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Article paru dans Médecine & Enfance, septembre 2002, pp. 406-410.
Reproduit avec l’aimable autorisation de Claude Geselson, éditeur. -
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Psychologue, Association Pikler-Loczy de France, Paris.
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Les premiers liens, matrice de la sociabilité
1Pour le très jeune enfant, la collectivité n’est pas un besoin. Elle est liée à un besoin social et économique des parents, puisque, même s’il représente un coût important, l’accueil de l’enfant en son sein conditionne souvent l’exercice d’une activité professionnelle.
2La socialisation primaire s’enracine dans la relation avec les parents, en particulier la mère ou l’adulte maternant, et repose sur de tout autres bases que celle de l’intégration en collectivité et la confrontation précoce au groupe. Mais un curieux glissement sémantique (sans doute en partie lié à ce besoin des parents, devenant d’autant plus légitime qu’il se conjugue alors à leurs yeux avec un choix éducatif) semble entraîner souvent la confusion entre vie en collectivité et processus psychiques en jeu dans la socialisation proprement dite. Cette confusion mérite d’être soulignée, car elle alimente préjugés et culpabilisation des parents à l’idée de ne pas offrir à leur enfant, peu ou prou, cette expérience précoce de la collectivité, regardée comme une préparation incontournable à l’école maternelle.
3Il convient tout d’abord de rappeler brièvement certains aspects du développement du très jeune enfant. L’expérience dite de « situation étrange », réalisée dès les années 1950 par Mary Ainsworth [in 1] auprès d’enfants de douze à dix-huit mois confrontés à l’absence de leur mère et à l’arrivée d’une étrangère, a mis en évidence quatre types d’attachement : sécure, évitant, ambivalent et désorganisé. Seul l’enfant qui a construit un attachement sécure se montre capable d’ouverture sociale, c’est-à-dire d’opérer un transfert de sa relation positive d’attachement à sa mère et d’utiliser ainsi l’étrangère comme point d’appui. Or, cette expérience se situe à une époque où l’accueil de jour collectif de très jeunes enfants est encore presque inexistant. Elle constitue donc un révélateur très fiable de l’importance décisive et fondatrice des tout premiers liens et de l’environnement familial dans la construction de la sociabilité de l’enfant : climat émotionnel suffisamment paisible et stable des relations avec les proches, qualité et continuité de la « bulle » et des enveloppes sensorielles, régularités structurantes et prévisibilité des événements quotidiens.
Les commencements
4Entre le bébé et son entourage, c’est (depuis la naissance) tout un jeu d’influences mutuelles agissant en spirale et aboutissant à la construction de « patterns d’interaction » et d’un « modèle opératoire interne » qui va organiser le rapport à autrui. C’est entre deux et cinq mois environ que se consolident les premières acquisitions affectives et relationnelles, qui mènent le bébé de « l’objet précurseur » encore incomplètement différencié et identifié (quoique déjà bien connu à travers certains de ses attributs : l’odeur, la voix, le holding, le vécu tactilo-kinésthésique et postural dans les bras de la mère…) à l’acmé de la symbiose psychologique. En dépit de ses « compétences précoces », de ses capacités sensorielles et perceptives présentes dès la naissance, le tout-petit dépend étroitement, pour l’édification de son unité narcissique primaire, de la continuité de son environnement. Son identité naissante repose sur la qualité des relations dyadiques et triadiques avec ses parents. On pense ici à la formule suggestive de Françoise Dolto : le bébé est « lui-sa mère », ou à la célébrissime boutade de Winnicott : « un bébé, ça n’existe pas… sans les soins maternels ».
