Devenir 2011/2 Vol. 23

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Article de revue

Intervenir auprès de parents en postadoption

Quelles sont les orientations suggérées par la théorie de l'attachement ?

Pages 161 à 192

Un avant-projet d’ateliers pour parents adoptants

1Cette réflexion s’inscrit dans le contexte de la création d’un centre alliant différents services autour de la parentalité (groupes de paroles, ateliers, coaching). Ces services s’adressent aux parents qui s’interrogent quant à leur démarche éducative.

2Plus spécifiquement, un volet « accompagnement des familles adoptives », en coordination avec « L’Envol-ASBL », s’adresse aux parents en postadoption. Une analyse préalable auprès de familles adoptives a mis en lumière que les repères d’éducation « classiquement » répandus ne suffisent pas à guider leur attitude. La recherche de professionnels qui comprennent cette problématique est un parcours d’obstacles épuisant pour toute la famille. « L’attitude de la société et de beaucoup de professionnels qui consiste à nier toute différence entre les familles biologiques et les familles adoptives n’aide aucun de ceux qui sont concernés, parce qu’elle fait peu de cas de sentiments légitimes. Elle nie d’une part la complexité et les fardeaux supplémentaires placés sur les épaules de la famille adoptive, et d’autre part, les sentiments des adoptés et des parents de naissance. » (Newton Verrier, 1993, p. 118).

3Les organismes d’adoption annoncent que des enfants de plus en plus âgés et présentant davantage de « particularités » sont proposés à l’adoption (Wauters, 2008). Les parents devront, encore plus qu’aujourd’hui, se constituer des repères solides et auront besoin de trouver des lieux de formation et d’accompagnement.

4Amener des parents adoptants à échanger en petits groupes et à se former durant la période de tissage du lien avec leur enfant semble une idée pertinente dans ce contexte. Ces rencontres leur permettront d’avoir davantage confiance en leur capacité de créer des liens affectifs solides avec leur enfant adopté et à affiner leur regard sur celui-ci pour mieux le comprendre. Au fil des ateliers, les parents seront invités à prendre en compte :

  1. Le vécu particulier de l’enfant adopté. Lemieux (2003, p. 11) introduit la notion de normalité adoptive : « Le vécu préadoption a donné aux enfants adoptés des “ options ”. Il ne s’agit pas d’un handicap, d’une “ tare ” ou d’un défaut de manufacture ! Il s’agit de sa valeur ajoutée ! Ces options donnent nécessairement des tâches supplémentaires aux enfants et à leurs parents tout au long de leur vie. » Il s’agira de regarder l’impact dans sa vie quotidienne, de l’abandon, des ruptures et des conditions de son adoption.
  2. La spécificité de la parentalité adoptive. Lemieux (2003, p. 11) crée le concept d’adopteparentalité© : « Ce qui cause le sentiment d’impuissance et d’incompétence chez les parents adoptifs, est souvent dû aux “ options ” de nos enfants. (…) Un parent qui ne veut pas voir ces options est un parent qui ne pourra devenir un “ tuteur de résilience ” de son enfant. Sans compassion pour le vécu antérieur à leur adoption, nous risquons de les victimiser à nouveau et de mettre en péril la relation d’attachement, de tendresse et de confiance parent-enfant (…) Faut-il encore que les parents puissent avoir accès à des connaissances scientifiques pertinentes pour pouvoir saisir la nature de ces fameuses options. Le grand défi est de démêler ce qui appartient au modèle de base, c’est-à-dire aux émotions, comportements et difficultés d’un enfant “ ordinaire ” de celle d’un enfant adopté avec option ». Le défi des parents n’est pas d’être parfait mais d’accompagner leur enfant adopté non pas sur la base de croyances mais bien avec des connaissances.
L’adoption a ceci de particulier qu’elle est « une situation de vie qui réalise de manière quasi expérimentale une rupture des liens de l’enfant avec ceux qui l’ont élevé jusque-là, et la création de nouveaux liens avec ceux qui l’adoptent et qui prennent la nouvelle responsabilité de l’élever » (Guédeney et Dubucq-Green, 2005). A ce titre, la théorie de l’attachement semble donner un cadre très pertinent. C’est pourquoi, l’avant-projet d’intervention a été révisé sous cet angle à partir de trois volets de questions de manière à aboutir à la définition d’un design original :
  1. Pour quoi ?
    Quelle est la finalité d’une intervention adressée aux parents d’un point de vue attachementiste ? Qu’apporte la sécurité de l’attachement ? En quoi le parent intervient-il dans la sécurité d’attachement ?
  2. Pour qui ?
    En quoi le système d’attachement de l’enfant adopté est-il particulier ? Quels seraient les défis du parent adoptant ?
  3. Comment ?
    Que disent les programmes qui soutiennent un attachement sécure ? Quels sont les objectifs poursuivis ? Quels repères méthodologiques ?

Pour quoi ?

Quelle est la finalité d’une intervention adressée aux parents adoptants du point de vue attachementiste ?

5Le point central des interventions basées sur l’attachement repose sur l’hypothèse qu’un attachement sécure est une base importante pour le développement futur, particulièrement le développement social (Juffer, Bakermans-Kranenburg et van IJzendoorn, 2008a).

6Berlin, Zeanah et Liberman (2008) rappellent que la théorie de l’attachement est à la base de la création de programmes soutenant les relations parents-enfants. Ils précisent que ces programmes sont fondés sur l’idée que l’attachement de l’enfant à son parent présente des différences individuelles et qu’un modèle de transmission du style d’attachement allant du parent vers l’enfant explique ces différences. Nous clarifierons au paragraphe 2 en quoi consistent ces différences individuelles quant à l’attachement. Les facteurs qui induisent ces différences de la part du parent seront ensuite décrits au paragraphe 3.

Qu’apporte la sécurité de l’attachement pour l’individu ?

Des différences individuelles dans les comportements d’attachement

7Selon la théorie de l’attachement, le nourrisson est biologiquement programmé pour utiliser ses parents comme havre de paix qui lui procure réconfort et sécurité lorsqu’il est en détresse et comme une base de sécurité pour explorer le monde (Ainstworth, Blehar, Waters et Wall, 1978, Bowlby, 1988). Dans la mesure où la personne qui le soigne, son caregiver, se comporte comme une « base de sécurité/havre de paix », l’enfant devient confiant en l’idée qu’une figure de soutien, protectrice, est accessible et disponible en cas de besoin. Il peut jouer et explorer librement. Quand il est en détresse, il tend à se tourner vers son caregiver pour être rassuré et il est apaisé relativement facilement. On dit qu’il a un style d’attachement sécure (Ainsworth, et al., 1978). Cet enfant aura tendance à considérer les autres comme fiables et compatissants, et lui-même comme digne de ce type d’attention (Egeland, 2009).

8Si le caregiver répond apparemment à la détresse de l’enfant en le rejetant, l’enfant a tendance à développer un attachement insécure évitant et à se détourner de sa figure d’attachement quand il se sent bouleversé. Quand le caregiver n’est pas disponible de manière cohérente et répond de manière inconsistante et imprévisible, l’enfant a tendance à développer un attachement insécure ambivalent-résistant et à manifester de la résistance et une recherche de proximité (Ainsworth, et al., 1978).

9Si le caregiver, effrayé par des traumatismes passés non résolus, paralysé par sa propre peur ou son impuissance, abdique de son rôle de caregiver et présente des comportements contradictoires, hostiles et sans aide pour la protection de l’enfant, ce dernier est face à un dilemme de « peur sans solution » où il se dirige vers le parent pour être rassuré et celui-ci l’effraie. L’absence de stratégie conduit à des comportements désorganisés. L’enfant développe ensuite des comportements contrôlants qui lui permettent de gérer un certain degré de sécurité (Main et Salomon, 1990 cité par Tyrell et Dozier, 1999, Main et Hesse, 1990 cité par Schofield et Beek, 2006, Benoit, 2009).

