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Article de revue

Les aides techniques au collège auprès d'adolescents avec des troubles des apprentissages

Pages 43 à 52

1 – Quels élèves ?

1Les adolescents que nous rencontrons présentent des troubles spécifiques des apprentissages (TSA) souvent multiples : dyslexie, dysorthographie, dyspraxie, dyscalculie, dysphasie, dysgraphie, troubles de l’attention et de la mémoire, trouble dysexécutif, etc.

2Diagnostiqués souvent avec des troubles sévères, ces enfants cumulent souvent plusieurs symptômes, ce qui complexifie leurs difficultés dans la réalisation des tâches scolaires et de la vie quotidienne.

3Les répercussions scolaires sont importantes en lecture, en production d’écrits, en écriture, lors de la compréhension des consignes ou lors des manipulations d’outils ou dans l’organisation des différents matériels. L’échec scolaire est présent malgré leurs facultés intellectuelles intactes.

4Au collège, tous les élèves doivent être autonomes. La marche avec l’école élémentaire est parfois haute à franchir pour les élèves avec TSA. Ces derniers sont souvent plus lents que les autres. La lecture et/ou l’écriture ne sont pas automatisées, demandant aux élèves avec TSA plus de temps et plus d’efforts.

5Ces derniers ne peuvent donc pas faire deux choses à la fois (écrire et écouter le professeur). La double tâche étant impossible, ils réalisent les exercices avec plus de temps et des stratégies de compensation parfois fatigantes.

6Leur fatigabilité est rarement prise en compte au collège alors qu’elle explique parfois pourquoi l’adolescent décroche du cours ou pourquoi il a besoin de plus de temps.

7Le rythme d’apprentissage s’accélère au fur et à mesure de la scolarité, le volume d’écrit s’accroît. En 4e, les professeurs demandent aux élèves d’écrire plus et plus vite, ce qui n’avantage pas les adolescents TSA déjà lents.

8Avec le temps, certains troubles s’estompent, sont compensés par l’adolescent, mais d’autres persistent malgré les séances de rééducation en orthophonie, en psychomotricité, en ergothérapie, en orthoptie, etc.

9Arrivés au collège, les élèves s’épuisent et en ont assez de la rééducation commencée à l’âge de 7/8 ans. Ils se dévalorisent et sont conscients de leurs difficultés et du décalage avec leurs pairs.

10Le manque d’estime de soi et la perte de confiance, liés à l’accumulation de difficultés tout au long du parcours de scolarité jusqu’au collège amènent les jeunes à baisser les bras face au travail scolaire à accomplir.

11Avec l’adolescence, le désir de faire comme les autres est fort et entraîne aussi des difficultés psychologiques.

12Le déni d’adolescent rend l’élève avec TSA plus fragile pour affronter ses troubles et les compenser.

2 – Quelles aides peuvent être proposées aux adolescents avec TSA ?

13La définition de l’aide technique (norme internationale ISO 9999) est la suivante : (pour personne handicapée) : tout produit, instrument, équipement ou système technique utilisé par une personne handicapée, fabriqué spécialement ou existant sur le marché, destiné à prévenir, compenser, soulager ou neutraliser la déficience, l’incapacité ou le handicap. C’est un moyen de compensation pour accompagner et restaurer la capacité d’agir, malgré l’existence de déficiences, et développer l’autonomie et les interactions possibles avec l’environnement. Les ergothérapeutes sont les professionnels identifiés pour préconiser ces aides techniques permettant ainsi l’insertion scolaire, sociale ou professionnelle des personnes concernées.

14De par leur formation, ils peuvent préconiser les aides les plus appropriées au regard du trouble, des répercussions de ce dernier et de l’environnement de la personne.

15Les catalogues d’aides techniques à proposer aux adolescents avec TSA sont nombreux et à leur lecture, il paraît simple de trouver l’aide la plus adéquate aux difficultés d’un élève au collège. Mais ce n’est pas le cas, de nombreux paramètres sont à prendre en compte pour être sûr que l’aide proposée facilitera le quotidien de l’élève. Il faut éviter de proposer une multitude d’aides, qui avec le temps ne seront peut-être plus adaptées à l’élève. Il est préférable de rationnaliser les aides et d’interroger régulièrement l’intégration des aides techniques dans le quotidien de l’élève pour les renouveler ou en proposer de nouvelles.

