Le Débat. – Nous n’allons pas revenir sur l’élection présidentielle elle-même ; il en a déjà été beaucoup question dans nos pages. Ce sur quoi nous aimerions avoir votre opinion, c’est la France après un an de la présidence d’Emmanuel Macron : la vie politique, la société, l’état de l’opinion.Philippe Raynaud. – Macron est de tous les hommes politiques importants celui qui avait le mieux compris la nature de la crise politique française, qui concernait non pas la Ve République en tant que telle, mais plutôt le système partisan. Il a compris que, si l’on voulait sauver l’essentiel des compromis sur lesquels reposait la politique française depuis les années 1980, il fallait paradoxalement faire éclater les deux grands partis qui avaient gouverné par alternance depuis trente ans. À partir de 1983, pour simplifier, ces deux partis, le Parti socialiste et les divers avatars du rpr, sont en accord profond sur des questions essentielles tout en devant mettre en scène leur opposition dans le cadre d’un système majoritaire et ils sont confrontés à la montée d’un nouveau type de mécontentement qui est un mécontentement dans une situation centriste.
Le point de départ réside dans ce que Furet, Julliard et Rosanvallon avaient appelé la « République du centre », dans laquelle l’épuisement simultané du communisme et du gaullisme conduisait à un consensus minimal qui atténuait sans la supprimer l’opposition entre la gauche et la droite : les principaux partis voulaient à la fois de la nation et de l’Europe, une économie de marché contrebalancée par un État-providence puissant, et ils souhaitaient avec une ardeur inégale de nouveaux progrès « sociétaux » qui auraient permis de développer les libertés individuelles sans renoncer à la sécurité…