux hommes les plus distingués que possédait alors notre État, Corellius et Fronton. Entre eux je tins séance dans ma chambre. Curianus dit pour sa cause ce qu’il crut bon. (6 : ) Je répondis en peu de mots, moi-même – car personne autre n’était là pour défendre l’honneur de la morte ». Le tribunal arbitral se retire et délibère. La sentence, tel est le mot pour ce type de décision, tombe quelques instants après : « Il semble, Curianus que votre mère ait eu de bonnes raisons d’être fâchée contre vous ». Après cette première décision, le même Curianus, précise Pline, a cru bon à son tour d’assigner tous les cohéritiers devant le tribunal des centumvirs sauf Sécundus.
6 Un autre exemple de l’activité quotidienne de cette juridiction arbitrale est livré incidemment dans la lettre VII 15 adressée à Saturninus. Pline loue ce dernier de mériter « la plus entière admiration [car il règle] les différends de ses amis aussi bien que d’autres gèrent les affaires du pays » [14]. Il va de soi, nous le verrons plus loin, que l’arbitre sous l’ère trajane assure ainsi, souvent de façon domestique, la tâche d’un bon citoyen !
7 Dans l’affaire de Petronia Iusta [15], Spurii filia, en réclamation d’état d’ingénue en 79 de notre ère, on ne dispose pas du iussum iudicandi du préteur, ni de la sententia de Lucius Cominius Primus, le iudex datus d’Herculanum. Mais l’affaire était selon Arangio-Ruiz apud iudicem et les testimonia devaient nécessairement être lus devant le juge [16]. Les preuves ou plutôt les arguments présentés devant le juge ne peuvent la détacher de la catégorie « équivoque » des alumnae comparable à celle des qreptoi dont nous parle Pline le Jeune en Ep. X 65-66 [17].
8 Dans une autre espèce, présentée tardivement par Paul, les faits sont déterminants car les conséquences juridiques sont incalculables en matière de tutelle dative [18] ; dans une telle affaire la condition d’une disposition faite par un tiers doit s’accomplir mais il est impossible d’exécuter la volonté du testateur faute de pouvoir établir lequel des deux Titius était en vue de ce dernier. La question de preuve est donc déterminante dès l’âge classique. On retrouve une telle problématique chez Pline le Jeune pour obtenir la répétition d’honoraires dus aux avocats, honoraires qui auraient dépassé le modus legitimum [19]. La question de la preuve était déjà éclatante chez Cicéron : « les anciens juges, dit-il, avaient soin de non solum de reo, sed etiam de teste iudicare » [20]. Qu’il s’agisse de Cicéron ou de Pline on peut lire que les avocats – comme les sénateurs lorsqu’ils sont juges d’appel – doivent peser et non compter leurs argumenta [21]. Le quaesitor d’une juridiction criminelle à l’instar du iudex unus ou de l’arbiter interroge et discute les preuves avant toute plaidoirie, librement. On peut faire lire un procès-verbal des dépositions à l’audience. De nombreux témoins semblent faire l’objet de reproches parfois de dérision. En fait peu de règles limitent la démarche du juge ou régulent la marche de l’instance. Les arbitri semblent apprécier souverainement les preuves et Jean-Philippe Lévy va jusqu’à dire que le procès romain est frappé d’un certain humanisme ce qui témoigne « en tout cas d’un régime encore peu touché par le droit ». Une vieille règle de Caton n’invite-t-elle pas le juge civil à statuer librement, et à défaut de preuve, de statuer en faveur du uir melior [22] : en effet, dans une espèce très intéressante Aulu-Gelle est chargé de prononcer sur l’existence d’une créance dans une affaire où le demandeur n’avait pas de preuves suffisantes mais qui disposait d’une réputation intacte tandis que celle du défendeur était détestable. Il jura qu’il ne voyait pas clair dans l’affaire, sibi non liquere. Ceci serait considéré de nos jours comme un déni de justice. Le serment d’Aulu-Gelle eut pour conséquence de le faire remplacer par un autre iudex : atque ita iudicatu illo solutus sum.
9 Le système des preuves surnaturelles a donc été écarté dès le Ve siècle de Rome et a fait largement place à celui des preuves légales dès les lendemains de la dernière guerre punique. Juges et arbitres ont donc la haute main pour admettre ou récuser les témoins – souvent à la demande des plaideurs – ils comptent et pèsent les indices, présomptions et témoignages. La très grande liberté laissée aux juges et plaideurs repose à notre avis sur la bonne foi, commune à tous les gens de bien de la Méditerranée. Mais ce régime libéral, fondé sur la confiance, pouvait ne pas engendrer que des avantages… et inciter juges et arbitres à abuser de leur autorité.