16Il faut aussi être vigilant à la stigmatisation induite par ces aides. Plus l’aide technique sera ordinaire, mieux l’adolescent l’acceptera.

17L’ergothérapeute, en accompagnant l’adolescent avec TSA, peut proposer des aides techniques personnalisées et éviter les tiroirs dans lesquels les enfants avec TSA sont souvent mis (Tel trouble -> telle adaptation).

18Parfois, la sévérité du trouble, sa régression ou sa majoration en situation scolaire, ou l’association d’un autre trouble empêchera l’utilisation régulière de l’aide préconisée à un autre adolescent porteur du même trouble.

19Généralement, dans le cadre d’un projet personnalisé de scolarisation (PPS) ou dans un projet d’accueil individualisé (PAI), différents aménagements de la scolarité sont proposés.

20L’équipe de professionnels amène différents éléments permettant de proposer un plan d’aide avec à la fois des aménagements pédagogiques, des aides matérielles et humaines (AVS, tutorat par exemple). Il est difficile en ESS de déterminer quelles seront les aides les plus adaptées à l’instant « t » sachant que parfois leur mise en œuvre est décalée dans l’année (exemple de la dotation de matériel adapté informatique).

21Un document a donc été mis en place par la MDPH et l’Education Nationale dans le département des Bouches-du-Rhône (annexe 11B bis).

22Il permet aux professeurs de se questionner sur les adaptations qu’ils ont déjà mises en place et l’apport de l’ordinateur pour la réalisation des différentes tâches demandées en classe ou à la maison.

23Ainsi, la demande de matériel adapté pédagogique est moins systématique pour les adolescents avec TSA et les autres aménagements pédagogiques sont plus réfléchis.

24Voici quelques exemples d’adaptations pédagogiques pouvant être proposées par les professeurs : allègement de l’écrit (QCM, interrogations orales, photocopies des leçons, support ou résumé du cours), supports agrandis, aérés, reformulation des consignes, tiers-temps pour les contrôles, oralisation des supports pédagogiques, double des livres scolaires, indulgence pour l’orthographe et la présentation, etc.

25L’aide d’une auxiliaire de vie scolaire (AVS) est complémentaire aux aides matérielles. Cette aide humaine doit permettre à l’adolescent avec TSA de gagner en autonomie et éviter que ce dernier se repose sur l’adulte.

26Elle a donc de nombreux rôles qui doivent se mettre en place en collaboration avec l’équipe enseignante :

  • soulager les tâches d’écriture (prises de notes, contrôles ou exercices sous la dictée de l’élève) ;
  • soulager la lecture en lisant à l’élève certains contenus (consignes, textes longs, etc.) ;
  • reformuler les consignes ;
  • veiller au rangement du cartable, du bureau, du casier ;
  • faciliter l’installation du matériel informatique ;
  • favoriser l’appropriation de l’ordinateur par l’élève ;
  • encourager et valoriser l’adolescent ;
  • canaliser l’élève présentant des troubles attentionnels.
Les aides matérielles sont aussi primordiales pour améliorer l’autonomie de l’élève avec TSA. Les parents doivent faire le choix de matériels plus adaptés : cartable rigide et léger avec différents compartiments, trousse facile à ouvrir, stylo 4 couleurs, trieur avec 12 intercalaires de couleurs différentes et des fenêtres pour chaque intercalaire, bannir les classeurs et préférer les cahiers, agenda plutôt que cahier de texte, gomme de préhension grossière, compas autobloquant, règle avec poignée et grosses graduations, colle en bâton, etc.

27Les aides informatiques sont de plus en plus nombreuses au fil des années et sont proposées plus fréquemment avec la généralisation des technologies de l’information et de la communication, et avec souvent la prétention de solutionner des problèmes plus facilement.

28Mon objectif n’est pas de faire une liste exhaustive des logiciels à utiliser avec les adolescents avec TSA, mais plutôt d’en discerner les différents usages au regard des répercussions scolaires des TSA.

29Pour que les aides informatiques fonctionnent correctement, il est important de revenir sur l’équipement informatique de base dont chaque élève doit disposer : un ordinateur portable léger, puissant (1 Go de RAM), une clé USB, une imprimante wifi, un scanner (extra plat s’il est amené au collège), un logiciel de traitement de texte (Open Office ou Word) et un lecteur de PDF (Adobe Reader par exemple).