Impact du style d’attachement sur le développement de l’enfant

10La sécurité de l’attachement pendant la petite enfance constitue un facteur protecteur important pour l’individu qui est plus à même de fonctionner adéquatement, même dans l’adversité (Egeland, 2009). L’attachement insécure peut constituer « les fondations de perturbations dans les processus développementaux qui peuvent conduire à une psychopathologie » (Egeland et Carlson, 2004 cité par Prior et Glaser, 2006, p. 192). L’attachement désorganisé est un facteur de risque important et peut avoir des conséquences lourdes. « La majorité des enfants ayant vécu un attachement désorganisé envers leur figure principale d’attachement pendant la petite enfance continue à développer une inadaptation sociale et affective notable ainsi qu’une psychopathologie » (Benoit, 2009).

11L’ampleur de l’impact de l’attachement sur le développement est importante. Prior et Glaser (2006, p. 172) synthétisent les différents domaines de fonctionnement susceptibles d’être corrélés avec l’attachement.

  • Dans une vue étroite, l’attachement peut être corrélé avec la confiance et l’harmonie dans la relation avec le parent et les proches, la régulation des émotions, la confiance en soi (versus dépendance), le sentiment d’efficacité personnelle, l’intimité personnelle, les compétences interpersonnelles et sociales, les troubles développementaux basés sur la relation.
  • Dans une vue large, l’attachement peut être corrélé avec tout ce qui a été dit précédemment, ainsi qu’avec la sociabilité avec des adultes et des pairs non familiers, la compréhension et l’orientation vers les autres.
  • Dans une vue très large, l’attachement peut, en plus de ce qui a été dit, être corrélé avec la compétence langagière et cognitive, la compétence au jeu, la compétence exploratoire, le style de communication, et les autres résultats influencés par la confiance en soi et le fonctionnement du moi.

Quels sont les processus qui impliquent le parent dans la sécurité d’attachement de l’enfant ?

La sensibilité maternelle

12La sensibilité maternelle est un élément déterminant à l’origine des différences individuelles (Ainsworth et al., 1978). Celle-ci comprend quatre dimensions.

  1. La sensibilité aux signaux du bébé : la mère a conscience des signaux, les interprète avec exactitude, réagit de manière appropriée et rapidement.
  2. La coopération avec le comportement du bébé où la mère voit l’enfant comme une personne autonome, séparée, active, dont les souhaits ont leur propre valeur.
  3. L’acceptation où la mère accepte inconditionnellement son enfant, elle ne le considère pas comme opposant lorsqu’il montre des sentiments négatifs.
  4. La disponibilité physique ou émotionnelle où la mère tient compte des signaux et communications de son bébé malgré les distractions et ce qui attire son attention.

Mais la sensibilité maternelle n’explique pas toute la complexité de la transmission de la mère sur les styles d’attachement de l’enfant !

L’état d’esprit du parent à propos de l’attachement

13L’état d’esprit en ce qui concerne l’attachement, évalué au moyen de l’« Adult Attachment Interview » (AAI), correspond à la cohérence avec laquelle les adultes élaborent leurs réflexions, sentiments et souvenirs par rapport à leur propre expérience d’attachement (Kaplan et Main, 1996 et Main et Goldwyn, 2000 cités par Dozier et Sepulveda, 2004). L’état d’esprit du parent est l’élément prédictif le plus fort du style d’attachement de l’enfant (van IJzendoorn, 1995).

  • Les parents avec un état d’esprit autonome, c’est-à-dire qu’ils sont capables de rapporter des expériences positives ou négatives de leur enfance de manière cohérente, sont susceptibles d’avoir des enfants sécures.
  • Les parents avec un état d’esprit détaché ont tendance à idéaliser leur enfance ou à dévaloriser l’importance de relations d’attachement dans leur propre vie. Il est davantage possible qu’ils aient des enfants évitants.
  • Les parents à l’état d’esprit préoccupé, qui se montrent encore en colère ou passivement mêlés dans leurs relations passées, pourraient avoir des enfants résistants.
  • Les parents qui ont des questions non résolues concernant des pertes et des traumatismes sont dits avoir un état d’esprit non résolu et auront plus probablement des enfants avec des attachements désorganisés (Dozier et al., 2009).

Un « trou » dans la transmission ?

14La sensibilité parentale ne semble pas être le médiateur principal de l’impact de l’état d’esprit des parents sur le style d’attachement des enfants (van IJzendoorn, 1995). Mais alors, quels sont les processus qui jouent dans la transmission du style d’attachement ? Trois champs de recherche ont permis de cibler plus précisément les médiateurs de cette transmission (Berlin, Zeanah et Lieberman, 2008).

  1. Les conceptualisations des représentations des parents. Parmi les processus expliquant le lien entre l’état d’esprit des parents et le style d’attachement des enfants, ils citent :
    • le fonctionnement réflexif du parent qui renvoie à sa capacité à réfléchir sur sa propre expérience mentale interne ainsi que celle de son enfant (Slade, 2005, cité par Berlin, Zeanah et Lieberman, 2008) ;
    • l’insightfulnes ou intuition (Oppenheim et Koren-Karie, 2002 cité par Berlin, Zeanah et Lieberman, 2008) qui est décrit comme la capacité du parent à voir les choses du point de vue de l’enfant et qui inclut une appréciation des besoins émotionnels sous-jacents au comportement de l’enfant. Les enfants dont les mères ont manifesté un « Mind-Mindedness » approprié ou orientation mentale – une capacité de voir les choses du point de vue de l’enfant – durant une séance de jeu libre sont plus susceptibles d’être classés sécures (Meins, 2001 cité par Leblanc, Miljkovitch et Guédeney, 2009).
Ces concepts font référence à la façon dont le parent pense aux comportements et émotions de son enfant, à la façon dont il est sensible à ses signaux de détresse. C’est ce qui fait dire à Leblanc, Miljkovitch et Guédeney (2009) que « ces nouveaux construits théoriques laissent désormais entrevoir la sensibilité maternelle en termes de lecture des états mentaux de son enfant, et non simplement en termes de manifestations comportementales ». Le parent, qui exerce un caregiving sensible, va non seulement observer les changements d’attitude de l’enfant, mais aussi lui attribuer des états mentaux, et va les renvoyer à son enfant, par des mimiques, des gestes, des actes, des paroles, ou le jeu. C’est ce qui permet à l’enfant de développer progressivement ses propres capacités de mentalisation (Slade, 2005 cité par Tereno, Atger et Bekhechi, 2009).
  1. Les comportements de parentage non sensibles, plutôt que l’absence de sensibilité, parmi lesquels les communications affectives interrompues (Lyons-Ruth, Yellin, Melnick, Atwood, 2005) comme le retrait, les intrusions négatives, répliques conflictuelles, confusions des rôles.
  2. Les interactions gènes-environnement à partir des travaux de Belsky (2005) et Rutter (2006) cité par Berlin, Zeanah et Lieberman (2008) : une variation génétique peut être une source de prédisposition différentielle à « profiter » ou non d’influence comme un comportement de parentage.

Conclusion 1

Ce qu’apporte la théorie de l’attachement pour fonder la pertinence d’une intervention auprès de parents adoptants

15Le recours à la théorie de l’attachement fournit une argumentation solide à propos des finalités que poursuivraient les ateliers adressés aux parents adoptants.