10 On sait que la procédure formulaire s’est longuement prolongée sous le Haut-Empire, voire au début du Bas-Empire. Aussi ne sommes-nous pas surpris de constater que les larges pouvoirs de l’arbitre ou du juge perdurent au deuxième siècle et que les témoignages ne manquent pas à ce sujet [23]. Mais les études sont peu nombreuses sur la question [24]. Nous avons vu que Pline le Jeune intervient dans des affaires ténébreuses d’exhérédation ou d’attribution de legs testamentaires [25]. Précisément, dans une lettre adressée à un autre ami, Saturninus, il le loue de mériter son entière admiration « car il règle les différends de ses amis… aussi bien que ceux de son pays » [26]. Dans l’épître VII 30, Pline feint de se plaindre avouant « qu’il ne manque de gens qui le poursuivent jusque dans ses lieux de repos, pour me prendre comme juge ou comme arbitre ». Dans l’épître IV 29 adressée à Romatius Firmus le même Pline nous livre un témoignage de poids quant à la bonne tenue du juge et à la sévérité connue du préteur Licinius Népos : « ( : 2) Voici que… L. Népos, un homme vigoureux et énergique, vient de mettre à l’amende jusqu’à un sénateur. L’autre a plaidé sa cause devant le sénat ; il l’a fait en demandant grâce, on lui a remis l’amende ». Plus loin ajoute-t-il : « Mais il a tremblé, il a supplié ; il a eu besoin de pardon ! » Or, ce Népos réapparaît dans la Correspondance au livre V notamment dans une Lettre adressée à Julius Valérianus. Il est question d’un marché établi in priuatis praediis sans l’autorisation sénatoriale. Les plaignants prétendent avoir été trahis par leur conseil, Nomitianus. Ailleurs enfin, on voit Népos à l’œuvre dans une affaire conduite par les centumvirs. Népos paraît être le célèbre préteur urbanus dont on ignore presque tout au début du IIe siècle. Son nom reste attaché à tout le moins à un effort de restauration des règles normales et des règles ordinaires de la justice [27]. Dans l’épître VII 30 Sécundus Plinius parle encore de ses préoccupations à la Ville et se plaint que celles-ci, fort nombreuses, le poursuivent jusque dans ses lieux de repos (l’Étrurie ?). Ainsi note-t-il : « ( : 2) Il ne manque pas de gens pour me prendre comme juge ou comme arbitre. ( : 3) Puis, plaintes des paysans qui après ma longue absence usent sans ménagement de mes oreilles, conformément à leurs droits ». Sans doute Pline figurait-il sur un album iudicium, comme juge privé. En fait, il pouvait être choisi, nous l’avons vu – et ce devait être le cas le plus fréquent –, par les parties parmi les membres juristes de l’ordo sénatorial [28]. Ainsi, à cette époque, le juge-arbitre se prononçait-il plutôt librement, en droit ou en équité, ou encore en simple interprétation d’un droit ou d’un pacte, d’une simple convention [29]. Nous touchons là sans doute l’une des limites de cette juridiction arbitrale, trop proche peut-être du justiciable mais conforme aux idéaux de la déesse de la bonne foi et de la conception de la citoyenneté largement répandue sous l’Empire…
11 En général, d’après la jurisprudentia relevée dans le Digeste le juge prétend ne pas pouvoir se faire une religion suffisante (le cas d’Aulu-Gelle) ou ne pas avoir les compétences, ou jouir d’une certaine distance à l’égard des parties. Les magistrats se tirent d’affaire jurant qu’ils ne voient pas clair dans leur cause, sibi non liquere [30]… Certes, le juge ou l’arbitre n’est donc pas toujours tenu par l‘effet rigide et extinctif de la litis contestatio (J. Gaudemet), mais il doit faire une déclaration dans un temps raisonnable [31], et se prononcer ouvertement sur son aptitude à connaître de l’affaire. Il est vrai qu’une telle attitude peut sembler fautive et engendrera sous l’Empire tardif l’un des quatre cas de quasi-délit surtout si elle intervient à contre temps, par exemple à la fin du délai accordé pour juger ou véritablement hors délai ce qui entraînerait la mors litis…