30L’Education Nationale prête généralement des ordinateurs PC, c’est pourquoi je ne citerai que les logiciels existant sur Macintosh.

31On distingue trois grandes catégories de logiciels :

  • les logiciels pour faciliter l’écrit ;
  • les logiciels pour faciliter la lecture ;
  • les logiciels multifonctions ;

Pour faciliter les tâches d’écriture

32Le coût cognitif de l’écriture manuelle est tel qu’il augmente souvent le déficit d’apprentissage. Pour cette raison, il est parfois indispensable de le compenser par l’outil informatique. Le logiciel de traitement de texte permet de produire des écrits lisibles, au même rythme que les autres élèves et surtout avec moins de fatigue. Certains adolescents maîtriseront rapidement le clavier et seront ainsi beaucoup plus efficaces qu’avec le stylo.

33Pour d’autres, la nécessité de logiciels pouvant compenser la dysgraphie est discutée. Ainsi, après quelques mois d’apprentissage du clavier, si l’élève ne parvient pas à une vitesse de frappe sur le clavier satisfaisante, il est possible d’optimiser la frappe avec les insertions automatiques présentes dans les logiciels de traitement de texte (Open Office, Word par exemple).

34La prédiction de mot peut aussi être intéressante pour compenser des difficultés de transcription chez l’adolescent présentant un déficit de son stock lexical orthographique. Dans le cas d’un trouble sévère, avec des règles de conversion grapho-phonémique ignorées, l’adolescent utilisera une écriture phonétique.

35La prédiction de mot pourra alors s’avérer inopérante et ne pas aider l’élève à compenser ses difficultés dans les productions écrites.

36La dictée vocale est un autre outil intéressant pour les élèves dysgraphiques et/ou dysorthographiques. Actuellement, le logiciel de reconnaissance vocale le plus utilisé en France est Dragon Naturally Speaking.

37L’adolescent doit dicter un texte de manière fluide et claire à l’ordinateur pour qu’il puisse le retranscrire à l’écran. Il utilise ses compétences orales souvent normales à la place du langage écrit. La dictée vocale facilite l’organisation des idées et favorise plus d’expression créative.

38Avant tout, il est nécessaire d’avoir un équipement informatique puissant (processeur rapide minimum T5000, RAM 2G0) avec une bonne carte son, un microcasque USB anti-bruit et un interrupteur manuel. Pour éviter les bruits parasites, le jeune doit être au calme, ce qui l’isole parfois dans une salle à part par exemple pour faire son contrôle. L’utilisation se fait donc le plus souvent à la maison.

39Pour que le texte produit corresponde au texte dicté, il faut penser la phrase avant de la dicter et ne pas s’arrêter au milieu de la dictée.

40L’ordinateur apprend à écrire un mot correctement au fur et à mesure des dictées, il apprend ainsi à reconnaître la voix, l’intonation, le vocabulaire de l’utilisateur. L’élève doit corriger à la voix les mots mal orthographiés par l’ordinateur pour qu’à la prochaine dictée, ce dernier ne fasse pas d’erreurs. Ce logiciel est donc performant après quelques heures d’utilisation mais aussi de formation de l’utilisateur. Beaucoup de jeunes découvrent seuls le logiciel de reconnaissance vocale et se découragent face aux nombreuses erreurs écrites par l’ordinateur.

41Au-delà de la fonction de dictée à l’ordinateur, une synthèse vocale est intégrée à la reconnaissance vocale. L’élève peut alors écouter le texte qu’il vient de dicter pour se relire par exemple plus facilement.

42Avec des dictaphones numériques, les jeunes peuvent enregistrer le professeur en cours et apprendre leur leçon à la maison en évitant les tâches de lecture souvent fastidieuses. Ils peuvent aussi dicter les devoirs à faire au lieu de les écrire sur l’agenda.