Débuts de l’individuation
5Aux alentours de quatre-cinq mois, ce sont les prémices du processus de séparation- individuation (Margaret Mahler [2]), l’émergence progressive du « sens de soi » (Daniel Stern [3]). Cette évolution psychologique est soutenue par la maturation neurobiologique, le développement des capacités sensorielles du bébé ainsi que ses progrès posturo-moteurs. Son intérêt pour le monde extérieur va croissant, en même temps que ses objets d’amour conquièrent progressivement à ses yeux le statut de personnes « totales », à la fois distinctes de lui, uniques et irremplaçables. C’est ce qu’atteste de façon caractéristique l’angoisse de l’étranger, dite « du huitième mois », dont les signes précurseurs (différenciation des visages, premières manifestations d’inquiétude devant une personne inconnue) apparaissent en réalité souvent beaucoup plus tôt. Le bébé a construit des représentations mentales préverbales beaucoup plus précises de ses proches et de ses liens avec eux. Mais il lui faudra encore bien du temps pour accéder à la permanence de l’objet. Quoique bien moindre que précédemment, sa vulnérabilité est pourtant plus marquée, plus immédiatement reconnaissable par les adultes : l’enfant dispose désormais d’une riche palette expressive des différents affects qui peuvent l’habiter tour à tour. Son langage émotionnel est maintenant proche du nôtre. Mais ses moyens moteurs pour rétablir la proximité avec autrui sont encore limités, bien qu’il ait acquis une conscience aiguë de la séparation physique. Cela peut expliquer les états de détresse passagère de nombreux bébés de cet âge, par ailleurs sans difficultés particulières.
Relations intrafamiliales et socialisation primaire
6Dans les mois suivants, l’enfant va continuer l’aventure de son développement, jalonnée par certaines périodes sensibles, et progresser peu à peu à la fois vers la « séparabilité » (D. Houzel [4]) et vers une plus grande sociabilité.
7Ces avancées seront largement tributaires de la qualité de ses liens avec ses parents, de l’empathie de ceux-ci et de leur capacité à vivre les mouvements d’individuation de leur enfant comme une source de joie plutôt que de frustration.
8Lorsque l’harmonisation réciproque est profonde, l’enfant fait l’expérience d’une relation de partage émotionnel paisible et grandit dans un climat de sécurité. Sa prise d’indépendance progressive s’étaye à la fois sur la joie d’être ensemble, mais aussi sur le respect de ses autoérotismes par l’entourage et sur l’expérience régulière d’un « espace potentiel » (D. Winnicott [5]) protégé des surstimulations et au sein duquel peut se déployer son activité motrice et instrumentale spontanée. La libre utilisation par l’enfant (au sein d’un environnement matériel simple et adapté, à petite distance de l’adulte) de ses capacités chaque jour plus efficientes dans de multiples explorations, recherches, élaborations à fois sensorimotrices et cognitives préverbales, le plaisir (intense par moments) qu’il y trouve, favorisent « capacité d’être seul », sentiment de compétence et construction d’un « self » solide. En parallèle, le développement du respect, de la sollicitude et de l’empathie pour autrui s’enracinent naturellement dans l’expérience quotidienne de l’attention mutuelle, de la douceur des gestes et paroles reçus de l’adulte et de la négociation tranquille lorsque survient le temps où l’enfant affirme désirs et mouvements de volonté personnelle. Ce qui se trouve alors silencieusement engagé, c’est un processus d’identification inconsciente et continue à l’adulte, dont la présence et le comportement constituent non une menace pour l’intégrité de soi mais une vivante initiation à une certaine manière d’être ensemble et de communiquer avec autrui. Ainsi me semble pouvoir être résumée la genèse d’une authentique sociabilité chez le jeune enfant. Elle repose fondamentalement sur la dynamique des relations intersubjectives privilégiées avec les adultes, parents ou personnes assumant auprès de l’enfant placé une suppléance parentale. Elle a toutes chances de se réaliser dans une famille « suffisamment bonne » et ne requiert pas l’expérience de l’intégration en collectivité.
Risques de la collectivité pour le très jeune enfant
9La collectivité, dont on postule qu’elle est et dont on attend qu’elle soit un creuset de socialisation pour le très jeune enfant, n’est pas exempte de risques pour celui-ci. En effet, à l’inverse des ritualisations spontanées qui caractérisent la vie d’une famille, le fonctionnement d’un lieu d’accueil collectif peut engendrer de multiples discontinuités et ruptures et faire obstacle au sentiment de continuité interne chez l’enfant. Ces discontinuités, effectives ou potentielles, sont souvent sous-estimées, voire non reconnues, et les professionnels ne développent pas alors la vigilance nécessaire pour en réduire le nombre. Il peut s’agir, simplement, des allées et venues des uns et des autres et des multiples interventions auprès des enfants sans nécessité véritable. Ce peut être aussi la « porosité » des espaces et la protection insuffisante de la tranquillité des groupes d’enfants, ou encore la parcellisation des temps de soins individualisés, les fluctuations affectant leur ordre de succession, l’instabilité du déroulement de la journée ou celle des règles de vie de groupe, l’hétérogénéité des attitudes des adultes.