12 Il paraît légitime de se poser la question de savoir pourquoi tel ou tel arbitre, mais surtout, tel juge, ne peut réussir à éclairer sa religion. Tout juge, à l’instar d’un bonus paterfamilias statuant en son tribunal domestique, se devait de rechercher la vérité par tous moyens sans aucun plan prédéterminé ou entrave incidente pour établir la véracité des faits reprochés. Mais le système des preuves légales ou des présomptions simples ou irréfragables n’a jamais été précisé à Rome. Des procédés d’enquêtes ou d’expertises pour certaines affaires n’apparaîtront que sous le Bas-Empire [32]. Aussi, conscient de cette nécessité impérieuse de rendre justice les Romains s’attachent surtout à la conviction du juge. C’est précisément au deuxième siècle, peu après Pline et à l’époque de Gaius, que l’empereur Hadrien prit un célèbre rescrit figurant dans la Loi VII rapportée au Digeste [33] précisant : quae argumenta et ad quem modum probandae cuique rei sufficiant, nullo satis certo modo definiri potest. Sicut non semper, ita saepe sine publicis monumentis cuiusque rei ueritas deprehenditur. Alias numerus testium, alias dignituas et auctoritas, alias ueluti consentiens fama, confirmat rei, de qua quaritur, fidem. Hoc ego solum tibi rescribere possum summatim, non utique ad unam probationis speciem cognitionem statim alligari debere ; sed ex sententia animi tui te aestimare debere, quid aut credas, aut parum probatum tibi opineris ». Ce système repose sur la confiance accordée au juge. Le Digeste ne souffle plus mot de la « pratique humaniste » de Cicéron (J.-Ph. Lévy) qui disparaîtra au Moyen-Âge pour ne renaître que vers 1790 avec l’institution du Jury et de l’intime conviction [34].
13 Plus discutables encore sont à nos yeux les prétendues excuses que peuvent invoquer les juges : trop grande jeunesse (lisons : expérience insuffisante ! Dig., IV, 8, 41) ; âge trop avancé (Dig., L. 5, 2, 1) ; les heureux titulaires du ius trium liberorum (Frag. Vat., 197-198)… Mais il demeure que malgré ces causes d’exonération de responsabilité certains juges n’observent pas les prescriptions de durée ou leur devoir de juger honnêtement. Différents textes reprochent aux juges de faire d’un procès leur affaire personnelle, autrement « de faire le procès sien ». Une actio aduersus iudicem qui litem suam fecerit vise la responsabilité de tels magistrats indélicats [35]. On sait que Pomponius rapporte qu’un juge a commis une bévue par imprudence alors qu’il a été induit en erreur par un faux tuteur (papyrus publié en 1950) [36]. Cet élément est déterminant car il prouve que dès l’époque antonine un juge ou arbitre pouvait être condamné pour une faute d’imprudence ou même sans faute au moyen d’une action in factum. Il est certain qu’à l’époque justinienne, l’action tend à condamner tout juge qui a rendu une sentence injuste par négligence, mais il s’agit là d’un point d’aboutissement qui ne concerne déjà plus notre propos. L’obligation de ne pas faire sien un litige relève de la catégorie des quasi-délits et l’action donnée par le préteur ou son représentant est donnée in factum. Des actions pénales peuvent être accordées pour parer à l’inaction « coupable » du juge [37] et paraissent fondées sur l’équité (in aequum et bonum concept). Le droit de Justinien tirera la conséquence de toute cette évolution et fera du juge » qui fait le procès sien » le premier cas des quasi-délits [38].