43L’usage d’un scanner permet de transformer un document papier

  • d’une part en une image que l’on pourra annoter avec divers logiciels payants et gratuits ;
  • d’autre part de en document numérique modifiable grâce au logiciel de traitement de texte. Le logiciel d’OCR le plus utilisé est Omnipage.
Ainsi, l’élève dysgraphique ou dyspraxique qui a parfois des difficultés à écrire sur des fiches (espaces trop petits, textes denses et mal disposés, etc.) pourra le faire sur son ordinateur.

44Certains logiciels d’annotation sont plus faciles à manipuler et plus rapides que d’autres, mais il faut surtout que le professeur puisse anticiper en donnant le document papier à l’élève avec TSA avant les autres élèves.

45Le temps de numérisation est court mais celui de retranscription peut être plus long selon la disposition du texte (tableau, colonnes, etc.).

46Pour faciliter le passage à l’écrit, il existe aussi des applications gratuites telles que Dmath pour écrire les symboles mathématiques dans Open Office, telles que schemsciences pour dessiner des figures ou autres dessins de SVT ou physique/chimie.

47Pour faciliter la production d’écrits sans faute d’orthographe, les correcteurs intégrés dans le logiciel de traitement de texte sont utilisés en 1re intention. En effet, tous les élèves dysorthographiques ne sont pas capables d’utiliser cette fonctionnalité à bon escient, ne sachant pas quel mot choisir dans une liste de mots. Il faut parfois apprendre à l’élève à utiliser correctement la correction orthographique pour qu’il puisse produire un texte sans erreur. Ensuite, il est possible de lui proposer un logiciel de correction, par exemple Cordial ou Antidote que l’on trouve dans le commerce. Ces logiciels proposent le mot corrigé mais aussi le pourquoi de la correction et permettent donc à l’élève de revoir la règle de grammaire, d’orthographe ou de conjugaison. Ces logiciels permettent de poursuivre les apprentissages tout en compensant certaines difficultés.

48Pour les cas sévères, ce type de logiciel semble inutilisable alors que ces élèves sont très gênés lors du passage à l’écrit.

49Pour compenser les difficultés en géométrie, il existe de nombreux logiciels qui peuvent être utilisés d’ailleurs par les professeurs de mathématiques pour l’ensemble de la classe : Geogebra, Géonext, Geoplan, etc. Pour intégrer ces logiciels, l’élève doit être formé pour répondre aux exigences du professeur. Les fonctionnalités sont nombreuses mais l’élève doit savoir les maîtriser rapidement et efficacement.

50Une étude analytique de 8 logiciels de géométrie a été réalisée par un ergothérapeute en stage au centre ICOM en octobre 2008 pour pointer les caractéristiques techniques, l’accès à l’interface, l’accès aux manipulations et la gestion des productions. Certains logiciels sont plus accessibles que d’autres sur le plan de la construction ou de l’affichage, et la procédure pédagogique est différente.

51Le choix du logiciel se fait surtout en collaboration avec le professeur de mathématiques. Certains seront plus à l’aise avec tel ou tel logiciel, ce qui permettra à l’élève de l’intégrer plus facilement en classe.

52Pour faciliter la lecture, différents logiciels existent mais le postulat de base est le même : il faut soit des textes numériques ou numérisés, soit des textes produits par l’élève lui-même.

53Dans ce dernier cas, il est possible via le logiciel de traitement de texte d’améliorer l’affichage pour faciliter la lecture : zoom, taille des caractères, police, espacement des caractères, interligne plus important, couleurs de surlignage, couleurs de police, etc.

54Pour lire des textes numériques, il est possible d’avoir recours à des logiciels de synthèse vocale ou lecteurs vocaux qui fonctionnent avec à la fois une voix de synthèse (gratuite ou payante) et un logiciel de lecture vocale qui permettra une lecture électronique d’un texte sélectionné.

55Les logiciels gratuits fonctionnent avec une voix de synthèse de qualité inférieure aux logiciels payants. Il n’est pas possible de personnaliser la lecture (mot à mot, phrases/phrases…), seule la vitesse de lecture est paramétrable. L’écho oral lors de la frappe permet à l’élève avec TSA de se relire et de prendre conscience plus facilement de ses erreurs. Néanmoins, il est possible de préconiser les logiciels gratuits en 1re intention pour s’assurer des usages que le jeune pourra en faire : lecture en classe ou à la maison ? lecture de consignes ou de textes plus longs ? lecture de livres ? relecture d’un texte produit par l’élève? loisirs (lecture de mails, de sites internet…).