  1. Soutenir la sécurité d’attachement afin de favoriser le développement de l’enfant, particulièrement les compétences interpersonnelles, la confiance en soi et dans les autres, la régulation des émotions, l’estime de soi.
    Compte-tenu de l’étendue de l’impact du style d’attachement sur le développement de l’enfant, de nombreux auteurs (par exemple Schofield et Beek, 2006, Berlin, Zeanah et Lieberman, 2008, Benoit, 2009, Egeland, 2009) insistent sur la nécessité de programmes d’aide. Le but est de favoriser un attachement sécure de l’enfant avec sa figure d’attachement, son parent, ou encore éviter un attachement désorganisé.
    Des interventions précoces se justifient dans la mesure où l’attachement est relativement sensible aux changements d’environnement dans les premières années de la vie. « Au fur et à mesure que l’enfant grandit, le mode devient de plus en plus une propriété de l’enfant, devient plus stable et plus résistant au changement » (Bowlby, 1969/1982, cité par Prior et Glaser, 2006 p. 38). Schofield et Beek (2006) précisent que les attachements antérieurs influencent ceux qui seront créés ensuite. Prior et Glaser (2006, p. 293) encouragent les interventions précoces pour les enfants au style désorganisé car « l’attachement désorganisé et sa transformation en comportement contrôlant semblent être résistant au changement ».
  2. Sensibilité maternelle et/ou état d’esprit des parents quant à l’attachement ?
    La sécurité d’attachement de l’enfant est conditionnée par différents facteurs dont la sensibilité maternelle et un état d’esprit autonome de la mère. Schofield et Beek (2006, p. 156), se fondant sur la notion de logique circulaire de la communication, montrent combien l’état d’esprit et le comportement de l’enfant se forment dans l’esprit du caregiver. La façon avec laquelle le caregiver pense et ressent les comportements de l’enfant déterminera ses propres comportements de parentage qui véhiculeront certains messages à l’enfant. Les pensées et sentiments de l’enfant seront affectés par ces messages qui influenceront à leur tour les comportements de l’enfant et son développement. Permettre au parent de prendre conscience de ce « cercle de parentage » et lui donner les « clés de compréhension » pour qu’il modifie son évaluation des comportements de l’enfant peut modifier profondément sa sensibilité parentale.
    Dans quelle mesure est-il préférable de travailler davantage la sensibilité maternelle ou l’état d’esprit du parent ? Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn et Juffer (2005), dans une méta-analyse focalisée sur la prévention de l’attachement désorganisé (2005) et ensuite une autre méta-analyse visant à formuler les bonnes pratiques à propos des interventions basées sur l’attachement (2008), dégagent l’idée que les interventions centrées sur la promotion de la sensibilité parentale semblent plus efficaces pour modifier l’insécurité d’attachement de l’enfant. Ce point de vue diverge de celui d’Egeland (2009) : des interventions plus complètes et à plus long terme sont nécessaires pour les familles à risque élevé. Berlin, Zeanah et Liberman (2008), reprenant ces différentes analyses concluent que la question-clé est de définir « Ce qui fonctionne pour qui ? ».
  3. Le lien d’attachement n’est qu’un des aspects du lien affectif.
    L’avant-projet précise que « les ateliers visent à soutenir la confiance des parents dans leur capacité à créer des liens affectifs solides avec leur enfant adopté et à affiner leur regard sur celui-ci pour mieux le comprendre ».
    Un lien affectif est « un lien durable avec un partenaire qui prend une importance particulière du fait qu’il devient unique et non interchangeable » (Ainsworth, 1991, cité par Guédeney et Lamas, 2009). En ce sens, l’objectif des ateliers est adéquat mais insuffisant. Il s’agira, pour le parent, de se donner les moyens pour que ce lien affectif fournisse une base sécure à l’enfant. Ni fort, ni solide, ni bon, mais d’une qualité telle que l’enfant peut considérer son parent comme une base sécure et un havre de paix. L’objectif général de l’atelier pourrait être formulé de la façon suivante :
    « Les ateliers ont pour ambition d’aider le parent à :
    • choisir des comportements qui offrent une base sécure et un havre de paix à son enfant ;
    • prendre conscience de ce qui ferait obstacle à ces comportements, particulièrement ses propres expériences d’attachement durant l’enfance ».
Les objectifs ainsi formulés sont-il adéquats pour les familles adoptantes ? La partie suivante se concentre sur le public-cible des interventions. Il envisage dans quelle mesure le vécu de l’enfant adopté et du parent adoptant influe sur le processus de construction des styles d’attachement de l’enfant.

Pour qui ?

Quels sont les défis d’attachement spécifiques de l’enfant adopté ?

16Van IJzendoorn et Juffer (2006) soulignent les capacités de récupération des enfants après l’adoption. Celles-ci sont toutefois incomplètes en ce qui concerne l’attachement : si le taux d’enfants insécures et/ou désorganisés est plus important parmi les enfants adoptés que chez les non-adoptés, il y a chez les enfants adoptés beaucoup moins d’attachements désorganisés et plus de sécures que chez les enfants dans les orphelinats.

17Les situations des enfants adoptés sont diverses. Parcourir l’histoire d’attachement de l’enfant donne la mesure de leurs défis d’attachement même si elle n’explique pas à elle seule toutes les difficultés observées chez les enfants adoptés. La vulnérabilité de l’enfant peut être induite par des facteurs de risque associés à l’abandon de l’enfant (prématurité, maladie familiale somatique ou psychiatrique, pathologies maternelles pendant la grossesse, etc.) et aux conditions culturelles qui entourent les enfants abandonnés dans le pays (Guedeney et Dugravier, 2010). Dozier et Rutter (2008) ajoutent les situations de négligence et d’abus induisant des réactions physiologiques et comportementales.

Expérience d’une rupture avec son caregiver primaire

18Le lien d’attachement entre la mère et le bébé se développe durant la grossesse, s’intensifie à la naissance pour continuer toujours (par exemple, Dozier et Rutter, 2008). L’expérience de la perte de ce lien jouera sur les attachements suivants. A chaque fois que le comportement d’attachement est activé, il peut revivre des processus de deuil et de chagrin (Tyrrell et Dozier, 1999). Pour Cummings et Cicchetti (1990, cités par Tyrrell et Dozier, 1999), « les enfants vont probablement intérioriser ces séparations comme signifiant qu’ils ne méritent pas d’être aimés ».

Effet du placement en institution

19Les parents d’accueil rapportent un nombre plus élevé de difficultés d’attachement pour leurs enfants placés que les mères biologiques n’en signalent pour leurs enfants naturels, comme par exemple évitement des caregiver, résistance envers les caregiver, incapacité d’être calmé, rejet du contact physique (Tyrell et Dozier, 1999). Schofield et Beek (2006) ajoutent, entre autres, l’agression, l’hyperactivité, une pauvre estime de soi.Dozier et Rutter (2008) soulignent particulièrement la sociabilité indiscriminée et les attachements désinhibés.

20Ces comportements seraient dus au fait que a) l’enfant a vécu des séparations avec le caregiver primaire ; b) il a appris, dans le contexte institutionnel, que son caregiver est peu disponible, peu accessible et enfin c) la plupart des enfants placés ont connu des antécédents de soins problématiques – maltraitance, maladie mentale du caregiver, abandon – (Tyrell et Dozier, 1999). Une étude récente a mis en lumière l’impact de la qualité des contextes institutionnels sur les représentations d’attachement des enfants (Roman et Palacios, 2009, cité par Ongari et Tomasi, 2010).

La question de l’âge de l’adoption

21Pour les adoptions dites précoces (avant douze mois) où les enfants n’ont pas encore constitué de système d’attachement proprement dit, ce sont les parents adoptifs qui seront les premières figures d’attachement (Guedeney et Dugravier, 2010). A partir de là, la durée de soins inadéquats influence davantage la capacité à organiser des comportements d’attachement que le moment de l’arrivée dans la famille (Dozier, et al., 2001 ; Dozier, et al., 2009).