14 Le droit romain processuel trouve une curieuse résurgence dans une vieille maxime qui avait encore cours au XIXe siècle en matière d’expertise en Allemagne : Ad quaestionem facti respondent iuratores ; ad quaestionem iuris respondent iudices [39]… Mais les dits des témoins, des jurés et des experts ne s’imposent pas traditionnellement ipso facto au juge d’où une formulation rénovée en France après l’ultime rédaction de la Coutume de Paris de 1580 : « Dictum expertorum nunquam transit in rem iudicatam ». L’article 323 de l’ancien Code de Procédure disposait clairement que l’avis des experts – et il en va de même pour les témoignages – ne sont pas forcément suivis par les juges « si leur intime conviction s’y oppose ». À la vérité ces quelques lignes entendent rappeler que cette liberté première du juge moderne plonge ses plus profondes racines dans le tréfonds du vieux droit formulaire romain. Certes, le iudex unus n’est qu’un citoyen et non point nécessairement un juriste. Au terme de l’évolution du droit romain le juge est tenu pourrait-on dire à respecter une quasi obligation de résultat et non plus de moyen. Le cas de Pline le prouve aisément : il devait décider selon sa conscience. « Un tel mécanisme judiciaire, précise J.-F. Brégi, ne pouvait avoir qu’un corollaire en matière de preuve, celui de la liberté de la preuve » [40]. Certes, si le magistrat paraît bien être le « juge du droit », dès la plus haute époque, il convient de noter que le iudex ou l’arbiter présente, lui aussi, déjà sous l’ère républicaine, mais de façon éclatante au IIe siècle, les traits d’un « juge du fait » dont la liberté ne peut s’exercer que dans la direction de la marche de l’instance et lui fait ainsi jouer le rôle des anciens dieux [41]. Toutefois, les Anciens Romains surent s’entourer de garde-fous ; le témoignage de Pline – complétant celui d’Aulu-Gelle – nous prouve indiscutablement la mission « prophylactique » placée sous l’égide protectrice du préteur Népos, régulateur des instances, afin que les antiques procédures rénovées au fil du temps et établies sur le fondement de la iurisdictio des magistrats de la Cité ne sombrent pas dans l’iniquité dénoncée par quelques auteurs. La bonne foi contribue naturellement à la juste application du droit [42].
Mots-clés éditeurs : quasi-délit, responsabilité du juge, procès, arbitre, nomination de juge
Date de mise en ligne : 01/01/2011
https://doi.org/10.3917/dha.342.0080Notes
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Université des Antilles et de la Guyane - mignot5@wanadoo.fr
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[1]
J. Gaudemet, Institutions de l’Antiquité, Sirey, 1982 ; Idem, Naissance d’une notion juridique. Les débuts de l’obligation dans le droit de la Rome antique, Archives de philosophie du droit, 44, 2000, p. 19-32 ; A. Magdelain, Le ius archaïque, 1986 ; Idem, Aspects arbitraux de la justice civile, 1980 in Ius, imperium, Auctoritas, Études de droit romain, Rome, 1990… spéc. p. 103-152, 157-183 ; W. Kunkel-Selb, Römisches Recht, Berlin- Heidelberg, 1987, p. 506-561 ; M. Imbert, Institutions politiques et sociales de l’Antiquité, Dalloz, 6e éd., 1997, p. 350. Sur le droit des obligations : E. Chevreau, Les fondations romaines du droit des obligations, in Introduction historique au droit des obligations, LexisNexis/Litec, Paris, 2007, p. 1-101.
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[2]
On laissera de côté la question de l’influence des juges-arbitres sur le procès formulaire, dénoncée ou défendue respectivement par les Écoles de Demangeat et Girard puis de Cuq et Georgesco. Il est toutefois probable que les usages des boni uiri fondés sur la fides ont peut-être déterminé très tôt (XII Tables, circa, 450) dans un cadre juridique strict, la création de la iudicis arbitriue postulatio qui marque déjà un changement radical par rapport à l’ancienne procédure formaliste et religieuse du sacramentum. M. Horvat, Deux phases du procès romain, Droit Antique et Sociologie Juridique, in Mélanges H. Lévy-Bruhl, Sirey, 1959, p. 163-169. Sur la notion de procès formulaire, voir Processo per formulas, in Nuovo dizionario giuridico romano, a cura di F. Del Giudice et S. Beltrani, Ed. Simone, 2e éd., 1995, p. 433.
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[3]
Il paraît certain que la mission de juridiction fut la première voire la plus vieille des fonctions de l’État en formation : en ce sens M.L. Bréhier, La royauté homérique et les origines de l’État en Grèce, Revue Historique XXIX, 1904, t. 84, p. 1-32 et t. 85, p. 1-23. On sait par le précieux Gaius qu’il n’y avait pas, avant la lex Pinaria, de nomination de juge (peut-être la coutume connaissait-elle la pratique des arbitria selon le Pr Girard ?). L’origine provinciale de la dualité de procédure n’a pas suffisamment été étudiée malgré quelques travaux anciens sur la question et nous permet d’affirmer que l’on a peut-être négligé l’influence des peuples orientaux et grecs sur la pratique romaine du Ve siècle : M. Bohacek, Arbitration and State Organized Tribunal in the Ancient Procedure of the Greeks and Romans, Iura, 3, 1952, p. 191-215. Ces points de vue ont été repris par A. Magdelain au sujet des origines mêmes de la justice romaine : Le ius archaïque… 1986 (= Ius, imperium… p. 1- 93).