56Les logiciels payants, en fonctionnant avec des voix de synthèse plus fluides et moins robotisées, permettent ainsi au jeune une lecture moins fatigante, notamment pour des textes longs. Il est alors possible pour eux de s’abstenir de la tâche de lecture pour se concentrer sur la production d’écrit ou la compréhension du texte.

57D’autres fonctionnalités, notamment de conversion en fichier audio, sont aussi présentes dans certains lecteurs vocaux. Selon les besoins, un logiciel sera choisi plus qu’un autre. Ces logiciels me paraissent donc intéressants pour la poursuite de la scolarité en études secondaires.

58Les dictionnaires numériques sont aussi très utiles aux élèves avec TSA au collège.

59Il est préférable d’en télécharger un même si les dictionnaires consultables en ligne sont souvent plus complets.

60Enfin, des livres numériques sont disponibles dans le commerce ou certaines médiathèques pour compenser des lectures fastidieuses.

61Les logiciels multifonctions ont un intérêt si plusieurs logiciels cités précédemment sont utiles à l’élève. A partir d’une seule barre d’outils, il pourra accéder à différents outils : dictée vocale, lecture vocale, correcteurs, dictionnaires numériques, écho oral, annotations sur documents numérisés. Il n’aura pas besoin d’ouvrir plusieurs logiciels et de passer sans cesse de l’un à l’autre. Il faut noter que ces logiciels ont leurs propres éditeurs de texte, ce qui limite parfois les échanges de documents.

62Au cours de la prise en charge du jeune, l’ergothérapeute peut évaluer et valider la pertinence du logiciel multifonctions et les capacités de l’enfant à l’utiliser. Ces logiciels très complets et puissants nécessitent une formation de l’élève et de son entourage pour en exploiter les fonctionnalités de façon optimale.

63De manière générale, les aides techniques informatiques permettent à l’adolescent avec TSA de restaurer la confiance et l’estime de soi, la confiance et l’estime envers les professeurs et également la motivation nécessaire à l’effort comme le souligne le Dr Alain Pouhet.

64Elles sont utilisées à la fois en classe et à la maison et peuvent être mises en place progressivement au fil du temps, pour une matière ou plusieurs, pour une tâche scolaire donnée ou plusieurs (exercices, évaluations, prises de notes).

65C’est pour cette dernière que souvent l’ordinateur est préconisé alors que bien souvent des solutions alternatives devraient être proposées en 1ère intention.

66En effet, réussir à prendre en notes des cours avec son clavier n’est pas facile à faire quand on débute. Il faut avoir automatisé la frappe au clavier, c’està-dire ne plus le regarder pour taper rapidement et efficacement le texte écrit au tableau ou dicté par le professeur.

67Les professeurs déjà investis dans le numérique pour leur pratique quotidienne, semblent favoriser une meilleure intégration de l’ordinateur pour compenser les difficultés des élèves avec TSA.

68A la maison, l’ordinateur permet d’être plus autonome pour apprendre les leçons, produire des rédactions ou faire les devoirs écrits.

69Certaines évaluations nationales peuvent être réalisées sur informatique, ce qui permet à des jeunes d’être autonomes et de se passer d’un secrétaire.

70En classe d’UPI (Unité Pédagogique d’Intégration) «dys», l’ordinateur est un moyen pédagogique utilisé par les professeurs spécialisés comme un outil de médiation donnant accès à des outils plus classiques.

71Les contraintes matérielles restent présentes et font obstacle à l’utilisation de l’informatique au collège: racket, fragilité de l’ordinateur, poids de l’ordinateur, manque d’autonomie des batteries, installation du matériel (imprimante, scanner, ordinateur, etc.).

72Enfin, l’utilisation mixte du papier et du numérique demande de l’organisation pour le jeune et souvent une intendance familiale pour archiver les documents, les imprimer, les coller ou les classer. Cet investissement familial permet à l’élève d’utiliser uniquement son ordinateur au collège et lui évite de gérer les cahiers et classeurs.

73Il serait plus judicieux que les élèves ne possèdent plus de cartable et utilisent uniquement une clé USB et un ordinateur portable.

74Chatriot, Naar et Lefevère (2009) parlent « des élèves sans cartable : où écouter et parler remplacent lire et écrire ».