Le défi de former de nouveaux attachements

22Dans quelle mesure l’enfant a-t-il été préparé à son adoption ? En fonction de ce que l’enfant vit et comprend de cette nouvelle expérience, « l’adoption peut, à court terme, signifier pour lui tout autant une rencontre extraordinaire qu’une expérience de perte de tous ses repères » (Guedeney et Dubucq-Green, 2005). Pour l’enfant, se retrouver dans un environnement inconnu avec des inconnus peut être une situation très stressante qui va exacerber son système d’attachement. Il est possible qu’il reproduise les stratégies qu’il a développées précédemment, qu’il transfère les attentes négatives qu’il aurait vécues antérieurement sur ses nouveaux caregiver ou encore qu’il préfère être responsable d’un échec de la relation plutôt que subir une nouvelle rupture avec un caregiver (Dozier et Rutter, 2008 ; Schofield et Beek, 2006).

Apprendre la signification d’une famille

23Les enfants avec une histoire d’attachements difficiles ont une représentation différente du fonctionnement d’une famille que leurs parents. Ces enfants vont devoir découvrir la signification concrète de la permanence, du pouvoir, du partage et de l’attention donnée au travers des petits gestes de la vie quotidienne (Gray, 2002).

Et, donc, en bref…

24« Il n’y a pas a priori de niveau bas de risque en adoption internationale tardive » (Guédeney, 2010). Avant d’arriver dans sa famille, l’enfant adopté a développé, durant son histoire d’attachement, des stratégies qui correspondaient à sa réalité mais qui ne s’avèrent plus adaptées dans la plupart des relations ultérieures. Compte tenu du rattrapage incomplet de la sécurité d’attachement, il est d’une importance cruciale de soutenir les parents adoptifs à relever le défi de développer un lien d’attachement avec leur enfant adopté qui, dans un premier temps, peut se montrer trop amical vis-à-vis de toute personne ou rejetant le contact que les parents adoptifs cherchent à établir avec impatience (van IJzendoorn et Juffer, 2006).

Quels sont les défis de caregiving du parent adoptant ?

Se constituer un système de caregiving qui procure une base sécure

Premier défi : activer le système de caregiving

25Même si les humains sont moins sous l’influence du contrôle hormonal que les autres espèces, il est important de se rappeler que l’adoption se réalise sans la « préparation biologique naturelle » qui accompagne le fait de devenir parent dans les situations habituelles (Dozier et Rutter, 2008).

26Guedeney et Dubucq-Green (2005) soulignent les « défis d’attachement » du parent adoptant.

  • « Plus l’enfant est grand, plus les stimuli déclenchant le système de caregiving risquent d’être affaiblis, surtout si l’enfant a appris à ne pas montrer son stress et sa vulnérabilité. (…)
  • L’absence de conditions favorisant la transition à la parentalité gêne le plein épanouissement du caregiving.
  • Les facteurs contextuels (conditions de la première rencontre, conditions du voyage d’adoption difficile, tracasseries administratives, (…) ne fournissent pas la sécurité nécessaire pour des conditions de rencontre optimale. ».

Prendre conscience de sa propre histoire d’attachement

27Dozier et al. (2001) ont comparé des dyades mères-enfants biologiques à des dyades mères d’accueil-enfants placés âgés de douze à vingt-quatre mois. Contrairement à leurs attentes, les chercheurs ont observé que l’attachement des enfants était prédit par les caractéristiques du caregiver, quel que soit le moment où les enfants étaient placés en famille d’accueil. Les parents avec un état d’esprit « détaché » ou « préoccupé », ont des enfants, non pas avec des attachements évitants ou résistants comme on pourrait l’attendre mais, pour une grande partie, avec des attachements désorganisés. Les enfants qui ont connu l’adversité précoce sont incapables d’organiser leurs attachements à moins d’avoir des soins affectueux comme les donnerait une mère autonome.

28Les résultats à l’AII (Adult Attachment Interview) de mères adoptives ont été comparés aux représentations de leurs enfants âgés de six ans en moyenne (Steele, et al., 2007). Les auteurs concluent que l’état d’esprit de l’adoptant en ce qui concerne l’attachement influence significativement l’enfant malgré son passé difficile. Plus préoccupants encore : « tant les parents que les enfants non résolus sont vulnérables. Quand la vulnérabilité des enfants rencontre celle de parents non résolus, la vulnérabilité des deux est renforcée. » (Steele et Steele, 2003 cité par Prior et Glaser, 2006, p. 281). Les pertes et deuils potentiels non résolus liés au vécu de l’enfance, ou à la construction d’une famille, la potentielle infertilité aux réalités de la nouvelle famille,… peuvent être réveillés face aux deuils vécus par l’enfant. Le parent, pris par la réminiscence de ce deuil, ne peut plus activer son système de caregiving (Gray, 2002).

29L’adversité précoce a été associée, pour l’enfant, à un taux atypique de cortisol, une hormone libérée en présence de stresseurs. Les interventions orientées vers le caregiver peuvent aider à normaliser la production de cortisol. Le caregiver serait comme une « extension du système de régulation du bébé, dont les actions servent de tampon ou de protection pour le bébé contre les effets potentiellement délétères des stresseurs externes » (Fisher, et al., 2006).

30Relever les différentes crises naturelles liées à l’arrivée de l’enfant nécessite chez les parents des « capacités relationnelles réparatrices ». « C’est surtout la capacité parentale à tolérer et à être en empathie avec le “ non-savoir ” relatif à l’histoire tant sociale qu’intérieure de l’enfant, qui apparaît comme l’une des compétences émotionnelles fondamentales des parents adoptifs, aussi bien que leur renoncement à attendre pour eux-mêmes de la reconnaissance » (Ongari et Tomasi, 2010).

31Faut-il modifier l’état d’esprit du parent adoptant insécure ? « On s’attend à ce qu’il faille une période de temps plus longue et les tentatives n’ont généralement pas été très réussies (par exemple Korfmacher, et al., 1997). Nous avons plutôt choisi d’aider les parents d’accueil à prendre conscience de leurs propres difficultés qui interféraient avec leur apport de soins chaleureux et à surmonter ces difficultés » (Dozier, et al., 2009).

Constituer une alliance de caregiving sécure

32Kobak et Mandelbaum (2003, cité par Tereno, 2010) soulignent l’importance d’une alliance de caregiving où les partenaires peuvent s’aider l’un l’autre et enrichir de leurs perspectives mutuelles leur compréhension de l’enfant. En situation de stress, l’alliance de caregiving peut aider les partenaires à améliorer leurs capacités à contrôler la situation, permet d’établir un « dialogue réflexif parental » de meilleure qualité et de réparer le manque de disponibilité d’un parent.

Gérer la transition entre l’orphelinat et la vie de famille

33Lemieux (2003) décrit, sous le vocable CAASÉ, un processus en cinq étapes allant des premières heures jusqu’à la fin de la première année environ : 1. le Choc, 2. l’Adaptation, 3. l’Apprivoisement, 4. le Sevrage, 5. l’Equilibre. Pour l’enfant, le fait d’arriver dans sa nouvelle famille est un défi de taille (voir chapitres précédents). Afin de sortir du « mythe de l’instant magique » et préparer les parents à cette transition, Chambers (2005, p. 1263) présente aux parents en partance vers leur nouvel enfant, des repères pour agir de manière sensible dès le tout début.

Réagir avec sensibilité face aux difficultés d’attachement de son enfant

34De manière étonnante, l’enfant et non pas le parent « mène » l’interaction : quand les enfants se comportent de façon évitante, les parents réagissent comme si ceux-ci n’avaient pas besoin d’eux. Quand les enfants se comportent de façon résistante, les parents répondent d’une façon compliquée, irritable. Le parent a du mal à apporter de la nourriture affective à l’enfant lorsque ce dernier a des comportements difficiles (Dozier, et al., 2009). Les programmes d’aide auprès de parents en postadoption doivent permettre aux parents de décoder les besoins de leur enfant, alors que ce dernier les montre de manière inadaptée. Pour comprendre ces comportements, les parents peuvent garder à l’esprit ces questions que leur enfant s’est posées précédemment et continue peut-être à se poser : « Suis-je aimable ? Vers qui puis-je me tourner ? Comment puis-je éviter d’être blessé ?» (Guédeney, 2010).