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[4]
La nominatio du juge ou de l’arbitre fait-elle partie intégrante de la formule, au sens strict ? Sur la question voir Gaius, Instit., IV, 39, 44 qui ne la signale pas comme un élément de la formule. J. Mazeaud, La nomination du iudex unus sous la procédure formulaire, th. Paris, 1933. G. Broggini, Mutatio iudicii, in Coniectanea, 1966, p. 243-244.
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[5]
On est alors selon M. Horvat en présence d’un jugement des preuves (Beweisurteil) qui peut être rapproché du jugement final (Endurteil) du vieux droit germanique, des « jugements de Dieu » du droit slave médiéval ou encore du « medial-jugement » du droit anglo-saxon étudié par H.J. Jolowicz, Procedure in iure and apus iudicem, a suggestion, in Atti del Congresso Intern. di diritto romano, Bologne II, 1952, spéc p. 57- 84 et 164, n. 1.
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[6]
La division de l’instance juridictionnelle en deux phases serait la conséquence majeure de la « révolution démocratique », après 510. La phase in iure ne serait, selon cette hypothèse, que la phase introductive de la suivante qualifiée apud iudicem. Sur ce point les auteurs anciens nous ont eux-mêmes induits en erreur (Cicéron, De rép., II, 38, V, 3 ; Pomponius, D., I, 2, 2, 1 ; Dion Hal. X, 1 ; Tit., I, 41, 5 etc.). L. Wenger dans Wandlungen im römischen Zivilprozessrecht, article paru dans l’ouvrage : Habhandlungen zur Antiken Rechtgeschichte, Festschrift für G. Hanausek, 1965, p. 7 ss. ouvre la voie à cette théorie qui voit dans tout procès une instance fixée en amont par la personne royale ou son successeur puis qui sera jugée par les iudicia regia introduits jadis par Servius Tullius (…). Non seulement existe un fort risque d’anachronisme mais s’y ajoute l’erreur de transposer en une époque trop différente de la nôtre des pratiques judiciaires inconnues en ces temps. Sommes-nous, en définitive, comme l’affirme M. Humbert en présence « d’un examen sommaire du litige »… pouvant conduire à denegare actionem (Institut. polit. et soc. de l’Ant. Dalloz, 6e éd., p. 350). J. Gaudemet abonde un peu dans ce sens lorsqu’il déclare que « c’est lui [le magistrat] qui organise le procès, qui nomme le juge, qui permet à l’instance de se poursuivre… » (Instit. Ant., Sirey, 1982, p. 606 ss). Des vues neuves et pénétrantes ont été exposées sur le procès archaïque par B. Biondi, Appunti intorno alla sentenza nell processo civile romano, Milano, 1930), W. Selb, in Römisches Recht, Berlin-Heidelberg, 1987, 506 ss. et M. Horvat penchent plutôt pour l’existence de deux phases distinctes : celle du droit (de la Cité), celle des faits et des preuves (Deux phases du procès romain, spéc. p. 165).
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[7]
Voir en ce sens la vieille étude toujours aussi prégnante de Ph. Meylan, L’effet extinctif de la litis contestatio, dans Mélanges Georges Cornil, II, 1926, p. 81-110.
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[8]
La généralisation du receptum arbitrii est encore mal connue malgré l’étude de K.H. Ziegler, Das private Schieldsgericht im antiken römischen Recht, Münich, 1971 (cf. Édit de Julien, §§ 48-50).
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[9]
Institut., IV, 17a. Voir A. Magdelain, La loi à Rome - Histoire d’un concept, Les Belles Lettres éd., Paris, 1978, spéc. p. 46 : « le légalisme rigide de la jurisprudence classique ne correspond pas à la souplesse de la pratique républicaine ». Même idée chez Fr. Schulz, Storia della giurisprudenza romana, ed. Senzoni, Firenze, 1968, p. 144 : Dopo la lex Aebutia, le forme arcaiche della L.A. vennero gradualmente sostuite da formulae più flessibili… (Prinzipien… 2). Giodice-Sanatelli (V.), Gli iura populi Romani nelle Istituzioni di Gaio, Bari, Laterza, 1996.
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[10]
Selon Paoli, Gaius est le seul jurisconsulte classique à énoncer clairement la célèbre distinction entre le iudicium quod imperio continetur et le iudicium legitimum de l’ordo des instances privées. L’Anonyme de la glose d’Autun parlera encore plus directement de iudicium imperiale.