75Certains collèges permettent cette utilisation exclusive du numérique (E-classe avec cartable électronique). Pour les adolescents avec TSA, il faudrait pouvoir généraliser ces expériences encore très rares.

3 – La mise en place des aides techniques

76Elle se fait en plusieurs étapes. Il faut avant tout évaluer les besoins en lien avec le trouble et ses répercussions dans la scolarité. Ensuite, il est possible de préconiser les aides techniques de manière personnalisée.

77Mais de nombreuses études montrent que sans accompagnement, les aides techniques sont souvent mal utilisées, sous-utilisées voire inutilisées. Intégrer une aide technique dans son quotidien ne peut se faire du jour au lendemain, surtout pour des jeunes en quête de normalité.

78Voici les différences étapes de la mise en place d’une aide technique avec quelques éléments incontournables qui permettront l’usage escompté initialement.

Tout d’abord l’évaluation des besoins

79Elle doit se faire avec l’ensemble de l’équipe interdisciplinaire en charge de l’enfant. Tous les professionnels, à leur niveau, ont une connaissance des incapacités et capacités de l’enfant et donc de ses besoins en compensation.

80Le médecin (neuropédiatre, scolaire…) et le neuropsychologue, en posant le diagnostic du trouble de manière précise, peuvent orienter les prises en charge rééducatives et réadaptatives.

81Le professeur peut amener des éléments sur les répercussions des troubles en classe, sur ce qu’il attend de l’élève et sur le décalage avec la classe. L’orthophoniste apporte sa connaissance du trouble et ses conséquences fonctionnelles (vitesse de lecture, compréhension de lecture, niveau d’orthographe d’usage ou phonétique, les stratégies développées par l’adolescent et ses potentialités). La psychomotricienne peut elle aussi interpeller l’équipe sur les moyens de compensation à mettre en place pour soulager l’élève dans les tâches scolaires.

82Quant au psychologue, il peut évoquer le moment opportun pour mettre en place une aide technique au regard du vécu du jeune face à ses difficultés scolaires.

83L’ensemble de ces professionnels doit être sollicité dès qu’il s’agit de préconiser une aide technique à un élève avec TSA.

84Et l’ergothérapeute ? Comment procède-t-il pour mettre en place l’aide technique souvent préconisée en ESS ou par l’équipe interdisciplinaire des professionnels de santé ?

85L’évaluation en ergothérapie s’effectue à deux niveaux :

86De manière factorielle pour repérer les troubles persistants, leurs répercussions dans la scolarité et la vie quotidienne de l’élève, pour cerner les stratégies de compensation déjà mises en place par le jeune et celles à développer, pour proposer d’autres moyens de compensation.

87De manière systémique en tenant compte de l’environnement scolaire, familial qui soutiendront ou non la mise en place des aides techniques ou humaines.

88Selon la nouvelle classification de l’OMS, le trouble engendre une limitation d’activité qui elle-même entraîne une restriction de participation.

89Prenons l’exemple d’un élève présentant une dyspraxie visuo-spatiale.

90Le trouble se situe au niveau d’une difficulté à coordonner ses gestes dans l’espace, il en résulte une dysgraphie limitant les tâches d’écriture et ensuite une impossibilité de prendre en notes ses cours comme ses camarades.

91Pour analyser la limitation d’activité et la restriction de participation, l’évaluation des facteurs environnementaux et personnels nous paraît, en tant qu’ergothérapeute, indispensable. C’est pourquoi avant de mettre en place une aide technique, nous devons explorer ces différents facteurs.

92En rassemblant les remarques des autres professionnels qui gravitent autour de l’adolescent, l’ergothérapeute a déjà des réponses à ces questions, mais il doit surtout questionner l’élève et sa famille. L’ergothérapeute évalue ainsi l’intensité du trouble et son retentissement sur les apprentissages scolaires et l’état psychologique du jeune.

93De manière précise, il détermine sur quelles tâches scolaires, les répercussions sont les plus importantes. Il peut aussi évaluer si l’élève est fatigable et s’il a développé des stratégies de compensation ou s’il faut l’accompagner dans ce sens.

94Enfin, l’ergothérapeute évalue les capacités informatiques de l’adolescent, son intérêt pour l’ordinateur et s’il utilise déjà.