10Ces phénomènes s’amplifient lorsque ceux-ci sont davantage portés par le souci de la quantité et de la succession des tâches à accomplir, de l’efficacité dans la gestion du temps, que par l’attention aux enfants et aux effets sur eux des conditions de leur accueil. Lorsqu’un tel état d’esprit domine, celles-ci sont génératrices de risques supplémentaires pour les enfants : les relations tendent à devenir plus anonymes, le « on » et l’organisation collective des activités, des repas et même de certains moments de soins corporels tendent à prévaloir sur la prise en compte des besoins singuliers de chacun ; les attitudes des adultes ne s’ajustent pas assez aux capacités et aux rythmes individuels des enfants. Subissant le poids du groupe, à la fois « bousculés », restreints dans leurs initiatives et soumis à divers moments d’attente vaine, ceux-ci ne peuvent éprouver les sentiments de sécurité et de compétence nécessaires à leur épanouissement. Dans certains cas (sans doute encore trop fréquents), le lieu d’accueil peut s’apparenter à un milieu « anomique » (B. Cyrulnik [6]), principalement régi par l’arbitraire des adultes et l’impératif de leur commodité immédiate, et les groupes d’enfants à des « lieux de solitude et de violence » (G. Appell [7]) où chacun est en rivalité constante avec les autres pour obtenir de l’adulte une attention qui se dérobe sans cesse. Diverses conséquences en découlent : important degré de mimétisme et d’agressivité entre les enfants, effets de groupe et réactions en chaîne, spirale de la crainte conduisant les adultes à multiplier limitations, injonctions, interdictions, et à entretenir ainsi involontairement un climat de tension et de violence.
Remarques
11Quelques remarques complémentaires trouvent ici leur place.
- Certains préjugés, très anciens dans les esprits et inspirant nombre de pratiques quotidiennes dans les lieux d’accueil, ne résistent guère à l’observation attentive des faits. Ainsi par exemple l’installation pour le repas de plusieurs enfants assis autour d’une table basse dès l’âge de treize ou quatorze mois (pratique couramment répandue et reposant sur l’idée qu’ils seront ainsi stimulés dans leurs compétences instrumentales, sociales et initiés à la convivialité) conduit aux constats suivants : encore mal assurés sur le plan postural et moteur, en quête d’un regard posé sur eux personnellement, trop immatures pour pouvoir partager en sécurité l’attention de l’adulte avec les autres, les enfants occupent une bonne partie du temps de repas à rechercher cette attention, à se disperser, s’agiter, tenter de transformer le repas en jeu quand leur quête est vaine et l’aide apportée par l’adulte intermittente, et finalement à entendre les remontrances de celui-ci sans pouvoir en faire bon usage. Cette anticipation excessive sur les capacités réelles des enfants, qui procède d’une confiance insuffisante dans leurs forces de développement, se solde ainsi, paradoxalement, par un surcroît d’insécurité et de dépendance.
- Certaines illusions montrent également leurs limites, notamment celles relatives au pouvoir des objets familiers (« doudous », qualifiés souvent un peu vite et parfois abusivement d’« objets transitionnels ») supposés jouer efficacement un rôle sécurisant auprès des enfants et faisant d’ailleurs souvent l’objet de recommandations appuyées, voire de véritables prescriptions, à l’adresse des parents de la part des professionnels. Là encore, l’observation attentive montre que, s’ils sont susceptibles de procurer un réconfort momentané, ils ne peuvent pallier l’insécurité engendrée par des conditions d’accueil inadéquates. Recours utilisés alors abondamment par l’enfant, parfois de façon quasi constante et « adhésive », ils ne lui apportent pas pour autant la sécurité intérieure nécessaire à son bienêtre et à la mobilisation joyeuse de ses capacités ludiques et relationnelles.