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[11]
i.e. : probablement par la constitutio Antoniniana de ciuitate danda de 212 (Pap. Giessen, 40).
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[12]
On appelle le juge unique à Rome iudex ou arbiter lequel n’est pas un arbitre au sens actuel du mot mais un simple juge chargé de la répartition (en ce sens, J.-Ph. Levy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, 1re éd. Dalloz, 2002, p. 12 : « Ce juge est un simple particulier, on a pu le comparer à un juré ou même à un arbitre. Simple particulier, il faut entendre par là que ce n’est pas un magistrat élu par le peuple et qu’il ne reste pas en fonction de manière permanente, ne fut-ce que pendant un an. Il est pris pour une seule affaire et, s’il lui arrive éventuellement d’être désigné pour une deuxième affaire plus tard, ce sera pas une décision distincte ».
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[13]
Sur la notion de praeiudicium ou sorte de « question préjudicielle » dégagée de l’agere per sponsionem : Pissard, Les questions préjudicielles, th. Paris, 1907, p. 201 ss. Exemple de formula praeiudicialis dans F. Schulz, Classical Roman Law… 1951, n° 89 (en matière notamment de liberté).
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[14]
Cf. Ep. VII 15, 2 : Nam et rei publicae suae negotia curare et desciptare inter amicos laude dignissimum est… W. Kunkel, Das Konsilium im Hausgericht, Zeitschrift der Savigny-Stiftung, f. Rechgesch., LXXXIII, 1966, p. 216-251. Le cubiculum est le lieu opportunément admis jadis pour régler les affaires privées (comp. Pan. VIII, 3).
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[15]
Arangio-Ruiz, Il processo di Giusta, in Parola del passato, Naples, fasc. VII, 1948, 145 ss - fasc. XVII, 1951, p. 120-122.
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[16]
Arangio-Ruiz, Nuove Osservazioni sul processo di Giusta, Parola del Passato, 1951, fasc. XVII, p. 116-124 ; A.-J. Boye, Pro Petronia Iusta, D.A. & S.J., Mélanges H. Lévy-Bruhl, Sirey, 1959, p. 29 ss.
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[17]
Sur la question des preuves et des arguments présentés au procès (plus précisément in iudicio E. Levy et M. Kaser voient l’indice de la liberté pour les parties de produire des témoignages à l’appui de leurs prétentions respectives, en droit classique. Il n’y avait aucune disposition définissant « le poids de la preuve » à l’instar de notre article 1353 du Code civil. Tout au plus, comme G. Pugliese peut-on admettre volontiers que les testimonia « réciproques » constituent la preuve de l’existence du principe contradictoire en droit formulaire. Voir E. Levy, Die Beweislast u. Klass. R., Iura II, 1952, p. 155 ss et M. Kaser, Beweislast u. Vermutung i. röm. Formularprozess, Zeit. fur Sav. Stift. 71, Münich, 1954, p. 221 ss. On renverra concernant le régime de la liberté de la preuve à l’ancienne mais pénétrante étude de G. Pugliese, L’onere della prova nella procedura per formulas, R.I.D. A. III, 1956, p. 348 ss.
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[18]
L. XXX, (= Dig., De test. tutel.) : Duo sunt Titii, pater et filius ; datus est tutor Titius, nec apparet de quo sensit testator ; quaero quid sit iuris ? Respondit, is datus est, quem dare se testator sensit. Si di non apparet, non ius deficit, sed probatio. »
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[19]
Cf. Ep. V, 9 : 21 et 4. Sur les justes honoraires dus aux représentants des plaideurs : A. Bernard, La rémunération des professions libérales en dr. rom. class., p. 94. Ulpien au D.L., 13, I, 10 reproduit d’ailleurs dans une lettre un rescrit de Septime Sévère et de Caracalla ordonnant de ne répéter que ce qui a dépassé ce qui est légitimement admis. Plus récemment : J.A. Crook, Legal advocacy in the Roman World, Londres, 1995.
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[20]
Pro Fonteio, XI, 25.
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[21]
Sur la question voir Callistrate, L. III, 3 (Dig., De test.) : le nombre n’est jamais pour les jurisconsultes à Rome qu’un élément d’appréciation parmi d’autres. Ainsi « Alias numerus testium, alias dignitas et auctoritas, alias uelut consentiens fama confirmat rei, de qua queritur, fidem ». Pline laisse s’échapper cette pensée dans l’une de ses Epîtres : « (II, 12 : 5) Sed hoc pluribus uisum est. Numerantur enim sententia, non poderantur... Nam, cum sit impar prudentia, par omnium ius est ». En ce sens, D.-A. Mignot, Pline le Jeune, le juriste témoin de son temps d’après sa correspondance, préface A. Leca, P.U. Aix-Marseille, spéc. p. 309.