Et donc en bref, devenir non seulement un parent de substitution mais aussi thérapeutique

35Ongari et Tomasi (2010) soulignent la nécessité de « capacités relationnelles réparatrices » de la part des parents. Dans le même ordre d’idée, Dozier (2003) soutient que ce n’est pas suffisant pour un parent d’accueil de ressembler à un parent biologique en termes de connaissances et de compétences. Elle propose que le rôle du parent d’accueil est d’être un thérapeute en plus d’un caregiver de substitution. Elle ajoute qu’« il est essentiel que les parents d’accueil reçoivent une formation spécialisée qui leur enseigne les stratégies d’attachement problématiques des enfants ».

Conclusion 2

Ce qu’apporte la théorie de l’attachement pour comprendre les besoins des familles adoptantes

36

  1. La prise en compte des défis tant des enfants que des parents encourage à considérer également la dimension réactive et pas seulement préventive de l’accompagnement postadoptif.
    • Les interventions réactives sont celles qui « visent à minimiser ou inverser les dommages déjà établis. En termes d’attachement, le but serait de changer un attachement désorganisé en attachement organisé et un mode insécure en mode sécure » (Prior et Glaser, 2006, p. 251). L’opportunité de grandir dans une famille adoptive fournit une expérience nourrissante et réparatrice qui peut aider à rectifier l’impact de l’adversité précoce (Steele, et al., 2007). Van IJzendoorn et Juffer (2006) considèrent l’adoption comme une intervention visant une récupération en termes de croissance, d’attachement, de développement cognitif et d’estime de soi. Les supports des ateliers pourraient utilement aider le parent à se situer par rapport à cette récupération et aux progrès de l’enfant.
    • Les interventions préventives « s’adressent à des groupes vulnérables ou à haut risque, mais avant que les dommages soient survenus. En termes d’attachement, ceci voudrait dire que l’enfant va probablement former un attachement désorganisé à moins qu’il n’y ait un changement et une amélioration de la sensibilité du soignant » (Prior et Glaser, 2006, p. 251). Ce programme d’aide, le plus précoce possible, doit préparer les parents pour les premiers moments avec l’enfant et surtout les outiller dans les étapes d’adaptation et d’apprivoisement (Lemieux, 2003). Cela justifie une rencontre en préadoption.
      L’enfant a déjà emmagasiné des expériences avec ses diverses caregiver. Un enjeu important de ces premières étapes consiste à permettre à l’enfant d’accorder sa confiance à son parent malgré ce qu’il a déjà vécu. Il semble important que l’enfant interagisse avec eux de manière prioritaire, voire exclusive au début. La posture du professionnel est d’être aux côtés des parents, les laissant en relation avec l’enfant. Dans le contexte de l’adoption, le parent est le premier intervenant (Lemieux, 2003 ; Dozier, 2003 ; Schofield et Beek, 2006).
  2. Soutenir le parent pour qu’il soit une base sécure.
    Dans la ligne de la convention de La Haye, l’option de la priorité du bien de l’enfant et non celui du parent est indiscutable. Toutefois, pour que le parent puisse fournir un caregiving sensible à son enfant, il doit se sentir en sécurité, non menacé. Se former et changer comporte en soi sa part de déséquilibre et de stress. Créer de nouveaux liens avec son enfant, alors que celui-ci a des comportements difficiles, peut être stressant. C’est pourquoi, l’intervenant doit pouvoir fournir au parent une base sécure sérieuse, disponible, fiable et contenante (Schofield et Beek, 2006, p. 393).

Comment ?

Quelles sont les interventions modélisées et évaluées avec des familles adoptantes ?

37Les auteurs (Guédeney et Dugravier, 2010, Dozier et Rutter, 2008) relèvent quatre programmes qui ont été adaptés et évalués pour des familles adoptantes.

  1. Le « rattrapage biocomportemental » de l’équipe de Dozier.
  2. L’intervention par vidéo-feedback pour promouvoir un parentage positif (VIPP) de l’équipe de Leiden.
  3. Le « cercle de sécurité© » de Powell, Cooper, Hoffman et Marvin.
  4. « Identifier les comportements facilitant l’attachement » de Steele.

Le « rattrapage biocomportemental » de l’équipe de Mary Dozier

38Ce programme, créé pour les parents qui accueillent des enfants âgés de trois mois à trois ans, comprend dix visites hebdomadaires à domicile (Dozier, et al., 2009).

39Le programme entraîne les parents adoptant à assumer trois tâches thérapeutiques (Dozier, 2003, Dozier et Sepulveda, 2004, Dozier, et al., 2009).

  1. Le caregiver peut interpréter les indices de l’enfant et lui propose de l’affection même si celui-ci ne la demande pas. L’intervention aide le caregiver à
    • voir que l’enfant à besoin de lui, même s’il est indifférent ou le repousse, ce qui correspond à ses stratégies habituelles en situation de stress ;
    • évaluer ses besoins spécifiques en décodant son comportement malgré l’évitement ou l’indifférence ;
    • être thérapeutique dans sa réponse dans la mesure où le caregiver répond de manière contre-complémentaire c’est-à-dire chaleureuse en situation de stress.
  2. Le caregiver propose de l’affection même si cela ne lui vient pas spontanément.
    L’intervention aide le caregiver à :
    • réfléchir aux aspects de sa propre histoire qui peuvent l’empêcher de réagir avec sensibilité à son enfant ;
    • se comporter de façon rassurante, non effrayante, être sensibilisé aux effets de l’utilisation de menaces, apporter des contacts physiques.
  3. Le caregiver propose un environnement prévisible et sensible qui aide l’enfant à développer des capacités de régulation comportementale et biologique. L’intervention aide le caregiver à :
    • créer un monde que l’enfant ressent comme contrôlable ;
    • laisser l’enfant guider le parent autant que possible tant dans les jeux que dans les tâches quotidiennes, amener le caregiver à un confort avec les émotions négatives ;
    • agir comme une extension du système de régulation de l’enfant (être entre la menace et l’enfant, verbaliser, aider à gérer le stress).
Berlin, Zeanah et Lieberman (2008) rapportent les conclusions de l’évaluation à l’issue du programme.
  1. Soixante pour cent des enfants du programme deviennent attachés de manière sécure, taux rencontré dans beaucoup de populations à faible risque.
  2. Les enfants du programme présentent une production « normalisée » de cortisol.