95Dans le cadre de l’analyse systémique, l’ergothérapeute mesure aussi l’investissement des professeurs et de la famille.

96Ces évaluations permettent de cibler l’intérêt de l’aide technique et définir les modalités d’utilisation pour qu’elle puisse compenser au mieux les difficultés d’un élève.

97Toutes ces questions détermineront la pertinence de l’aide technique au moment de l’évaluation. Mais cette dernière n’est pas figée et doit suivre les progrès de l’élève, le rythme et la charge de travail demandés par les professeurs.

La préconisation

98A cette phase, l’ergothérapeute a une idée précise des aides techniques et humaines à mettre en place, mais il faut qu’il collabore avec l’équipe enseignante et la famille pour cibler à quel moment il sera plus judicieux de mettre en place telle aide ou telle autre.

99Par exemple, en cours de français, lors de la prise de notes, l’élève ne peut pas utiliser l’ordinateur car sous la dictée il produit des écrits dactylographiés incomplets et inexploitables. Solution proposée : un résumé du cours est donné par le professeur ou une photocopie est faite à partir d’un cahier d’un camarade. En outre, lors des évaluations, le professeur donne plus de temps et l’autorise à rendre son devoir via une clé USB, il lui est donc possible d’utiliser l’informatique pour restituer ses connaissances.

100La mise en place de l’aide technique peut être établie de manière progressive pour laisser le jeune se l’approprier à bon escient. Il n’y a pas de règle dans l’introduction de l’ordinateur en classe, mais il faut rester vigilant car utiliser son ordinateur nécessite malgré tout des capacités de double tâche.

101Il faut donc cibler des tâches scolaires simples qui libéreront l’adolescent et éviter que l’ordinateur ne les complique encore plus !

102La préconisation dépend surtout de l’analyse systémique effectuée au préalable.

103Dans certains collèges, il est préférable de proposer des aides simples, utilisables par l’ensemble de la classe, qui ne stigmatisent pas l’adolescent. Puis, selon l’adhésion de l’élève et ses professeurs, introduire des aides informatiques plus complexes.

104Dans d’autres situations, où l’environnement familial n’est pas investi, il ne faudra peut-être pas inciter à une utilisation exclusive de l’informatique mais cibler certaines matières ou contenus.

L’accompagnement de l’élève

105La mise en place de l’aide technique ne peut se faire sans un accompagnement personnalisé de l’élève. Apprendre à se servir d’une aide peut prendre du temps.

106Il faut avant tout que l’élève comprenne le pourquoi de cette dernière si on veut obtenir son adhésion et sa motivation. Son désir de faire comme les autres, de ne pas être stigmatisé doit être entendu mais aussi contourné. Par exemple, pour les devoirs réalisés à la maison, le jeune pourra tolérer l’utilisation de l’ordinateur dès lors qu’il aura compris que cela le soulagera.

107L’accompagnement commencera quand l’élève aura accepté de l’aide et des aides.

108A ses côtés, il sera possible de lui faire prendre conscience de ses capacités et de lui apprendre à les utiliser.

109L’apprentissage de l’informatique comme outil de compensation et non comme outil pour communiquer ou jouer ne peut donc pas se mettre en place sans l’intérêt du jeune.

110Un questionnaire a été mis en place en juin 2008 par les ergothérapeutes du SESSAD Dysphasia pour se faire une idée de l’auto-évaluation du jeune sur l’ampleur de ses troubles du langage écrit et sa motivation à progresser. Une première partie concerne le jeune et sa dyslexie, une autre, le jeune et l’informatique et enfin une troisième propose une évaluation fonctionnelle des logiciels spécifiques des troubles des apprentissages.

111Pour que l’ordinateur soit une aide technique efficace, l’élève doit l’utiliser de manière autonome et rapide. L’apprentissage du clavier, de la frappe avec les deux mains, du système d’exploitation, d’un logiciel de traitement de texte et de numérisation est une étape indispensable pour qu’il s’approprie cette aide technique informatique et qu’il l’utilise à bon escient en classe ou à la maison.

112Ces apprentissages peuvent prendre du temps et leur durée varie selon les adolescents (intensité des troubles, motivation pour compenser les difficultés, intérêt pour l’informatique). Certains élèves sont très performants en informatique mais se retrouvent incapables de réaliser sur leur ordinateur ce que leur demande un professeur en situation de classe.