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[22]
En ce sens, Aulu-Gelle, N. A. XIV, 2, 21 et 26. En fait on sait que Caton l’Ancien, mort en 149 avant notre ère rapportait que, selon une tradition ancestrale, lorsqu’il n’y avait pas de témoin ou que les deux plaideurs étaient de moralité douteuse il convenait de faire droit au défendeur (reus). En cas contraire, lorsque l’une des parties était plus honnête que l’autre, il convenait de préférer ses allégations. C’est en vertu de cette jurisprudence « catonienne » qu’Aulu-Gelle se détermine en N. A. XIV 2 et se tire de l’embarras…
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[23]
Selon P. van Warmelo (Le rescrit de Marc-Aurèle, Sirey, 1959, p. 339) « il est connu que dans la procédure extraordinaire quelques usances de la procédure formulaire furent conservées pendant bien longtemps ». Le juge a ainsi des pouvoirs accrus en matière de compensation ou d’inclusion d’une exception de dol dans le cadre de l’actio iudicati : en ce cas, dit cet auteur, « le iudicium stricti iuris aura les conséquences d’un iudicium bonae fidei ».
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[24]
Cf. G. Bigot, « Réparation » in D. Alland, S. Rials (sous dir.), Dictionnaire de culture juridique, Paris, 2003, p. 1331-1335.
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[25]
Voir notre étude sur Droit équité et humanisme d’après la Correspondance de Pline le Jeune, R.H.D.F.E., vol. 66, Sirey, 1988, spéc. p. 597-599, Epp. III 16 : 2 ; IV 10 : 1 ; VIII 16 etc. (rapproché de Quintilien, Instit. Orat., VII : 6). Plus récemment notre étude sur Pline et l’autonomie de la volonté, REA, Bordeaux, t. 109, fasc. 2, déc. 2007 (querela inofficiosi testamenti).
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[26]
Cf. Ep. VII, 15 : 2 Nam et rei publicae suae negotia curare et disceptare inter amicos laude dignissimum est (application intéressante de l’idée de citoyenneté). W. Kunkel, Das Konsilium im Hausgericht, Z.S.S., LXXXIII, 1966, p. 216-251 : le cubiculum est le lieu opportun pour règler les affaires privées, comp. avec Pan. VIII, 3.
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[27]
À l’évidence, Népos paraît être praetor urbanus – le grand préteur de la Ville – mais on ignore presque tout de lui hormis qu’il fut préteur vers 105-106 de notre ère. Son nom reste attaché à tout le moins à un effort de restauration des règles anciennes voire ancestrales et surtout déontologiques qui doivent être observées dans le cadre de la vie judiciaire puisqu’il rappelle fréquemment à l’ordre juges et avocats sous peine d’éventuelles poursuites devant la juridiction compétente.
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[28]
A. Schiavone, Giuristi et Nobili nelle Roma Republicana. Il secolo de la Rivoluzione scientifica nel pensiero giuridico antica, Roma-Bari, Laterza, 1987.
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[29]
En ce sens le passage V 1 : 9 : Conueniumus in eadem Condordiae… ».
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[30]
Gelle, N.A., XIV, 2 ; Paul mentionne le même « serment » qui semble plutôt être une déclaration individuelle car elle n’épouse pas les traits d’une formule judiciaire : sibi non liquere dans son De re iudic., (D. L. XXXVI et XLII, 6). Cicéron, Pro Caec., XXXIII, 97, pour les juges des causes centumvirales.
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[31]
Les iudicia legitima fixent les pouvoirs du juge pour une durée de 18 mois ; dans les iudicia imperio continentia le iussum iudicandi du juge disparaît au terme du mandat du magistrat qui a lui-même fixé la mission du juge. Voir en ce sens, Fragment d’Autun, 100.
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[32]
La vérification de certains faits sont ordonnées en matière de bornage (Dig., L. VIII, 1 : fin reg.) où le juge doit envoyer des experts-arpenteurs (mensores) ; contrôler le congé d’un militaire en congé de maladie, rescrit de Gordien, L. VI au C.J., De re milit. ; vérification de grossesse d’une veuve ou d’une épouse divorcée Ulpien au Dig., L. I, 10, De insp. ventr.) ; présence de jardiniers experts à Constantinople (Nov. LXIV) etc.