Tableau I

Tableau comparatif des interventions adressées aux parents adoptifs dans une perspective attachementiste

Tableau I
Nom du programme Le rattrapage Le cercle de sécurité VIPP VIPP-R Identifier les comportements d’attachement (Powell, Cooper, Hoffman (Juffer, Backermans-Kranenburg, facilite l’attachement biocomportemental et Marvin, 2008) van Ijzendoorn, 2008) (Steele, 2007) (Dozier et al.) Public visé enfants Enfants en acceuil depuis au moins Bébés et enfants d’âge préscolaire Bébés entre 6 mois et 1 an Bébés entre 6 mois et 1 an Enfants qui viennent d’être 3 mois, âgés de moins de 3 ans adoptés, entre 4 et 8 ans, maltraités antérieurement Public visé parent Parents d’acceuil au départ, Au départ familles précarisées Différent public – 2 études avec Différent public – 2 études Parents qui viennent d’accueillir programme proposé aux familles avec des trauma, proposé aux parents adoptant avec parent adoptant un enfant en adoption qui adoptent familles qui adoptent Objectifs ciblés MIO du parent X La propre histoire du caregiver peut interférer avec le fait X (2e objectif) dont la musique Musique de requin X de fournir des soins nourrissants de requin La fonction réflexive du parent (qui fait aussi partie de X (3e objectif) la sensibilité maternelle quand il s’agit de penser aux besoins de l’enfant) Le comportement du parent – la sensibilité maternelle X X • agir avec un enfant qui rejette les soins X (1er objectif) Notion de signaux et non-signaux X • apprendre à aider l’enfant à réguler ses émotions X (3e objectif) X (4e objectif) • comprendre les besoins de relations de l’enfant Inclus dans le 1er objectif X (1er objectif) X • capacité d’observation et de déduction Inclus dans le 1er objectif X (2e objectif) X • l’empathie X (5e objectif) • repérer les comportements qui soutiennent X l’attachement dans la relation parent-enfant Les capacités « émotionelles » du parent • le confort du parent avec les émotions négatives de X X l’enfant • le partage des émotions X X Caractéristiques des intervenants • niveau pré-master X X • niveau master X (travailleuse sociale) X X • niveau pré-doctorat X X • niveau post-doc X X • « clinician » X • thérapeute hautement entraîné et expérimenté X Mode d’intervention • Less is better (Brackermans-Ackerman et al., 2003) 10 visites 20 séances 4 visites 4 visites 3 séances • séance à domicile Visites à domicile hebdomadaire Visites à domicile de 90 minutes Visites à domicile de 3 heures

Tableau comparatif des interventions adressées aux parents adoptifs dans une perspective attachementiste

L’intervention par vidéo-feedback pour promouvoir un parentage positif de l’équipe de Leiden (VIPP)

40Le VIPP consiste en quatre visites à domicile de 90 minutes pour les parents de bébés entre six mois et un an. Plusieurs versions existent : le VIPP est spécifiquement focalisé sur la sensibilité parentale alors que le VIPP-R est un programme plus intensif qui inclut également un travail sur les expériences d’attachement dans l’enfance du parent (séance de trois heures). L’essentiel du programme réside dans les trois séances de vidéo-feedback et l’utilisation d’une brochure personnalisée. Chacune des séances comporte un thème (Juffer, Backermans-Kranenberg et van IJzendoorn, 2008b, p. 15).

  1. Les comportements d’exploration et d’attachement où l’on montre la différence entre les comportements de recherche de proximité de l’enfant et recherche de jeux ainsi que les réponses différentes du parent.
  2. « En parlant pour l’enfant », mettant en évidence la perception précise des signaux de l’enfant dans son expression faciale et non verbale par la verbalisation.
  3. La chaîne de la sensibilité où l’on explique la pertinence d’une réponse rapide et adéquate aux signaux du bébé.
  4. Le partage des émotions.
    Les évaluations de ce programme ont mis en évidence que le groupe d’enfants, dont les parents ont participé au programme, avait un taux plus bas d’attachement désorganisé (Dozier et Rutter, 2008).

Le « Cercle de sécurité »© de Powell, Cooper, Hoffman et Marvin

41Ce programme de vingt séances hebdomadaires de 75 minutes s’adresse à des groupes de sept à huit parents de bébés et d’enfants en âge préscolaire. Une évaluation du style d’attachement de l’enfant (Strange situation filmée) et de l’état d’esprit du parent (Circle of security interview) permet de formuler des objectifs individualisés. Ensuite, le programme s’articule en trois étapes.

  • Durant six semaines, les parents analysent un premier set de vidéo et s’approprient le schéma élaboré par les auteurs et intitulé « cercle de la sécurité ».
  • Ensuite, ils découvrent un outil-clé à savoir la « musique de requin » qui correspond aux pensées que le parent peut avoir face aux comportements de son enfant et qui le renvoient à son histoire d’attachement. Ils analysent des extraits vidéo durant les six semaines suivantes afin de les identifier dans leur interaction avec l’enfant.
  • Durant les cinq dernières semaines, ils actent les changements opérés (Powell, et al., 2009).
L’évaluation de ce programme met en évidence une diminution de l’attachement désorganisé (et des attachements insécures en général) pour les enfants dont les parents ont participé aux séances (Berlin, Zeanah et Liberman, 2008).

« Identifier les comportements facilitant l’attachement » de Miriam Steele

42Cette intervention brève de trois séances s’adresse à des familles adoptives qui viennent d’adopter un enfant plus grand (entre quatre et huit ans) et qui a été maltraité dans sa vie antérieure. Durant la première séance, l’enfant réalise une épreuve d’histoires à compléter. Il est filmé avec ses parents lors d’une tâche de coconstruction. Les parents remplissent deux questionnaires à propos de leur mode de parentage. L’activité filmée est codée avec minutie et exploitée un mois plus tard lors d’un échange avec les parents, l’intervenant ainsi qu’une travailleuse sociale de l’enfant, donnant ainsi un regard complémentaire pour comprendre les comportements de l’enfant. Un mois plus tard encore, parents, travailleuse sociale et intervenant font le point sur les comportements de l’enfant et ses interactions avec les parents. Une seconde passation de questionnaires chez les parents permet de dégager les changements. (Steele, et al., 2007).

43L’évaluation met en évidence des modifications dans la perception des attitudes du parent quant à l’interaction avec son enfant et quant à son enfant lui-même (Prior et Glaser, 2006).

Les cinq « cercles de parentage » de Schofield et Beek

44Nous tenons à mentionner sans l’intégrer à notre analyse, l’intervention de Schoffeld et Beek (2006) pour laquelle nous ne disposons pas d’évaluation exhaustive mais qui présente l’intérêt d’être construite autour d’un modèle développemental, donnant des indications du nourrisson à l’âge adulte. Les parents sont invités à revisiter les comportements de leur enfant adopté via le schéma du « cercle de parentage » (voir conclusion 1) pour chacune des quatre dimensions de la sensibilité parentale (Ainsworth, 1978) et d’une dimension complémentaire. Les parents apprennent à interagir de manière sensible avec leur enfant même plus âgé. Ainsi, au travers des événements de la vie quotidienne, ils peuvent démontrer à leur enfant, explicitement ou implicitement, qu’ils sont dignes de confiance et fiables, physiquement et émotionnellement disponibles et sensibles à ses besoins (Schofield et Beek, 2006 p. 153). Les auteurs décrivent, pour chacun des « cercles de parentage », le point de vue de l’enfant ainsi que des pistes d’actions pour le parent et ce de manière développementale.

45Sous le vocable « la voix de l’enfant », les auteurs présentent une démarche d’« insightfulness ». Le fait d’éclairer le vécu de l’enfant via ces cinq dimensions permet au parent de formuler des hypothèses plus fines à propos des pensées, émotions, ressentis de son enfant. Le programme vise tant le niveau comportemental du parent et de l’enfant que la démarche réflexive du parent.

Quels sont les axes de travail à privilégier ?

46Les évaluations des programmes modélisés permettent de dégager des repères qui pourraient constituer un guide de « bonnes pratiques » à adresser au concepteur d’un programme pour des parents adoptants.

47Ces programmes sont « tous basés sur les mêmes principes : a) interventions précoces, dans les premières semaines ; b) brèves ; c) focalisées sur l’augmentation de la sensibilité des parents adoptifs aux signaux et aux besoins d’attachement ; d) avec utilisation de la vidéo et e) information grâce à différents supports » (Guédeney et Dugravier, 2010). Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn et Juffer (2008) ajoutent la pertinence de l’intervention de non-professionnels et un début du programme seulement à partir de six mois de vie. Berlin, Zeanah et Liberman (2008) font l’hypothèse que la réussite des programmes est surtout due à : a) l’utilisation de vidéo-feedback ; b) l’engagement des parents dans le programme et c) la qualité de relation entre parents et intervenants. Ainsi, les critères d’une intervention basée sur la théorie de l’attachement peuvent être organisés en quatre chapitres : les objectifs poursuivis, le dispositif de formation, les repères méthodologiques, les outils d’intervention.