- Les signes de mal-être peuvent se manifester de façon diverse chez le très jeune enfant, notamment au sein d’un groupe : soit de manière évidente (pleurs, protestations, appels répétés, signaux de détresse…) ou spectaculaire (attitudes agressives attestant, en creux, demande d’attention et insécurité), ou bien d’une façon beaucoup plus discrète, susceptible de passer inaperçue et d’être mésinterprétée, l’enfant n’exprimant pas de détresse bruyante, se montrant facile et souriant lorsqu’on s’occupe de lui personnellement, mais évoluant « en sourdine » (M. Mahler [2]), en deçà de ses possibilités, tant du point de vue de sa motricité et de son activité, de l’expression de ses affects que de son appétence et de sa recherche de communication. Une telle discrétion doit alerter et appelle un réajustement des conditions d’accueil de l’enfant.
- Dans la plupart, sinon dans la totalité des lieux d’accueil, bon nombre des adultes se montrent bien sûr sensibles aux enfants et réceptifs à certains de leurs messages. Cela ne suffit pas, pour autant, à conférer à leurs interventions auprès d’eux les qualités de prévisibilité et d’homogénéité et à leurs attitudes les modulations et la juste distance nécessaires. En l’absence d’un cadre de fonctionnement et d’une organisation de la vie quotidienne reposant sur une connaissance fine et précise des besoins des enfants, l’alternance (si fréquemment observée) de situations de relatif abandon des enfants à eux-mêmes et de soudains élans de sollicitude ou de moments d’interaction proche, intenses mais brefs, initiés et interrompus par l’adulte sans raison repérable par l’enfant, nourrit la dépendance et entrave l’ouverture au monde. Les enfants dont l’intégration au groupe est plus difficile tendent, par l’intensité de leurs appels ou de leur détresse, à renforcer ces alternances contrastées chez l’adulte de sollicitude inquiète et de mise à distance impuissante, ce qui ne peut que renforcer leurs difficultés.
Vers un accueil adapté aux besoins et favorable à la socialisation de l’enfant
12Ce tableau de la vie du petit enfant en collectivité peut paraître bien sombre. Il ne s’agissait ici que de tenter de rendre compte de certains processus, couramment observés, mais non inéluctables, afin de pouvoir ensuite inventorier (en connaissance de cause pour le lecteur) les principales caractéristiques d’une collectivité adaptée aux besoins de jeunes enfants et réellement favorable à leur socialisation.
- Tout d’abord, des relations stables avec des adultes référents, non interchangeables, et s’occupant d’eux de façon aussi continue que possible, dans la proximité des soins corporels et des repas, mais aussi dans une attention plus à distance, ce qui suppose une claire répartition des rôles et des places au sein de l’équipe. Les enfants savent alors ce qu’ils peuvent attendre de chacun.
- Des temps de « soins », individualisés ou en tout petits groupes, dans des espaces qui, sans être clos, soient suffisamment protégés pour offrir une certaine intimité et propices à une riche communication, dans laquelle l’enfant soit reconnu dans ses capacités et accueilli dans ses initiatives.
- Une prévisibilité précise des événements quotidiens, bien au-delà des grands découpages temporo-spatiaux de la journée, qui, s’ils font sens pour les adultes, ne sont pas assez significatifs pour l’enfant. C’est cette prévisibilité, reposant sur un déroulement détaillé, respecté par chacun des adultes et matérialisé par divers signaux visuels reconnaissables par le tout-petit, qui lui permettra d’anticiper avec certitude le moment où l’adulte prendra soin de lui personnellement. C’est cette certitude qui constitue le socle de sa prise d’indépendance et de son ouverture sociale.
- Un espace d’activité organisé avec soin, dont les dimensions évoluent avec l’enfant, où il soit protégé des intrusions de ceux, plus âgés ou plus jeunes, dont la motricité et les centres d’intérêt sont très différents des siens, et où il puisse, avec des objets sélectionnés avec discernement par les adultes, se prêtant à des utilisations créatives et variées, et présentés en nombre suffisant, conduire à leur terme les séquences de jeu dans lesquelles il s’est engagé, en étant aussi peu interrompu que possible.
- Un véritable engagement des adultes, mais s’inscrivant dans le cadre de soins professionnels, c’est-à-dire caractérisés par un haut degré d’attention à l’enfant, de souci de son bien-être et d’intérêt pour son développement, donnant lieu à des relations affectueuses et proches, mais vécues dans un climat émotionnel tempéré et protégées des risques liés aux sentiments d’appartenance mutuelle qui emprisonnent, assignant à l’adulte une position de type parental et faisant obstacle pour l’enfant au plaisir de l’échange avec les pairs.
