« […] le génie de Être et Temps est ce même couillon qui écrit dans les Cahiers noirs que les Juifs se sont autodétruits, comme si Goebbels et d’autres n’y étaient pour rien… » L’affaire Heidegger réserve bien des surprises : non seulement l’auteur de l’un des chefs-d’œuvre de la philosophie du xxe siècle s’est révélé nazi, mais il serait également un imbécile ; par là, il incarnerait le mieux ce qui, aux yeux de Maurizio Ferraris, passe encore la stupidité des masses : « la bêtise d’élite », disposition « plus choisie, plus rare, plus documentée, en un mot plus imbécile ! » Ce cas illustre surtout, nous le verrons, la difficulté d’interpréter les journaux philosophiques de Heidegger, dont certains passages restent parfois redoutablement hermétiques, à l’instar de celui qui a inspiré notre spécialiste ès imbécillités : « Ce n’est que lorsque ce qui est essentiellement “juif” au sens métaphysique (das wesenhaft “Jüdische” im metaphysischen Sinne) combat ce qui est juif (das Jüdische) que le comble de l’anéantissement de soi (Selbstvernichtung) dans l’Histoire est atteint ; à condition que ce qui est “juif” se soit accaparé partout pleinement la domination, de sorte qu’également le combat contre “ce qui est juif” et lui d’abord parvienne en l’empire (Botmäßigkeit) de ce dernier. »
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La lecture de ces quelques lignes divergent nettement selon les interprètes. Donatella Di Cesare, à l’origine des propos de son compatriote Maurizio Ferraris, en conclut que « le nom de l’extermination est pour Heidegge…