Tableau II

Les cinq cercles de parentage de Scofield et Beek (2006)

Tableau II
Défis du parent Vers une nouvelle vision « La voix de l’enfant » du monde de l’enfant Etre disponible Avoir confiance Qu’est ce que je pense ? émotionnellement et physiquement Répondre de manière sensible Gérer ses émotions et Qu’est ce que je ressens ? à l’enfant comportements Accepter entièrement l’enfant Construire son estime de soi Qui suis-je ? Qui est ce que je veux devenir ? Prendre soin de manière Se sentir compétent Qu’est-ce que je peux faire ? coopérante Promouvoir l’adhésion comme Développer son sentiment A quel cercle est-ce que membre de la famille d’appartenance j’appartiens ?

Les cinq cercles de parentage de Scofield et Beek (2006)

Les objectifs poursuivis

Etat d’esprit ou sensibilité parentale ?

48Tout comme détaillé dans la première partie, la cible des interventions dépend très fort du public ciblé (Berlin, Zeanah et Liberman, 2008). En ce qui concerne les familles adoptantes, la comparaison des effets du VIPP et VIPP-R est instructive. Seuls ceux qui ont reçu le VIPP-R voient diminuer pour leur enfant le risque d’être insécure-désorganisé. Une autre recherche de la même équipe a mis en lumière que, parmi les parents adoptants sans enfants biologiques, seuls ceux qui ont participé au VIPP-R montrèrent une plus grande sensibilité maternelle et une proportion d’enfants attachés de manière sécure en comparaison du groupe contrôle. Parmi les parents avec des enfants biologiques, il y avait des effets positifs du VIPP-R sur la sensibilité maternelle mais pas sur l’attachement de l’enfant et des effets positifs à long terme sur les problèmes de comportement à sept ans. (Juffer, Van IJzendoorn et Backermans-Kranenburg, 2008c). Ces résultats font échos aux conclusions des travaux de Dozier et al. (2001) (voir 2.2.b). Les quatre programmes évalués comme efficaces pour les familles adoptantes ciblent la sensibilité parentale et intègrent un travail sur les expériences d’attachement dans l’enfance du parent. Trois programmes intègrent explicitement dans leurs objectifs les capacités « émotionnelles » du parent.

Le dispositif de formation

Intervention précoce

49Les défis des enfants et des parents nécessitent une sensibilisation des parents très précoce déjà en préadoption (Chambers, 2005). Pour le travail d’accompagnement postadoptif, il semble plus efficace quand l’enfant a au moins 6 mois de vie et que la qualité d’attachement a commencé à apparaître (Backermans-Kranenburg, van IJzendoorn et Juffer, 2008). Dans la pratique, les interventions s’adressent aux enfants de plus de 6 mois qui sont dans leur famille adoptive depuis au moins 6 mois.

Bilan préalable de l’état d’esprit et du style d’attachement

50L’intervention de Steele (2007) et la recherche-action de Ongari et Tomasi (2010) se basent sur une évaluation fine de l’état d’esprit du parent et du style d’attachement de l’enfant via des narratifs, nécessitant une formation spécifique. L’intervention consiste en un feedback de l’analyse qualitative des évaluations de manière à « aider à réfléchir sur leurs modalités relationnelles et sur leurs difficultés éventuelles de communication, en mettant en place si possible des stratégies réparatrices » (Ongari et Tomasi, 2010).

La prise en compte des différences individuelles

51Dozier et Sepulveda (2004) considèrent qu’une intervention auprès de parents, quoique codifiée, doit pouvoir s’adapter aux différences particulières de ceux-ci, et spécifiquement à l’état d’esprit du parent. En fonction de son état d’esprit quant à l’attachement, le parent aura à relever un défi différent dans l’accompagnement de l’enfant tout particulièrement dans l’interprétation des indices de l’enfant, le fait d’être affectueux même quand ce n’est pas spontané et de proposer un monde interpersonnel sensible. Il n’est pas indispensable de changer d’état d’esprit ; le but est de renforcer le fonctionnement des mères pour qu’elles puissent donner de l’affection comme les parents autonomes. Le dispositif des ateliers, même s’ils sont prévus comme un travail collectif, ne peut être monolithique. Le design d’intervention est envisagé comme un fil rouge général qui permet un travail différencié dans les ateliers. Au début du processus, un « bilan » permettra de formuler des objectifs spécifiques en fonction du type de parent.

Less or more is better ?

52La méta-analyse de Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn et Juffer (2008) met en lumière que les interventions de courte durée, très ciblées, sont au moins aussi efficaces que celles de plus longue durée pour renforcer la qualité d’attachement chez les bébés.

53Van IJzendoorn, Bakermans-Kranenburg, et Juffer (2005) justifient l’efficacité des programmes moins intensifs.

  1. Les objectifs à court-terme sont formulés de manière précise.
  2. Les capacités des intervenants concordent avec les exigences du programme.
  3. Les participants adhèrent relativement facilement au programme.

Visite à domicile ou pas ?

54La méta-anlayse de l’équipe de Leiden (Bakermans-Kranenburg, van IJzendoorn et Juffer, 2008) souligne que le lieu de l’intervention (à la maison plutôt qu’en clinique) n’a pas influencé l’efficacité.

Repères méthodologiques

L’engagement du parent dans le programme

55Clés de réussite pour Berlin, Zeanah et Lieberman (2008), il s’agit de réfléchir à ce qui, dans le dispositif d’intervention, fera appel à la participation du parent. Par exemple, le parent sera invité à expliciter ses observations d’une séance à l’autre, à faire le bilan des progrès, etc.

La qualité des relations intervenant-parent

56La relation du parent avec l’intervenant agit comme un moteur de changement thérapeutique (voir conclusion 2). L’intervenant peut aussi, par son attitude soutenante, montrer une certaine « façon de faire » qui offre de la sécurité (Berlin, Zenah et Lieberman, 2008). Se comporter de manière sécure, cela veut dire, pour l’intervenant, respecter les familles dans leur style propre (Schofield et Beek, 2006) ; s’adresser aux parents en donnant un sentiment de compétences et non de menaces, pointer ce qui fonctionne bien (Juffer, Van IJzendoorn et Backermans-Kranenburg, 2008c).

Utilisation du vidéo-feedback

57Cette méthode permet d’analyser finement les comportements, de faire un arrêt sur image, de verbaliser à la place du bébé. Prior et Glaser (2006, p. 253) argumentent : «La question n’est pas l’interaction mère-enfant mais l’interaction de la mère avec l’enfant. Une partie de ce travail nécessite donc la présence de l’enfant, alors que par exemple, le retour à la mère en utilisant la vidéo se fera avec la mère seule ».

Les outils de l’intervention

Le support informatif

58Berlin, Zenah et Lieberman (2008) précisent qu’il peut être très utile d’enseigner aux parents les bases de la théorie de l’attachement. Le programme du « cercle de sécurité » travaille à partir d’un schéma (Powell, et al., 2009). L’équipe hollandaise propose une brochure centrée sur le parentage sensible et « responsive » dans des situations de la vie de tous les jours (Juffer, Van IJzendoorn et Backermans-Kranenburg, 2008c). Le « rattrapage biocomportemental » de Dozier informe les parents sur les comportements difficiles des enfants aux histoires d’attachement compliquées (Dozier, et al., 2009).

Le journalier d’attachement et le livre personnalisé

59Le journalier d’attachement permet d’examiner le processus par lequel l’enfant forme un nouvel attachement avec son parent (Dozier, et al., 2001). Le parent y note, au jour le jour, des comportements du bébé quand il est en détresse et en présence de son principal caregiver. Une liste de repères permet de décrire le comportement de recherche d’aide de l’enfant, ses propres réactions et celle du bébé à son égard. Le parent raconte brièvement l’incident. (Dozier et al., 2009).