113L’objectif du suivi en ergothérapie est alors d’accompagner le jeune à transférer ses compétences en développant le partenariat avec les enseignants.

114La collaboration avec l’équipe pédagogique du collège est indispensable même si elle fait souvent défaut. La multiplicité des professeurs semble compliquer la mise en place du PPS. Les adaptations demandées lors d’un PPS semblent circuler difficilement auprès de l’ensemble des professeurs. Il est donc nécessaire de leur expliquer le pourquoi de telle difficulté et comment à leur niveau ils peuvent aider l’élève.

115L’élève avec TSA peut passer inaperçu car il compense beaucoup ou parce que ses difficultés ne sont pas suffisamment prises en compte.

116L’ergothérapeute peut cibler avec l’élève, matière par matière, les aménagements à mettre en place, mais souvent c’est à ce dernier ou ses parents de faire les démarches auprès des professeurs concernés.

117Comment promouvoir ces adaptations auprès des professeurs ?

118Au-delà de leurs faibles connaissances sur les TSA, certains professeurs semblent démunis, manquent de formation pour adapter leur pédagogie. Ils n’arrivent pas à mettre en place une pédagogie différenciée, surestiment parfois le temps à consacrer aux adaptations.

119L’utilisation plus fréquente de l’informatique pour la préparation de leurs cours semble faciliter la mise en place de certains aménagements.

120Il serait donc souhaitable que davantage de collaborations, d’échanges d’expériences puissent se faire entre professionnels de l’Education Nationale et professionnels de santé. Alors, les aides techniques seraient mieux intégrées et soulageraient l’élève dans sa scolarité.

121L’un des rôles des enseignants spécialisés qui sont en UPI est de promouvoir la pédagogie différenciée auprès de leurs collègues ; ainsi lorsqu’il y a une structure spécialisée au sein du collège, les adaptations pédagogiques peuvent se faire plus facilement (soit par le coordinateur UPI directement, soit par l’enseignant, et avec les conseils du coordinateur UPI).

122L’ergothérapeute a un rôle primordial de coordination entre ces différents partenaires que sont l’élève, les rééducateurs, les professeurs et la famille.

123Il doit veiller à ajuster les aides au fur et à mesure de l’année scolaire, à soutenir l’élève en quête d’autonomie et de moyens de compensation. Il est le garant de la bonne mise en place des aides préconisées auprès d’un élève avec TSA qui grandit et doit s’approprier ce plan d’aides personnalisées.

L’ergothérapeute est au centre du dispositif de mise en place des aides techniques pour les adolescents avec troubles des apprentissages

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L’ergothérapeute est au centre du dispositif de mise en place des aides techniques pour les adolescents avec troubles des apprentissages

Conclusion

124Les aides techniques sont de plus en plus nombreuses pour aider les adolescents avec TSA, mais le choix doit être rigoureux et s’appuyer sur une analyse précise des besoins du jeune et des répercussions des troubles dans sa scolarité.

125L’environnement de l’élève doit être pris en compte aussi bien au collège qu’à l’extérieur pour favoriser la mise en place des outils de compensation qui lui permettront de poursuivre la scolarité.

126Ces outils, même s’ils sont encore peu intégrés dans son quotidien au collège, deviendront au fil du temps plus présents pour favoriser sa réussite dans les études secondaires et supérieures et même dans sa future vie professionnelle.

127L’outil informatique n’est pas le seul outil, il reste complémentaire d’aménagements parfois plus simples à mettre en place.

128Il faut surtout éviter de créer avec ces différentes aides techniques des situations plus complexes qui risquent de mettre l’élève dans une position de dépendance à l’adulte.

129L’informatique devient désormais un apprentissage obligatoire dans la scolarité, et fait l’objet d’une évaluation de compétences par le B2I. Les élèves avec TSA qui l’auront intégré avant les autres, auront cette fois une longueur d’avance !

Bibliographie

Références


Mots-clés éditeurs : accompagnement, ergothérapie, compensation, analyse systémique des besoins, aides techniques

Mise en ligne 30/03/2013

https://doi.org/10.3917/devel.006.0043

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