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[33]
Cf. L. VII, 2 (Dig., De testibus).
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[34]
L’art. 342 du C.I.C. reprend avec vigueur l’esprit du rescrit d’Hadrien lorsqu’il dispose en substance : « La loi ne leur (les jurés) dit point : Vous tiendrez pour vrai tout fait attesté par tel ou tel nombre de témoins ; elle ne leur dit pas non plus : Vous ne regarderez pas comme suffisamment établie toute preuve qui ne sera pas formée de tel procès-verbal, de telles pièces, de tant de témoins ou de tant d’indices ; elle ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs : Avez-vous une intime conviction ? ».
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[35]
Cf. Actio aduersus iudicem... in Nuovo dizionario giuridico romano cité plus haut : « In origine, essa era esercitabile contro il giudice che si fosse appropriato di una res controversa, cioè oggetto di un giudizio ». Une antique disposition de la Loi des XII T., IX, 3 aurait puni le crime du juge qui pecuniam accepisse (Aulu-Gelle, N.A., XX, 1, 7). L’incrimination vise peut-être une corruption par des xenia et autres dons et marque sans doute une certaine influence du droit grec.
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[36]
J.-Ph. Levy et A. Castaldo, Histoire du droit civil, préc. p. 900.
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[37]
Il convient aussitôt de préciser que selon E. Cuq : « l’action pénale étant donnée pour punir le délinquant, et non pour indemniser la victime, peut se cumuler avec l’action en réparation du préjudice » (Manuel, p. 556), mais il y a difficultés pour certains cas de damnum (R. Monier, Manuel, II, p. 68). Dans le C.J. on note en définitive l’existence de quatre cas précis d’obligations nées quasi ex delicto dont celui du juge qui a rendu sa sentence de mauvaise foi ou a manqué à ses devoirs de réserve et de désintéressement. Voir A.E. Giffard et R. Villers, Droit romain et ancien droit français, Dalloz, 4e éd., p. 268.
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[38]
Cf. Dig. XLIV, 7, 5,4 (Voir Institutes, IV, 5) : « Lorsqu’un juge s’est mis en situation de subir un procès, on ne le considère pas à proprement parler comme tenu d’un délit, mais parce qu’il n’est pas non plus tenu en vertu d’un contrat, et que néanmoins on peut retenir une faute d’imprudence à son encontre, on considère qu’il est tenu en vertu d’un quasi-délit ». Les compilateurs du VIe s. se sont inspirés à l’évidence d’un passage interpolé de Gaius pour arriver au chiffre fatidique de quatre (R. Villers, ouvr. préc., p. 268, n. 1). Sur les quasi-délits : J.-F. Bregi, Droit romain, les obligations, coll. Ellipses 2006, p. 95-96.
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[39]
C. Bonnier, Traité des Preuves… Paris, s.d., citant M. Mittermaier, à propos des coutumes germaniques en matière criminelle (Miroir de Saxe et Miroir de Souabe).
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[40]
Droit romain : les obligations préc., p. 243.
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[41]
En ce sens, J. Levy-Bruhl, Le très ancien procès romain, Stud. e docum. historiae et iuris, XVIII, 1952, p. 1-20. M. Hoorvat, art. préc., p. 165, n. 1 citant les travaux classiques de Junckers, R. Düll, R. Dekkers, M. Kaser et C. Gioffredi…
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[42]
Cicéron n’hésitait pas à affirmer dans son De re pub. (II, 36) qui [decemuiri] eum X Tabulas summa legum aequitate prudentiaque conscriptissent, in annum posterum Xuiros alios subrogauerunt... (37) qui duabus tabulis iniquarum legum additis... conubia haec illi ut ne plebei cum patribus essent, inhumanissima lege sanxerunt. Aulu-Gelle n’ajoute-t-il pas « que la nature [des choses] consiste à engager sa foi avec l’intention de tromper la confiance dolo malo de celui avec qui l’on traite » (N.A., VII, 2) ; Plaute, Aulularia, II, 1, v. 173 ; Amphitruo I, 1, v. 113). Le pouvoir discrétionnaire du juge est également limité par la rédaction par les Prudents de formules adéquates selon Fr. Girard, La date de la loi Aebutia, Mélanges de dr. rom., 1929, p. 79 ss.