60Pour le VIPP, la brochure distribuée aux parents est rédigée au nom de l’enfant. Des questions ouvertes et fermées permettent de décrire le développement des interactions parent/enfants (Juffer, Backermans-Kranenburg et Van IJzendoorn, 2008b).

61Ces outils soutiennent le transfert du travail en séance vers les situations quotidiennes et permettent d’affiner les habiletés d’observation et la fonction réflexive.

Pour aider le parent à prendre conscience de ses représentations

62Des formulations telles que « la musique de requin » aident le parent à verbaliser sa « voix intérieure » lorsqu’il est face à un comportement de l’enfant, difficile à accepter. Je souligne ici l’intérêt du recours à des formulations imagées pour rendre des concepts théoriques accessibles au moment nécessaire à la maison.

Pour affiner la sensibilité parentale

63Il n’est pas toujours facile de se mettre à la place de l’enfant (insighfulness). Différents supports peuvent guider le parent à rejoindre le vécu de l’enfant :

  • « Speaking for the Child » (Juffer, Backermans-Kranenburg et Van IJzendoorn, 2008b).
  • « The Voice of the child » (Schofield et Beek, 2006, p. 354).

Conclusion 3

Ce qu’apporte la théorie de l’attachement pour le design général d’une intervention auprès de parents adoptants

64Se fondant sur les repères dégagés des programmes évalués, un design global d’une intervention pour parent adoptant pourrait être le suivant.

Objectif général

65Les ateliers ont pour ambition d’aider le parent à :

  • opter pour des comportements qui offrent une base sécure et un havre de paix à son enfant, en tenant compte de son vécu avant l’adoption et de sa lecture des événements ;
  • prendre conscience de ce qui ferait obstacle à ces comportements, particulièrement les propres expériences d’attachement du parent.

Public cible

66Les parents adoptants de jeunes enfants (de six mois à trois ans), alors qu’ils sont dans la phase d’accueil de leur enfant. Un module pour les enfants plus âgés devra être mis au point par la suite sur la base de l’expérience de Steele (2007) ainsi que de Schofield et Beek (2006).

Dispositif

67Les ateliers seront organisés en quatre temps :

  1. Dans la mesure où cela est possible, une rencontre préadoption permettra de jeter les bases d’une relation sécure entre l’intervenant et les parents ainsi que de baliser l’accompagnement postadoptif. Elle servira aussi à valider avec les parents leurs informations quant aux défis de leur futur enfant et à les « outiller » pour faciliter l’attachement dans la phase transitoire (Chambers, 2005).
  2. Dès que l’enfant peut vivre une présence complémentaire à sa cellule familiale, et le plus précocement possible, une première visite à domicile est prévue. Cette rencontre vise cinq buts.
    • Recueillir les impressions des parents sur l’arrivée de l’enfant dans la famille, ainsi que leurs questionnements.
    • Installer le cadre de la formation : motivations à participer, objectifs, calendrier des rencontres, accord de confidentialité de ce qui se dit en groupe ou avec le couple, présentation des outils comme le « journal d’attachement de votre enfant », la vidéo, le groupe.
    • Faire le bilan et formuler des objectifs pour chaque couple, permettant de débuter la dynamique différenciée.
    • Recueillir un enregistrement vidéo d’interactions entre l’enfant et ses parents pendant le jeu et lors d’une séparation (ou un moment de stress).
    • A partir d’interactions parent-enfant observées durant la réunion, sensibiliser les parents au cercle de la sécurité, aux comportements de recherche de proximité de l’enfant et de jeux ainsi que les réponses différentes du parent.
  3. Sont prévues ensuite trois rencontres en groupe de quatre à cinq couples où les parents travailleront leurs comportements de parentage. Un questionnement autour du « parenting cycle » mettra en lumière l’impact des expériences passées du parent sur sa traduction du présent. Chaque couple travaillera à partir de son journal de bord et des visionnements de leur vidéo. Les rencontres s’articulent autour de trois thématiques.
    • Accepter entièrement l’enfant et lui donner de la nourriture affective même s’il ne la demande pas.
    • Etre disponible émotionnellement et physiquement, soutenir l’enfant malgré « ma musique de requin ».
    • Prendre soin de l’enfant de manière coopérante, lui donner un cadre sécurisant et sur lequel il a un certain contrôle ; soutenir la gestion des émotions de mon enfant, réagir aux émotions négatives.
    Pour chacun de ces modules, des objectifs précis et réalistes devront être formulés de manière à cibler le travail à réaliser avec les parents. Le carnet comprendra des activités qui permettront de prolonger le travail réalisé en séance.
  4. Après six mois, les parents se retrouvent en groupe et apportent un enregistrement vidéo d’une séance de jeux (interactions parent-enfant). L’analyse de cette séquence permet de mettre en lumière les progrès réalisés. Cette séance sera réservée à célébrer quelques éléments (un rituel, une façon de rejoindre l’enfant, un repère dans son accompagnement) qui font « famille » pour cette famille-là.

Ceci n’est pas une conclusion…

68L’avant-projet prévoyait des thématiques, davantage indépendantes les unes des autres, comme les particularités de l’enfant liées à son histoire, l’ambiguïté pour le parent de donner des limites tout en accueillant l’enfant, la gestion des émotions difficiles de l’enfant,… La théorie de l’attachement offre des repères qui, tout comme une « carte routière », donnent de la cohérence au tout et guide les choix. Les ateliers ne doivent pas se centrer sur la gestion des « symptômes » comme la colère, l’angoisse, etc. …mais devraient donner au parent des habitudes d’observation et de questionnements vers une meilleure compréhension de ce que vit son enfant, vers une sensibilité parentale.

69La théorie de l’attachement éclaire ainsi le risque d’un profond malentendu qui peut exister entre l’élan des parents vers l’enfant et le vécu de ce dernier.

  • Dans le chef de l’enfant : l’attachement n’est pas d’abord une question d’amour mais de sentiment de sécurité, de confiance en soi et en l’autre. Son histoire d’attachement malmenée lui donne une clé de lecture des événements empreinte de méfiance. Un travail auprès des parents apparaît tout à fait essentiel. En effet, ceux-ci malgré leur bonne volonté, s’ils ne sont pas informés précisément, peuvent s’épuiser dans une recherche de relation que l’enfant pourrait ne pas supporter.
  • Les questions que pose le parent sont déplacées du « M’aime-t-il ? Est-ce que je l’aime assez ? » vers un « Se sent-il en sécurité ? Dans quelle mesure est-ce que je lui offre un havre de paix ? Quelles représentations de lui-même et des autres active-t-il avec tel comportement indésirable ? ».
Si le design d’intervention s’inspire largement de « guidelines » dégagés d’interventions attachementistes, d’autres choix comme le travail en groupe, l’utilisation du carnet et le follow-up après six mois se justifient par d’autres champs théoriques comme l’apprentissage coopératif et le transfert théorie-pratique qui pourront être développés à d’autres occasions.

70Une question bien pertinente à l’issue de cette réflexion revient à se demander pourquoi construire de nouveaux design alors qu’il existe des programmes évalués. Un souci d’acculturation ainsi qu’une recherche d’outils disponibles en français justifient de telle démarche. La question est alors de montrer que les ateliers ainsi créés permettent d’atteindre les objectifs recherchés. Une démarche d’évaluation des représentations d’attachement des parents et des enfants avant et après les ateliers devrait apporter ces informations. C’est ce que nous envisageons de réaliser dans de prochains travaux.

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Mots-clés éditeurs : adoption, parent adoptant, attachement

Date de mise en ligne : 01/07/2011.

https://doi.org/10.3917/dev.112.0161

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