Si certaines décennies de l’histoire des États-Unis ont longtemps eu mauvaise réputation, comme les années 1950 par exemple, pour ensuite être « redécouvertes » par les historiens et quelque peu réhabilitées, ce n’est pas le cas des années 1970 : période honnie sur le moment, elle reste encore aujourd’hui, dans la mémoire collective américaine, comme une tache indélébile dans l’histoire du xxe siècle. L’année 1979 symbolise tout particulièrement ce rejet, tant les difficultés et les humiliations frappèrent alors le pays dans une sorte d’avalanche sans fin. Tandis que Henry Luce, le patron de Time, avait, dans une formule restée célèbre, prédit que le xxe siècle serait le « siècle américain », les intellectuels et les journalistes écrivant en 1979 s’attardaient plutôt sur « l’âge des limites » dans lequel étaient supposément rentrés les États-Unis. Dans sa rétrospective des années 1970, le Time écrivit ainsi que « la décennie [avait] baigné dans l’angoisse glacée que les lumières étaient sur le point de s’éteindre et que la générosité matérielle insolente dont l’Histoire avait fait preuve envers les États-Unis était sur le point de s’arrêter ».
Le doute s’était installé jusqu’au plus haut sommet de l’État puisque le Président démocrate, Jimmy Carter, avait choisi, lors de l’ouverture des archives présidentielles de John Kennedy, le 20 octobre 1979, d’articuler son discours sur l’écart entre le dynamisme des années Kennedy, moins de vingt ans auparavant, et la noirceur de la fin des années 1970 : « Nous comprenons mieux ce que sont nos limites maintenant – les limites de l’État, les limites de l’utilisation de la force armée à l’étranger, les limites d’un environnement délicat et équilibré qu’il nous faut exploiter sans nou…