- Des règles de vie précises et constantes, sur le contenu desquelles les adultes se sont donc mis d’accord, mais n’impliquant qu’un très petit nombre d’interdictions ou d’interdits formulés avec fermeté et bienveillance à la fois, dans la perspective d’une aide et d’un soutien apportés à l’enfant pour parvenir peu à peu à un meilleur contrôle de son activité pulsionnelle. La façon des adultes d’intervenir dans les conflits entre enfants est particulièrement importante à cet égard, car elle est souvent caractérisée par un excès de précipitation et une brusquerie qui augmentent la violence de la situation, constituent pour l’enfant un modèle négatif, le privent des bénéfices d’une confrontation avec l’autre (lorsque celle- ci ne met pas en danger l’intégrité physique et psychique des protagonistes) et d’une recherche autonome de modes de résolution du conflit appropriés, et font finalement obstacle à la socialisation.
- Une observation de l’enfant attentive, régulière et partagée par les adultes chargés de prendre soin de lui directement ou indirectement (la responsable de l’équipe, la psychologue…) permettant de très bien le connaître dans ses habitudes, ses rythmes, ses capacités, ses façons de signifier ses attentes et mouvements de volonté, ses affects et, à l’intérieur d’un cadre spatial, temporel et organisationnel stable, d’individualiser, de coordonner et d’ajuster les réponses données à ses besoins et à son évolution. Cela suppose des modalités de transcription, de transmission et d’échange clairement définies. Cette rigueur de travail est, in fine, un puissant soutien et une source de grandes satisfactions pour les professionnels dans l’exercice d’un métier difficile, qui les sollicite fortement sur le plan émotionnel : de même qu’elle aide à faire des liens, à mieux percevoir et comprendre les cohérences cachées qui sous-tendent le comportement parfois déconcertant ou pénible de certains enfants, de même elle donne accès à l’émerveillement, en aidant à saisir la richesse de l’activité de pensée préverbale du tout-petit, à inscrire ses « petits » progrès quotidiens dans une trajectoire de développement, à mieux identifier le sens et les enjeux tant de ce qu’il fait et montre que de ce que les adultes sont attentifs à faire et à être pour lui. Elément de valorisation pour les professionnels, elle soutient donc en retour leurs efforts d’attention à venir. L’observation partagée et élaborée en équipe peut aussi constituer un élément important du soutien émotionnel apporté à l’adulte dans des situations difficiles et le point d’appui d’une meilleure harmonisation mutuelle entre lui et l’enfant. Elle aide notamment la « personne de référence » de l’enfant, qui est la plus présente et la plus impliquée auprès de lui (même s’il est indispensable que des relais réguliers soient prévus et pris par d’autres, tant vis-à-vis de l’enfant que de ses parents) à gérer l’attachement qui les lie à juste distance et à assumer sa responsabilité particulière avec confiance. Ainsi, cette forme de travail si précieuse pour la sécurité affective des enfants, mais si souvent contestée du fait des exigences qui s’y attachent et au nom de la nécessaire (et supposée possible) adaptation précoce de l’enfant à des relations multiples, trouve ici son sens et sa pleine justification.
Bibliographie
Références
- 1PIERREHUMBERT B. : « Séparations et retrouvailles chez le jeune enfant », Dialogue, recherches cliniques et sociologiques sur le couple et la famille, 1991 ; 112.
- 2MAHLER M. : La naissance psychologique de l’être humain, Payot, 1980.
- 3STERN D. : Le monde interpersonnel du nourrisson, PUF, Le fil rouge, 1989.
- 4HOUZEL D. : L’aube de la vie psychique, ESF, 2002.
- 5WINNICOTT D. : Jeu et réalité, Gallimard, 1975.
- 6CYRULNIK B. : Les vilains petits canards, Odile Jacob, 2001.
- 7APPELL G. : « Du groupe lieu de solitude et de violence au groupe de communication harmonieuse », Dialogue, recherches cliniques et sociologiques sur le couple et la famille, 1993 ; 120. ple et la famille, 1993 ; 120.
Notes
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[1]
Article paru dans Médecine & Enfance, septembre 2002, pp. 406-410.
Reproduit avec l’aimable autorisation de Claude Geselson, éditeur. -
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Psychologue, Association Pikler-Loczy de France, Paris.
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